Language of document : ECLI:EU:C:2014:1

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 9 janvier 2014 (1)

Affaire C‑435/12

ACI Adam BV,

Alpha International BV,

AVC Nederland BV,

BAS Computers & Componenten BV,

Despec BV,

Dexxon Data Media and Storage BV,

Fuji Magnetics Nederland,

Imation Europe BV,

Maxell Benelux BV,

Philips Consumer Electronics BV,

Sony Benelux BV,

Verbatim GmbH

contre

Stichting de Thuiskopie,

Stichting Onderhandelingen Thuiskopie vergoeding

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Propriété intellectuelle – Droits d’auteur et droits voisins – Directive 2001/29/CE – Harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information – Droit exclusif de reproduction – Article 5, paragraphe 2, sous b) – Article 5, paragraphe 5 – Exceptions et limitations – Exception de copie privée – Champ d’application – Reproductions réalisées à partir d’une source illicite – Redevance pour copie privée – Directive 2004/48/CE – Respect des droits de propriété intellectuelle – Article 14 – Frais de justice – Champ d’application»





1.        La Cour est, dans la présente affaire, saisie d’une nouvelle série de questions préjudicielles concernant principalement l’interprétation de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (2), et plus particulièrement de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de celle-ci, permettant aux États membres d’établir une exception au droit exclusif de reproduction des titulaires du droit d’auteur et des droits voisins (3) au titre de la copie privée.

2.        La principale question posée à titre préjudiciel par la juridiction de renvoi porte plus précisément sur le point de savoir si l’exception de copie privée ne peut trouver à s’appliquer qu’aux reproductions réalisées à partir de sources licites et, au-delà, si la redevance pour copie privée ne peut être calculée et perçue qu’en considération des reproductions réalisées à partir de sources licites (4).

3.        Il s’agit donc d’une question d’interprétation de la directive 2001/29 (5) que se posent plusieurs juridictions nationales, qui a été tranchée, dans certains États membres, soit par le législateur national (6) soit par les juridictions nationales (7), mais qui n’a pas encore donné lieu à réponse de la part de la Cour (8), qui demeure controversée dans la doctrine (9) et qui présente, par conséquent, une importance certaine.

4.        Cette importance se trouve amplifiée par la circonstance que l’exception de copie privée est présentée, par certaines des parties au principal tout comme par une partie de la doctrine, comme un moyen de compenser les dommages causés aux titulaires de droits par la diffusion non autorisée d’œuvres et d’objets protégés sur Internet, à tout le moins en l’absence de mesures techniques susceptibles de combattre efficacement le «piratage».

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit international

5.        Trois conventions internationales sont pertinentes aux fins de la résolution du litige au principal. La première, qui est aussi la principale, est la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, du 9 septembre 1886, telle que révisée en dernier lieu par l’acte de Paris du 24 juillet 1971, dans sa version résultant de la modification du 28 juillet 1979 (ci-après la «convention de Berne») (10) (11).

6.        Les deux autres sont, d’une part, l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, figurant à l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (12), et, d’autre part, le traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d’auteur, adopté à Genève le 20 décembre 1996, qui a été approuvé par la décision 2000/278/CE du Conseil, du 16 mars 2000, relative à l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et du traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes (13), dont les dispositions renvoient à la convention de Berne (14).

B –    Le droit de l’Union

7.        Les questions préjudicielles portent sur l’interprétation, d’une part, des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 et de l’article 5, paragraphe 5, de celle-ci (15) et, d’autre part, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (16), et en particulier de son article 14. Le texte des dispositions pertinentes sera cité, en tant que de besoin, dans le cours des développements.

C –    Le droit néerlandais

8.        L’article 1er de la loi sur le droit d’auteur (ci-après la «LDA») reconnaît à l’auteur d’une œuvre littéraire, scientifique ou artistique ou à ses ayants droit le droit exclusif de, notamment, reproduire cette œuvre, sous réserve des limitations prévues par la loi. La LDA comporte, en l’occurrence, des dispositions établissant une exception de copie privée et une rémunération équitable à titre de contrepartie, à savoir la redevance pour copie privée.

9.        L’article 16c, paragraphe 1, de la LDA, qui constitue une transposition de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, dispose:

«N’est pas considérée comme une atteinte au droit d’auteur sur une œuvre littéraire, scientifique ou artistique la reproduction de tout ou partie de l’œuvre sur un support destiné à la représentation d’une œuvre, pour autant que la reproduction est dépourvue d’objectif commercial direct ou indirect et qu’elle sert exclusivement à la pratique, à l’étude ou à l’usage de la personne physique qui procède à la reproduction.»

10.      L’article 16c, paragraphe 2, de la LDA prévoit:

«La reproduction, entendue au sens [de l’article 16c, paragraphe 1], donne lieu à la perception d’une rémunération équitable au profit de l’auteur ou de ses ayants droit. L’obligation de paiement de la rémunération pèse sur le fabricant ou l’importateur des supports visés au paragraphe 1.»

11.      Par ailleurs, l’article 1019h du code de procédure civile, qui constitue la transposition de l’article 14 de la directive 2004/48 énonce:

«Pour autant que de besoin, par dérogation au premier Livre, deuxième titre, douzième section, deuxième paragraphe, et à l’article 843a, paragraphe 1, la partie qui succombe est condamnée à supporter les frais de justice raisonnables et proportionnés et les autres frais exposés par la partie ayant obtenu gain de cause, à moins que l’équité ne le permette pas.»

II – Les faits à l’origine du litige au principal

12.      Les défenderesses dans le litige au principal sont la Stichting de Thuiskopie, une fondation chargée de la perception de la redevance pour copie privée prévue à l’article 16c, paragraphe 2, de la LDA et de la répartition de son produit, et la Stichting Onderhandelingen Thuiskopie vergoeding (17), une fondation chargée de fixer le montant de la redevance pour copie privée.

13.      Les sociétés requérantes au principal sont des importateurs et/ou des fabricants de supports destinés à la reproduction d’œuvres au sens de l’article 16c, paragraphe 1, de la LDA, qui doivent, à ce titre, payer la redevance pour copie privée.

14.      Estimant que la redevance pour copie privée est exclusivement destinée à compenser le préjudice subi par les titulaires du droit du fait d’actes de reproduction tombant dans le champ d’application de l’article 16c, paragraphe 1, de la LDA, lesdites requérantes au principal ont assigné la Stichting de Thuiskopie et la SONT devant le Rechtbank te ʼs‑Gravenhage, en faisant valoir que le montant de la redevance pour copie privée ne doit pas être calculé en prenant en compte le dommage résultant de copies d’œuvres réalisées à partir d’une source illégale, en violation du droit d’auteur.

15.      Le Rechtbank te ʼs-Gravenhage a rejeté la demande des requérantes au principal par un jugement du 25 juin 2008 (18).

16.      Le Gerechtshof te ʼs-Gravenhage saisi en appel a, par arrêt du 15 novembre 2010 (19), également rejeté cette demande, en disant pour droit que la rémunération équitable visée à l’article 16c de la LDA avait pour objet de compenser le préjudice résultant, pour les titulaires de droits, d’actes de reproduction entrant dans le champ de ladite disposition.

17.      Il doit être observé qu’il ressort de la décision de renvoi que le Gerechtshof te ʼs-Gravenhage a constaté que ni l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, ni l’article 16c de la LDA n’opéraient de distinction suivant la source des reproductions. Il ressortirait, cependant, des travaux préparatoires de la LDA que son article 16c doit être interprété comme autorisant la reproduction à partir d’une source illicite aussi longtemps qu’il n’existe pas de mesures techniques permettant de lutter contre la copie privée illicite. Il aurait, en effet, été considéré qu’un régime n’interdisant pas les reproductions à partir de sources illicites tout en imposant la perception de la redevance pour copie privée sur ces reproductions assurerait une meilleure protection des intérêts des titulaires de droits sans leur porter un préjudice injustifié au sens de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29.

18.      Les requérantes au principal ont introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt du Gerechtshof te ʼs-Gravenhage devant le Hoge Raad der Nederlanden. La Stichting de Thuiskopie a également saisi le Hoge Raad der Nederlanden d’un pourvoi incident.

III – Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

19.      C’est dans ces circonstances que le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes.

«1)      L’article 5, paragraphe 2, initio et sous b), lu conjointement ou non avec l’article 5, paragraphe 5, de la directive [2001/29], doit‑il être interprété en ce sens que la limitation du droit d’auteur qui y est visée s’applique aux reproductions satisfaisant aux exigences mentionnées dans cette disposition, indépendamment du fait que les exemplaires de l’œuvre qui ont été reproduits se soient trouvés à disposition de la personne physique concernée de manière licite, à savoir sans violation des droits d’auteur des ayants droit, ou cette limitation ne vaut-elle que pour les reproductions d’exemplaires que la personne concernée a eus à sa disposition sans violation du droit d’auteur?

2)      a)      Si la réponse à la première question correspond au second élément de l’alternative qui y est formulée, l’application du ʻtest des trois étapesʼ, visé à l’article 5, paragraphe 5, de la directive [2001/29], peut-il servir à élargir le champ d’application de la limitation visée à l’article 5, paragraphe 2, ou l’application du test peut-elle uniquement conduire à restreindre la portée de cette limitation?

2)      b)      Si la réponse à la première question correspond au second élément de l’alternative qui y est formulée, une règle de droit national qui vise à imposer une rémunération équitable pour les reproductions réalisées par une personne physique pour un usage privé et sans le moindre but commercial direct ou indirect, indépendamment du fait que la réalisation des reproductions soit licite au regard de l’article 5, paragraphe 2 ,de la directive [2001/29] – et sans que cette règle ne viole le droit des ayants droit d’interdire la reproduction ni leur droit à la réparation de leur dommage – viole-t-elle l’article 5 de [ladite directive] ou quelque autre règle du droit de l’Union?

Pour la réponse à cette question est-il pertinent, à la lumière du ʻtest des trois étapesʼ de l’article 5, paragraphe 5, de la directive [2001/29], qu’il n’existe pas (ou pas encore) de mesures techniques afin de combattre la réalisation de copies privées illicites?

3)      Est-ce que la directive 2004/48 s’applique à une procédure telle que celle en cause au principal, dans laquelle – après qu’un État membre a imposé, sur la base de l’article 5, paragraphe 2, [sous] b), de la directive [2001/29], l’obligation de répercuter la redevance équitable visée dans cette disposition sur les fabricants et importateurs de supports appropriés destinés à la reproduction d’œuvres, et a déterminé que cette compensation équitable doit être reversée à une organisation désignée par l’État membre, laquelle est chargée de la perception et de la répartition de la compensation équitable – des redevables demandent à la juridiction, eu égard aux circonstances particulières d’un litige qui sont pertinentes pour la détermination de la compensation équitable, de faire des déclarations pour droit à la charge de l’organisation visée, qui se défend contre cette demande?»

20.      Les requérantes au principal, la Stichting de Thuiskopie, les gouvernements néerlandais, italien, lituanien et autrichien ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites.

21.      Les requérantes au principal, la Stichting de Thuiskopie, les gouvernements néerlandais et espagnol ainsi que la Commission ont également présenté des observations orales au cours de l’audience publique qui s’est tenue le 9 octobre 2013.

IV – Observations liminaires

22.      Les première et deuxième questions de la juridiction de renvoi, qui sont étroitement liées (20), comportent en réalité plusieurs questions qui appellent quelques observations liminaires et méritent d’être reformulées et regroupées.

23.      Par sa première question, le Hoge Raad der Nederlanden pose à la Cour une question d’interprétation de la directive 2001/29. Il se demande, en substance, si l’exception de copie privée prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 s’applique à toutes les reproductions, indépendamment de la licéité de leur source (première alternative), ou si, au contraire, elle ne peut trouver à s’appliquer qu’aux reproductions réalisées à partir de sources elles-mêmes licites (seconde alternative). Elle s’interroge, également, sur l’incidence de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29 sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de celle-ci.

24.      La juridiction de renvoi pose ensuite, dans sa deuxième question, deux questions subsidiaires pour le cas où la Cour interpréterait l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 en ce sens qu’il ne s’applique qu’aux reproductions réalisées à partir de sources licites (seconde alternative).

25.      Elle se demande, tout d’abord [deuxième question, sous a)], si l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29, définissant le «test des trois étapes», peut permettre d’élargir la portée de l’exception de copie privée prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de cette directive ou s’il ne peut, au contraire, que restreindre celle-ci.

26.      Elle interroge ensuite la Cour, en substance [deuxième question, sous b)], sur la compatibilité avec le droit de l’Union, la directive 2001/29 elle-même ou toute autre règle de droit d’une disposition nationale qui imposerait une rémunération équitable pour les reproductions réalisées, par une personne physique pour un usage privé et sans le moindre but commercial direct ou indirect, indépendamment du fait que la réalisation des reproductions soit licite.

27.      Toutefois, et pour les raisons que j’exposerai ci-dessous, la première question et la deuxième question, sous a), ne peuvent qu’être examinées conjointement, les dispositions de l’article 5, paragraphes 2, sous b), et 5 de la directive 2001/29 étant elles-mêmes formellement et indissolublement liées et ne pouvant qu’être lues et interprétées conjointement et dynamiquement.

28.      Je commencerai donc par examiner la question de savoir si l’article 5 de la directive 2001/29 dans son ensemble peut être interprété en ce sens que la redevance pour copie privée peut être perçue sur des reproductions réalisées à partir de sources illicites, c’est-à-dire à partir de sources non produites, non diffusées ou non communiquées au public avec le consentement des titulaires du droit exclusif de reproduction [première question et deuxième question, sous a)].

29.      La réponse à cette question devant selon moi être négative, j’examinerai ensuite, très rapidement, la question de savoir si l’article 5 de la directive 2001/29 peut être interprété en ce sens qu’un État membre peut néanmoins (21) décider de percevoir la redevance pour copie privée sur les reproductions réalisées à partir de sources illicites. La réponse à cette deuxième interrogation pourra, en effet, se déduire aisément des éléments de réponse apportés à la première.

30.      Je répondrai enfin de manière très succincte à la troisième question concernant l’interprétation de l’article 14 de la directive 2004/48.

V –    Sur la question de savoir si la redevance pour copie privée peut être perçue sur les reproductions réalisées à partir de sources illicites [première question et deuxième question, sous a)]

A –    Résumé des observations

31.      Les requérantes au principal, les gouvernements espagnol, italien et lituanien ainsi que la Commission s’accordent pour considérer que, eu égard à la lettre, à l’esprit et à la finalité de la directive 2001/29, l’exception de copie privée prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de cette directive ne peut s’appliquer aux reproductions réalisées à partir de sources illicites.

32.      D’une part, ledit article 5, paragraphe 2, sous b), ne prévoirait pas une telle possibilité et, dans la mesure où elle constitue une exception au droit exclusif de reproduction garanti à l’article 2 de la directive 2001/29, elle doit faire l’objet d’une interprétation stricte, en conjonction avec l’article 5, paragraphe 5, de cette directive.

33.      D’autre part, cette interprétation restrictive correspondrait à la finalité de la directive 2001/29, la solution contraire étant susceptible de rompre le juste équilibre qui doit être maintenu entre les divers droits et intérêts en présence. La rémunération équitable prévue à cette disposition n’aurait vocation à compenser que le préjudice subi pour les titulaires de droits «en conséquence de l’introduction» de l’exception de copie privée et non le préjudice résultant pour ces derniers des reproductions réalisées à partir de sources illicites ni, a fortiori, le préjudice résultant de la diffusion en amont de copies illicites de leurs œuvres.

34.      Si la Commission reconnaît, par ailleurs, que cette interprétation restrictive peut, paradoxalement, se révéler défavorable aux titulaires de droits dans certaines circonstances, elle estime toutefois que cet élément ne saurait conduire à sa remise en cause.

35.      En revanche, les défenderesses au principal et les gouvernements néerlandais et autrichien estiment, en substance, que la possibilité pour les États membres d’appliquer l’exception de copie privée aux reproductions réalisées à partir de sources illicites n’est exclue ni par le texte ni par l’économie de la directive 2001/29, pour, au contraire, s’inscrire dans la finalité de cette dernière et permettre de maintenir un juste équilibre entre les droits et les intérêt des titulaires de droits, d’une part, et les utilisateurs des œuvres et des objets protégés, d’autre part.

36.      Ils font valoir, à cet égard, qu’il n’existe aucun moyen technique de combattre la réalisation de copies privées réalisées à partir de sources illicites et que la perception de la redevance pour copie privée sur de telles reproductions contribue à une exploitation normale des œuvres reproduites, au sens de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29, et constitue donc le meilleur moyen de garantir, sans contrevenir au test des trois étapes, la protection des intérêts légitimes des titulaires de droits.

B –    Analyse

37.      Il convient, eu égard aux positions très tranchées adoptées par les requérantes au principal, les États membres et la Commission, sur le principal problème que soulèvent les deux premières questions de la juridiction de renvoi, de commencer par rappeler, tout d’abord, en quoi consiste l’exception de copie privée, et la compensation équitable dont elle est assortie, établie par l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29. Or, l’interprétation de cette disposition est indissociable de celle de l’article 5, paragraphe 5, de ladite directive.

1.      L’exception de copie privée selon la directive 2001/29

38.      La directive 2001/29 impose aux États membres, à son article 2, l’obligation de prévoir, en faveur des titulaires du droit d’auteur et des droits voisins que cet article désigne, le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie, des objets protégés, à savoir leurs œuvres, leurs phonogrammes, leurs films ou leurs émissions.

39.      L’article 5, paragraphe 2, sous b), de cette même directive ouvre cependant aux États membres la faculté de prévoir une exception au droit de reproduction exclusif visé à l’article 2.

40.      Lorsqu’elle est mise en œuvre par un État membre, l’exception de copie privée autorise (22) les personnes physiques qui détiennent des œuvres ou des objets protégés par le droit d’auteur et les droits voisins à en réaliser une copie pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales (23). Typiquement, l’exception de copie privée doit permettre à l’acquéreur d’un disque compact audio d’en réaliser une reproduction qu’il pourra, par exemple, écouter au moyen d’un baladeur numérique.

41.      L’exception de copie privée affecte corrélativement le monopole de reproduction des titulaires de droits, leur causant un dommage réputé consenti en contrepartie d’une compensation équitable. Cette compensation s’analyse comme une indemnisation adéquate des titulaires de droits pour le préjudice résultant de la reproduction de leurs œuvres et objets protégés (24) plus que comme une rémunération.

42.      L’exception de copie privée impose, enfin, aux États membres, en tant qu’«exception indemnisée», l’obligation non seulement d’instaurer la compensation équitable due aux titulaires de droits, mais encore de la percevoir effectivement (25) et certainement de pourvoir à sa répartition entre les titulaires de droits.

43.      Cette compensation équitable doit être financée par la personne physique qui cause le préjudice au titulaire exclusif du droit de reproduction en réalisant, sans solliciter son autorisation préalable à cet effet, la reproduction d’une œuvre ou d’un objet protégé pour son usage privé et à des fins non commerciales (26). Pour des raisons pratiques toutefois, il est loisible aux États membres de percevoir une redevance pour copie privée auprès des personnes qui, comme les requérantes au principal, mettent à la disposition des personnes physiques redevables les supports qu’ils utilisent pour réaliser leurs reproductions. Toutefois, le juste équilibre qui doit être trouvé entre les titulaires de droits et les utilisateurs des œuvres et des objets protégés implique, d’une part, que la charge réelle de cette redevance puisse être répercutée sur lesdits utilisateurs (27) et, d’autre part, qu’elle ne soit perçue que sur les supports mis à la disposition de ces derniers pour leur usage privé (28).

44.      Dans un tel système, en fin de compte, la compensation équitable repose sur la présomption que les utilisateurs de supports de reproduction utiliseront ces derniers à des fins de copie privée d’œuvres ou d’objet protégés.

2.      Considérations liminaires sur les dispositions de l’article 5, paragraphes 2, sous b), et 5, de la directive 2001/29

45.      Il faut, avant d’apporter une réponse concrète aux questions soulevées par cette affaire, examiner la relation qui unit l’article 5, paragraphe 2, sous b), et l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29, la juridiction de renvoi se demandant explicitement si ces dispositions doivent être lues conjointement ou pas.

46.      L’article 5, paragraphe 5, de ladite directive (29) subordonne l’instauration des exceptions visées à son article 5, paragraphes 1 à 4, dont l’exception de copie privée visée à son article 5, paragraphe 2, sous b), à la triple condition qu’elle ne soit applicable que dans certains cas spéciaux, qu’elle ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et qu’elle ne cause pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire des droits (30).

47.      Ces trois conditions, qui ne sont pas autrement définies dans la directive 2001/29, répondent, ainsi qu’il ressort du considérant 44 de la directive 2001/29, aux obligations internationales des États membres et de l’Union et, plus précisément, aux conditions de toute limitation au droit d’auteur établies par l’article 9, paragraphe 2, de la convention de Berne, plus connu sous le nom de test des trois étapes (31) utilisé par la juridiction de renvoi dans sa demande de décision préjudicielle, reproduites à l’article 13 de l’ADPIC et à l’article 10 du TDA.

48.      Contrairement à ce que semble suggérer la juridiction de renvoi dans sa première question préjudicielle, il ne saurait y avoir d’alternative à l’interprétation conjointe des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 et de l’article 5, paragraphe 5, de cette directive. La mise en œuvre de l’exception de copie privée par les législateurs nationaux doit, en toute hypothèse, être conforme aux prescriptions dudit article 5, paragraphe 2, sous b), mais également et simultanément répondre aux exigences établies par l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29, dans le respect des obligations internationales (32). Il en va de même de l’application de l’exception de copie privée par les juridictions nationales. Contrairement à ce que fait valoir le gouvernement néerlandais, les dispositions de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29 ne s’adressent pas qu’au législateur national.

49.      Par ailleurs, et en référence à la deuxième question, sous a), les dispositions de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29 ne sauraient être interprétées comme permettant d’élargir la portée de l’exception de copie privée établie par l’article 5, paragraphe 2, sous b), de celle-ci pour au contraire contribuer indissociablement, le cas échéant, à la délimitation du champ d’application comme de la portée de ladite directive.

50.      En l’occurrence, l’encadrement très précis des exceptions et des limitations au droit de reproduction prévues à l’article 5 de la directive 2001/29 s’analyse, à bien des égards, comme la mise en œuvre même du test des trois étapes (33).

51.      Ainsi, la définition précise des exceptions et des limitations au droit de reproduction par l’article 5 de la directive 2001/29, dont l’exception de copie privée, s’efforce de répondre en toute hypothèse au premier terme du test des trois étapes, tenant à la limitation de leur applicabilité à des cas spéciaux. Il peut être relevé, à cet égard, que la limitation, par l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, du droit de copie privée aux seules personnes physiques agissant à des fins privées et non commerciales vient renforcer cette exigence.

52.      Dans cette même perspective, le considérant 38 de la directive 2001/29 précise également que, si les États membres doivent être autorisés à appliquer, moyennant compensation, l’exception de copie privée à certains types de reproduction de produits sonores, visuels et audiovisuels à usage privé, il doit toutefois être dûment tenu compte des différences existant entre copies privées numériques et copies privées analogiques, et une distinction doit être établie entre elles à certains égards, dans la mesure où la confection de copies privées sur support numérique est susceptible d’être plus répandue et d’avoir une incidence économique plus grande.

53.      L’exception de copie privée, qui est certainement l’un des «cas» de l’exception au droit exclusif de reproduction prévu à l’article 2 de la directive 2001/29, doit donc être configurée par les États membres et appliquée par les juridictions nationales en tenant compte des exigences découlant de la restriction de son champ d’application à des cas spéciaux (34).

54.      De même, et comme la Cour a eu l’occasion de le juger, les États membres sont tenus, lorsqu’ils choisissent d’instaurer l’exception de copie privée dans leur droit national, de prévoir le versement d’une compensation équitable au bénéfice des titulaires de droits. L’exception de copie privée ne peut être instaurée sans que ne soit prévue et effectivement perçue une compensation équitable. La compensation exigée par l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 s’insère dans le troisième terme du test des trois étapes, tenant à la nécessité de ne pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire de droits visée à l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29 (35).

55.      En revanche, force est de constater que la directive 2001/29 ne contient aucune référence explicite à la deuxième condition visée à l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29, selon laquelle l’exception ou la limitation au droit exclusif de reproduction ne doit pas porter atteinte à l’exploitation normale (36) des œuvres ou des objets protégés. La présente affaire fournit ainsi l’occasion à la Cour de se prononcer à cet égard (37), en s’inspirant dans la mesure du possible de la pratique internationale (38).

56.      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’apporter une réponse concrète à la première question de la juridiction de renvoi.

3.      Sur la limitation du champ d’application de l’exception de copie privée aux reproductions réalisées à partir de sources licites

57.      Il faut partir de la constatation selon laquelle l’article 5 de la directive 2001/29 ne comporte pas de précisions expresses indiquant si l’exception de copie privée peut trouver à s’appliquer à toutes les reproductions, qu’elles soient réalisées à partir de sources tant licites qu’illicites, ou si elle ne peut, au contraire, s’appliquer qu’aux reproductions réalisées à partir de sources licites. Par ailleurs, et comme la Cour l’a déjà relevé, ni l’article 2 de ladite directive ni aucune autre de ses dispositions ne définissent la notion de «reproduction» (39) figurant à son article 2, pas plus qu’elle ne définit les notions de «reproduction en partie» (40), de «rémunération» (41), de «rémunération équitable» (42) ou de «compensation équitable» (43) figurant à son article 5, la notion de «communication au public» visé à son article 3, paragraphe 1 (44), ou encore l’expression «par leurs propres moyens» figurant à son article 5, paragraphe 2, sous d) (45).

58.      Ces dispositions ne comportant, par ailleurs, aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer leur sens et leur portée, tant l’application uniforme du droit de l’Union que le principe d’égalité (46) commandent de donner à cette notion, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme (47), qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes des dispositions qui l’emploient, mais également du contexte dans lequel ces dernières s’inscrivent et de l’objectif poursuivi par la réglementation dont elles font partie (48), voire de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union pertinentes (49). La genèse de ces dispositions peut également révéler des éléments pertinents pour leur interprétation (50).

59.      Par ailleurs, les actes de droit de l’Union doivent être interprétés, dans la mesure du possible, à la lumière du droit international (51), en particulier lorsqu’ils visent précisément à mettre en œuvre un accord international conclu par la Communauté (52).

60.      Le considérant 15 de la directive 2001/29 précise, à cet égard, que cette dernière vise à mettre en œuvre les obligations internationales résultant de l’adoption par l’Union du TDA (53), notamment en ce qui concerne les moyens de lutte contre la piraterie à l’échelle planétaire dans l’univers numérique. Par ailleurs, la Cour a jugé que, dans le champ d’application de la directive 2001/29, l’Union s’était substituée aux États membres pour mettre en œuvre les dispositions de la convention de Berne (54).

61.      En l’occurrence, la directive 2001/29 définit le champ des actes couverts par le droit de reproduction (55) et comporte une liste exhaustive des exceptions et des limitations audit droit (56). Elle indique, par ailleurs, que les États membres doivent être autorisés à prévoir une exception ou une limitation au droit de reproduction pour certains types de reproduction de produits sonores, visuels et audiovisuels à usage privé, avec une compensation équitable (57), étant précisé, comme je l’ai déjà relevé, qu’ils doivent, d’une part, prendre en considération les différences existant entre copies privées numériques et copies privées analogiques (58) et, d’autre part, l’évolution technologique et économique lorsque des mesures techniques de protection efficaces existent (59).

62.      Elle précise, par ailleurs, que la compensation équitable visée à son article 5, paragraphe 2, sous b), a pour objet d’indemniser les titulaires de droits, «de manière adéquate», pour l’utilisation qui est faite de leurs œuvres ou autres objets protégés au titre et en application de l’exception de copie privée (60). En outre, la forme, les modalités et le niveau éventuel de ladite compensation doivent être déterminés en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, lesquelles peuvent être évaluées sur la base du préjudice potentiel subi par le titulaire de droits (61).

63.      Ainsi, il peut se déduire du texte de la directive 2001/29 que c’est le maintien ou l’introduction par les États membres de l’exception de copie privée qui crée le préjudice causé aux titulaires de droits que cette compensation équitable est réputée indemniser de manière adéquate (62). Il n’y a, en revanche, aucune indication explicite permettant de déterminer si elle ne peut s’appliquer qu’aux reproductions réalisées à partir de sources licites ou si elle peut aussi s’appliquer aux reproductions réalisées à partir de sources illicites.

64.      Toutefois, et contrairement à ce que fait valoir le gouvernement néerlandais, cette imprécision ne saurait être interprétée comme la manifestation délibérée (63) du législateur de l’Union de prévoir la perception de la compensation équitable sur les reproductions réalisées à partir de sources illicites. Une telle interprétation ne trouve aucun fondement dans la directive 2001/29 et se heurterait, plus fondamentalement, aux dispositions de son article 5, paragraphe 5, et aux exigences du test des trois étapes qu’il prescrit, en conformité avec les obligations internationales de l’Union et des États membres.

65.      Le gouvernement néerlandais invoque, aux fins d’établir cette volonté délibérée du législateur de l’Union, le libellé de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29, qui se réfère à la licéité des sources des reproductions, de l’article 5, paragraphe 3, sous e) (64), et de l’article 6, paragraphe 4, deuxième alinéa, de ladite directive, qui ne s’y réfèrent pas, ou encore la directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur (65).

66.      L’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29 permet aux États membres de prévoir une exception au droit de reproduction pour les citations faites à des fins notamment de critique ou de revue, mais pour autant seulement que, entre autres, l’œuvre ou l’objet protégé ait déjà été licitement mis à la disposition du public.

67.      L’article 5, paragraphe 3, sous e), de la directive 2001/29 prévoit, en revanche, une exception au droit exclusif de reproduction dans le cas de l’utilisation d’une œuvre ou d’un objet protégé à des fins de sécurité publique ou pour assurer le bon déroulement de procédures administratives, parlementaires ou judiciaires, sans se référer à la licéité de la source.

68.      L’article 6, paragraphe 4, de la directive 2001/29 prévoit, d’une manière générale, la possibilité pour les États membres de prendre, en l’absence de mesures volontaires en ce sens prises par les titulaires de droits, des mesures appropriées pour garantir que les bénéficiaires des exceptions ou des limitations prévues à l’article 5 puissent en profiter. Toutefois, le deuxième alinéa de ce paragraphe 4, qui concerne la seule exception de copie privée, se distingue du premier alinéa (66) en ce qu’il ne fait nulle référence à la licéité de l’accès à l’œuvre ou à l’objet protégé.

69.      Enfin, la directive 91/250 pose le principe du droit exclusif de l’auteur du programme d’ordinateur d’autoriser ou d’interdire la reproduction de ce dernier tout en prévoyant une exception aux fins de copie de sauvegarde ouverte au seul «acquéreur légitime» (67).

70.      Toutefois, le champ d’application et la portée de l’exception de copie privée ne sauraient être définis par référence à des dispositions qui trouvent à s’appliquer à des contextes totalement différents et poursuivent des finalités qui leur sont propres.

71.      Il importe, à cet égard, de rappeler que, conformément à une jurisprudence itérative, l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 doit, en tant qu’exception (68) au droit exclusif de reproduction du titulaire de droits garanti par l’article 2 de ladite directive, faire l’objet d’une interprétation stricte. Le champ d’application de l’exception de copie privée ne saurait, partant, être étendu à des situations non expressément prévues par la directive 2001/29 (69).

72.      En tout état de cause, l’interprétation défendue par le gouvernement néerlandais se heurte aux dispositions de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29, telles qu’interprétées à la lumière de la convention de Berne, du TDA et de l’ADPIC, et en particulier à la condition tenant à la nécessité de ne pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou de l’objet protégé.

73.      La Stichting de Thuiskopie ainsi que les gouvernements néerlandais et autrichien font valoir à cet égard, en substance, qu’une réglementation autorisant la perception de la redevance pour copie privée sur les reproductions réalisées à partir de sources illicites constituerait, en l’absence de toutes mesures techniques fiables permettant de faire efficacement obstacle à la publication ou à la diffusion desdites sources illicites et à leur infinie reproduction, en particulier dans l’univers numérique, le seul moyen de réparer le préjudice subi par les titulaires de droits. Une telle réglementation contribuerait bien davantage à l’exploitation normale des œuvres et des objets protégés qu’une réglementation interdisant toute reproduction à partir de sources illicites et garantirait l’équilibre des droits entre les titulaires de droits et les utilisateurs des œuvres et des objets protégés.

74.      À supposer qu’une réglementation de cette nature puisse, dans l’absolu, constituer une réponse légitime et adéquate aux violations du droit d’auteur et des droits voisins découlant de la diffusion illicite de copies d’œuvres ou d’objets protégés sur Internet et de leur reproduction, il est toutefois constant que l’exception de copie privée n’a pas été instituée dans un tel objectif et il est exclu qu’elle puisse l’être, sauf à remettre en cause les fondements mêmes sur lesquels elle repose, et ce indépendamment de l’existence ou non de mesures techniques permettant de combattre de manière efficace la réalisation et la diffusion de copies illicites d’œuvres ou d’objets protégés.

75.      Il doit, à cet égard, être, tout d’abord, observé que l’argumentation du gouvernement néerlandais prend ses racines dans la circonstance que la loi néerlandaise tolère le téléchargement («downloading» ou téléchargement descendant) d’œuvres ou d’objets protégés illicitement mis à disposition sur Internet pour ne réprimer que la mise en ligne («uploading» ou téléchargement ascendant) desdites œuvres ou objets protégés. Ce faisant, le Royaume des Pays-Bas favorise indirectement mais nécessairement la diffusion massive de produits résultant de l’exploitation d’œuvres et d’objets protégés, qui ne peut en aucun cas être considérée comme normale, c’est-à-dire la cause même du phénomène dont cet État membre entend réparer les conséquences préjudiciables pour les titulaires de droits. La banalisation du téléchargement descendant d’œuvres ou d’objets protégés diffusés illicitement sur Internet (téléchargement ascendant) ne peut que porter atteinte à l’exploitation normale de ceux-ci.

76.      Il est, par ailleurs, douteux que la perception de la redevance pour copie privée, dans sa conception actuelle, puisse de quelque manière que ce soit compenser adéquatement le manque à gagner résultant pour les titulaires de droits de la diffusion massive de leurs œuvres et objets protégés sur Internet en violation de leurs droits exclusifs de reproduction, de communication au public (70) ou de distribution (71).

77.      Sauf à redéfinir en profondeur la raison d’être même de l’exception de copie privée et les principales modalités de détermination de la compensation équitable qui doit l’accompagner, avec toutes les conséquences que cela emporte, le produit de la redevance pour copie privée n’est pas de nature à compenser la perte des revenus que générerait l’exploitation normale de leurs œuvres sur Internet. Il faudrait vraisemblablement prévoir, notamment, une augmentation considérable du montant de la redevance que tout utilisateur de support devrait acquitter, quand bien même il ne réaliserait jamais de reproductions à partir de sources illicites, au risque de rompre l’équilibre des droits entre titulaires de droits et utilisateurs d’œuvres et de produits protégés.

78.      L’idée, avancée par le gouvernement néerlandais, selon laquelle la perception de la redevance pour copie privée sur les reproductions réalisées à partir de sources illicites serait, par ailleurs, plus respectueuse du droit à la protection de la vie privée des utilisateurs d’œuvres et d’objets protégés que la mise en place de mesures de contrôle de l’utilisation de leurs œuvres dans la sphère privée desdits utilisateurs (72), en garantissant un meilleur équilibre des droits, ne saurait conduire à un renversement de cette interprétation de l’article 5 de la directive 2001/29. À cet égard, il sera simplement observé qu’il n’existe pas de lien nécessaire entre exclusion de l’applicabilité de l’exception de copie privée aux reproductions réalisées à partir de sources illicites et violation éventuelle du droit au respect de la vie privée des utilisateurs (73).

79.      Par conséquent, je propose de répondre à la première et à la deuxième question, sous a), de la juridiction de renvoi en disant pour droit que l’article 5 de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que l’exception de copie privée qu’il prévoit ne s’applique qu’aux reproductions d’œuvres ou d’objets protégés au titre du droit d’auteur et des droits voisins réalisées à partir de sources licites.

VI – Sur la question de savoir si un État membre peut décider de percevoir la redevance pour copie privée sur les reproductions réalisées à partir de sources illicites [deuxième question, sous b)]

80.      Dans le cadre de sa deuxième question, sous b), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’adoption par un État membre d’une disposition nationale imposant la perception d’une compensation équitable pour copie privée indépendamment du fait que la réalisation des reproductions soit licite ou non est compatible avec le droit de l’Union.

81.      Il découle des développements qui précèdent qu’une telle possibilité ne saurait être admise.

82.      D’une part, et indépendamment même de la question de savoir si la directive 2001/29 a réalisé une harmonisation exhaustive de l’exception de copie privée (74), une telle possibilité affecterait sensiblement l’un des objectifs poursuivis par la directive 2001/29, tenant à l’application cohérente des limitations et des exceptions exhaustives au droit exclusif de reproduction qu’elle prévoit (75). La Cour a déjà jugé, à cet égard, qu’il serait porté atteinte à cet objectif si les États membres étaient libres de préciser de manière incohérente et non harmonisée les paramètres de la compensation équitable (76). Or, une telle mesure reviendrait, comme le fait observer la Commission, à créer une rémunération sui generis pour les reproductions réalisées à partir de sources illicites.

83.      D’autre part, et surtout, la reconnaissance d’une telle possibilité contreviendrait doublement aux exigences de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29. Premièrement, elle étendrait le champ d’application de l’exception de copie privée bien au-delà du cas spécial défini par cette directive, en méconnaissance de la première condition posée par cette disposition. Deuxièmement, elle légitimerait, indirectement, l’atteinte caractérisée portée à l’exploitation normale des œuvres et des objets protégés, en totale méconnaissance de la seconde condition visée à cette disposition, rompant ainsi le juste équilibre que cette dernière établit entre le droit exclusif de reproduction reconnu aux titulaires de droits et les bénéficiaires de l’exception de copie privée.

84.      Par conséquent, je propose à la Cour de répondre à la deuxième question, sous b), en disant pour droit que, dans le contexte de l’exception de copie privée que les États membres sont autorisés à prévoir en vertu de l’article 5 de la directive 2001/29, un État membre ne saurait percevoir la redevance qui doit l’accompagner que sur les reproductions d’œuvres ou d’objets protégés au titre du droit d’auteur et des droits voisins réalisées à partir de sources licites.

VII – Sur la question de savoir si la directive 2004/48 s’applique à la procédure au principal (troisième question)

85.      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur la question de savoir si la directive 2004/48 et, en particulier, son article 14 (77) s’appliquent à la procédure au principal.

86.      Dans sa décision de renvoi, ladite juridiction expose que, dans le cadre de son pourvoi incident en cassation, la Stichting de Thuiskopie a demandé une compensation pour l’ensemble des dépens sur le fondement de l’article 1019h du code de procédure civile, qui serait lui-même fondé sur les dispositions de l’article 14 de la directive 2004/48. Si, certes, les revendications de la Stichting de Thuiskopie ne semblent pas résulter de violations de droits de propriété intellectuelle au sens de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, il demeure que, en soutenant l’idée que l’article 5 de la directive 2001/29 trouve à s’appliquer aux reproductions réalisées à partir de sources illicites, elle poursuit une forme de défense desdits droits.

87.      À l’exception de la Stichting de Thuiskopie, toutes les parties ayant présenté des observations concluent à l’inapplicabilité de la directive 2004/48 à la procédure au principal.

88.      Il doit, à cet égard, être rappelé que, si, eu égard à son objet (78) et à son champ d’application (79), l’objectif général de la directive 2004/48 est de rapprocher les législations des États membres afin d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle (80), elle ne vise cependant pas à régir tous les aspects liés aux droits de propriété intellectuelle, mais vise seulement à régir ceux qui sont inhérents, d’une part, au respect de ces droits et, d’autre part, aux atteintes à ces derniers, en imposant l’existence de voies de droit efficaces destinées à prévenir, à faire cesser ou à remédier à toute atteinte à un droit de propriété intellectuelle existant (81).

89.      Dans cette optique, l’article 14 de la directive 2004/48 vise à renforcer le niveau de protection de la propriété intellectuelle en évitant qu’une partie lésée ne soit dissuadée d’engager une procédure judiciaire aux fins de sauvegarder ses droits (82), ce qui implique que l’auteur de l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle doive généralement supporter intégralement les conséquences financières de sa conduite (83).

90.      En l’occurrence, si le litige au principal concerne, certes, d’une manière très générale, la défense des intérêts des titulaires de droits, dans la mesure où il porte sur l’étendue du champ d’application de l’exception de copie privée prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, la contestation qui en est à l’origine demeure toutefois totalement étrangère au champ d’application de la directive 2004/48. En effet, le recours à l’origine de ce litige a été introduit non pas par des titulaires de droits (84), en vue d’assurer la défense desdits droits (85), mais par des opérateurs économiques appelés à payer la redevance établie par un État membre à titre de compensation équitable à l’exception de copie privée qu’il a instituée.

91.      Je propose, par conséquent, à la Cour de répondre à la troisième question posée par la juridiction de renvoi en disant pour droit que l’article 14 de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens qu’il ne trouve pas à s’appliquer à un litige qui, tel celui au principal, ne concerne pas la défense en tant que telle, par les titulaires de droits, desdits droits.

VIII – Conclusion

92.      À la lumière de l’analyse qui précède, je propose à la Cour de répondre aux questions posées à titre préjudiciel par le Hoge Raad der Nederlanden dans les termes suivants:

1)      L’article 5 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens que l’exception de copie privée qu’il prévoit ne s’applique qu’aux reproductions d’œuvres ou d’objets protégés au titre du droit d’auteur et des droits voisins réalisées à partir de sources licites.

2)      L’article 5 de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que, dans le contexte de l’exception de copie privée que les États membres sont autorisés à prévoir en vertu de cette disposition, un État membre ne saurait percevoir la redevance qui doit l’accompagner que sur les reproductions d’œuvres ou d’objets protégés au titre du droit d’auteur et des droits voisins réalisées à partir de sources licites.

3)      L’article 14 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens qu’il ne trouve pas à s’appliquer à un litige qui, tel celui au principal, ne concerne pas la défense en tant que telle, par les titulaires du droit d’auteur ou de droits voisins, desdits droits.


1 –      Langue originale: le français.


2 –      JO L 167, p. 10. Voir, notamment, arrêts du 21 octobre 2010, Padawan (C‑467/08, Rec. p. I‑10055); du 16 juin 2011, Stichting de Thuiskopie (C‑462/09, Rec. p. I‑5331); du 9 février 2012, Luksan (C‑277/10); du 26 avril 2012, DR et TV2 Danmark (C‑510/10), ainsi que du 27 juin 2013, VG Wort e.a. (C‑457/11 à C‑460/11).


3 –      Ci-après les «titulaires de droits».


4 –      Il importe de souligner, à cet égard, que la Cour est saisie de questions très proches dans deux autres affaires actuellement pendantes, à savoir la deuxième question préjudicielle posée dans l’affaire UPC Telekabel Wien (C‑314/12) et la première question préjudicielle, sous f), posée dans l’affaire Copydan Båndkopi (C‑463/12). Dans la première affaire, dans laquelle j’ai prononcé mes conclusions le 26 novembre 2013, j’ai estimé qu’il n’était pas nécessaire de répondre à cette question pour que la juridiction de renvoi puisse trancher le litige au principal. L’audience dans la seconde affaire est, par ailleurs, prévue pour le 16 janvier 2014, la présentation de mes conclusions devant suivre.


5 –      Cette question se pose également en dehors de l’Union européenne. Voir, par exemple, arrêt de la Cour fédérale du Canada, 31 mars 2004, BMG Canada inc v. Doe, 2004 FC 488, [2004] 3 FCR 241, qui s’est prononcée en faveur de l’application de l’exception pour utilisation privée aux échanges de fichiers sur Internet et plus précisément au téléchargement d’œuvres sur les sites «peer-to-peer»; décision cependant infirmée par l’arrêt de la Cour fédérale d’appel du Canada, 19 mai 2005, BMG Canada inc v. Doe, 2005 FCA 193, [2005] 4 RCF 81, § 50 à 52.


6 –      Dans certains États membres (Royaume de Danemark, République fédérale d’Allemagne, Royaume d’Espagne, République italienne, République portugaise, République de Finlande et Royaume de Suède), en effet, la loi assurant la transposition de la directive 2001/29 exclut l’application de l’exception de copie privée aux reproductions réalisées à partir de sources illicites. Voir Westkamp, G., The Implementation of Directive 2001/29/EC in the Member States, partie II, février 2007 (http://ec.europa.eu/internal_market/copyright/docs/studies/infosoc-study-annex_en.pdf), et Commission Staff Working Document, Report to the Council, the European Parliament and the Economic and Social Committee on the Application of Directive 2001/29/EC on the harmonization of certain aspects of copyright and related rights in the information society, 30 novembre 2007 [SEC(2007) 1556]. En Irlande et au Royaume-Uni, l’exception de copie privée n’existe pas; sur la situation au Royaume-Uni, voir Torremans, P. L. C., «L’exception de copie privée au Royaume-Uni», dans Lucas, A., e.a., Les exceptions au droit d’auteur – État des lieux et perspectives dans l’Union européenne, Dalloz, 2012, p. 95.


7 –      Pour la France, voir, en particulier, Conseil d’État, 11 juillet 2008, Syndicat de l’industrie de matériels audiovisuels, no 298779, ECLI:FR:CESSR:2008:298779.20080711; RIDA, juillet 2008, no 217, p. 279; sur les suites de cet arrêt, voir Sirinelli, P., Chronique de jurisprudence, RIDA, janvier 2013, no 235, p. 275; pour un aperçu de la jurisprudence des juridictions civiles, Thoumyre, L., «Peer-to-peer: l’exception pour copie privée s’applique bien au téléchargement», Revue Lam de l’immatériel, juillet-août 2005, p. 23.


8 –      Voir, cependant, point 78 des conclusions de l’avocat général Trstenjak du 11 mai 2010 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Padawan, précité.


9 –      Pour un panorama des positions et des arguments, voir, notamment Colin, C., «Étude de faisabilité de systèmes de licences pour les échanges d’œuvres sur Internet», Rapport pour la SACD/SCAM – Belgique, 16 septembre 2011, CRIDS (http://www.crids.eu/recherche/publications/textes/synthese-sacd-scam.pdf/at_download/file), et More, K., Les dérogations au droit d’auteur – L’exception de copie privée, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 101.


10 –      Sont, notamment, pertinentes les dispositions de son article 9, paragraphes 1 et 2, définissant le droit exclusif de reproduction des auteurs d’œuvres littéraires et artistiques protégés et ses exceptions.


11 –      En vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du protocole 28 concernant la propriété intellectuelle de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»), les parties contractantes se sont engagées à obtenir leur adhésion à la convention de Berne avant le 1er janvier 1995. Voir, également, point 1 de la résolution du Conseil du 14 mai 1992 visant le renforcement de la protection du droit d’auteur et des droits voisins (JO 1992, C 138, p. 1). Pour la constatation par la Cour d’un manquement à cette obligation d’adhésion, voir arrêt du 19 mars 2002, Commission/Irlande (C‑13/00, Rec. p. I‑2943).


12 –      JO L 336, p. 1, ci-après l’«ADPIC».


13 –      JO L 89, p. 6, ci-après le «TDA».


14 –      L’article 9, paragraphe 1, de l’ADPIC opère un renvoi à la convention de Berne, et son article 13 reproduit en substance les termes de l’article 9 de cette dernière. L’article 1er, paragraphe 4, du TDA opère également un renvoi à la convention de Berne, et son article 10 reproduit également la substance de l’article 9 de ladite convention. Voir également, en annexe dudit TDA, les déclarations communes adoptées par la conférence diplomatique, le 20 décembre 1996.


15 –      Lesquelles doivent être lues à la lumière, notamment, des considérants 21, 22, 32, 38, 39, 44 et 52 de ladite directive.


16 –      JO L 157, p. 45, et rectificatifs JO L 195, p. 16, et JO 2007, L 204, p. 27.


17 –      Ci-après la «SONT».


18 –      Affaire 246698/HA ZA 05-2233, LJN BD5690.


19 –      Affaire 200.018.226/01, LJN BO3982.


20 –      La juridiction de renvoi présente elle-même la réponse à la deuxième question comme subsidiaire et subordonnée à la réponse à la première question.


21 –      C’est moi qui souligne.


22 –      La directive 2001/29 n’emploie pas l’expression «droit de copie privée», se refusant ainsi à entrer dans la polémique doctrinale concernant la nature de l’exception de copie privée. Voir, notamment, Sirinelli, P., La reconnaissance d’une garantie d’exception privée, Revue Lamy Droit de l’immatériel, octobre 2006, p. 21; voir, également, le compte rendu qu’en fait More, K., op. cit., p. 85 et suiv., qui propose de penser l’exception de copie privée en termes «d’intérêt légitime juridiquement protégé». Il sera observé, à cet égard, que la directive 2001/29 impose, dans certaines circonstances, aux États membres qui ont fait le choix d’instaurer l’exception de copie privée, d’arrêter, au terme d’un délai raisonnable, des mesures permettant aux personnes physiques d’en bénéficier; voir considérant 52 et article 6, paragraphe 4, de la directive 2001/29.


23 –      C’est moi qui souligne.


24 –      Voir considérant 32 de la directive 2001/29; arrêt Padawan, précité (points 41 et 42).


25 –      L’obligation de perception est une obligation de résultat; voir arrêt Stichting de Thuiskopie, précité (point 34).


26 –      Voir arrêt Padawan, précité (points 43 et 44).


27 –      Ibidem (points 46 à 49).


28 –      Ibidem (points 51 à 59).


29 –      Voir, également, article 10, paragraphe 3, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO L 346, p. 61), tel que modifié par l’article 11, paragraphe 1, sous b), de la directive 2001/29.


30 –      Voir arrêt Stichting de Thuiskopie, précité (points 19 à 21).


31 –      Elles figuraient déjà dans les propositions de la Commission; voir proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, du 10 décembre 1997, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information [COM(97) 628 final, JO 1998, C 108, p. 6], ainsi que proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 1999, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information [COM(1999) 250 final, JO 1999, C 180, p. 6].


32 –      Ce lien entre ces dispositions ressort également de l’article 6, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2001/29 et du considérant 52 de celle-ci.


33 –      Voir, en ce sens, More, K., op. cit., p. 48 et suiv.; Senftleben, M., «Ni flexibilité ni sécurité juridique – Les exceptions au regard du triple test», dans Lucas., A., e.a., Les exceptions au droit d’auteur – État des lieux et perspectives dans l’Union européenne, Dalloz, 2012, p. 63.


34 –      Voir, en ce sens, Gaubiac, Y., «La copie privée est-elle un cas spécial», dans Droit et technique – Études à la mémoire du professeur Xavier Linant de Bellefonds, Lexis Nexis, 2007, p. 181.


35 –      Voir arrêt Stichting de Thuiskopie, précité (point 22).


36 –      C’est moi qui souligne.


37 –      Sur la controverse relative à l’interprétation du test des trois étapes, et notamment à la question de savoir si les conditions qu’il pose doivent ou non être considérées comme cumulatives, question qu’il n’est pas nécessaire d’examiner dans le cadre de la présente affaire, voir, notamment, Ficsor, M., «Le test des trois étapes: pourquoi on ne signe pas la Déclaration de Munich», dans Lucas., A., e.a., Les exceptions au droit d’auteur – État des lieux et perspectives dans l’Union européenne, Dalloz, 2012, p. 55.


38 –      Peut, en particulier, être cité le Rapport du Groupe spécial de l’OMC, du 15 juin 2000, États-Unis – Article 110 5) de la LDA, WT/DS160/R. Le rapport indique, notamment (§ 6.181) que «les exceptions ou limitations [sont] présumées ne pas porter atteinte à l’exploitation normale d’œuvres si elles sont restreintes à une portée ou à un degré qui ne constitue pas une concurrence aux utilisations économiques ne bénéficiant pas de ces exceptions». Le rapport cite notamment les suggestions faites par un groupe d’étude constitué pour la préparation de la Conférence de révision de la convention de Berne qui s’est tenue à Stockholm en 1967, qui précisent qu’«il est évident qu’en principe il faut réserver aux auteurs toutes les formes d’exploitation d’une œuvre qui possèdent, ou qui sont susceptibles de revêtir une importance économique ou pratique considérable. Des exceptions de nature à restreindre les possibilités ouvertes aux auteurs sous ces divers rapports sont inacceptables».


39 –      Voir arrêts du 16 juillet 2009, Infopaq International (C‑5/08, Rec. p. I‑6569, point 31), ainsi que du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08, Rec. p. I‑9083, point 154).


40 –      Voir arrêt Infopaq International, précité (points 27 à 29 ainsi que 31 et suiv.).


41 –      Voir arrêt du 30 juin 2011, VEWA (C‑271/10, Rec. p. I‑5815, point 25).


42 –      Voir arrêt du 6 février 2003, SENA (C‑245/00, Rec. p. I‑1251, point 24).


43 –      Voir arrêt Padawan, précité (points 29 à 32).


44 –      Voir arrêts du 7 décembre 2006, SGAE (C‑306/05, Rec. p. I‑11519, points 31 et 33 et suiv.); Football Association Premier League e.a., précité (point 184), ainsi que du 24 novembre 2011, Circul Globus Bucureşti (C‑283/10, Rec. p. I‑12031, points 31 et 32).


45 –      Voir arrêt DR et TV2 Danmark, précité (point 34).


46 –      Voir arrêts du 18 janvier 1984, Ekro (327/82, Rec. p. 107, point 11); du 19 septembre 2000, Linster (C‑287/98, Rec. p. I‑6917, point 43); Infopaq International, précité (point 27); VEWA, précité (point 25), ainsi que DR et TV2 Danmark, précité (point 33).


47 –      La Cour a jugé, à cet égard, que ces exigences s’imposaient tout particulièrement en ce qui concerne la directive 2001/29, compte tenu des termes de ses considérants 6 et 21; voir arrêt Infopaq International, précité (point 28). Cette interprétation uniforme est également une condition de l’application cohérente, par les États membres, des exceptions et des limitations à la directive 2001/29, visée à son considérant 32; voir arrêt Padawan, précité (point 35).


48 –      Voir, notamment, arrêt du 17 novembre 1983, Merck (292/82, Rec. p. 3781, point 12).


49 –      Voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, Rec. p. 3415, point 20), ainsi que du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, point 50).


50 –      Voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, point 135), ainsi que Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, précité (point 50). Voir, également, arrêt Circul Globus Bucureşti, précité (points 34 et 35).


51 –      Voir, notamment, arrêts Infopaq International, précité (point 32), et du 3 juillet 2012, UsedSoft (C‑128/11, point 42).


52 –      Voir, notamment, arrêts du 14 juillet 1998, Bettati (C‑341/95, Rec. p. I‑4355, point 20); du 17 avril 2008, Peek & Cloppenburg (C‑456/06, Rec. p. I‑2731, point 30), ainsi que SGAE, précité (point 35).


53 –      Voir arrêt 12 septembre 2006, Laserdisken (C‑479/04, Rec. p. I‑8089, point 39).


54 –      Voir arrêt DR et TV2 Danmark, précité.


55 –      Voir considérant 21 et article 2 de la directive 2001/29.


56 –      Voir considérant 32 et article 5 de la directive 2001/29.


57 –      Voir considérant 38 de la directive 2001/29.


58 –      Idem.


59 –      Voir considérant 39 de la directive 2001/29.


60 –      Voir considérants 35 et 38 de la directive 2001/29. C’est moi qui souligne.


61 –      C’est la raison pour laquelle la Cour a jugé que la compensation équitable visée à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 devait nécessairement être calculée sur la base du préjudice causé aux auteurs des œuvres protégées par l’introduction de l’exception de copie privée; voir arrêt Padawan, précité (points 38 à 42) (c’est moi qui souligne).


62 –      C’est également, très exactement, ce qu’a jugé, en France, le Conseil d’État, à propos des articles L. 122‑5 et L. 311 du code de la propriété intellectuelle, portant transposition de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29: «la rémunération pour copie privée a pour unique objet de compenser, pour les auteurs, artistes-interprètes et producteurs, la perte de revenus engendrée par l’usage qui est fait licitement et sans leur autorisation de copies d’œuvres fixées sur des phonogrammes ou des vidéogrammes à des fins strictement privées» ; voir Conseil d’État, 11 juillet 2008, Syndicat de l’industrie de matériels audiovisuels, no 298779, ECLI:FR:CESSR:2008:298779.20080711; RIDA, juillet 2008, no 217, p. 279; sur les suites de cet arrêt, voir Sirinelli, P., Chronique de jurisprudence, op. cit., p. 275.


63 –      Une telle intention ne ressort, du reste, nullement des travaux préparatoires à l’adoption de la directive 2001/29.


64 –      L’article 5, paragraphe 3, sous e), de la directive 2001/29 prévoit une exception au droit exclusif de reproduction dans le cas de l’utilisation d’une œuvre ou d’un objet protégé à des fins de sécurité publique ou pour assurer le bon déroulement de procédures administratives, parlementaires ou judiciaires, sans se référer à la licéité de la source.


65 –      JO L 122, p. 42.


66 –      Cet alinéa concerne les exceptions visées l’article 5, paragraphe 2, sous a), c), d) et e), et à l’article 5, paragraphe 3, sous a), b) ou e), de la directive 2001/29.


67 –      Il sera observé que d’autres textes se réfèrent également à l’«utilisateur légitime»; voir, considérants 49 et 51 ainsi que article 6 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données (JO L 77, p. 20).


68 –      Voir, notamment, arrêt Infopaq International, précité (point 55 et jurisprudence citée).


69 –      Voir, s’agissant des exceptions au droit de reproduction prévues par la directive 2001/29, arrêt Luksan, précité (point 101). Voir également, dans d’autres domaines, arrêts du 26 septembre 2013, HK Danmark (C‑476/11, points 46 et 47), ainsi que Dansk Jurist- og Økonomforbund (C‑546/11, points 41 et 42).


70 –      Article 3 de la directive 2001/29.


71 –      Article 4 de la même directive.


72 –      L’exception de copie privée peut être présentée comme ayant précisément été instaurée pour soustraire du monopole du titulaire de droits les copies réalisées par les utilisateurs auxquelles il ne serait pas possible de s’opposer sans porter atteinte à la vie privée: voir Gaubiac, Y., op.cit., ainsi que More, K., op. cit., p. 79 et suiv.


73 –      La Cour a, du reste, déjà jugé que la directive 2001/29, notamment, n’impose pas aux États membres l’obligation de communiquer des données à caractère personnel en vue d’assurer la protection effective du droit d’auteur dans le cadre d’une procédure civile; voir arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C‑275/06, Rec. p. I‑271).


74 –      Voir, à cet égard, les avis divergents des avocats généraux Trstenjak (points 102 à 106 des conclusions du 11 mai 2010 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Padawan, précité) et Jääskinen (point 44 des conclusions du 10 mars 2011 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Stichting de Thuiskopie, précité).


75 –      Voir considérant 32 de la directive 2001/29.


76 –      Voir arrêt Padawan, précité (point 36).


77 –      Cet article, intitulé «Frais de justice», dispose que «[l]es États membres veillent à ce que les frais de justice raisonnables et proportionnés et les autres frais exposés par la partie ayant obtenu gain de cause soient, en règle générale, supportés par la partie qui succombe, à moins que l’équité ne le permette pas».


78 –      L’article 1er de la directive 2004/48 précise qu’elle «concerne les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle».


79 –      L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2004/48 précise qu’elle s’applique «à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle», qu’elle soit prévue par la législation de l’Union et/ou celle d’un État membre.


80 –      Voir arrêt du 18 octobre 2011, Realchemie Nederland (C‑406/09, Rec. p. I‑9773, point 47).


81 –      Arrêt du 15 novembre 2012, Bericap Záródástechnikai, C‑180/11 (point 75).


82 –      Voir arrêt Realchemie Nederland, précité (point 48).


83 –      Ibidem (point 49).


84 –      Voir arrêt Bericap Záródástechnikai, précité (point 78).


85 –      Ibidem (point 79).