Language of document : ECLI:EU:F:2007:234

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

14 décembre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Règlement amiable – Exécution d’un accord – Refus de remboursement de frais dans le cadre d’une mission – Irrecevabilité manifeste – Absence d’intérêt à agir – Répartition des dépens – Dépens frustratoires ou vexatoires »

Dans l’affaire F‑131/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Robert Steinmetz, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Me J. Choucroun, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, H. Tagaras et S. Gervasoni, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2006, M. Steinmetz a introduit le présent recours ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes du 21 février 2006, en ce qu’elle refuserait l’exécution intégrale d’un accord dans le cadre d’un règlement amiable intervenu entre les parties devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans l’affaire T‑155/05, et, d’autre part, une demande de paiement d’un euro symbolique à titre d’indemnisation du préjudice moral qu’il allègue.

 Faits à l’origine du litige

2        Le requérant, fonctionnaire de la Commission, en poste à Luxembourg, a effectué plusieurs missions à Bruxelles et à Strasbourg en 2003.

3        Concernant la mission du requérant à Bruxelles en date du 29 juillet 2003, la Commission a, après un échange de correspondances, finalement adopté, le 30 janvier 2004, une décision refusant la prise en charge de cette mission, dont le remboursement de 21,51 euros de frais de carburant payés par l’intéressé. Cette décision indiquait également que les frais occasionnés par cette mission et avancés par la Commission devraient être remboursés par le requérant. En mars 2004, le montant de 26,19 euros, correspondant aux frais de location du véhicule utilisé pour ladite mission, a été déduit du salaire du requérant.

4        La réclamation du requérant au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») contre le refus de prise en charge des frais de carburant et la retenue sur son salaire des frais de location du véhicule, ainsi qu’une seconde réclamation relative à une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut, ont été rejetées par décision du 10 janvier 2005 de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »).

5        Le 18 avril 2005, le requérant a saisi le Tribunal de première instance, par requête enregistrée sous le numéro T‑155/05, dans laquelle il concluait notamment à l’annulation de la décision de l’AIPN du 10 janvier 2005.

6        À la suite de discussions entre les parties à l’affaire T‑155/05 visant à un règlement amiable du litige, le conseil du requérant a, par courrier du 5 décembre 2005, proposé à la Commission ce qui suit :

« J’ai pris note du contenu de votre proposition actuelle qui est le suivant :

–        le montant de 26,19 [euros] retenu sur la rémunération de mon client, correspondant au prix de location du véhicule facturé à la Commission par son contractant, lui sera reversé ;

–        la décision litigieuse relative à la non‑liquidation de la mission sera annulée ;

–        mon client percevra au titre des dépens récupérables la somme forfaitaire de 2 500 [euros].

[…]

Dès réception de votre accord, j’informerai le Tribunal de [p]remière [i]nstance que le requérant sollicite la radiation de l’affaire, un arrangement ayant été trouvé entre les parties. »

7        Par courrier du 8 décembre 2005, la Commission a répondu comme suit :

« La Commission […] accepte les conditions présentées dans votre courrier, à savoir :

–        le versement d’un montant de 26,19 euros correspondant au prix de location du véhicule facturé à la Commission par son contractant ;

–        l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle refuse la liquidation de la somme de 26,19 euros ;

–        le versement d’une somme forfaitaire de 2 500 euros au titre des dépens récupérables.

[…] »

8        Par courrier du 12 décembre 2005, le conseil du requérant a fait part à la Commission de ce qui suit :

« J’ai pris bonne note de l’acceptation de la Commission […] des conditions présentées dans mon courrier du 5 décembre.

Veuillez trouver en annexe copie du courrier, sollicitant la radiation de l’affaire, que j’ai envoyé en date d’aujourd’hui au [g]reffier du Tribunal de première instance.

[…] »

9        Ledit courrier sollicitant la radiation de l’affaire, envoyé par fax le même jour (l’original a été enregistré au greffe du Tribunal de première instance le 13 décembre 2005) comprend les trois phrases suivantes :

« Je me réfère à l’affaire citée en objet. Un arrangement ayant été conclu entre les parties, je vous prie de bien vouloir la faire radier. Copie de la présente est adressée en cette date à la Commission européenne. »

10      Par lettre du 22 décembre 2005, parvenue au greffe du Tribunal de première instance le 28 décembre 2005, la Commission a, sur demande du greffier du Tribunal de première instance du 14 décembre 2005, confirmé la conclusion d’un accord entre les parties en rappelant les termes du courrier du 8 décembre 2005, notamment ceux concernant « l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle refuse la liquidation de la somme de 26,19 euros ».

11      Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal de première instance du 11 janvier 2006, l’affaire T‑155/05 a été rayée du registre de ce Tribunal.

12      Cette ordonnance comprend les passages suivants :

« Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2005, la partie requérante a informé le Tribunal, conformément à l’article 99 du règlement de procédure du Tribunal, qu’elle se désistait de son recours. Elle n’a pas conclu sur les dépens.

Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 28 décembre 2005, la partie défenderesse a confirmé au Tribunal la conclusion d’un accord entre les parties y compris sur le montant des dépens. En application de cet accord, la Commission versera à la partie requérante une somme forfaitaire de 2 500 euros au titre des dépens récupérables.

Selon l’article 87, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de procédure, en cas de désistement et lorsqu’il y a accord entre les parties sur les dépens, il est statué selon l’accord. »

13      Dans une lettre du 8 février 2006 au service juridique de la Commission, le conseil du requérant a notamment indiqué ce qui suit :

« Je me dois d’attirer votre attention sur le fait que les termes de l’accord conclu ne sont pas exactement ceux repris dans le mémoire en observations présenté par la Commission, ce que j’attribue à une simple erreur de transcription, qui d’ailleurs s’était déjà glissée dans votre courrier du 8 décembre 2005.

En effet, la Commission a expressément accepté les conditions présentées dans mon courrier du 5 décembre, la deuxième établissant textuellement que ‘la décision litigieuse relative à la non[-]liquidation de la mission sera annulée’ [le passage de ‘la décision’ jusqu’à ‘annulée’ était en italique dans le texte original].

Je vous prie de bien vouloir sensibiliser les services concernés, afin de garantir que ladite liquidation sera opérée dans les meilleures conditions. »

14      Par lettre du 21 février 2006, la Commission a indiqué au conseil du requérant ce qui suit :

« Conformément à l’accord amiable intervenu le [8 décembre 2005] entre la Commission […] et [le requérant], je vous informe qu’un paiement de 26,19 [euros], correspondant au prix de location du véhicule facturé à la Commission […] par son contractant, sera effectué sur le compte de votre client dans les jours à venir.

Ce paiement concrétise l’annulation de la décision attaquée (décision du [30 janvier 2004]) à l’origine de la retenue de 26,19 [euros] sur le salaire [du requérant]. »

15      Par courriel du 7 mars 2006, la Commission a fait savoir, entre autres, au requérant qu’elle « a[vait] bien déterminé qu’il s’agira[it] seulement de la liquidation d’un montant [de] 26,19 euros » et que, « [a]vec le courrier de M.[A.] du 21 février 2006, la Commission a[vait] rempli les conditions [du] règlement amiable ».

16      Après un échange de correspondance, le requérant a, le 11 mai 2006, introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut « contre la décision portant refus de liquidation de [s]a mission à Bruxelles du 29 juillet 2003 », enregistrée par la Commission sous le no R/319/06.

17      Par décision du 30 août 2006, l’AIPN a rejeté ladite réclamation comme irrecevable.

 Conclusions des parties et procédure

18      Le présent recours a été enregistré au greffe du Tribunal le 24 novembre 2006.

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le présent recours recevable et fondé ;

–        annuler la décision de la Commission du 21 février 2006 refusant l’exécution intégrale d’un accord liant les parties ;

–        condamner la Commission à lui payer un euro symbolique en réparation du préjudice moral subi du fait de la décision du 21 février 2006 ;

–        condamner la Commission aux entiers dépens de l’instance.

20      Le Tribunal a examiné les possibilités d’un règlement à l’amiable entre les parties. La tentative de règlement amiable initiée par le Tribunal est restée sans suite.

21      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 16 février 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 19 février suivant), la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal à la date de dépôt de la pièce de procédure en cause, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7). En outre, la Commission a demandé au Tribunal de condamner le requérant à lui rembourser ses entiers dépens, estimant que le recours était vexatoire au sens de l’article 87, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

22      Le requérant a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 27 mars 2007.

 En droit

 Sur l’exception d’irrecevabilité et le règlement de procédure applicable

23      L’article 114 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, sur le fondement duquel la Commission a présenté son exception d’irrecevabilité, ne précise pas si le délai d’introduction d’une telle exception diffère du délai de deux mois, prévu par l’article 46 du même règlement de procédure, relatif à la présentation du mémoire en défense. Par l’introduction de l’exception d’irrecevabilité le 16 février 2007, la Commission a respecté le délai qui était fixé au 19 février 2007 par le Tribunal pour l’introduction du mémoire en défense.

24      Or, depuis le 1er novembre 2007, le règlement de procédure du Tribunal, publié au Journal officiel de l’Union européenne du 29 août 2007 (JO L 225, p. 1), est entré en vigueur. L’article 78, paragraphe 1, de ce règlement prévoit qu’une demande tendant à ce que le Tribunal statue sans engager le débat au fond, doit être introduite dans un délai d’un mois à compter de la signification de la requête, donc un délai plus court que celui résultant du règlement de procédure applicable antérieurement.

25      Il convient donc de déterminer laquelle de ces deux dispositions doit servir de base légale à la présente ordonnance.

26      Selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant pas des situations acquises avant leur entrée en vigueur (voir, notamment, arrêts de la Cour du 12 novembre 1981, Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9, et du 9 mars 2006, Beemsterboer Coldstore Services, C‑293/04, Rec. p. I‑2263, point 21, et la jurisprudence citée).

27      Toutefois, de la même manière que la recevabilité d’un recours s’apprécie au moment de son introduction (voir, notamment, arrêt de la Cour du 27 novembre 1984, Bensider e.a./Commission, 50/84, Rec. p. 3991, point 8 ; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 8 octobre 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R II, Rec. p. II‑2943, point 49, et ordonnance du Tribunal de première instance du 9 juillet 2003, Commerzbank/Commission, T‑219/01, Rec. p. II‑2843, point 61), la recevabilité des autre actes de procédure s’apprécie également au moment de leur introduction. Une telle interprétation garantit le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

28      En l’espèce, l’exception d’irrecevabilité, soulevée le 16 février 2007, doit donc répondre à la condition de délai fixée par le règlement de procédure du Tribunal de première instance. Ce délai, de deux mois, ayant été respecté, cette exception est bien recevable. Cette constatation n’exclut en rien l’applicabilité, en ce qui concerne la procédure qui doit être respectée par le Tribunal lui-même, de l’article 78, paragraphe 1, de son règlement de procédure.

 Sur la recevabilité des conclusions en annulation

29      Conformément à l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond, la suite de la procédure sur la demande est orale, sauf décision contraire de ce dernier. En l’espèce, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces produites par les parties, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Arguments des parties

30      La Commission excipe de l’irrecevabilité des conclusions en annulation, d’une part, pour défaut d’acte faisant grief, ainsi que, d’autre part, pour non-respect de la procédure précontentieuse. De plus, elle soulève, à titre surabondant, un argument qui est lié à la question de savoir si le requérant a un intérêt à agir.

31      Au sujet du premier grief d’irrecevabilité, la Commission fait valoir que la lettre du 21 février 2006 ne constitue pas un acte faisant grief, puisqu’elle ne produit pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. À titre surabondant, la Commission observe que l’accord entre les parties est intervenu le 8 décembre 2005, suite à l’acceptation par le conseil du requérant des termes proposés par la Commission le même jour.

32      Au sujet du second grief d’irrecevabilité, la Commission soutient, en premier lieu, qu’il n’y a pas concordance entre l’objet du présent recours et l’objet de la réclamation qui a été enregistrée sous le no R/319/06. Cette réclamation viserait le refus de liquidation de la mission du requérant effectuée le 29 juillet 2003, alors que le présent recours tendrait à l’annulation de la note exécutant la liquidation de frais de location du véhicule. En deuxième lieu, dans la mesure où le présent recours tendrait à la liquidation des frais de la mission du requérant effectuée le 29 juillet 2003, et tout en laissant de côté la question du caractère définitif de la décision du 30 janvier 2004 qui refusait de liquider cette mission, le recours n’aurait pas été précédé d’une procédure précontentieuse adéquate. De surcroît, le requérant ne saurait, après radiation de l’affaire T‑155/05, qui visait à l’annulation de la décision du 30 janvier 2004, demander, de nouveau, cette annulation, dans la mesure où aucune autre décision portant un tel refus n’aurait été adoptée.

33      Le requérant conteste ces griefs d’irrecevabilité. Il conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer le recours recevable.

34      En ce qui concerne le prétendu défaut d’acte faisant grief, le requérant fait valoir qu’il pouvait légitimement prétendre à la liquidation des frais de la mission effectuée le 29 juillet 2003 en vertu de l’accord passé avec la Commission malgré l’absence de concordance entre les termes de l’accord conclu et ceux communiqués par la Commission au Tribunal de première instance. Le fait que la Commission ait omis de se prononcer dans la décision du 21 février 2006 sur la liquidation des frais de la mission effectuée le 29 juillet 2003, en limitant l’exécution de ses engagements à la seule restitution du montant de 26,19 euros, abusivement retenu sur le salaire du requérant, vaudrait refus implicite d’une telle liquidation et produirait des effets juridiques qui affectent directement et immédiatement les intérêts de celui-ci. Il s’agirait donc d’un acte lui faisant grief. D’ailleurs, par son courriel du 7 mars 2006, la Commission aurait elle-même expressément reconnu que le contenu substantiel de la décision du 21 février 2006 avait bien le caractère d’un acte faisant grief, actant la volonté manifeste et définitive de l’institution de ne pas exécuter intégralement l’accord passé avec le requérant.

35      S’agissant de la prétendue absence de concordance entre l’objet du recours et l’objet de la réclamation, le requérant soutient qu’il a scrupuleusement respecté cette règle de concordance. L’objet du recours, à savoir « l’annulation de la décision de la Commission du 21 février 2006 refusant l’exécution intégrale d’un accord liant les parties » et celui de la réclamation, à savoir l’annulation de « la décision portant refus de liquidation de la mission du requérant à Bruxelles du 29 juillet 2003 » coïncideraient parfaitement. En essayant de réduire la décision du 21 février 2006 à un simple acte comptable, la Commission méconnaîtrait ce que l’agent de son service juridique aurait clairement explicité dans le courriel du 7 mars 2006.

36      Concernant le prétendu non-respect de la procédure précontentieuse, à savoir la prétendue omission par le requérant de présentation d’une demande préalable au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à ce que sa mission du 29 juillet 2003 soit liquidée, la Commission méconnaîtrait le principe « pacta sunt servanda ». Le requérant aurait introduit une réclamation contre un fait accompli : le refus d’exécution intégrale de l’accord passé par les parties.

 Appréciation du Tribunal

37      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 91 du statut, seuls les actes faisant grief peuvent faire l’objet d’un recours. Ainsi, il appartient au Tribunal de vérifier si la lettre du 21 février 2006 est un acte faisant grief au requérant et si elle est, par conséquent, attaquable dans le cadre du présent recours.

38      Selon une jurisprudence constante, seuls les actes produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et individuellement les intérêts des intéressés en modifiant, de façon caractérisée, leur situation juridique, peuvent être considérés comme leur faisant grief (arrêt de la Cour du 10 janvier 2006, Commission/Alvarez Moreno, C‑373/04 P, Rec. p. I‑1*, point 42 ; voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 3 décembre 1992, Moat/Commission, C‑32/92 P, Rec. p. I‑6379, point 9).

39      En l’espèce, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que la Commission soutient, la lettre du 21 février 2006 constitue un acte faisant grief au requérant dans la présente affaire.

40      Dans sa lettre du 8 février 2006, le requérant a demandé que la Commission opère la liquidation des frais de la mission effectuée le 29 juillet 2003 en faisant valoir que la Commission avait accepté la condition de l’accord conclu tenant à ce que « la décision litigieuse relative à la non-liquidation de la mission s[oit] annulée ».

41      En réponse à la lettre du requérant du 8 février 2006, la Commission a, dans sa lettre du 21 février 2006, fait savoir à celui-ci que, conformément au règlement amiable intervenu entre les parties, le paiement de 26,19 euros « concrétis[ait] l’annulation de la décision attaquée (décision du [30 janvier 2004]) à l’origine de la retenue de 26,19 euros sur le salaire [du requérant] ».

42      Il s’ensuit qu’un différend existe entre les parties sur la portée de l’accord conclu entre elles dans le cadre de l’affaire T‑155/05 et que le requérant a, par lettre du 8 février 2006, fait part de son point de vue à la Commission. Il ressort de la réponse de la Commission, en date du 21 février 2006, que celle-ci ne partage pas l’analyse du requérant. Il en résulte que la lettre du 21 février 2006 fait grief à celui-ci.

43      En revanche, le recours est irrecevable pour un autre motif.

44      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, tout recours doit reposer sur un intérêt à agir du requérant (voir, notamment, ordonnance de la Cour du 24 septembre 1987, Vlachou/Cour des comptes, 134/87, Rec. p. 3633, point 8).

45      En l’espèce, le point de savoir si le requérant a un intérêt à agir contre la lettre du 21 février 2006, point sur lequel la Commission a émis des interrogations, dépend de la réponse à la question de savoir si un accord a effectivement été conclu entre les parties et dans l’affirmative si la Commission s’est conformée aux engagements résultant de cet accord.

46      En ce qui concerne la première question, force est de constater, que la Commission, contrairement à ce que laissait penser la phrase introductive de sa note du 8 décembre 2005 (« La Commission […] accepte les conditions présentées dans votre courrier, à savoir […] »), n’a en réalité accepté que partiellement la proposition de la partie requérante tendant à l’annulation de la décision de non-liquidation de la mission du 29 juillet 2003, en présentant une contre-proposition sur ce point.

47      Toutefois, il ressort de la note du 12 décembre 2005, adressée par le requérant au greffe du Tribunal de première instance, que le requérant a clairement demandé la radiation de l’affaire sans assortir cette demande d’aucune condition. Le requérant doit ainsi être regardé comme ayant accepté l’accord proposé en dernier lieu par la Commission. C’est sur la base de cet accord, tel que résultant du courrier de la Commission du 8 décembre 2005, que le Tribunal de première instance a prononcé la radiation de l’affaire T‑155/05.

48      En ce qui concerne la deuxième question, à savoir si la Commission s’est conformée aux engagements résultant de cet accord, il y a lieu de constater que le requérant n’a fourni aucun élément permettant de conclure que la Commission aurait, soit refusé de tenir compte de l’accord conclu entre les parties dans le cadre de l’affaire T‑155/05, soit refusé d’exécuter ledit accord.

49      En effet, la contestation existant entre les parties quant à l’étendue de l’accord en cause s’articule autour du deuxième point de celui-ci, à savoir la condition tenant à « l’annulation de la décision attaquée [dans l’affaire T‑155/05] dans la mesure où elle refuse la liquidation de la somme de 26,19 euros ».

50      À cet égard, le requérant fait valoir que le deuxième point de l’accord conclu vise l’ensemble des opérations comptables, relatives à la fixation, la validité et le montant des droits financiers imputables à la mission du 29 juillet 2003. En revanche, une annulation de la décision attaquée dans l’affaire T‑155/05 « dans l[a] mesure o[ù] elle refuse la liquidation de la somme de 26,19 euros » serait une redondance, compte tenu de la nature intrinsèque de l’opération de liquidation. Or, le prix de location du véhicule ayant été facturé à la Commission et celle-ci ayant vraisemblablement accepté et réglé la facture, toute autre liquidation serait superfétatoire. En limitant le contenu du deuxième point de l’accord au versement de la somme de 26,19 euros, à savoir à la restitution d’une somme abusivement prélevée, la Commission refuserait l’exécution intégrale des termes de l’accord conclut entre les parties dans le cadre d’un règlement amiable.

51      Contrairement à ce que soutient le requérant, il y a lieu de constater que le deuxième point de l’accord en cause, à savoir la condition tenant à « l’annulation de la décision attaquée [dans l’affaire T‑155/05] dans la mesure où elle refuse la liquidation de la somme de 26,19 euros », contient clairement une limitation de ladite annulation. Cette limitation est expressément prévue par le membre de phrase « dans la mesure où », qui a une signification identique à l’expression « en tant que ». Le membre de phrase « dans la mesure où elle refuse la liquidation de la somme de 26,19 euros » doit être nécessairement compris comme une limitation de l’expression « l’annulation de la décision attaquée [dans l’affaire T‑155/05] ». La Commission a, dès lors, estimé à bon droit que la deuxième condition de l’accord en cause, le paiement d’un montant de 26,19 euros, était entièrement remplie.

52      Ainsi, la Commission s’étant conformée aux engagements résultants de cet accord, le requérant n’a pas intérêt à agir.

53      Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il y ait lieu d’examiner le second grief d’irrecevabilité, que les conclusions à fin d’annulation de la décision du 21 février 2006 sont manifestement irrecevables.

 Sur la recevabilité des conclusions relatives à la réparation du préjudice moral

54      Selon le requérant, le comportement illégal de la Commission, qui avait refusé la liquidation des frais de la mission effectuée par lui le 29 juillet 2003, aurait pour conséquence que les détails de l’affaire soient connus par un nombre important de personnes, auxquelles le requérant se doit de démontrer qu’il est dans son bon droit.

55      Selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, lorsqu’un requérant introduit un recours tendant en même temps à l’annulation d’un acte d’une institution et à l’octroi d’une indemnité pour le préjudice causé par cet acte, les demandes sont tellement liées l’une à l’autre que l’irrecevabilité de la demande en annulation entraîne l’irrecevabilité de celle en indemnité (ordonnance du Tribunal de première instance du 24 juin 1992, H. S./Conseil, T‑11/90, Rec. p. II‑1869, point 25, et arrêt du Tribunal de première instance du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, RecFP p. I‑A‑15 et II‑61, point 34).

56      En l’espèce, la demande de paiement d’une indemnité visant à réparer le préjudice moral prétendument subi par le requérant est étroitement liée à la demande en annulation. Comme cette dernière, elle est donc manifestement irrecevable.

57      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

58      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

59      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Selon l’article 87, paragraphe 3, second alinéa, dudit règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires. Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son ordonnance du 16 mai 2006, Voigt/Commission (F‑55/05, RecFP p. I‑A‑1‑15 et II‑A‑1‑51, points 44 à 48), cette règle n’a pas été remise en cause par la décision 2004/752 et s’applique donc au Tribunal dans les mêmes conditions que devant le Tribunal de première instance.

60      En l’espèce, la demande de la Commission de condamner le requérant, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, à supporter les entiers dépens doit être rejetée. Le Tribunal ne peut pas qualifier le comportement de la partie requérante de frustratoire ou vexatoire.

61      Certes, comme il a été démontré ci-dessus, le présent recours est irrecevable au vu du règlement amiable conclu entre les parties par l’échange des notes des 5, 8 et 12 décembre 2005.

62      Force est toutefois de reconnaître que le différend entre les parties à l’origine du présent recours repose sur le fait que la Commission, dans la première phrase de sa note du 8 décembre 2005, faisait référence au courrier de l’avocat de la partie requérante du 5 décembre 2005, qui reprenait les conditions d’un règlement amiable, en y ajoutant les termes suivant :

« La Commission […] accepte les conditions présentées dans votre courrier, à savoir […] ».

63      Il apparaît que, en réalité, la Commission n’a pas accepté toutes ces conditions et qu’elle a proposé des termes, certes très semblables, mais présentant tout de même une différence significative avec ceux du requérant dans la mesure où elle a refusé le remboursement de la somme de 21,51 euros.

64      L’utilisation des termes « accepte les conditions présentées dans votre courrier », a pu donner l’impression, fausse, que la Commission avait vraiment accepté la totalité des conditions mentionnées dans le courrier du conseil du requérant du 5 décembre 2005.

65      Le Tribunal estime donc que la condition posée par l’article 87, paragraphe 3, second alinéa du règlement de procédure du Tribunal de première instance n’est pas remplie.

66      En revanche, il y a lieu de faire application de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance. Selon cette disposition, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

67      En l’espèce, en faisant une juste appréciation des circonstances de la cause, notamment eu égard au comportement de la Commission qui, en utilisant dans sa note du 8 décembre 2005 les phrases contradictoires déjà citées, a pu donner l’impression, fausse, qu’elle avait vraiment accepté la totalité des conditions mentionnées dans le courrier du conseil du requérant du 5 décembre 2005, il y a lieu de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, les dépens du requérant à hauteur d’un montant de 500 euros.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      M. Steinmetz supporte ses propres dépens à l’exception d’un montant de 500 euros.

3)      La Commission des Communautés européennes supporte, outre ses propres dépens, les dépens de M. Steinmetz à hauteur d’un montant de 500 euros.

Fait à Luxembourg, le 14 décembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.