Language of document : ECLI:EU:T:2019:290

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

7 mai 2019 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Contrat à durée déterminée – Décision de non-renouvellement – Erreur manifeste d’appréciation – Devoir de sollicitude – Égalité de traitement – Règle de concordance entre la requête et la réclamation »

Dans l’affaire T‑407/18,

WP, ancien agent temporaire de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, représentée par Me H. Tettenborn, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Lukošiūtė et M. K. Tóth, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’EUIPO du 6 octobre 2017 refusant de procéder au second renouvellement du contrat d’agent temporaire de la requérante,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva et M. G. De Baere (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er juillet 2010, la requérante, WP, a été engagée par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) en tant qu’agent temporaire pour une période de trois ans, jusqu’au 30 juin 2013, en vertu de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »).

2        Le 1er juillet 2013, le contrat de la requérante a été renouvelé pour une période de cinq ans, jusqu’au 30 juin 2018.

3        En raison de la réforme du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») entrée en vigueur le 1er janvier 2014, le contrat de la requérante a été transformé en contrat au titre de l’article 2, sous f), du RAA à compter de cette date.

4        Par courrier électronique du 11 mai 2017, l’EUIPO a invité la requérante, conformément aux lignes directrices pour le renouvellement des contrats des agents temporaires à l’EUIPO (ci-après les « lignes directrices ») et sur la base du cadre de gestion des effectifs de l’EUIPO (ci-après le « cadre de gestion »), à exprimer, par écrit et dans les dix jours ouvrables, son intérêt pour le second renouvellement de son contrat pour une durée indéterminée.

5        Par courrier électronique du 25 mai 2017, la requérante a exprimé son intérêt pour le renouvellement de son contrat.

6        Par courrier électronique du 28 juillet 2017, l’autorité habilitée à conclure les contrats (ci-après l’« AHCC ») a informé la requérante que, en conclusion de son analyse préliminaire, le second renouvellement de son contrat n’était pas envisagé et l’invitait à formuler ses commentaires par écrit avant le 15 septembre 2017. La requérante n’a pas présenté d’observations à la suite de ce courrier électronique.

7        Par décision du 6 octobre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 11 octobre 2017, l’AHCC a décidé de ne pas renouveler le contrat de la requérante pour une durée indéterminée.

8        Par lettre datée du 1er décembre 2017, la requérante a introduit, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la décision attaquée.

9        Par décision du 19 mars 2018, notifiée à la requérante le 20 mars 2018, l’EUIPO a rejeté la réclamation de la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 juillet 2018, la requérante a introduit le présent recours.

11      Les parties n’ayant pas demandé la tenue d’une audience de plaidoiries au titre de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal (huitième chambre), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 56 du RAA et de l’article 110 du statut ainsi que de l’absence de base juridique de la décision attaquée, le deuxième, de la violation du principe de légalité, d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation du devoir de sollicitude, le troisième, de la violation de l’article 27, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), et, le quatrième, de la violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 56 du RAA et de l’article 110 du statut ainsi que de l’absence de base juridique

15      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 8, paragraphe 1, du RAA prévoit :

« L’engagement d’un agent temporaire visé à l’article 2, [sous] a), ou à l’article 2, [sous] f), peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Le contrat de cet agent engagé pour une durée déterminée ne peut être renouvelé qu’une fois pour une durée déterminée. Tout renouvellement ultérieur de cet engagement devient à durée indéterminée. »

16      L’article 56 du RAA prévoit que, conformément à l’article 110, paragraphe 2, du statut, chaque agence adopte des dispositions générales concernant les procédures d’engagement et d’emploi des agents temporaires visés à l’article 2, sous f), du RAA.

17      L’article 110, paragraphe 2, du statut prévoit les modalités d’adoption des dispositions générales d’exécution applicables aux agences.

18      En premier lieu, la requérante fait valoir que la décision attaquée est illégale dans la mesure où elle est fondée sur une procédure de sélection qui viole l’article 56 du RAA et l’article 110, paragraphe 2, du statut et est dénuée de toute autre base juridique. En particulier, la procédure prévue par les lignes directrices et le cadre de gestion n’aurait pas été adoptée dans le respect des règles prévues par l’article 110 du statut.

19      À cet égard, il convient de relever, d’une part, que la base juridique appropriée pour adopter une décision relative au renouvellement d’un contrat d’agent temporaire visé à l’article 2, sous f), du RAA, telle que la décision attaquée, est l’article 8 du RAA. D’autre part, il y a lieu de constater que la décision attaquée a été adoptée sur le fondement de l’article 8 du RAA et que ce fondement juridique est expressément indiqué dans la décision de rejet de la réclamation de la requérante.

20      Il y a également lieu de relever que le conseil d’administration de l’EUIPO a adopté le 31 mai 2016, sur le fondement de l’article 56 du RAA et de l’article 110, paragraphe 2, du statut, la décision MB-16-16 établissant les dispositions générales d’exécution de la procédure régissant les conditions d’engagement et d’emploi des agents temporaires en vertu de l’article 2, [sous] f), du [RAA]. Cette décision est disponible sur le site Internet de l’EUIPO.

21      Or, le chapitre V de la décision MB-16-16, relatif aux dispositions communes concernant l’application de l’article 8, paragraphe 1, du RAA, prévoit dans son article 16 que c’est le directeur de l’EUIPO qui détermine la politique de celui-ci concernant la durée des contrats et que cette politique est communiquée au personnel.

22      Il en ressort que les dispositions générales d’exécution de l’EUIPO, adoptées conformément à l’article 110 du statut, laissent une marge d’appréciation à l’EUIPO pour déterminer sa politique en matière de renouvellement des contrats des agents temporaires.

23      À cet égard, il suffit de constater que cette politique est définie dans le cadre de gestion et que la procédure est déterminée dans les lignes directrices, lesquels ont été communiqués au personnel.

24      Dès lors, la requérante ne saurait soutenir que la procédure prévue par les lignes directrices et le cadre de gestion a été adoptée en violation de l’article 56 du RAA et de l’article 110 du statut. Partant, c’est également à tort qu’elle soutient que la décision attaquée, adoptée à l’issue de cette procédure, est illégale.

25      En second lieu, la requérante soutient que les lignes directrices et le cadre de gestion définissent clairement une procédure de sélection en vue du second renouvellement des contrats des agents temporaires. La procédure sur laquelle est fondée la décision attaquée aurait abouti à une décision établissant quels candidats seraient retenus par l’EUIPO pour signer un contrat d’agent temporaire à durée indéterminée, et non à une décision individuelle.

26      La requérante s’appuie sur trois éléments pour affirmer que l’EUIPO a mis en place une procédure pour comparer les qualités des agents temporaires et non pour prendre une décision sur le fondement de la qualité de chaque dossier.

27      Premièrement, elle fait valoir que le point 3.1 des lignes directrices et le point 3.4 du cadre de gestion prévoient que l’EUIPO détermine le nombre de référence de seconds renouvellements de contrats d’agents temporaires disponibles pour l’année suivante.

28      À cet égard, il convient de relever que les lignes directrices établissent la procédure pour le second renouvellement des contrats conclus avec des agents temporaires relevant de l’article 2, sous f), du RAA. Le cadre de gestion rappelle les principes guidant la politique de gestion des effectifs de l’EUIPO.

29      Le point 3.1 des lignes directrices et le point 3.4 du cadre de gestion prévoient :

« Sur une base annuelle, l’[EUIPO] définira, conformément au point 3.2 du cadre de gestion, le nombre de référence de seconds renouvellements possibles pour des contrats d’agents temporaires disponibles pour l’année suivante. »

30      Il convient de rappeler que le nombre de référence de postes disponibles mentionné au point 3.1 des lignes directrices est purement indicatif (arrêt du 3 mai 2018, SB/EUIPO, T‑200/17, non publié, EU:T:2018:244, point 53).

31      À cet égard, l’EUIPO indique, d’une part, que, en 2016, le nombre de référence de seconds renouvellements possibles était de trois contrats et que seuls deux contrats d’agents temporaires ont été renouvelés et, d’autre part, que, en 2017, le nombre de référence était de quatre contrats, alors que cinq contrats ont été renouvelés.

32      Dès lors, l’existence d’un nombre de référence ne remet pas en cause le caractère individuel des décisions de renouvellement ou de non-renouvellement d’un contrat d’agent temporaire.

33      En outre, la requérante soutient que le nombre de référence de seconds renouvellements possibles aurait été significativement inférieur au nombre d’agents temporaires dont les contrats prenaient fin en 2018.

34      Il y a lieu de relever que le fait que le nombre de référence soit inférieur au nombre d’agents temporaires dont les contrats prenaient fin en 2018 est justifié par le fait que, conformément au point 3 des lignes directrices, prenant en compte les principes décrits au point 3.2 du cadre de gestion, l’EUIPO établit un ratio de référence indicatif de 70 % de personnel permanent pour 30 % de personnel non permanent afin d’assurer une flexibilité suffisante au sein de ses effectifs, en permettant de les adapter à l’évolution des demandes émanant de l’industrie, tout en gardant un contrôle du budget.

35      La requérante n’établit pas que le fait que le renouvellement pour une durée indéterminée ne concernait qu’un nombre limité d’agents temporaires dont les contrats prenaient fin en 2018 signifie que la procédure permettant de déterminer si un agent temporaire bénéficierait d’un tel renouvellement était une procédure de sélection, d’autant plus que ce nombre était purement indicatif.

36      Deuxièmement, la requérante relève que le point 3.1 des lignes directrices indique également que les agents temporaires concernés sont tenus d’exprimer leur intérêt par écrit dans les dix jours ouvrables. L’EUIPO aurait invité tous les agents temporaires dont le contrat prenait fin en 2018 à exprimer leur intérêt pour un second renouvellement de leur contrat avant le 25 mai 2017. La fixation d’une date limite identique pour tous les agents temporaires n’aurait pas été nécessaire si la procédure définie par les lignes directrices et le cadre de gestion avait été une procédure individuelle.

37      À cet égard, le point 3.1 des lignes directrices et le point 3.4 du cadre de gestion prévoient :

« L’[EUIPO] contactera alors, durant le deuxième trimestre, les agents temporaires dont le second contrat expirera au cours de l’année civile suivante afin de savoir s’ils sont intéressés par le renouvellement de leur contrat pour une durée indéterminée. »

38      Le point 3.4 du cadre de gestion ajoute :

« Les manifestations d’intérêt seront analysées à la lumière de l’intérêt du service et du devoir de sollicitude. L’objectif de cette procédure est d’identifier le personnel intéressé par le renouvellement de son contrat pour une durée indéterminée afin de lui accorder une attention particulière. »

39      Le point 3.1 des lignes directrices précise que les agents temporaires concernés doivent manifester leur intérêt par écrit dans les dix jours.

40      Comme le relève l’EUIPO, dans la mesure où le RAA ne prévoit aucune procédure particulière pour le renouvellement des contrats, la fixation d’une date limite pour la manifestation d’intérêt relève du large pouvoir d’appréciation de l’AHCC.

41      En outre, le point 3.2 du cadre de gestion indique que l’EUIPO a besoin de personnel temporaire, qui confère de la flexibilité à la composition des effectifs, dans le but d’adapter le personnel aux fluctuations du marché, lesquelles génèrent des variations en termes d’augmentation ou de diminution des activités de l’EUIPO. Dans le but d’assurer cette flexibilité, un ratio de 70 % de personnel permanent pour 30 % de personnel non permanent servira de référence indicative pour la composition du personnel. Ce point du cadre de gestion prévoit que « pour mettre en œuvre ce principe, le second renouvellement des contrats des agents temporaires relevant de l’article 2, sous f), du RAA, pour une durée indéterminée en application de l’article 8 du RAA, doit être géré avec soin » et que, « dans ce but, dans le cadre de la préparation du budget de l’exercice N et N+1, l’[EUIPO] calcule pour l’année N+1 une référence indicative du nombre de possibilités pour le personnel à durée indéterminée et/ou pour le personnel permanent ».

42      Il en ressort que la fixation d’une date limite identique pour que les agents temporaires manifestent leur intérêt pour le second renouvellement de leur contrat, l’année précédant l’expiration de celui-ci, est justifiée par des raisons de flexibilité des effectifs et de prévisibilité budgétaire.

43      La requérante n’établit pas pour quel motif la fixation de cette date limite serait en contradiction avec le fait que chaque dossier est ensuite examiné individuellement par l’AHCC.

44      Troisièmement, la requérante indique que, selon le point 3.3 des lignes directrices, le département des ressources humaines (ci-après le « DRH ») dresse une liste des agents temporaires proposés au renouvellement ou au non-renouvellement. La procédure s’appuierait sur des éléments comparatifs proposés par le DRH à l’AHCC. Or, selon elle, l’AHCC ne se serait jamais écartée de la proposition du DRH.

45      Le point 3.3 des lignes directrices prévoit :

« L’analyse des manifestations d’intérêt est préparée par le DRH, à la suite d’un examen individuel de chaque cas particulier. En conséquence, le DRH établit une liste d’agents temporaires proposés pour le renouvellement ou le non-renouvellement.

La proposition du DRH incluant les manifestations d’intérêt et tout document à l’appui envoyé par les agents temporaires sont présentés à l’AHCC.

L’AHCC procède à une analyse préliminaire. Les agents temporaires dont le renouvellement n’est pas envisagé seront invités à soumettre leurs commentaires par écrit dans un délai de 10 jours ouvrables sur la décision envisagée ainsi que sur les documents à l’appui dont dispose l’AHCC.

L’AHCC procèdera alors à l’évaluation finale et adoptera la décision individuelle de renouvellement de contrat pour une durée déterminée ou de non-renouvellement, prenant en considération tous les documents à l’appui et les commentaires écrits soumis par l’agent temporaire concerné. »

46      Ainsi, le point 3.3 des lignes directrices indique que l’analyse des manifestations d’intérêt est préparée par le DRH selon un examen individuel de chaque cas particulier et que le DRH établit en conséquence une liste des agents temporaires proposés pour le renouvellement ou le non-renouvellement.

47      Contrairement à ce qu’affirme la requérante, il ne ressort pas du dossier que l’analyse préliminaire des manifestations d’intérêt effectuée par le DRH et la liste qui en résulte reposent sur des éléments comparatifs.

48      En outre, le fait, comme le soutient la requérante, que l’AHCC ne se soit pas écartée de la proposition du DRH n’établit pas que la procédure serait une procédure de sélection.

49      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la requérante ne saurait soutenir que la procédure de second renouvellement des contrats d’agents temporaires établie par les lignes directrices constitue une procédure de sélection.

50      À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever qu’il ne ressort pas de la procédure prévue par les lignes directrices que les décisions de renouvellement ou de non-renouvellement des contrats d’agents temporaires pour une durée indéterminée reposent sur des critères comparatifs.

51      Au contraire, selon le point 3.2 des lignes directrices, les décisions concernant le renouvellement d’un contrat pour une durée indéterminée sont prises au regard des besoins et de l’intérêt du service, dans le respect du devoir de sollicitude envers les membres du personnel. Dans son examen des besoins et de l’intérêt du service, l’AHCC devra notamment prendre en compte la performance de l’agent, en tant que critère clé, ainsi que la stabilité des effectifs, notamment dans le département ou le service dans lequel l’agent temporaire est assigné, ainsi que les disponibilités budgétaires. Dans l’application de son devoir de sollicitude, l’EUIPO devra considérer la situation spécifique et les intérêts de l’agent concerné.

52      D’autre part, il y a lieu de relever que la décision attaquée ne contient aucun élément de comparaison de la situation de la requérante avec celle d’autres agents temporaires ayant également manifesté leur intérêt pour le second renouvellement de leur contrat, ce que la requérante ne prétend d’ailleurs pas.

53      Dans la décision attaquée, l’AHCC a indiqué avoir examiné différents éléments représentant la performance de la requérante et a conclu que ces éléments n’établissaient pas un profil dans le domaine de la propriété intellectuelle comportant des éléments exceptionnels permettant de justifier une dérogation à la rotation des effectifs nécessaire pour garantir le niveau raisonnable requis de renouvellement du personnel de l’EUIPO. L’AHCC a ensuite examiné différents aspects de la situation personnelle de la requérante, mentionnés par cette dernière dans sa lettre du 25 mai 2017. L’AHCC a enfin estimé qu’il n’était pas dans l’intérêt du service de renouveler le contrat de la requérante pour une durée indéterminée.

54      La requérante ne saurait donc soutenir que la décision attaquée n’est pas une décision individuelle.

55      Il ressort de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de légalité, d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation du devoir de sollicitude

56      La requérante soutient que, l’EUIPO n’ayant invoqué aucun intérêt valide et légal pour motiver le non-renouvellement de son contrat, la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et est en contradiction avec le devoir de sollicitude de l’EUIPO envers le personnel.

57      Il ressort de la jurisprudence que, si l’article 8 du RAA prévoit la possibilité de renouveler un contrat d’agent temporaire, il ne s’agit pas d’un droit, mais d’une simple faculté laissée à l’appréciation de l’autorité compétente. En effet, selon une jurisprudence constante, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont dévolues et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition cependant que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service (voir arrêt du 17 janvier 2017, LP/Europol, T‑719/15 P, non publié, EU:T:2017:7, point 59 et jurisprudence citée ; arrêt du 3 mai 2018, SB/EUIPO, T‑200/17, non publié, EU:T:2018:244, point 64).

58      L’exercice de ce pouvoir d’appréciation doit toutefois se faire dans le respect du devoir de sollicitude. Celui-ci reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut, et, par analogie, le RAA, a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, l’AHCC prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui de l’agent concerné (voir arrêt du 17 janvier 2017, LP/Europol, T‑719/15 P, non publié, EU:T:2017:7, point 60 et jurisprudence citée ; arrêt du 3 mai 2018, SB/EUIPO, T‑200/17, non publié, EU:T:2018:244, point 65).

59      Appliqué à une décision sur le renouvellement éventuel du contrat d’un agent temporaire, le devoir de sollicitude impose ainsi à l’autorité compétente, lorsqu’elle statue, de procéder à une mise en balance de l’intérêt du service et de l’intérêt de l’agent (voir arrêt du 17 janvier 2017, LP/Europol, T‑719/15 P, non publié, EU:T:2017:7, point 61 et jurisprudence citée ; arrêt du 3 mai 2018, SB/EUIPO, T‑200/17, non publié, EU:T:2018:244, point 66).

60      Le devoir de sollicitude se traduit par ailleurs par l’obligation, pour l’autorité compétente, d’indiquer, dans la motivation de la décision de ne pas procéder au renouvellement, les raisons l’ayant conduite à faire prévaloir l’intérêt du service (voir arrêt du 17 janvier 2017, LP/Europol, T‑719/15 P, non publié, EU:T:2017:7, point 63 et jurisprudence citée ; arrêt du 3 mai 2018, SB/EUIPO, T‑200/17, non publié, EU:T:2018:244, point 67).

61      En premier lieu, la requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée d’illégalité du fait qu’elle a été adoptée à l’issue d’une procédure de sélection, et non sur le fondement de la qualité de chaque dossier.

62      Il convient de relever qu’il ressort de l’analyse du premier moyen que la requérante soutient à tort que la procédure mise en place par les lignes directrices, ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, était une procédure de sélection.

63      Dès lors, les arguments soulevés par la requérante dans le cadre du présent moyen, tiré d’une illégalité de la décision attaquée au motif qu’elle aurait été adoptée à l’issue d’une procédure de sélection, doivent être rejetés.

64      En deuxième lieu, la requérante soutient que l’EUIPO aurait restreint illégalement son pouvoir d’appréciation, d’une part, en limitant le nombre de référence des seconds renouvellements à cinq contrats, alors que 20 agents temporaires étaient concernés, et, d’autre part, en s’engageant, en application du plan stratégique 2020 de l’EUIPO daté du 20 janvier 2016, à respecter une proportion fixe entre le personnel permanent et le personnel à durée déterminée. En fixant cette proportion fixe, l’EUIPO n’aurait pas pu prendre en compte la qualité de chaque dossier, ce qui constituerait une erreur manifeste d’appréciation.

65      La requérante mentionne l’extrait du plan stratégique 2020 de l’EUIPO selon lequel :

« Afin de maintenir la flexibilité nécessaire pour gérer les fluctuations de la charge de travail et toute nouvelle responsabilité, l’[EUIPO] continuera d’engager des agents temporaires et des agents contractuels pour une période déterminée. Pour assurer cette flexibilité, l’[EUIPO] s’engage à respecter une certaine proportion de la composition des effectifs qui correspond traditionnellement à un rapport de 70 % de personnel permanent et 30 % d’agents à durée déterminée, en gardant toujours à l’esprit la nécessité de conserver les talents et de tirer profit de toutes les possibilités prévues dans le statut. »

66      Il convient de rappeler qu’il ressort de l’analyse du premier moyen que le nombre de référence des seconds renouvellements est purement indicatif.

67      En outre, il y a lieu de relever que le point 3.2 du cadre de gestion prévoit, conformément au plan stratégique 2020, que, pour assurer la flexibilité nécessaire, un ratio de 70 % de personnel permanent pour 30 % de personnel non permanent servira de référence indicative pour la composition des effectifs pour une période de cinq ans. Ce point du cadre de gestion indique que, en novembre 2015, les membres du personnel permanent de l’EUIPO représentaient 66 % des effectifs.

68      La requérante ne saurait donc prétendre que ce ratio constitue une proportion fixe.

69      Il en ressort que ce ratio et le nombre de référence des seconds renouvellements sont purement indicatifs et laissent une marge d’appréciation suffisante à l’AHCC pour déterminer au cas par cas quels sont les agents temporaires pouvant bénéficier d’un second renouvellement de leur contrat dans l’intérêt du service.

70      La requérante n’a donc pas établi l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

71      En troisième lieu, la requérante soutient que, contrairement à ce qui serait prévu par le plan stratégique 2020 de l’EUIPO, elle n’a pas obtenu un accès potentiel aux droits à pension de l’Union européenne, étant donné qu’il lui manquait deux ans pour atteindre la période de dix ans requise afin d’y avoir accès. L’EUIPO aurait investi dans la formation de la requérante, de sorte qu’en refusant de renouveler son contrat, il ne tirerait pas bénéfice de son investissement. Dans la décision attaquée, l’EUIPO n’aurait pas pris en compte que, de ce point de vue, le renouvellement du contrat de la requérante serait dans l’intérêt du service.

72      À cet égard, il y a lieu de relever que l’extrait du plan stratégique 2020 cité par la requérante prévoit :

« Une des premières mesures de la nouvelle politique du personnel a été de pouvoir doubler la durée des contrats des agents temporaires, passant de l’ancien système de contrats de trois ans avec une possible extension de deux ans à des contrats de cinq ans avec une extension possible de cinq ans, en fonction des besoins de l’[EUIPO] et de la performance de l’agent temporaire. Cela a permis de renforcer la stabilité contractuelle des membres du personnel concernés et de leur accorder potentiellement un accès à une pension de l’Union. La rotation réduite des agents temporaires signifie également que l’[EUIPO] bénéficiera davantage de son investissement dans la formation des nouveaux membres du personnel. »

73      Il en ressort que le plan stratégique 2020 se limite à constater que l’augmentation de la durée des contrats des agents temporaires, d’une part, a permis à certains d’entre eux d’obtenir une pension de l’Union et, d’autre part, a conduit à ce que l’EUIPO profite davantage de son investissement dans la formation de ces agents.

74      La requérante ne saurait prétendre qu’il ressort de ce plan stratégique 2020 que les agents temporaires ont un droit à bénéficier d’une durée de contrats de dix ans et d’une pension de l’Union, ni que l’investissement effectué dans sa formation justifiait le renouvellement de son contrat.

75      En quatrième lieu, la requérante fait valoir que le poste budgétaire qu’elle occupait n’a pas été supprimé à la fin de son contrat et il n’existait donc aucune nécessité budgétaire à ce qu’il ne soit pas renouvelé.

76      La requérante n’explique pas de quelle manière une telle considération serait pertinente s’agissant de la légalité de la décision attaquée, laquelle est relative au non-renouvellement de son contrat d’agent temporaire et non à la suppression d’un poste budgétaire.

77      Le fait que le poste budgétaire que la requérante occupait subsiste ne signifie pas automatiquement que l’EUIPO devait renouveler son contrat d’agent temporaire pour une durée indéterminée alors que l’AHCC estimait que ce renouvellement n’était pas dans l’intérêt du service.

78      En cinquième lieu, la requérante estime que les références, au point 3.5 du cadre de gestion, à un « besoin d’un niveau raisonnable de rotation des effectifs » et, au point 3 des lignes directrices, au « ratio de référence indicatif de 70 %-30 % entre le personnel permanent et le personnel non permanent afin d’assurer une flexibilité suffisante au sein de ses effectifs » ne constituent pas une analyse concrète de l’intérêt du service au regard du renouvellement de son contrat. La thèse de l’EUIPO selon laquelle il ne procéderait au second renouvellement d’un contrat d’agent temporaire que s’il existait des éléments exceptionnels justifiant de déroger à la « rotation nécessaire des effectifs » serait illégale. La justification de la « rotation nécessaire des effectifs » par une « flexibilité suffisante », figurant au point 3.2 du cadre de gestion, serait incorrecte, dans la mesure où il pourrait être mis fin à tout contrat d’agent temporaire à durée indéterminée en raison d’une diminution réelle de la charge de travail.

79      Il y a lieu de relever que, par ces arguments, la requérante prétend, en substance, remettre en cause la politique de gestion des effectifs de l’EUIPO telle que définie dans le cadre de gestion.

80      Or, il suffit de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus que l’EUIPO dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de ses services en fonction des missions qui lui sont dévolues.

81      En application de ce large pouvoir d’appréciation, l’EUIPO a donc pu définir les principes régissant la gestion de ses effectifs. Parmi ces principes figure celui mentionné au point 2.2 du cadre de gestion selon lequel « il existe un besoin de personnel temporaire qui confère de la flexibilité à la composition des effectifs, dans le but d’adapter le personnel aux fluctuations du marché, lesquelles génèrent des variations en termes d’augmentation ou de diminution des activités de l’EUIPO ». Ce principe est mis en œuvre au point 3.2 du cadre de gestion, qui prévoit l’établissement d’un ratio indicatif pour assurer la flexibilité requise, lequel est rappelé au point 3 des lignes directrices. Un autre principe, mentionné au point 2.5 du cadre de gestion, prévoit qu’« il existe un besoin d’un niveau raisonnable de rotation des effectifs ».

82      En outre, il y a lieu de relever que la requérante n’explique pas en vertu de quelle disposition le choix de l’EUIPO de ne déroger aux principes qu’il a fixés dans le cadre de gestion, notamment celui relatif à la nécessaire rotation des effectifs, que dans le cas où le profil de l’agent temporaire concerné présente des éléments exceptionnels serait illégal.

83      Par ailleurs, le fait que, dans la décision attaquée, l’AHCC ait rappelé la nécessaire rotation des effectifs n’exclut pas qu’elle ait également procédé à une analyse concrète de l’intérêt du service s’agissant de la requérante, notamment au regard des critères fixés dans les lignes directrices, tels que la performance de cette dernière.

84      Quant à l’argument selon lequel la flexibilité pourrait être assurée par un autre moyen, à savoir le licenciement d’un agent temporaire ayant un contrat à durée indéterminée, il suffit de constater qu’il ne saurait être retenu. En effet, comme le relève l’EUIPO, il n’appartient pas à la requérante de substituer son appréciation à celle de l’EUIPO pour déterminer si le renouvellement de son contrat était dans l’intérêt du service, voire même pour définir la politique de gestion des effectifs de l’EUIPO.

85      En sixième lieu, la requérante soutient que l’argumentation de l’EUIPO dans la décision de rejet de la réclamation, selon laquelle des éléments exceptionnels seraient requis pour justifier le renouvellement d’un contrat d’agent temporaire, ne saurait être admise au regard de l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43) et de l’article 30 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, selon lesquels un contrat de travail à durée indéterminée doit constituer la règle.

86      La requérante conteste l’appréciation figurant dans la décision de rejet de la réclamation selon laquelle, après une évaluation de l’ensemble des éléments, l’AHCC n’a pas considéré que le profil de la requérante établissait un profil dans le domaine de la propriété intellectuelle comportant des éléments exceptionnels permettant de justifier une exception aux principes de la politique de gestion des effectifs de l’EUIPO tels que définis dans le cadre de gestion. Dans la décision attaquée, il est indiqué que le profil de la requérante ne présentait pas des éléments exceptionnels permettant de justifier de déroger à la rotation nécessaire pour garantir le niveau raisonnable requis de renouvellement du personnel de l’EUIPO.

87      Or, d’une part, il y a lieu de relever que l’article 30 de la charte des droits fondamentaux prévoit que « [t]out travailleur a droit à une protection contre tout licenciement injustifié, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales ».

88      Cet article ne concerne donc pas l’enchaînement de contrats à durée déterminée, mais le licenciement abusif d’un travailleur. Or, la fin d’un contrat de travail à durée déterminée, du simple fait de la survenance de son terme, ne constitue pas un licenciement abusif (arrêt du 27 novembre 2012, Sipos/OHMI, F‑59/11, EU:F:2012:164, point 98).

89      Il suffit donc de constater que cet article n’est pas pertinent en l’espèce, la requérante n’ayant pas fait l’objet d’un licenciement.

90      D’autre part, à supposer même que la directive 1999/70 soit applicable en l’espèce, l’alinéa du préambule de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée figurant en annexe de la directive, cité par la requérante, indique que les parties à cet accord « reconnaissent que les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs ».

91      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l’accord-cadre part de la prémisse selon laquelle les contrats de travail à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail, tout en reconnaissant que les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs ou pour certaines occupations et activités (voir points 6 et 8 des considérations générales de l’accord-cadre) (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 61, et du 28 février 2018, John, C‑46/17, EU:C:2018:131, point 39).

92      La Cour a également jugé que, dès lors que la clause 5 de l’accord-cadre n’édicte pas une obligation générale des États membres de prévoir la transformation en contrats à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée, pas plus qu’elle ne prescrit les conditions précises auxquelles il peut être fait usage de ces derniers, elle laisse un certain pouvoir d’appréciation en la matière aux États membres (arrêt du 7 mars 2018, Santoro, C‑494/16, EU:C:2018:166, point 32 ; voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 91).

93      Dès lors, quand bien même l’accord-cadre serait applicable à l’EUIPO, la requérante ne saurait soutenir que l’appréciation de l’AHCC figurant dans la décision de rejet de la réclamation constitue une violation de cet accord-cadre.

94      En outre, il convient de rappeler que, au point 3.2 du cadre de gestion, l’EUIPO établit un ratio de référence indicatif de 70 % d’agents permanents pour 30 % d’agents non permanents et que, en novembre 2015, les membres du personnel permanent de l’EUIPO représentaient 66 % des effectifs. Ainsi, il peut être considéré que, au sein de l’EUIPO, les contrats à durée indéterminée sont également la règle générale.

95      En septième lieu, la requérante fait valoir que l’EUIPO a manqué à son devoir de sollicitude.

96      D’une part, la requérante soutient qu’il ressort de ses arguments précédents que les éléments invoqués par l’EUIPO dans la décision attaquée pour établir l’intérêt du service n’étaient pas valides. En application du devoir de sollicitude, son intérêt aurait donc dû primer l’absence d’intérêt valide du service et la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

97      Il suffit de constater qu’il ressort de ce qui précède que les arguments de la requérante ont été rejetés et que cette dernière ne saurait donc soutenir qu’elle a démontré l’absence d’intérêt valide du service.

98      D’autre part, la requérante fait valoir que l’EUIPO n’a exprimé aucune critique de ses performances et de ses compétences et s’est contenté de constater qu’elles n’étaient pas suffisamment « exceptionnelles », ce qui ne constituerait pas un argument valide. Elle soutient qu’il ne ressort pas de la décision attaquée que l’EUIPO ait mis en balance sa situation personnelle avec l’intérêt présumé du service de ne pas renouveler son contrat. Dans la décision attaquée, l’AHCC se serait contentée de reprendre ses observations et d’assurer qu’elles avaient été prises en compte. L’EUIPO aurait ainsi manqué à son devoir de sollicitude.

99      Il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 59 et 60 ci-dessus que le devoir de sollicitude impose à l’AHCC, lorsqu’elle statue, de procéder à une mise en balance de l’intérêt du service et de l’intérêt de l’agent et qu’il se traduit par l’obligation, pour cette autorité, d’indiquer, dans la motivation de la décision de ne pas procéder au renouvellement, les raisons l’ayant conduite à faire prévaloir l’intérêt du service.

100    Il convient également de rappeler qu’un agent temporaire, titulaire d’un contrat à durée déterminée, n’a, en principe, aucun droit au renouvellement de son contrat, cela n’étant qu’une simple possibilité, subordonnée à la condition que ce renouvellement soit conforme à l’intérêt du service (voir arrêt du 3 mai 2018, SB/EUIPO, T‑200/17, non publié, EU:T:2018:244, point 76 et jurisprudence citée).

101    De plus, si, en vertu du devoir de sollicitude, l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle apprécie l’intérêt du service, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, notamment l’intérêt de l’agent concerné, la prise en compte de l’intérêt personnel de ce dernier ne saurait aller jusqu’à interdire à ladite autorité de ne pas renouveler un contrat à durée déterminée malgré l’opposition de cet agent, dès lors que l’intérêt du service l’exige (arrêts du 27 novembre 2008, Klug/EMEA, F‑35/07, EU:F:2008:150, point 79, et du 10 septembre 2014, Tzikas/AFE, F‑120/13, EU:F:2014:197, point 93).

102    Il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, l’AHCC a indiqué qu’elle avait pris en compte tous les éléments avancés par la requérante dans sa manifestation d’intérêt du 25 mai 2017, à savoir son expérience professionnelle dans différents services de l’EUIPO, ses compétences organisationnelles et linguistiques, notamment en allemand, ainsi que sa motivation à développer ses compétences professionnelles et personnelles à l’EUIPO. L’AHCC a précisé que tous ces éléments avaient été pris en considération pour l’évaluation de la performance de la requérante dans le cadre de l’exercice d’évaluation.

103    L’AHCC a cependant considéré que ces éléments n’établissaient pas un profil dans le domaine de la propriété intellectuelle comportant des éléments exceptionnels permettant de justifier une dérogation à la rotation des effectifs nécessaire pour garantir le niveau raisonnable requis de renouvellement du personnel de l’EUIPO.

104    L’AHCC a ajouté que les aspects personnels mentionnés par la requérante dans sa manifestation d’intérêt relatifs à sa fille et à son avenir professionnel avaient également été pris en considération.

105    En outre, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AHCC a rappelé que, en application du point 3.2 des lignes directrices, la décision relative au renouvellement des contrats pour une durée indéterminée devait être adoptée au regard de l’intérêt du service, tout en respectant le devoir de sollicitude. L’AHCC a également rappelé que, s’agissant des besoins et de l’intérêt du service, parmi d’autres éléments devant être pris en considération, le critère clé pour l’intérêt du service était la performance de l’agent temporaire, évaluée au regard de son efficacité, de son comportement dans le service et de ses compétences pendant la durée de son contrat, ainsi que son profil, comparé avec les exigences professionnelles des besoins identifiés dans le service.

106    Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort ainsi de la décision attaquée que l’AHCC a effectivement pris en considération les éléments établissant la performance professionnelle et les éléments de la situation personnelle qu’elle avait mentionnés dans sa manifestation d’intérêt. Cela est d’ailleurs confirmé par les précisions relatives à l’expérience professionnelle et à la situation personnelle de la requérante contenues dans la décision de rejet de la réclamation. La requérante ne mentionne dans la requête aucun élément précis qui aurait été ignoré par l’AHCC lors de l’évaluation de ses performances ou de sa situation personnelle.

107    Dès lors, il ressort clairement de la décision attaquée ainsi que de la décision de rejet de la réclamation que l’AHCC a pris en compte, d’une part, les besoins et l’intérêt du service et, d’autre part, la situation personnelle de la requérante. L’AHCC a donc procédé à une mise en balance de l’intérêt du service et de l’intérêt de la requérante, conformément à la jurisprudence citée aux points 58 et 59 ci-dessus.

108    En outre, il y a lieu de relever que la requérante ne prétend pas que l’AHCC aurait commis une erreur dans l’appréciation de ses compétences professionnelles ou de sa situation personnelle.

109    Elle se contente de faire valoir que le fait que l’AHCC les ait considérées comme n’étant pas exceptionnelles ne constituerait pas un argument valide.

110    À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort notamment des points 79 à 82 ci-dessus que l’EUIPO peut décider, en application de sa large marge d’appréciation, de ne déroger aux principes qu’il a fixés dans le cadre de gestion, notamment celui relatif à la nécessaire rotation des effectifs, que dans le cas où le profil de l’agent temporaire concerné présente des éléments exceptionnels.

111    L’AHCC a ainsi justifié pour quel motif elle considérait que le renouvellement du contrat de la requérante pour une durée indéterminée n’était pas dans l’intérêt du service.

112    Il ressort de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que l’EUIPO avait violé le devoir de sollicitude.

113    Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 27, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous b), du règlement no 45/2001

114    La requérante soutient qu’elle a fait l’objet d’une procédure de sélection visant à apprécier ses performances. Cette procédure n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle préalable du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), conformément à l’article 27, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous b), du règlement no 45/2001, elle serait donc illégale, de même que la décision attaquée.

115    L’EUIPO fait valoir que ce moyen n’ayant pas été soulevé au stade de la réclamation administrative, il est irrecevable en application de la règle de concordance entre la réclamation et la requête.

116    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AHCC ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 71 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 mars 2018, Popotas/Médiateur, T‑581/16, EU:T:2018:169, point 45).

117    Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 72 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 mars 2018, Popotas/Médiateur, T‑581/16, EU:T:2018:169, point 46).

118    Il s’ensuit que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, dans les recours en matière de fonction publique, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 73 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 mars 2018, Popotas/Médiateur, T‑581/16, EU:T:2018:169, point 47).

119    En outre, il importe certes de souligner, d’une part, que, puisque la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général à ce stade sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture, et, d’autre part, que l’article 91 du statut n’a pas pour objet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 76 et jurisprudence citée ; arrêt du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 36).

120    Toutefois, il n’en demeure pas moins que, selon une jurisprudence constante, pour que la procédure précontentieuse prévue par l’article 91, paragraphe 2, du statut puisse atteindre son objectif, il faut que l’AHCC soit en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 77 et jurisprudence citée ; arrêt du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 37).

121    Il convient de relever que, dans sa réclamation, la requérante a soutenu que la décision attaquée était fondée sur une procédure de sélection dépourvue de base légale, que son expérience professionnelle, sa connaissance dans le domaine de la propriété intellectuelle, ses compétences linguistiques et sa situation personnelle n’avaient pas suffisamment été prises en compte et que la décision attaquée était contraire aux politiques formulées dans les plans stratégiques 2015 et 2020 de l’EUIPO.

122    Force est de constater que, dans sa réclamation, la requérante n’a soulevé aucun argument concernant une atteinte aux dispositions du règlement no 45/2001 ou relative au traitement de ses données à caractère personnel susceptible d’avoir vicié la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.

123    Dès lors, les arguments soulevés dans le troisième moyen ne figuraient pas dans la réclamation et ne se rattachent étroitement à aucun des chefs de contestation invoqués dans la réclamation, en violation de la règle de concordance entre la réclamation et la requête.

124    Il convient d’ajouter, à cet égard, que la réclamation ne contient aucun élément explicite et précis permettant d’interpréter celle-ci, même dans un esprit d’ouverture, comme visant un grief tiré de la violation du règlement no 45/2001.

125    Partant, les arguments soulevés dans le troisième moyen n’ayant pas été invoqués, même implicitement, dans la procédure précontentieuse, ils ne sauraient être soulevés pour la première fois devant le juge de l’Union.

126    Dès lors, il y a lieu de considérer que le troisième moyen est irrecevable.

127    En tout état de cause, comme le soutient l’EUIPO, ce moyen n’est pas fondé.

128    En effet, il y a lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle une irrégularité procédurale ne saurait être sanctionnée par l’annulation de la décision attaquée que s’il est établi que cette irrégularité procédurale a pu influer sur le contenu de la décision (voir arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 55 et jurisprudence citée).

129    En outre, selon la jurisprudence, il ne résulte d’aucune disposition du règlement no 45/2001 que la violation des droits qu’il garantit ait, de plein droit, une incidence sur la légalité des actes adoptés par les institutions et les organes de l’Union (arrêt du 22 novembre 2017, HD/Parlement, T‑652/16 P, non publié, EU:T:2017:828, point 34).

130    Dès lors, à supposer même que le contrôle préalable du CEPD soit prévu dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, la requérante n’explique pas de quelle manière l’absence de ce contrôle aurait une incidence sur le contenu de la décision attaquée.

131    Partant, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

132    La requérante soutient que l’EUIPO a commis une violation du principe d’égalité de traitement en la traitant de la même façon que les autres agents temporaires dont les contrats ont pris fin plusieurs mois avant ou après le sien en 2018. Elle fait valoir que, en vertu du principe d’égalité de traitement, une décision aurait dû être adoptée dans le même intervalle de temps, à savoir trois mois, précédant la fin de chaque contrat.

133    Selon la jurisprudence, l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement, applicable au droit de la fonction publique de l’Union, suppose que deux catégories de personnes dont les situations juridiques et factuelles ne présentent pas de différences essentielles se voient appliquer un traitement différent ou que des situations différentes soient traitées de manière identique, sans qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 6 septembre 2018, Piessevaux/Conseil, C‑454/17 P, non publié, EU:C:2018:680, point 78 ; voir, également, arrêt du 7 juin 2018, Winkler/Commission, T‑369/17, non publié, EU:T:2018:334, point 59 et jurisprudence citée).

134    Il y a lieu également de préciser que, d’une part, il est requis non pas que les situations soient identiques, mais seulement qu’elles soient comparables, et que, d’autre part, l’examen de ce caractère comparable doit être effectué non pas de manière globale et abstraite, mais de manière spécifique et concrète, au regard de l’objet et du but de la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêts du 9 mars 2017, Milkova, C‑406/15, EU:C:2017:198, point 57 et jurisprudence citée, et du 22 janvier 2019, Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 43).

135    Premièrement, bien que la requérante n’explique pas précisément ce qu’elle entend par le fait qu’elle aurait été traitée de la même façon que les autres agents temporaires dont les contrats ont pris fin plusieurs mois avant ou après le sien en 2018, le Tribunal comprend cet argument comme visant à reprocher à l’EUIPO que tous les agents temporaires dont le contrat prenait fin en 2018 aient été invités à exprimer leur intérêt pour un second renouvellement de leur contrat à la même date.

136    À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort du point 3.1 des lignes directrices et du point 3.4 du cadre de gestion, cités aux points 37 et 38 ci-dessus, que l’EUIPO contacte tous les agents temporaires dont le second contrat arrive à expiration, lors du deuxième trimestre de l’année précédant l’expiration de leur contrat, afin d’identifier le personnel intéressé par le renouvellement de son contrat pour une période indéterminée.

137    Il ressort des points 41 et 42 ci-dessus que la fixation d’une date limite pour la manifestation d’intérêt, identique pour tous les agents temporaires dont le second contrat expire au cours de la même année, quel que soit le mois, lors du deuxième trimestre de l’année précédente, est justifiée au regard des objectifs de flexibilité des effectifs et de prévisibilité budgétaire.

138    Il y a donc lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient la requérante, tous les agents temporaires dont le second contrat arrive à expiration la même année sont dans une situation objectivement comparable au regard des objectifs poursuivis par le cadre de gestion et que le fait que l’EUIPO leur demande de manifester leur intérêt pour le renouvellement de leur contrat lors du deuxième trimestre de l’année précédente ne constitue pas une violation du principe d’égalité de traitement.

139    Par ailleurs, il convient de relever que le lancement de la procédure de renouvellement des seconds contrats d’agents temporaires pendant le même trimestre de l’année précédant l’expiration de ces contrats ne signifie pas que toutes les décisions concernant le renouvellement ou le non-renouvellement des contrats des agents temporaires ayant manifesté leur intérêt seront adoptées à la même date, ce que la requérante ne prétend d’ailleurs pas.

140    De plus, la requérante n’explique pas quelle serait la conséquence sur l’examen de sa situation individuelle du fait que tous les agents temporaires dont le second contrat expirait en 2018 ont été contactés par l’EUIPO lors du deuxième trimestre de l’année 2017 pour manifester leur intérêt pour le renouvellement de leur contrat, ni de quelle manière elle aurait été pénalisée par rapport à d’autres agents temporaires dont les contrats expiraient quelques mois avant ou après le sien.

141    Deuxièmement, il convient de rappeler que, en l’espèce, le contrat de la requérante expirait le 30 juin 2018, qu’elle a été invitée à manifester son intérêt pour le renouvellement de son contrat le 11 mai 2017 et que la décision de ne pas renouveler son contrat a été adoptée le 6 octobre 2017.

142    La procédure était donc conforme au point 3.4. des lignes directrices, qui prévoit que le DRH notifie la décision de l’AHCC relative au renouvellement ou au non-renouvellement du contrat pour une durée indéterminée au moins trois mois avant l’expiration du second contrat.

143    La requérante n’explique pas pour quel motif l’application du principe d’égalité de traitement impliquerait que la décision de non-renouvellement de son contrat aurait dû intervenir trois mois avant l’expiration de son contrat, et non, comme en l’espèce, plus de six mois avant.

144    Quant à l’argument de la requérante selon lequel elle aurait eu plus de chance d’obtenir un contrat à durée indéterminée si la décision relative au renouvellement de son contrat avait été adoptée trois mois avant l’expiration de ce dernier, par exemple après le recrutement d’agents temporaires en tant que fonctionnaires, il suffit de constater qu’il s’agit d’une simple allégation ne reposant sur aucun fondement.

145    À cet égard, l’EUIPO relève que le recrutement d’un plus grand nombre de fonctionnaires ne signifie pas automatiquement que des postes sont vacants pour des contrats à durée indéterminée, mais cela peut au contraire limiter la possibilité pour les agents temporaires de bénéficier d’un renouvellement de contrat pour une durée indéterminée, ceux-ci étant comptabilisés dans le ratio de référence indicatif de 70 % pour le personnel permanent, figurant dans le plan stratégique 2020 de l’EUIPO.

146    Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement et que, partant, le quatrième moyen doit être rejeté.

147    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

148    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      WP est condamnée aux dépens.

Collins

Kancheva

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mai 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.