Language of document : ECLI:EU:C:2018:421

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

7 juin 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Absence de précisions suffisantes concernant le contexte factuel et réglementaire du litige au principal ainsi que les raisons justifiant la nécessité d’une réponse aux questions préjudicielles – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑241/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Commissione tributaria provinciale di Napoli (commission fiscale provinciale de Naples, Italie), par décision du 5 mars 2018, parvenue à la Cour le 5 avril 2018, dans la procédure

easyJet Airline Co. Ltd

contre

Regione Campania,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Rosas (rapporteur), Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4 et 5 ainsi que de l’annexe II de la directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mars 2002, relative à l’établissement de règles et procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté (JO 2002, L 85, p. 40).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant easyJet Airline Co. Ltd à la Regione Campania (région de Campanie, Italie) au sujet d’un avis de redressement fiscal relatif à l’impôt régional sur les nuisances sonores causées par les aéronefs lors du décollage et de l’atterrissage.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 4 de la directive 2002/30, intitulé « Règles générales relatives à la gestion du bruit des aéronefs », prévoit :

« 1.      Les États membres adoptent une approche équilibrée lorsqu’ils traitent des problèmes liés au bruit dans les aéroports situés sur leur territoire. Ils peuvent également envisager des incitations économiques comme mesure de gestion du bruit.

2.      Lorsqu’elles envisagent d’introduire des restrictions d’exploitation, les autorités compétentes prennent en considération les coûts et avantages que sont susceptibles d’engendrer les différentes mesures applicables, ainsi que les caractéristiques propres à chaque aéroport.

3.      Les mesures ou combinaisons de mesures prises en vertu de la présente directive ne sont pas plus restrictives que ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif environnemental défini pour un aéroport donné. Elles n’introduisent aucune discrimination en fonction de la nationalité ou de l’identité du transporteur aérien ou du fabricant d’aéronefs.

4.      Les restrictions d’exploitation basées sur les performances se fondent sur le bruit émis par l’aéronef, déterminé par la procédure de certification menée conformément à l’annexe 16, volume 1, troisième édition (juillet 1993) de la convention relative à l’aviation civile internationale. »

4        L’article 5 de cette directive, intitulé « Règles relatives à l’évaluation », dispose :

« 1.      Lorsqu’une décision relative aux restrictions d’exploitation est envisagée, il est tenu compte des informations visées à l’annexe II, dans la mesure où cela est approprié et possible, pour ce qui est des restrictions d’exploitation concernées et des caractéristiques de l’aéroport.

2.      Lorsque des projets aéroportuaires font l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement en application de la directive 85/337/CEE, l’évaluation effectuée conformément à cette directive est considérée comme satisfaisant aux dispositions du paragraphe 1, à condition que l’évaluation ait tenu compte, dans la mesure du possible, des informations visées à l’annexe II de la présente directive. »

5        La directive 2002/30 a été abrogée par le règlement (UE) n° 598/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relatif à l’établissement de règles et de procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de l’Union, dans le cadre d’une approche équilibrée, et abrogeant la directive 2002/30 (JO 2014, L 173, p. 65). Ce règlement est entré en vigueur le 13 juin 2016.

6        L’article 94 du règlement de procédure de la Cour dispose :

« Outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, la demande de décision préjudicielle contient :

a)      un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ;

b)      la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente ;

c)      l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. »

 Le droit italien

7        L’article 1er, paragraphes 169 à 174, de la legge della Regione Campania n. 5/2013 (loi de la région de Campanie n° 5/2013) prévoit et régit l’impôt régional sur les nuisances sonores causées par les aéronefs lors du décollage et de l’atterrissage.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

8        La Commissione tributaria provinciale di Napoli (commission fiscale provinciale de Naples, Italie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les articles 4 et 5 ainsi que l’annexe II de la directive 2002/30 s’opposent-ils à l’article 1er, paragraphes 169 à 174, de la loi de la région de Campanie n° 5/2013, en raison de l’absence, avant la fixation de l’impôt, d’un plan général concernant les mesures à adopter pour réduire les nuisances sonores causées par les aéronefs dans les aéroports et dans les zones limitrophes ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

9        En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande ou une requête est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

10      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

11      Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instaurée à l’article 267 TFUE, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En effet, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (ordonnance du 5 octobre 2017, OJ, C‑321/17, non publiée, EU:C:2017:741, point 12 et jurisprudence citée).

12      Ces exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, selon lequel toute demande de décision préjudicielle contient « un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées », « la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente », ainsi que « l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal ».

13      Lesdites exigences sont également reflétées dans les recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2016, C 439, p. 1).

14      À cet égard, il importe de souligner que les informations contenues dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (ordonnance du 5 octobre 2017, OJ, C‑321/17, non publiée, EU:C:2017:741, point 15 et jurisprudence citée).

15      En l’occurrence, force est de constater que la décision de renvoi ne répond manifestement pas aux exigences rappelées aux points 11 à 14 de la présente ordonnance.

16      En effet, la décision de renvoi se limite à poser la question reprise au point 8 de la présente ordonnance et à suspendre la procédure au principal, sans aucune autre indication. Elle ne précise ni le cadre factuel du litige au principal ni le cadre réglementaire de ce dernier.

17      De plus, la juridiction de renvoi se réfère, certes, dans sa question à l’article 1er, paragraphes 169 à 174, de la loi de la région de Campanie n° 5/2013 qui prévoit et régit l’impôt régional sur les nuisances sonores causées par les aéronefs lors du décollage et de l’atterrissage. Néanmoins, elle n’explique pas, dans sa décision, si et dans quelle mesure lesdites dispositions sont pertinentes dans le cas d’espèce.

18      Enfin, si la juridiction de renvoi sollicite l’interprétation de dispositions du droit de l’Union, elle n’expose aucunement les raisons pour lesquelles elle considère que cette interprétation lui semble nécessaire ou utile aux fins de la résolution de l’affaire au principal. Par ailleurs, le lien entre le droit de l’Union et la législation nationale applicable au litige au principal n’est pas expliqué.

19      Partant, la décision de renvoi ne permet pas à la Cour de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi afin de trancher le litige au principal ni ne donne aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

20      Il convient cependant de rappeler que la juridiction de renvoi conserve la faculté de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle lorsqu’elle sera en mesure de fournir à la Cour l’ensemble des éléments permettant à celle-ci de statuer (voir, en ce sens, ordonnance du 12 mai 2016, Security Service e.a., C‑692/15 à C‑694/15, EU:C:2016:344, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

21      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, la présente demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

22      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

La demande de décision préjudicielle introduite par la Commissione tributaria provinciale di Napoli (commission fiscale provinciale de Naples, Italie), par décision du 5 mars 2018, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.