Language of document : ECLI:EU:T:2019:308


ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 mai 2019 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran – Gel des fonds – Réparation du préjudice prétendument subi par la requérante à la suite de l’inclusion et du maintien de son nom dans la liste des personnes et entités auxquelles s’applique le gel des fonds et des ressources économiques en cause – Compétence du Tribunal – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑553/15,

Export Development Bank of Iran, établie à Téhéran (Iran), représentée par Me J.-M. Thouvenin, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. Piessevaux et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. A. Aresu et R. Tricot, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi du fait de l’adoption de mesures restrictives à son égard,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin (rapporteur) et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

2        La requérante, Export Development Bank of Iran, est une banque iranienne.

3        Le 26 juillet 2010, le nom de la requérante a été inscrit sur la liste des entités concourant à la prolifération nucléaire qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39).

4        Par voie de conséquence, le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe V du règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2007, L 103, p. 1), par le règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 423/2007 (JO 2010, L 195, p. 25). Cette inscription a eu pour conséquence le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante.

5        Dans la décision 2010/413, le Conseil de l’Union européenne a retenu les motifs suivants s’agissant de la requérante :

« [La requérante] a fourni des services financiers à des sociétés liées aux programmes iraniens de prolifération et a aidé des entités désignées par les Nations unies à contourner et à violer les sanctions dont elles faisaient l’objet. Elle fournit des services financiers à des entités placées sous le contrôle du Modafl [Ministry of defense and armed forces logistics] ainsi qu’aux sociétés écrans de ces entités, qui soutiennent les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. Elle a continué à effectuer des paiements pour la Bank Sepah, après sa désignation par les Nations unies, y compris des paiements liés aux programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. [La requérante] a effectué des transactions pour des entités iraniennes agissant dans le domaine de la défense et des missiles, un grand nombre de ces entités faisant l’objet de sanctions imposées par le [Conseil de sécurité des Nations unies]. [La requérante] a servi de principal intermédiaire dans le financement de la Bank Sepah (sanctionnée par le [Conseil de sécurité des Nations unies] depuis 2007), y compris pour les paiements liés aux [armes de destruction massive]. [La requérante] fournit des services financiers à diverses entités du Modafl et a facilité des activités d’achat en cours par des sociétés écrans liées à des entités du Modafl. »

6        La motivation suivante a été retenue à l’égard de la requérante dans le règlement d’exécution no 668/2010 :

« [La requérante] fournit des services financiers à des sociétés liées aux activités iraniennes présentant un risque de prolifération et aide des entités désignées par les Nations unies à contourner et à violer les sanctions dont elles font l’objet. Elle fournit des services financiers à des entités placées sous le contrôle du ministère de la Défense et du Soutien logistique aux forces armées ainsi qu’aux sociétés écrans de ces entités, qui soutiennent les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. Elle a continué à effectuer des paiements pour la banque Sepah, après la désignation de celle-ci par les Nations unies, y compris des paiements liés aux programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. [La requérante] a effectué des transactions pour des entités iraniennes agissant dans le domaine de la défense et des missiles, un grand nombre de ces entités faisant l’objet de sanctions imposées par le [Conseil de sécurité des Nations unies]. [La requérante] a été le principal intermédiaire dans les opérations financières de la banque Sepah (qui fait l’objet de sanctions du [Conseil de sécurité des Nations unies] depuis 2007), y compris pour des paiements liés aux [armes de destruction massive]. [La requérante] fournit des services financiers à diverses entités du ministère de la Défense et du Soutien logistique aux forces armées et a facilité des activités d’achat par des sociétés écrans liées à des entités du ministère de la Défense et du Soutien logistique aux forces armées. »

7        Le règlement no 423/2007 ayant été abrogé par le règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2010, L 281, p. 1), le nom de la requérante a été inscrit par le Conseil sur la liste figurant à l’annexe VIII de ce dernier règlement. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante ont été gelés en vertu de l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement.

8        Les motifs retenus dans le règlement no 961/2010 étaient les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/413.

9        L’inscription du nom de la requérante sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement no 961/2010 n’a pas été affectée par l’entrée en vigueur de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO 2011, L 319, p. 71), et du règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO 2011, L 319, p. 11).

10      Le règlement no 961/2010 ayant été abrogé par le règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2012, L 88, p. 1), le nom de la requérante a été inscrit par le Conseil sur la liste figurant à l’annexe IX de ce dernier règlement. Les motifs retenus étaient les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/413. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante ont été gelés en vertu de l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement.

11      L’inscription du nom de la requérante sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et sur la liste figurant à l’annexe IX du règlement no 267/2012 n’a pas été affectée par l’entrée en vigueur de la décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO 2012, L 356, p. 71), et du règlement (UE) no 1263/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant le règlement no 267/2012 (JO 2012, L 356, p. 34).

12      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 7 janvier 2011, la requérante a introduit deux recours enregistrés respectivement sous les numéros T‑4/11 et T‑5/11, tendant, notamment, à l’annulation de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO 2010, L 281, p. 81), et du règlement no 961/2010, pour autant qu’ils la concernaient. La requérante a ensuite adapté ses conclusions, afin de demander l’annulation de la décision 2011/783, du règlement d’exécution no 1245/2011 et du règlement no 267/2012, pour autant que ces actes la concernaient.

13      Le Tribunal a, dans l’arrêt du 6 septembre 2013, Export Development Bank of Iran/Conseil (T‑4/11 et T‑5/11, non publié, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2013:400), réparti les motifs d’inscription du nom de la requérante de la manière suivante :

–        la requérante a fourni des services financiers à des sociétés liées aux programmes iraniens de prolifération nucléaire et aidé des entités désignées par les Nations unies à contourner et à violer les sanctions dont elles faisaient l’objet (ci-après le « premier motif ») ;

–        la requérante fournit des services financiers à des entités placées sous le contrôle du Ministry of Defense and Armed Forces Logistics (Modafl, ministère de la Défense et de la Logistique des forces armées) ainsi qu’aux sociétés écrans de ces entités, qui soutiennent les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran (ci-après le « deuxième motif ») ;

–        la requérante a continué à effectuer des paiements pour la Bank Sepah, après sa désignation par les Nations unies, y compris des paiements liés aux programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran (ci-après le « troisième motif ») ;

–        la requérante a effectué des transactions pour des entités iraniennes agissant dans le domaine de la défense et des missiles, un grand nombre de ces entités faisant l’objet de sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « quatrième motif ») ;

–        la requérante a servi de principal intermédiaire dans le financement de la Bank Sepah (sanctionnée par le Conseil de sécurité des Nations unies depuis 2007), y compris pour les paiements liés aux armes de destruction massive (ci-après le « cinquième motif ») ;

–        la requérante fournit des services financiers à diverses entités du Modafl et a facilité des activités d’achat en cours par des sociétés écrans liées à des entités du Modafl (ci-après le « sixième motif ») ;

–        plusieurs comptes ouverts au nom de la requérante servent à rétribuer les fournisseurs d’organismes impliqués dans les programmes iraniens de prolifération (ci-après le « septième motif ») ;

–        la requérante se substitue aux banques iraniennes (Bank Melli Iran et Bank Sepah) dont les actifs sont gelés, altérant ainsi l’effet des sanctions (ci-après le « huitième motif »).

14      Au point 103 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal a constaté une violation de l’obligation de motivation en ce qui concernait les premier, deuxième, quatrième, sixième et septième motifs ainsi que le huitième motif s’agissant de la substitution de la requérante à la Bank Melli Iran. Néanmoins, il a précisé que cette circonstance ne justifiait pas, à elle seule, l’annulation des actes attaqués en ce qu’ils concernaient la requérante, dès lors que les troisième et cinquième motifs, ainsi que le huitième motif pour autant qu’il concernait la substitution de la requérante à la Bank Sepah, étaient indépendants des autres motifs invoqués et, pris ensemble, présentaient un caractère suffisamment précis.

15      Aux points 120 à 125 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal a accueilli la première branche du troisième moyen soulevé par la requérante, en ce qu’elle était tirée d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la requérante. En effet, le Tribunal a considéré que le Conseil n’avait produit aucun élément de preuve ou d’information étayant les troisième, cinquième et huitième motifs (en ce qui concernait la Bank Sepah).

16      En conséquence, le Tribunal a annulé, en substance, l’inscription du nom de la requérante sur les listes figurant, premièrement, à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, puis par la décision 2011/783, deuxièmement, à l’annexe VIII du règlement no 961/2010, telle que modifiée par le règlement d’exécution no 1245/2011, troisièmement, à l’annexe IX du règlement no 267/2012 (ci-après les « actes en cause »).

17      Dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal a également décidé que les effets de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, puis par la décision 2011/783, à l’égard de la requérante étaient maintenus jusqu’à la prise d’effet de l’annulation de l’annexe IX du règlement no 267/2012, pour autant que celle-ci concernait la requérante.

18      À la suite de l’arrêt d’annulation, par la décision 2013/661/PESC du Conseil, du 15 novembre 2013, modifiant la décision 2010/413 (JO 2013, L 306, p. 18), le nom de la requérante a été réinscrit sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413.

19      Par voie de conséquence, par le règlement d’exécution (UE) no 1154/2013 du Conseil, du 15 novembre 2013, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2013, L 306, p. 3), le nom de la requérante a été réinscrit sur la liste figurant à l’annexe IX du règlement no 267/2012. La motivation suivante a été retenue en ce qui la concerne :

« Entreprise d’État fournissant un soutien financier au gouvernement iranien. »

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 février 2014, la requérante a introduit un recours visant, notamment, à l’annulation de la décision 2013/661 et du règlement d’exécution no 1154/2013, pour autant que ces actes la concernaient. Par arrêt du 30 novembre 2016, Export Development Bank of Iran/Conseil (T‑89/14, non publié, EU:T:2016:693), le Tribunal a rejeté le recours. Ce dernier arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2015, la requérante a introduit le présent recours.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 janvier 2016, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Par décision du 3 février 2016, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention. La Commission a déposé son mémoire en intervention et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

23      Par décision du président de la première chambre du Tribunal du 7 octobre 2016, la procédure a été, conformément à l’article 69, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, suspendue jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑45/15 P, Safa Nicu Sepahan/Conseil.

24      Par arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), la Cour a rejeté les pourvois formés par Safa Nicu Sepahan Co. et par le Conseil.

25      Par mesure d’organisation de la procédure en date du 25 septembre 2017, les parties ont été invitées à indiquer au Tribunal les conséquences qu’elles tiraient, pour la présente affaire, de l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402). Le Conseil a répondu à la question le 10 octobre 2017, la Commission et la requérante y ont répondu le 11 octobre 2017.

26      Par décision du président du Tribunal du 11 juin 2018, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la deuxième chambre.

27      Le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

28      Par mesure d’organisation de la procédure en date du 14 décembre 2018, la requérante a été invitée à présenter ses observations sur l’argument du Conseil, figurant au point 4 de la duplique, selon lequel le Tribunal ne serait pas compétent pour connaître du présent recours en indemnité à l’égard des décisions 2010/413, 2010/644 et 2011/783.

29      Les réponses aux questions de la requérante sont parvenues au greffe du Tribunal le 9 janvier 2019.

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner l’Union européenne à réparer les préjudices matériels résultant de l’adoption et du maintien des mesures restrictives la concernant qui ont été annulées par l’arrêt d’annulation, en lui versant la somme de 56 470 860 dollars des États-Unis (USD) tel que demandé dans la requête et porté à 67 106 303 USD dans la réplique, outre les intérêts légaux et toute autre somme qui serait justifiée ;

–        condamner l’Union à réparer les préjudices moraux résultant de l’adoption et du maintien des mesures restrictives la concernant qui ont été annulées par l’arrêt d’annulation, en lui versant la somme de 74 132 366 USD tel que demandé dans le mémoire en rectification de la requête et dans la réplique, outre les intérêts légaux et toute autre somme qui serait justifiée ;

–        à titre subsidiaire, considérer tout ou partie des sommes réclamées au titre du préjudice moral comme relevant du préjudice matériel ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

31      Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal

32      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le Conseil fait valoir dans la duplique que le Tribunal n’est pas compétent pour statuer sur un recours en indemnité à l’égard des décisions 2010/413, 2010/644 et 2011/783, adoptées dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

33      Par le présent recours, la requérante soutient que l’adoption par le Conseil des mesures restrictives à son égard, qui ont été déclarées illégales par le Tribunal dans l’arrêt d’annulation, constitue une illégalité de nature à engager la responsabilité de l’Union.

34      Il convient de relever que la requérante ne fait pas la distinction entre, d’une part, la responsabilité de l’Union qui découlerait de l’adoption des décisions 2010/413, 2010/644 et 2011/783 dans le cadre de la PESC et, d’autre part, celle qui découlerait de l’adoption des règlements nos 961/2010 et 267/2012 ainsi que du règlement d’exécution no 1245/2011.

35      Il importe de rappeler que, aux termes de l’article 129 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent, selon la jurisprudence, la compétence du juge de l’Union pour connaître du recours et les questions portant sur la recevabilité du recours. Toutefois, le juge de l’Union ne peut, en principe, fonder sa décision sur un moyen de droit ou sur une fin de non-recevoir, fussent-ils d’ordre public, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations (voir arrêt du 18 février 2016, Jannatian/Conseil, T‑328/14, non publié, EU:T:2016:86, point 28 et jurisprudence citée).

36      Partant, en l’espèce, bien que le Conseil ait soulevé tardivement l’incompétence du Tribunal, ce dernier peut néanmoins examiner s’il est compétent pour connaître de cette demande, la requérante ayant pu présenter ses observations à cet égard par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure.

37      À cet égard, il résulte de l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, sixième phrase, TUE et de l’article 275, premier alinéa, TFUE que le juge de l’Union n’est, en principe, pas compétent en ce qui concerne les dispositions de droit primaire relatives à la PESC ni en ce qui concerne les actes juridiques pris sur la base de celles-ci. Ce n’est qu’à titre exceptionnel que, conformément à l’article 275, second alinéa, TFUE, le juge de l’Union est compétent dans le domaine de la PESC. Cette compétence comprend, d’une part, le contrôle du respect de l’article 40 TUE et, d’autre part, les recours en annulation formés par des particuliers, dans les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, contre des mesures restrictives adoptées par le Conseil dans le cadre de la PESC. En revanche, l’article 275, second alinéa, TFUE n’attribue au juge de l’Union aucune compétence pour connaître d’un quelconque recours en indemnité. Il s’ensuit qu’un recours en indemnité tendant à la réparation du préjudice prétendument subi du fait de l’adoption d’un acte en matière de PESC échappe à la compétence du Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 18 février 2016, Jannatian/Conseil, T‑328/14, non publié, EU:T:2016:86, points 30 à 33).

38      En revanche, le Tribunal est compétent pour connaître d’une demande en réparation d’un préjudice prétendument subi par une personne ou une entité, en raison de mesures restrictives adoptées à son égard, conformément à l’article 215 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, points 232 à 251, et du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, points 45 à 149).

39      Par conséquent, il y a lieu de conclure que le Tribunal n’est pas compétent pour connaître de la demande en réparation de la requérante pour autant que cette demande vise à obtenir réparation du préjudice prétendument subi du fait des mesures restrictives prévues par les décisions 2010/413, 2010/644 et 2011/783. Il y a donc lieu de considérer que le Tribunal n’est compétent pour statuer sur le présent recours qu’en tant qu’il vise à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union en raison des règlements nos 961/2010 et 267/2012 ainsi que du règlement d’exécution no 1245/2011.

 Sur le fond

40      Par le présent recours, la requérante demande réparation des préjudices matériel et moral qu’elle aurait prétendument subis du fait de l’inscription de son nom sur les listes des personnes visées par des mesures restrictives depuis le 26 juillet 2010 et jusqu’au 15 novembre 2013, date à laquelle l’arrêt d’annulation annulant cette inscription a été revêtu de l’autorité de la chose jugée.

41      Selon une jurisprudence constante, le bien-fondé d’un recours en indemnité introduit au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (voir arrêt du 18 septembre 2014, Georgias e.a./Conseil et Commission, T‑168/12, EU:T:2014:781, point 24 et jurisprudence citée).

42      Selon une jurisprudence bien établie, la constatation de l’illégalité d’un acte juridique ne suffit pas, pour regrettable qu’elle soit, pour considérer que la condition d’engagement de la responsabilité de l’Union tenant à l’illégalité du comportement reproché aux institutions est remplie. Pour admettre qu’il est satisfait à la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union relative à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, points 31 et 33 et jurisprudence citée ; arrêts du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 50, et du 18 février 2016, Jannatian/Conseil, T‑328/14, non publié, EU:T:2016:86, point 42).

43      La requérante soutient, en substance, que les violations constatées par le Tribunal dans l’arrêt d’annulation constituent des violations suffisamment caractérisées de règles de droit conférant des droits aux particuliers, susceptibles d’engager la responsabilité de l’Union.

44      S’agissant de l’illégalité du comportement reproché au Conseil, la requérante fait valoir que le comportement à l’origine des préjudices allégués consiste dans l’adoption et le maintien en vigueur des mesures restrictives prises à son égard à compter du 26 juillet 2010, date d’inscription de son nom sur la liste figurant en annexe de la décision 2010/413, jusqu’à la date de prise d’effet de leur annulation prévue par l’arrêt d’annulation, soit le 15 novembre 2013.

45      Selon la requérante, les illégalités constatées par le Tribunal dans l’arrêt d’annulation sont de nature à engager la responsabilité de l’Union. En effet, elle fait valoir que les mesures restrictives la concernant ont été jugées illégales par le Tribunal, parce qu’elles violent, dans le cadre d’une application sans aucune justification, les règlements correspondant à la décision 2010/413, qui confèrent des droits aux particuliers. Elle ajoute que l’illégalité constatée par le Tribunal dans cet arrêt est également due à la violation par le Conseil de ses droits de la défense, de l’obligation de motivation et de son droit à une protection juridictionnelle effective ainsi que de l’obligation d’étayer les faits invoqués au soutien des motifs d’inscription par des informations ou des éléments de preuve, qui sont également des règles de droit qui confèrent des droits aux particuliers.

46      La requérante estime que la violation en cause constitue une violation suffisamment caractérisée, dans la mesure où le Conseil aurait violé une obligation pour laquelle il ne disposait pas de marge d’appréciation. Le Conseil n’aurait pu agir qu’en application des critères posés par la décision 2010/413 et les règlements correspondants. Or, le Tribunal aurait jugé, dans l’arrêt d’annulation, que l’illégalité viciant les actes du Conseil résultait, d’une part, de la violation de l’obligation de motivation qui serait une violation claire des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective et, d’autre part, du fait que le Conseil ne disposait pas d’informations ou d’éléments de preuve établissant le bien-fondé des mesures restrictives visant la requérante. En outre, l’obligation de motivation et le fait de devoir être en mesure de fournir des informations ou des éléments de preuve établissant le bien-fondé des mesures restrictives visant la requérante seraient des règles claires et précises qui ne seraient pas complexes ou difficiles à appliquer.

47      Par ailleurs, selon la requérante, la situation en l’espèce serait identique à celle dans l’affaire ayant donné lieu aux arrêts du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), et du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986).

48      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante. Il soutient qu’il disposait d’une marge d’appréciation quant à l’obligation de motivation. Il estime également qu’il disposait d’une marge d’appréciation en ce qui concernait son obligation d’étayer les motifs d’inscription du nom de la requérante par des informations ou des éléments de preuve. En effet, le Conseil ne conteste pas qu’il est soumis à l’obligation d’établir le bien-fondé des faits qu’il a invoqués. Toutefois, il fait valoir qu’il dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne la manière de remplir cette obligation. Il avance également que, au moment de l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses, il n’était pas encore établi que le contrôle de légalité qui doit être exercé en l’espèce n’était pas limité à la vérification de la « vraisemblance » abstraite des motifs invoqués, mais devait inclure la question de savoir si ces derniers étaient étayés, à suffisance de droit, par des éléments de preuve et d’information concrets. En outre, il n’aurait pas encore été établi par la jurisprudence qu’une proposition d’un État membre d’inscrire une personne ou une entité sur les listes ne constituait pas un élément de preuve suffisant. Le Conseil estime également que la présente affaire se distingue de l’affaire C‑45/15 P, dans laquelle il était reproché au Conseil de n’avoir apporté aucun élément de preuve, alors que, dans la présente affaire, trois États membres ont fourni des propositions, ce qui constituerait un faisceau d’indices.

49      Le Conseil soutient également qu’il se heurtait à une difficulté certaine liée au fait que les sources des informations qui servaient à fonder ses décisions de désignation étaient confidentielles en l’espèce.

50      S’agissant, en premier lieu, de la violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de rappeler que cette obligation, consacrée par l’article 296 TFUE, n’est pas, en tant que telle, de nature à engager la responsabilité de l’Union (voir arrêts du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, point 238 et jurisprudence citée, et du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission, T‑48/05, EU:T:2008:257, point 243 et jurisprudence citée).

51      S’agissant, en deuxième lieu, de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, il convient de rappeler que, même si le Tribunal a accueilli le grief tiré d’une violation de ces droits aux points 108 et 113 de l’arrêt d’annulation, cela n’a pas concouru à l’annulation des actes en cause. En effet, le Tribunal a rattaché la violation de ces droits à son constat d’une violation de l’obligation de motivation en rappelant le caractère excessivement vague des premier, deuxième, quatrième, sixième et septième motifs et du huitième motif, pour autant qu’il concernait la substitution de la requérante à la Bank Melli Iran. Il y a également lieu de constater que ce grief n’est pas de nature à établir, en lui-même, l’existence d’une violation suffisamment caractérisée des droits de la défense de la requérante, dans la mesure où il ressort notamment des points 13 à 15, 18 et 19 de l’arrêt d’annulation que la requérante a présenté à plusieurs reprises ses observations au Conseil concernant l’inscription de son nom sur les listes des personnes visées par des mesures restrictives et que le Conseil lui a répondu en lui communiquant certains documents. En outre, il y a lieu de relever que la requérante ne soulève aucun autre argument de nature à établir une telle violation, mais se contente uniquement de renvoyer à l’arrêt d’annulation.

52      S’agissant, en troisième lieu, de la violation de l’obligation d’étayer les motifs d’inscription du nom de la requérante par des informations ou des éléments de preuve, il convient de rappeler qu’il découle d’une jurisprudence constante que la preuve d’une illégalité suffisamment caractérisée vise à éviter, notamment dans le domaine des mesures restrictives, que la mission que l’institution concernée est appelée à accomplir dans l’intérêt général de l’Union et de ses États membres ne soit entravée par le risque que cette institution soit finalement appelée à supporter les dommages que les personnes concernées par ses actes pourraient éventuellement subir, sans pour autant laisser peser sur ces particuliers les conséquences, patrimoniales ou morales, de manquements que l’institution concernée aurait commis de façon flagrante et inexcusable (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, EU:T:2007:212, point 125 ; du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 34, et du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 51).

53      En effet, selon la jurisprudence, l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément aux finalités de l’action extérieure de l’Union énoncées à l’article 21 TUE, est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, découlant, pour certains opérateurs économiques, des décisions de mise en œuvre des actes adoptés par l’Union en vue de la réalisation de cet objectif fondamental (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 150 et jurisprudence citée).

54      Ainsi, dans l’appréciation du comportement de l’institution concernée, le Tribunal, saisi d’un recours en indemnité introduit par un opérateur économique, est également tenu, eu égard notamment aux dispositions de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, de prendre en compte cet objectif fondamental de la PESC, sauf lorsque cet opérateur est en mesure d’établir que le Conseil a manqué à ses obligations impératives de façon flagrante et inexcusable ou a porté atteinte, de la même façon, à un droit fondamental reconnu par l’Union (arrêt du 13 décembre 2017, HTTS/Conseil, T‑692/15, sous pourvoi, EU:T:2017:890, point 46).

55      L’annulation éventuelle d’un ou de plusieurs actes du Conseil se trouvant à l’origine des préjudices invoqués par une partie requérante, même lorsqu’une telle annulation serait décidée par un arrêt du Tribunal prononcé avant l’introduction du recours indemnitaire, ne constitue pas la preuve irréfragable d’une violation suffisamment caractérisée de la part de cette institution, permettant de constater, ipso jure, la responsabilité de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, HTTS/Conseil, T‑692/15, sous pourvoi, EU:T:2017:890, point 48).

56      Le critère décisif, qui permet de considérer que l’exigence de ne pas laisser peser sur ces particuliers les conséquences de manquements que l’institution concernée aurait commis de façon flagrante et inexcusable est respectée, est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Ce qui est donc déterminant pour établir l’existence d’une telle violation est la marge d’appréciation dont disposait l’institution en cause. Il découle ainsi des critères jurisprudentiels que, lorsque l’institution concernée ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 35 et jurisprudence citée).

57      Toutefois, cette jurisprudence n’établit aucun lien automatique entre, d’une part, l’absence de pouvoir d’appréciation de l’institution concernée et, d’autre part, la qualification de violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union de l’infraction. En effet, bien qu’elle présente un caractère déterminant, l’étendue du pouvoir d’appréciation de l’institution concernée ne constitue pas un critère exclusif. À cet égard, la Cour a rappelé, de manière constante, que le régime qu’elle avait dégagé au titre de l’article 288, deuxième alinéa, CE (devenu article 340, deuxième alinéa, TFUE) prenait, en outre, notamment en compte la complexité des situations à régler et les difficultés d’application ou d’interprétation des textes (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, points 36 et 37 et jurisprudence citée).

58      Il s’ensuit que seule la constatation d’une irrégularité que n’aurait pas commise, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente permet d’engager la responsabilité de l’Union (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 39 et jurisprudence citée).

59      Il convient, à la lumière de ce qui précède, de vérifier si le non-respect, par le Conseil, de l’obligation de recueillir les informations ou les éléments de preuve justifiant les mesures restrictives visant la requérante, afin de pouvoir établir, en cas de contestation, le bien-fondé de ces mesures par la production desdites informations ou desdits éléments de preuve devant le juge de l’Union, constituait, dans les circonstances de l’espèce, une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 32).

60      En l’espèce, il doit être rappelé que le Conseil a adopté les actes en cause afin que la République islamique d’Iran mette fin à la prolifération nucléaire.

61      Premièrement, il convient de considérer que c’est dans le cadre de cet objectif que le Conseil avait déjà adopté des mesures à l’encontre de la Bank Melli Iran et de la Bank Sepah puis à l’encontre de la requérante, notamment au motif des relations qu’elle avait entretenues avec ces banques (voir point 13 ci-dessus). À l’instar de la requérante, ces deux banques sont des banques nationales détenues par l’État iranien et ayant leur siège à Téhéran (Iran). Il ressort de l’arrêt d’annulation que la requérante avait engagé des transactions avec la Bank Sepah jusqu’à ce qu’elle fût désignée par les listes de sanctions des Nations unies en 2007.

62      Deuxièmement, il est pertinent de relever que le Conseil disposait dans la présente affaire de propositions d’inscription émanant de trois États membres différents et que ces propositions contenaient des informations détaillées quant aux motifs d’inscription du nom de la requérante.

63      Troisièmement, il y a lieu de relever que, en l’espèce, il s’agissait de régler une situation plus complexe que celle existant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402). En effet, la requérante dans cette affaire était une entreprise privée ayant fait l’objet de mesures restrictives au motif qu’elle avait fourni du matériel pour le site de Fordow (Qom, Iran) à la suite de la proposition d’inscription venant d’un seul État membre. Il s’agissait donc d’un secteur bien précis et d’agissements bien définis. En revanche, en l’espèce, la requérante ainsi que la Bank Melli Iran et la Bank Sepah fournissaient des services financiers qui avaient une nature immatérielle ou étaient parfois difficilement observables et qui, de ce fait, pouvaient poursuivre une multitude d’objectifs et intervenir au soutien de tout type de secteur.

64      Il s’ensuit que le Conseil pouvait, eu égard à la nature du secteur concerné, aux propositions de trois États membres et aux liens étroits entre les banques en question et la requérante, raisonnablement estimer qu’il disposait de suffisamment d’informations.

65      Ainsi, même si le Conseil était tenu, conformément à l’arrêt d’annulation et au point 40 de l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), d’établir le bien-fondé des faits invoqués à l’encontre de la requérante, il ne peut pas, au vu des circonstances en l’espèce, lui être reproché d’avoir commis une violation suffisamment caractérisée. En effet, l’irrégularité commise par le Conseil en l’espèce aurait pu être commise dans des circonstances analogues par une administration normalement prudente et diligente.

66      Il convient par ailleurs de rappeler, à titre surabondant et en tout état de cause, que des mesures restrictives ont été maintenues ultérieurement à l’égard de la requérante en raison de ses liens avec l’État iranien. En effet, ces nouvelles mesures ont été adoptées au motif qu’elle était une « [e]ntreprise d’État fournissant un soutien financier au gouvernement iranien ». Le Tribunal a, dans l’arrêt du 30 novembre 2016, Export Development Bank of Iran/Conseil (T‑89/14, non publié, EU:T:2016:693) (voir points 18 à 20 ci-dessus), jugé que ces mesures étaient légales. Il a notamment constaté que s’appliquait à la requérante une circulaire nationale selon laquelle toutes les entreprises publiques iraniennes étaient tenues de verser au Trésor public iranien au moins 40 % de leurs bénéfices, en sus de l’impôt sur les revenus, en vertu du transfert obligatoire. Cela démontre qu’il existait une multitude d’informations permettant au Conseil de raisonnablement estimer qu’il avait suffisamment d’informations pour étayer les faits invoqués contre la requérante au moment de l’adoption des actes en cause et qu’il aurait pu inscrire son nom en adoptant des critères d’inscription moins précis et en appliquant des motifs encore moins précis que ce qui était le cas en l’espèce.

67      Partant, aucune des violations constatées dans l’arrêt d’annulation ne constitue une violation suffisamment caractérisée qui serait de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

68      Le recours doit dès lors être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

70      En outre, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

71      En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier. La Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Export Development Bank of Iran supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.


3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mai 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Prek



*      Langue de procédure : le français.