Language of document : ECLI:EU:F:2013:40

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

21 mars 2013 (*)

« Fonction publique – Concours général – Décision du jury de concours de non-admission aux épreuves d’évaluation – Voies de recours – Recours juridictionnel introduit sans attendre la décision sur la réclamation – Recevabilité – Modification de l’avis de concours après la tenue des tests d’accès – Principe de protection de la confiance légitime – Sécurité juridique »

Dans l’affaire F‑93/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Jamal Taghani, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Rodrigues et A. Blot, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol, président, Mme I. Boruta et M. K. Bradley (rapporteur), juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 23 septembre 2011, M. Taghani a introduit le présent recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du jury du concours général EPSO/AST/111/10 de ne pas l’admettre à participer aux épreuves d’évaluation et, d’autre part, à la condamnation de la Commission européenne à réparer le préjudice qu’il aurait subi du fait de cette décision.

 Cadre juridique

2        L’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») est formulé ainsi :

« Toute personne visée au présent statut peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu’elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut. La réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois. […] »

3        L’article 91, paragraphes 2 et 3, du statut dispose :

« 2.      Un recours à la Cour de justice de l’Union européenne n’est recevable que :

–        si l’autorité investie du pouvoir de nomination a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, et dans le délai y prévu, et

–        si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet.

3.      Le recours visé au paragraphe 2 doit être formé dans un délai de trois mois. Ce délai court :

–        du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation ;

[…] »

4        L’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe III du statut est rédigé ainsi :

« L’avis de concours est arrêté par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après consultation de la commission paritaire.

Il doit spécifier :

[…]

e)      [d]ans le cas de concours sur épreuves, la nature des examens et leur cotation respective ;

[…] »

5        Le 17 novembre 2010, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EPSO/AST/111/10 pour la constitution d’une réserve de recrutement d’assistants de grade AST 1 dans le domaine du secrétariat (JO C 312 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »). La date limite d’inscription était fixée au 16 décembre 2010.

6        L’avis de concours prévoyait, à son titre IV, des tests d’accès et, à son titre V, des épreuves d’évaluation. Les tests d’accès, au nombre de six, visaient à évaluer, par des questions à choix multiple, les aptitudes et les compétences générales des candidats en matière de raisonnement verbal [test a)], raisonnement numérique [test b)], raisonnement abstrait [test c)], et dans le domaine du secrétariat [test f)]. En outre, deux tests concernaient les capacités professionnelles des candidats et visaient à apprécier respectivement l’exactitude et la précision [test d)] et la hiérarchisation des priorités et l’organisation [test e)].

7        Selon le titre IV de l’avis de concours, les tests a), d), e) et f) étaient notés chacun de 0 à 20 points, avec un minimum requis de 10 points. Les tests b) et c) étaient notés de 0 à 10 points chacun, avec un minimum requis de 10 points pour l’ensemble des deux tests.

8        Le titre V, point 1, de l’avis de concours indiquait que seraient admis à participer aux épreuves d’évaluation les candidats ayant non seulement obtenu l’une des meilleures notes et le minimum requis aux tests d’accès, mais remplissant également, au vu de leurs déclarations lors de l’inscription électronique, les conditions d’admission générales et spécifiques figurant au titre III de l’avis de concours.

9        La même disposition précisait que l’admission à participer aux épreuves d’évaluation serait confirmée sous réserve de vérification ultérieure des pièces justificatives jointes au dossier de chaque candidat. En outre, une note de bas de page, à laquelle renvoyait le point 1 du titre V de l’avis de concours, précisait que le nombre de candidats admis à participer aux épreuves d’évaluation serait approximativement de 2,5 fois le nombre de lauréats indiqué dans l’avis de concours. Pour les candidats ayant choisi comme langue le français, le tableau figurant au titre I, point 1, de l’avis de concours prévoyait un nombre de 86 lauréats.

10      Dans l’avis de concours figurait également, encadrée et en caractères gras, la mention liminaire suivante :

« Avant de postuler, vous devez lire attentivement le guide [applicable aux concours généraux] publié au Journal officiel […] C 184 A du 8 juillet 2010 ainsi que sur le site internet d[e l]’EPSO.

Ce guide, qui fait partie intégrante de l’avis de concours, vous aidera à comprendre les règles afférentes aux procédures et les modalités d’inscription. »

11      Le guide applicable aux concours généraux, dans la version en vigueur au moment des faits, établit à son point 6.3, intitulé « Voies de recours » :

« À tous les stades de la procédure de concours, si vous estimez qu[e l]’EPSO ou le jury n’ont pas agi de manière équitable ou n’ont pas respecté :

–        les dispositions régissant la procédure de concours, ou

–        les dispositions de l’avis de concours,

et que cela vous porte préjudice, vous pouvez recourir aux moyens suivants :

–        introduire une réclamation administrative sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du statut […],

[…]

–        introduire un recours juridictionnel sur la base de l’article 270 [TFUE] et de l’article 91 du statut […] auprès du :

Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne

[…]

Pour ces deux types de procédures, les délais d’ordre public prévus [par le statut] commencent à courir à compter de la notification de l’acte faisant grief. »

12      Le 3 mars 2011, l’EPSO a publié un rectificatif à l’avis de concours (JO C 68 A, p. 2, ci-après le « rectificatif »). Ce rectificatif, qui visait la notation des tests d) et e), était ainsi rédigé :

« Page 3, au titre IV, point 2 :

au lieu de :

‘Test d)

capacités professionnelles :

exactitude et précision

Notation : 0 à 20 points

minimum requis : 10 points

Test e)

capacités professionnelles :

hiérarchisation des priorités et organisation

Notation : 0 à 20 points

minimum requis : 10 points’

lire :

‘Test d)

capacités professionnelles :

exactitude et précision

Notation : 0 à 20 points

Test e)

capacités professionnelles :

hiérarchisation des priorités et organisation

Notation : 0 à 20 points

 

Le minimum requis est de 20 points pour l’ensemble des tests d) et e)’

 »

 Faits à l’origine du litige

13      Le requérant s’est porté candidat au concours EPSO/AST/111/10 en choisissant comme langue principale le français et a passé les tests d’accès le 14 février 2011. La date de clôture des tests d’accès était fixée au 15 février 2011.

14      Par lettre du 22 février 2011, l’EPSO a informé le requérant de la publication prochaine du rectificatif et de son contenu, à savoir que les deux tests d) et e) seraient combinés et notés sur 40 points avec un minimum requis de 20 points au total pour les deux tests.

15      Par courrier du 17 mars 2011, l’EPSO a informé le requérant qu’il avait obtenu le minimum requis dans tous les tests d’accès et, en particulier, 10,5 points au test d), qu’il avait eu une note globale de 69,80 points et qu’il serait informé dans les meilleurs délais s’il était parmi les candidats admis à la phase suivante du concours.

16      Par lettre du 7 avril 2011, l’EPSO a fait savoir au requérant que son nom n’avait pas été inscrit sur la liste des candidats invités à participer aux épreuves d’évaluation, expliquant que les candidats admis avaient obtenu une note d’au moins 73,5 points et qu’il avait obtenu une note inférieure. Par la même lettre, l’EPSO l’a informé que sa candidature n’avait pas été examinée par le jury.

17      Le requérant a introduit, le 15 avril 2011, une demande de réexamen de cette décision à laquelle l’EPSO a répondu par lettre du 15 juin 2011, en lui indiquant que le jury avait décidé qu’il n’y avait pas lieu de revenir sur la décision du 7 avril 2011 (ci-après la « décision attaquée » ou la « décision du 15 juin 2011 »).

18      Le 15 septembre 2011 le requérant a introduit, « à titre conservatoire », une réclamation, sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 15 juin 2011 de ne pas l’admettre à participer aux épreuves d’évaluation et, le 23 septembre 2011, il a saisi le Tribunal.

 Conclusions des parties

19      Par acte séparé parvenu au greffe du Tribunal le 8 novembre 2011, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 78 du règlement de procédure.

20      Après avoir reçu, le 5 décembre 2011, les observations du requérant sur l’exception d’irrecevabilité, le Tribunal a décidé, par ordonnance du 5 mars 2012, de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre préliminaire, déclarer la requête recevable ;

–        à titre principal :

–        annuler la décision du 15 juin 2011 lui refusant le droit de participer aux épreuves d’évaluation du concours EPSO/AST/111/10 - Secrétaires de grade AST 1 ;

–        par conséquent, dire pour droit qu’il y a lieu de réintégrer le requérant dans le processus de recrutement mis en place par ledit concours, au besoin en organisant de nouvelles épreuves d’évaluation ;

–        en tout état de cause, demander à l’EPSO de faire état des informations en sa possession quant aux résultats obtenus par l’ensemble des candidats au test d) ;

–        à titre subsidiaire, au cas où il ne serait pas fait droit à la demande principale, lui verser une somme fixée provisoirement et ex æquo et bono à 50 000 euros ;

–        en tout état de cause, lui verser une somme fixée provisoirement et ex æquo et bono à 50 000 euros, en réparation du préjudice moral.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

23      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 28 juin 2012. La procédure orale n’a pas été clôturée à l’issue de l’audience et le Tribunal a demandé à la Commission, au titre des mesures d’organisation de la procédure, de préciser notamment si les candidats avaient pu librement répartir entre les tests le temps imparti pour l’ensemble de ceux-ci, ou si un temps maximum pour chaque test avait été fixé à l’avance. En outre, le Tribunal a invité la Commission à indiquer si cette information avait été accessible aux candidats du concours avant les tests et dans l’affirmative comment elle leur avait été communiquée.

24      La Commission a déféré à ces demandes par lettre du 17 juillet 2012.

25      Par lettre du 6 septembre 2012, le Tribunal a informé les parties de la clôture de la procédure orale et de la mise en délibéré de la présente affaire.

 Sur la recevabilité du recours

26      La Commission conteste la recevabilité du recours pour deux raisons ayant trait respectivement à l’intérêt à agir du requérant et au déroulement de la procédure administrative.

1.     Sur l’intérêt à agir du requérant

 Arguments des parties

27      La Commission considère que, au vu des résultats obtenus par le requérant aux tests d’accès et du seuil requis pour être placé sur la liste des candidats admis aux épreuves d’évaluation, il serait « hautement improbable » que le requérant puisse être admis à l’étape suivante du concours et cela même sans tenir compte du rectificatif. Par conséquent, elle considère que le requérant n’aurait pas d’intérêt à agir.

28      Lors de l’audience, le requérant a répliqué que les argumentations de la Commission ne seraient pas pertinentes puisqu’elles se rapportent à la question de savoir si le rectificatif a eu une incidence sur le résultat des tests, et donc sur la décision attaquée, et cette question est une question de fond. En outre, le requérant a exprimé des doutes quant à la fiabilité de la simulation statistique sur laquelle la Commission s’appuie pour démontrer qu’il n’aurait pas un intérêt à agir.

 Appréciation du Tribunal

29      Le Tribunal considère que le requérant serait dépourvu d’intérêt à agir en annulation de la décision attaquée s’il s’avérait que, même en l’absence du rectificatif, il n’aurait pas été retenu pour la suite du concours (voir arrêt du Tribunal de première instance du 9 novembre 2004, Vega Rodríguez/Commission, T‑285/02 et T‑395/02, point 25).

30      Il ressort du dossier que la Commission fonde son exception d’irrecevabilité sur le fait que le requérant a obtenu aux tests d’accès une note de 69,80 points, alors que, pour les candidats ayant choisi comme langue principale le français, le seuil pour être admis aux épreuves d’évaluation sans tenir compte du rectificatif serait de 74,467 points.

31      À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que la Commission elle-même a affirmé dans son mémoire en défense, puis pendant l’audience, que le seuil de 74,467 points est un seuil estimatif calculé sur la base d’une simulation de l’EPSO qui ne tenait pas compte de l’éventuelle neutralisation de questions ni des décisions du jury concernant l’éligibilité des candidats (ci-après la « simulation »). D’autre part, la Commission se limite à affirmer dans son mémoire en défense qu’il est « hautement improbable » que le requérant aurait été admis à l’étape suivante du concours, sans toutefois démontrer à suffisance de droit le bien-fondé de sa position ni avancer un quelconque élément décisif qui aurait permis au Tribunal de statuer dans ce sens.

32      Il en résulte que l’absence d’intérêt à agir du requérant ne peut être établie avec certitude et qu’il convient donc d’écarter l’exception d’irrecevabilité avancée par la Commission à cet égard (arrêt Vega Rodríguez/Commission, précité, point 27).

2.     Sur le déroulement de la procédure précontentieuse

 Arguments des parties

33      La Commission articule son exception d’irrecevabilité tirée de l’irrégularité de la procédure précontentieuse en deux branches.

34      Par la première branche, la Commission fait valoir que le recours, bien que dirigé contre une décision du jury du concours, vise en réalité l’illégalité du rectificatif. S’agissant d’un acte de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), une saisine directe du juge de l’Union serait exclue.

35      Par la seconde branche, la Commission considère que le présent recours est irrecevable au motif que, même à supposer que le requérant ne fût pas obligé d’introduire une réclamation, il ne pouvait, sans enfreindre les dispositions de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 2, du statut, saisir le juge de l’Union avant que l’EPSO n’ait répondu à sa réclamation introduite le 15 septembre 2011.

36      En effet, la Commission observe que, s’il est vrai qu’un candidat peut déférer une décision d’un jury de concours directement au juge, il demeure que, lorsqu’une réclamation a été introduite, le délai de recours commence à courir, conformément à l’article 91 du statut, à partir du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation. La recevabilité du recours juridictionnel introduit ultérieurement dépendrait donc du respect par l’intéressé de l’ensemble des contraintes procédurales qui s’attachent à la voie de réclamation préalable parmi lesquelles, il y aurait l’obligation d’attendre la fin de la procédure précontentieuse avant de pouvoir introduire un recours juridictionnel.

37      Partant, la Commission considère que, dès lors que le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée, il aurait dû attendre la décision de rejet de l’AIPN avant d’introduire le présent recours.

 Appréciation du Tribunal

38      En ce qui concerne la première branche de l’exception d’irrecevabilité, il convient de rappeler que, compte tenu du caractère complexe de la procédure de recrutement qui est composée d’une succession de décisions très étroitement liées, un requérant est en droit de se prévaloir d’irrégularités intervenues lors du déroulement d’un concours, y compris de celles dont l’origine peut être trouvée dans le texte même de l’avis de concours, à l’occasion d’un recours dirigé contre une décision individuelle ultérieure, telle une décision de non-admission aux épreuves d’évaluation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 16 septembre 1993, Noonan/Commission, T‑60/92, point 23 ; arrêt du Tribunal du 14 avril 2011, Clarke e.a./OHMI, F‑82/08, point 79, et la jurisprudence citée).

39      En outre, selon une jurisprudence constante, l’introduction d’une réclamation préalable est obligatoire lorsque l’auteur de l’acte attaqué est l’AIPN mais facultative lorsque l’acte a été adopté par le jury de concours (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 octobre 2010, Vicente Carbajosa e.a./Commission, F‑77/08, points 27 à 29 et 35 à 37).

40      Or, il est constant que le présent recours est dirigé contre la décision du jury de ne pas inscrire le requérant sur la liste des candidats ayant obtenu les meilleures notes aux tests d’accès, de sorte qu’il est loisible au requérant de saisir directement le juge de l’Union, sans une réclamation préalable et cela même s’il conteste un élément défini dans l’avis de concours ou, comme dans le présent cas, un rectificatif de celui-ci (voir arrêt Noonan/Commission, précité, point 23).

41      En outre, cette solution n’est pas incompatible avec l’arrêt Vicente Carbajosa e.a./Commission, précité, invoqué par la Commission au soutien de sa thèse. En effet, dans cet arrêt, ainsi qu’il ressort en particulier des points 30 et 31, le Tribunal a déclaré irrecevable un recours que les requérants avaient introduit sans réclamation préalable contre une décision de l’EPSO agissant en qualité d’AIPN. En revanche, dans la présente affaire, le requérant demande l’annulation d’une décision du jury de concours. Le fait que cette décision est fondée sur un avis de concours qui a été modifié par un rectificatif après le déroulement des test d’accès n’a pas pour effet de priver le candidat évincé de son droit d’introduire un recours directement contre la décision du jury.

42      À titre surabondant, le Tribunal constate qu’une telle solution est cohérente avec le point 6.3 du guide à l’intention des candidats, qui informe ces derniers que « les recours portant sur une erreur d’appréciation concernant les critères généraux d’admission qui ne relèvent pas du jury de concours » doivent être précédés par une réclamation, sans indiquer que cette même obligation s’applique lorsque les candidats attaquent une décision du jury de concours.

43      Par conséquent il y a lieu d’écarter la première branche de l’exception d’irrecevabilité.

44      En ce qui concerne la seconde branche de l’exception d’irrecevabilité, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la procédure de réclamation administrative n’a pas de sens lorsque les griefs sont dirigés contre les décisions d’un jury de concours, l’AIPN manquant de moyens pour réformer ces dernières décisions de sorte que la voie de droit ouverte à l’égard d’une décision d’un jury de concours consiste normalement en une saisine directe du juge de l’Union (arrêt du Tribunal du 20 juin 2012, Cristina/Commission, F‑66/11, point 37, et la jurisprudence citée).

45      Il s’ensuit que, lorsqu’un candidat évincé conteste une décision d’un jury de concours, il n’est nullement nécessaire qu’il introduise une réclamation préalable contre la décision contestée.

46      Au demeurant, il convient d’ajouter qu’il ne ressort ni du statut ni de la jurisprudence qu’un candidat à un concours ayant néanmoins décidé de saisir l’AIPN d’une réclamation contre une décision du jury serait empêché de saisir directement le juge sans attendre la décision sur la réclamation.

47      Au contraire, le juge de l’Union a déjà explicitement admis que, lorsqu’un candidat qui conteste une décision d’un jury de concours s’adresse, sous forme d’une réclamation administrative, à l’AIPN, une telle démarche, quelle que soit sa signification juridique, ne pourrait avoir pour conséquence de priver le candidat de son droit de saisir le juge directement (arrêt Cristina/Commission, précité, point 40, et la jurisprudence citée).

48      Dès lors si, dans les conditions décrites, un candidat d’un concours décide de saisir directement le juge, le Tribunal doit déterminer si le recours a été introduit dans le délai de trois mois et dix jours à compter de la signification au requérant de la décision faisant grief (arrêt Cristina/Commission, précité, point 41).

49      En l’espèce, il ressort du dossier que la décision après réexamen date du 15 juin 2011 et que le recours a été introduit le 23 septembre 2011. Il s’ensuit que le recours a été introduit dans le délai statutaire. Par conséquent, il y a lieu d’écarter également la seconde branche de l’exception d’irrecevabilité.

50      Au vu de ce qui vient d’être exposé, il y a lieu de juger que l’exception d’irrecevabilité tirée de l’irrégularité de la procédure précontentieuse doit être rejetée.

 Sur le fond

1.     Sur les conclusions visant à la réintégration du requérant dans le processus de recrutement et proposant des mesures d’organisation de la procédure

51      Par son deuxième chef de conclusions à titre principal, le requérant cherche à obtenir sa réintégration dans le processus de recrutement mis en place par le concours.

52      Selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge de l’Union, dans le cadre du contrôle de légalité, d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union ou de se substituer à ces dernières (arrêt du Tribunal de première instance du 5 avril 2005, Christensen/Commission, T‑336/02, point 17 ; arrêt du Tribunal du 23 novembre 2010, Bartha/Commission, F‑50/08, point 50).

53      Ce chef de conclusions doit dès lors être rejeté comme irrecevable.

54      Par son troisième chef de conclusions à titre principal, le requérant demande au Tribunal d’ordonner à l’EPSO de faire état des informations en sa possession quant aux résultats obtenus par l’ensemble des candidats au test d).

55      Le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les mémoires écrits échangés, par les réponses des parties aux questions posées lors de l’audience et par les documents et observations déposés à l’issue de celle-ci. Il n’y a donc pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées.

2.     Sur les conclusions en annulation

56      Au soutien de ses conclusions en annulation de la décision attaquée, le requérant soulève deux moyens tirés, le premier, par voie d’exception, de l’illégalité du rectificatif et, le second, de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

 Sur le premier moyen, tiré, par voie d’exception, de l’illégalité du rectificatif

57      Au soutien du premier moyen, le requérant soulève trois griefs tirés respectivement de la violation de l’article 29, paragraphe 1, du statut, de la violation de l’annexe III du statut, et enfin, de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

58      S’agissant des deux premiers griefs, force est de constater qu’ils sont seulement énoncés et ne sont étayés par aucune argumentation. En effet, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, le requérant ne précise nullement dans la requête les raisons pour lesquelles le rectificatif violerait l’article 29, paragraphe 1, ou l’annexe III du statut. Par conséquent, il y a lieu d’écarter ces griefs comme irrecevables et de n’examiner que le grief tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

 Arguments de parties

59      Le requérant rappelle que, sur le fondement de la version originale de l’avis de concours, il avait obtenu le minimum requis dans tous les tests d’accès, y compris le test d), et soutient que si le rectificatif, adopté après qu’il a passé les tests d’accès, ne lui avait pas été appliqué, il aurait très certainement obtenu l’une des meilleures notes à ces tests.

60      Selon le requérant, la modification apportée aux conditions de notation des tests d) et e) aurait nécessairement eu un effet sur ses résultats auxdits tests et sur le classement qui en a résulté pour établir la liste des candidats ayant obtenu les meilleurs résultats. En effet, le nombre de candidats ayant réussi les tests d) et e) notés conjointement aurait été supérieur au nombre de candidats ayant réussi les mêmes tests notés séparément. Dans la mesure où les premiers auraient été, du fait du rectificatif, plus nombreux, ses chances d’être admis à l’épreuve d’évaluation s’en seraient trouvées diminuées.

61      La Commission rétorque que le rectificatif a été adopté pour éviter les conséquences d’une sévérité inutile constatée à l’égard du test d) et qu’un tel but serait légitime en soi et conforme à l’intérêt du service. En effet, lorsque l’AIPN constate que les conditions posées dans un avis de concours sont excessivement sévères, elle pourrait toujours les modifier, dans la mesure où elle le ferait de manière objective et non pas au vu des candidats qui se sont présentés.

62      En tout état de cause, cette mesure serait conforme au principe de proportionnalité et exprimerait également un souci de sollicitude envers les candidats dès lors qu’elle évite d’imposer à ces derniers les retards qui résulteraient de l’organisation d’un nouveau concours. En outre, une telle mesure serait conforme au principe de bonne administration, car elle permettrait d’économiser les deniers publics qui auront à être utilisés en perte si, suite à l’annulation d’un concours, l’administration était obligée d’organiser un nouveau concours.

63      Quant à l’intérêt du service, la Commission considère qu’il serait dans l’intérêt des candidats eux-mêmes, autant que dans celui de l’AIPN, que celle-ci exerce un contrôle permanent sur la fiabilité des tests qu’elle a prescrits, surtout lorsqu’il s’agit de tests utilisés pour la première fois, comme en l’espèce. En l’absence d’un tel contrôle, le juge de l’Union risquerait de se voir saisi de nombreux recours contestant des exclusions dues à tests inutilement sévères.

64      En ce qui concerne le principe de la confiance légitime, la Commission indique que le rectificatif est intervenu à un moment où le requérant ne pouvait avoir aucune assurance qu’il allait satisfaire aux conditions d’admission à la deuxième phase du concours.

 Appréciation du Tribunal

65      Il importe de rappeler de prime abord que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de l’annexe III du statut, l’avis de concours doit spécifier, dans le cas de concours sur épreuves, la nature des examens et leur cotation respective (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 1983, Detti/Cour de justice, 144/82, point 27).

66      En outre, selon une jurisprudence constante, les termes de l’avis de concours constituent aussi bien le cadre de la légalité que le cadre d’appréciation pour le jury de concours (voir arrêt du Tribunal de première instance du 21 octobre 2004, Schumann/Commission, T‑49/03, point 63, et la jurisprudence citée).

67      En l’espèce, il n’est pas contesté que le rectificatif a modifié, après la conclusion des tests d’accès, la cotation des tests d) et e) telle que prévue par l’avis de concours, en établissant que ces deux tests seraient combinés et notés sur 40 points avec, pour minimum requis, 20 points au total.

68      Il y a donc lieu de vérifier si, comme l’estime le requérant, la modification de la cotation des tests après le déroulement de ceux-ci viole les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

–       Sur la violation du principe de la protection de la confiance légitime

69      Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration a fait naître chez lui des espérances fondées, en lui fournissant des assurances précises sous la forme de renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, point 96).

70      En l’occurrence, l’avis de concours contenait de telles assurances sur la base desquelles le requérant était fondé à s’attendre à ce que les candidats admis aux épreuves d’évaluation fussent seulement choisis parmi ceux qui avaient obtenu le minimum requis dans les tests d’accès, et, en particulier, la note minimale de 10 points dans le test d).

71      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les épreuves de nature comparative sont par définition des épreuves dans lesquelles les performances de chaque candidat sont appréciées en fonction de celles des autres, de sorte que le nombre des candidats admis est susceptible d’avoir une incidence sur les appréciations portées par le jury sur les candidats. Ces appréciations reflètent le jugement de valeur porté sur la prestation d’un candidat par rapport à celles des autres candidats. Il s’ensuit que plus le nombre des candidats à ce type d’épreuves est élevé, plus le niveau des exigences du jury à l’égard des candidats est important (voir arrêt du Tribunal de première instance du 5 mars 2003, Staelen/Parlement, T‑24/01, point 57).

72      La modification des règles relatives à la cotation des tests d) et e) prévues par l’avis de concours est de nature à affecter les chances du requérant d’être inscrit sur la liste des candidats admis aux épreuves d’évaluation, dans la mesure où une telle modification est susceptible d’avoir comme effet une augmentation du nombre de candidats ayant obtenu la note minimale aux tests, en diminuant, par conséquent, ses chances de se trouver parmi les meilleurs candidats.

73      Force est de constater qu’une telle augmentation était la raison d’être même du rectificatif qui a été adopté après que l’EPSO avait constaté un taux d’échec d’environ 85 % au test d), toutes langues confondues, ce qu’il avait jugé « excessif ».

74      En outre, il ressort du dossier que le rectificatif a produit l’effet recherché. À cet égard, il résulte de la simulation que, pour les candidats qui, comme le requérant, avaient choisi le français comme première langue, le nombre de candidats qui auraient réussi le test d) sans l’application du rectificatif aurait été de 486, tandis qu’avec l’application du rectificatif, 1 499 candidats ont réussi les tests d) et e) combinés. Selon cette simulation, en tenant compte du nombre de candidats ayant réussi le test d) sans l’application du rectificatif, la note minimale nécessaire pour être, dans cette hypothèse, parmi les meilleurs candidats admis aux épreuves d’évaluation aurait été de 74,467 points. En revanche, avec l’application du rectificatif, la note minimale nécessaire pour être parmi les meilleurs candidats a été de 76,8 points.

75      Il s’ensuit que l’application au requérant du rectificatif n’a pas respecté les assurances qui lui avaient été fournies par l’avis de concours quant à la cotation des tests d) et e) et, partant, a violé le principe de la protection de la confiance légitime.

–       Sur la violation du principe de la sécurité juridique

76      Selon une jurisprudence constante, le principe de la sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C‑199/03, point 69).

77      Or, si, en règle générale, ce principe s’oppose à ce que la portée dans le temps d’un acte des institutions de l’Union voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il en est autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 novembre 2010, OHMI/Simões Dos Santos, T‑260/09 P, point 48, et la jurisprudence citée).

78      En l’espèce, les conditions cumulatives posées par la jurisprudence pour adopter un acte de portée rétroactive, tel que le rectificatif modifiant la cotation des tests d) et e) après leur déroulement, ne sont pas remplies.

79      En ce qui concerne la première condition relative au but à atteindre, la Commission fait valoir, premièrement, que l’adoption du rectificatif permettait à l’AIPN d’exercer un contrôle permanent sur l’efficacité des tests prescrits afin notamment d’éviter une sévérité excessive.

80      Le Tribunal constate que, même si un tel contrôle est dans l’intérêt de l’administration et des candidats eux-mêmes, il ne peut toutefois porter atteinte à la confiance légitime des candidats de voir les épreuves du concours se dérouler selon les modalités établies par l’avis de concours, ce qui exclut la possibilité de modifier a posteriori les critères de cotation des épreuves fixés par l’avis de concours.

81      Il est certes admis par la jurisprudence que lorsque l’AIPN découvre, après la publication d’un avis de concours, que les conditions requises étaient plus sévères que ne l’exigeaient les besoins du service, elle peut soit continuer la procédure en recrutant, le cas échéant, un nombre de lauréats inférieur à celui qui était initialement prévu, soit recommencer la procédure de concours en retirant l’avis de concours original et en le remplaçant par un avis corrigé (voir, par analogie, dans le cas d’un avis de vacance, arrêt du Tribunal de première instance du 2 octobre 1996, Vecchi/Commission, T‑356/94, point 56).

82      Toutefois, l’adoption d’un rectificatif de l’avis de concours après la tenue de certaines épreuves ne saurait être considérée comme équivalente à l’une ou l’autre des solutions envisagées au point précédent du présent arrêt.

83      En effet, il suffit d’observer que, lorsque l’AIPN décide de recommencer une procédure de concours, les candidats inscrits à la procédure initiale peuvent, en règle générale, se présenter à la nouvelle procédure. En revanche, une telle possibilité n’est pas ouverte aux candidats qui, comme le requérant dans la présente affaire, sont éliminés suite à une décision adoptée sur la base d’une modification de l’avis de concours.

84      En outre, le choix de poursuivre la procédure de concours en recrutant un nombre de lauréats inférieur à celui initialement prévu permet de respecter la confiance légitime de tous les candidats dans un déroulement des épreuves conforme aux modalités édictées par l’avis de concours.

85      La modification a posteriori d’un avis de concours se distingue également des différentes techniques de neutralisation de questions dans les épreuves écrites (voir, par exemple, arrêts du Tribunal de première instance du 17 janvier 2001, Gerochristos/Commission, T‑189/99, points 25 et 26, et Schumann/Commission, précité, points 58 et 61).

86      En effet, dans le cas d’espèce, l’AIPN a modifié par le rectificatif les modalités de cotation des tests d) et e). Ces modalités de cotation rentrent dans la notion de « cotation des examens » prévue par l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de l’annexe III du statut et doivent par conséquent être établies par l’avis de concours. En revanche, la neutralisation de questions dans les épreuves écrites concerne le nombre de questions qui composent un examen, ainsi que la cotation individuelle de chaque question. De tels éléments ne rentrent pas dans la notion de « cotation des examens » susvisée et n’ont donc pas à figurer obligatoirement dans un avis de concours, de sorte que leur éventuelle modification après le début des épreuves ne modifie en rien l’avis de concours.

87      La Commission considère que l’adoption du rectificatif serait également justifiée par des considérations relatives à la bonne administration et au devoir de sollicitude envers les candidats. Toutefois, de telles considérations ne sauraient être retenues. En effet, l’adoption du rectificatif ne bénéficie certainement pas à tous les candidats et a eu pour effet d’exclure de la procédure de concours les candidats qui, comme le requérant, avaient obtenu le minimum requis dans les tests d’accès selon les critères de cotation prévus par l’avis de concours.

88      Enfin, la Commission ne saurait non plus soutenir que l’adoption du rectificatif ne viole pas le principe de la sécurité juridique en se fondant sur le principe de proportionnalité. En vertu de ce principe, reconnu par une jurisprudence constante comme faisant partie des principes généraux du droit de l’Union, la légalité d’une mesure prise par une institution de l’Union est subordonnée à la condition que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport à l’objectif visé (voir arrêt Schumann/Commission, précité, point 52). Toutefois, des considérations liées à la proportionnalité d’une mesure ne sauraient justifier l’adoption d’un acte qui viole le principe de protection de la confiance légitime, tel que la modification de l’avis de concours après la tenue des test d’accès, étant entendu que le principe de proportionnalité n’est applicable que lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2010, Torijano Montero/Conseil, F‑76/05, point 81, et la jurisprudence citée).

89      En ce qui concerne la seconde condition, ayant trait au respect de la confiance légitime des intéressés, il ressort des points 69 à 75 du présent arrêt que l’application du rectificatif viole la confiance légitime des candidats qui, comme le requérant, s’attendaient à ce que seuls les candidats ayant obtenu le minimum requis dans les tests d’accès, tel que prévu par l’avis de concours, soient inscrits sur la liste des candidats admis à participer aux épreuves d’évaluation.

90      Il découle de ce qui précède que l’application au requérant du rectificatif viole le principe de la sécurité juridique.

91      Dès lors, il y a lieu de constater que, en appliquant le rectificatif au requérant en violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, l’AIPN a entaché d’une irrégularité la procédure du concours et que, par conséquent, la décision de non-admission du requérant aux épreuves doit être annulée.

 Sur le second moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

92      Selon le requérant, en adoptant la décision de ne pas l’admettre aux épreuves d’évaluation, l’EPSO aurait violé le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude en ce sens que la décision attaquée aurait pour effet d’écarter du processus de recrutement un candidat répondant à l’ensemble des conditions d’admission prévues dans l’avis de concours et qui, du fait de l’expérience professionnelle déjà acquise, répondrait en tout point à l’intérêt du service.

93      À cet égard, il suffit d’observer que le devoir de sollicitude n’exige nullement que le jury inscrive sur la liste de réserve tous les candidats qui, selon leur propre avis, satisfont aux exigences des postes à pourvoir (voir, arrêt Cristina/Commission, précité, point 83).

94      En outre, à supposer que le requérant ait avancé dans sa requête des éléments susceptibles d’établir qu’il répondait à l’ensemble des conditions d’admission et à l’intérêt du service, selon une jurisprudence constante, le jury d’un concours sur titres et épreuves dispose d’un pouvoir discrétionnaire, dans le cadre des dispositions du statut relatives aux procédures de concours, pour apprécier, au cas par cas, si les diplômes produits par chaque candidat, ainsi que leurs expériences professionnelles antérieures, correspondent au niveau requis par le statut et par l’avis de concours concerné. Dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal doit se limiter à vérifier que l’exercice de ce pouvoir n’a pas été entaché d’une erreur manifeste d’appréciation (voir arrêt du Tribunal de première instance du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T‑214/99, points 69 à 71). Le requérant n’ayant avancé aucun élément pouvant démontrer l’existence d’une telle erreur, le présent moyen ne peut qu’être écarté.

95      En outre, le requérant considère que la Commission a manqué à son obligation de bonne administration en répondant à la demande de réexamen seulement deux mois après son introduction, ce qui, compte tenu de la brièveté des délais dans lesquels les épreuves d’évaluation étaient organisées, ne saurait être considéré comme un délai raisonnable.

96      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le Tribunal assure le respect et qui est d’ailleurs repris comme une composante du droit à une bonne administration, par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (arrêt du Tribunal du 21 octobre 2009, V/Commission, F‑33/08, point 209, et la jurisprudence citée, non annulé sur ce point par l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 juin 2011, V/Commission, T‑510/09 P).

97      Toutefois, la violation du principe du respect du délai raisonnable ne justifie pas, en règle générale, l’annulation de la décision prise à l’issue d’une procédure administrative. En effet, ce n’est que lorsque l’écoulement excessif du temps est susceptible d’avoir une incidence sur le contenu même de la décision adoptée à l’issue de la procédure administrative que le non-respect du principe du délai raisonnable affecte la validité de la procédure administrative (arrêt V/Commission, précité, point 210, et la jurisprudence citée). Il peut en aller ainsi dans une procédure de concours, lorsque, compte tenu de la brièveté des délais pour l’organisation d’un concours, l’écoulement excessif du temps affecte la possibilité des candidats ayant introduit une demande de réexamen d’être admis à la phase suivante du concours ou d’être inscrit sur la liste de réserve.

98      En l’espèce, le requérant n’a pas démontré que la violation du principe de respect du délai raisonnable, à la supposer établie, justifierait l’annulation de la décision attaquée. En effet, la décision de réexamen, qui confirme la décision initiale de ne pas admettre le requérant à participer aux épreuves d’évaluation, a été transmise au requérant par lettre du 15 juin 2011, c’est-à-dire plus de trois mois avant la publication de la liste de réserve qui est intervenue le 6 octobre 2011 (JO C 294 A, p. 5). Un éventuel délai excessif ne saurait donc avoir eu d’incidence sur la possibilité de réintégrer le requérant dans la procédure de concours en organisant pour lui, le cas échéant, une épreuve d’évaluation.

99      Partant, il y a lieu de rejeter ce moyen comme non fondé.

3.     Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

100    Le requérant estime avoir subi, du fait de l’irrégularité de la décision de ne pas l’admettre aux épreuves d’évaluation, un préjudice matériel et moral.

101    Quant au préjudice matériel, que le requérant chiffre provisoirement et ex æquo et bono à la somme de 50 000 euros, celui-ci résulterait du fait qu’il aurait été privé de la chance de devenir fonctionnaire.

102    Quant au dommage moral, que le requérant évalue ex æquo et bono à 50 000 euros, celui-ci résulterait de la façon particulièrement peu diligente dont l’EPSO a traité son dossier et de l’absence de sollicitude qu’il lui a témoignée.

103    La Commission estime que le recours en annulation étant manifestement irrecevable, la demande indemnitaire doit également être déclarée irrecevable et qu’en tout état de cause, aucune irrégularité n’ayant été commise, les conclusions indemnitaires seraient manifestement non fondées.

 Appréciation du Tribunal

104    En ce qui concerne la recevabilité des conclusions indemnitaires, il suffit de rappeler que, dans le système des voies de recours prévu par les articles 90 et 91 du statut, lorsqu’il existe un lien étroit entre une demande en annulation et une demande en indemnité, est recevable une demande en indemnité formulée pour la première fois devant le Tribunal, alors que la réclamation administrative préalable ne visait qu’à l’annulation de la décision prétendument dommageable, car une demande d’annulation peut impliquer une demande de réparation du préjudice allégué (arrêts du Tribunal de première instance du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, point 159, et du 18 février 2004, Esch-Leonhardt e.a./BCE, T‑320/02, point 47).

105    En l’espèce, il existe un lien étroit entre la demande en annulation et la demande en indemnité, de sorte que cette dernière est recevable, nonobstant le fait qu’elle ne figurait pas dans la réclamation.

106    En outre, en ce qui concerne les conclusions indemnitaires relatives au préjudice matériel, le Tribunal constate qu’elles ont été présentées à titre subsidiaire. Dans la mesure où il n’a pas été fait droit à la totalité des conclusions présentées à titre principal, les conclusions principales visant à admettre le requérant aux épreuves d’évaluation ayant été rejetées comme irrecevables, il y a lieu d’examiner la demande indemnitaire en réparation de ce chef de préjudice.

107    Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de l’administration suppose que la partie requérante démontre l’existence d’une irrégularité, d’un dommage réel, et d’un lien de causalité entre l’irrégularité et le préjudice invoqué (voir en ce sens, arrêts de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, point 42, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, point 52).

108    En l’espèce, le requérant demande l’indemnisation du préjudice matériel et moral prétendument subi du fait de l’adoption de la décision du 15 juin 2011. Cette décision ayant été annulée, il convient d’examiner si l’irrégularité constatée a causé un préjudice au requérant et s’il existe un lien de causalité entre ce dommage et ladite irrégularité.

109    S’agissant du préjudice matériel allégué, en application de l’article 266 TFUE, il incombera à la Commission de prendre les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt et, notamment, d’adopter, dans le respect du principe de légalité, tout acte de nature à compenser équitablement le désavantage ayant résulté, pour le requérant, de l’acte annulé (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, point 98 ; arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Larue et Seigneur/BCE, F‑84/09, point 64), sans préjudice de la possibilité pour le requérant d’introduire par la suite un recours à l’encontre des mesures adoptées par la Commission en exécution du présent arrêt.

110    Dans ces conditions, il y a lieu de juger que les conclusions indemnitaires visant à la réparation du préjudice matériel sont prématurées et doivent dès lors être rejetées.

111    En revanche, en ce qui concerne les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral dont le requérant prétend avoir souffert, la nature du préjudice subi et le lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué peuvent être déduits du sentiment de frustration et d’injustice que le requérant a pu légitimement ressentir du fait d’être victime d’une illégalité.

112    Or, le Tribunal rappelle que l’annulation d’un acte de l’administration constitue déjà, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral, à moins que le requérant ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et non susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 décembre 2010, Commission/Strack, T‑526/08 P, point 99). Tel est notamment le cas lorsque, premièrement, l’acte annulé comporte une appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser, deuxièmement, lorsque l’illégalité commise est d’une gravité particulière et, troisièmement, lorsque l’annulation est privée de tout effet utile, ne pouvant constituer en elle-même la réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral causé par l’acte annulé (arrêt du Tribunal du 12 mai 2011, AQ/Commission, F‑66/10, points 105, 107 et 109).

113    En l’espèce, l’annulation de la décision du 15 juin 2011 n’effacera pas les effets qu’a eu l’illégalité constatée et, en particulier, ne saurait constituer en elle-même une réparation adéquate pour les efforts consentis et le temps passé par le requérant à se préparer inutilement. Toutefois, une telle conclusion doit être mise en balance avec l’incertitude quant aux chances qu’aurait eu le requérant d’être admis à participer aux épreuves de sélection, compte tenu des résultats obtenus aux tests d’accès.

114    Par suite, le Tribunal décide que la Commission devra verser au requérant la somme de 1 000 euros au titre de réparation du préjudice moral.

 Sur les dépens

115    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

116    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la Commission a succombé en ses conclusions. Toutefois, le requérant n’ayant pas demandé que la Commission soit condamnée aux dépens, il y a lieu de décider, en application de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du jury du concours général EPSO/AST/111/10, du 15 juin 2011, de ne pas admettre M. Taghani aux épreuves d’évaluation est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée à verser 1 000 euros à M. Taghani.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Rofes i Pujol

Boruta

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 mars 2013.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       M. I. Rofes i Pujol


* Langue de procédure : le français.