Language of document : ECLI:EU:T:1997:192

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

10 décembre 1997 (1)

«Procédure - Jonction - Article 23 du protocole sur le statut (CECA)

de la Cour - Institution défenderesse - Pièces relatives à l'affaire -

Production - Confidentialité»

Dans l'affaire T-134/94,

NMH Stahlwerke GmbH, société de droit allemand, établie à Sulzbach-Rosenberg (Allemagne), représentée par Mes Paul B. Schäuble, Siegfried Jackermeier et Reinhard E. Ingerl, avocats à Munich, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Ernest Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, Norbert Lorenz, membres du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, et Currall, en qualité d'agents, assistés de Me Heinz-Joachim Freund, avocat à Francfort-sur-le-Main, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

dans l'affaire T-136/94,

Eurofer ASBL, association de droit luxembourgeois, établie à Luxembourg, représentée par Me Norbert Koch, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de Eurofer ASBL, GISL, 17 à 25, avenue de la Liberté,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, Norbert Lorenz, membres du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, et Currall, en qualitéd'agents, assistés de Me Heinz-Joachim Freund, avocat à Francfort-sur-le-Main, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

dans l'affaire T-137/94,

ARBED SA, société de droit luxembourgeois, établie à Luxembourg, représentée par Me Alexandre Vandencasteele, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de Me Paul Ehmann, 19, avenue de la Liberté,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, membre du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Currall et Guy Charrier, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, et, enfin, par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, et Currall, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

dans l'affaire T-138/94,

Cockerill-Sambre SA, société de droit belge, établie à Bruxelles, représentée par Me Alexandre Vandencasteele, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Ernest Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, membre du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Currall et Guy Charrier, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, et, enfin, par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, et Currall, en qualité d'agents,ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

dans l'affaire T-141/94,

Thyssen Stahl AG, société de droit allemand, établie à Duisbourg (Allemagne), représentée par Mes Joachim Sedemund et Frank Montag, avocats à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Aloyse May, 31, Grand-rue,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, Norbert Lorenz, membres du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, et Currall, en qualité d'agents, assistés de Me Heinz-Joachim Freund, avocat à Francfort-sur-le-Main, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

dans l'affaire T-145/94,

Unimétal - Société française des aciers longs SA, société de droit français, établie à Rombas (France), représentée par Mes Antoine Winckler et Caroline Levi, avocats au barreau respectivement de Paris et de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Elvinger et Hoss, 2, place Winston Churchill,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, membre du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Currall et Guy Charrier, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, et, enfin, par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, et Currall, en qualité d'agents,ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

dans l'affaire T-147/94,

Krupp Hoesch Stahl AG, société de droit allemand, établie à Dortmund (Allemagne), représentée par Mes Otfried Lieberknecht, Karlheinz Moosecker, Gerhard Wiedemann et Martin Klusmann, avocats à Düsseldorf, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Axel Bonn, 62, avenue Guillaume,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, Norbert Lorenz, membres du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, et Currall, en qualité d'agents, assistés de Me Heinz-Joachim Freund, avocat à Francfort-sur-le-Main, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

dans l'affaire T-148/94,

Preussag Stahl AG, société de droit allemand, établie à Salzgitter (Allemagne), représentée par Mes Horst Satzky, Bernhard M. Maassen, Martin Heidenhain et Constantin Frick, avocats à Brême, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me René Faltz, 6, rue Heine,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, Norbert Lorenz, membres du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, et Currall, en qualitéd'agents, assistés de Me Heinz-Joachim Freund, avocat à Francfort-sur-le-Main, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

dans l'affaire T-151/94,

British Steel plc, société de droit anglais, établie à Londres, représentée par Mes Philip G. H. Collins et John E. Pheasant, solicitors, Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Marc Loesch, 11, rue Goethe,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, membre du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, et Currall, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

dans l'affaire T-156/94,

Siderúrgica Aristrain Madrid, SL, société de droit espagnol, établie à Madrid, représentée par Mes Antonio Creus Carreras et Xavier Ruiz Calzado, avocats au barreau de Barcelone,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, Francisco Enrique González Díaz, membres du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, et Currall, en qualité d'agents, assistés de Me Ricardo Garcia Vicente, avocat au barreau de Madrid, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

et dans l'affaire T-157/94,

Empresa Nacional Siderúrgica, SA (Ensidesa), société de droit espagnol, établie à Avilés (Espagne), représentée par Mes Santiago Martinez Lage et Jaime Perez-Bustamante Köster, avocats au barreau de Madrid, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Aloyse May, 31, Grand-rue,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, Francisco Enrique González Díaz, membres du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, et Currall, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet principal une demande d'annulation de la décision 94/215/CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles (JO L 116, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. A. Kalogeropoulos, président, C. P. Briët, C. W. Bellamy, A. Potocki et J. Pirrung, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

1.
    Dans l'ordonnance qu'il a rendue dans le cadre des présentes affaires le 19 juin 1996 (Rec. p. II-537, ci-après «ordonnance du 19 juin 1996»), le Tribunal (deuxième chambre élargie) a réservé sa décision sur les demandes d'accès des parties requérantes aux pièces du dossier transmis par la partie défenderesse au Tribunal (ci-après «dossier transmis au Tribunal») au titre de l'article 23 du protocole sur le statut (CECA) de la Cour, classées par cette dernière comme documents internes, ainsi que sur leurs demandes visant à la production de documents qui ne figurent pas dans ledit dossier, tout en ordonnant à la défenderesse de spécifier de manière circonstanciée et concrète les raisons pour lesquelles elle considère que certains documents composant ce dossier et qualifiés par elle d'«internes» ne peuvent, selon elle, être communiqués aux requérantes.

2.
    La défenderesse a répondu au Tribunal par lettres datées des 11 septembre 1996 (dans l'affaire T-151/94, ci-après «affaire British Steel»), 12 septembre 1996 (dans les affaires T-137/94, ci-après «affaire ARBED», T-138/94, ci-après «affaire Cockerill-Sambre», T-145/94, ci-après «affaire Unimétal», T-156/94, ci-après «affaire Aristrain» et T-157/94, ci-après «affaire Ensidesa») et 13 septembre 1996 (dans les affaires T-134/94, ci-après «affaire NMH», T-136/94, ci-après «affaire Eurofer», T-141/94, ci-après «affaire Thyssen», T-147/94, ci-après «affaire Krupp Hoesch», et T-148/94, ci-après «affaire Preussag»).

3.
    Dans ces mêmes lettres la défenderesse, «eu égard à l'importance qu'elle attache à la présente question», a suggéré le renvoi des présentes affaires à la formation plénière du Tribunal, en application de l'article 14 du règlement de procédure. Invitées à présenter leurs observations sur ces demandes, les requérantes ont répondu par lettres déposées entre le 1er et le 24 octobre 1996. Les requérantes dans les affaires NMH, ARBED, Cockerill-Sambre, Preussag, British Steel et Ensidesa se sont opposées à un tel renvoi. Elles soutiennent, en substance, que celui-ci ne se justifie plus au stade actuel de la procédure et que la demande de la partie défenderesse n'a pas d'autre objet que de remettre en cause l'ordonnance du 19 juin 1996.

4.
    Il convient par ailleurs de rappeler que, par lettre du greffier du 30 mars 1995, le Tribunal (troisième chambre élargie) a invité les parties à présenter par écrit leurs observations sur la jonction des présentes affaires aux seules fins de la procédure orale. Compte tenu des problèmes que pourrait poser la jonction d'une série d'affaires, avec quatre langues de procédure différentes, les parties requérantes ont également été priées de confirmer leur accord pour que les modalités procédurales suivantes soient appliquées en cas de jonction:

«-    les parties requérantes pourront consulter au greffe les dossiers originaux de toutes les affaires, à savoir les mémoires échangés avec leurs annexes, mais copie de ces pièces ne leur sera pas fournie par le Tribunal et aucune traduction des mémoires ou annexes dans les autres langues de procédure ne sera établie par les soins du Tribunal;

-    les rapports d'audience seront communiqués à chaque partie requérante, pour son affaire, dans sa langue de procédure et, pour toutes les autres affaires, dans les langues dans lesquelles le rapport d'audience en question sera disponible, à savoir en langue française et dans la langue de procédure de l'affaire concernée».

5.
    Dans leurs réponses à la lettre du Tribunal du 30 mars 1995, dix des onze parties requérantes et la partie défenderesse ont marqué leur accord de principe sur une jonction des présentes affaires aux seules fins de la procédure orale, ainsi que sur les modalités de consultation du dossier et de communication des rapports d'audience décrites au point 4, ci-dessus.

6.
    La partie requérante dans l'affaire NMH (ci-après «NMH») a, toutefois, fait valoir qu'une jonction de l'ensemble des affaires en vue d'une procédure orale commune n'est pas dans son intérêt, dès lors qu'elle-même est exclusivement concernée par une seule infraction, à savoir l'échange d'informations confidentielles dans le cadre de la commission poutrelles et de la Walzstahl-Vereinigung. NMH estime que, en cas de jonction aux fins de la procédure orale, la plus grande partie de cette procédure, qui pourrait durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines d'après elle, sera consacrée à des infractions qui ne la concernent pas, et que l'on ne saurait attendre qu'elle supporte les frais d'avocats qui en découleraient pour elle.

Sur la demande de renvoi des présentes affaires à la formation plénière du Tribunal

7.
    Il ressort des dispositions combinées des articles 14, premier alinéa, et 51, paragraphe 1, du règlement de procédure que, lorsque la difficulté en droit ou l'importance de l'affaire ou des circonstances particulières le justifient, la chambre qui en est saisie peut à tout stade de la procédure, soit d'office soit à la demande d'une partie, proposer à la formation plénière du Tribunal le renvoi de l'affaire à celle-ci ou à une chambre composée d'un nombre différent de juges.

8.
    Il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions en l'espèce, au stade actuel de la procédure.

9.
    En effet, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a déjà statué, par son ordonnance du 19 juin 1996 (voir notamment les points 11 à 15 et 67 à 74), sur les questions de principe qui auraient pu, le cas échéant, justifier, en raison de leur difficulté en droit ou de leur importance particulière, une proposition de renvoi à la formation plénière du Tribunal, sans qu'à ce stade la partie défenderesse ait estimé opportun d'introduire une demande au titre des articles 14 et 51 du règlement de procédure. Quant aux questions sur lesquelles le Tribunal doit encore se prononcer, après que la partie défenderesse s'est conformée au point 3 du dispositif de l'ordonnance du 19 juin 1996, elles relèvent d'une simple application au cas d'espèce des principes arrêtés par ladite ordonnance, et notamment de la mise en balance, dans lescirconstances spécifiques de l'espèce et à la lumière des moyens et arguments des parties, des exigences, d'une part, du principe de l'efficacité de l'action administrative, et, d'autre part, du principe du contrôle judiciaire des actes de l'administration, dans le respect des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure (voir l'ordonnance du 19 juin 1996, point 74). Dans ces conditions, un renvoi devant la formation plénière du Tribunal n'apparaît pas justifié.

Sur la jonction des présentes affaires

10.
    Aux termes de l'article 50 du règlement de procédure, «le président, les parties et l'avocat général entendus, peut à tout moment pour cause de connexité ordonner la jonction de plusieurs affaires portant sur le même objet aux fins de la procédure écrite ou orale ou de l'arrêt qui met fin à l'instance. Il peut les disjoindre à nouveau.»

11.
    En l'espèce, il est dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre les présentes affaires, qui sont connexes dans leur objet, aux fins de la procédure orale et des mesures d'instruction ou d'organisation de la procédure destinées à assurer, dans les meilleures conditions, le déroulement de celle-ci, étant entendu que seront appliquées les modalités procédurales décrites au point 4, ci-dessus.

12.
    Quant aux objections soulevées par NMH, il pourra y être adéquatement remédié, le cas échéant, par des mesures particulières d'organisation de la procédure orale, à adopter ultérieurement par le Tribunal.

Sur les demandes d'accès des parties requérantes aux documents internes de la partie défenderesse

Arguments des parties

13.
    Les arguments présentés par les parties requérantes à l'appui de leur demande d'accès aux documents internes de la partie défenderesse sont résumés aux points 49 à 63 de l'ordonnance du 19 juin 1996. Il convient de rappeler notamment que, dans leur réponse à la lettre du Tribunal du 21 juillet 1995 (25 juillet 1995 dans l'affaire T-151/94; voir l'ordonnance du 19 juin 1996, point 8), neuf des onze requérantes ont indiqué, en se référant à la liste des documents internes fournie par la Commission, ceux de ces documents qui revêtent à leurs yeux une importance particulière et dont elles demandent la communication en se fondant non seulement sur l'article 23 du statut de la Cour, mais aussi sur la jurisprudence du Tribunal dans le cadre du traité CE, et notamment sur les arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission (T-30/91, Rec. p. II-1775), et ICI/Commission (T-36/91, Rec. p. II-1847). Ces requérantes ont, pour la plupart, explicitement motivé leur demande de communication des documents en cause en faisant référence soit aux divers moyens d'annulation qu'elles invoquent à l'appui de leur recours, soit à certaines considérations nouvelles qu'elles tirent de la lecture de l'inventaire despièces du dossier interne de la Commission, tel qu'il leur a été communiqué en cours d'instance (voir l'ordonnance du 19 juin 1996, point 63). Cette demande porte plus particulièrement sur les documents concernant:

a)    la participation éventuelle de certains fonctionnaires de la direction générale Industrie (DG III), voire d'autres directions générales de la Commission, à la mise en place et à la gestion de certains mécanismes identifiés dans la décision attaquée, à savoir la décision 94/215/CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles (JO L 116, p. 1, ci-après «Décision»), comme étant des accords ou pratiques restrictifs de la concurrence, et plus particulièrement aux «échanges d'informations confidentielles» et à l'«harmonisation des suppléments», ou du moins la connaissance qu'ils en avaient ou auraient dû en avoir, selon huit des onze requérantes; ces documents seraient pertinents notamment à la lumière des moyens ou arguments tirés par huit des onze requérantes de la violation de l'article 65, paragraphe 1, du traité CECA, des principes généraux de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de l'interdiction de se prévaloir de ses propres fautes (voir requête dans l'affaire ARBED, p. 5, 12, 44 à 56, 60, 65 et 66; requête dans l'affaire Cockerill-Sambre, p. 5, 7, 37 à 47, 51, 57 et 58; requête dans l'affaire Thyssen, points 46 à 54 et 89 à 92; requête dans l'affaire Unimétal, p. 43 à 52 et 60 à 61; requête dans l'affaire Preussag, points 367 à 397, 482, 484 et 485; requête dans l'affaire British Steel, points 89 à 137 et troisième, sixième, douzième et vingt-quatrième moyens; requête dans l'affaire Aristrain, septième moyen et point 273; requête dans l'affaire Ensidesa, point 68; observations des requérantes dans les affaires ARBED, Cockerill-Sambre, Thyssen, Unimétal, Preussag, British Steel, Aristrain et Ensidesa en réponse à la lettre du Tribunal du 21 juillet 1995; pour l'harmonisation des suppléments, voir en particulier requête dans l'affaire ARBED, p. 22 et 23; requête dans l'affaire Cockerill-Sambre, p. 15 et 16; requête dans l'affaire British Steel, onzième moyen);

b)    l'enquête interne menée à ce sujet par le conseiller-auditeur, à la suite de l'audition administrative des 11, 12, 13 et 14 janvier 1993 (voir le point 312 de la Décision); ces documents seraient pertinents notamment à la lumière des moyens ou arguments tirés de la violation des droits de la défense au cours de l'enquête administrative (voir requête dans l'affaire Thyssen, points 21 à 28; requête dans l'affaire Unimétal, p. 13 à 15; requête dans l'affaire Preussag, points 501 à 506; requête dans l'affaire British Steel, cinquième moyen; observations de la requérante dans l'affaire British Steel en réponse à la lettre du Tribunal du 21 juillet 1995);

c)    les relations entre la Commission et les autorités nationales ou les producteurs de poutrelles scandinaves, qui seraient susceptibles d'éclairerles raisons pour lesquelles ces derniers ont échappé, dans une large mesure, aux lourdes sanctions imposées aux requérantes, bien que la Décision reconnaisse leur participation à l'une au moins des infractions alléguées; à cet égard, certaines requérantes ont renvoyé à des déclarations faites devant le conseiller-auditeur par certaines entreprises scandinaves, selon lesquelles celles-ci auraient été encouragées par leur gouvernement ainsi que par la direction générale Relations économiques extérieures (DG I) à participer aux réunions du groupe Eurofer/Scandinavie (voir également le point 43 de l'ordonnance du 19 juin 1996); outre les raisons déjà exposées ci-dessus à propos de la connaissance qu'aurait eue la Commission des pratiques incriminées dans la Décision, ces documents seraient également pertinents notamment à la lumière des moyens et arguments tirés par elles de la violation du principe général d'égalité de traitement (voir requête dans l'affaire Aristrain, neuvième moyen, points 369 à 371; observations des requérantes dans les affaires ARBED, Cockerill-Sambre, Thyssen, Unimétal et Preussag en réponse à la lettre du Tribunal du 21 juillet 1995);

d)    l'analyse par la Commission des effets économiques des infractions; ces documents seraient pertinents notamment à la lumière des moyens et arguments tirés de la violation de l'article 65 du traité en raison de l'absence d'une analyse adéquate de ces effets (voir requête dans l'affaire Preussag, point 619; requête dans l'affaire British Steel, deuxième, septième et dix-septième moyens; requête dans l'affaire Aristrain, huitième moyen; observations des requérantes dans les affaires British Steel et Aristrain en réponse à la lettre du Tribunal du 21 juillet 1995);

e)    les circonstances ayant présidé à l'adoption de la Décision et à la détermination du niveau général des amendes infligées aux requérantes; ces documents seraient pertinents notamment à la lumière des moyens et arguments tirés d'un détournement de procédure ou de pouvoir (voir requête dans l'affaire Thyssen, point 145; requête dans l'affaire Unimétal, p. 53 et 54; requête dans l'affaire British Steel, vingt-septième moyen; requête dans l'affaire Aristrain, points 49 à 51, et cinquième moyen, points 155 à 172; observations de la requérante dans l'affaire Aristrain en réponse à la lettre du Tribunal du 21 juillet 1995);

f)    les modalités de calcul des amendes infligées aux diverses entreprises; ces documents seraient notamment pertinents à la lumière des moyens et arguments tirés de la violation de l'article 65, paragraphe 5, du traité, de l'obligation de motivation ainsi que des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité (voir requête dans l'affaire NMH, p. 45 à 47; requête dans l'affaire Thyssen, point 140; requête dans l'affaire Unimétal, p. 56, et 58 à 60; requête dans l'affaire Preussag, points 614 à 619; requête dans l'affaire British Steel, seizième à vingt-septième moyens; requête dans l'affaire Aristrain, septième, huitième, neuvième et dixième moyens; requête dans l'affaire Ensidesa, p. 53 à 59; observations des requérantes dans lesaffaires Thyssen, Unimétal, Krupp Hoesch, Preussag, British Steel, Ensidesa et Aristrain en réponse à la lettre du Tribunal du 21 juillet 1995);

g)    la phase de l'adoption finale de la Décision dans ses différentes versions linguistiques par la défenderesse, et l'éventuelle violation des formes substantielles commise à cette occasion, dont les requérantes soutiennent avoir relevé certains indices sur la base de leur lecture de l'inventaire du dossier interne de la défenderesse (voir observations des requérantes dans les affaires ARBED, Cockerill-Sambre, Thyssen, Unimétal, Krupp Hoesch, Preussag et British Steel en réponse à la lettre du Tribunal du 21 juillet 1995).

14.
    Dans ses observations en réponse au point 3 du dispositif de l'ordonnance du 19 juin 1996 la partie défenderesse développe sa prise de position initiale (voir points 47 et 48 de ladite ordonnance), en faisant valoir que la nature de presque toutes les pièces qualifiées d'«internes» (ci-après «documents internes»), parmi les documents qui composent le dossier transmis au Tribunal, est telle que leur divulgation aux requérantes porterait atteinte au bon fonctionnement du collège des commissaires et de ses services, et doit donc être refusée.

15.
    S'agissant des raisons pour lesquelles elle considère que ces documents ne peuvent être communiqués aux requérantes, la défenderesse commence par souligner que l'article 23 du statut de la Cour concerne les obligations de la Commission envers le juge communautaire, et non la question distincte de savoir quels documents doivent être rendus accessibles aux parties. A cet égard, il n'y a pas lieu selon elle de s'écarter de la solution jurisprudentielle retenue dans le cadre du traité CE, dont elle soutient la validité de principe dans le cadre du traité CECA. Ainsi, les documents internes de la Commission ne seraient pas accessibles aux parties requérantes, dans les affaires contentieuses, à moins que le Tribunal n'ordonne leur divulgation en tant que mesure spéciale d'instruction, sur la base d'indices pertinents qu'il appartiendrait aux requérantes de fournir et sans que la Commission doive démontrer le caractère confidentiel de chaque document.

16.
    Trois types de considérations sont plus particulièrement mis en avant par la défenderesse à l'appui de sa position de principe.

17.
    En premier lieu, la défenderesse se réfère à l'intérêt de la bonne administration et du bon fonctionnement interne des institutions communautaires.

18.
    D'une part, elle souligne que la collégialité des travaux et délibérations du collège des commissaires est inscrite dans les traités. Or, la confidentialité serait une condition essentielle du principe de la responsabilité collégiale.

19.
    D'autre part, la défenderesse insiste sur la nécessaire efficacité de l'action administrative. Toute décision administrative devrait pouvoir reposer sur desdocuments préparatoires internes librement rédigés par les fonctionnaires, ainsi que sur des consultations libres entre les membres de la Commission et leurs services, entre services et au sein d'un même service. La possibilité pour les fonctionnaires de fournir des conseils utiles à l'institution qu'ils ont le devoir de servir (voir articles 11 et 21, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes) requerrait une liberté totale d'expression en son sein, liberté qui ne peut exister, d'après la défenderesse, que si les pièces qui véhiculent leurs opinions ne font pas l'objet d'une divulgation ultérieure à des tiers. Elle demande en outre qu'une protection absolue soit accordée aux documents internes intéressant, d'une part, le service juridique, en raison de ce qu'elle qualifie de «legal professional privilege» (voir arrêt de la Cour du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, Rec. p. 1575, points 18 et suivants), et, d'autre part, le conseiller-auditeur, en raison de l'indépendance de sa fonction.

20.
    En deuxième lieu, la défenderesse invoque l'intérêt de la répression efficace des ententes.

21.
    Tout d'abord, la confidentialité des documents internes garantirait la franchise et la confiance dans les contacts entre la Commission et les autorités nationales en charge des affaires de concurrence.

22.
    Ensuite, elle assurerait la protection des sources de renseignements de la Commission (voir l'arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, Rec. p. 3539, et l'arrêt du Tribunal du 1er avril 1993, BPB industries et British Gypsum/Commission, T-65/89, Rec. p. II-389, points 30 et suivants).

23.
    La confidentialité servirait également les intérêts de la dissuasion. La défenderesse fait valoir que les entreprises ne doivent pas savoir ce qui déclenche l'enquête, ni comment elle est menée, ni pouvoir en reconstituer le cheminement, et qu'elles ne doivent pas davantage connaître les méthodes employées pour fixer les amendes, sous peine de pouvoir se livrer à un bilan «cost/benefit» (voir les conclusions du juge M. Vesterdorf, faisant fonction d'avocat général, sous l'arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T-1/89, arrêt dit «polypropylène» Rec. p. II-867, 869, 1027).

24.
    Enfin, la défenderesse fait valoir qu'elle-même et les entreprises (leurs avocats, cadres et dirigeants) doivent pouvoir librement et confidentiellement négocier un règlement non contentieux de certaines questions potentiellement ou actuellement litigieuses («without prejudice» talks).

25.
    En troisième lieu, la défenderesse se réfère à la nature et à l'objet du contrôle juridictionnel des actes de l'administration. Le juge communautaire doit, selon elle, exercer son contrôle sur le seul acte administratif final, et non sur ses projets ou documents préparatoires. Ainsi, tout ce qui sert à préparer une décision serait à considérer en principe comme non pertinent pour le contrôle juridictionnel (voir l'arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-10/92, T-11/92, T-12/92 et T-15/92, Rec. p. II-2667, point 47). En particulier, l'avis d'un simple fonctionnaire ne pourrait se confondre avec l'acte de l'administration. Du point de vue de l'accès au dossier, la seule question serait dès lors de savoir si la décision finale eût pu être différente si l'entreprise avait été en mesure de prendre connaissance des pièces auxquelles elle n'avait pas eu accès.

26.
    La défenderesse fait enfin valoir que les «pièces relatives à l'affaire» portée devant le Tribunal, au sens de l'article 23 du statut de la Cour, sont fonction des conclusions de la requête, laquelle, selon l'article 22 du même statut, définit l'objet du litige. L'article 23 aurait, en effet, pour objet de permettre au juge d'être pleinement informé quant aux sujets de contestation soulevés par les parties, et non pas d'autoriser une extension illimitée de l'objet de l'affaire. Il conviendrait donc de procéder à une analyse de la pertinence des documents composant le dossier de la Commission pour la résolution des questions soulevées devant le juge communautaire, avant d'en autoriser l'accès aux parties. Du point de vue de la charge de la preuve, il incomberait aux parties de démontrer, sur la base d'indices sérieux, qu'une pièce interne est pertinente pour la résolution d'une question soumise au juge.

27.
    En l'espèce, la Commission n'aurait donc été tenue de transmettre au Tribunal que les pièces correspondant aux contestations effectivement soulevées par les requérantes, soit, pour l'essentiel, les pièces portant sur l'existence des faits retenus dans la Décision comme constitutifs d'infractions à l'article 65 du traité. Le contenu des documents internes ici en cause ne correspondrait pas aux sujets ainsi soulevés.

28.
    La défenderesse a joint en annexe A à ses observations une liste énumérant les documents internes plus spécifiquement visés par ces observations. Il s'agit des documents portant les numéros 3784 a à 3980, 4158 à 4189, 4190, 4200 à 4243, 4298 à 4306, 4315 à 4349, 4352 à 4374, 4381 à 4384, 4402, 4472 a à 4509, 4512, 4524 à 4527, 4530 à 4539, 4544 à 4678, 4688 à 4790, 4816 a à 4820, 4855 à 4859, 4868, 4870 a à 4870 c, 4894 à 4922 j, 4931, 4937 et 4938, 5003, 5007, 5052, 5317, 5380, 5516, 5528, 5590, 5609, 5622, 5659, 5714, 5724, 5763 à 5766, 5778, 5817, 5915, 6029 à 6031, 7032, 7056, 7071, 7153 à 7162, 7172 à 7173, 7458 à 7460, 7468 et 7469, 7474 à 7487, 7998, 8007, 8207 à 8211, 8421 et 8422, 9329, 9646 a à 9646 d, 9648 à 9759, 9769 à 9827, 9830 à 10143, 10215 à 10355, 10357 à 10469, 10472 à 10485 et 10487 à 10563 du dossier transmis au Tribunal.

29.
    La défenderesse a également joint en annexe B à ses observations une liste énumérant les documents qui, bien que n'ayant pas été qualifiés par elle d'«internes», n'en justifient pas moins, selon elle, une protection analogue à celle accordée à ses documents internes. Il s'agit des documents portant les numéros 4307 à 4314, 4510, 4515, 4528 et 4529, 5044, 5684 a à 5729 et 5751 à 5762 du dossier transmis au Tribunal.

Appréciation du Tribunal

30.
    L'article 23 du statut de la Cour impose à l'institution défenderesse de transmettre à la juridiction communautaire «toutes les pièces relatives à l'affaire qui est portée devant elle», et non les seules pièces qu'elle-même estime pertinentes à la lumière des contestations de fait et de droit soulevées par les parties.

31.
    En l'espèce, la défenderesse était donc tenue de transmettre au Tribunal, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs fait, l'ensemble des documents constitués au cours de la procédure administrative préalable à l'adoption de la Décision.

32.
    Toutefois, comme la Commission l'a souligné, l'étendue du droit d'accès des parties requérantes aux pièces ainsi transmises au Tribunal est une question distincte, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance du 19 juin 1996. L'article 23 du statut de la Cour a, en effet, pour objet de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité de la décision attaquée, dans le respect des droits de la défense, et non d'assurer un accès inconditionnel et illimité de toutes les parties au dossier administratif.

33.
    De même, il y a lieu de distinguer entre, d'une part, les pièces relatives à l'affaire, transmises au Tribunal au titre de l'article 23 du statut de la Cour, et, d'autre part, le dossier de l'affaire, établi conformément à l'article 5, paragraphe 1, des instructions au greffier du Tribunal de première instance, du 3 mars 1994 (JO L 78, p. 32) et accessible aux parties aux conditions prévues à l'article 5, paragraphe 3, desdites instructions, qui contient les pièces qui seront à prendre en considération pour le jugement de l'affaire. Les pièces transmises au Tribunal au titre de l'article 23 du statut de la Cour qui ne sont pas versées au dossier de l'affaire, au sens de l'article 5, paragraphe 1, des instructions au greffier, restent totalement étrangères à la procédure et ne sont pas prises en considération par le Tribunal pour le jugement de l'affaire.

34.
    En vue de décider s'il y a lieu, au stade actuel de la procédure, de verser au dossier de l'affaire les documents, qualifiés par la Commission d'internes, qui ont été transmis au Tribunal au titre de l'article 23 du statut de la Cour, il convient en l'espèce de distinguer trois catégories de documents, à savoir:

-    les documents relatifs au déroulement de la procédure administrative et à l'élaboration de la Décision, entre janvier 1991 et février 1994, en ce compris les documents échangés dans ce cadre entre la Commission et les autorités nationales en charge des affaires de concurrence;

-    les documents relatifs aux contacts établis entre la DG III et l'industrie sidérurgique pendant la période d'infraction retenue par la Décision aux fins de la fixation du montant des amendes, soit de juillet 1988 à la fin de 1990;

-    les documents relatifs aux contacts établis entre la Commission et les autorités nationales scandinaves.

1. Documents relatifs au déroulement de la procédure administrative et à l'élaboration de la Décision, entre janvier 1991 et février 1994

35.
    S'agissant des documents relatifs au déroulement de la procédure administrative et à l'élaboration de la Décision, il convient de rappeler, en premier lieu, que, dans le cadre de l'application des règles de concurrence du traité CE, selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, de tels documents internes ne sont pas portés à la connaissance des parties requérantes, sauf si les circonstances exceptionnelles de l'espèce l'exigent, sur la base d'indices sérieux qu'il leur appartient de fournir (voir l'ordonnance de la Cour du 18 juin 1986, BAT et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 1899, point 11, et l'arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Deere/Commission, T-35/92, Rec. p. II-957, point 31).

36.
    Comme la Commission l'a fait valoir à juste titre, cette restriction d'accès aux documents internes est justifiée par la nécessité d'assurer le bon fonctionnement de l'institution concernée dans le domaine de la répression des infractions aux règles de concurrence du traité. En dépit des différences existant entre le traité CECA et le traité CE, cette considération est tout aussi pertinente dans le cadre du premier que dans le cadre du second (voir l'ordonnance de la Cour du 6 novembre 1954, Italie/Haute Autorité, 2/54, non publiée au Recueil). Elle s'applique également aux documents échangés entre la Commission et les autorités nationales dans le cadre de la procédure administrative en cause.

37.
    En deuxième lieu, comme le Tribunal l'a déjà indiqué, l'article 23 du statut de la Cour n'a pas pour objet de permettre aux parties requérantes d'explorer à leur guise les dossiers de l'institution concernée, mais seulement d'aider le juge communautaire dans l'exercice de son contrôle de légalité de l'acte attaqué, en mettant à sa disposition l'ensemble du dossier administratif (voir point 32 ci-dessus).

38.
    En troisième lieu, il convient de rappeler que le contrôle du juge communautaire s'exerce sur le seul acte administratif final, à savoir, en l'espèce, la Décision, et non sur ses projets ou documents préparatoires (voir l'arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, précité, point 47).

39.
    Le Tribunal relève, enfin, qu'au lieu d'autoriser la divulgation aux parties requérantes des documents internes de la Commission il peut, le cas échéant, adopter telles mesures d'instruction et/ou d'organisation de la procédure qui lui paraissent indiquées, au titre des articles 64 et 65 du règlement de procédure.

40.
    Mettant en balance les divers intérêts en cause (voir l'ordonnance du 19 juin 1996, point 74), à la lumière des considérations susvisées, le Tribunal considère que, en principe, les documents internes relatifs au déroulement de la procédure administrative et à l'élaboration de la Décision qui lui ont été transmis au titre de l'article 23 du statut de la Cour ne sont exceptionnellement versés au dossier del'affaire, et donc portés à la connaissance des requérantes, que dans la mesure où ils apparaissent à première vue contenir des éléments de preuve pertinents de nature à étayer les indices déjà avancés par elles, de façon sérieuse, ou s'ils sont nécessaires pour permettre au Tribunal, s'il y a lieu, de vérifier d'office que la Commission n'a pas méconnu les devoirs que lui impose le traité.

41.
    Le Tribunal estime, par ailleurs, qu'il n'y a pas lieu de déférer à une autre formation de jugement les questions que pose, en l'espèce, la mise en oeuvre des principes exposés ci-dessus, comme le suggère la requérante dans l'affaire Aristrain dans ses observations déposées le 26 juin 1995. C'est en effet à la chambre à laquelle l'affaire a été attribuée qu'il incombe de statuer sur les incidents de procédure soulevés par les parties (voir l'article 114 du règlement de procédure) et, notamment, sur les questions que peut soulever la communication entre parties de pièces secrètes ou confidentielles (voir, par analogie, l'article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, en matière d'intervention). En tout état de cause, le Tribunal ne préjuge aucunement du fond de l'affaire lorsqu'il prend connaissance des pièces qui lui ont été transmises au titre de l'article 23 du statut de la Cour et les exclut du dossier de l'affaire en raison de leur caractère confidentiel, sans se prononcer sur le bien-fondé des moyens et arguments des parties.

42.
    De même, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de certaines requérantes (voir les observations déposées dans les affaires Thyssen et Krupp Hoesch le 15 septembre 1995, et celles déposées dans l'affaire Preussag le 31 mai 1995), fondées notamment sur l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, des instructions au greffier, précitées, et tendant à ce que leurs avocats, à tout le moins, soient autorisés à prendre connaissance de l'intégralité du dossier transmis au Tribunal.

43.
    Une telle consultation porterait en effet atteinte, elle aussi, au caractère confidentiel des documents internes en cause. Quant à l'article 5, paragraphe 3, des instructions au greffier, dans la mesure où lesdits documents sont exclus du dossier de l'affaire, en vertu du droit, reconnu à l'institution défenderesse, de demander au juge communautaire le traitement confidentiel de certaines informations la concernant contenues dans les éléments ou pièces du dossier qu'elle lui a transmis au titre de l'article 23 du statut de la Cour, cette disposition ne s'applique pas.

44.
    En l'espèce, le Tribunal a pris connaissance des documents internes de la partie défenderesse ainsi que des documents qui, bien que n'ayant pas été qualifiés par elle d'«internes», n'en justifient pas moins, selon elle, une protection analogue à celle de ses documents internes (voir point 29 ci-dessus), à la lumière des principes et considérations rappelés ci-dessus, en ayant plus particulièrement égard, d'une part, aux moyens d'annulation et aux allégations de fait invoqués à l'appui des recours ainsi qu'aux observations complémentaires des requérantes, et, d'autre part, aux circonstances spécifiquement invoquées par la Commission pour s'opposer à la communication de ses documents internes aux requérantes.

45.
    Après avoir mis en balance les divers intérêts en présence, le Tribunal estime, au stade actuel de la procédure, qu'aucun des documents internes relatifs au déroulement de la procédure administrative et à l'élaboration de la Décision ne satisfait au critère énoncé au point 40 ci-dessus.

2. Documents relatifs aux contacts établis entre la DG III et l'industrie sidérurgique pendant la période d'infraction retenue par la Décision aux fins de la fixation du montant des amendes

46.
    A la différence des documents internes relatifs au déroulement de la procédure administrative et à l'élaboration de la Décision, certaines pièces transmises au Tribunal au titre de l'article 23 du statut de la Cour, à savoir les documents portant les n°s 9729, 9737, 9738 à 9759, 9760, 9763, 9764, 9765, 9769 et 9770 du dossier administratif, ont trait à des réunions qui se sont tenues entre certains fonctionnaires de la DG III et les représentants de l'industrie sidérurgique pendant la période d'infraction retenue par la Décision aux fins de la fixation du montant des amendes (entre juillet 1988 et la fin de 1990), soit avant le commencement de la procédure administrative. Ces documents concernent directement certaines allégations factuelles avancées par les requérantes, à savoir, d'une part, que la DG III a eu connaissance des infractions en cause et/ou les a tolérées [voir point 13, sous a), ci-dessus], et, d'autre part, que la Commission n'a pas mené avec toute la diligence requise l'enquête interne à laquelle se réfère le point 312 de la Décision [voir point 13, sous b), ci-dessus].

47.
    Dans ces circonstances spécifiques, il y a lieu de constater que ces documents ne concernent pas seulement le déroulement de la procédure administrative et l'élaboration de la Décision, mais ont directement trait à un aspect factuel de l'affaire, à savoir le prétendu comportement de la Commission elle-même par rapport aux infractions en cause, pendant une période antérieure à la procédure administrative, sur lequel la défenderesse a d'ailleurs pris position au point 312 de la Décision. La Commission a, en outre, déjà produit les documents n°s 9738 à 9740, de même qu'une autre note interne portant sur le même sujet, en annexe à son mémoire en défense dans huit des onze présentes affaires.

48.
    Ces documents apparaissent à première vue pertinents par rapport aux contestations de fait que le Tribunal est appelé à trancher et il y a donc lieu de les verser au dossier de l'affaire.

3. Documents relatifs aux contacts établis entre la Commission et les autorités nationales scandinaves

49.
    Les requérantes ayant fait valoir que la DG I de la Commission avait encouragé et/ou toléré les accords Eurofer/Scandinavie visés, notamment, aux points 284 à 296 de la Décision [voir point 13, sous c), ci-dessus], il convient de relever que les documents ayant trait aux contacts établis entre la Commission et certainesautorités nationales scandinaves, qui se trouvent dans les classeurs n°s 14, 16, 18 et 23 du dossier transmis au Tribunal, ne sont pas pertinents par rapport à de telles allégations.

50.
    S'agissant plus particulièrement du classeur n° 14, s'il est vrai qu'il contient certains documents d'entreprises saisis par les autorités norvégiennes, qui ne sont pas à proprement parler des documents internes, force est de constater que lesdites autorités norvégiennes n'ont pas autorisé la Commission à en faire usage aux fins de la communication des griefs et de la Décision et que la Commission s'est conformée à leur refus. Dans ces conditions, et eu égard aux considérations additionnelles invoquées par la Commission (voir point 21 ci-dessus), il n'y a pas lieu de verser les documents en question au dossier de l'affaire.

51.
    Toutefois, le Tribunal relève que les documents n°s 9730, et 9773 à 9787 ont directement trait à certains contacts établis entre la DG I et les autorités scandinaves, à une époque antérieure à l'ouverture de la procédure administrative. Ces documents ont été communiqués par la DG I à la direction générale Concurrence (DG IV) dans le cadre de l'enquête interne menée par la Commission à la suite de l'audition des parties. Ils ne concernent donc pas seulement le déroulement de la procédure administrative et l'élaboration de la Décision, mais portent directement sur un aspect factuel de l'affaire, à savoir le prétendu comportement de la Commission par rapport aux accords Eurofer/Scandinavie, à une époque antérieure à la procédure administrative.

52.
    Bien que la Commission soutienne, à la page 23 de ses observations du 12 septembre 1996, que ces documents ne constituent pas des pièces à décharge, le Tribunal les considère comme à première vue pertinents par rapport aux contestations de fait qu'il est appelé à trancher. Il y a dès lors lieu de verser lesdits documents au dossier.

Sur les mesures d'instruction ou d'organisation de la procédure demandées par les requérantes

Résumé des demandes des requérantes

53.
    Il convient de rappeler que plusieurs requérantes font grief à la défenderesse de ne pas avoir transmis au Tribunal la totalité des pièces relatives aux présentes affaires, en violation de l'obligation qui lui incombe au titre de l'article 23 du statut de la Cour, et que certaines d'entre elles demandent spécifiquement la production de documents qui ne figurent pas dans le dossier transmis au Tribunal, et plus particulièrement des rapports et notes internes des fonctionnaires de la DG III au sujet de leurs contacts avec les producteurs de poutrelles et de la politique de la Commission dans ce secteur, pendant la période visée par la Décision, ainsi que du procès-verbal de la réunion de la Commission du 16 février 1994 et des documents relatifs à l'authentification de la Décision dans ses différentes versions linguistiques faisant foi (voir l'ordonnance du 19 juin 1996, points 64 à 66; voir également lesobservations des requérantes dans les affaires Unimétal, Krupp Hoesch, Preussag et Thyssen en réponse à la lettre du Tribunal du 21 juillet 1995). Le Tribunal a réservé sa décision sur ces demandes (voir le point 4 du dispositif de l'ordonnance du 19 juin 1996).

54.
    Par ailleurs, plusieurs requérantes ont, dans leur requête, conclu à ce qu'il plaise au Tribunal adopter certaines mesures d'instruction particulières.

55.
    Ainsi, la requérante dans l'affaire Unimétal demande au Tribunal d'«ordonner, sur la base des articles 65 à 67 de son règlement de procédure, une expertise en vue de déterminer quel fut le rôle exact joué par la DG III pendant la période retenue par la Commission pour le calcul de l'amende, c'est-à-dire entre le 1er juillet 1988 et le 31 décembre 1990, et d'entendre au besoin tout témoin impliqué dans les faits allégués».

56.
    La requérante dans l'affaire Aristrain (ci-après «Aristrain») demande qu'en application des articles 44, paragraphe 1, et 65 du règlement de procédure du Tribunal la Commission soit priée de transmettre au Tribunal:

-    tous les documents internes ayant servi au calcul de l'amende qui lui a été infligée dans la mesure où ils n'ont pas encore été transmis au titre de l'article 23 du statut de la Cour;

-    tous les documents relatifs aux contacts qui ont été noués en vue de l'acquisition d'Aristrain par British Steel, que ces documents se trouvent entre les mains du groupe de travail sur les concentrations ou entre les mains de la DG III ou de la DG IV;

-    tous les documents à sa disposition contenant une analyse de l'impact de l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne sur les procédures internes de la Commission;

-    dans la mesure où elle ne l'a pas encore fait au titre de l'article 23 du statut de la Cour, le dossier du conseiller-auditeur chargé de la présente affaire;

-    les documents relatifs à l'enquête sur le cartel des produits plats («coils») susceptibles d'étayer l'allégation de détournement de pouvoir;

-    dans la mesure où elle ne l'a pas encore fait au titre de l'article 23 du statut de la Cour, les documents relatifs à l'harmonisation des suppléments;

-    tous les documents relatifs au processus de restructuration des profilés;

-    le document interne relatif à la reformatio in pejus;

-    tous les documents internes sur la structure économique du marché des poutrelles dans la Communauté, en ce compris les études menées par le groupe de travail sur les concentrations.

57.
    Aristrain demande en outre au Tribunal d'ordonner la comparution, en qualité de témoins, des fonctionnaires de la Commission qui sont intervenus, directement ou indirectement, dans le dossier qui a donné lieu à la décision attaquée. De même, elle demande que les fonctionnaires du groupe de travail de la DG IV sur les concentrations soient entendus à propos de la prénotification que British Steel aurait adressée à la Commission en vue de l'acquisition d'Aristrain.

58.
    Enfin, pour le cas où il serait demandé au Tribunal de désigner un expert dans une phase ultérieure de la procédure, Aristrain demande que lui soit confiée la réalisation d'une étude économique du marché, de l'existence possible des accords imputés par la Commission, des effets de l'entente alléguée sur la concurrence et de la participation d'Aristrain à ces pratiques.

59.
    La requérante dans l'affaire Ensidesa (ci-après «Ensidesa») demande au Tribunal d'«enjoindre à la Commission de fournir des informations concernant:

-    le chiffre d'affaires qui a été utilisé pour déterminer le montant de l'amende qui lui a été infligée et, en particulier, concernant la question de savoir si ce chiffre a résulté de la conversion en écus, au taux de change moyen en 1990, du chiffre d'affaires sectoriel qu'elle avait fourni;

-    la méthode utilisée par la Commission pour déterminer le coefficient de l'amende qui lui a été infligée et, en particulier, l'influence que chacune des infractions et la durée de celles-ci ont eue sur ce coefficient».

60.
    La requérante dans l'affaire Preussag (ci-après «Preussag») demande que soit recueilli, à titre de preuve du bien-fondé de son argumentation, le témoignage des personnes suivantes:

-    M. Jürgen Kolb, pour les faits qui se sont déroulés au sein du CDE;

-    MM. Jörg Kröll et Hans Mette, pour les faits qui se sont déroulés au sein de la commission poutrelles;

-    M. Hans Mette, pour les faits qui se sont produits lors des réunions Eurofer/Scandinavie et pour les entretiens avec les producteurs étrangers;

-    MM. Kutscher, Ortún, Drees, Evans et Vanderseypen, sur le fait que la Commission avait connaissance de l'échange d'informations et du comportement des entreprises sur le marché, ainsi que sur la coopération entre la Commission, les associations et les entreprises, notamment lors des réunions entre la Commission et l'industrie sidérurgique.

61.
    La Commission faisant valoir dans son mémoire en défense que cette demande de preuve est irrecevable au motif qu'elle n'énonce pas avec suffisamment de précision les faits dont les différents témoins auraient eu connaissance, en violation de l'article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal aux termes duquel l'audition de témoins porte «sur des faits déterminés», Preussag a, dans son mémoire en réplique, assorti un certain nombre de ses affirmations d'offres de preuves spécifiques tendant à faire entendre certains témoins, en particulier MM. Kröll et Mette, tous deux collaborateurs de la requérante.

Appréciation du Tribunal

62.
    S'agissant du grief fait à la défenderesse de ne pas avoir respecté ses obligations au titre de l'article 23 du statut de la Cour (voir point 53 ci-dessus), il y a lieu de souligner que l'affaire portée devant le Tribunal concerne une décision de la Commission relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité à des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles.

63.
    Le Tribunal considère que seules les pièces de cette procédure sont «relatives à l'affaire qui est portée devant» lui, au sens de l'article 23 du statut de la Cour. Quant aux pièces qui, bien que relevant plus directement d'autres aspects de l'action de la Commission, apparaissent également nécessaires au contrôle juridictionnel exercé par le Tribunal au titre des articles 33 et 36 du traité, celui-ci peut en demander la production au titre des mesures d'instruction ou d'organisation de la procédure visées aux articles 64 et 65 du règlement de procédure.

64.
    C'est, dès lors, à tort que certaines requérantes soutiennent que la défenderesse aurait dû spontanément transmettre au Tribunal, en exécution de ses obligations au titre de l'article 23 du statut de la Cour, l'ensemble du dossier administratif de la DG III relatif aux contacts qu'elle aurait entretenus avec les producteurs de poutrelles pendant la période visée par la Décision.

65.
    Il n'en demeure pas moins que la question de l'éventuelle implication de la DG III dans la mise en place et la gestion de certains mécanismes identifiés dans la Décision comme étant des accords ou pratiques concertées restrictifs de la concurrence, ou à tout le moins la question de la connaissance que ladite DG III (voire d'autres directions générales) en avait ou aurait dû en avoir, selon les requérantes, paraît avoir constitué un élément d'appréciation important dans les présentes affaires, ainsi que la défenderesse l'a reconnu au point 312 de la Décision.

66.
    Les parties y ont également consacré d'abondants développements dans leurs écritures dans la plupart des présentes affaires. Elles ont plus particulièrement discuté de la pertinence des éléments de preuve produits par les requérantes, quantaux contacts qui auraient existé entre la Commission et les producteurs de poutrelles, après le 30 juin 1988, dans le cadre des «réunions de consultation» («consultative meetings»), des «réunions restreintes» («restricted meetings») et des «déjeuners de l'acier» («steel lunches») (voir, par exemple, l'analyse détaillée des «speaking notes» faite par la Commission dans ses mémoires en défense).

67.
    Le Tribunal estime, dès lors, nécessaire d'être éclairé sur cette question, sans qu'il soit besoin de se prononcer, à ce stade, sur le bien-fondé des divers moyens et arguments en présence.

68.
    A cet égard, il convient de rappeler que, au cours de l'audition des 11, 12, 13 et 14 janvier 1993, les requérantes ont fait état des contacts établis entre les producteurs de poutrelles et la DG III, pendant la période visée par la communication des griefs, et de l'existence, dans les archives de la DG III, d'éléments de preuve inconnus de la DG IV, établissant que la Commission avait, à tout le moins, connaissance des échanges d'informations et des pratiques alléguées visant à stabiliser les prix et la production. Le conseiller-auditeur a reconnu l'importance de ce point pour la défense des entreprises incriminées et les a invitées à lui communiquer tous les éléments de preuve à l'appui de leur thèse, tout en annonçant qu'il procéderait à une enquête interne.

69.
    Selon la défenderesse, qui dément toute implication ou connaissance de cet ordre, aucun des documents fournis par les requérantes à l'invitation du conseiller-auditeur ou dans le cadre de la présente procédure n'a corroboré leurs allégations à cet égard. Par ailleurs, la défenderesse estime avoir mené une enquête approfondie qui n'a pas produit d'éléments de preuve à l'appui de ces allégations. Elle a notamment joint, en annexe à certains mémoires en défense, un mémorandum de M. Ortún, directeur de la direction E «marché intérieur et affaires industrielles III» au sein de la DG III, à M. Schaub, directeur général adjoint de la DG III, daté du 19 février 1993, qui réfute lesdites allégations.

70.
    Force est toutefois de constater que des documents produits, entre autres, par les requérantes dans les affaires ARBED, Cockerill-Sambre, Unimétal, Preussag et British Steel soulèvent certains doutes quant à la nature et à l'étendue exactes des informations reçues par la DG III au cours de ses contacts avec les représentants de l'industrie sidérurgique, notamment dans le cadre de la décision 2448/88/CECA de la Commission, du 19 juillet 1988, instaurant un régime de surveillance pour certains produits pour les entreprises de l'industrie sidérurgique (JO L 212, p. 1).

71.
    Ainsi, le procès-verbal de la «réunion restreinte» du 21 mars 1989, rédigé par Eurofer, rapporte ce qui suit sous la rubrique «Results of the surveillance system»:

«M. von Hülsen gave information on the introduction of a statistical information system concerning monthly bookings and deliveries inside Eurofer. The result of the first inquiry for the months of January and February was given, showing an overallgood situation [...]» (Voir requête dans l'affaire British Steel, appendice 3, document 24.)

(«M. von Hülsen, [directeur général d'Eurofer], a donné des informations sur l'introduction d'un système d'informations statistiques concernant les commandes et les livraisons mensuelles au sein d'Eurofer. Les résultats de la première enquête, pour les mois de janvier et février, ont été communiqués et montrent une bonne situation générale [...]»)

72.
    De même, le procès-verbal de la «réunion de consultation» du 28 avril 1989, au cours de laquelle ont été discutés les programmes prévisionnels pour le troisième trimestre de 1989, contient le passage suivant:

«Finally, it was mentioned that in the near future, enlarged statistics on the basis of a rapid declaration of monthly bookings and deliveries established by Eurofer will help to make forecasts for Category IV more realistic.» (Voir requête dans l'affaire British Steel, appendice 3, document 31.)

(«Enfin, il a été signalé que, dans un avenir proche, des statistiques détaillées sur la base d'une notification rapide des commandes et des livraisons mensuelles, établies par Eurofer, aideront à rendre les prévisions pour la catégorie IV plus réalistes.»)

73.
    Le procès-verbal de la «réunion restreinte» du 15 juin 1989 mentionne encore:

«Regarding the forward programmes for Quarter III/1989, Mr. Traverso announced a possible review of the programmes after a final decision at the next CDE in function of the figures obtained from the system of rapid declaration of bookings and deliveries.» (Voir requête dans l'affaire British Steel, appendice 3, document 25.)

(«En ce qui concerne le programme prévisionnel pour le troisième trimestre de 1989, M. Traverso a annoncé une possible révision des programmes après décision finale au prochain CDE, en fonction des chiffres obtenus du système de déclaration rapide des commandes et des livraisons.»)

74.
    A ce stade de l'instruction des affaires, le Tribunal n'est pas à même de déterminer si les échanges d'informations dont il est question dans ces procès-verbaux correspondent à ceux incriminés dans la Décision et la mesure dans laquelle ils ont été effectivement portés à la connaissance de certains fonctionnaires de la DG III, comme leur libellé semble l'indiquer.

75.
    Il convient néanmoins de relever que, aux points 143 à 146 de la Décision, la Commission décrit un système d'échange mensuel d'informations sur les commandes et les livraisons de certaines entreprises, opéré par Eurofer sous lenom de «fast bookings», qui paraît, à première vue, susceptible de correspondre à celui évoqué dans les procès-verbaux en question. Les documents sur lesquels s'appuie cette description, énumérés à l'appendice 2 de la Décision, consistent notamment en des tableaux indiquant les commandes et/ou livraisons, mensuelles ou trimestrielles selon le cas, des entreprises participantes sur les divers marchés nationaux (voir, par exemple, le document portant le n° 3462 du dossier de la Commission). Au terme de l'appréciation juridique portée aux points 279 à 283 de la Décision, ce système d'échange d'informations est qualifié par la Commission d'«incompatible avec les dispositions de l'article 65, paragraphe 1, du traité CECA».

76.
    Le Tribunal relève également que divers procès-verbaux des «réunions de consultation» entre la Commission et l'industrie sidérurgique, notamment ceux des 27 octobre 1988, 26 janvier, 27 avril et 27 juillet 1989, font état de certaines informations quant aux évolutions en matière de prix qui semblent, à première vue, être en rapport avec le contenu des procès-verbaux correspondants des réunions de la commission poutrelles des 18 octobre 1988, 10 janvier, 19 avril et 11 juillet 1989.

77.
    Dans ces conditions, le Tribunal s'estime insuffisamment éclairé tant par le mémorandum de M. Ortún du 19 février 1993, précité (lequel se borne à indiquer, à propos des réunions de la DG III avec les experts commerciaux d'Eurofer, que «les résultats globalisés des réalisations de production et de livraisons des entreprises étaient remis aux participants»), que par les autres documents internes relatifs à l'«enquête approfondie» menée à l'instigation du conseiller-auditeur, tels qu'ils figurent au dossier qui lui a été transmis.

78.
    Or, certains documents internes produits par la défenderesse elle-même, en annexe à certains de ses mémoires en défense (voir l'«aide-mémoire» confidentiel de l'unité 3 «matières premières et matériaux avancés» de la direction E de la DG III, daté du 31 janvier 1989, de la réunion de consultation du 26 janvier 1989, au cours de laquelle M. Kutscher, qui présidait, a fait acter que «si la Commission découvrait l'existence d'un quelconque accord au sein de l'industrie en matière de prix et de quantités, contraire au prescrit de l'article 65 du traité CECA, elle ne manquerait pas de prendre les mesures appropriées, conformément aux dispositions dudit article») indiquent que la Commission (DG III) détient ses propres notes et aide-mémoires des réunions en question et que ceux-ci pourraient être de nature à éclairer le Tribunal sur certaines contestations de fait qu'il est appelé à trancher.

79.
    Le Tribunal doit, par ailleurs, constater que le dossier qui lui a été transmis ne paraît pas contenir «toutes les pièces relatives à l'affaire», au sens de l'article 23 du statut de la Cour. En particulier, ni la note de la DG IV à la DG III du 22 juillet 1991, ni la note de réponse de la DG III à la DG IV du 12 septembre 1991, jointes à certains mémoires en défense, ne sont répertoriées dans la liste des documents internes rédigée par la défenderesse et transmise aux requérantes à la demande du Tribunal. Or, non seulement ces deux notes ont pour objet général les«échanges d'informations statistiques» en rapport avec l'association Eurofer, mais elles font aussi expressément référence à une méthode dite «Traverso», qui vise une infraction spécifiquement imputée aux producteurs européens de poutrelles par la décision attaquée (voir points 72 à 79, et 254 à 259). De tels documents relèvent directement de la procédure en cause et auraient dès lors dû faire partie du dossier transmis au Tribunal.

80.
    Compte tenu de ce qui précède, et conformément aux dispositions des articles 24 du statut de la Cour et 65 du règlement de procédure du Tribunal, il y a lieu d'adopter les mesures d'instruction précisées dans le dispositif de la présente ordonnance.

81.
    Quant aux autres mesures d'instruction demandées par les requérantes, la décision du Tribunal est réservée.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

ordonne:

1)    Les affaires T-134/94, T-136/94, T-137/94, T-138/94, T-141/94, T-145/94, T-147/94, T-148/94, T-151/94, T-156/94 et T-157/94 sont jointes aux fins des mesures d'instruction et d'organisation de la procédure et de la procédure orale.

2)    Parmi les documents qualifiés par la défenderesse d'internes, seuls ceux portant les numéros 9729, 9730, 9737 à 9746, 9748 à 9760, 9763 à 9765, 9769, 9770 et 9773 à 9787 du dossier transmis par elle au Tribunal par lettre du 24 novembre 1994 sont versés au dossier de l'affaire et seront communiqués aux parties.

3)    La partie défenderesse transmettra au Tribunal, dans les quatre semaines de la notification de la présente ordonnance:

    -    les notes, aide-mémoires ou procès-verbaux rédigés par les fonctionnaires de la DG III, en rapport avec leurs réunions avec les représentants de l'industrie sidérurgique durant la période d'application du système de surveillance instauré par la décision 2448/88/CECA de la Commission, du 19 juillet 1988, instaurant un régime de surveillance pour certains produits pour les entreprises de l'industrie sidérurgique, et notamment celles des 1er septembre, 27 octobre, 3 novembre, 8 décembre 1988, 26 janvier, 1er février, 21 mars,28 avril, 15 juin, 27 juillet, 1er septembre, 26 octobre, 7 novembre, 15 décembre 1989, 25 janvier, 7 février, 3 mai, 27 juillet, 4 septembre et 5 novembre 1990;

    -    les documents, autres que ceux déjà en possession du Tribunal, reçus par les fonctionnaires de la DG III d'Eurofer ou de ses commissions de produits, dans le cadre de ces réunions, au cours de la même période.

4)    Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 10 décembre 1997.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. Kalogeropoulos


1: Langues de procédure: T-134/94 l'allemand, T-136/94 l'allemand, T-137/94 le français, T-138/94 le français, T-141/94 l'allemand, T-145/94 le français, T-147/94 l'allemand, T-148/94 l'allemand, T-151/94 l'anglais, T-156/94 l'espagnol et T-157/94 l'espagnol.