Language of document : ECLI:EU:C:2017:220

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

16 mars 2017 (1)

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Code des douanes communautaire – Article 220, paragraphe 2, sous b) – Recouvrement a posteriori des droits à l’importation – Confiance légitime – Conditions d’application – Erreur des autorités douanières – Obligation de l’importateur d’agir de bonne foi et de vérifier les circonstances de délivrance du certificat d’origine “formule A” – Moyens de preuve – Rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) »

Dans l’affaire C‑47/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Augstākās tiesas Administratīvo lietu departaments (département des affaires administratives de la Cour suprême, Lettonie), par décision du 20 janvier 2016, parvenue à la Cour le 27 janvier 2016, dans la procédure

Valsts ieņēmumu dienests

contre

« Veloserviss » SIA,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot et S. Rodin (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement letton, par MM. I. Kalniņš et K. Freimanis, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. A. Caeiros ainsi que par Mme I. Rubene, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO 2000, L 311, p. 17) (ci-après le « code des douanes »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Valsts ieņēmumu dienests (administration fiscale lettone, ci-après l’« administration fiscale ») à « Veloserviss » SIA au sujet du prélèvement de droits à l’importation et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), majorés des intérêts de retard, lors d’un contrôle a posteriori d’une déclaration en douane.

 Le cadre juridique

3        L’article 78, paragraphe 3, du code des douanes, intitulé « Contrôle a posteriori des déclarations », dispose :

« Lorsqu’il résulte de la révision de la déclaration ou des contrôles a posteriori que les dispositions qui régissent le régime douanier concerné ont été appliquées sur la base d’éléments inexacts ou incomplets, les autorités douanières prennent dans le respect des dispositions éventuellement fixées, les mesures nécessaires pour rétablir la situation en tenant compte des nouveaux éléments dont elles disposent. »

4        Aux termes de l’article 220, paragraphe 2, de ce code :

« Hormis les cas visés à l’article 217 paragraphe 1 deuxième et troisième alinéas, il n’est pas procédé à une prise en compte a posteriori, lorsque :

[...]

b)      le montant des droits légalement dus n’avait pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.

Lorsque le statut préférentiel d’une marchandise est établi sur la base d’un système de coopération administrative impliquant les autorités d’un pays tiers, la délivrance d’un certificat par ces autorités, s’il se révèle incorrect, constitue une erreur qui n’était pas raisonnablement décelable au sens du premier alinéa.

Toutefois, la délivrance d’un certificat incorrect ne constitue pas une erreur lorsque le certificat a été établi sur la base d’une présentation incorrecte des faits par l’exportateur, sauf si, notamment, il est évident que les autorités de délivrance du certificat savaient ou auraient dû savoir que les marchandises ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel.

La bonne foi du redevable peut être invoquée lorsqu’il peut démontrer que, pendant la période des opérations commerciales concernées, il a fait diligence pour s’assurer que toutes les conditions pour le traitement préférentiel ont été respectées.

Le redevable ne peut toutefois pas invoquer la bonne foi lorsque la Commission a publié au Journal officiel [de l’Union européenne] un avis signalant des doutes fondés en ce qui concerne la bonne application du régime préférentiel par le pays bénéficiaire ;

[...] »

5        Aux termes de l’article 72 bis, paragraphe 4, du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement n° 2913/92 (JO 1993, L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1602/2000 de la Commission, du 24 juillet 2000 (JO 2000, L 188, p. 1) :

« La preuve du caractère originaire des marchandises exportées d’un pays membre d’un groupe régional vers un autre pays du même groupe afin d’être utilisé pour une ouvraison ou une transformation ultérieure, ou pour être réexportés lorsqu’aucune ouvraison ou transformation ultérieure n’est effectuée, est apportée par un certificat d’origine “formule A” délivré dans le premier pays. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

6        Le 17 mai 2007, Veloserviss a importé dans l’Union européenne des vélos en provenance du Cambodge en vue de leur mise en libre pratique. Se fondant sur le certificat d’origine délivré le 16 février 2007 par le gouvernement cambodgien, Veloserviss n’a payé aucun droit de douane ni TVA.

7        L’administration fiscale a, au cours de l’année 2008, effectué un premier contrôle douanier a posteriori pour la période au cours de laquelle les vélos en cause ont été importés. Aucune irrégularité n’ayant été constatée à leur égard, Veloserviss a exécuté la décision adoptée à la suite de ce contrôle.

8        Au cours de l’année 2010, l’administration fiscale a reçu des informations de la part de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), selon lesquelles le certificat d’origine délivré par le gouvernement cambodgien relatif aux marchandises concernées n’était pas conforme au droit de l’Union.

9        Sur la base de ces informations, l’administration fiscale a effectué un second contrôle a posteriori, relatif au document administratif unique présenté par Veloserviss et a constaté que des exemptions de droits de douane avaient été indûment appliquées auxdites marchandises.

10      Par conséquent, par décision du 23 juillet 2010, l’administration fiscale a imposé à Veloserviss le paiement de droits de douane et de la TVA, majorés des intérêts de retard.

11      Par la suite, Veloserviss a formé un recours en annulation contre cette décision.

12      Après examen de l’affaire en appel, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie) a, par un arrêt rendu le 27 mars 2014, confirmé l’annulation de la décision de l’administration fiscale du 23 juillet 2010, en considérant, notamment, que, en vertu de l’article 23, paragraphe 1, de la réglementation nationale relative aux impôts et aux taxes, l’administration fiscale n’était pas habilitée à effectuer de nouveau un contrôle a posteriori de la marchandise déclarée en cause, dès lors que le premier contrôle avait fait naître une confiance légitime dans le chef de Veloserviss et que celle-ci avait rempli toutes les conditions prévues concernant la présentation de la déclaration douanière, dans la mesure où elle ne pouvait objectivement pas savoir que l’autorité compétente cambodgienne avait émis un certificat qui ne répondait pas aux exigences du droit de l’Union. En conséquence, Veloserviss avait agi de bonne foi.

13      L’administration fiscale s’est pourvue en cassation devant la juridiction de renvoi.

14      Celle-ci a, par décision du 11 septembre 2014, introduit une première demande de décision préjudicielle portant, en substance, sur la question de savoir si l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes permet de restreindre, ainsi que le prévoit la réglementation lettone relative aux impôts et aux taxes, la possibilité pour les autorités douanières de réitérer un contrôle a posteriori.

15      La Cour y a répondu, par la négative, par son arrêt du 10 décembre 2015, Veloserviss (C‑427/14, EU:C:2015:803).

16      La juridiction de renvoi estime, toutefois, dans le cadre du même pourvoi en cassation dont elle est saisie, que celui-ci soulève encore des questions relatives à la notion de « bonne foi » du redevable, au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes.

17      Dans ce contexte, l’administration fiscale soutient, selon cette juridiction, que l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a considéré sans aucun fondement que Veloserviss avait agi de bonne foi, de telle sorte qu’elle ne pouvait se prévaloir de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes. Aux points 36 et 40 de l’arrêt du 8 novembre 2012, Lagura Vermögensverwaltung (C‑438/11, EU:C:2012:703), la Cour aurait jugé que les autorités de l’État d’exportation ne sauraient lier l’Union et ses États membres dans leur appréciation de la validité des certificats d’origine « formule A » lorsque les autorités douanières de l’État d’importation ont des doutes sur la véritable origine des marchandises.

18      Veloserviss fait valoir, devant la juridiction de renvoi, que c’est à bon droit que l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a appliqué ladite disposition, étant donné, d’une part, que ni les autorités douanières de l’État d’importation ni elle-même, en sa qualité d’importateur, ne pouvaient s’assurer que les services de l’État d’exportation avaient commis une erreur et, d’autre part, que Veloserviss avait agi de bonne foi en fournissant à l’administration fiscale les informations dont elle disposait et dont elle avait eu connaissance. À cet effet, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) se serait, à bon droit, appuyée sur la décision C (2012) 8694 de la Commission, du 30 novembre 2012, constatant qu’il est justifié de renoncer à la prise en compte a posteriori dans un cas particulier (dossier REC 01/2011), les circonstances de fait ayant mené la Commission à adopter cette décision étant essentiellement semblables à celles de l’affaire au principal.

19      À cet égard, la juridiction de renvoi estime qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, que, si l’exportateur a commis une erreur en fournissant des informations, il est possible de procéder à un recouvrement a posteriori. Par contre, si l’erreur a été commise par les autorités douanières du pays d’exportation, qui savaient ou auraient dû savoir que les marchandises en cause ne remplissaient pas les conditions requises, la présentation d’un certificat incorrect ne doit pas, selon cette juridiction, porter préjudice à l’importateur.

20      Cette juridiction s’interroge, toutefois, sur l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, dans une affaire telle que celle dont elle est saisie, où un rapport de l’OLAF met en évidence le fait non seulement que l’exportateur avait fourni des informations inexactes aux autorités douanières du pays exportateur, mais également que les autorités douanières du pays d’exportation ont commis des erreurs lors de la délivrance du certificat d’origine « formule A ». Elle se demande également dans quelle mesure il convient d’avoir égard à l’appréciation juridique et factuelle effectuée par l’OLAF.

21      Dans ces conditions, l’Augstākās tiesas Administratīvo lietu departaments (département des affaires administratives de la Cour suprême, Lettonie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Convient-il de définir l’obligation pour l’importateur d’agir de bonne foi, visée à l’article 220, paragraphe 2, sous b), du [code des douanes], de telle sorte que :

a)      cette obligation comprend l’obligation pour l’importateur de vérifier les circonstances de la délivrance du certificat d’origine “formule A” reçu par l’exportateur (les certificats des pièces composant les marchandises, les activités de l’exportateur dans la fabrication des marchandises, etc.) ?

b)      l’importateur n’agit pas de bonne foi dès que l’exportateur n’agit pas de bonne foi (par exemple, si l’exportateur ne révèle pas l’origine réelle des coûts ou la valeur des pièces, etc., à l’autorité douanière de l’État d’exportation) ?

c)      l’obligation d’agir de bonne foi n’est pas respectée du seul fait que l’exportateur a fourni des informations incorrectes à l’autorité douanière de l’État d’exportation, même si l’autorité douanière elle-même a commis une erreur dans la délivrance du certificat ?

2)      L’obligation, pour l’importateur, d’agir de bonne foi, visée à l’article 220, paragraphe 2, sous b), du [code des douanes], peut-elle être établie à suffisance de droit par la description générale de la situation et par la conclusion contenues dans le rapport de l’OLAF ou les autorités douanières nationales doivent-elles obtenir des preuves supplémentaires relatives au comportement de l’exportateur ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

22      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes doit être interprété en ce sens qu’un importateur peut invoquer une confiance légitime, au titre de cette disposition, en vue de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation, en excipant de sa bonne foi, soit lorsque non seulement l’exportateur a fourni des informations incorrectes aux autorités douanières de l’État d’exportation, notamment quant à l’origine réelle des coûts ou la valeur des pièces composant les marchandises en cause, mais également que ces autorités ont elles-mêmes commis une erreur en délivrant le certificat d’origine « formule A » en cause, soit lorsque cet importateur n’a pas vérifié les circonstances ayant donné lieu à la délivrance, par les autorités douanières de l’État d’exportation, de ce certificat, telles que les certificats des pièces composant les marchandises ou les activités de l’exportateur dans la fabrication de celles-ci.

23      Afin de répondre à cette question, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes a pour objectif de protéger la confiance légitime du redevable quant au bien-fondé de l’ensemble des éléments intervenant dans la décision de recouvrer les droits de douane ou non (arrêts du 18 octobre 2007, Agrover, C‑173/06, EU:C:2007:612, point 31, et du 10 décembre 2015, Veloserviss, C‑427/14, EU:C:2015:803, point 43).

24      À cet égard, il découle d’une jurisprudence constante de la Cour qu’un importateur ne peut utilement invoquer une confiance légitime au titre de cette disposition, et ainsi bénéficier de l’exception au recouvrement a posteriori qui y est prévue, que si trois conditions cumulatives sont remplies. Il faut, d’abord, que les droits n’aient pas été perçus à la suite d’une erreur des autorités compétentes elles-mêmes, ensuite, que l’erreur commise par celles-ci soit d’une nature telle qu’elle n’ait pu raisonnablement être décelée par un redevable de bonne foi et, enfin, que ce dernier ait observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane (voir, notamment, arrêts du 18 octobre 2007, Agrover, C‑173/06, EU:C:2007:612, point 35, et du 15 décembre 2011, Afasia Knits Deutschland, C‑409/10, EU:C:2011:843, point 47).

25      Ces conditions opèrent, en substance, un partage du risque émanant d’erreurs ou d’irrégularités entachant une déclaration en douane en fonction du comportement et de la diligence de chacun des acteurs impliqués, à savoir les autorités compétentes de l’État d’exportation et de l’État d’importation, l’exportateur ainsi que l’importateur.

26      Il convient d’examiner, en premier lieu, si un importateur peut se prévaloir d’une confiance légitime, au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, en excipant de sa bonne foi, lorsque non seulement l’exportateur a fourni des informations incorrectes aux autorités douanières de l’État d’exportation, notamment quant à l’origine réelle des coûts ou la valeur des pièces composant les marchandises en cause, mais aussi lorsque ces autorités ont elles-mêmes commis une erreur en délivrant le certificat d’origine « formule A » en cause.

27      À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à la première des conditions rappelées au point 24 du présent arrêt, la confiance légitime du redevable n’est digne de la protection prévue par ladite disposition que si ce sont les autorités compétentes « elles‑mêmes » qui ont créé la base sur laquelle reposait cette confiance (voir arrêts du 18 octobre 2007, Agrover, C‑173/06, EU:C:2007:612, point 31, et du 10 décembre 2015, Veloserviss, C‑427/14, EU:C:2015:803, point 44).

28      Ainsi, seules les erreurs imputables à un comportement actif des autorités compétentes ouvrent droit au non-recouvrement a posteriori des droits de douane (voir arrêts du 18 octobre 2007, Agrover, C‑173/06, EU:C:2007:612, point 31, et du 15 décembre 2011, Afasia Knits Deutschland, C‑409/10, EU:C:2011:843, point 54).

29      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 220, paragraphe 2, sous b), troisième alinéa, du code des douanes ne saurait être interprété en ce sens que la délivrance d’un certificat d’origine « formule A » incorrect, par les autorités douanières de l’État d’exportation, constitue une erreur commise par ces autorités « elles-mêmes » lorsque ces certificats ont été établis sur la base d’une présentation incorrecte des faits par l’exportateur, sauf si, notamment, il est évident que lesdites autorités savaient ou auraient dû savoir que les marchandises ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Lagura Vermögensverwaltung, C‑438/11, EU:C:2012:703, point 19).

30      En l’occurrence, il y a lieu de constater que, s’il ressort de la décision de renvoi et, notamment, du libellé de la première question, sous c), que la juridiction de renvoi part de la prémisse selon laquelle les autorités douanières de l’État d’exportation ont commis une erreur en délivrant le certificat d’origine en cause au principal, la Cour n’est pas en mesure de déterminer la nature précise de cette erreur, ni dans quelle mesure les autorités compétentes de l’État d’exportation ont été – ou ont pu être – induites en erreur par la déclaration inexacte de l’exportateur.

31      Dès lors, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans l’affaire au principal, le certificat d’origine « formule A » incorrect a été délivré à la suite d’une erreur imputable aux autorités douanières de l’État d’exportation elles-mêmes ou en conséquence des déclarations de l’exportateur, dont l’inexactitude n’a pas été – et n’aurait pu être – décelée par ces autorités.

32      S’il s’avère que l’irrégularité entachant un certificat d’origine « formule A » découle d’un comportement fautif de la part de l’exportateur et que les autorités compétentes de l’État d’exportation n’auraient pu, ni dû, déceler que les marchandises ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel, c’est l’importateur qui supporte les conséquences liées à la production, lors d’un contrôle ultérieur, d’un document commercial qui se révèle faux, de telle sorte que cet importateur ne peut, en pareille hypothèse, s’opposer au recouvrement a posteriori des droits de douane (voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a., C‑153/94 et C‑204/94, EU:C:1996:198, point 92, et du 14 novembre 2002, Ilumitrónica, C‑251/00, EU:C:2002:655, point 43).

33      Ainsi, lorsque les autorités douanières de l’État d’exportation ont commis une erreur en délivrant un certificat d’origine « formule A » et que cette erreur découle de l’inexactitude des informations fournies par l’exportateur à ces autorités, notamment quant à l’origine réelle des coûts ou la valeur des pièces composant les marchandises en cause, un importateur ne peut pas invoquer une confiance légitime, au titre de cette disposition, en vue de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation, en excipant de sa bonne foi, à moins qu’il ne soit évident que les autorités douanières de l’État d’exportation savaient ou auraient dû savoir que les marchandises concernées ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

34      Il convient, en second lieu, de déterminer si un importateur peut invoquer une confiance légitime, au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, afin de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation, en excipant de sa bonne foi, alors qu’il n’a pas vérifié les circonstances ayant donné lieu à la délivrance, par les autorités douanières de l’État d’exportation, du certificat d’origine « formule A », telles que les certificats des pièces composant les marchandises ou les activités de l’exportateur dans la fabrication de celles-ci.

35      Cette question concerne, plus précisément, la diligence dont un importateur doit faire preuve afin de pouvoir être considéré comme étant de bonne foi, au sens de ladite disposition.

36      À cet égard, il convient de rappeler, d’abord, que, même si, en l’occurrence, une erreur devait être imputable à un comportement actif des autorités douanières de l’État d’exportation, encore faudrait-il, conformément à la jurisprudence citée au point 24 du présent arrêt, notamment, qu’il s’agisse d’une erreur d’une nature telle qu’elle n’ait pu raisonnablement être décelée par un redevable de bonne foi, en dépit de son expérience professionnelle et de la diligence dont il devait faire preuve (voir, notamment, arrêt du 14 novembre 2002, Ilumitrónica, C‑251/00, EU:C:2002:655, point 38).

37      À cet égard, la Cour a jugé qu’il incombe aux opérateurs économiques, dès lors qu’ils éprouvent eux-mêmes des doutes quant à l’application exacte des dispositions dont l’inexécution peut faire naître une dette douanière ou quant à la définition de l’origine de la marchandise, de s’informer et de rechercher tous les éclaircissements possibles pour vérifier si ces doutes sont justifiés (voir en ce sens, notamment, arrêts du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a., C‑153/94 et C‑204/94, EU:C:1996:198, point 100, et du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke, C‑48/98, EU:C:1999:548, point 58).

38      La Cour a également jugé qu’il revient aux opérateurs économiques de prendre, dans le cadre de leurs relations contractuelles, les dispositions nécessaires pour se prémunir contre les risques d’une action en recouvrement a posteriori, et qu’une telle prévention peut, notamment, consister dans le fait, pour le redevable, d’obtenir de l’autre partie contractante, à l’occasion ou après la conclusion du contrat, tous les éléments de preuve confirmant que les marchandises proviennent de l’État bénéficiaire du système de préférences tarifaires généralisées, y compris des documents établissant cette origine (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Lagura Vermögensverwaltung, C‑438/11, EU:C:2012:703, points 30 et 31).

39      Il n’en résulte pas pour autant une obligation générale à la charge d’un importateur de vérifier, systématiquement, les circonstances de la délivrance, par les autorités douanières de l’État d’exportation, d’un certificat d’origine « formule A », y compris les activités de l’exportateur dans la fabrication des marchandises. Une telle obligation pèse sur l’importateur seulement s’il a des raisons manifestes de douter de l’exactitude d’un certificat d’origine. En ce cas, s’il s’est néanmoins abstenu de s’enquérir, dans toute la mesure de ses possibilités, des circonstances de la délivrance de ce certificat pour vérifier si lesdits doutes étaient justifiés, il conviendra de considérer que l’erreur manifeste commise par les autorités douanières de l’État d’exportation aurait pu ou aurait dû être décelée par l’importateur, de telle sorte qu’il ne pourra exciper de sa bonne foi au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes.

40      Une telle obligation générale à la charge d’un importateur ne peut pas non plus être déduite de l’article 220, paragraphe 2, sous b), quatrième alinéa, du code des douanes, selon lequel, pour pouvoir invoquer sa bonne foi, un redevable doit démontrer que, « pendant la période des opérations commerciales concernées, il a fait diligence pour s’assurer que toutes les conditions pour le traitement préférentiel ont été respectées ».

41      Il convient de vérifier, en troisième lieu, si le déclarant a bien fourni aux autorités douanières compétentes toutes les informations nécessaires prévues par le droit de l’Union et par la législation nationale, qui, le cas échéant, le complète ou le transpose, au regard du traitement douanier demandé pour la marchandise concernée (voir en ce sens, notamment, arrêts du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a., C‑153/94 et C‑204/94, EU:C:1996:198, point 108, et du18 octobre 2007, Agrover, C‑173/06, EU:C:2007:612, point 33).

42      Il appartient, en l’occurrence, à la juridiction de renvoi d’apprécier, en fonction de l’ensemble des éléments concrets du litige au principal, si les conditions d’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, telles que rappelées au point 24 du présent arrêt et précisées par la Cour dans le cadre de ce dernier, sont, en l’occurrence, réunies, de telle sorte que l’importateur en cause au principal peut se prévaloir d’une confiance légitime, au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2007, Agrover, C‑173/06, EU:C:2007:612, point 34).

43      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question qu’il convient d’interpréter l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes en ce sens qu’un importateur ne peut invoquer une confiance légitime, au titre de cette disposition, en vue de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation, en excipant de sa bonne foi, que si trois conditions cumulatives sont réunies. Il faut, tout d’abord, que ces droits n’aient pas été perçus à la suite d’une erreur des autorités compétentes elles-mêmes, ensuite, que cette erreur soit d’une nature telle qu’elle ne pouvait raisonnablement être décelée par un redevable de bonne foi et, enfin, que celui-ci ait observé toutes les dispositions en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane. Une telle confiance légitime fait défaut, notamment, lorsque, bien qu’ayant des raisons manifestes de douter de l’exactitude d’un certificat d’origine « formule A », un importateur s’est abstenu de s’enquérir, dans toute la mesure de ses possibilités, des circonstances de la délivrance de ce certificat pour vérifier si ces doutes étaient justifiés. Une telle obligation ne signifie toutefois pas qu’un importateur soit tenu, de manière générale, de vérifier systématiquement les circonstances de la délivrance, par les autorités douanières de l’État d’exportation, d’un certificat d’origine « formule A ». Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de l’ensemble des éléments concrets du litige au principal, si ces trois conditions sont réunies en l’occurrence.

 Sur la seconde question

44      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes doit être interprété en ce sens que, dans une affaire telle que celle en cause au principal, il peut être déduit des seules informations contenues dans un rapport de l’OLAF qu’un importateur n’est pas fondé à se prévaloir d’une confiance légitime, au titre de cette disposition, en vue de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation, ou si les autorités douanières compétentes sont tenues d’obtenir des preuves supplémentaires relatives au comportement de l’exportateur.

45      À cet égard, il convient de rappeler que la question de savoir si un importateur peut, en vertu de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, s’opposer au recouvrement a posteriori des droits à l’importation, doit être appréciée au regard des trois conditions cumulatives d’application de cette disposition, énoncées au point 24 du présent arrêt et dont la portée a été précisée dans le cadre de la réponse à la première question, en fonction de l’ensemble des éléments factuels concrets du cas d’espèce.

46      En ce qui concerne, plus particulièrement, le comportement de l’exportateur, il ressort des points 27 à 32 du présent arrêt qu’un importateur ne peut invoquer une telle confiance légitime et, à ce titre, échapper à un recouvrement a posteriori des droits de douane, si la délivrance, par les autorités douanières de l’État d’exportation, d’un certificat d’origine « formule A » incorrect est imputable au comportement de l’exportateur (voir en ce sens, notamment, arrêt du 15 décembre 2011, Afasia Knits Deutschland, C‑409/10, EU:C:2011:843, point 54).

47      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour relative aux règles de répartition de la charge de la preuve en la matière, il appartient, en principe, aux autorités douanières de l’État d’importation envisageant de procéder à un recouvrement a posteriori de droits de douane, d’apporter la preuve du fait que la délivrance, par les autorités douanières de l’État d’exportation, d’un certificat d’origine « formule A » incorrect est imputable à la présentation inexacte des faits par l’exportateur. Toutefois, lorsque, notamment à la suite d’une négligence imputable au seul exportateur, les autorités douanières de l’État d’importation se trouvent dans l’impossibilité d’apporter ladite preuve, il incombe, le cas échéant, à l’importateur de prouver que ledit certificat a été établi sur la base d’une présentation correcte des faits par l’exportateur (voir en ce sens, notamment, arrêts du 9 mars 2006, Beemsterboer Coldstore Services, C‑293/04, EU:C:2006:162, points 39 et 46, et du 8 novembre 2012, Lagura Vermögensverwaltung, C‑438/11, EU:C:2012:703, point 41).

48      À cet égard, pour autant qu’il contient des éléments pertinents à cet effet, un rapport de l’OLAF peut être pris en compte pour établir si les conditions auxquelles un importateur peut invoquer une confiance légitime, au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, sont réunies.

49      Toutefois, dans la mesure où un tel rapport ne contient, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, qu’une description générale de la situation en cause, celui-ci ne saurait, à lui seul, suffire pour établir si ces conditions sont remplies à tous égards, notamment en ce qui concerne le comportement pertinent de l’exportateur.

50      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes doit être interprété en ce sens que, dans une affaire telle que celle en cause au principal, il peut être déduit des informations contenues dans un rapport de l’OLAF qu’un importateur n’est pas fondé à se prévaloir d’une confiance légitime, au titre de cette disposition, en vue de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation. Dans la mesure, toutefois, où un tel rapport ne contiendrait qu’une description générale de la situation en cause, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier, il ne saurait, à lui seul, suffire pour démontrer à suffisance de droit que ces conditions sont effectivement remplies à tous égards, notamment en ce qui concerne le comportement pertinent de l’exportateur. Dans de telles circonstances, il appartient, en principe, aux autorités douanières de l’État d’importation d’apporter la preuve, au moyen des éléments de preuve supplémentaires, que la délivrance, par les autorités douanières de l’État d’exportation, d’un certificat d’origine « formule A » incorrect est imputable à la présentation inexacte des faits par l’exportateur. Toutefois, lorsque les autorités douanières de l’État d’importation se trouvent dans l’impossibilité d’apporter ladite preuve, il incombe, le cas échéant, à l’importateur, de prouver que ledit certificat a été établi sur la base d’une présentation correcte des faits par l’exportateur.

 Sur les dépens

51      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

1)      Il convient d’interpréter l’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000, en ce sens qu’un importateur ne peut invoquer une confiance légitime, au titre de cette disposition, en vue de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation, en excipant de sa bonne foi, que si trois conditions cumulatives sont réunies. Il faut, tout d’abord, que ces droits n’aient pas été perçus à la suite d’une erreur des autorités compétentes elles-mêmes, ensuite, que cette erreur soit d’une nature telle qu’elle ne pouvait raisonnablement être décelée par un redevable de bonne foi et, enfin, que celui-ci ait observé toutes les dispositions en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane. Une telle confiance légitime fait défaut, notamment, lorsque, bien qu’ayant des raisons manifestes de douter de l’exactitude d’un certificat d’origine « formule A », un importateur s’est abstenu de s’enquérir, dans toute la mesure de ses possibilités, des circonstances de la délivrance de ce certificat pour vérifier si ces doutes étaient justifiés. Une telle obligation ne signifie toutefois pas qu’un importateur soit tenu, de manière générale, de vérifier systématiquement les circonstances de la délivrance, par les autorités douanières de l’État d’exportation, d’un certificat d’origine « formule A ». Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de l’ensemble des éléments concrets du litige au principal, si ces trois conditions sont réunies en l’occurrence.

2)      L’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2913/92, tel que modifié par le règlement n° 2700/2000, doit être interprété en ce sens que, dans une affaire telle que celle en cause au principal, il peut être déduit des informations contenues dans un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) qu’un importateur n’est pas fondé à se prévaloir d’une confiance légitime, au titre de cette disposition, en vue de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation. Dans la mesure, toutefois, où un tel rapport ne contiendrait qu’une description générale de la situation en cause, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier, il ne saurait, à lui seul, suffire pour démontrer à suffisance de droit que ces conditions sont effectivement remplies à tous égards, notamment en ce qui concerne le comportement pertinent de l’exportateur. Dans de telles circonstances, il appartient, en principe, aux autorités douanières de l’État d’importation d’apporter la preuve, au moyen des éléments de preuve supplémentaires, que la délivrance, par les autorités douanières de l’État d’exportation, d’un certificat d’origine « formule A » incorrect est imputable à la présentation inexacte des faits par l’exportateur. Toutefois, lorsque les autorités douanières de l’État d’importation se trouvent dans l’impossibilité d’apporter ladite preuve, il incombe, le cas échéant, à l’importateur, de prouver que ledit certificat a été établi sur la base d’une présentation correcte des faits par l’exportateur.

Signatures


1      Langue de procédure : le letton.