Language of document : ECLI:EU:C:2011:682

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO Cruz Villalón

présentées le 20 octobre 2011 (1)

Affaire C‑507/10

X

contre

Y

[demande de décision préjudicielle formée par le Guidice per le indagini preliminari presso il Tribunale di Firenze (Italie)]

«Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2001/220/JAI – Statut des victimes dans le cadre des procédures pénales – Audition de mineurs en qualité de témoins – Incident probatoire – Refus du ministère public de demander au juge d’instruction de procéder à une audition dans le cadre d’une procédure incidente d’administration de la preuve dite ‘incident probatoire’ – Droit de recours contre les décisions du ministère public»





1.        La décision-cadre 2001/220/JAI, relative au statut des victimes dans le cadre des procédures pénales (2) (ci-après la «décision-cadre»), suscite encore des doutes d’interprétation en ce qui concerne l’application de ses dispositions aux victimes particulièrement vulnérables, en l’occurrence aux mineurs. Après l’arrêt de la Cour dans l’affaire Pupino (3), la juridiction qui nous avait adressé la question préjudicielle nous interroge à nouveau sur la portée des articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre et de sa relation avec l’«incident probatoire» prévu par les règles de la procédure pénale italienne, conformément auxquelles il est possible d’initier une procédure d’administration anticipée de la preuve durant la phase d’instruction lorsque la victime est mineure.

2.        Plus précisément, le Giudice per le indagini preliminari di Firenze (ci-après le «GIP») adresse deux questions à la Cour concernant la conformité de la législation relative à cette procédure incidente d’administration anticipée de la preuve ou «incident probatoire» avec la décision-cadre. Par la première question, il cherche à savoir si un régime comme le régime italien, en conférant exclusivement au ministère public et à l’accusé le monopole de l’initiative pour mettre en œuvre l’incident probatoire est compatible avec la décision-cadre, dans la mesure où le ministère public n’est pas tenu de recourir à la formalité de l’incident probatoire, même lorsque la victime mineure le demande. Par l’intermédiaire de la seconde question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la décision-cadre garantit à la victime mineure un droit de recours contre les décisions motivées du ministère public par lesquelles ce dernier s’oppose à la réalisation d’un incident probatoire après que la victime mineure l’a demandé.

I –    Le cadre législatif

A –    Le droit de l’Union

3.        La décision-cadre, relative au statut des victimes dans le cadre de la procédure pénale, crée un régime de protection destiné à harmoniser les dispositions nationales qui régissent ces procédures. À cette fin, elle définit la notion de «victime» à l’article 1er, sous a), de la manière suivante:

«‘victime’: la personne physique qui a subi un préjudice, y compris une atteinte à son intégrité physique ou mentale, une souffrance morale ou une perte matérielle, directement causé par des actes ou des omissions qui enfreignent la législation pénale d’un État membre».

4.        L’article 2, sous l’intitulé «Respect et reconnaissance», souligne la nécessité d’offrir un traitement spécifique aux victimes particulièrement vulnérables et indique:

«1. Chaque État membre assure aux victimes un rôle réel et approprié dans son système judiciaire pénal. Il continue à œuvrer pour garantir aux victimes un traitement dûment respectueux de leur dignité personnelle pendant la procédure et reconnaît les droits et intérêts légitimes des victimes, notamment dans le cadre de la procédure pénale.

2. Chaque État membre veille à ce que les victimes particulièrement vulnérables bénéficient d’un traitement spécifique répondant au mieux à leur situation.»

5.        Le droit de la victime à être entendue constitue l’un des traits principaux qui caractérisent le statut prévu dans la décision-cadre, en garantissant également un traitement proportionné et conforme aux objectifs de la procédure qui évite des formalités onéreuses. À cette fin, l’article 3 prévoit que:

«Audition et fourniture de preuves

Chaque État membre garantit la possibilité aux victimes d’être entendues au cours de la procédure ainsi que de fournir des éléments de preuve.

Chaque État membre prend les mesures appropriées pour que ses autorités n’interrogent les victimes que dans la mesure nécessaire à la procédure pénale.»

6.        Enfin, l’article 8 prévoit plusieurs droits destinés à protéger la victime, dont le droit des victimes vulnérables de témoigner dans des conditions conformes à leur dignité et à leur situation particulière:

«Droit à une protection

1. Chaque État membre garantit un niveau approprié de protection aux victimes et, le cas échéant, à leur famille ou aux personnes assimilées à des membres de leur famille, notamment en matière de sécurité et de protection de leur vie privée, dès lors que les autorités compétentes estiment qu’il existe un risque grave d’actes de rétorsion ou de solides indices laissant présumer une perturbation grave et intentionnelle de leur vie privée.

2. À cette fin, et sans préjudice du paragraphe 4, chaque État membre garantit la possibilité que soient adoptées, si nécessaire, dans le cadre d’une procédure judiciaire, des mesures appropriées de protection de la vie privée et de l’image de la victime, de sa famille ou des personnes assimilées à des membres de sa famille.

3. Chaque État membre veille également à éviter que les victimes et les auteurs d’infractions ne se trouvent en contact dans les locaux judiciaires, à moins que la procédure pénale ne l’impose. Le cas échéant, chaque État membre prévoit, à cette fin, la création progressive, dans les locaux judiciaires, de zones d’attente séparées pour les victimes.

4. Chaque État membre garantit, lorsqu’il est nécessaire de protéger les victimes, notamment les plus vulnérables, contre les conséquences de leur déposition en audience publique, qu’elles puissent, par décision judiciaire, bénéficier de conditions de témoignage permettant d’atteindre cet objectif, par tout moyen approprié compatible avec les principes fondamentaux de son droit.»

B –    Le droit national

7.        L’article 111 de la Constitution italienne concerne les garanties de la procédure pénale et souligne, entre autres questions, l’importance du contradictoire, ainsi que ses exceptions dans les formalités d’obtention de la preuve:

«La compétence juridictionnelle s’exerce selon le principe du juste procès réglé par la loi.

Tout procès se développe dans le respect du contradictoire entre les parties, dans des conditions de parité, devant un juge tiers et impartial. La loi en garantit la durée raisonnable.

[…]

Le procès pénal est régi par le principe du contradictoire dans la formation de la preuve. La culpabilité de l’accusé ne peut être prouvée sur la base de déclarations faites par ceux qui, librement, se sont toujours volontairement soustraits à l’interrogatoire par l’accusé ou son défenseur.

La loi règle les cas dans lesquels la formation de la preuve ne s’effectue pas dans le respect du contradictoire par consentement de l’accusé ou en raison de l’impossibilité vérifiée de nature objective ou en raison d’une conduite illicite prouvée.

[…]»

8.        L’article 112 de la Constitution italienne traite du rôle du ministère public dans la procédure pénale et souligne qu’il a l’«obligation d’exercer l’action pénale». 

9.        L’article 392, paragraphe 1 bis, du code de procédure pénale italien (Codice di procedura penale italiana, ci-après le «CPP») (4) prévoit la possibilité d’avoir recours à un incident probatoire, destiné à la préconstitution ou à l’anticipation de la preuve durant la phase d’instruction:

«Dans les procédures relatives aux délits prévus aux articles 572, 609 bis, 609 ter, 609 quater, 608 quinquies, 609 octies, 612 bis, 600, 600 bis, 600 ter, y compris pour ce qui concerne le matériel pornographique visé aux articles 600 quater, premier alinéa, 600 quinquies, 601 et 602 du code pénal, le ministère public, y compris à la demande de la victime, ou la personne faisant l’objet de l’enquête, peuvent demander que le témoignage du mineur ou de la victime majeure soit recueilli dans le cadre de l’incident probatoire, même en dehors des hypothèses prévues au paragraphe 1.»

10.      Le droit de demander l’incident probatoire est reconnu à la victime dans les termes suivants à l’article 394 du CPP:

«1. La victime peut demander au ministère public d’ouvrir un incident probatoire.

2. S’il ne fait pas droit à la demande, le ministère public prononce une décision motivée et la fait notifier à la victime.»

11.      La pratique de l’incident probatoire est détaillée à l’article 398, paragraphe 5 bis, du CPP, qui dispose que:

«Dans le cas d’enquêtes qui concernent des hypothèses d’infraction prévues aux articles 600, 600 bis, 600 ter, y compris portant sur du matériel pornographique visé à l’article 600 quater, 600 quinquies, 601, 602, 609 bis, 609 ter, 609 quater, 609 octies et 612 bis du code pénal, si des mineurs sont présents parmi les personnes concernées par l’obtention de la preuve, le juge définit, dans l’ordonnance mentionnée au paragraphe 2, le lieu, le délai et les modalités particulières pour procéder sous forme d’incident probatoire, quand les exigences de protection des personnes le rendent nécessaire ou opportun. À cette fin, l’audience peut se dérouler dans un lieu différent du tribunal, le juge pouvant avoir recours à des structures d’assistance spécialisées, lorsqu’elles existent ou, à défaut, au domicile de la personne concernée par l’obtention de la preuve. Les témoignages doivent être intégralement documentés par des moyens de reproduction phonographique et audiovisuelle. En l’absence d’instruments de reproduction ou de personnel technique, il est fait appel à l’expertise ou à la consultation technique. Un procès-verbal de l’interrogatoire est également rédigé sous forme récapitulative. La transcription de la reproduction n’est ordonnée qu’à la demande des parties.»

II – Les faits

12.      M. X et Mme Y, parents de la mineure Z, ont mis fin à une vie commune stable en juin 2007. À partir de ce moment, une situation litigieuse dans le cadre de laquelle plusieurs plaintes s’entrecroisent se met en place. Dans l’une de ces plaintes, Mme Y a informé les autorités qu’elle soupçonnait M. X d’avoir commis des actes à caractère sexuel sur leur fille commune, à l’époque mineure, ces actes ayant prétendument eu lieu au mois de juin 2007. La gravité des charges a justifié l’ouverture de la phase d’instruction d’un procès pénal auprès du Guidice per le indagini preliminari.

13.      Ainsi que l’indiquent l’ordonnance de renvoi et le dossier national qui a été transmis à la Cour, le ministère public a demandé au GIP le classement de l’affaire le 8 mai 2008, au motif que la plainte n’était pas assez étayée (5).

14.      Le 27 mai 2008, la représentante de la victime s’est formellement opposée à la demande de classement du ministère public. Le GIP a ensuite entendu les parties et la victime, cette dernière demandant la mise en œuvre de l’incident probatoire. En dépit de son renouvellement, le GIP a refusé la demande de classement du ministère public, avant d’ordonner l’ouverture de l’incident probatoire, laquelle a eu lieu le 9 novembre 2009.

15.      L’avocat de M. X a formé un pourvoi en cassation devant la Corte di cassazione contre la décision du GIP qui ordonnait l’ouverture d’un incident probatoire. Cette juridiction a prononcé sa décision le 27 mai 2010 en accueillant le pourvoi de M. X et en annulant la décision attaquée, ainsi que toute mesure afférente audit incident.

16.      Le 14 juillet 2010, le ministère public a de nouveau demandé le classement du dossier, en renvoyant aux arguments exposés dans sa première demande, ainsi qu’aux éléments fournis ultérieurement et qui, selon lui, ne modifiaient pas son appréciation initiale des faits. La représentante de la victime s’est opposée à la demande du ministère public et, à la suite d’une nouvelle audience, le GIP a décidé de poser une question préjudicielle à la Cour.

III – La question préjudicielle et la procédure devant la Cour

17.      Le 25 octobre 2010, le greffe a enregistré la question préjudicielle. Il ressort assez clairement d’une longue exposition détaillée que deux questions sont posées à la Cour, même si la juridiction de renvoi s’abstient singulièrement de les formuler. Ces questions pourraient être rédigées ainsi:

«1)      Les articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil, du 15 mars 2001, relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale telle que celle figurant à l’article 392, paragraphe 1 bis, du code de procédure pénale italien, dans la mesure où cette réglementation ne prévoit pas l’obligation pour le ministère public de demander l’audition et le recueil des déclarations de la victime mineure par l’intermédiaire d’un incident probatoire avant la phase orale de la procédure, bien que la victime l’ait expressément demandé?

2)      Les articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle figurant à l’article 394 du code italien de procédure pénale, qui ne prévoit pas la possibilité pour la victime mineure de contester judiciairement la décision du ministère public de rejeter sa demande à être entendue dans le cadre d’un incident probatoire?»

18.      L’avocat de M. X, la représentante de la victime dans la procédure au principal, les gouvernements allemand, italien et néerlandais, l’Irlande, ainsi que la Commission européenne ont présenté leurs observations dans cette affaire. Aucun des intervenants n’a demandé la tenue d’une audience.

IV – Observations préliminaires

19.      Les questions soulevées par la juridiction de renvoi requièrent des précisions préalables concernant la procédure pénale italienne. La question posée traite de l’«incident probatoire», expression qui désigne une formalité qui peut être mise en œuvre durant la phase d’instruction et avant l’ouverture de la procédure orale. Ainsi qu’on le sait, ce n’est pas la première fois que la Cour est confrontée à des problèmes générés par l’incident probatoire italien vis-à-vis du droit de l’Union, mais cette question acquiert une nouvelle dimension, étant donné qu’elle concerne le rôle du ministère public et le contrôle judiciaire auquel il est assujetti en conséquence de ses liens avec la légalité.

20.      En dépit des changements introduits par la Constitution italienne en droit de la procédure pénale, le législateur n’a entrepris aucune réforme complète de la matière jusqu’à l’entrée en vigueur en 1988 du CPP, texte dont le principal apport a été l’établissement d’une procédure pénale de caractère accusatoire. Jusqu’alors, la procédure pénale italienne s’inspirait d’un modèle inquisitorial principalement exposé dans le code Rocco de 1930 (6).

21.      Le CPP de 1988 a introduit un schéma de procédure pénale fondé sur une séparation claire entre la phase d’instruction et la phase orale, dans le cadre duquel les opérations d’enquête, menées lors de l’instruction, incombent à la police et au ministère public (7). Durant la phase d’instruction, les éléments nécessaires pour étayer l’accusation et la défense sont recueillis, puis joints au dossier. À l’ouverture de la phase orale, les parties proposent au tribunal de présenter les faits qui étayent leurs positions respectives, à condition qu’ils figurent dans les formalités réalisées durant l’instruction (8). En principe, le tribunal qui connaît de l’affaire n’a pas accès à l’ensemble du dossier, mais seulement aux éléments sélectionnés par les parties et à prouver durant la procédure orale.

22.      La rigidité de ce schéma a sa raison d’être dans le modèle accusatoire dont s’inspire la procédure pénale italienne, modèle qui recherche la contradiction et l’égalité des armes entre l’accusation et la défense. Une vérité matérielle émergerait de ce conflit, ce qui permettrait au juge de qualifier une conduite déterminée et de résoudre le litige. Il s’agit, en définitive, de parvenir à un dénouement qui corresponde strictement aux faits tout en garantissant simultanément les droits de l’accusé (9).

23.      Néanmoins, la procédure pénale italienne ne répond pas aux caractères du modèle accusatoire pur. En effet, peu après l’entrée en vigueur du CPP, tant la Corte costituzionale que les tribunaux ordinaires ont imposé et maintenu respectivement des pratiques plus en rapport avec le modèle inquisitorial antérieur. Les différences d’appréciation entre le législateur et les juridictions ont abouti à une réforme de l’article 111 de la Constitution italienne, dont le libellé, entre autres, consacre les principes de base d’une procédure accusatoire tout en conférant en même temps un certain pouvoir d’aménagement au législateur (10). Ce caractère discrétionnaire a permis un schéma procédural qui transforme la procédure pénale italienne en un modèle intermédiaire, qui est marqué par un caractère accusatoire tout en conservant certains aspects propres au modèle inquisitorial (11).

24.      Deux des aspects qui constituent des exceptions au caractère accusatoire présentent une importance particulière pour la résolution de la présente question préjudicielle, car ils concernent le rôle du ministère public et la production de la preuve avant l’ouverture de la procédure orale.

25.      Durant la phase d’instruction, le rôle du juge d’instruction (le GIP) est plus réactif qu’actif, car sa fonction se limite à assurer le bon déroulement de la procédure et à garantir les droits de l’accusé, ainsi que ceux de la victime (12). Le GIP ne dirige pas, pas plus qu’il n’intervient dans les différents actes de l’enquête, car les éléments de preuve ne sont formellement produits que durant la procédure orale. Ce rôle passif du GIP fait du ministère public le principal moteur de la procédure durant la phase d’instruction, et c’est à lui qu’incombent exclusivement la direction de l’enquête (13) et l’exercice de l’action pénale (14). Cependant, en guise d’exception au modèle accusatoire pur, l’article 409, paragraphe 5, du CPP prévoit que le GIP peut obliger le ministère public à «formuler l’accusation», rompant ainsi avec sa position passive au nom du principe de légalité (15).

26.      De même, au cours de l’instruction, il y a une enquête sur les faits qui constitueront ultérieurement des preuves, mais la responsabilité de leur ajout à la procédure incombe exclusivement à la police, au ministère public et à l’accusé. La règle connaît une exception lorsque les circonstances énumérées à l’article 392 du CPP sont réunies, cet article autorisant le GIP à faire usage de l’incident probatoire. En effet, c’est par cette voie qu’est admise la préconstitution ou la production anticipée de la preuve durant la phase d’instruction, en vue de son examen ultérieur au cours de la phase orale. Le fondement de cet article est clair: lorsqu’il existe un risque qu’il soit impossible d’administrer la preuve durant la phase orale, ou lorsqu’il est nécessaire de mettre en balance la recherche de la vérité matérielle avec d’autres valeurs d’importance particulière (supérieure?), il y a lieu de déroger au principe accusatoire et d’avancer la réalisation, dans le cadre de la phase d’instruction, d’une formalité qui, en principe, correspond à la phase orale (16).

27.      L’article 392, paragraphe 1 bis, admet la préconstitution de la preuve lorsque la victime de l’un des délits qui y sont énumérés est mineure. On entend par cette mesure, d’une part, éviter que le temps écoulé entre les faits et la procédure orale n’altère le témoignage de la victime et, d’autre part, ménager une modalité de témoignage qui soit en accord avec la condition particulièrement vulnérable du mineur.

28.      Seul le GIP peut autoriser l’ouverture de l’incident probatoire, sur demande exclusive du ministère public ou de l’accusé (17). Cependant, le CPP reconnaît aux victimes mineures la faculté de s’adresser au ministère public afin que ce dernier demande l’ouverture d’un incident au GIP. La décision du ministère public relative à la demande d’ouverture d’un incident probatoire est adoptée dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Elle doit néanmoins toujours être motivée (18), même si la victime ne peut contester une décision négative éventuelle devant aucune juridiction.

29.      C’est sur ce point que se focalisent dans la présente affaire les deux questions posées par le GIP, dont je vais entreprendre successivement l’analyse.

V –    La première question préjudicielle

30.      Par la première question, le GIP nous interroge sur la compatibilité des articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre avec une règle telle que celle de l’article 392, paragraphe 1 bis, du CPP. Concrètement, selon la juridiction de renvoi, un régime qui n’oblige pas le ministère public à demander formellement l’ouverture d’un incident probatoire après que cela a été demandé par la victime mineure suscite des doutes au regard des dispositions précitées du droit de l’Union.

31.      M. X et les États qui ont présenté des observations dans le présent cas d’espèce considèrent tous qu’il n’y a pas d’incohérence entre le droit italien et la décision-cadre. Tous sont d’accord pour souligner que les articles 2, 3 et 8 précités exigent, bien entendu, que les États membres adoptent des mesures de protection des victimes vulnérables lorsqu’elles sont appelées à témoigner dans le cadre d’une procédure pénale, mais qu’ils ne déterminent pas les modalités concrètes qui doivent être employées à cette fin.

32.      La Commission défend une position intermédiaire, se ralliant en principe à la thèse antérieure, tout en réservant l’hypothèse dans laquelle le GIP est certain de l’ouverture d’une procédure orale, auquel cas la mise en œuvre de l’incident probatoire devrait être, d’une façon ou d’une autre, impérative en vertu de la décision-cadre. Seule la représentante de la victime dans la procédure au principal a soutenu le caractère illicite du régime italien.

33.      J’examinerai la réponse à cette question en trois étapes successives, en examinant en premier lieu le statut particulier qui est conféré, conformément à la décision-cadre, à la victime mineure en tant que victime particulièrement vulnérable et les effets qui en découlent. Une fois confirmé que cette hypothèse est réalisée dans le présent cas d’espèce, j’exposerai la portée éventuelle de la décision-cadre sur les incidents probatoires dans les phases préliminaires des procédures pénales affectant des victimes mineures. Enfin, j’examinerai le régime particulier de l’incident probatoire italien et, notamment, les pouvoirs conférés au ministère public dans le cadre de celui-ci, au regard du cadre juridique précité.

34.      Il importe de souligner ici que les doutes soulevés par la juridiction de renvoi concernent exclusivement la phase d’instruction de la procédure pénale. Partant ne font pas partie des questions qui nous ont été formulées toutes les considérations relatives au traitement auquel les victimes, en particulier les mineurs, ont droit dans une autre phase de la procédure pénale.

A –    La décision-cadre et les victimes particulièrement vulnérables

35.      Bien que la décision-cadre prévoie un régime général applicable à toutes les victimes dans la procédure pénale, son article 2, paragraphe 1, fait une mention spéciale pour les victimes «particulièrement vulnérables» auxquelles les États membres accorderont un «traitement spécifique répondant au mieux à leur situation». Cet article, situé d’un point de vue systémique dans le début de la décision-cadre, présente une idée force qui imprègne toute son articulation. Partant, les États membres sont tenus d’introduire des différences de traitement en faveur des victimes particulièrement vulnérables, en évitant toute mesure qui introduise une équivalence arbitraire qui ne tienne pas compte de la situation particulière à laquelle ces victimes sont exposées. Du point de vue des effets de cet article, il y a lieu d’affirmer que la décision-cadre introduit un standard de protection supérieure lorsqu’un acte national affecte une victime particulièrement vulnérable (19).

36.      Ainsi qu’on le sait, le droit de l’Union reste silencieux sur la définition de la notion de «victime particulièrement vulnérable». Il s’agit d’une décision consciente du législateur européen dans le but de conférer une certaine flexibilité à l’application de la décision-cadre (20). Néanmoins, dans le cas des victimes mineures, il n’y a pas de doutes sur leur qualification comme «victimes particulièrement vulnérables», ainsi que la Cour l’a déclaré dans l’arrêt Pupino (21), qui reprend les arguments détaillés de l’avocat général Kokott exposés dans ses conclusions relatives à cette affaire (22). Ainsi que l’a affirmé la Cour dans l’arrêt précité, le fait «que la victime d’une infraction pénale est un mineur suffit, en règle générale, pour qualifier une telle victime de particulièrement vulnérable au sens de la décision-cadre» (23).

37.      Partant, dans la présente affaire, il convient d’effectuer une interprétation des dispositions de la décision-cadre en tenant compte du niveau élevé de protection qu’exige la victime particulièrement vulnérable. Cette condition est précisément celle dont se prévaut la victime dans la procédure au principal, en arguant avoir été agressée sexuellement par son géniteur alors qu’elle avait cinq ans. Il convient de garder à l’esprit cette particularité tout au long du raisonnement des présentes conclusions, car elle identifie l’un des critères qu’il faudra pondérer pour apporter une réponse concluante.

B –    Les articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre et les mesures de préconstitution de la preuve en phase d’instruction de la procédure pénale

38.      Parvenu à ce point du raisonnement, avant d’entrer dans les considérations relatives aux aspects précis de l’incident probatoire italien, il convient de préciser l’incidence de la décision-cadre sur les mesures nationales de préconstitution ou d’anticipation de la preuve durant la phase d’instruction de la procédure pénale. Ainsi que nous le verrons, ce texte prévoit une obligation générale, en vertu de laquelle les États membres doivent tenir compte des circonstances particulières des victimes vulnérables lorsqu’il est nécessaire de les appeler à faire une déposition en audience publique. Le cadre juridique de l’Union, y compris le droit originaire et la jurisprudence de la Cour, confirme qu’il s’agit d’une obligation de garantir ces mesures, qui attribue en même temps un large pouvoir de configuration législative aux États membres.

39.      L’article 3, paragraphe 2, de la décision-cadre requiert des États membres qu’ils adoptent les «mesures appropriées» afin que les autorités interrogent les victimes «dans la mesure nécessaire à la procédure pénale». Au regard de l’emploi du terme «nécessaire», il est évident que ledit article 3 constitue l’expression d’un mandat de proportionnalité dont les destinataires sont les États membres, qui sont responsables de l’adoption des mesures adéquates et nécessaires qui résultent d’un processus de pondération de toutes les forces en jeu. De même, l’article ne fait aucune mention des différentes phases de la procédure pénale, et il se limite à formuler une prescription générique applicable à l’ensemble de la procédure.

40.      L’article 8 de la décision-cadre agit comme une loi spéciale de l’article 3 précité. En édictant un standard de protection de la victime du point de vue de sa sécurité et de son intimité, son paragraphe 4 définit de manière détaillée l’obligation des États membres de garantir aux victimes les plus vulnérables une protection contre les «conséquences de leur déposition en audience publique». Afin d’assurer cette protection, la disposition confère à la victime un droit à «bénéficier de conditions de témoignage permettant d’atteindre [cette protection], par tout moyen approprié compatible avec les principes fondamentaux de son droit». Par conséquent, dans l’hypothèse de la participation de la victime en qualité de témoin durant l’audience publique, la décision-cadre élève considérablement le ton et s’exprime en des termes plus proches de ceux d’un droit de la victime. Cependant, il y a lieu de souligner qu’elle le fait en laissant à nouveau à chaque État membre une large marge de manœuvre (elle parle de «moyen approprié») et qu’elle introduit une sauvegarde: les «principes fondamentaux de son droit».

41.      La Cour a eu l’occasion d’interpréter la portée des articles 3 et 8 de la décision-cadre dans des cas affectant des victimes mineures, cette unique mais notable occasion ayant abouti au célèbre arrêt Pupino (24). Au point 56 de l’arrêt, la Cour s’est prononcée sur l’obligation qui incombe aux États membres, en conséquence desdites dispositions, en déclarant que «la réalisation des objectifs poursuivis par les dispositions précitées de la décision-cadre exige qu’une juridiction nationale ait la possibilité, pour les victimes particulièrement vulnérables, d’utiliser une procédure spéciale, telle que la procédure incidente d’administration anticipée de la preuve» (25). L’arrêt ajoute ensuite qu’il s’agit là de la voie adéquate lorsque «cette procédure répond le mieux à la situation de ces victimes et s’impose afin de prévenir la déperdition des éléments de preuve, de réduire au minimum la répétition des interrogatoires et de prévenir les conséquences préjudiciables, pour lesdites victimes, de leur déposition en audience publique».

42.      Il est important de relever que l’«exigence» mentionnée par la Cour concerne uniquement la «possibilité» que la juridiction utilise une procédure spéciale de préconstitution ou d’anticipation de la preuve. À aucun moment, une obligation de prévoir un incident probatoire tel que celui qui figure en droit italien n’est imposée aux États membres. En utilisant cette terminologie, l’arrêt souligne l’importance que revêt pour la décision-cadre le fait que les États membres prévoient un traitement spécifique pour les victimes particulièrement vulnérables, que ce soit au moyen de règles écrites ou, de manière plus générale, par leur pratique judiciaire. Cependant, la Cour n’a à aucun moment déclaré que l’incident probatoire constituait la seule voie pour parvenir à cet objectif.

43.      La solution apportée par la Cour dans l’affaire Pupino n’invalide pas cette conclusion. En effet, ainsi qu’on le sait, l’arrêt a déclaré dans son dispositif qu’un régime tel que le régime italien, en circonscrivant l’incident probatoire uniquement à un nombre réduit de délits, n’était pas compatible avec la décision-cadre.

44.      En déclarant le régime italien illégal, la Cour ne réalisait pas une interprétation large de la décision-cadre qui aboutirait à une extension de l’incident probatoire à toute l’Union. J’estime que la raison sous-jacente et déterminante de la décision de la Cour dans l’affaire Pupino réside dans l’impossibilité pratique d’identifier une raison dans la décision du législateur national de confiner la modalité de l’incident probatoire aux seules hypothèses de délits sexuels impliquant des mineurs. Les doutes qui pesaient sur le droit italien ne résultaient pas de l’existence ou non d’une certaine voie procédurale, mais du fait que cette voie était prévue dans les procédures relatives à certains délits, tels que les agressions sexuelles, mais pas d’autres, comme les atteintes physiques aux personnes. La Cour a estimé que cette configuration privait sans raison un nombre important de victimes particulièrement vulnérables d’une démarche procédurale adaptée à leur statut particulier (26).

45.      La marge d’appréciation des États membres est encore plus importante lorsqu’ils défendent des intérêts qui méritent également protection, comme c’est le cas des politiques qui tendent à la protection des personnes autres que la victime. C’est ce que la Cour a déclaré dans l’arrêt Gueye et Salmerón Sánchez, lorsqu’elle a admis la possibilité de limiter le droit de la victime vulnérable à être entendue lorsque cela est justifié par des raisons d’intérêt général, comme la lutte contre la violence domestique (27).

46.      Enfin, il est nécessaire d’évoquer l’article 24, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, qui proclame que l’opinion des enfants «sera prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité». La disposition s’inspire, selon les explications relatives aux dispositions de la charte, de l’article 12 de la convention de New York sur les droits de l’enfant (28), ratifiée par tous les États membres, et dont l’énoncé est quasiment identique à celui du droit prévu dans la législation européenne (29). La principale divergence entre les deux articles (qui cependant n’est en aucun cas une contradiction) apparaît à l’article 12, paragraphe 2, de la convention, qui ajoute, après avoir reconnu le droit de l’enfant à exprimer son opinion et à être entendu, que l’«on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale».

47.      En conséquence, l’article 24, paragraphe 1, de la charte incorpore une dimension judiciaire au droit de l’enfant à ce que son opinion soit prise en compte conformément à sa condition particulière. Il ressort de cette interprétation au regard de la convention de New York que les États membres sont tenus de satisfaire aux besoins des victimes mineures lorsqu’elles sont appelées à comparaître devant un tribunal. Cependant, ni la charte ni la convention n’exigent des États membres une modalité précise d’intervention. L’exigence de l’article 24 se limite à ce que les mesures de protection existent, même si les États membres disposent d’un large pouvoir discrétionnaire en la matière.

48.      C’est ce que la Cour a confirmé dans la maigre jurisprudence rendue jusqu’à présent au sujet de l’article 24 de la charte. Il en est ainsi de l’arrêt Aguirre Zarraga (30), qui est une affaire relative au droit d’un mineur à être entendu dans une procédure civile concernant sa garde. Comme dans l’affaire Pupino, la Cour a rappelé que le droit de l’Union exige que des procédures existent, mais qu’il n’exige pas une procédure unique et spécifique de protection des droits du mineur dans le cadre du déroulement des procédures judiciaires. Ainsi, l’arrêt constate que les États membres disposent d’une large marge de configuration, par laquelle ils pondèrent les mesures appropriées dans chaque cas concret (31). Conformément à cette affirmation, la Cour termine en ajoutant que, nonobstant la teneur de l’article 24 de la charte, «l’audition ne peut pas constituer une obligation absolue, mais doit faire l’objet d’une appréciation en fonction des exigences liées à l’intérêt supérieur de l’enfant dans chaque cas d’espèce» (32).

49.      La décision-cadre, bien qu’adoptée avant l’entrée en vigueur de la charte, doit être interprétée conformément aux droits fondamentaux qu’elle proclame (33). Ainsi que nous venons de l’exposer, interprétés harmonieusement les textes précités se rejoignent toujours sur la même prémisse: les États membres sont tenus de prévoir des mesures spécifiques pour répondre aux besoins particuliers des victimes mineures dans le cadre de procédures judiciaires. Néanmoins, aucune des dispositions analysées n’impose une forme concrète et particulière, et ils laissent aux États membres une large marge d’appréciation qui doit guider non seulement le législateur, mais également les juridictions.

50.      Avec ce contexte normatif en toile de fond, nous pouvons à présent aborder le problème spécifique de cette affaire. La question posée à la Cour par le GIP ne concerne pas l’existence de l’incident probatoire, car celui-ci est prévu pour une hypothèse comme celle du cas d’espèce, mais son aménagement procédural, et notamment de l’influence plus ou moins importante, respectivement, de la victime ou du juge d’instruction, lorsqu’il faut mettre en œuvre un incident probatoire. Autrement dit, il s’agit d’apprécier si nous nous trouvons face à des mesures qui rendent excessivement difficile l’accès de la victime à la procédure de l’incident probatoire. Évidemment, il peut y avoir violation de la décision lorsqu’un État membre introduit des conditions si lourdes qu’elles équivalent à une éradication de toute modalité de témoignage particulière pour la victime vulnérable. Il convient à présent de déterminer si le droit italien en cause aboutit à un résultat similaire.

C –    L’obligation du ministère public de demander au GIP l’ouverture d’un incident probatoire

51.      En résumé, la juridiction de renvoi doute de la compatibilité du droit procédural italien avec les articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre, car, même si la victime mineure faisait expressément part de sa volonté de se soumettre à un incident probatoire, celui-ci ne pourra être réalisé que s’il bénéficie de l’impulsion initiale du ministère public. Le GIP ne dispose pas d’un pouvoir ex officio qui lui permette d’ordonner l’incident probatoire, et la victime ne peut pas non plus le demander directement. Elle doit en effet nécessairement faire appel au ministère public afin que celui-ci présente la demande adéquate au juge. Ce résultat constitue, selon la juridiction de renvoi, un «problème de l’inconséquence intrinsèque des articles 392, paragraphe 1 bis, et 398 du code de procédure pénale», car, d’un côté, le ministère public est tenu de formuler l’accusation (le juge peut même l’y contraindre), mais il n’est pas tenu de demander l’ouverture d’une procédure d’incident probatoire.

52.      La réponse à cette question nécessite une interprétation détaillée de l’article 8, paragraphe 4, de la décision-cadre. En effet, cette disposition prévoit, dans les hypothèses relatives à la déposition en audience publique du mineur, que l’État membre «garantit, lorsqu’il est nécessaire de protéger les victimes [vulnérables]» des mesures destinées à permettre à la victime de faire sa déposition «[dans des] conditions de témoignage permettant d’atteindre cet objectif». L’article ajoute en outre deux précisions importantes. La première concerne l’autorité et la forme que doit revêtir la décision pertinente, car l’article précise que cette voie procédurale sera adoptée «par décision judiciaire» (34). La seconde agit comme une limite, car il faudra garantir la voie procédurale en cause à condition qu’elle soit formulée «par tout moyen approprié compatible avec les principes fondamentaux de son droit», à savoir du droit interne. Par conséquent, la décision-cadre oblige les États membres à attribuer la compétence relative aux formalités de déclaration anticipée à une autorité publique, à condition qu’elle soit «judiciaire», mais elle exige également certaines sauvegardes en faveur de chaque système juridique. La protection de la victime vulnérable est prioritaire, mais la formalité adéquate pour garantir sa protection laisse une large marge de décision aux autorités nationales.

53.      De même, la décision-cadre énonce au neuvième considérant de son exposé des motifs que ses dispositions «n’imposent toutefois pas aux États membres de garantir aux victimes un traitement équivalant à celui des parties aux procès». Cette précision est cohérente avec les dispositions de l’article 8 précité, car elle rappelle à l’interprète que la position de la victime mérite une protection particulière, sans pour autant imposer que son statut soit le même que celui du ministère public. Dans un système accusatoire tel que le système italien, la décision d’attribuer la charge de l’accusation exclusivement à un organe indépendant et soumis au principe de légalité serait vidée de son sens si, par l’intermédiaire d’un instrument législatif de droit de l’Union, on reconnaissait à la victime une position équivalente à celle du ministère public. La décision-cadre ne laisse pas de place à un modèle de justice restaurative, et le contraire ne ressort pas non plus de ses travaux préparatoires: la République portugaise, lorsqu’elle a proposé au Conseil le projet à l’origine du texte actuel, n’a à aucun moment fait allusion à la nécessité d’attribuer à la victime un rôle moteur dans toutes les procédures pénales existant dans les États membres (35). Par conséquent, lorsque l’article 8 exige que la décision d’établir une voie procédurale spécifique soit adoptée par une «décision judiciaire», et toujours dans le cadre prévu par les principes fondamentaux du droit national, il rappelle que la victime est l’objet de protection, mais qu’elle n’est pas titulaire des pouvoirs destinés à sa protection. Ces pouvoirs incombent aux autorités judiciaires, parmi lesquelles figure, ainsi que le droit italien le prévoit, le ministère public (36).

54.      Après le cadre législatif applicable, voyons maintenant si les dispositions qui régissent l’incident probatoire trouvent leur place dans la décision-cadre.

55.      Selon l’article 394 du CPP, la victime peut s’adresser au ministère public pour demander à celui-ci de solliciter à son tour le GIP dans l’objectif de l’organisation d’un incident probatoire. La décision du ministère public doit en tout état de cause être motivée, de sorte que, dans l’hypothèse où il rejetterait la demande de la victime, les raisons sous-jacentes à cette décision doivent être exprimées. De même, le ministère public est exclusivement soumis au principe de légalité et il a même une obligation constitutionnelle d’exercer l’action pénale (37). Le rôle du ministère public n’est autre que de défendre la légalité, mission qu’il remplit en toute indépendance et pour laquelle il dispose d’un statut constitutionnel et légalement protégé (38). Dans le cadre de cette défense de la loi, le ministère public traite logiquement la situation spécifique des victimes les plus vulnérables. En tant qu’autorité judiciaire indépendante et soumise au principe de légalité, le ministère public a l’obligation de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant. De ce point de vue, il s’agit d’un organe qui protège, en qualité de garant de la légalité, la victime mineure dans le cadre du déroulement de la procédure pénale (39).

56.      Le fait que le ministère public soit le seul destinataire de la demande de la victime mineure relative à l’ouverture d’un incident probatoire confirme l’appréciation antérieure. Étant donné que le droit italien confie au ministère public la mission de représenter l’intérêt supérieur de l’enfant, il décidera dans cette optique de l’éventualité de demander formellement l’ouverture d’un incident probatoire. En ce sens, la décision du ministère public constitue la «décision judiciaire» à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 4, de la décision-cadre, notion qui doit être interprétée, ainsi que nous l’avons préalablement souligné, en un sens large et en tenant compte des principes qui inspirent chaque droit national (40). Ainsi, le droit italien a attribué au ministère public, entre autres tâches, la fonction de garant de la victime pour les cas de dépositions en audience publique. En confiant cette mission au ministère public, organe indépendant et lié uniquement par la loi, en respectant le droit de la victime à être entendue concernant le caractère opportun de l’organisation de l’incident probatoire, et en adoptant une décision à ce sujet de façon motivée, le droit national est parvenu à un équilibre qui, en principe, sauvegarde les objectifs et les principes établis dans la décision-cadre.

57.      Les considérations antérieures sont encore renforcées si l’on prête attention aux particularités du modèle de procédure pénale italien, dont il convient de tenir compte en vertu de l’article 8, paragraphe 4, cité à de nombreuses reprises. En exigeant que les victimes puissent témoigner par l’intermédiaire de formalités procédurales spécifiques, à condition qu’elles soient compatibles avec les «principes fondamentaux de leur droit [interne]», l’accent est mis sur l’importance conférée aux droits fondamentaux, mais également sur chaque tradition juridique procédurale nationale, notamment la tradition procédurale en matière pénale. Cette limite est actuellement reflétée de manière générale, pour tout l’espace de liberté, de sécurité et de justice à l’article 67, paragraphe 1, TFUE, en vertu duquel l’Union constitue cet espace «dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques des États membres». La décision-cadre, adoptée en vertu des fondements juridiques de la politique précitée, remplit ce mandat et accueille les particularités propres de chaque droit national.

58.      Dans le cas italien, il y a lieu de rappeler que l’incident probatoire constitue une exception au principe accusatoire, et qu’il a reçu en tant que tel un traitement spécifique à l’article 111 de la Constitution italienne (41). La possibilité de préconstituer ou d’anticiper la preuve dans le cadre de la procédure pénale est prévue dans la plupart des ordres juridiques nationaux, mais sa pratique est accompagnée de nombreuses sauvegardes destinées à protéger les droits de l’accusé. Cette tension, qui est à l’origine d’un modèle de justice pénal que le droit de l’Union ne met pas en cause, recherche un équilibre entre l’efficacité de la recherche de la vérité matérielle, la protection de l’intérêt supérieur de la victime vulnérable et les droits fondamentaux de l’accusé. Tous ces aspects ont été pris en compte par le droit italien lorsqu’il a réglementé l’incident probatoire et, en conséquence, j’estime que les dispositions précitées ne sont contraires ni au libellé ni aux objectifs des articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre.

59.      Avant de conclure, il importe de souligner l’argument avancé par la Commission, selon lequel il y aurait eu une violation de la décision-cadre si le GIP était certain de la tenue d’une procédure orale. La thèse défendue par la Commission mêle deux scénarios. Le premier se présente après le déroulement de la phase orale, dans laquelle, selon la Commission, la victime mineure serait exposée à des conséquences préjudiciables incompatibles avec la décision-cadre. Le second scénario apparaît avant le début de la phase orale, sous réserve que le GIP soit certain de la survenue de celle-ci.

60.      Dans la première hypothèse, la Commission se trompe en affirmant sans plus que la procédure orale aura des effets préjudiciables pour la victime mineure, car le droit italien, ainsi que le gouvernement italien l’a souligné dans ses observations écrites, prévoit des mesures de protection spécifiques pour les victimes vulnérables durant cette phase de la procédure. On ne saurait affirmer catégoriquement que la déposition de la victime mineure durant la phase orale constitue une violation de la décision-cadre. En outre, la présente affaire ne traite pas de la situation de la victime durant la procédure orale, mais de sa situation durant la phase qui précède le début de la procédure orale. Partant, cette partie de l’argument avancé par la Commission doit être rejetée.

61.      La seconde hypothèse décrite par la Commission mérite en revanche une plus grande attention. En effet, dans des circonstances comme celles de la présente affaire, et dans le cadre de la phase antérieure à la procédure orale, il peut arriver que le refus du ministère public de demander l’incident probatoire se heurte à la décision de débuter la phase contradictoire, ou à une décision relevant du juge qui permette d’entrevoir la suite du procès. Dans ce contexte, refuser l’ouverture de l’incident probatoire pourrait, le cas échéant, aboutir à une violation de la décision-cadre. Partant, il faut examiner en détail si, durant la phase précédant la procédure orale du procès pénal italien, des circonstances de cette nature se produisent.

62.      En droit italien, l’exercice de l’action pénale n’emporte pas automatiquement l’ouverture de la procédure orale. Celle-ci n’a lieu que lorsque le Guidice dell’udienza preliminare, organe unipersonnel différent du Guidice per le indagini preliminari (42), entend les parties dans le cadre de l’audience publique, qu’il qualifie les charges et déclare ouverte la procédure orale (43). Par conséquent, entre le moment de l’exercice de l’action pénale et le début de la phase orale, il s’écoule un délai durant lequel l’incident probatoire peut encore être demandé (44). Dans l’hypothèse où le GIP demanderait au ministère public de formuler l’accusation, la procédure commencera par la tenue d’une audience préliminaire qui aboutira à une décision relative au début de la phase orale (45). Durant ce laps de temps, les probabilités que le procès ait finalement lieu auront augmenté. Qui plus est: s’il existait des doutes sur la consistance des faits qui fondent l’accusation, le cadre approprié pour éclaircir tous ces doutes est la phase orale. À cet égard, il convient de rappeler ici la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en ce qui concerne les obligations positives de l’État, notamment du ministère public, lorsqu’il y a des victimes vulnérables et que les doutes concernant les faits mettent fin à une enquête qui, normalement, devrait être achevée par voie judiciaire (46). Par conséquent, une fois qu’il est obligé de formuler l’accusation, face à l’éventualité que le Giudice dell’udienza preliminare ordonne l’ouverture de la procédure orale, il est prévisible et même logique que le ministère public accepte la proposition de la victime mineure et qu’il demande la mise en œuvre de l’incident probatoire.

63.      Telle est la solution que la Commission semble avoir à l’esprit lorsqu’elle affirme que le droit italien serait incompatible avec la décision-cadre dans l’hypothèse où le GIP serait certain de l’ouverture d’une procédure orale. Cependant, ni le GIP ni le ministère public ne peuvent être absolument certains de ce point, car la décision relève exclusivement du Giudice dell’udienza preliminare. Néanmoins, il est manifeste que le ministère public, en tant que garant de la légalité et défenseur de l’intérêt supérieur de l’enfant, sera contraint dans la plupart des cas à demander l’ouverture de l’incident probatoire une fois qu’on lui aura imposé de formuler l’accusation.

64.      Néanmoins, il n’est pas nécessaire, dans les circonstances du présent cas d’espèce, ainsi que nous l’avons indiqué au point 34 des présentes conclusions, d’aborder l’incidence de la décision-cadre sur les phases successives de la procédure qui échappent à l’action du GIP. Partant, en dépit du fait que l’hypothèse mentionnée par la Commission pourrait légitimement soulever des doutes concernant la compatibilité de la législation en question avec la décision-cadre, j’estime que la Cour doit répondre à la question spécifiquement soulevée dans la présente affaire et qui touche uniquement et exclusivement la phase d’instruction.

65.      En conséquence, eu égard aux arguments ci-dessus exposés, je propose à la Cour de répondre à la première question en déclarant que les articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à un régime national, tel que celui prévu à l’article 394 du CPP, qui n’exige pas du ministère public, lorsque la victime mineure l’a expressément saisi en ce sens, qu’il demande l’audition de la victime et que cette dernière puisse effectuer une déposition dans le cadre de l’incident probatoire durant la phase d’instruction.

VI – La seconde question préjudicielle

66.      La juridiction de renvoi demande ensuite à la Cour de dire si les articles 2, 3 et 8 précités de la décision-cadre s’opposent à un régime tel que celui prévu à l’article 394 du CPP, qui ne prévoit pas la possibilité pour la victime mineure de former un recours devant le GIP contre la décision du ministère public rejetant sa demande d’être entendue dans le cadre d’un incident probatoire. Ainsi que nous l’exposerons ci-après, la réponse à cette question ressort indirectement de la solution que je propose pour la première question préjudicielle.

67.      En effet, ainsi que nous l’avons préalablement exposé, le régime italien attribue un rôle important au ministère public pour la demande d’ouverture de l’incident probatoire. À la différence de l’accusé, qui dispose aussi de la faculté de demander la mise en œuvre de cette pratique, le ministère public peut être saisi par la victime mineure pour demander au GIP l’ouverture de cette procédure. Nous avons déjà indiqué que le ministère public assume une sorte de protection de la victime, en même temps qu’il décide de l’opportunité de cette demande. Ces pouvoirs sont nécessairement discrétionnaires, car chaque affaire exige une analyse détaillée, notamment lorsque entrent en jeu des intérêts et des valeurs particulièrement importants, comme c’est toujours le cas lorsque la victime est mineure. Dans ces hypothèses, la fonction du ministère public peut être encore plus importante, car il sera habituel que la victime mineure agisse par l’intermédiaire d’un représentant légal, comme c’est le cas de fait dans la présente affaire. Dans des circonstances de ce genre, le ministère public garantit et donne suite aux initiatives légitimes de la victime mineure, tout en contrôlant en même temps chaque demande afin d’éviter le risque d’une instrumentalisation du procès qui ait pour objectif d’obtenir des résultats étrangers à celui-ci (47).

68.      Dans ces conditions, il semble raisonnable que le législateur italien exige du ministère public, bien que sa décision relative à la demande d’ouverture de l’incident probatoire ne soit pas contestable, qu’il motive au moins cette décision. Cette disposition confère une transparence à la procédure, elle est cohérente avec les droits de l’accusé, tout en garantissant également le droit de la victime à être informée de tous les actes qui la concernent. En outre, le fait que la victime puisse être entendue par le GIP dans l’hypothèse où le classement de l’affaire est demandé lui garantit la possibilité de répondre aux arguments du ministère public. En conséquence de cela, la possibilité existe, ainsi que nous l’avons préalablement exposé, que le GIP oblige le ministère public à formuler l’accusation, ce qui fait ressurgir la possibilité de demander l’incident probatoire. Ainsi, l’absence de recours contre la décision du ministère public n’implique pas que la victime perde toute possibilité de voir sa demande aboutir.

69.      En outre, si la décision-cadre exigeait une voie de recours contre les décisions du ministère public, le schéma et l’équilibre réalisé par le législateur italien seraient sérieusement compromis. Nous avons déjà indiqué que le système de l’incident probatoire repose principalement sur le ministère public lorsque la victime est un mineur, et que c’est à cette «autorité judiciaire», au sens de l’article 8, paragraphe 4, de la décision-cadre, qu’incombe la décision relative à la demande de cette modalité procédurale au GIP. Si la victime disposait d’un droit de recours contre cette décision auprès du GIP, le système serait bouleversé, car la décision n’incomberait plus en dernière instance au ministère public, mais au juge.

70.      Partant, eu égard aux arguments exposés, je propose à la Cour de répondre à la seconde question préjudicielle en déclarant que les articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à un régime national, tel que celui prévu à l’article 394 du CPP, qui ne prévoit pas la possibilité de la personne lésée et victime mineure de contester judiciairement, durant la phase d’instruction, la décision du ministère public de ne pas accueillir sa demande tendant à ce que ce dernier demande au GIP l’ouverture d’un incident probatoire.

VII – Conclusion

71.      Eu égard aux considérations qui précèdent, j’invite la Cour à répondre de la façon suivante aux questions préjudicielles qui lui ont été adressées par le Giudice per le indagini preliminari di Firenze:

«a)      Les articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil, du 15 mars 2001, relative au statut des victimes dans le cadre des procédures pénales, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à un régime national, tel que celui prévu à l’article 394 du code de procédure pénale italien (Codice di procedura penale italiana, CPP), qui n’impose pas au ministère public l’obligation de demander que la victime mineure soit entendue et que sa déposition soit prise dans le cadre d’un incident probatoire durant la phase d’instruction lorsque la victime mineure l’a expressément saisi en ce sens.

b)      Les articles 2, 3 et 8 de la décision-cadre 2001/220 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à un régime national, tel que celui prévu à l’article 394 du CPP, qui ne prévoit pas la possibilité de la personne lésée et victime mineure de contester judiciairement, durant la phase d’instruction, la décision du ministère public de ne pas faire suite à sa demande tendant à ce que ce dernier demande au Guidice per le indagini preliminari l’ouverture d’un incident probatoire.»


1 – Langue originale: l’espagnol.


2 – Décision-cadre du Conseil, du 15 mars 2001 (JO L 82, p. 1).


3 – Arrêt de la Cour du 16 juin 2005, Pupino, C-105/03, Rec. p. I-5285.


4 – Le contenu est celui qui résulte des réformes mises en œuvre par la loi du 6 février 2006 (GURI n° 38, du 15 février 2006) portant adoption des dispositions en matière de lutte contre l’abus sexuel des mineurs et la pornographie infantile sur internet, ainsi que par le décret législatif du 23 février 2009, n° 11.


5 – Selon le ministère public, au défaut d’éléments de preuve il convient aussi d’ajouter la relation extrêmement conflictuelle entre les parents de la mineure depuis leur séparation et, plus particulièrement, depuis que Mme Y a eu connaissance de l’existence de la relation sentimentale stable de M. X avec une autre femme.


6 – Concernant l’évolution historique du droit de la procédure pénale en Italie, voir Cordero, F., Procedura Penale, 8e édition, Giuffrè, Milan, 2006, p. XX.


7 – Article 326 du CPP.


8 – Article 493 du CPP.


9 – Voir, en général, Giostra, G., «Contraddittorio», Enciclopedia Giuridica Traccani, 2001, vol II, p. 1 et suiv.; Ubertis, G., «La ricerca della verita guidiziale», Ubertis, G. (éd.) La conoscenza del fatto nel processo penale, Giuffrè, Milan, 1992, p. 2 et suiv.; Ferrua, P., «La regola d’oro del proceso accusatorio», Kostoris, R. (éd.), Il giusto proceso tra contraddittorio e diritto al silenzio, Giappichelli, Turin, 2002, p. 11 et suiv., et Illuminati, G., «Giudizio», Conso, G., et Grevi, V. (éd.), Compendio di procedura penale, Cedam, Padoue, 2003, p. 644 et suiv.


10 – Sur la réforme et ses antécédents, voir Pizzi, W. T., et Montagna, M., «The Battle to establish an Adversial Trial system in Italy», Michigan Journal of International Law, 2004, et Panzavolta, M., «Reforms and Counter Reforms in the Italian struggle for an Accusatorial Criminal law system», North Carolina Journal of International and Commercial Regulation, 2005.


11 – À cet égard, Busetto, L., Il contraddittorio inquinato, Cedam, Padoue, 2009, p. 8 et suiv.


12 – Article 328 du CPP.


13 – Article 327 du CPP.


14 – Article 50 du CPP.


15 – «[…] il giudice, quando non accoglie la richiesta di archiviazone, dispone con ordinanza che, entre dieci giorni, il pubblico ministro formuli l’imputazione. Entro due giorni dalla formulazione dell’imputazione, il giudice fissa con decreto l’udienza preliminare» (c’est nous qui soulignons). La doctrine italienne est divisée concernant l’estimation de ce pouvoir du juge, qui, pour certains, résulte logiquement de la soumission du ministère public à la loi, consacrée à l’article 112 de la Constitution italienne, alors que ce pouvoir crée pour d’autres un déséquilibre contestable au détriment du principe accusatoire. Voir les différences de positions dans les travaux de Zagrebelsky, V., «Le soluzioni peggiori del male (a propositio del pubblico ministerio)», Cassazione Penale, 1991, p. 313, et Ferraioli, L. , Il ruolo di garante del giudice per le indagini preliminari, Cedam, Padoue, 2006, p. 105 à 106.


16 – Sur le régime, le fondement et la finalité de l’incident probatoire italien, voir en général Esposito, G., Contributo allo studio dell’incidente probatorio, Novene, Naples, 1989; Di Geronimo, P., L’incidente probatorio, Cedam, 2000; Morselli, C., L’incidente probatorio, Utet, Turin, 2000; Renon, P., L’incidente probatorio nel processo penale, tra riforme ordinarie e riforme costituzionali, Cedam, Padoue, 2000; et Di Martino, C., et Procaccianti, T., La prova testimoniale nel processo penale, 2e éd., Cedam, 2010, p. 163 et suiv.


17 – Article 394 du CPP.


18 – Ibidem.


19 – Voir l’analyse détaillée de Fayolle, L., Naissance et influence de la notion d’exploitation sexuelle enfantine – Étude des incriminations et sanctions pertinentes et de la participation de l’enfant victime au cours de la phase préparatoire en droit comparé, en droit international, en droit du Conseil de l’Europe et en droit de l’Union européenne, thèse doctorale, IUE, Florence, 2008, p. 347 et suiv.


20 – La preuve en est que l’initiative de la décision-cadre présentée par la République portugaise, dont le texte pose la base de la législation actuelle, précisait bien en son article 2, paragraphe 2, certains critères d’identification des victimes vulnérables, parmi lesquels se trouvait l’âge [initiative de la République portugaise en vue de l’adoption d’une décision-cadre relative au statut de la victime dans la procédure pénale (JO 2000, C 243, p. 4 et suiv.)].


21 – Arrêt précité.


22 – Conclusions présentées le 11 novembre 2004, points 53 à 58.


23 – Arrêt Pupino précité, point 53.


24 – L’arrêt du 15 septembre 2011, Gueye et Salmerón Sánchez (C-483/09 et C-1/10, non encore publié au Recueil), abordait également l’application des deux articles aux victimes vulnérables, mais dans le contexte de la violence exercée sur des femmes dans leur environnement familier et non pas sur des mineurs, comme c’est le cas en l’espèce et dans l’affaire Pupino.


25 – C’est nous qui soulignons.


26 – Voir, en ce sens, arrêt du 9 octobre 2008, Katz (C-404/07, Rec. p. I‑7607), dans lequel la Cour a déclaré que la décision-cadre n’oblige pas une juridiction à autoriser la victime d’une infraction à faire une déposition en tant que témoin dans le cadre d’une procédure d’accusation privée telle que celle en cause au principal. Cependant, «à défaut d’une telle possibilité, la victime doit pouvoir être autorisée à faire une déposition qui puisse être prise en compte comme élément de preuve» (point 50). Par conséquent, la décision-cadre ne traite pas des modalités, mais de l’existence de cette possibilité même.


27 – Arrêt du 15 septembre 2011, Gueye et Salmerón Sánchez (Affaires jointes C‑483/09 et C-1/10, point 62. Voir, également, conclusions de l’avocat général Kokott dans cette affaire, concrètement le point 63 qui fait référence à la «fonction instrumentale» de l’article 8 de la décision-cadre, dont le contenu «ne concerne pas tous les intérêts envisageables de la victime».


28 – Convention adoptée et ouverte à signature et ratification le 20 novembre 1989 (UN Treaty Series, vol. 1577, p. 43).


29 – L’explication de l’article 24 indique littéralement: «Cet article se fonde sur la convention de New York sur les droits de l’enfant, signée le 20 novembre 1989, ratifiée par tous les États membres, et notamment sur les articles 3, 9, 12 et 13 de ladite convention».


30 – Arrêt de la Cour du 22 décembre 2010, Aguirre Zarraga, (C-491/10 PPU, non encore publié au Recueil).


31 – Ibidem, point 67.


32 – Ibidem, point 66.


33 – Arrêts précités Pupino, point 59; Katz, point 48, et Gueye et Salmerón Sánchez, point 64.


34 – La nuance n’est pas négligeable, car la proposition initiale portugaise renvoyait génériquement aux «États membres». Il s’agit par conséquent d’une attribution de compétence qui incombe exclusivement aux juridictions, comprises au sens large.


35 – Voir huitième, neuvième et dixième considérants de la proposition initiale portugaise, qui expriment ouvertement que l’objectif de cette initiative était de rapprocher les lois en matière pénale afin de traiter de manière intégrée les besoins de la victime. À aucun moment, le projet ne visait à bouleverser le rôle de la victime dans les procédures pénales de chaque État membre. Il est vrai qu’il y a un débat intense concernant la place qu’il convient d’attribuer à la victime dans ce type de procès (voir, à cette fin, Ashworth, A., «Victims’ rights, defendants’ rights and criminal procedure», Crawford, A., et Goodey, J. (éd.), Integrating a victim perspective within criminal justice: international debates, Aldershot, Ashgate-Dartmouth, 2000), mais il n’apparaît pas dans la décision-cadre que celle-ci tend à résoudre cette question en faveur d’une position ou d’une autre.


36 – Voir articles 50 à 54 quater du CPP.


37 – Voir point 112 de la Constitution italienne.


38 – Voir note 36 des présentes conclusions. À cet égard, voir Zanon, N., Pubblico Ministero e Costituzione, Cedam, Padoue, 1996.


39 – Voir Spangher, G., Trattato di procedura penale, vol. 3, Indagini preliminari e udienza preliminare, Utet, Turin, 2009, p. 608 et 609, et Bresciani, L., «Persona offesa dal reato», Digesto Penale, IX, Utet, Turin, 1995, p. 527. Le rôle de ministère public ne semble pas être neutre en Italie et certains l’accusent de «paternalisme judiciaire», mais cette accusation concerne la limitation générale qu’il opère sur toutes les victimes et non particulièrement sur les victimes mineures, comme dans le cas d’espèce. Sur ce débat, voir Errico, G., «Rilettura dell’incidente probatorio per l’attuazione di un processo giusto», Cerquetti, G., et Florio, F., Dal principio dal giusto processo alla celebrazione di un processo giusto, Padoue, 2002.


40 – Il convient de noter que le statut constitutionnel du ministère public est prévu au titre IV de la partie II de la Constitution italienne, qui concerne la «magistrature». Voir, plus concrètement, articles 107 et 112, qui englobent clairement dans le domaine judiciaire, compris en son sens large, le ministère public.


41 – Voir les renvois cités en note 10 des présentes conclusions.


42 – Voir article 34, paragraphe 2 bis, du CPP.


43 – Voir articles 418 à 426 du CPP.


44 – De fait, la Corte costituzionale a déclaré, par son arrêt du 10 mars 1994, n. 77, l’inconstitutionnalité de la règle qui empêchait la réalisation de l’incident probatoire au cours de l’audience préliminaire.


45 – Articles 415 et 416 du CPP.


46 – En particulier, en ce qui concerne le cas des victimes mineures et l’obligation de continuer l’enquête face à la procédure orale, voir Cour eur. D. H. arrêt M. C. c. Bulgarie du 4 mars 2004, n° 39272/98, § 148 et suiv. Sur ce point et en détails, voir Fayolle, L., Naissance et influence de la notion[…], op. cit., p. 315 et suiv.


47 – Voir Spencer, J., «The victim and the prosecutor», Bottoms, A., et Roberts, J. V. (éd.), Hearing the Victim, adversarial justice, crime victims and the State, Willan, Devon-Portland, 2010, p. 141 à 144.