Language of document : ECLI:EU:T:2019:90

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 février 2019 (*)

« FEDER – Refus de confirmer une contribution financière à un grand projet – Article 41, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1083/2006 – Évaluation de la cohérence d’un grand projet avec les priorités du programme opérationnel – Article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 – Dépassement du délai »

Dans l’affaire T‑366/17,

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B.-R. Killmann, Mmes A. Kyratsou et M. Siekierzyńska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 1904 final de la Commission, du 23 mars 2017, refusant de confirmer à la République de Pologne une contribution financière du Fonds européen de développement régional (FEDER) au grand projet « Démarrage de la production d’une nouvelle génération de moteurs diesel par Volkswagen Motor Polska » dans le cadre de l’axe prioritaire IV du programme opérationnel « Économie innovante »,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli (rapporteur) et M. A. Kornezov, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er octobre 2007, par la décision C(2007) 4562, la Commission des Communautés européennes a adopté le programme opérationnel « Économie innovante » (ci-après le « POEI ») présenté par la République de Pologne en application de l’article 32 du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25).

2        À la suite de l’adoption des dispositions nationales de mise en œuvre du POEI, le 2 novembre 2010, Volkswagen Motor Polska sp. z o.o. (ci-après le « bénéficiaire désigné ») a présenté aux autorités polonaises une demande de subvention pour le projet « Démarrage de la production d’une nouvelle génération de moteurs diesel par Volkswagen Motor Polska » (ci-après le « projet ») et, le 13 septembre 2011, les autorités polonaises ont signé avec le bénéficiaire désigné un contrat relatif à l’octroi d’une subvention pour la mise en œuvre du projet. Il ressort de la requête que le projet avait pour objet la production du moteur diesel EA 288, lequel, pour la première fois dans le secteur automobile, aurait respecté les normes d’émission Euro 6 sans être équipé d’un système de réduction catalytique sélective (ci-après le « système RCS »), que, jusqu’alors, de tels systèmes constituaient la seule possibilité réelle de réduire significativement les oxydes d’azote dans les gaz d’échappement et que, compte tenu des défauts de ces systèmes, le groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné avait décidé qu’il mènerait des travaux de développement axés sur un nouveau moteur diesel très innovant réduisant les oxydes d’azote à la source. Le projet a été réalisé du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2014.

3        Par lettre du 27 décembre 2013, au titre des articles 39 à 41 du règlement no 1083/2006, la République de Pologne a présenté à la Commission une demande de confirmation de la contribution financière du Fonds européen de développement régional (FEDER) au projet, en tant que grand projet s’inscrivant dans le cadre de l’axe prioritaire IV du POEI concernant les investissements dans les entreprises innovantes (ci-après la « demande de confirmation »).

4        Par communication intervenue dans le cadre du système SFC2007, le système d’échange électronique d’informations avec les États membres dans le domaine des fonds structurels prévu à l’article 39 de son règlement (CE) no 1828/2006, du 8 décembre 2006, établissant les modalités d’exécution du règlement no 1083/2006 et du règlement (CE) no 1080/2006 du Parlement européen et du Conseil relatif au FEDER (JO 2006, L 371, p. 1), le 4 mars 2014, la Commission, d’une part, a demandé aux autorités polonaises de joindre des nouvelles versions de l’étude de faisabilité et de l’analyse coûts-avantages à la demande de confirmation et, d’autre part, a indiqué que l’examen de ladite demande était suspendu jusqu’à la réception desdits documents.

5        Le 4 juillet 2014, la République de Pologne a transmis à la Commission une version révisée de la demande de confirmation (ci-après la « demande de confirmation révisée ») et les documents demandés par cette dernière.

6        Par lettre du 27 janvier 2015 adressée à la République de Pologne, la Commission, d’une part, a demandé de corriger des erreurs relevées dans l’analyse économique et dans l’analyse financière et de fournir des clarifications sur les activités de recherche et développement prévues dans le projet ainsi que sur la compatibilité du projet avec la politique de l’Union européenne en matière de concurrence et, d’autre part, a indiqué que l’examen de la demande de confirmation était suspendu jusqu’à la réception de réponses satisfaisantes.

7        Par lettre du 2 avril 2015, la République de Pologne a répondu aux demandes de la Commission. Le 14 mai 2015, les autorités polonaises ont transmis à la Commission des informations supplémentaires.

8        Par lettres du 3 juin et du 3 août 2015, la Commission a demandé aux autorités polonaises des informations sur l’aide publique octroyée au bénéficiaire désigné pour la réalisation du projet. Les autorités polonaises ont répondu par lettres du 9 juillet et du 10 août 2015.

9        Par lettre du 16 septembre 2015, la Commission a demandé aux autorités polonaises d’autres informations sur la conformité du projet avec la politique de l’Union en matière de concurrence. En outre, par lettre du 14 octobre 2015, suivie d’un courriel le 5 novembre 2015, la Commission a demandé aux autorités polonaises des informations sur la conformité des moteurs visés par le projet avec la législation environnementale de l’Union.

10      Par lettres du 10 novembre et du 16 décembre 2015, la République de Pologne a répondu aux demandes de la Commission.

11      Par lettre du 28 juin 2016, la Commission a demandé aux autorités polonaises d’autres informations sur la conformité des moteurs visés par le projet avec la législation environnementale de l’Union.

12      Par lettre du 10 octobre 2016, la République de Pologne a répondu à la demande de la Commission.

13      Par lettre du 15 décembre 2016, la Commission a informé les autorités polonaises qu’elle envisageait de refuser de confirmer une contribution financière du FEDER au projet, ce dernier n’étant pas cohérent avec les priorités du POEI en raison de son manque d’innovation.

14      Par lettre du 2 février 2017, la République de Pologne a répondu aux observations de la Commission.

15      Le 23 mars 2017, sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006, la Commission a adopté la décision C(2017) 1904 final (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle elle a refusé une contribution financière du FEDER au projet (article 1er). La décision attaquée précise que toute dépense relative au projet incluse dans un état des dépenses soumis à la Commission antérieurement à cette décision doit être rectifiée lors du prochain état des dépenses soumis à la Commission postérieurement à ladite décision (article 2). La décision attaquée est adressée à la République de Pologne (article 3).

16      Par la décision attaquée, la Commission a refusé de confirmer une contribution financière du FEDER au projet au motif qu’il n’était pas cohérent avec les priorités du POEI au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, en raison de l’absence de caractère innovant (considérants 17 à 29 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2017, la République de Pologne a introduit le présent recours. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      Le 4 septembre 2017, la Commission a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en défense. La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République de Pologne aux dépens.

19      La République de Pologne a déposé une réplique le 23 octobre 2017 et la Commission a déposé une duplique le 5 décembre 2017.

20      Aucune des parties n’a demandé la tenue d’une audience.

21      Le Tribunal (septième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure.

 En droit

22      La République de Pologne invoque deux moyens au soutien du recours, tirés, le premier, d’une erreur d’appréciation de la cohérence du projet avec les priorités du POEI au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006 et, le second, de la violation du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006.

 Considérations liminaires sur le cadre juridique et sur le contrôle du Tribunal

23      En premier lieu, il convient de rappeler que le règlement no 1083/2006 régit l’action du FEDER, du Fonds social européen (FSE) et du Fonds de cohésion (ci-après, pris ensemble, les « Fonds ») pour la période de programmation 2007-2013.

24      Il convient de relever que, selon l’article 32, paragraphes 1 à 5, du règlement no 1083/2006, dans chaque État membre, l’action des Fonds prend la forme de programmes opérationnels établis par l’État membre et présentés à la Commission pour évaluation et adoption.

25      Selon l’article 58, l’article 59, paragraphes 1 et 2, et l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, les États membres sont responsables de la gestion et du contrôle des programmes opérationnels et, à cette fin, désignent notamment une autorité de gestion, une autorité de certification ainsi que, éventuellement, des organismes intermédiaires pour réaliser tout ou partie de leurs tâches et une autorité d’audit. Aux termes de l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006, l’autorité de gestion est chargée de la gestion et de la mise en œuvre du programme opérationnel et, notamment, « de veiller à ce que les opérations soient sélectionnées en vue d’un financement selon les critères applicables au programme opérationnel et qu’elles soient conformes, pendant toute la durée de leur exécution, aux règles [de l’Union] et [aux règles] nationales applicables ».

26      Selon les articles 63 et 65 du règlement no 1083/2006, pour chaque programme opérationnel, les États membres instituent également un comité de suivi, qui s’assure de l’efficacité et de la qualité de la mise en œuvre du programme opérationnel, notamment en examinant et en approuvant les critères de sélection des opérations financées.

27      Selon l’article 2, point 3, du règlement no 1083/2006, chaque opération, à savoir un projet ou un groupe de projets visant à réaliser les objectifs du programme opérationnel, est sélectionnée par l’autorité de gestion selon les critères fixés par le comité de suivi.

28      Aux termes de l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006, une dépense n’est éligible à la contribution des Fonds que si elle a été encourue pour des opérations décidées par l’autorité de gestion ou sous sa responsabilité, selon les critères fixés par le comité de suivi.

29      En deuxième lieu, lorsque l’État membre sélectionne un grand projet, à savoir, selon l’article 39 du règlement no 1083/2006, « des dépenses comprenant un ensemble de travaux, d’activités ou de services destiné à remplir par lui-même une fonction indivisible à caractère économique ou technique précis, qui vise des objectifs clairement identifiés et dont le coût total excède 50 [millions d’euros] », en vue de son financement par le FEDER ou par le Fonds de cohésion dans le cadre d’un ou de plusieurs programmes opérationnels, celui-ci doit, selon le considérant 49 du règlement no 1083/2006, pouvoir être approuvé par la Commission, afin que celle-ci évalue sa finalité et son impact ainsi que les modalités de l’utilisation envisagée des ressources de l’Union.

30      À cette fin, l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006 prévoit que le grand projet est présenté à la Commission par l’État membre, ou son autorité de gestion, en transmettant les informations visées à l’article 40, premier alinéa, sous a) à h), du règlement no 1083/2006, à savoir des informations sur l’organisme responsable de sa mise en œuvre et sur la nature de l’investissement, sa description, son enveloppe financière et sa localisation, les résultats des études de faisabilité, le calendrier d’exécution, une analyse coûts-avantages, une analyse d’impact environnemental, la justification de la participation publique et le plan de financement. Selon l’article 40, paragraphe 2, sous e), et paragraphe 3, du règlement no 1828/2006, ces informations sont transmises conformément aux schémas de demande de confirmation figurant dans les annexes XXI et XXII du règlement no 1828/2006 et libellés « Grand projet – Demande de confirmation de financement en vertu des articles 39 à 41 du règlement […] no 1083/2006 ».

31      Selon l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, la Commission, en consultant si nécessaire des experts externes, y compris la Banque européenne d’investissement (BEI), évalue le grand projet sur la base des informations figurant dans la demande de confirmation, de sa cohérence avec les priorités du programme opérationnel ou des programmes concernés, de sa contribution à la réalisation des objectifs de ces priorités et de sa cohérence avec les autres politiques de l’Union.

32      Selon l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, à condition que la demande soit soumise conformément à l’article 40 dudit règlement, la Commission adopte une décision dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après la présentation du grand projet.

33      L’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 dispose que la décision de la Commission, lorsqu’elle confirme la contribution, décrit l’objet physique du projet, indique l’assiette sur laquelle le taux du cofinancement s’applique et le plan de contribution du FEDER ou du Fonds de cohésion.

34      Selon l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006, lorsque la Commission refuse la contribution à un grand projet, elle en communique les raisons à l’État membre dans les délais prévus au paragraphe 2 dudit article. Par ailleurs, à ce dernier égard, selon l’article 78, paragraphe 4, du règlement no 1083/2006, lorsque la Commission refuse la contribution à un grand projet et que l’État membre a déjà inclus des paiements relatifs à ce grand projet dans un état des dépenses soumis à la Commission, l’état des dépenses suivant l’adoption de la décision de refus doit être rectifié en conséquence.

35      En troisième lieu, il ressort de la jurisprudence que, dans le domaine de l’octroi d’un concours financier de l’Union, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’existence des conditions justifiant l’octroi d’un tel concours (voir arrêt du 14 février 2008, Provincia di Imperia/Commission, T‑351/05, EU:T:2008:40, point 86 et jurisprudence citée).

36      En outre, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation lorsque, dans l’application des dispositions sur les Fonds, elle est amenée à procéder à l’évaluation de situations factuelles et comptables complexes (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2007, Mediocurso/Commission, T‑251/05 et T‑425/05, non publié, EU:T:2007:162, point 73 et jurisprudence citée), comme lorsqu’elle est amenée à évaluer un grand projet sur la base des informations figurant dans la demande de confirmation et visées à l’article 40 du règlement no 1083/2006, de sa cohérence avec les priorités d’un programme opérationnel, de sa contribution à la réalisation des objectifs de ces priorités et de sa cohérence avec les autres politiques de l’Union, et ce afin d’évaluer la finalité et l’impact dudit grand projet ainsi que les modalités de l’utilisation envisagée des ressources de l’Union [arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 36 (non publié)].

37      Ainsi, lorsque la Commission est amenée à effectuer l’évaluation d’un grand projet et à prendre une décision en vertu de l’article 41 du règlement no 1083/2006, elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation [arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 37 (non publié)].

38      Dans ces circonstances, le contrôle juridictionnel du Tribunal sur une telle évaluation se limite à la vérification du fait que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et, à cette fin, il incombe à la partie requérante d’apporter les éléments de fait ou de droit susceptibles d’établir que l’appréciation de la Commission est entachée d’une telle erreur [voir arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 38 (non publié) et jurisprudence citée].

39      Il ressort également de la jurisprudence que, dans le cas où les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance fondamentale (arrêt du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission, C‑258/90 et C‑259/90, EU:C:1992:199, point 26).

40      C’est à la lumière de ces éléments normatifs et jurisprudentiels qu’il convient d’apprécier la légalité de la décision attaquée.

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation de la cohérence du projet avec les priorités du POEI au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006

41      Le premier moyen du recours vise, en substance, l’appréciation de la Commission figurant aux considérants 17 à 29 de la décision attaquée, selon laquelle le projet ne serait pas cohérent avec les priorités du POEI au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006.

42      À titre liminaire, il convient d’observer que, dans la décision attaquée :

–        la Commission a indiqué que « les projets supportés dans le cadre de l’axe prioritaire IV du POEI [étaient] seulement les projets les plus innovants avec les solutions technologiques les plus nouvelles » ou que, en d’autres termes, « les mesures incluses dans le cadre dudit axe prioritaire [devaient] se caractériser par un haut degré d’innovation, entendu comme innovation de caractère décisif mesuré par sa durée d’utilisation dans le monde ou par le degré de diffusion de la technologie concernée dans le secteur concerné dans le monde » (considérant 18) ;

–        la Commission a relevé que, selon les informations fournies dans la demande de confirmation, l’objectif du projet était de produire un moteur diesel innovant EA 288, dont le caractère innovant résultait de son processus de production, basé sur un design modulaire, et de ses prestations environnementales, compte tenu du fait qu’il serait le premier moteur au monde à satisfaire aux normes d’émission Euro 6 sans être équipé d’un système RCS (considérant 20) ;

–        la Commission a indiqué que, cependant, les investigations effectuées aux États-Unis en 2015 sur les émissions des moteurs diesel ont porté à son attention le fait que les véhicules américains équipés du moteur EA 189 du groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné avaient été certifiés, à partir des modèles de l’année 2009, comme respectant les normes d’émission américaines Tier 2 Bin 5, lesquelles, s’agissant des émissions d’oxydes d’azote, étaient plus restrictives que les normes d’émission Euro 6, et que plusieurs de ces modèles n’utilisaient pas un système RCS (considérant 22). La Commission a ajouté que, au moment du dépôt de la demande de confirmation en 2013, au moins six autres marques n’appartenant pas au groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné commercialisaient des véhicules diesel respectant les normes d’émission Euro 6 sans utiliser de système RCS (considérant 23). La Commission a donc indiqué que, contrairement aux allégations figurant dans la demande de confirmation, le moteur EA 288 n’était pas le premier moteur au monde à satisfaire aux normes d’émission Euro 6 sans système RCS, compte tenu non seulement du fait que le moteur EA 189 du groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné satisfaisait aux normes d’émission d’oxydes d’azote plus ambitieuses dès 2009, même sans système RCS, mais également du fait que, au moment du dépôt de la demande de confirmation, d’autres constructeurs de véhicules satisfaisaient aux normes d’émission Euro 6 sans système RCS (considérant 24) ;

–        la Commission a également indiqué que l’innovation alléguée n’était pas fondée, au motif que, selon les informations fournies par le bénéficiaire désigné, tous les futurs véhicules équipés du moteur EA 288 seront dotés d’un système de post-traitement des gaz d’échappement tel que le système RCS, afin de satisfaire aux normes d’émission (considérant 25) ;

–        la Commission a indiqué que, tout en reconnaissant que la demande de confirmation décrivait non seulement le caractère innovant du produit, mais également le caractère innovant du procédé, de la technologie ou de l’organisation, compte tenu du fait que le principal objectif du projet relatif au caractère innovant du moteur avait été considéré comme n’étant pas fondé, les autres éléments innovants du projet ne faisaient pas l’objet de son analyse (considérant 26) ;

–        la Commission a précisé qu’elle considérait que le moment au regard duquel il y avait lieu d’apprécier la cohérence du projet avec les priorités du POEI était le moment auquel la République de Pologne avait soumis la demande de confirmation, étant donné que, conformément à l’article 41 du règlement no 1083/2006, la Commission devait apprécier le projet sur la base des informations figurant dans ladite demande (considérant 27). Néanmoins, la Commission a également indiqué que, même s’il y avait lieu d’évaluer le caractère innovant du projet au regard du moment auquel le bénéficiaire désigné a présenté la demande de subvention aux autorités polonaises en date du 2 novembre 2010, le résultat de l’évaluation serait le même, puisque, même en 2010, le projet n’aurait pas pu être considéré innovant, compte tenu du fait que, déjà en 2009, un moteur diesel du groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné sans système RCS avait été certifié pour les normes d’émission américaines Tier 2 Bin 5, lesquelles étaient plus strictes que les normes d’émission Euro 6 (considérant 28) ;

–        sur la base de ces constatations, la Commission a considéré que le projet n’était pas cohérent avec les priorités du POEI au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006 (considérants 17 et 29).

43      La République de Pologne fait valoir que, lors de cette évaluation, la Commission a commis trois erreurs importantes, lesquelles correspondent, en substance, à trois branches du premier moyen. Premièrement, la Commission aurait adopté une date de référence erronée pour évaluer le degré d’innovation du projet. Deuxièmement, la Commission aurait effectué une évaluation erronée du caractère innovant du projet. Troisièmement, la Commission aurait erronément limité l’appréciation du projet au caractère innovant du produit.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’adoption d’une date de référence erronée

44      La République de Pologne, par un premier grief, fait valoir que la Commission doit apprécier le projet au regard des faits existant à la date d’introduction de la demande de subvention par le bénéficiaire désigné, soit le 2 novembre 2010. En l’espèce, la Commission aurait erronément apprécié le caractère innovant du projet à la date du dépôt de la demande de confirmation en date du 27 décembre 2013, au lieu du jour de dépôt de la demande de subvention par le bénéficiaire désigné aux autorités polonaises en date du 2 novembre 2010, ce qui fausserait les résultats de l’appréciation, remettrait en cause la sécurité juridique, rendrait beaucoup plus difficile, voire impossible, l’obtention de subventions pour les projets dans les secteurs connaissant le développement le plus dynamique et aurait des répercussions négatives sur l’action des autorités nationales. En effet, selon la République de Pologne, dès lors que la Commission apprécie la demande de confirmation sur la base des faits énoncés dans la demande soumise par le bénéficiaire à l’État membre, la date pertinente pour évaluer une telle demande serait toujours antérieure à la date de dépôt de la demande à la Commission.

45      Par un second grief, la République de Pologne conteste le considérant 28 de la décision attaquée où la Commission a considéré que le projet n’était pas innovant même s’il avait été évalué au regard des faits existant le 2 novembre 2010. À cet égard, elle soutient que la thèse de la Commission selon laquelle un projet ne serait innovant que s’il met en œuvre une solution pour la première fois n’est étayée par aucune disposition du droit définissant les conditions de financement des grands projets. En effet, selon la République de Pologne, conformément aux critères de sélection adoptés par le comité de suivi, le projet devait seulement respecter la condition selon laquelle la solution mise en œuvre ne pouvait pas être utilisée depuis plus de trois ans ou avoir un degré de diffusion dans le secteur supérieur à 15 %, condition qui, selon l’avis de la Politechnika Wrocławska (École polytechnique de Wrocław, Pologne) du 29 octobre 2010, était respectée en l’espèce. Elle ajoute que la Commission ne saurait faire abstraction des critères de sélection, lesquels sont pertinents et obligatoires également à son égard. Le fait qu’un représentant de la Commission puisse participer aux travaux du comité de suivi témoignerait de l’existence d’un lien entre les critères de sélection et l’évaluation d’un grand projet par la Commission. L’article 41 du règlement no 1083/2006 ne constituerait pas une base autonome pour l’évaluation d’un grand projet, les autres dispositions de ce règlement ne pouvant pas être ignorées. La remise en cause d’un projet choisi par l’État membre sur la base des critères de sélection porterait atteinte au principe de coopération loyale.

46      La Commission conteste les arguments de la République de Pologne.

47      S’agissant du premier grief, tiré du fait que la Commission aurait dû apprécier le projet au regard des faits existant à la date d’introduction de la demande de subvention par le bénéficiaire désigné, à titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, la Commission évalue un grand projet sur la base des informations soumises par l’État membre conformément à l’article 40 de ce même règlement. Ainsi que l’indique l’article 94, paragraphe 1, de ce règlement, la demande de confirmation doit répondre à toutes les exigences dudit article 40. C’est donc l’État membre concerné qui est tenu de soumettre à la Commission les informations requises par ladite disposition et qui supporte la charge de la preuve à cet égard.

48      En particulier, l’article 40 du règlement no 1083/2006 prévoit que l’État membre fournit à la Commission, à travers la demande de confirmation, un ensemble d’informations sur le grand projet, à savoir des informations sur l’organisme responsable de sa mise œuvre [article 40, premier alinéa, sous a)], des informations sur la nature de l’investissement, sa description, son enveloppe financière et sa localisation [article 40, premier alinéa, sous b)], les résultats des études de faisabilité [article 40, premier alinéa, sous c)], le calendrier d’exécution [article 40, premier alinéa, sous d)], une analyse coûts-avantages [article 40, premier alinéa, sous e)], une analyse d’impact environnemental [article 40, premier alinéa, sous f)], la justification de la participation publique [article 40, premier alinéa, sous g)] et le plan de financement [article 40, premier alinéa, sous h)].

49      Il en résulte que la cohérence et la contribution d’un grand projet au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006 ainsi que son impact, sa finalité et l’utilisation envisagée des ressources de l’Union conformément au considérant 49 de ce même règlement sont évalués par la Commission sur la base des informations relatives aux caractéristiques du grand projet présentées par l’État membre à la Commission dans la demande de confirmation et éventuellement complétées au cours de la procédure d’évaluation.

50      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des considérants 27 et 28 de la décision attaquée, la Commission a évalué le caractère innovant dudit projet, à titre principal, au regard de la situation existant au moment auquel la République de Pologne lui a soumis la demande de confirmation, à savoir le 27 décembre 2013 et, à titre subsidiaire, au regard de la situation existant au moment auquel le bénéficiaire désigné a soumis la demande de subvention à la République de Pologne, à savoir le 2 novembre 2010.

51      À cet égard, la Commission a indiqué que, même s’il y avait lieu d’évaluer le caractère innovant du projet au regard de la situation existant en 2010, le résultat de l’évaluation aurait été le même qu’en 2013, puisque, même en 2010, le projet n’aurait pas pu être considéré comme étant innovant, compte tenu des constatations opérées dans la décision attaquée concernant le moteur diesel EA 189 certifié aux États-Unis en 2009. Sous réserve de l’examen de son bien-fondé, une telle appréciation du caractère non innovant du projet au regard de la situation existant en 2010 sur la base de circonstances relatives à 2009 demeure, a fortiori, pertinente pour la période suivante.

52      Par conséquent, sous réserve de l’examen du bien-fondé dudit raisonnement subsidiaire, ce qui fait notamment l’objet du second grief de la première branche du premier moyen ainsi que de la deuxième branche du premier moyen, à supposer même que, dans les circonstances du cas d’espèce, la Commission ait commis une erreur en prenant, dans son raisonnement principal, le 27 décembre 2013 comme date pertinente, une telle erreur ne saurait automatiquement conduire à l’annulation de la décision attaquée.

53      En effet, dans la mesure où il conviendrait d’écarter le second grief, le premier grief du premier moyen devrait également être écarté comme étant inopérant.

54      S’agissant du second grief, tiré du fait que la Commission aurait erronément considéré que le projet n’était pas innovant au regard de la situation existant en 2010, force est de constater qu’un tel grief porte sur le bien-fondé de ladite évaluation, tout comme la deuxième branche du premier moyen. Partant, le Tribunal considère opportun d’examiner ce second grief conjointement à la deuxième branche ci-après.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une évaluation erronée du caractère innovant du projet

55      D’une part, la République de Pologne fait valoir que la thèse de la Commission, exposée aux considérants 20 à 26 de la décision attaquée, suivant laquelle les solutions doivent être mises en œuvre « pour la première fois au monde » n’a de fondement ni dans les critères de sélection ni dans le POEI ni dans le règlement no 1083/2006 et le règlement (CE) no 1080/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relatif au FEDER et abrogeant le règlement (CE) no 1783/1999 (JO 2006, L 210, p. 1). Selon la République de Pologne, les critères de sélection précisent le POEI, lequel concrétise les dispositions des règlements nos 1083/2006 et 1080/2006. Or, le projet respecterait les critères d’innovation prévus dans la réglementation applicable, en particulier dans le POEI.

56      En particulier, tout d’abord, l’évaluation de la Commission ne doit pas contrevenir aux critères de sélection fixés par le comité de suivi. Au contraire, la Commission devrait tenir compte de ces critères dans son évaluation. En l’espèce, ces critères exigeaient, obligatoirement, que l’investissement consiste à acquérir ou à mettre en œuvre une solution qui ne soit pas utilisée depuis plus de trois ans dans le monde ou dont le degré de diffusion dans le monde dans le secteur concerné n’excède pas 15 % et, facultativement, que l’investissement consiste à acquérir ou à mettre en œuvre une solution utilisée dans le monde depuis un an tout au plus ou dont le degré de diffusion dans le monde dans le secteur concerné n’excède pas 5 %. Le projet respecterait l’ensemble des critères de sélection requis.

57      Ensuite, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1083/2006, l’objectif « convergence » vise, notamment, à améliorer le développement de l’innovation. De même, en vertu de l’article 4 du règlement no 1080/2006, parmi les priorités qui visent à mettre en œuvre l’objectif « convergence » figure, notamment, l’innovation.

58      Enfin, il ressortirait du POEI que tant les innovations de « rupture », qui sont utilisées pour la première fois, que les « innovations d’une autre nature » peuvent bénéficier d’une subvention du FEDER. La notion d’innovation au sens du POEI n’est donc pas cantonnée aux investissements de rupture à l’échelle mondiale. En outre, le projet s’inscrirait dans le cadre de l’axe prioritaire IV du POEI étant donné qu’il contribue à réaliser les objectifs de cet axe, à savoir améliorer les capacités d’innovation des entreprises, augmenter la compétitivité de l’économie polonaise, accroître le rôle des sciences dans le développement économique, augmenter la participation des produits innovants de l’économie polonaise sur le marché international et créer des emplois durables et de haute qualité.

59      D’autre part, la République de Pologne fait valoir que, à la date de dépôt de la demande de subvention du projet par le bénéficiaire, il n’existait pas sur le marché européen de moteurs diesel respectant les normes d’émission Euro 6 sans système RCS. La thèse de la Commission selon laquelle les voitures américaines du groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné étaient équipées depuis 2009 d’un moteur diesel ayant des propriétés similaires signifie que le projet respectait les exigences d’innovation prévues par les critères de sélection, puisque les faits relevés par la Commission s’étaient déroulés un an seulement avant le dépôt de la demande. Si l’expression utilisée dans la demande constituait un obstacle, la Commission aurait pu demander la mise à jour de la demande ; en revanche, l’approche de la Commission aurait été d’une rigueur excessive. Selon la République de Pologne, le fait que les moteurs du bénéficiaire ont cessé d’être les premiers au monde au stade de leur réalisation n’efface pas le caractère innovant du projet. En plus, tel que cela est indiqué dans l’avis de l’École polytechnique de Wrocław, le projet permettrait d’adapter le moteur aux normes d’émission plus sévères Euro 7 et BIN2. En outre, selon la République de Pologne, les moteurs EA 288 et EA 189 ont des performances techniques différentes : le premier respecte les normes d’émission Euro 6 tandis que le second respecte les normes d’émission Euro 5. Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte dans l’émission des gaz d’échappement (émissions de dioxyde de carbone, d’oxydes d’azote, de particules et consommation de carburant) et, à cet égard, le moteur EA 288 est plus performant que le moteur EA 189 ; la position de la Commission serait donc incompréhensible. Elle ajoute que les données du marché américain seraient sans pertinence pour apprécier le caractère innovant du projet. La République de Pologne soutient également que le fait que tous les modèles devraient être équipés de moteurs comprenant un système de post-traitement de gaz d’échappement ne contredit pas le caractère innovant du projet, étant donné que la technologie utilisée dans les moteurs EA 288 permet de produire des moteurs plus performants. La République de Pologne conteste également le fait que la Commission n’a présenté aucun argument pour justifier son appréciation et, en particulier, qu’elle n’a pas précisé les éléments sur lesquels elle avait fondé son appréciation ni expliqué d’où provenaient ses connaissances sur les marchés automobiles américain et européen.

60      La Commission conteste les arguments de la République de Pologne.

61      Les arguments exposés par la République de Pologne dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen s’articulent, en substance, autour de deux griefs, tirés, le premier, de la méconnaissance de la réglementation applicable figurant dans les règlements nos 1083/2006 et 1080/2006, dans le POEI et dans les critères de sélection et, le second, de l’appréciation erronée des caractéristiques du projet.

62      Par ailleurs, tel que cela est indiqué au point 54 ci-dessus, c’est dans le cadre de l’examen de ces deux griefs de la deuxième branche, et en particulier du premier de ces griefs, qu’il convient également d’examiner les arguments exposés par la République de Pologne dans le cadre du second grief de la première branche et déjà rappelés au point 45 ci-dessus.

–       Sur le grief tiré de la méconnaissance de la réglementation applicable

63      S’agissant, en premier lieu, des règlements nos 1083/2006 et 1080/2006, il convient d’observer que, contrairement à ce qui est suggéré par la République de Pologne, la décision attaquée ne refuse pas de confirmer une contribution financière du FEDER au projet au motif qu’il ne serait pas conforme aux dispositions des règlements nos 1083/2006 et 1080/2006 invoquées par la République de Pologne, mais au motif qu’il n’est pas cohérent avec les priorités du POEI au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006 en raison de l’absence de caractère innovant. Partant, les références opérées par la République de Pologne à l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1083/2006 et à l’article 4 du règlement no 1080/2006 sont inopérantes en l’espèce.

64      S’agissant, en deuxième lieu, du POEI, il convient de relever que, premièrement, contrairement à ce qui est suggéré par la République de Pologne, la décision attaquée ne se fonde pas sur le fait que le projet ne contribuerait pas à la réalisation des objectifs de l’axe prioritaire IV du POEI au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, mais sur le fait que ledit projet n’est pas cohérent avec les priorités du POEI au sens de ladite disposition, et ce en raison de l’absence de caractère innovant. Partant, les arguments de la République de Pologne visant à démontrer que le projet contribuerait à la réalisation des objectifs de l’axe prioritaire IV du POEI sont inopérants en l’espèce.

65      Deuxièmement, les arguments de la République de Pologne visant à démontrer que le POEI permettrait de financer des projets dont le caractère innovant ne serait pas de « rupture », mais également « d’une autre nature » ou encore des projets dont l’innovation ne serait pas mise en œuvre « pour la première fois au monde » ne sauraient non plus être retenus en l’espèce. En effet, contrairement à ce qui est suggéré par la République de Pologne, il ressort de la décision attaquée que la Commission a refusé de confirmer une contribution financière du FEDER au projet parce que, ainsi qu’il ressort du considérant 28 de la décision attaquée, celui-ci « ne [peut] pas être considéré comme étant innovant ».

66      À cet égard, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, ce sont les autorités polonaises qui, dans la demande de confirmation, ont spécifiquement allégué que le moteur visé par le projet était innovant, puisqu’il aurait été le premier moteur au monde à satisfaire aux normes d’émission Euro 6 sans système RCS (voir, également, la description du projet figurant dans la demande de confirmation reprise au point 101 ci-après). Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que la Commission ait appliqué au projet un niveau particulièrement exigeant d’innovation, la Commission s’étant limitée à vérifier les allégations des autorités polonaises et, sous réserve de l’examen du bien-fondé de cette évaluation, à considérer que ces allégations n’étaient pas fondées.

67      Troisièmement, les arguments de la République de Pologne visant à démontrer que le projet aurait un effet de diffusion de l’innovation sont également inopérants en l’espèce, dès lors que la Commission ne s’est pas fondée sur l’absence d’un tel effet de diffusion.

68      S’agissant, en troisième lieu, des critères de sélection, il convient de commencer par rappeler que, d’une part, ainsi qu’il ressort des dispositions mentionnées aux points 25 à 28 ci-dessus, toute opération devant être financée par les Fonds dans le cadre d’un programme opérationnel est sélectionnée par l’autorité de gestion désignée par l’État membre concerné et que ladite sélection est effectuée sur la base des critères fixés par le comité de suivi institué par l’État membre concerné. Il appartient donc à l’État membre concerné, par le biais des organismes désignés à cet effet, tout d’abord, de fixer les critères de sélection des opérations devant être financées par les Fonds dans le cadre d’un programme opérationnel et, ensuite, de sélectionner lesdites opérations [arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 46 (non publié)].

69      D’autre part, ainsi qu’il ressort des dispositions mentionnées aux points 29 à 34 ci-dessus, les opérations constituant de grands projets, à savoir celles dont le coût total excède 50 millions d’euros, après avoir été sélectionnées par l’État membre, sont évaluées par la Commission afin de confirmer ou non à l’État membre une contribution du FEDER ou du Fonds de cohésion [arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 47 (non publié)].

70      Cependant, ainsi qu’il ressort du règlement no 1083/2006, cette évaluation de la Commission se différencie de la sélection opérée par l’État membre tant par ses modalités que par son objectif [arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 48 (non publié)].

71      Premièrement, c’est dans le cadre des seules relations entre la Commission et l’État membre que se déroulent les opérations visant à ce que la Commission évalue et confirme ou non à un État membre une contribution financière du FEDER ou du Fonds de cohésion pour un grand projet. La Commission n’effectue aucune sélection des grands projets qui sont proposés aux autorités nationales par les demandeurs, mais procède seulement, et uniquement à l’égard des États membres, à l’évaluation des grands projets que les autorités nationales ont déjà sélectionnés et lui ont soumis pour confirmer ou non une contribution financière au titre du FEDER ou du Fonds de cohésion [arrêts du 4 mai 2017, Green Source Poland/Commission, T‑512/14, EU:T:2017:299, points 37 et 52, et du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 49 (non publié)].

72      Deuxièmement, l’évaluation de la Commission ne vise pas à vérifier la sélection opérée par l’État membre à l’aune des critères de sélection fixés par le comité de suivi, mais à apprécier, à l’aune des informations prévues à cet effet à l’article 40 du règlement no 1083/2006 et figurant dans la demande de confirmation, comme l’indique le considérant 49 dudit règlement, la finalité et l’impact du grand projet ainsi que les modalités de l’utilisation envisagée des ressources de l’Union, et ce, aux termes de l’article 41, paragraphe 1, dudit règlement, en évaluant le grand projet sur la base desdites informations, de sa cohérence avec les priorités du programme opérationnel, de sa contribution à la réalisation des objectifs de ces priorités et de sa cohérence avec les autres politiques de l’Union [arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 50 (non publié)].

73      Il en résulte que, contrairement à ce qui est allégué par la République de Pologne, lorsqu’elle est amenée à évaluer un grand projet et à prendre une décision en vertu de l’article 41 du règlement no 1083/2006, la Commission n’est pas limitée par les critères de sélection fixés par l’État membre [arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 51 (non publié)].

74      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la République de Pologne.

75      Tout d’abord, s’agissant des dispositions du règlement no 1083/2006 invoquées par la République de Pologne, force est de constater que celles-ci ne portent pas sur l’évaluation d’un grand projet par la Commission au titre de l’article 41 du règlement no 1083/2006. En effet, l’article 32 du règlement no 1083/2006 ne porte que sur l’élaboration et l’approbation du programme opérationnel (voir point 24 ci-dessus). De même, l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006 ne concerne que le fait que l’autorité de gestion veille à ce que les projets soient sélectionnés conformément aux critères de sélection pertinents (voir point 25 ci-dessus). L’article 65, sous a), du règlement no 1083/2006 concerne uniquement l’approbation, par le comité de suivi, des critères de sélection (voir point 26 ci-dessus). Ainsi, lesdites dispositions n’ont nullement pour effet de limiter l’évaluation effectuée par la Commission au titre de l’article 41 du règlement no 1083/2006 aux critères de sélection fixés par l’État membre.

76      Ensuite, s’agissant de l’argument de la République de Pologne tiré du fait qu’un représentant de la Commission participerait aux travaux du comité de suivi, d’abord, il y a lieu de relever que le comité de suivi, qui est institué par l’État membre, n’exerce aucune fonction dans le cadre de la procédure d’évaluation, par la Commission, d’un grand projet au titre de l’article 41 du règlement no 1083/2006. Ensuite, il convient d’observer que, en vertu de l’article 65 du règlement no 1083/2006, le comité de suivi n’a pas non plus pour mission de sélectionner des opérations individuelles, mais seulement d’examiner et d’approuver les critères de sélection relevant d’un programme opérationnel, la sélection des opérations incombant à l’autorité de gestion. Enfin, s’il est vrai que, en vertu de l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, un représentant de la Commission participe, de sa propre initiative ou sur demande du comité de suivi, aux travaux de ce comité, ledit représentant n’y participe qu’à titre consultatif.

77      Ainsi, l’examen et l’approbation par le comité de suivi, en l’éventuelle présence dudit représentant de la Commission, des critères de sélection ne sauraient être interprétés dans le sens que la Commission serait tenue de confirmer, dans le cadre de la procédure d’évaluation prévue aux articles 39 à 41 du règlement no 1083/2006, une contribution financière à tout grand projet sélectionné par l’autorité de gestion sur la base desdits critères [voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 57 (non publié) et jurisprudence citée].

78      En outre, il y a lieu d’écarter l’argument de la République de Pologne selon lequel l’article 41 du règlement no 1083/2006 ne constituerait pas une base autonome pour l’évaluation d’un grand projet. En effet, l’article 41, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1083/2006 constitue la base juridique de l’évaluation d’un grand projet par la Commission et des décisions de confirmation ou de refus adoptées à cet égard [arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 59 (non publié)].

79      Enfin, s’agissant de l’argument tiré de la violation du principe de coopération loyale, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les doutes avancés par la Commission concernant la recevabilité d’un tel argument au stade de la réplique, il convient de rappeler que ledit principe, qui est consacré à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, entraîne une obligation, pour les États membres, de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union et impose aux institutions de cette dernière des devoirs réciproques de respect et d’assistance à l’égard des États membres dans l’accomplissement des missions découlant des traités (voir arrêt du 29 octobre 2015, Lituanie/Commission, T‑110/13, non publié, EU:T:2015:818, point 65 et jurisprudence citée).

80      Dès lors que la Commission n’est pas tenue par les critères de sélection fixés par l’État membre dans le cadre de l’évaluation d’un grand projet au titre de l’article 41 du règlement no 1083/2006, le fait de ne pas avoir limité son évaluation auxdits critères ne constitue pas une violation du principe de coopération loyale. En effet, lorsqu’un État membre présente à la Commission une demande de confirmation pour un grand projet, l’évaluation de ladite demande est soumise aux règles prévues aux articles 39 à 41 du règlement no 1083/2006. L’invocation du principe de coopération loyale ne saurait conduire à l’application de règles différentes, et notamment à limiter ladite évaluation à l’application des critères de sélection fixés par l’État membre [arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 54 (non publié)].

–       Sur le grief tiré d’une appréciation erronée des caractéristiques du projet

81      Il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 42 ci-dessus, dans le raisonnement subsidiaire explicité au considérant 28 de la décision attaquée, la Commission a considéré que le projet n’était pas innovant en se fondant spécifiquement sur la circonstance que, dès 2009, le moteur diesel EA 189 du groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné avait été certifié aux États-Unis comme satisfaisant, sans système RCS, aux normes américaines Tier 2 Bin 5 qui étaient plus strictes que les normes d’émission Euro 6 en matière d’émission d’oxydes d’azote.

82      La République de Pologne conteste cette appréciation.

83      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le fait que, au considérant 28 de la décision attaquée, la Commission ait renvoyé au considérant 21 de la même décision au lieu du considérant 22 de celle-ci constitue une simple erreur matérielle qui n’empêche pas la compréhension de celle-ci et ne porte pas atteinte à sa validité (voir, par analogie, arrêt du 13 juillet 2006, Italie/Commission, T‑225/04, non publié, EU:T:2006:214, points 151 et 152). En effet, il ressort clairement du libellé desdits considérants que, au considérant 28, la Commission a rappelé l’analyse opérée au considérant 22, tandis que le considérant 21 contient une description des désavantages du système RCS.

84      Premièrement, la République de Pologne fait valoir que, à la date de dépôt de la demande de subvention du projet par le bénéficiaire, il n’existait pas sur le marché européen des moteurs diesel respectant les normes d’émission Euro 6 sans système RCS. Or, un tel argument relatif au marché européen n’est pas susceptible de remettre en cause le constat opéré par la Commission au considérant 22 de la décision attaquée concernant le moteur certifié aux États-Unis.

85      Par ailleurs, à ce dernier égard, d’une part, la République de Pologne fait valoir que les données du marché américain seraient sans pertinence pour apprécier le caractère innovant du projet. Cet argument n’est pas fondé. Ainsi que cela a déjà été rappelé au point 66 ci-dessus, les autorités polonaises ont allégué que le moteur visé par le projet était innovant puisqu’il était le premier au monde à satisfaire aux normes d’émission Euro 6 sans système RCS. Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur que, afin de vérifier le bien-fondé de ces allégations par rapport à la situation au niveau mondial, la Commission a pris en compte des données autres qu’européennes, en l’occurrence des données relatives au marché américain.

86      La République de Pologne allègue, cependant, que l’approche de la Commission était d’une rigueur excessive, puisque si l’expression utilisée dans la demande selon laquelle ces moteurs figuraient parmi les plus récents au monde constituait un obstacle, la Commission aurait pu demander la mise à jour de la demande. Or, il convient de rappeler que ce sont les autorités polonaises qui ont décrit le projet dans la demande de confirmation (comme visant la production des premiers moteurs au monde satisfaisant aux normes d’émission Euro 6 sans système RCS) et que la Commission a évalué le projet tel que décrit dans ladite demande. D’ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, l’évaluation de la Commission ne porte pas, abstraitement, sur le libellé des expressions utilisées pour décrire le projet, mais sur les caractéristiques de celui-ci. Par conséquent, dès lors que la Commission a considéré que les indications figurant dans la demande de confirmation quant au caractère innovant du projet n’étaient pas fondées, la seule modification textuelle de la description du projet n’était pas susceptible de rendre le projet innovant.

87      D’autre part, la République de Pologne argue que la Commission n’a présenté aucun argument pour justifier son appréciation et, en particulier, qu’elle n’a pas précisé les éléments sur lesquels elle aurait fondé son appréciation, ni d’où provenaient ses connaissances sur les marchés automobiles américain et européen. Cet argument n’est pas non plus fondé. En effet, ainsi que cela a déjà été rappelé au point 81 ci-dessus, la Commission, au considérant 28 de la décision attaquée, a explicité les éléments fondant son raisonnement subsidiaire. En outre, force est de constater que ces éléments, relatifs au marché américain, avaient déjà été portés à la connaissance de la République de Pologne aux points 6 et 7 de la lettre de la Commission du 15 décembre 2016 visée au point 13 ci-dessus, dans laquelle la Commission indique que ces éléments découlent des investigations effectuées aux États-Unis en 2015 sur les émissions des moteurs diesel et, à cet égard, se réfère à des données de l’agence américaine de l’environnement ainsi que, en note en bas de page, à un site Internet de cette agence. D’ailleurs, à supposer même que, ainsi que le précise la Commission, ce site Internet ait désormais été modifié, dans la réponse figurant dans sa lettre du 2 février 2017 visée au point 14 ci-dessus, la République de Pologne n’a pas contesté la provenance de ces éléments, ce qu’elle n’a pas fait non plus dans le cadre du présent litige, si ce n’est qu’à travers des affirmations générales, et au demeurant non fondées, quant à leur manque de pertinence et à l’absence d’indications sur leur provenance. De surcroît, dans la réplique, la République de Pologne a même indiqué expressément que « les constatations de la Commission concernant les réalisations d[u] marché[…] automobile[…] américain (considérant 22 de la décision attaquée) […] en matière d’émission des gaz d’échappement ne nécessitaient pas d’être commentées ».

88      Deuxièmement, la République de Pologne fait valoir que le projet respectait les exigences d’innovation prévues par les critères de sélection, puisque les faits relevés par la Commission au considérant 22 de la décision attaquée s’étaient déroulés un an seulement avant le dépôt de la demande de subvention du projet par le bénéficiaire. À cet égard, il importe de rappeler que, ainsi que cela a été relevé au point 73 ci-dessus, l’évaluation d’un grand projet par la Commission au titre de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006 ne vise pas à évaluer le grand projet à l’aune desdits critères, mais à évaluer, notamment, la cohérence et la contribution du grand projet au sens de ladite disposition. Partant, l’argument de la République de Pologne doit être écarté comme étant non fondé.

89      Troisièmement, la République de Pologne fait valoir que, dès 2010, le projet aurait permis non seulement d’atteindre l’objectif de respect des normes d’émission Euro 6, mais également de contribuer à une innovation de rupture consistant à concevoir un produit adapté aux nouvelles normes d’émission plus sévères Euro 7 et BIN2. Cependant, comme le souligne, à juste titre, la Commission, la demande de confirmation présentée par la République de Pologne ne faisait pas référence à une telle innovation permettant de respecter les normes d’émission Euro 7 et BIN2. En effet, l’innovation de produit présentée dans la demande de confirmation porte spécifiquement sur un moteur diesel respectant les normes d’émission Euro 6 sans système RCS. Ainsi que le souligne la République de Pologne elle-même, la possibilité que le moteur sera adaptable à de futures normes plus restrictives n’est évoquée que dans l’avis de l’École polytechnique de Wrocław annexé à la demande de confirmation. Dans ces circonstances, il ne saurait être valablement soutenu que l’objectif du projet était de produire un moteur dont le caractère innovant lui aurait permis de respecter les normes d’émission Euro 7 et BIN2, cette simple éventualité n’étant évoquée que dans l’avis d’un tiers annexé à la demande.

90      Quatrièmement, la République de Pologne argue que les moteurs EA 288 et EA 189 ont des performances techniques différentes, le premier respectant les normes d’émission Euro 6 tandis que le second respecterait les normes d’émission Euro 5. Or, une telle circonstance, à la supposer même établie, n’apparaît pas comme étant susceptible de remettre en cause le constat de la Commission selon lequel, dès 2009, certains modèles de voitures équipées du moteur EA 189 avaient déjà été certifiés aux États-Unis comme respectant des normes américaines plus strictes que les normes d’émission Euro 6, et ce sans système RCS. D’ailleurs, la République de Pologne ne conteste pas les faits relevés par la Commission, mais se limite à indiquer que ces faits « s’étaient déroulés un an seulement avant le dépôt de la demande de subvention par le bénéficiaire désigné », ce qui n’est pas susceptible de remettre en cause ledit constat. De même, l’allégation de la République de Pologne selon laquelle le caractère innovant du projet ne serait pas effacé par le fait que les moteurs du bénéficiaire auraient cessé d’être les premiers au monde au stade de leur réalisation, c’est-à-dire après le 1er octobre 2011 (voir point 2 ci-dessus), ne remet nullement en cause les constatations de la Commission relatives à la situation aux États-Unis en 2009.

91      Cinquièmement, la République de Pologne indique que plusieurs paramètres entrent en ligne de compte dans l’émission des gaz d’échappement (émissions de dioxyde de carbone, d’oxydes d’azote, de particules et consommation de carburant) et que, à cet égard, le moteur EA 288 est plus performant que le moteur EA 189. La position de la Commission serait donc incompréhensible. Cet argument n’est pas non plus fondé. La Commission, au considérant 22 de la décision attaquée, n’a pas affirmé que le moteur EA 288 était moins performant que son prédécesseur, mais s’est fondée uniquement sur le fait que le moteur EA 189 avait déjà été certifié, en 2009, comme respectant, sans système RCS, une norme plus restrictive que les normes d’émission Euro 6 en matière d’émission d’oxydes d’azote, ce que la République de Pologne ne conteste pas.

92      Il s’ensuit que la République de Pologne n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que le projet n’était pas innovant au motif que, dès 2009, un moteur du groupe d’appartenance du bénéficiaire désigné était certifié comme satisfaisant, sans système RCS, à des normes plus strictes que les normes d’émission Euro 6 en matière d’émission d’oxydes d’azote.

93      De surcroît, il convient d’observer que, au considérant 25 de la décision attaquée, la Commission a également relevé que l’innovation alléguée n’était pas fondée, au motif que, selon les indications fournies par le bénéficiaire désigné au cours de la procédure administrative, tous les futurs véhicules équipés du moteur EA 288 auraient été également dotés d’une technologie de post-traitement des gaz d’échappement telle que le système RCS, afin de satisfaire aux normes d’émission.

94      La République de Pologne argue que « le fait que tous les modèles devaient être équipés, à terme, de moteurs comprenant un système de post-traitement des gaz d’échappement ne contredit nullement le caractère innovant du projet ». Ainsi, la République de Pologne ne conteste pas les faits relevés par la Commission au considérant 25 de la décision attaquée. Elle soutient néanmoins que cela ne contredirait pas le caractère innovant du projet. À cette fin, elle s’appuie, en substance, d’une part, sur le fait que le projet contribuerait à la diffusion de l’innovation et, d’autre part, sur le fait que les moteurs visés par le projet auraient de meilleurs paramètres ou performances en ce qui concerne les gaz d’échappement que les moteurs produits jusqu’à présent.

95      Cependant, les arguments invoqués par la République de Pologne n’apparaissent pas comme étant susceptibles de remettre en cause les constatations de la Commission. En effet, d’une part, ainsi que cela a déjà été relevé au point 67 ci-dessus, en l’espèce, la Commission n’a pas considéré que le projet ne contribuait pas à la diffusion de l’innovation, mais qu’il n’était pas innovant et, en particulier, au considérant 25 de la décision attaquée, que l’innovation alléguée n’était pas fondée. D’autre part, la circonstance que le moteur visé par le projet serait plus performant que les moteurs précédents et réduirait les émissions des gaz d’échappement ne remet pas en cause le fait que le bénéficiaire désigné a indiqué que les voitures équipées dudit moteur seraient dotées d’un système de post-traitement des gaz d’échappement tel que le système RCS.

96      Dans ces circonstances, la République de Pologne n’a pas non plus démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’innovation alléguée n’était pas fondée.

97      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que les griefs de la deuxième branche du premier moyen ainsi que le second grief de la première branche de ce même moyen ne sont pas fondés et doivent être écartés.

 Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une limitation erronée de l’appréciation du projet au caractère innovant du produit

98      La République de Pologne fait valoir que la Commission ne devait pas limiter son appréciation du projet à un seul de ses aspects, à savoir le caractère innovant du produit, sans analyser les autres points, à savoir, en particulier, le caractère innovant du procédé technologique, puisque c’est précisément la combinaison du caractère innovant du produit et du caractère innovant du procédé technologique qui rend le projet unique. La République de Pologne ajoute que le projet prévoyait d’introduire une innovation organisationnelle. Ainsi, la Commission aurait effectué une évaluation partielle du projet, alors qu’une évaluation globale de celui-ci aurait permis de discerner son caractère innovant à l’échelle mondiale. En vertu des articles 39 à 41 du règlement no 1083/2006, la Commission aurait l’obligation d’évaluer le projet dans son ensemble, avec tous ses éléments constitutifs, sans se limiter à un prétendu objectif principal de celui-ci. En l’espèce, la structure modulaire du nouveau moteur, l’arbre à cames monolithique ou encore le couplage de pièces métalliques au moyen de températures extrêmes étaient des innovations susceptibles d’avoir une application plus large.

99      La Commission conteste les arguments de la République de Pologne.

100    À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 40, premier alinéa, sous b), et de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/1006, la Commission évalue le grand projet sur la base des informations transmises par l’État membre, comprenant notamment la description du projet.

101    En l’espèce, premièrement, au point B.4.1.a) de la demande de confirmation concernant la « [d]escription du projet », sous le premier sous-point, intitulé « Finalité du projet », la République de Pologne a indiqué expressément que « [l]a finalité du projet [du bénéficiaire désigné était] de démarrer la production d’une nouvelle génération de moteurs diesel » et que « [l]es moteurs diesel nouvellement conçus seront, à l’échelle mondiale, les premiers dispositifs répondant aux exigences des normes d’émission Euro 6 sans être équipés en plus d’un système [RCS] ».

102    Deuxièmement, dans la lettre du 10 octobre 2016 à la Commission visée au point 12 ci-dessus, les autorités polonaises ont indiqué expressément que « l’objectif du [projet] était de produire [l’]EA 288, la dernière génération de moteur diesel » et que « les véhicules équipés de ce type de moteur [satisfaisaient] aux normes Euro 6 » (introduction de la lettre), que « le seul objectif du projet [était] de produire une nouvelle génération de moteur diesel à allumage par compression » (point 2 de la lettre), que « l’idée générale derrière le projet [était] de produire un moteur innovant » (point 6 de la lettre) et que « l’innovation clé [résidait] dans le fait que les véhicules [pouvaient] être équipés de moteurs qui [satisfaisaient] aux normes Euro 6 sans [qu’il soit nécessaire] d’installer un système RCS additionnel » (point 6 de la lettre). Cette lettre souligne également que « le caractère innovant du moteur à produire dans le cadre de ce projet est démontré par le fait qu’il est hautement adaptable à des normes et exigences futures » (point 6 de la lettre).

103    Par conséquent, il résulte expressément tant de la demande de confirmation que de la correspondance ultérieure entre la République de Pologne et la Commission, tout particulièrement de la lettre du 10 octobre 2016, que l’objectif du projet était de produire un moteur diesel innovant satisfaisant aux normes d’émission Euro 6 sans système RCS, ce qui était même qualifié d’« innovation clé » du projet.

104    Dans ces circonstances, d’une part, c’est donc sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que, au considérant 26 de la décision attaquée, la Commission a pu considérer que l’innovation inhérente au moteur constituait l’objectif principal du projet.

105    D’autre part, dès lors que cette innovation clé du projet telle que décrite dans la demande de confirmation et visant le produit, à savoir le moteur, était non fondée, c’est également sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que, au même considérant 26 de la décision attaquée, la Commission a pu conclure qu’il n’y avait pas lieu d’analyser les autres innovations alléguées inhérentes au procédé, à la technologie ou à l’organisation. En effet, à supposer même que ces allégations aient été fondées, elles n’auraient pas été susceptibles de rendre le projet innovant dans son ensemble, son objectif principal demeurant non fondé.

106    Partant, la troisième branche du premier moyen n’est pas fondée et doit également être écartée.

107    Il découle de tout ce qui précède que le premier moyen du recours doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006

108    La République de Pologne fait valoir qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour relative au dépassement du délai pour adopter une décision sur une correction financière (arrêt du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156) que la violation du délai fixé par le législateur de l’Union pour adopter une décision constitue une violation des formes substantielles pouvant conduire à l’annulation de l’acte entaché d’un tel vice. En l’espèce, il serait manifeste que le délai de trois mois prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 n’a pas été respecté, dès lors que la Commission n’est intervenue pour la première fois en réponse à la demande qu’après six mois, qu’elle n’a transmis ses premières observations sur le projet qu’après une année (le 27 janvier 2015) et qu’elle a adopté la décision attaquée (le 23 mars 2017) plus de trois ans après le dépôt de la demande (le 27 décembre 2013), sans qu’il existe des circonstances particulières susceptibles de justifier le non-respect du délai d’examen. En outre, les autorités polonaises, malgré toute la diligence déployée, n’auraient eu aucune influence sur le délai de procédure, la demande de confirmation étant complète, conformément aux exigences de l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006.

109    Selon la République de Pologne, la jurisprudence relative au dépassement du délai pour adopter une décision sur une correction financière, dans laquelle la Cour aurait exposé une série d’arguments allant dans le sens du caractère contraignant des délais fixés par le règlement no 1083/2006, est transposable à l’appréciation des grands projets, puisque les délais fixés par ledit règlement poursuivraient un objectif identique et n’ont pas un autre caractère. En invoquant cette même jurisprudence, la République de Pologne argue que le fait que le règlement no 1083/2006 n’a pas prévu de conséquences en cas de dépassement dudit délai ne saurait conduire à considérer ledit délai comme n’étant pas contraignant. Au contraire, selon la République de Pologne, le caractère contraignant du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 découle encore plus clairement du libellé de ladite disposition qu’en matière de corrections financières, puisque dans ce cas il s’agit d’un délai maximal.

110    Par ailleurs, la République de Pologne fait valoir que le caractère contraignant du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 est également confirmé par le libellé de l’article 102, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant dispositions communes relatives au FEDER, au FSE, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au FEDER, au FSE, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement no 1083/2006 (JO 2013, L 347, p. 320), prévoyant l’approbation tacite des grands projets en l’absence d’adoption d’une décision de refus par la Commission dans les trois mois suivant la notification de la demande.

111    La République de Pologne souligne que, en l’espèce, l’allongement du processus d’évaluation du projet a eu des répercussions sur la régularité de l’évaluation du projet, puisqu’il est difficile d’établir en 2017 le caractère innovant d’un projet datant de 2010, en particulier dans un secteur connaissant un développement aussi dynamique que le secteur automobile, où les progrès intervenus durant cette période peuvent considérablement entraver la détermination objective des faits existant à la date pertinente pour l’évaluation. En particulier, la lenteur de l’examen du dossier a entraîné une appréciation erronée de l’état d’avancement des techniques dans le secteur et le refus de qualifier le projet d’innovant. La République de Pologne ajoute que le dépassement dudit délai a également eu une incidence négative sur la situation juridique des parties et a engendré des complications d’ordre bureaucratique.

112    La Commission conteste les arguments de la République de Pologne.

113    L’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 énonce ce qui suit :

« La Commission adopte une décision dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après la présentation du grand projet par l’État membre […], à condition qu’il soit soumis conformément à l’article 40 [du règlement no 1083/2006]. Cette décision porte sur la description de l’objet physique, sur l’assiette sur laquelle le taux de cofinancement de l’axe prioritaire […] s’applique, et sur le plan annualisé ou les plans de contribution financière du FEDER ou du Fonds de cohésion. »

114    L’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006 énonce ce qui suit :

« Lorsque la Commission refuse la contribution financière des Fonds à un grand projet, elle en communique les raisons à l’État membre dans les délais et aux conditions fixés au paragraphe 2 [de l’article 41 de ce règlement]. »

115    En premier lieu, il convient de déterminer si le délai figurant à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 revêt un caractère indicatif ou impératif, à la lumière du libellé et de l’économie de cette disposition (voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2005, Merck, Sharp & Dohme, C‑245/03, EU:C:2005:41, point 20).

116    À cet égard, il convient de relever que l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 ne contient pas d’indications permettant de conférer au délai qu’il prévoit un caractère purement indicatif. Au contraire, l’emploi du verbe « adopter » à la forme indicative, à savoir « adopte », montre que la Commission est tenue de respecter ledit délai, ce qui est corroboré, notamment, par la version anglaise de cette disposition, laquelle, en employant les termes « shall adopt », se réfère expressément à une obligation. L’emploi de l’expression « dans les plus brefs délais et au plus tard » ne fait que confirmer que le respect dudit délai n’est pas une faculté, mais une obligation pour la Commission, que le législateur a voulu souligner (arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 68).

117    Il s’ensuit que le délai figurant à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, ainsi qu’il ressort tant du libellé que de l’économie de ladite disposition, est un délai impératif (arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 69).

118    En deuxième lieu, force est de constater que, en l’espèce, comme le soutient à juste titre la République de Pologne (voir point 108 ci-dessus), à la lumière des éléments factuels rappelés aux points 3 à 15 ci-dessus, le délai de trois mois prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, applicable à une décision de refus en vertu de l’article 41, paragraphe 3, de ce règlement, a été dépassé à deux reprises par la Commission au cours de la procédure d’évaluation du projet.

119    En effet, il convient de constater que, à supposer même que, à la suite du dépôt de la demande de confirmation, le délai d’examen de la demande ait été initialement interrompu en raison du caractère incomplet de celle-ci, la Commission, tout d’abord, a mis près de sept mois pour formuler, le 27 janvier 2015, de nouvelles demandes visant à compléter la demande de confirmation révisée du 4 juillet 2014 et suspendre à nouveau l’examen de celle-ci. En outre, après plusieurs échanges de correspondance relativement rapides, par lettre du 16 septembre 2015, la Commission a indiqué à la République de Pologne avoir évalué le projet conformément aux articles 40 et 41 du règlement no 1083/2006 et a demandé des éclaircissements. Cette lettre a été suivie par des demandes d’informations du 14 octobre et du 5 novembre 2015. Il ne ressort pas du dossier que, à ce stade, la demande de confirmation était incomplète et que la Commission a de nouveau interrompu le délai d’évaluation du projet. Or, à la suite des réponses de la République de Pologne auxdites demandes en date du 10 novembre et du 16 décembre 2015, la Commission a mis près de six mois et demi pour transmettre à la République de Pologne, le 28 juin 2016, une lettre contenant d’autres demandes sur le projet. Si la Commission a mis moins de trois mois tant pour répondre, le 15 décembre 2016, à la lettre de la République de Pologne du 10 octobre 2016 que pour adopter, le 23 mars 2017, la décision attaquée suivant les dernières observations de la République de Pologne du 2 février 2017, il n’en demeure pas moins que, d’une part, la période de presque sept mois qui s’est écoulée entre la demande de confirmation révisée du 4 juillet 2014 et la lettre de la Commission du 27 janvier 2015 et, d’autre part, la période de près de six mois et demi qui s’est écoulée entre la lettre de la République de Pologne du 16 décembre 2015 et la lettre de la Commission du 28 juin 2016 méconnaissent le délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006.

120    En troisième lieu, dans ces circonstances, il y a lieu de déterminer les conséquences du dépassement du délai de trois mois prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 et, notamment, d’évaluer s’il doit emporter automatiquement, de ce seul fait, l’annulation de la décision attaquée.

121    Dès lors que l’article 41 du règlement no 1083/2006 ne contient aucune indication quant aux conséquences du dépassement, par la Commission, du délai de trois mois qu’il prévoit, conformément à la jurisprudence de la Cour, il y a lieu d’examiner la finalité et la structure de ce règlement afin de déterminer les conséquences dudit dépassement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 janvier 2005, Merck, Sharp & Dohme, C‑245/03, EU:C:2005:41, points 25 et 26).

122    À titre liminaire, il convient de rappeler que le délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 est un délai qui s’impose à la Commission pour répondre à une demande qui lui est présentée par un tiers, en l’occurrence un État membre. Ce n’est que si l’absence de réponse dans ledit délai entraîne l’accueil de la demande ou la perte du pouvoir de la Commission de statuer sur celle-ci qu’une réponse négative adoptée hors délai pourrait être annulée automatiquement, du seul fait du dépassement d’un tel délai (voir, par analogie, arrêt du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, EU:T:2009:72, point 116). Il y a donc lieu d’examiner si, à la lumière de sa finalité et de sa structure, le règlement no 1083/2006 doit être interprété en ce sens que le dépassement dudit délai entraîne l’accueil de la demande ou la perte du pouvoir de la Commission de statuer sur celle-ci.

123    S’agissant de la question de savoir s’il ressort de la finalité et de la structure du règlement no 1083/2006 que le dépassement du délai de trois mois entraîne l’accueil de la demande de confirmation présentée par l’État membre, premièrement, il y a lieu de relever que la teneur d’une décision d’accueil exclut une telle possibilité.

124    En effet, il ressort de l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 que la décision de la Commission accueillant la demande de confirmation indique, notamment, l’assiette sur laquelle le taux de cofinancement du programme opérationnel s’applique (voir point 33 ci-dessus). Seule la décision de la Commission accueillant une telle demande détermine le montant de base sur lequel le taux de cofinancement découlant du programme opérationnel pertinent s’applique et, ainsi, le montant de la contribution financière de l’Union. En l’absence de décision de la Commission, la contribution financière de l’Union ne saurait être concrètement déterminée et, par conséquent, considérée comme étant confirmée.

125    Cela est corroboré, d’ailleurs, par le considérant 49 du règlement no 1083/2006, lequel énonce que les grands projets doivent pouvoir être évalués et, le cas échéant, approuvés par la Commission (voir point 29 ci-dessus). Il s’ensuit que, en matière de grands projets, l’idée sous-jacente au règlement no 1083/2006 est que leur financement par un État membre au moyen de ressources du FEDER ou du Fonds de cohésion est subordonné à l’approbation de la Commission.

126    Deuxièmement, il convient de constater que, lorsque le règlement no 1083/2006 entendait sanctionner l’inobservation d’un délai par une acceptation de plein droit, il l’indiquait expressément (voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2005, Merck, Sharp & Dohme, C‑245/03, EU:C:2005:41, point 31). Ainsi, par exemple, l’article 62, paragraphe 4, du règlement no 1083/2006 dispose que la stratégie d’audit présentée à la Commission par le comité de suivi « est réputée acceptée » en l’absence d’observations de la Commission dans le délai de trois mois suivant sa réception. De même, l’article 67, paragraphe 4, du règlement no 1083/2006 dispose que le rapport final du programme opérationnel transmis par l’autorité de gestion à la Commission « est réputé accepté » si la Commission ne répond pas dans le délai fixé. De même, l’article 89, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006 dispose que la déclaration de clôture transmise par l’État membre à la Commission « est réputée acceptée en l’absence d’observations de la Commission dans un délai de cinq mois ».

127    Il s’ensuit que, dans le cadre du règlement no 1083/2006, ainsi qu’il ressort de sa finalité et de sa structure, l’absence de réponse à la demande de confirmation dans le délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, de ce règlement n’entraîne pas l’approbation de la demande de confirmation (arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 79).

128    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la République de Pologne tirés, d’une part, de la jurisprudence de la Cour relative au délai pour adopter une correction financière et, d’autre part, de la nouvelle procédure d’approbation tacite prévue à l’article 102, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 1303/2013.

129    Quant au premier argument, si, certes, ainsi que le fait valoir la République de Pologne, dans la jurisprudence relative au pouvoir de la Commission, prévu à l’article 99 du règlement no 1083/2006, d’adopter des corrections financières, la Cour a considéré que le dépassement du délai, prévu à l’article 100, paragraphe 5, de ce même règlement, pour adopter de telles corrections constituait une violation des formes substantielles devant être relevée d’office par le juge de l’Union et entraînant l’annulation de la décision adoptée hors délai (arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, points 103 et 104, et du 21 septembre 2016, Commission/Espagne, C‑140/15 P, EU:C:2016:708, points 114 et 118), une telle jurisprudence ne saurait trouver application en l’espèce.

130    En effet, la jurisprudence visée au point 129 ci-dessus a pour objet un délai de nature différente de celle du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006.

131    Tout d’abord, alors que, dans le cadre de l’évaluation des grands projets, le délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 est un délai qui s’impose à la Commission pour répondre à une demande de cofinancement qui lui est présentée par un État membre, en revanche, dans le cadre de la procédure de correction financière, le délai prévu à l’article 100, paragraphe 5, de ce même règlement est un délai qui s’impose à la Commission pour l’adoption, de sa propre initiative, d’une décision annulant tout ou partie de la participation financière de l’Union à un programme opérationnel. Ainsi, en substance, le premier est un délai pour accorder une contribution financière, tandis que le second est un délai pour annuler une contribution financière déjà accordée.

132    Ensuite, dans le cadre de l’évaluation des grands projets, en l’absence de décision sur la demande de confirmation adoptée dans le délai et de toute disposition prévoyant les conséquences d’une telle absence de décision, la demande de confirmation demeure sans réponse et ne saurait être considérée comme étant approuvée (voir points 123 à 127 ci-dessus). En revanche, en matière de corrections financières, en l’absence de décision dans le délai prévu à cet effet, l’État membre maintient la contribution des Fonds qui lui a déjà été accordée. Ainsi, en l’absence de décision de correction financière adoptée dans le délai, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence évoquée au point 129 ci-dessus, la Commission ne saurait appliquer une correction financière et l’État membre ne saurait se voir appliquer une telle correction.

133    Enfin, contrairement à ce qui a été allégué par la République de Pologne, il ne ressort pas de la jurisprudence évoquée au point 129 ci-dessus que la Cour se serait prononcée dans le sens que les délais prévus à l’article 100, paragraphe 5, et à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 auraient la même nature. En revanche, il ressort de ladite jurisprudence que la Cour a examiné uniquement le délai imparti pour l’adoption d’une décision de correction financière et qu’elle s’est référée explicitement à la nature d’une telle décision (arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, points 82 et 102, et du 21 septembre 2016, Commission/Espagne, C‑140/15 P, EU:C:2016:708, points 70, 72 et 113).

134    Quant au second argument, il convient d’observer que le règlement no 1303/2013 ne trouve pas application en l’espèce, dans la mesure où son article 152, paragraphe 1, dispose que le règlement no 1083/2006 continue à s’appliquer aux interventions et aux opérations, y compris les programmes opérationnels et les grands projets approuvés par la Commission sur la base de ce règlement et où son article 152, paragraphe 2, ajoute que les demandes d’assistance présentées ou approuvées dans le cadre du règlement no 1083/2006 restent valables. Au demeurant, il convient de relever que l’article 102, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 1303/2013 prévoit une procédure d’approbation tacite uniquement lorsque la demande présentée par l’État membre est accompagnée d’une évaluation de qualité réalisée par des experts indépendants conformément à l’article 101, troisième alinéa, de ce règlement. Cette procédure n’a pas d’équivalent dans le système prévu aux articles 39 à 41 du règlement no 1083/2006, ce qui corrobore la conclusion selon laquelle, dans le cadre de ce dernier règlement, le silence de la Commission dans le délai de trois mois ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de la contribution financière à un grand projet. D’ailleurs, il est constant que, en l’espèce, le projet n’a pas été présenté conformément à l’article 102, paragraphe 1, du règlement no 1303/2013, de sorte que la procédure d’approbation tacite prévue par cette disposition ne saurait trouver application.

135    S’agissant de la question de savoir s’il ressort de la finalité et de la structure du règlement no 1083/2006 que le dépassement du délai de trois mois entraîne la perte du pouvoir de la Commission de statuer sur la demande de confirmation présentée par l’État membre, premièrement, il convient d’observer que, si la Commission devait s’abstenir de continuer son examen de la demande de confirmation si elle dépassait le délai de trois mois, cela nuirait finalement au but de la demande initiale de l’État membre, à savoir l’obtention de la confirmation d’une contribution financière du FEDER ou du Fonds de cohésion, et ce pour des raisons qui échapperaient à son contrôle. De même, si la Commission devait commencer une nouvelle procédure d’évaluation d’un grand projet et être sujette à un nouveau délai de trois mois, cela ne ferait qu’aggraver, en pratique, la méconnaissance dudit délai, en reportant la décision sur la demande de confirmation à un moment ultérieur. Par ailleurs, étant donné que ledit dépassement ne vaut pas approbation de la demande, ainsi que cela a déjà été relevé, l’annulation éventuelle d’une décision au motif qu’elle a été adoptée au-delà du délai ne ferait également qu’aggraver la méconnaissance de ce délai.

136    Deuxièmement, il ressort de l’article 78, paragraphe 4, du règlement no 1083/2006, rappelé au point 34 ci-dessus, qu’un État membre peut faire commencer la réalisation d’un grand projet et soumettre à la Commission les dépenses qui y sont afférentes bien avant que cette dernière n’ait rendu sa décision, et ce indépendamment donc du délai prévu pour rendre cette décision. L’État membre qui opte pour cette possibilité le fait à ses propres risques, compte tenu du fait que la Commission peut arrêter une décision refusant de confirmer le concours financier de l’Union à un grand projet. Partant, dès lors que l’État membre n’est pas tenu d’attendre une décision de la Commission pour réaliser ses projets de développement régional et déclarer à la Commission les dépenses qui y sont afférentes pour le cas où elles seraient prises en charge par l’Union, le dépassement du délai prévu pour adopter une telle décision ne prive pas la Commission du pouvoir de statuer sur une demande de confirmation.

137    Troisièmement, il ressort de la jurisprudence que, lorsque, comme en l’espèce, le législateur n’a pas attaché au silence de l’administration la conséquence de la perte du pouvoir d’adopter une décision, aucun principe juridique ne fait perdre à l’administration la compétence pour répondre à une demande, même en dehors des délais impartis à cet effet (voir, par analogie, arrêt du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, EU:T:2010:15, points 57 et 59).

138    Il s’ensuit que, dans le cadre du règlement no 1083/2006, ainsi qu’il ressort de sa finalité et de sa structure, l’absence de réponse à la demande de confirmation dans le délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, de ce règlement n’entraîne pas la perte du pouvoir de la Commission de statuer sur la demande de confirmation (arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 90).

139    Il découle de tout ce qui précède que le règlement no 1083/2006 ne saurait être interprété en ce sens que tout dépassement du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, de ce règlement entraîne automatiquement, de ce seul fait, l’annulation d’une décision de rejet adoptée hors délai (arrêt du 1er mars 2018, Pologne/Commission, T‑402/15, EU:T:2018:107, point 91).

140    En quatrième lieu, il convient d’examiner si le dépassement du délai de trois mois constaté en l’espèce doit entraîner l’annulation de la décision attaquée.

141    En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que le non-respect d’un délai, tel que celui institué à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, ne saurait conduire à l’annulation de l’acte adopté au terme de la procédure que s’il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, ladite procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. Si la personne qui se prévaut d’une telle irrégularité n’est pas tenue de démontrer que, en son absence, l’acte concerné aurait eu un contenu plus favorable à ses intérêts, elle doit néanmoins prouver, de manière concrète, qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue (voir, par analogie, arrêts du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 140, et du 12 juin 2015, Health Food Manufacturers’ Association e.a./Commission, T‑296/12, EU:T:2015:375, point 71).

142    En l’espèce, la République de Pologne n’est pas parvenue à démontrer concrètement qu’il n’était pas exclu que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si elle avait été conclue dans le délai de trois mois prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006.

143    En effet, d’une part, la République de Pologne s’est limitée à alléguer, de manière générique et non étayée, que le dépassement du délai avait influencé l’examen du caractère innovant du projet, compte tenu de l’évolution rapide du secteur automobile. Toutefois, en l’absence de tout élément visant à l’étayer, un tel argument ne saurait être retenu. En outre, en tout état de cause, il convient de rappeler que, en l’espèce, dans son raisonnement subsidiaire, la Commission a considéré que le projet n’était pas innovant en se fondant sur la situation existant en 2010 et qu’elle n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation à cet égard. Par conséquent, le dépassement, au cours de la procédure d’évaluation, du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 n’a pas eu d’incidence sur le résultat de cette procédure d’évaluation du projet, dès lors que, en substance, celui-ci a été évalué au regard de la situation existant avant même que sa mise en œuvre n’ait commencé, le 1er octobre 2011.

144    D’autre part, la République de Pologne a soutenu que le dépassement dudit délai a eu une incidence négative sur les parties, liée à l’incertitude quant aux modalités de financement du projet, et a engendré des complications bureaucratiques, liées à la nécessité de récupérer les fonds. Or, dès lors que ces arguments ne portent pas sur le résultat de la procédure administrative d’évaluation du projet, mais sur de prétendues conséquences de la durée de la procédure pour le bénéficiaire désigné et pour les autorités polonaises, ils sont inopérants dans le cadre du présent moyen.

145    Dès lors que la République de Pologne n’est pas parvenue à prouver que, en l’absence de dépassement du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, il n’était pas exclu que la procédure d’évaluation du projet aurait pu avoir une issue différente, ce dépassement, dans les circonstances du cas d’espèce, ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée.

146    Cela étant, dès lors que la Commission a enfreint l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 en statuant au-delà du délai de trois mois, il y a lieu de rappeler que la réparation d’un éventuel préjudice causé par le non-respect du délai prévu à l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006 pour statuer sur une demande de confirmation pourra être recherchée devant le Tribunal, saisi d’un recours en indemnité (voir, par analogie, arrêt du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, EU:T:2010:15, points 60 et 71), pour autant que l’ensemble des conditions desquelles dépendent l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi, en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, soient réunies (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106).

147    Il résulte de tout ce qui précède que le second moyen, tiré de la violation de l’article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006, n’est pas fondé et doit être rejeté.

148    Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

149    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

150    La République de Pologne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République de Pologne est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Marcoulli

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 février 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.