Language of document : ECLI:EU:F:2013:77



ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (juge unique)

18 juin 2013 (*)

« Fonction publique – Rémunération – Allocations familiales – Allocation scolaire – Conditions d’octroi – Déduction d’une allocation de même nature perçue par ailleurs – Recours manifestement non fondé »

Dans l’affaire F‑115/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Jacques Biwer, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bascharage (Luxembourg) et les cinq autres fonctionnaires dont les noms figurent en annexe, représentés par Me F. Frabetti, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(juge unique),

juge : M. R. Barents,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 8 novembre 2010, M. Biwer et les cinq autres fonctionnaires dont les noms figurent en annexe ont introduit le présent recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission européenne, non communiquée aux requérants, de considérer certaines aides financières d’un État membre accordées aux étudiants de l’enseignement supérieur comme des allocations de même nature que les allocations familiales statutaires et de déduire ces aides de l’allocation scolaire statutaire octroyée aux fonctionnaires, parents de ces étudiants et, d’autre part, à l’annulation des bulletins de rémunération établis en fonction de cette décision, à partir du mois de janvier 2010.

 Cadre juridique

 Les règles statutaires

2        L’article 62, troisième alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») prévoit :

« [La] rémunération comprend un traitement de base, des allocations familiales et des indemnités. »

3        Aux termes de l’article 67 du statut :

« 1.      Les allocations familiales comprennent :

a)      l’allocation de foyer ;

b)      l’allocation pour enfant à charge ;

c)      l’allocation scolaire.

2.      Les fonctionnaires bénéficiaires des allocations familiales visées au présent article sont tenus de déclarer les allocations de même nature versées par ailleurs, ces allocations venant en déduction de celles payées en vertu des articles 1, 2 et 3 de l’annexe VII [du statut].

[…] »

4        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, intitulée « Règles relatives à la rémunération et aux remboursements de frais » :

« Dans les conditions fixées par les dispositions générales d’exécution du présent article, le fonctionnaire bénéficie d’une allocation scolaire destinée à couvrir les frais de scolarité engagés par lui, […] pour chaque enfant à charge […] âgé de cinq ans au moins et fréquentant régulièrement et à plein temps un établissement d’enseignement primaire ou secondaire payant ou un établissement d’enseignement supérieur. […] »

5        La conclusion des chefs d’administration du 26 juin 1975 (087D/75), prise pour l’application de l’article 3 de l’annexe VII du statut, est libellée comme suit :

« Objet : Octroi de l’allocation scolaire ([a]rticle 3 de l’annexe VII du [s]tatut)

[…]

Les [c]hefs d’[a]dministration conviennent qu’au cas où un enfant d’un fonctionnaire perçoit une bourse d’études de la part des autorités nationales, cette bourse vient en déduction du montant de l’allocation scolaire, conformément aux règles de l’article 67 du [s]tatut.

Par contre, le fonctionnaire continue à bénéficier de l’allocation pour enfant à charge.

Ces mêmes dispositions s’appliquent au cas où l’enfant d’un fonctionnaire est pris en charge par l’établissement où les études sont poursuivies. »

 La réglementation luxembourgeoise

6        L’article 1er, paragraphe 1, de la loi luxembourgeoise du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’État pour études supérieures (Mémorial A 2000, p. 1106), modifiée, dans sa version applicable à la présente affaire (ci-après la « loi luxembourgeoise du 22 juin 2000 »), prévoit :

« La présente loi a pour objet de faciliter l’accès aux études supérieures par l’allocation d’une aide financière sous la forme de bourses, de prêts, avec ou sans charge d’intérêts, de subventions d’intérêts et de primes d’encouragement. […]»

7        L’article 2 de la loi luxembourgeoise du 22 juin 2000 prévoit :

« Peuvent bénéficier de l’aide financière de l’[É]tat pour études supérieures, les étudiants admis à poursuivre des études supérieures et qui remplissent l’une des conditions suivantes :

a)      être ressortissant luxembourgeois et être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg, ou

b)      être ressortissant d’un autre [É]tat membre de l’Union européenne, être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg et tomber sous le champ d’application des dispositions des articles 7 et 12 du règlement (CEE) no 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, […] »

8        Selon l’article 4, paragraphe 1, de la loi luxembourgeoise du 22 juin 2000, il est prévu ce qui suit :

« La proportion dans laquelle l’aide financière est accordée sous la forme d’une bourse ou sous celle d’un prêt pour des études de [premier] et de [deuxième] cycles varie en fonction, d’une part, de la situation financière et sociale de l’étudiant et de ses parents ainsi que, d’autre part, des frais d’inscription à charge de l’étudiant. »

9        Le règlement grand-ducal du 5 octobre 2000 concernant l’aide financière de l’État pour études supérieures (Mémorial A 2000, p. 2548) contient les critères déterminant la proportion entre la bourse et le prêt en tant qu’éléments de l’aide financière.

10      Selon l’article 10 du règlement grand-ducal du 5 octobre 2000, « le montant de la bourse est déterminé en retranchant du budget de l’étudiant, la part de son revenu disponible ».

11      L’aide financière est accordée par le Centre de documentation et de l’information sur l’enseignement supérieur du Grand-Duché de Luxembourg (ci-après le « Cedies »).

 Faits à l’origine du litige

12      Par courrier électronique daté du 25 novembre 2009, la Commission, faisant référence aux allocations familiales prévues par l’article 67, paragraphe 2, du statut, a invité chacun des six requérants à l’informer de sa situation au regard de ladite disposition.

13      M. Biwer bénéficie de l’allocation scolaire statutaire. En vertu de la réglementation luxembourgeoise, le Cedies a octroyé à sa fille une bourse d’un montant de 1 800 euros pour l’année scolaire 2009/2010. M. Biwer se trouvant dans l’impossibilité d’introduire sa demande d’allocation scolaire statutaire dans l’application informatique, la gestionnaire de la Commission s’est offerte à introduire la déclaration en ses lieu et place, sur la base d’informations que celui-ci lui aurait fournies par téléphone, notamment quant à la bourse d’un montant de 1 800 euros accordée par le Cedies. Une fois dûment complété et signé par l’école, le formulaire a été retourné par M. Biwer auprès de la Commission.

14      Chacun des cinq autres requérants bénéficie également de l’allocation scolaire statutaire. En vertu de la réglementation luxembourgeoise, le Cedies a accordé, pour l’année scolaire 2009/2010, une bourse d’un montant de :

–        310 euros au fils de Mme Delhaxhe-Wolmering, inscrit à l’ENSA à Lyon (France) ;

–        330 euros au fils de Mme Marzadori, inscrit à l’université de Luxembourg (Luxembourg) ;

–        1 840 euros à la fille de Mme Mitchell, inscrite à l’université de Sheffield (Royaume-Uni) ;

–        1 540 euros au fils de M. Rupil, inscrit à l’université libre de Bruxelles (Belgique) ;

–        620 euros à la fille de M. Taylor, inscrite à l’université d’Aston (Royaume-Uni).

15      La Commission, considérant les bourses octroyées par le Cedies comme étant de même nature que l’allocation scolaire attribuée au sens de l’article 67, paragraphe 2, du statut, a procédé, début 2010, à une régularisation avec effet rétroactif à compter du mois de septembre 2009 auprès de bénéficiaires. La régularisation a consisté en une réduction du montant de l’allocation scolaire mensuelle, réduction correspondant chaque mois à un douzième du montant de la bourse accordée par le Cedies. La Commission a ainsi procédé à une réduction de :

–        150 euros de l’allocation scolaire mensuelle versée à M. Biwer ;

–        25,83 euros de l’allocation scolaire mensuelle versée à Mme Delhaxhe-Wolmering ;

–        27,50 euros de l’allocation scolaire mensuelle versée à Mme Marzadori ;

–        153,33 euros de l’allocation scolaire mensuelle versée à Mme Mitchell ;

–        128,33 euros de l’allocation scolaire mensuelle versée à M. Rupil ;

–        51,66 euros de l’allocation scolaire mensuelle versée à M. Taylor.

16      Le 15 avril 2010, les requérants ont introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de la Commission, telle qu’elle ressortait de leurs bulletins de rémunération respectifs, selon laquelle la bourse nationale serait considérée comme une allocation de même nature que l’allocation scolaire statutaire.

17      Le 16 avril 2010, M. Biwer a demandé, quant à lui, d’une part, la suppression de l’enregistrement relatif à la perception d’une bourse nationale contenu dans son dossier électronique personnel, et dont il nie être l’auteur et, d’autre part, la restitution du montant retenu. Il a également sollicité la restitution des sommes qu’il estime avoir été prélevées abusivement sur son salaire depuis le mois de janvier 2010 en annexant deux attestations du Cedies, selon lesquelles il n’aurait perçu de la part de l’État luxembourgeois aucune bonification pour les études supérieures de sa fille concernant les années scolaires 2008/2009 et 2009/2010.

18      Le 10 mai 2010, la Commission a fait droit à la demande de M. Biwer et a annulé l’enregistrement contesté contenu dans son dossier électronique personnel, tout en l’invitant à procéder lui-même à l’introduction de la déclaration pertinente.

19      La réclamation collective introduite le 15 avril 2010 a été rejetée par décisions individuelles de la Commission du 27 juillet 2010.

 Conclusions des parties et procédure

20      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission, non communiquée aux requérants, par laquelle certaines aides financières de l’État luxembourgeois, octroyées par le Cedies aux étudiants de l’enseignement supérieur, dans le pays ou à l’étranger, seront désormais considérées comme des allocations de même nature que celles payées en vertu des articles l, 2 et 3 de l’annexe VII du statut et seront déduites des allocations pour études attribuées aux fonctionnaires, parents de ces étudiants, en application de l’article 67, paragraphe 2, du statut ;

–        annuler les bulletins mensuels de rémunération des requérants établis en fonction de la décision susmentionnée à partir du mois de janvier 2010 et des mois suivants avec édition de nouveaux bulletins modifiés à compter de janvier 2010 ;

–        statuer sur les frais, dépens et honoraires et condamner la Commission à leur paiement.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours partiellement irrecevable et en toute hypothèse non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

22      Par lettres du greffe en date du 31 mai 2011, le Tribunal a invité les parties, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, à répondre à une question. La Commission et les requérants ont donné suite à la demande du Tribunal, par courriers datés, respectivement, des 17 et 21 juin 2011.

23      Compte tenu de l’expiration du mandat du juge rapporteur auquel l’affaire avait été initialement attribuée et de la modification de la composition des chambres du Tribunal, le président du Tribunal a, le 12 octobre 2011, réattribué l’affaire à la première chambre du Tribunal et désigné un nouveau juge rapporteur.

24      Par lettres du greffe en date du 24 septembre 2012, le Tribunal a invité les parties à déposer leurs observations sur les conséquences à tirer des arrêts du Tribunal du 5 juin 2012, Giannakouris/Commission (F‑83/10) et Chatzidoukakis/Commission (F‑84/10) pour la suite de la procédure dans la présente affaire (ci-après les « arrêts du 5 juin 2012 »). La Commission et les requérants ont déféré à cette demande, respectivement, les 25 septembre et 8 octobre 2012.

25      En application de l’article 14 du règlement de procédure, la première chambre du Tribunal, à laquelle l’affaire avait été attribuée, a décidé à l’unanimité, les parties entendues, que l’affaire serait jugée par le juge rapporteur statuant en tant que juge unique.

 En droit

26      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

27      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et par la jurisprudence, pour statuer sur la recevabilité et le bien-fondé du recours et décide de statuer, sans poursuivre la procédure, par voie d’ordonnance motivée.

 Sur la recevabilité du recours en tant qu’il est présenté par M. Biwer

 Arguments des parties

28      M. Biwer admet que le montant de la bourse lui a été restitué. Il soutient que cette restitution ne serait cependant qu’une décision provisoire, dans la mesure où il lui aurait été demandé de présenter des certificats spécifiant les montants que sa fille aurait perçus de la part du Cedies. Sa fille s’y opposant, ce dossier serait resté ouvert dans l’attente de la décision du Tribunal sur cette affaire.

29      La Commission soutient que, à ce jour, le fait qu’aucune déduction n’ait été opérée sur les bulletins de salaire de M. Biwer ne serait pas contesté, puisque, selon les informations fournies par ce dernier, sa fille ne percevrait pas de bourse de la part du Cedies. Il n’y aurait donc pas d’acte faisant actuellement grief, affectant directement et immédiatement sa situation juridique et contre lequel il aurait un intérêt personnel à agir. Le recours en tant que présenté par M. Biwer serait, par conséquent, irrecevable.

 Appréciation du Tribunal

30      En vertu d’une jurisprudence constante, le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, points 51 et 52, et du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, point 26 ; arrêt du Tribunal de première instance du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, point 155 ; arrêts du Tribunal du 8 avril 2008, Bordini/Commission, F‑134/06, point 56, et du 28 septembre 2011, AZ/Commission, F‑26/10, point 34).

31      Dans les circonstances de l’espèce et dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée les moyens de fond invoqués par les requérants, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et concernant uniquement le recours en tant que présenté par M. Biwer, le recours étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvu de fondement.

 Sur les conclusions en annulation

32      À l’appui de leur recours, les requérants invoquent deux moyens, tirés, le premier, de l’interprétation erronée de l’article 67, paragraphe 2, du statut, et, le second, de la violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de l’interprétation erronée de l’article 67, paragraphe 2, du statut

–       Arguments des parties

33      À l’appui de ce premier moyen, les requérants font valoir, premièrement, que les bénéficiaires ne seraient pas les mêmes, dans la mesure où les allocations familiales statutaires, dont l’allocation scolaire, seraient intégrées dans la rémunération du fonctionnaire responsable de l’éducation de l’enfant, à la différence des aides de l’État luxembourgeois, lesquelles, si elles sont accordées, seraient directement versées sur le compte bancaire personnel de l’étudiant.

34      Deuxièmement, toujours selon les requérants, le montant des allocations familiales nationales, calculé en fonction du nombre d’enfants faisant partie du ménage et de l’âge des enfants, et le montant des allocations familiales statutaires, tel que fixé par le statut, équivaudraient, pour chaque enfant faisant partie d’un même groupe, à un montant forfaitaire identique. Le montant des bourses du Cedies ne correspondrait qu’à 50 % des frais d’inscription annuels à l’université et dépendrait donc du montant de ces inscriptions.

35      Troisièmement, les requérants font valoir que les allocations familiales statutaires seraient octroyées selon une procédure ordinaire, sans entraîner l’obligation d’en faire régulièrement la demande. Les aides financières pour études supérieures, quant à elles, feraient l’objet d’une procédure extraordinaire. La bourse du Cedies serait accordée ou refusée suite à une demande annuelle ou semestrielle effectuée au moyen d’un questionnaire. Le prêt, lorsqu’il est accordé par le Cedies, serait contracté auprès d’une banque conventionnée par l’État luxembourgeois, sur présentation de la lettre officielle du Cedies.

36      Quatrièmement, les requérants soutiennent que la loi luxembourgeoise garantirait la « confidentialité » des aides financières accordées par le Cedies. Celles-ci ne pourraient être demandées que par les étudiants, la décision d’accord ou de refus leur étant exclusivement communiquée et le montant leur étant versé sur leur compte bancaire personnel. Les parents de ces étudiants n’obtiendraient aucune information à ce sujet.

37      Cinquièmement, les requérants soutiennent que jusqu’alors, l’État luxembourgeois permettait le cumul, dans certains cas, d’une bourse, d’un prêt et des allocations familiales, alors qu’il était également prévu que des allocations de même nature versées par ailleurs soient déduites des allocations perçues. Ainsi, la bourse et les allocations familiales ne seraient, en droit luxembourgeois, pas de même nature. À partir de l’année scolaire 2010/2011, ce cumul n’aurait plus été permis, la bourse devenant déductible des allocations familiales luxembourgeoises, suite à de nouvelles dispositions applicables. Pour les requérants, cela indiquerait, par conséquent, que la bourse et les allocations familiales n’auraient pas été de même nature jusqu’en 2010.

38      Les requérants ajoutent que pour qualifier une allocation de même nature, il conviendrait de vérifier si celle-ci a le même but et est comparable. Le critère décisif, selon eux, serait celui de la finalité de l’allocation en cause. En l’espèce, la finalité des allocations scolaires statutaires serait de couvrir les frais encourus dans le cadre de l’éducation des enfants. L’aide financière accordée par le Cedies se limiterait, quant à elle, au remboursement de la moitié des frais d’inscription à l’université. Par conséquent, cette aide ne serait pas de même nature que celle de l’allocation scolaire statutaire, puisqu’elle ne couvrirait pas les frais encourus pour l’éducation des enfants, mais équilibrerait seulement les dépenses des enfants.

39      Enfin, toujours selon les requérants, l’aide financière pour études supérieures en cause ne concernerait, en l’espèce, que les frais d’inscription remboursés en partie par le Cedies, alors que, dans les arrêts du 5 juin 2012, avec lesquels les requérants se déclarent d’accord, ce serait l’entièreté de la bourse accordée par le Cedies qui était concernée.

40      Selon la Commission, les allocations statutaires et les aides financières accordées par le Cedies seraient de même nature, ce qui serait par ailleurs expressément reconnu par les requérants, puisque la finalité des deux serait de couvrir des frais de scolarité, notamment les frais d’inscription. Les arrêts du 5 juin 2012 seraient intégralement transposables à la présente affaire.

–       Appréciation du Tribunal

41      Le présent litige soulève les mêmes questions d’interprétation de l’article 67, paragraphe 2, du statut, que celles qui ont fait l’objet des arrêts du 5 juin 2012.

42      Le Tribunal a répondu ce qui suit aux points 29 à 32 des arrêts du 5 juin 2012 :

« 29      Il convient de rappeler que, l’objet de l’article 67, paragraphe 2, du statut étant d’éviter qu’un fonctionnaire perçoive deux fois des allocations familiales pour les mêmes enfants, seules les allocations qui sont comparables et qui ont le même but sont ‘de même nature’ au sens de ladite disposition (arrêts de la Cour du 13 octobre 1977, Gelders-Deboeck/Commission, 106/76, point 16 ; Emer-van den Branden/Commission, 14/77, point 15, et du 18 décembre 2007, Weiβenfels/Parlement, C‑135/06 P, point 89 ; arrêt du Tribunal de première instance du 11 juin 1996, Pavan/Parlement, T‑147/95, point 41). Le critère retenu par la jurisprudence comme décisif dans la qualification d’‘allocation de même nature’ au sens de l’article 67, paragraphe 2, du statut est celui de la finalité poursuivie par les allocations en cause (arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Guarneri/Commission, F‑62/06, point 42).

30      Il y a donc lieu d’examiner si la bourse du Cedies et l’allocation scolaire sont des allocations comparables et si elles ont le même but. Il convient d’examiner d’abord la finalité des allocations en cause.

31      En ce qui concerne le but de l’allocation scolaire visée par l’article 67, paragraphe 2, du statut, force est de constater que, selon l’article 3 de l’annexe VII du statut, l’allocation scolaire est destinée à couvrir les frais de scolarité engagés par le fonctionnaire pour les enfants à sa charge. S’agissant de la prestation financière accordée par le Cedies sous forme de bourses et de prêts, il ressort, tant de l’intitulé que du contenu de la loi luxembourgeoise du 22 juin 2000, qu’il s’agit d’une prestation qui a pour but de fournir aux étudiants une aide financière destinée à leur permettre de subvenir à leurs frais d’études et à leur entretien dans le cadre de la poursuite de leurs études (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 10 mai 1990, Sens/Commission, T‑117/89, point 14).

32      Il s’ensuit que l’allocation scolaire statutaire et la prestation financière prévue par la loi luxembourgeoise du 22 juin 2000 ont des finalités similaires en ce qu’elles visent, en l’espèce, à contribuer aux frais de scolarité de l’enfant à charge du fonctionnaire. »

43      La circonstance, soulignée par les requérants, selon laquelle les bénéficiaires des deux prestations litigieuses ne seraient pas les mêmes, n’est pas de nature à modifier l’appréciation selon laquelle il s’agit bien de prestations financières comparables. En effet, ainsi qu’il a déjà été jugé, le fait que l’allocation statutaire soit attribuée au fonctionnaire et que la prestation nationale soit perçue par l’enfant, ou formellement attribuée à celui-ci, n’est pas déterminante pour apprécier si ces prestations sont de même nature au sens de l’article 67, paragraphe 2, du statut (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 février 2007, Guarneri/Commission, F‑62/06, point 39, et du 5 juin 2012, point 37). Il en est de même concernant la « confidentialité » relative à l’octroi des aides financières aux étudiants.

44      S’agissant de l’argument des requérants, selon lequel les conditions d’octroi et le mode de calcul des deux prestations seraient différents en ce que les allocations familiales statutaires seraient octroyées selon une procédure ordinaire et auraient un montant forfaitaire, contrairement à la bourse du Cedies, pour laquelle la demande d’obtention doit être déposée au moins une fois par an, et dont le montant s’élève à 50 % des frais d’inscription, il suffit de rappeler, ainsi qu’il a été observé au point 42 de la présente ordonnance, que les deux prestations visent en l’espèce à fournir une aide pour faire face aux frais de scolarité engagés par le fonctionnaire pour les enfants à sa charge et ont donc des finalités similaires.

45      L’argument des requérants indiquant que, en droit luxembourgeois, la bourse, le prêt et les allocations familiales pouvaient, dans certains cas, être cumulés, avant l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions, n’est qu’une simple allégation, soutenue par aucun élément de preuve, qui, de surcroît, n’est pas pertinente, puisqu’elle ne concerne que les allocations et aides luxembourgeoises et n’explique pas en quoi la bourse du Cedies et l’allocation scolaire statutaire ne seraient pas de même nature.

46      Il convient, par conséquent, et, compte tenu notamment de la réponse apportée par les arrêts du 5 juin 2012, de rejeter le premier moyen comme manifestement non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

47      Les requérants font valoir que la motivation de la décision serait absente, sinon médiocre. Selon eux, la Commission aurait dû s’entretenir avec la représentation du personnel, avant d’appliquer la décision, afin d’en expliquer les raisons. Ils ajoutent que cette obligation de motivation permettrait d’apprécier l’opportunité d’introduire un recours. Sachant que la Commission ne serait pas tenue de motiver les bulletins de rémunération, les requérants soutiennent que la Commission serait néanmoins tenue de motiver son éventuelle décision de rejet de la réclamation, cette motivation n’étant cependant en l’espèce ni convaincante, ni suffisante.

48      La Commission rétorque qu’il n’apparaîtrait pas clairement si les requérants entendent invoquer l’obligation de motivation ou le bien-fondé de la motivation. Elle soutient qu’il devrait s’agir du bien-fondé de la motivation et renvoie à sa réponse au premier moyen, relatif à l’erreur manifeste d’appréciation qu’elle aurait commise dans l’interprétation des dispositions statutaires.

–       Appréciation du Tribunal

49      Sans qu’il soit besoin de savoir si les requérants entendent en réalité contester le bien-fondé de la motivation, objet du premier moyen rejeté comme manifestement non fondé, le second moyen, relatif à la violation de l’obligation de motivation, doit dans tous les cas être rejeté comme manifestement non fondé. Selon les requérants, la motivation serait absente, sinon insuffisante et non convaincante. Les requérants dans les affaires Giannakouris/Commission et Chatzidoukakis/Commission ayant donné lieu aux arrêts du 5 juin 2012, soulevaient le même moyen dans les mêmes termes. Par conséquent, l’appréciation donnée par le Tribunal dans les arrêts du 5 juin 2012 est pleinement transposable à la présente affaire.

50      Dans les arrêts du 5 juin 2012, le Tribunal a répondu aux points 46 à 48 de ces arrêts ce qui suit à l’argumentation des requérants concernant le défaut de motivation des décisions qu’ils attaquaient :

« 46      La motivation d’une décision faisant grief, prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est ou non bien fondée et, partant, pour évaluer l’opportunité de former un recours, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. L’exigence et l’étendue de la motivation doivent être appréciées en fonction des circonstances concrètes de l’espèce, notamment au regard du contenu de l’acte et de la nature des motifs invoqués. La motivation doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’administration (arrêt [Bordini/Commission, précité], point 62).

47      En l’espèce, s’agissant d’un différend portant sur l’application concrète d’une disposition du statut dans un contexte bien connu, il y a lieu de considérer que la Commission a répondu aux exigences du statut en la matière.

48      En toute hypothèse, il peut être remédié à un éventuel défaut de motivation par une motivation adéquate fournie au stade de la réponse à la réclamation, cette dernière motivation étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation a été dirigée (arrêt du Tribunal de première instance du 18 septembre 2003, Lebedef e.a./Commission, T‑221/02, point 62 ; arrêts du Tribunal du 7 novembre 2007, Hinderyckx/Conseil, F‑57/06, point 25, et Bordini/Commission, précité, point 63). »

51      En l’espèce, il ressort des termes mêmes de la décision de rejet de la réclamation que la Commission a fourni aux requérants une motivation détaillée, laquelle a, conformément à la jurisprudence susmentionnée, permis aux requérants d’évaluer l’opportunité de former un recours et au Tribunal d’apprécier la légalité de la décision.

52      Par conséquent, le second moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, doit être rejeté comme manifestement non fondé.

53      Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans son ensemble, comme manifestement non fondé.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

55      Il résulte des motifs de la présente ordonnance que les requérants ont succombé en leur recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que les requérants soient condamnés aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, les requérants doivent supporter leurs propres dépens et sont condamnés à supporter les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(juge unique)

ordonne :

1)      Le recours de M. Biwer et des cinq autres requérants dont les noms figurent en annexe est rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

2)      M. Biwer et les cinq autres requérants dont les noms figurent en annexe supportent leurs propres dépens et sont condamnés à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 18 juin 2013.

Le greffier

 

      Le juge

W. Hakenberg

 

      R. Barents

ANNEXE

Véronique Delhaxhe-Wolmering, demeurant à Sandweiler (Luxembourg),

Liliane Marzadori, demeurant à Schifflange (Luxembourg),

Christine Mitchell, demeurant à Oetrange (Luxembourg),

Alessandro Rupil, demeurant à Holzem (Luxembourg),

Victor Taylor, demeurant à Gonderange (Luxembourg).


* Langue de procédure : le français.