Language of document : ECLI:EU:T:2013:366

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

11 juillet 2013 (*)

« Concurrence – Ententes et abus de position dominante – Marché des diamants bruts – Système de distribution SOC – Décision de rejet d’une plainte – Défaut d’intérêt communautaire – Base juridique – Droits procéduraux d’un plaignant – Accès aux documents – Obligations en matière d’instruction d’une plainte – Effets d’exclusion du marché – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans les affaires jointes T‑104/07 et T‑339/08,

Belgische Vereniging van handelaars in- en uitvoerders geslepen diamant (BVGD), établie à Anvers (Belgique), représentée initialement par Mes L. Levi et C. Ronzi ainsi que, dans l’affaire T-104/07, par MG. Vandersanden, puis par Mes Levi et M. Vandenbussche, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. F. Castillo de la Torre, R. Sauer et J. Bourke, puis par MM. Castillo de la Torre et Sauer, en qualité d’agents, assistés, dans l’affaire T‑104/07, initialement de Me S. Drakakakis, avocat, et de M. T. Soames, solicitor, puis de M. Soames, et, dans l’affaire T‑339/08, de M. Soames,

partie défenderesse,

soutenue par

De Beers, établie à Luxembourg (Luxembourg),

De Beers UK Ltd, anciennement The Diamond Trading Co. Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

représentées initialement par M. W. Allan et Mme S. Horwitz, solicitors, puis par M. Allan, Me J. Ysewyn, avocat, et Mme N. Gràcia Malfeito, solicitor, et enfin par Mme Gràcia Malfeito, Mes B. van de Walle de Ghelcke, J. Marchandise, avocats, et Mme P. Riedel, solicitor,

parties intervenantes,

ayant pour objet des demandes d’annulation des décisions de la Commission du 26 janvier 2007 (affaire COMP/39.221/B‑2 – BVGD/De Beers) et du 5 juin 2008 (affaire COMP/39.221/E-2 – De Beers/DTC Supplier of Choice) rejetant la plainte introduite par la requérante à l’encontre des intervenantes pour violation des articles 81 CE et 82 CE sur le marché des diamants bruts, résultant de l’application par celles-ci des accords de distribution connus sous le nom de « Supplier of Choice » (SOC),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 octobre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1.     Affaire COMP/E-3/38.139 et lettre administrative de classement du 16 janvier 2003

1        Le 3 mai 2001, The Diamond Trading Co. Ltd (ci-après la « DTC »), qui appartient au groupe de sociétés De Beers, a notifié à la Commission des Communautés européennes, en vue d’obtenir une attestation négative ou, à défaut, une exemption en application de l’article 81, paragraphe 3, CE, une série d’accords types conclus entre elle et ses clients, dits « sightholders » (« teneurs de vues » ou clients privilégiés) (ci-après les « accords SOC »), visant à ce que soit mis en place un système de fourniture de diamants bruts par elle à ses clients, appelé « Supplier of Choice » (ci-après le « SOC »).

2        Les accords SOC ont pour objectif d’accroître la demande de bijoux en diamants, en favorisant la croissance à long terme en ce qui concerne le niveau de commerce de détail grâce à la création d’un environnement multimarques et de canaux de distribution plus courts. À cette fin, la DTC entend, par le biais des accords SOC, limiter le nombre de « sightholders » sélectionnés, les encourager à coopérer avec des partenaires en aval pour améliorer l’efficacité de la distribution de diamants et à investir dans des marques de distributeur.

3        Les documents fournis dans le cadre de la notification des accords SOC étaient les suivants :

–        un questionnaire envoyé aux « sightholders » existants et aux candidats, dit « profil de ‘sightholder’ », destiné à obtenir les informations sur la base desquelles ils seront sélectionnés et évalués ;

–        un document intitulé « Critères applicables aux ‘sightholders’ et autres considérations » énonçant des critères prédéfinis auxquels le « sightholder » doit répondre pour être sélectionné ;

–        une « Déclaration de principe » (« Policy Statement ») définissant les principes généraux applicables à la relation commerciale entre les contractants ;

–        un code de conduite (« Best Practice Principles ») auquel les « sightholders » doivent adhérer, destiné à donner aux consommateurs qui achètent des bijoux en diamant la garantie de l’application de normes professionnelles et éthiques ;

–        des conditions de vente qui sont incorporées à chaque contrat.

4        Le 25 juillet 2001, la Commission a ouvert une procédure à l’encontre de la DTC (affaire COMP/E-3/38.139) et lui a adressé une communication des griefs relative aux accords SOC.

5        Les griefs formulés par la Commission étaient tirés de la violation des articles 81 CE et 82 CE. Selon la Commission, la mise en œuvre des accords SOC donnerait au groupe De Beers la possibilité de restreindre l’autonomie commerciale de ses clients. Ces restrictions résulteraient des modalités d’application des critères de sélection, du nombre d’informations confidentielles détaillées demandées aux candidats « sightholders » et des engagements contractuels que ceux-ci seraient tenus de prendre, une fois sélectionnés. En outre, comme ces restrictions seraient imposées par une société en position dominante, la mise en œuvre des accords SOC constituerait également un abus de position dominante.

6        Le 8 octobre 2001, la DTC a répondu aux griefs formulés par la Commission. Elle s’est déclarée prête à étudier les modifications qu’il aurait été possible d’apporter aux accords SOC pour répondre aux préoccupations de la Commission, tout en préservant l’orientation générale du projet.

7        Plusieurs propositions de modification des accords SOC ont été présentées à la Commission. La dernière version des accords SOC modifiés a été transmise à la Commission le 24 septembre 2002. Les principales modifications apportées étaient les suivantes :

–        la nomination d’un médiateur (ci-après le « médiateur ») : cette nomination est soumise à l’approbation de la Commission ; le médiateur est compétent pour déterminer si la DTC a mis en œuvre des procédures inappropriées lors de l’adoption des décisions de sélection et d’exclusion des « sightholders » et de celle des décisions concernant l’offre semestrielle de marchandises aux « sightholders » ; toute plainte concernant la sélection ou l’évaluation des « sightholders » peut être adressée au médiateur, lequel peut formuler des recommandations, qui ont un caractère contraignant pour les parties et définitif, sauf si l’affaire est soumise à arbitrage ou fait l’objet d’un recours juridictionnel ; s’ils ne sont pas satisfaits des recommandations du médiateur, la DTC ou le demandeur peuvent porter le litige devant la London Court of International Arbitration (Cour internationale d’arbitrage de Londres) ou saisir les tribunaux ;

–        la modification du profil de « sightholder » : le nombre de questions a été réduit et certaines des questions restantes ont été reformulées ; des notes sur la confidentialité ont été insérées dans le questionnaire afin de donner l’assurance à ceux qui le remplissent que les secrets d’affaires seront respectés ;

–        la modification des documents intitulés « Critères applicables aux ‘sightholders’ et autres considérations » et « Déclaration de principe » ainsi que des conditions de vente.

8        Par communication du 9 novembre 2002 (JO C 273, p. 2, ci-après la « communication de 2002 »), la Commission a annoncé qu’elle avait l’intention d’adopter une position favorable à l’égard des accords SOC et a donné aux tiers intéressés l’occasion de faire connaître leur point de vue, conformément à l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

9        Le 16 janvier 2003, la Commission a clos la procédure par une lettre administrative de classement, tout en se réservant le droit de la rouvrir « si la situation de fait ou de droit devait changer en ce qui concerne tout aspect essentiel des accords [SOC] affectant la position prise à leur sujet ». La Commission a également souligné qu’elle « veillera[it] à ce que la mise en œuvre des accords SOC n’ait pas pour effet que De Beers limite artificiellement la disponibilité de certaines catégories de diamants sur le marché ou que les critères de sélection/attribution du SOC ne permettent pas aux négociants d’être approvisionnés en quantités de diamants appropriées pour assurer une liquidité suffisante sur le marché ».

2.     Plainte de la requérante

10      Le 14 juillet 2005, la requérante, la Belgische Vereniging van handelaars in- en uitvoerders geslepen diamant (BVGD), l’association belge de négociants, d’importateurs et d’exportateurs de diamants taillés, a déposé une plainte contre De Beers et la DTC, alléguant que le SOC mis en place par celles-ci constituait une infraction aux articles 81 CE et 82 CE. Dans ladite plainte, la BVGD a demandé à la Commission de rouvrir la procédure concernant le SOC.

11      Dès 2004, à la suite d’autres plaintes déposées contre le SOC, la Commission a envoyé des demandes de renseignements aux opérateurs ayant la qualité de « sightholders » à cette date, aux anciens « sightholders » qui avaient été écartés en 2003 (ci-après les « ’sightholders’ exclus »), aux courtiers, aux producteurs de diamants bruts et aux bourses diamantaires.

12      La Commission a reçu des réponses confidentielles de 54 « sightholders », de treize « sightholders » exclus, de onze bourses diamantaires, de cinq courtiers et de quatre producteurs de diamants bruts. Des résumés non confidentiels de ces réponses ont été mis à la disposition de la requérante.

13      Le 17 mars 2006, la requérante a présenté des arguments supplémentaires complétant sa plainte, à la suite de l’adoption de la décision 2006/520/CE de la Commission, du 22 février 2006, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] et de l’article 54 de l’accord EEE (Affaire COMP/B-2/38.381 – De Beers) (résumé au JO L 205, p. 24, ci-après la « décision sur les engagements de De Beers »). Cette décision a rendu contraignants les engagements de De Beers, premier producteur mondial de diamants bruts, de cesser ses achats de diamants à Alrosa, le deuxième producteur mondial de diamants bruts établi en Russie, à partir de 2009, à l’issue d’une phase de réduction progressive de ses volumes d’achats allant de 2006 à 2008.

14      Le 29 mars 2006, la Commission a adressé à la BVGD une lettre d’orientation l’informant de sa conclusion initiale, à savoir qu’il n’existait pas d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre l’instruction de la plainte, et l’invitant à la retirer.

15      Le 12 avril 2006, la BVGD a présenté ses observations sur cette lettre et a indiqué qu’elle ne retirerait pas sa plainte.

16      En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18), la Commission a informé la BVGD, par lettre du 4 août 2006, qu’elle concluait à titre provisoire à l’absence d’intérêt communautaire suffisant pour poursuivre l’instruction de la plainte (ci-après la « lettre prévue par l’article 7 »).

17      Le 1er septembre 2006, la BVGD a demandé à la Commission un accès à l’ensemble des documents sur lesquels sa conclusion provisoire était fondée.

18      Par lettre du même jour, la Commission a répondu à cette demande d’accès en indiquant qu’elle avait annexé l’ensemble des documents sur lesquels sa conclusion provisoire était fondée à la lettre prévue par l’article 7.

19      Le 19 septembre 2006, la BVGD a répondu à la lettre prévue par l’article 7.

20      En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773/2004, la Commission a, le 26 janvier 2007, adopté une décision rejetant la plainte introduite par la requérante (affaire COMP/39.221/B-2 – BVGD/De Beers) (ci-après la « décision de rejet »).

3.     Décision de rejet

21      Après avoir rappelé les griefs soulevés par la requérante dans sa plainte, la Commission les a examinés dans le cadre de trois rubriques intitulées respectivement « Effets d’exclusion », « Collecte et utilisation abusives d’informations sur les clients, avec risque de collusion » et « Autres arguments relatifs à l’illégalité du SOC ».

22      Ainsi, en premier lieu, l’analyse du marché des diamants bruts, et notamment des acteurs sur ce marché, a conduit la Commission à considérer que, « pour ce qui concerne la question de savoir si De Beers commet[tait] une infraction aux articles 81 [CE] et/ou 82 CE en excluant les fournitures de diamants bruts et polis en tant qu’intrants pour les opérateurs en diamants qui ne sont pas des [‘]sightholders[‘] de la DTC, […] il sembl[ait] y avoir une possibilité réduite de conclure à des effets anticoncurrentiels appréciables, qui justifieraient la réouverture de la procédure ». En effet, elle a estimé que les volumes de diamants bruts d’Alrosa, devenus disponibles grâce à la décision sur les engagements de De Beers (voir point 13 ci-dessus), et les quantités de diamants revendus par les « sightholders » garantiraient une concurrence suffisante sur le marché secondaire. La Commission en a déduit qu’il n’existait pas d’intérêt communautaire suffisant pour continuer à enquêter sur les allégations d’exclusion des intrants.

23      En deuxième lieu, la Commission a rejeté l’ensemble des contestations de sa conclusion provisoire selon laquelle il serait disproportionné de poursuivre ses investigations relatives aux prétendues collecte et utilisation abusives de données confidentielles par De Beers, eu égard au mécanisme de résolution des différends prévu par le SOC, et notamment à l’institution du médiateur, dont le mandat a d’ailleurs été révisé.

24      En troisième lieu, la Commission a examiné d’autres arguments relatifs à l’illégalité du SOC, et notamment ceux portant sur la redevance pour services à valeur ajoutée (ci-après la « redevance SVA »).

25      La Commission en a conclu qu’il n’existait pas d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre son instruction et a rejeté la plainte de la requérante pour ce motif.

4.     Arrêt Alrosa du Tribunal et procédure complémentaire

26      Par arrêt du 11 juillet 2007, Alrosa/Commission (T‑170/06, Rec. p. II‑2601, ci-après l’« arrêt Alrosa du Tribunal »), le Tribunal a annulé la décision sur les engagements de De Beers, sur laquelle la Commission s’était fondée dans la décision de rejet (voir point 22 ci-dessus). Selon le Tribunal, la Commission avait, en adoptant la décision sur les engagements de De Beers, violé l’article 9 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), le principe de proportionnalité ainsi que le droit d’être entendue d’Alrosa.

27      À la suite de cette annulation, la Commission a envoyé des demandes de renseignements aux principaux producteurs de diamants le 9 octobre 2007 et des questions supplémentaires à De Beers le 29 octobre 2007.

28      En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, la Commission a informé la BVGD, par lettre du 13 novembre 2007, de sa conclusion provisoire selon laquelle l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers ne lui imposait pas de reconsidérer la conclusion à laquelle elle était parvenue dans la décision de rejet (ci-après la « lettre complémentaire prévue par l’article 7 »).

29      Le 10 janvier 2008, la BVGD a demandé à la Commission un accès à l’ensemble des documents sur lesquels sa conclusion provisoire était fondée en mentionnant spécifiquement certains d’entre eux.

30      Le 14 janvier 2008, la Commission a refusé de faire droit à cette demande d’accès.

31      Le 15 janvier 2008, la BVGD a répondu à la lettre complémentaire prévue par l’article 7.

32      Par lettre du même jour, la BVGD s’est plainte auprès du conseiller-auditeur de ne pas s’être vu accorder un accès adéquat au dossier. Le 7 février 2008, le conseiller-auditeur l’a informée que des versions révisées non confidentielles des réponses de De Beers aux demandes de renseignements des 9 et 29 octobre 2007 lui avaient été envoyées le 4 février 2008. Il a rejeté sa demande pour le surplus.

33      Le 12 février 2008, la BVGD a complété sa réponse à la lettre complémentaire prévue par l’article 7, pour tenir compte des informations supplémentaires ainsi transmises.

34      Le 14 mars 2008, la Commission a communiqué à la BVGD la version non confidentielle de la réponse tardive d’Alrosa à sa demande de renseignements. La BVGD a présenté ses observations sur cette réponse le 31 mars 2008.

35      En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773/2004, la Commission a, le 5 juin 2008, adopté une décision rejetant une nouvelle fois la plainte introduite par la requérante (affaire COMP/39.221/E-2 – De Beers/DTC Supplier of Choice) (ci-après la « décision complémentaire de rejet »).

5.     Décision complémentaire de rejet

36      Après avoir justifié la légalité de la procédure complémentaire, en évoquant sa base juridique ainsi que ses rapports avec la procédure initiale, la Commission a consacré l’essentiel de la décision complémentaire de rejet à l’appréciation des conséquences de l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, sur sa conclusion initiale d’absence d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre l’instruction de la plainte.

37      Elle a ainsi commencé par examiner dans quelle mesure la remise en cause des engagements de De Beers de diminuer puis de cesser ses achats de diamants à Alrosa était susceptible de modifier son appréciation relative aux effets d’exclusion du SOC. À cette fin, elle a analysé chacune des sources d’approvisionnement disponibles en dehors du SOC, à savoir les ventes d’Alrosa à d’autres que De Beers et celles des autres producteurs, les ventes des « sightholders », ainsi que celles de Diamdel, une filiale de De Beers spécialisée dans la vente de diamants bruts aux « non-sightholders ». La Commission en a conclu que la valeur cumulée des sources de diamants bruts extérieures au SOC était supérieure à 7 milliards, et peut-être même à 8 milliards de dollars des États-Unis (USD). Par conséquent, plus de la moitié des diamants bruts vendus à l’échelle mondiale échapperaient au contrôle de De Beers.

38      La Commission a estimé ensuite que cette conclusion globale n’était pas remise en cause par d’autres aspects récents ou prévus de l’évolution du marché, et notamment par le « processus d’enrichissement » en cours dans les principaux pays africains producteurs de diamants (c’est-à-dire l’Afrique du Sud, la Namibie et le Botswana), d’où provenait la plus grande partie des diamants bruts de DTC. Elle a rappelé, à cet égard, que le processus d’enrichissement visait à apporter une valeur ajoutée aux ressources naturelles de ces pays, en permettant l’allocation (par voie réglementaire ou contractuelle) d’une partie de la production minière de diamants bruts au secteur local de la taille et du polissage.

39      Selon la Commission, l’enquête complémentaire a donc pleinement confirmé ce qui avait été constaté dans la décision de rejet, à savoir que la concurrence entre les opérateurs en aval ne serait pas faussée dans une mesure suffisamment importante pour justifier la poursuite de l’enquête, étant donné qu’il existait un nombre suffisant de sources d’approvisionnement pour lesquelles ces opérateurs pourraient entrer en concurrence. En conséquence, la Commission a confirmé le rejet de la plainte de la requérante en ce qui concerne l’allégation des effets d’exclusion du SOC.

 Procédure et conclusions des parties

40      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 6 avril 2007 et le 18 août 2008, la requérante a introduit les présents recours.

41      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 juillet 2007, De Beers et DTC, devenue De Beers UK Ltd (ci-après, prises individuellement ou ensemble, « De Beers » ou les « intervenantes »), ont demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission dans l’affaire T‑104/07.

42      Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 20 mai 2008, De Beers a été admise à intervenir dans cette affaire à l’appui des conclusions de la Commission. La décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel a été réservée.

43      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2008, De Beers a également demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission dans l’affaire T‑339/08.

44      Par ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 11 mai 2009, De Beers a été admise à intervenir dans cette affaire à l’appui des conclusions de la Commission. La décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel a été réservée.

45      Le 22 juillet 2010, le Tribunal a, au titre des mesures d’organisation de la procédure, demandé aux parties de se prononcer sur les conséquences pour les présents recours de l’arrêt de la Cour du 29 juin 2010, Commission/Alrosa (C‑441/07 P, Rec. p. I‑5949, ci-après l’« arrêt Alrosa de la Cour »), ayant annulé l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra. Les parties ont répondu à cette question dans les délais impartis.

46      Dans le cadre de leur réponse à ladite question, la Commission et De Beers ont par ailleurs demandé la jonction des affaires T-104/07 et T‑339/08. La requérante n’a formulé aucune objection à l’égard de cette demande.

47      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle les présentes affaires ont, par conséquent, été attribuées.

48      Par ordonnances, respectivement, des 8 et 10 mai 2012, le président de la huitième chambre du Tribunal a rejeté les demandes de traitement confidentiel dans les affaires T-104/07 et T-339/08.

49      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d’organisation de la procédure, a demandé aux parties de répondre à certaines questions et de produire un document. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

50      Les affaires T-104/07 et T-339/08 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt par ordonnance du président de la huitième chambre du 12 septembre 2012.

51      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 octobre 2012. Lors de cette audience, la Commission a demandé au Tribunal de verser au dossier certains documents supplémentaires. Le Tribunal a réservé sa décision sur cette demande.

52      Dans l’affaire T-104/07, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet ;

–        ordonner à la Commission de communiquer :

–        les réponses complètes des 54 « sightholders », des onze bourses diamantaires, des treize « sightholders » exclus et des quatre producteurs concurrents aux demandes de renseignements envoyées par la Commission sur le fondement de l’article 18 du règlement n° 1/2003 ;

–        l’accord commercial entre De Beers et Alrosa du 17 décembre 2001 (ci-après l’« accord De Beers-Alrosa ») ;

–        le catalogue des prix (« price book ») établi par De Beers et Alrosa, dans lequel devraient figurer les prix auxquels Alrosa vend ses diamants à De Beers ;

–        le procès-verbal de la ou des réunions tenues au cours de la période 2001-2002 entre le directeur général de De Beers, le membre de la Commission chargé de la concurrence à l’époque et son prédécesseur ;

–        tous les documents ayant trait à la plainte et au SOC que De Beers a communiqués à la Commission ;

–        les règles de procédure du médiateur (« procedural guides »), mentionnées au paragraphe 75 de la dernière version communiquée du mandat du médiateur (« Terms of reference ») ;

–        condamner la Commission aux dépens

53      Dans l’affaire T-339/08, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision complémentaire de rejet ;

–        ordonner à la Commission de communiquer :

–        une version non confidentielle « correcte et utile » des réponses fournies par De Beers et Alrosa dans le cadre de la procédure complémentaire ;

–        les versions non confidentielles des plaintes et des documents qui y sont afférents, déposés auprès d’elle, concernant le SOC et l’accord De Beers-Alrosa, y compris la communication des griefs ;

–        les versions non confidentielles des documents obtenus dans le cadre de l’enquête concernant le SOC et l’accord De Beers-Alrosa ;

–        la requête déposée par Alrosa dans l’affaire T-170/06 ;

–        les communications des griefs auxquelles elle se réfère dans la décision complémentaire de rejet ;

–        les rapports annuels rédigés par le mandataire (« trustee ») sur les engagements de De Beers.

–        condamner la Commission aux dépens.

54      Dans les affaires T-104/07 et T-339/08, la Commission et les intervenantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

55      Dans leurs mémoires en intervention complémentaires, les intervenantes concluent à la condamnation de la requérante à ses propres dépens relatifs aux demandes de traitement confidentiel ainsi qu’à ceux qu’elles ont exposés du fait de ces demandes, dans l’hypothèse où les présents recours seraient accueillis.

 En droit

56      À l’appui des recours, la requérante invoque, en substance, cinq moyens. Le premier est tiré de l’illégalité de la procédure complémentaire, le deuxième, de la violation de ses droits procéduraux, le troisième porte sur les obligations de la Commission lors du traitement d’une plainte, le quatrième, sur l’appréciation de l’intérêt communautaire et, le cinquième, sur l’obligation de motivation.

1.     Sur le moyen tiré de l’illégalité de la procédure complémentaire (affaire T‑339/08)

57      Dans l’affaire T-339/08, la requérante soutient, en substance, qu’il n’existe aucune base juridique permettant à la Commission d’engager une procédure complémentaire à la suite d’une décision de rejet de plainte et d’adopter la décision complémentaire de rejet et que, en agissant de la sorte, celle-ci a méconnu les principes de sécurité juridique et de bonne administration et commis un détournement de procédure.

 Sur l’absence de base juridique et sur l’existence d’un détournement de procédure

58      Selon la requérante, l’article 7 du règlement n° 773/2004 ne constitue pas la base juridique correcte pour l’engagement de la procédure complémentaire et l’adoption de la décision complémentaire de rejet, dans la mesure où cette disposition ne traite que du rejet des plaintes et n’habilite pas la Commission à réexaminer une situation. En se fondant sur cette disposition, la Commission aurait commis un détournement de procédure. Elle aurait en effet utilisé la procédure prévue par le règlement n° 773/2004 pour tenter de « valider » la procédure initiale, notamment grâce aux demandes de renseignements envoyées aux producteurs de diamants.

59      Il suffit de relever à cet égard que le grief invoqué repose sur une prémisse erronée dès lors que, dans la décision complémentaire de rejet, sous le titre « Base juridique de la procédure complémentaire », la Commission a indiqué clairement que « le droit de la Commission de réexaminer, modifier ou retirer ses décisions n’[était] pas fondé sur une quelconque disposition du règlement n° 773/2004, mais sur un principe général du droit ». Elle a également précisé qu’elle avait envoyé la lettre complémentaire prévue par l’article 7, dans la mesure où l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004 constitue la seule disposition permettant d’inviter les plaignants à réagir à une appréciation provisoire selon laquelle il n’y a pas de motifs suffisants pour donner suite à une plainte.

60      Il en résulte que la Commission a engagé la procédure complémentaire sur le fondement du « principe général du droit [d’une autorité administrative] de réexaminer, modifier ou retirer ses décisions » et que, s’agissant de l’examen d’une plainte, elle a appliqué dans le cadre de cette procédure une disposition figurant dans le chapitre IV « Traitement des plaintes » du règlement n° 773/2004. La Commission n’ayant dès lors pas engagé la procédure complémentaire sur le fondement de l’article 7 du règlement n° 773/2004, l’allégation de détournement de procédure peut être rejetée, sans qu’il soit besoin d’examiner si ce grief, tel qu’exposé par la requérante, correspond effectivement à une allégation de détournement de procédure, définie par la jurisprudence comme étant l’hypothèse dans laquelle une institution use d’un pouvoir dans le but exclusif ou à tout le moins déterminant d’éluder une procédure spécialement prévue pour régir la situation en cause (voir arrêt de la Cour du 15 mai 2008, Espagne/Conseil, C‑442/04, Rec. p. I‑3517, point 49, et la jurisprudence citée), et si la preuve d’un tel détournement de procédure est rapportée en l’espèce.

61      S’agissant du principe général évoqué par la Commission, la requérante prétend toutefois que celui-ci ne pourrait pas davantage constituer la base juridique de la décision complémentaire de rejet.

62      En premier lieu, la requérante affirme que, en vertu de ce principe, la Commission n’est habilitée à réexaminer des décisions que si celles-ci imposent une charge ou une sanction, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

63      Il y a lieu de relever à cet égard, à l’instar de l’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer dans ses conclusions sous l’arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, Rec. p. I‑5363, I‑5365, point 67), que le principe général du droit fondé sur les droits des États membres, selon lequel l’administration a la possibilité de réexaminer et, le cas échéant, de retirer un acte administratif individuel, a été reconnu dès les premiers arrêts de la Cour (arrêts de la Cour du 12 juillet 1957, Algera e.a./Assemblée commune de la CECA, 7/56 et 3/57 à 7/57, Rec. p. 81, 115 et 116, et du 22 mars 1961, SNUPAT/Haute Autorité de la CECA, 42/59 et 49/59, Rec. p. 101, 160).

64      Contrairement à ce que soutient la requérante, la jurisprudence n’a aucunement limité l’application de ce principe aux décisions imposant une charge ou une sanction. L’affaire citée par la requérante, qui a donné lieu à l’arrêt Commission/AssiDomän Kraft Products e.a, point 63 supra, est même l’une des seules à porter sur le retrait d’une telle décision, alors que la plupart des arrêts faisant application dudit principe statuent sur des décisions favorables à la partie requérante et dont cette dernière conteste le retrait (voir, s’agissant d’une décision reconnaissant la maladie professionnelle et l’invalidité de la partie requérante, arrêt de la Cour du 17 avril 1997, de Compte/Parlement, C‑90/95 P, Rec. p. I‑1999, et, s’agissant d’une décision approuvant une opération de concentration, arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal +/Commission, T‑251/00, Rec. p. II‑4825).

65      Il résulte de cette jurisprudence que le retrait d’un acte administratif illégal favorable, ou selon une autre formule, qui crée des droits subjectifs, peut être opéré sous réserve de l’observation par l’institution dont il émane des conditions relatives au respect d’un délai raisonnable et de la confiance légitime du bénéficiaire de l’acte qui a pu se fier à la légalité de celui-ci [arrêts du Tribunal du 12 septembre 2007, Gonzalez y Diez/Commission, T‑25/04, Rec. p. II‑3121, point 97, et du 18 octobre 2011, Reisenthel/OHMI – Dynamic Promotion (cageots et paniers), T‑53/10, non encore publié au Recueil, point 40 ; voir également, en ce sens, arrêt de Compte/Parlement, point 64 supra, point 35].

66      En l’espèce, la Commission a considéré dans la décision complémentaire de rejet que, la décision de rejet ne constituant pas un acte favorable à la requérante, elle ne crée pas d’attentes légitimes devant être sauvegardées, de sorte que son réexamen ne serait pas enserré dans des contraintes juridiques.

67      La requérante fait valoir à cet égard qu’elle peut se prévaloir d’une confiance légitime dans la légalité de la décision de rejet même si elle ne lui est pas favorable, ce qui limiterait les possibilités de réexamen, et que la décision de rejet lui a conféré un droit subjectif, à savoir celui de la contester devant le juge.

68      Il suffit de relever à cet égard que la nécessaire protection de la confiance légitime qui a pu être placée dans la légalité et la stabilité d’un acte vicié n’a de raison d’être qu’en ce qui concerne les actes favorables ou octroyant des droits subjectifs à la partie requérante et qu’elle n’en a aucune s’agissant des actes lui imposant une charge ou une sanction (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l’arrêt Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., point 63 supra, points 66 et 67, et arrêt de la Cour du 16 décembre 2010, Athinaïki Techniki/Commission, C‑362/09 P, Rec. p. I‑13275, points 59 et 60). En effet, le principe de protection de la confiance légitime ne s’applique par définition qu’à l’égard de droits ou d’avantages.

69      Or, en l’espèce, la Commission se limite, dans la décision de rejet, à rejeter la plainte de la requérante, en indiquant qu’elle ne poursuivra pas l’instruction relative au SOC et qu’elle clôt le dossier. La décision de rejet ne confère ainsi en elle-même aucun droit subjectif au plaignant, étant précisé que le droit de recours contre cette décision allégué par la requérante est conféré par le traité et non par ladite décision, comme le souligne à juste titre la Commission, et qu’il a au demeurant été exercé par l’introduction du recours dans l’affaire T-104/07.

70      Il peut être ajouté, à titre surabondant, que, compte tenu précisément de l’introduction de ce recours contre la décision de rejet, la requérante ne saurait, sans contradiction, invoquer sa confiance légitime dans la légalité de ladite décision.

71      En second lieu, la requérante conteste l’issue du réexamen opéré par la Commission en alléguant que celle-ci n’a entrepris aucune des trois actions autorisées lorsqu’elle a réexaminé la décision de rejet, à savoir retirer, modifier ou confirmer ladite décision.

72      Il suffit de citer à cet égard les termes de la décision complémentaire de rejet qui établissent clairement que la Commission a confirmé sa décision de rejet de la plainte de la requérante. En effet, la Commission a indiqué, dans la dernière phrase de la conclusion de ladite décision, qu’elle « confirm[ait] le rejet de la plainte s’agissant de l’appréciation des effets d’exclusion ».

73      Pour toutes ces raisons, les allégations de défaut de base juridique de la décision complémentaire de rejet et de détournement de procédure doivent être rejetées.

 Sur la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration

74      Selon la requérante, le réexamen mené par la Commission dans le cadre de la procédure complémentaire aurait dû la conduire, en vertu des principes de bonne administration et de sécurité juridique, à retirer la décision de rejet et à adopter une nouvelle décision. En effet, premièrement, un tel retrait aurait permis de clarifier la situation juridique et d’éviter toute incertitude quant à la qualification de la décision complémentaire de rejet, nouvel acte attaquable ou acte purement confirmatif. Deuxièmement, il aurait évité que la Commission ne « réécrive a posteriori » les motifs de la décision de rejet, notamment en corrigeant les erreurs commises lors de la procédure initiale. Troisièmement, le retrait de la décision de rejet aurait permis d’éviter la « double procédure juridictionnelle » que la requérante aurait été contrainte d’engager en introduisant un recours contre la décision de rejet et un autre contre la décision complémentaire de rejet.

75      La requérante critique également le fait que la Commission a décidé d’adopter la décision de rejet alors qu’elle avait connaissance de l’existence du recours introduit contre la décision sur les engagements de De Beers dans l’affaire T‑170/06 et, partant de la contestation de la légalité de l’un des fondements de sa décision.

76      Il convient d’écarter d’emblée le dernier argument soulevé par la requérante (voir point 75 ci-dessus) comme inopérant, en ce qu’il porte sur la décision de rejet qui ne fait pas l’objet du recours dans l’affaire T‑339/08 dans le cadre de laquelle le présent moyen est soulevé.

77      Pour le surplus, il y a lieu de constater que l’argumentation de la requérante témoigne d’une méconnaissance du déroulement de la procédure complémentaire, tel qu’il est exposé dans la décision complémentaire de rejet.

78      En effet, la procédure complémentaire a été engagée à la suite de l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, qui avait annulé la décision sur les engagements de De Beers (voir points 26 et suivants ci-dessus), laquelle constituait, selon la décision complémentaire de rejet elle-même, l’un des fondements de la décision de rejet. Ainsi qu’il ressort également de la décision complémentaire de rejet, la procédure complémentaire portait principalement sur ce fondement de la décision de rejet et visait à examiner l’impact que pouvait avoir sur son analyse l’élément factuel nouveau constitué par l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, intervenu après l’adoption de cette décision. La Commission ayant estimé que cet élément nouveau de même que l’évolution du marché depuis l’adoption de la décision de rejet ne modifiaient pas son analyse, elle a explicitement confirmé, dans la partie conclusive de la décision complémentaire de rejet, le rejet de la plainte (voir point 72 ci-dessus).

79      Il résulte de ces éléments que la Commission n’a pas motivé a posteriori la décision de rejet, mais qu’elle a procédé à l’analyse d’un élément factuel nouveau dans le cadre de la procédure complémentaire qui l’a conduite à retenir la même solution que celle de la décision de rejet. Il en résulte également qu’il n’existe aucune incertitude quant à la « qualification » de la décision complémentaire de rejet. En effet, même si la Commission a confirmé, dans la décision complémentaire de rejet, le rejet de la plainte de la requérante résultant de la décision de rejet, la décision complémentaire de rejet ne peut être qualifiée d’acte purement confirmatif, dès lors qu’elle contient des éléments nouveaux par rapport à la décision de rejet et a été précédée d’un réexamen (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 29 avril 2004, SGL Carbon/Commission, T‑308/02, Rec. p. II‑1363, point 51, et la jurisprudence citée).

80      Il ne saurait davantage être reproché à la Commission de ne pas avoir, en l’espèce, adopté une nouvelle décision de rejet après avoir retiré la décision de rejet initiale, dès lors qu’un tel retrait aurait été contraire à la jurisprudence relative au principe général de retrait des actes administratifs. En effet, même lorsque l’acte en cause ne confère pas de droits subjectifs, comme c’est le cas de la décision de rejet (voir point 69 ci-dessus), le juge de l’Union, se fondant notamment sur les principes de bonne administration et de sécurité juridique, limite les possibilités de retrait aux actes illégaux. La Cour a ainsi jugé, en matière d’aides d’État, que la Commission ne pouvait procéder au retrait d’une décision de classement d’une plainte concernant une prétendue aide illégale que pour réparer une illégalité affectant ladite décision (arrêt Athinaïki Techniki/Commission, point 68 supra, point 70). Elle s’est notamment fondée sur le fait que, si la Commission était en droit de retirer un tel acte, elle pourrait perpétuer un état d’inaction qui serait contraire aux obligations lui incombant en matière d’aides d’État et pourrait échapper à tout contrôle juridictionnel, le recours dirigé contre une lettre de classement retirée étant sans objet (arrêt Athinaïki Techniki/Commission, point 68 supra, point 69). Cette solution appliquée en matière d’aides d’État est transposable aux circonstances de l’espèce caractérisées par une obligation de la Commission de statuer sur les plaintes déposées au titre des articles 81 CE et 82 CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission, C‑282/95 P, Rec. p. I‑1503, points 36 à 38, et arrêt du Tribunal du 19 mai 2011, Ryanair/Commission, T‑423/07, non encore publié au Recueil, point 53), de sorte que le réexamen et, le cas échéant, le retrait de la décision de rejet ne pouvaient intervenir que si celle-ci était illégale. Or, seul l’un des fondements de la décision de rejet ayant été déclaré illégal, puis annulé par l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, la procédure complémentaire ne pouvait porter que sur ce fondement et la décision de rejet n’aurait pu être retirée, comme le souligne la Commission dans la décision complémentaire de rejet, que si celle-ci avait déduit de l’absence d’engagements de De Beers la nécessité de poursuivre l’instruction relative au SOC, l’illégalité en cause affectant ainsi la solution de rejet de la plainte. Contrairement à ce que soutient la requérante, en procédant de la sorte, la Commission n’a pas confondu des éléments relatifs à la procédure de retrait avec le fond de l’affaire caractérisé par une absence d’intérêt communautaire suffisant, mais a simplement examiné si la condition requise pour retirer un acte, à savoir son illégalité, était remplie en l’espèce.

81      Il y a lieu d’ajouter que le retrait de la décision de rejet n’aurait pas permis d’éviter l’introduction de deux recours. En effet, l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, qui est à l’origine de l’ouverture de la procédure complémentaire, ayant été prononcé près de six mois après l’adoption de la décision de rejet, et le délai de recours étant de deux mois, la requérante n’avait d’autre possibilité que d’introduire un recours contre la décision de rejet, quand bien même cette dernière aurait été retirée à l’issue de la procédure complémentaire. En outre, comme l’indique la Commission dans la décision complémentaire de rejet, la requérante disposait de la faculté d’adapter ses conclusions dans l’affaire T-104/07, ainsi que l’y autorise la jurisprudence, au lieu d’introduire un recours distinct contre ladite décision.

82      Par conséquent, aucun des arguments avancés par la requérante au soutien de son allégation de violation des principes de bonne administration et de sécurité juridique ne saurait être admis, de sorte que le moyen tiré de l’illégalité de la procédure complémentaire doit être rejeté dans son intégralité.

2.     Sur le moyen tiré de la violation des droits procéduraux de la requérante (affaires T-104/07 et T-339/08)

83      Dans les affaires T-104/07 et T-339/08, la requérante prétend que la Commission a violé son droit d’accès aux documents sur lesquels celle-ci a fondé son appréciation provisoire lors de la procédure initiale et lors de la procédure complémentaire. Dans l’affaire T-104/07, s’agissant de la seule procédure initiale, elle fait également valoir que la Commission a créé une confusion concernant la phase de la procédure en cause, a exercé des pressions indues en imposant des délais courts ainsi qu’en refusant d’accorder des prorogations et l’a empêchée de commenter les nouveaux renseignements disponibles après l’envoi de la lettre prévue par l’article 7.

84      Il ressort de la jurisprudence que la procédure ouverte à la suite d’une plainte ne constitue pas une procédure contradictoire entre les entreprises intéressées, mais une procédure engagée par la Commission, à la suite d’une demande, dans l’exercice de sa mission de veiller au respect des règles de concurrence. Il s’ensuit que les entreprises contre lesquelles la procédure est engagée et celles qui ont introduit une plainte ne se trouvent pas dans la même situation procédurale et que ces dernières ne peuvent pas se prévaloir des droits de la défense. En revanche, ces plaignants doivent être mis en mesure de sauvegarder leurs intérêts légitimes dans le cadre de la procédure engagée par la Commission et ainsi être étroitement associés à ladite procédure, même si les droits procéduraux des plaignants ne sont pas aussi étendus que les droits de la défense des entreprises contre lesquelles la Commission dirige son enquête (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, points 19 et 20, et arrêt du Tribunal du 30 novembre 2000, Industrie des poudres sphériques/Commission, T‑5/97, Rec. p. II‑3755, point 229 ; voir également considérant 8 du règlement n° 773/2004).

85      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les griefs de la requérante relatifs à la violation de ses droits procéduraux en qualité de plaignante.

 Sur la violation du droit d’accès aux documents sur lesquels la Commission a fondé son appréciation provisoire (affaires T-104/07 et T-339/08)

 Sur les griefs tirés de la violation du droit d’accès

86      La requérante fait valoir que la Commission a violé son droit d’accès aux documents sur lesquels celle-ci a fondé son appréciation provisoire, lequel lui est reconnu par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004.

87      L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004 est ainsi rédigé :

« 1. Lorsque la Commission a informé le plaignant de son intention de rejeter la plainte en application de l’article 7, paragraphe 1, le plaignant peut demander l’accès aux documents sur lesquels la Commission fonde son appréciation provisoire. À cet effet, le plaignant ne peut cependant pas avoir accès aux secrets d’affaires et autres informations confidentielles appartenant à d’autres parties à la procédure. »

88      Le paragraphe 69 de la communication de la Commission relative au traitement par la Commission des plaintes déposées au titre des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2004, C 101, p. 65, rectificatif JO 2004, C 148, p. 10, ci-après la « communication relative au traitement des plaintes ») précise :

« En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement [n° ]773/2004, le plaignant a le droit d’accéder aux informations sur lesquelles la Commission fonde sa conclusion préliminaire. En principe, la Commission accorde cet accès en annexant à sa lettre une copie des différentes pièces pertinentes. »

89      Il résulte par ailleurs de la jurisprudence que les tiers ne sauraient prétendre disposer d’un droit d’accès au dossier détenu par la Commission dans des conditions identiques à celles auxquelles peuvent prétendre les entreprises poursuivies (arrêts du Tribunal du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T‑17/93, Rec. p. II‑595, point 34 ; du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T‑65/96, Rec. p. II‑1885, point 34, et Industrie des poudres sphériques/Commission, point 84 supra, point 229 ; voir également paragraphe 59 de la communication relative au traitement des plaintes).

90      Le droit d’accès des plaignants se limite donc aux documents sur lesquels la Commission fonde son appréciation provisoire. Il ne revêt pas la même portée que le droit d’accès au dossier de la Commission reconnu aux personnes, entreprises et associations d’entreprises auxquelles la Commission a adressé une communication des griefs, qui vise l’ensemble des documents obtenus, produits ou assemblés par la direction générale de la Commission lors de l’enquête (paragraphes 7, 8, 30 et 31 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles 81 [CE] et 82 [CE], des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, JO 2005, C 325, p. 7, ci-après la « communication relative aux règles d’accès au dossier »).

–       Sur le droit d’accès au cours de la procédure initiale

91      En l’espèce, lors de la procédure initiale, la Commission a indiqué, dans la lettre prévue par l’article 7, que son appréciation provisoire était fondée sur des documents déjà en possession de la requérante (tels que des documents publics de la Commission) et sur une analyse des réponses à ses demandes de renseignements, dont elle a annexé une synthèse non confidentielle, sous la forme de tableaux. La Commission a également affirmé, dans cette lettre, avoir annexé tout document public cité qui ne serait pas facilement accessible sur Internet et a joint le mandat révisé du médiateur. Par ailleurs, dans sa réponse du 1er septembre 2006 à la lettre de la requérante du même jour lui demandant l’accès à l’ensemble des documents sur lesquels sa conclusion provisoire était fondée, la Commission a indiqué qu’elle avait annexé l’ensemble de ces documents à la lettre prévue par l’article 7, en reproduisant le passage pertinent de ladite lettre.

92      La requérante soutient, en premier lieu, que la référence à des « documents publics de la Commission » déjà en sa possession aurait été insuffisante, car ces documents auraient dû au moins être identifiés.

93      Ce premier argument manque en fait. En effet, la lettre prévue par l’article 7 comporte les références précises des documents publics, émanant de la Commission – tels que la communication de 2002 ou la décision sur les engagements de De Beers – et même émanant de tiers – tels que les rapports annuels d’Alrosa ou des articles de publications spécialisées – sur lesquels la Commission s’est fondée. Des liens hypertextes vers ces documents figurent dans la lettre, lorsqu’il s’agit de documents disponibles sur Internet. Les documents publics sur lesquels la Commission s’est fondée ont donc été identifiés dans la lettre prévue par l’article 7 et étaient facilement accessibles pour la requérante.

94      La requérante soutient, en deuxième lieu, que l’analyse des réponses aux demandes de renseignements de la Commission, présentée dans des tableaux synthétiques non confidentiels, comportait des incohérences par rapport auxdites demandes.

95      À cet égard, il convient de constater tout d’abord que, ainsi que la Commission l’admet, le document initialement transmis à la requérante comportait une erreur concernant la demande de renseignements aux « sightholders », le questionnaire transmis ne comportant que seize questions alors que les réponses synthétisées portaient sur 26 questions. Cette erreur a cependant été rectifiée par la Commission le jour même où la requérante l’a fait observer, et une table de correspondance entre les questionnaires et les tableaux de synthèse a également été fournie par la Commission, en réponse à la demande de la requérante (lettre de la Commission du 6 septembre 2006 répondant à la lettre de la requérante du même jour.

96      Ensuite, il y a lieu de relever que la requérante ne précise pas, dans ses écritures, quelles sont les autres incohérences qu’elle a constatées. Elle se contente de renvoyer au paragraphe 33 de ses observations du 19 septembre 2006 sur la lettre prévue par l’article 7.

97      Ce renvoi ne saurait être admis, eu égard à la jurisprudence constante selon laquelle, si le texte de la requête peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle-ci, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale. Les annexes ne sauraient dès lors servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle-ci. La partie requérante doit indiquer dans sa requête les griefs précis sur lesquels le Tribunal est appelé à se prononcer ainsi que, de manière à tout le moins sommaire, les éléments de droit et de fait sur lesquels ces griefs sont fondés. En effet, il serait contraire à la fonction purement probatoire et instrumentale des annexes que celles-ci puissent servir à faire la démonstration détaillée d’une allégation présentée de manière insuffisamment claire et précise dans la requête (voir arrêt du Tribunal du 30 janvier 2007, France Telecom/Commission, T‑340/03, Rec. p. II‑107, points 167 et 204, et la jurisprudence citée).

98      La requérante soutient, en troisième lieu, que, en raison de la confidentialité alléguée par la Commission comme une « formule de style » et du caractère abusivement bref des résumés transmis les rendant incompréhensibles, elle n’a pas été en mesure d’obtenir un accès utile aux documents ayant fondé l’appréciation provisoire de celle-ci.

99      Il y a lieu de rappeler que l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004 exclut expressément de la communication aux plaignants les secrets d’affaires et les autres informations confidentielles appartenant à d’autres parties à la procédure (voir point 87 ci-dessus ; voir également paragraphe 32 de la communication relative aux règles d’accès au dossier).

100    En l’espèce, la requérante s’est adressée au conseiller-auditeur à plusieurs reprises, notamment pour dénoncer le fait que les résumés non confidentiels qui lui avaient été transmis ne lui permettaient pas de comprendre les réponses aux questions. Le conseiller-auditeur lui a répondu que la transmission des réponses aux questions sous forme de résumés non confidentiels visait à protéger les intérêts commerciaux des auteurs des réponses et à présenter certaines données empiriques rendues anonymes qui ne pouvaient l’être dans un autre format. Il a également précisé que le directeur de la Commission responsable de l’affaire lui avait confirmé avoir transmis tous les passages sur lesquels il entendait se fonder pour rejeter la plainte, à l’exception des données confidentielles.

101    Toutefois, devant le conseiller-auditeur comme dans le cadre de la présente procédure, la requérante n’a fourni aucun élément de nature à établir que la Commission aurait erronément retenu la confidentialité de certaines données et ainsi rendu la lecture des résumés incompréhensible, alors qu’elle aurait été en mesure d’identifier, grâce à une comparaison entre les questionnaires non confidentiels qui lui avaient été transmis et les résumés non confidentiels des réponses auxdits questionnaires mentionnant en général les numéros des questions correspondantes, les données qui avaient été omises pour en contester le cas échéant le caractère confidentiel. Ainsi, il ressort de la lecture du résumé des réponses aux questions des « sightholders » que la Commission n’avait pas exposé dans ce résumé les réponses des « sightholders » à la question n° 2 les interrogeant sur leur chiffre d’affaires.

102    Il peut également être relevé que la jurisprudence a déjà admis, comme l’a souligné la Commission, qu’un accès au dossier soit accordé aux destinataires d’une communication des griefs sous la forme d’un résumé non confidentiel des réponses aux demandes de renseignements de la Commission, afin de préserver l’anonymat des tiers concernés (arrêts du Tribunal du 28 avril 1999, Endemol/Commission, T‑221/95, Rec. p. II‑1299, point 69, et du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission, T‑5/02, Rec. p. II‑4381, point 100). Le recours à cette modalité d’accès est dès lors a fortiori admissible s’agissant du droit d’accès d’un plaignant.

103    Si, par ce troisième argument, la requérante fait également valoir une insuffisance de la motivation de l’absence de communication de certaines données confidentielles, il doit être relevé qu’une telle motivation figure dans la lettre prévue par l’article 7, dans la réponse susvisée du conseiller-auditeur et dans la décision de rejet qui reprennent toutes en substance la justification exposée au point 100 ci-dessus. Une telle motivation est suffisante dès lors que la Commission a indiqué le fondement de la confidentialité retenue, à savoir la protection des intérêts commerciaux des auteurs des réponses, et qu’il résulte de la communication relative aux règles d’accès au dossier que des informations sont considérées comme confidentielles lorsque la personne ou l’entreprise en cause a fait une demande à cet effet et que cette demande a été acceptée par la Commission (paragraphe 21). Il ne saurait être exigé que, à l’égard du plaignant et en l’absence de contestation précise de sa part, la motivation de la Commission doive être plus étoffée, et ce d’autant plus qu’elle suffisait en l’espèce à la requérante pour contester la confidentialité retenue (voir point 101 ci-dessus).

104    En outre, il ne ressort pas de la lecture des résumés des réponses aux questions que ceux-ci soient incompréhensibles. En effet, certains résumés des réponses des « sightholders » sont certes brefs, mais cette concision s’explique par le contenu des questions posées, qui appelaient des réponses succinctes, telles qu’une réponse par oui ou par non, la fourniture de données chiffrées ou une énumération. Les résumés de ce type de réponses, même brefs, reprennent ainsi nécessairement la quasi-totalité des données non confidentielles fournies en réponse aux questions en cause et ne sont pas amputés d’éléments qui affecteraient leur compréhension. Par ailleurs et de manière générale, une lecture combinée des résumés des réponses et des questions auxquelles ils se rapportent peut aisément être effectuée, y compris lorsque les résumés des réponses ne mentionnent pas les numéros des questions correspondantes, comme c’est le cas du résumé des réponses des producteurs de diamants, et permet d’éviter tout problème de compréhension.

105    La requérante soutient, en quatrième lieu, que son droit d’accès aux documents sur lesquels la Commission a fondé son appréciation provisoire a été violé, lorsque celle-ci a rejeté sa nouvelle demande présentée le 19 septembre 2006. En particulier, elle conteste le motif de tardiveté avancé par la Commission pour justifier son rejet, qui serait en contradiction avec la justification donnée précédemment selon laquelle l’ensemble des documents ayant fondé son appréciation provisoire lui auraient été communiqués.

106    Il y a lieu de considérer que la Commission était fondée à rejeter cette demande en raison de sa tardiveté, ainsi qu’elle l’a fait dans sa lettre du 11 octobre 2006.

107    En effet, l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004 dispose :

« Lorsque la Commission considère que, sur la base des informations dont elle dispose, il n’existe pas de motifs suffisants pour donner suite à une plainte, elle informe le plaignant de ses raisons et lui impartit un délai pour faire connaître son point de vue par écrit. La Commission n’est pas tenue de prendre en considération les observations écrites reçues après l’expiration de ce délai. »

108    Ainsi qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, le droit d’accès octroyé au plaignant par ladite disposition vise à lui permettre de présenter ses observations sur la lettre prévue par l’article 7, l’informant de son intention de rejeter la plainte. En l’espèce, la demande d’accès de la requérante figurant précisément dans ses observations relatives à la lettre prévue par l’article 7, pour lesquelles les documents demandés auraient été utiles, et la requérante n’ayant demandé ni l’autorisation de déposer des observations supplémentaires, ni une prorogation de délai à cet effet, la Commission pouvait sans méconnaître ses droits procéduraux rejeter sa demande d’accès.

–       Sur le droit d’accès au cours de la procédure complémentaire

109    Dans le cadre de la procédure complémentaire, la Commission a également rejeté, le 14 janvier 2008, la demande d’accès de la requérante du 10 janvier 2008 en se fondant, d’une part, sur le caractère confidentiel de certaines données figurant dans les réponses de De Beers aux demandes de renseignements et, d’autre part, sur le fait que les autres documents demandés n’avaient pas servi de fondement à son appréciation provisoire.

110    La requérante conteste ces deux fondements.

111    En premier lieu, elle fait valoir que, en raison de la confidentialité alléguée par la Commission comme une « formule de style », elle n’a pas été en mesure d’obtenir un accès utile aux documents ayant fondé l’appréciation provisoire de celle-ci. La requérante souligne à cet égard les dangers des « abus de la confidentialité » pour l’effet utile de l’accès aux documents.

112    En l’espèce, la Commission a transmis à la requérante, dans la lettre complémentaire prévue par l’article 7, les versions non confidentielles des réponses des producteurs de diamants, dont celles de De Beers, aux questions complémentaires qui lui avaient été posées. Par lettre du 4 février 2008, avant même que le conseiller-auditeur ne se soit prononcé en ce sens, elle lui a communiqué une nouvelle version non confidentielle des réponses de De Beers en remplaçant par des fourchettes permettant de donner un ordre de grandeur précis un certain nombre de données totalement occultées dans la première version, dont notamment celle relative à une estimation de la production mondiale de diamants bruts.

113    Les données relatives à De Beers ont ainsi fait l’objet d’une communication partielle à la requérante, laquelle n’a au surplus pas été effectuée sous la forme d’un résumé et a été complétée au cours de la procédure, notamment par la communication d’un ordre de grandeur précis de l’estimation par De Beers de la production mondiale de diamants bruts, dont l’absence avait été critiquée par la requérante. Il convient de rappeler en outre qu’un plaignant ne peut se voir communiquer des données confidentielles (voir points 87 et 99 ci-dessus) et de constater que la requérante n’a pas présenté d’autre allégation précise relative aux données non communiquées, puisqu’elle s’est contentée de soutenir que « beaucoup d’informations qui auraient dû [lui] être communiquées […] [avaie]nt été retenues ». Le premier argument de la requérante relatif à la violation de son droit d’accès dans le cadre de la procédure complémentaire doit dès lors être rejeté.

114    Il y a lieu d’ajouter que, si la requérante fait valoir dans ce cadre comme dans le cadre de la procédure initiale (voir point 103 ci-dessus) une insuffisance de la motivation de l’absence de communication de certaines données confidentielles, cette allégation doit également être rejetée. En effet, la Commission a exposé à plusieurs reprises, et notamment de manière particulièrement détaillée dans sa lettre du 14 janvier 2008 en réponse à une contestation précise de la requérante relative aux réponses données par De Beers, les raisons pour lesquelles la confidentialité des données occultées devait être assurée. Elle a ainsi expliqué que la communication de l’estimation exacte donnée par De Beers de la production mondiale de diamants bruts révélerait sa propre perception du marché et porterait atteinte au secret d’informations sensibles que celle-ci avait rassemblées dans le cadre de ses activités d’analyse du marché.

115    En second lieu, selon la requérante, la Commission ne pouvait sérieusement soutenir qu’elle ne s’était pas fondée, pour son appréciation provisoire, sur les documents demandés relatifs aux affaires T-170/06 et C-441/07 P, dès lors que la procédure complémentaire avait été engagée à la suite de l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, prononcé dans l’affaire T-170/06 et contesté par le pourvoi dans l’affaire C-441/07 P.

116    Il convient tout d’abord de constater que, parmi tous les documents demandés par la requérante dans sa lettre du 10 janvier 2008 auxquels l’accès ne lui a pas été accordé, celle-ci ne mentionne explicitement dans sa requête que les actes de la procédure dans l’affaire T-170/06 et le recours dans l’affaire C-441/07 P. Elle ne fait aucune mention des versions non confidentielles des plaintes et des documents qui y sont afférents, déposés auprès de la Commission, concernant le SOC et l’accord De Beers-Alrosa, y compris la communication des griefs, ou des versions non confidentielles des documents obtenus dans le cadre de l’enquête concernant le SOC et l’accord De Beers-Alrosa, et ne présente dès lors aucune argumentation en ce qui les concerne.

117    Il y a lieu de relever ensuite que les pièces de procédure dans les affaires T-170/06 et C-441/07 P ne sont évoquées ni explicitement ni implicitement dans la lettre complémentaire prévue par l’article 7, et la requérante ne fournit aucun élément permettant d’établir que la Commission s’est appuyée sur ces pièces. En effet, comme le souligne à juste titre la Commission dans le mémoire en défense, le seul document pertinent pour la procédure complémentaire était l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, qui est à l’origine de l’ouverture de ladite procédure et qui est évoqué à plusieurs reprises et analysé dans ladite lettre. Les écritures dans l’affaire T-170/06 ne contiennent que les positions et les arguments des parties, qui ont été examinés par le Tribunal pour trancher le litige dans ladite affaire, et qui ont au demeurant été résumés dans l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra. De même, le pourvoi formé contre cet arrêt dans l’affaire C-441/07 P n’exprime que la position de la Commission à l’égard dudit arrêt, lequel doit être exécuté en tant que tel en vertu de l’article 266 TFUE, indépendamment de ce pourvoi non suspensif.

118    Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas établi que la Commission avait méconnu son droit d’accès aux documents sur lesquels elle avait fondé ses appréciations provisoires dans les procédures initiale et complémentaire.

119    Par conséquent, la première branche du deuxième moyen tirée d’une violation du droit d’accès de la requérante aux documents sur lesquels la Commission a fondé son appréciation provisoire doit être rejetée dans son intégralité.

 Sur les demandes d’accès dans le cadre des présentes instances

120    Par son deuxième chef de conclusions dans les affaires T-104/07 et T‑339/08, la requérante demande au Tribunal d’ordonner à la Commission de lui communiquer plusieurs documents (voir point 52 ci-dessus, deuxième tiret, et point 53 ci-dessus, deuxième tiret). Ces demandes d’accès à certains documents détenus par la Commission peuvent être qualifiées de demandes de mesures d’organisation de la procédure, en ce qu’elles tendent, selon les termes mêmes de la requérante qui les définit d’ailleurs comme telles, à obtenir leur divulgation « dans le cadre [des] présent[s] recours, dans la mesure où ils apparaissent nécessaires pour une bonne compréhension de la décision attaquée », et visent ainsi à clarifier certains points litigieux en vue de faciliter le déroulement de la procédure et le règlement du litige.

121    Il suffit de constater qu’il résulte de l’examen de la première branche du présent moyen que la requérante n’a pas établi que la Commission avait méconnu son droit d’accès aux documents sur lesquels elle avait fondé ses appréciations provisoires, lesquelles ont été reprises dans les décisions attaquées. Il n’est dès lors pas nécessaire de faire droit aux demandes d’accès présentées dans le cadre des présentes instances, qui portent, ainsi que la requérante l’a précisé en réponse à une question du Tribunal, sur des documents déjà demandés au cours des procédures administratives et auxquels l’accès avait été refusé par la Commission au cours desdites procédures.

 Sur la confusion concernant la phase de la procédure en cause (affaire T-104/07)

122    La requérante soutient que la Commission a créé une confusion concernant la phase à laquelle la procédure se situait au moment de l’envoi de la lettre d’orientation du 29 mars 2006 (voir point 14 ci-dessus), la formulation d’un passage de cette lettre et la date à laquelle elle a été envoyée l’ayant conduite à penser que ce courrier constituait la lettre prévue par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004.

123    Il y a lieu de rappeler que les paragraphes 54 à 57 de la communication relative au traitement des plaintes détaillent les différentes phases de la procédure d’examen des plaintes par la Commission, préalablement distinguées par la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, Rec. p. II‑367, points 45 à 47, et du 18 mai 1994, BEUC et NCC/Commission, T‑37/92, Rec. p. II‑285, point 29). Ces paragraphes sont ainsi rédigés :

« 54. Dans la procédure d’examen des plaintes par la Commission, on distingue différentes phases.

55. Durant la première phase, qui suit le dépôt de la plainte, la Commission examine celle-ci et se procure éventuellement des informations complémentaires afin de décider de la suite à donner à la plainte. Cette phase peut comporter un échange de vues informel entre la Commission et le plaignant afin de préciser les éléments de fait et de droit sur lesquels porte la plainte. Il peut arriver que, durant cette phase, la Commission communique sa première réaction au plaignant, donnant ainsi à ce dernier l’occasion de développer ses allégations à la lumière de cette première réaction.

56. Durant la deuxième phase, la Commission peut poursuivre l’instruction de l’affaire en vue de l’ouverture d’une procédure au titre de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 à l’encontre des entreprises mises en cause. Si la Commission considère qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour agir sur la base de la plainte, elle en informe le plaignant de manière motivée et lui donne l’occasion de soumettre des observations complémentaires dans un délai qu’elle fixe (article 7, paragraphe 1, du règlement [n°] 773/2004).

57. Si le plaignant ne fait pas connaître son point de vue dans le délai que lui a imparti la Commission, la plainte est réputée retirée (article 7, paragraphe 3, du règlement [n°] 773/2004). Dans tous les autres cas, au cours de la troisième phase de la procédure, la Commission prend connaissance des observations présentées par le plaignant. Ensuite, elle engage une procédure contre la personne faisant l’objet de la plainte ou adopte une décision définitive rejetant la plainte. »

124    En l’espèce, la lettre d’orientation du 29 mars 2006 constitue la communication par la Commission de sa première réaction au plaignant, évoquée au paragraphe 55 de la communication relative au traitement des plaintes, et non la lettre prévue par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, qui a été envoyée le 4 août 2006.

125    La requérante soutient qu’elle a pris cette lettre d’orientation pour la lettre prévue par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, parce que, d’une part, elle avait été envoyée neuf mois après le dépôt de la plainte et cinq mois après l’information, en novembre 2005, selon laquelle la plainte était la première phase de la procédure et, d’autre part, elle se terminait par le paragraphe suivant :

« Si aucune réponse ne devait nous parvenir dans le délai mentionné ci-dessus, nous considérerons que la plainte de la BVGD est réputée retirée. Si vous devez décider de ne pas retirer votre plainte, nous rejetterons votre plainte au titre de l’article 7 du règlement (CE) n° 773/2004. »

126    Il y a lieu de constater que la date d’envoi de la lettre d’orientation ainsi que la rédaction de son paragraphe final étaient de nature à faire naître une confusion chez la requérante, en dépit du fait que la lettre indiquait en objet qu’il s’agissait d’une orientation relative à l’affaire (« Case Orientation ») et qu’il n’était nulle part fait mention de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, comme l’exige le paragraphe 68 de la communication relative au traitement des plaintes.

127    S’agissant de la date d’envoi de la lettre d’orientation, il convient de souligner que l’examen des plaintes par la Commission n’est pas enserré dans des délais contraignants. La Commission a cependant l’obligation de statuer sur les plaintes dans un délai raisonnable (arrêt Guérin automobiles/Commission, point 80 supra, point 37), qui s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire, et notamment du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission a suivies, de la conduite des parties au cours de la procédure, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T‑213/95 et T‑18/96, Rec. p. II‑1739, point 57 ; voir également paragraphe 60 de la communication relative au traitement des plaintes).

128    La communication relative au traitement des plaintes fixe également, en son paragraphe 61, un délai indicatif de quatre mois à compter de la réception de la plainte, au cours duquel la Commission s’efforcera en principe d’informer le plaignant de la suite qu’elle se propose de donner à celle-ci, tout en précisant que « ce délai n’est pas réglementaire et ne lie pas la Commission ». Le paragraphe 62 de la communication précise :

« [A]u cours de cette période de quatre mois, et à titre de première réaction durant la première phase de la procédure, la Commission peut communiquer au plaignant la suite qu’elle se propose de donner à la plainte (voir le [paragraphe] 55 [de la communication]). Lorsque l’examen de la plainte a atteint la deuxième phase (voir le [paragraphe] 56 [de la communication]), la Commission peut aussi communiquer directement au plaignant son appréciation provisoire par la lettre prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement [n°] 773/2004. »

129    La plainte de la requérante ayant été déposée le 14 juillet 2005, le délai indicatif de quatre mois mentionné aux paragraphes 61 et 62 de la communication relative au traitement des plaintes était expiré depuis plus de quatre mois lors de l’envoi de la lettre d’orientation du 29 mars 2006 et plus de huit mois s’étaient écoulés depuis l’introduction de la plainte. Dans ces conditions, la requérante pouvait, en se fondant sur la date d’envoi, penser que la lettre d’orientation constituait la lettre prévue par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004 (voir, en ce sens, paragraphe 62, deuxième phrase, de la communication relative au traitement des plaintes).

130    La rédaction du passage final de la lettre d’orientation était de nature à renforcer cette impression, car y est évoquée la règle fixée à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 773/2004, aux termes duquel, « [s]i le plaignant ne fait pas connaître son point de vue dans le délai fixé par la Commission [dans la lettre prévue par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004], la plainte est réputée avoir été retirée ».

131    Toutefois, cette confusion n’a été que temporaire. En effet, il y a été mis un terme par la Commission dès le 12 avril 2006, par un courrier électronique adressé à la requérante, en réponse à une demande d’accès aux documents sur lesquels la Commission a fondé son appréciation provisoire, dans lequel elle précise que la lettre d’orientation n’est pas une lettre prévue par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004 et que la requérante bénéficierait de tous les droits octroyés par ledit règlement une fois engagée la procédure prévue par cette disposition.

132    Il en résulte que la confusion temporaire, d’une durée de deux semaines, découlant de la date d’envoi de la lettre d’orientation, combinée à la formulation de son passage final, n’a pas eu d’incidence sur le droit de la requérante d’être associée étroitement à la procédure. En effet, comme l’annonçait le courrier électronique du 12 avril 2006, les demandes d’accès au dossier déposées par la requérante dès la communication de la lettre d’orientation, alors qu’elles ne pouvaient l’être qu’à la suite de l’envoi de la lettre prévue par l’article 7, ont été traitées ultérieurement. En outre, la requérante a eu l’occasion de présenter ses observations sur la lettre prévue par l’article 7, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, après avoir déjà présenté ses observations sur la lettre d’orientation.

133    En conséquence, le grief tiré de la confusion concernant la phase de la procédure en cause doit être rejeté.

 Sur l’exercice de pressions indues résultant de la fixation de délais inutilement courts (affaire T-104/07)

134    La requérante fait valoir que la Commission a exercé des pressions indues sur elle en refusant d’accorder les prorogations de délai qu’elle avait demandées, à trois reprises, au cours de la procédure, pour présenter ses observations sur la lettre d’orientation, sur le projet de mandat révisé du médiateur et sur la lettre prévue par l’article 7.

135    En outre, la lettre prévue par l’article 7 aurait été envoyée à la seule requérante, dont le président était en congé, alors qu’elle aurait dû l’être à ses conseils, comme il avait été indiqué dans la plainte. La Commission aurait ainsi dû considérer qu’elle n’avait été notifiée qu’à compter du jour où le président de la requérante avait pu en prendre connaissance et ne faire courir le délai de quatre semaines fixé qu’à compter de cette date.

136    L’article 17 du règlement n° 773/2004, relatif aux délais, est ainsi rédigé :

« 1. Pour fixer les délais prévus à l’article 3, paragraphe 3, à l’article 4, paragraphe 3, à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 7, paragraphe 1, à l’article 10, paragraphe 2, et à l’article 16, paragraphe 3, la Commission tient compte du temps nécessaire à l’élaboration des observations et de l’urgence de l’affaire.

2. Les délais visés à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 7, paragraphe 1, et à l’article 10, paragraphe 2, sont d’au moins quatre semaines. Toutefois, pour les procédures ouvertes en vue d’adopter des mesures provisoires conformément à l’article 8 du règlement […] n° 1/2003, le délai peut être ramené à une semaine.

3. Les délais visés à l’article 3, paragraphe 3, à l’article 4, paragraphe 3, et à l’article 16, paragraphe 3, sont d’au moins deux semaines.

4. Les délais peuvent, le cas échéant, être prorogés sur demande motivée introduite avant l’expiration du délai initial. »

137    Les paragraphes 70 et 71 de la communication relative au traitement des plaintes apportent les précisions suivantes :

« 70. Le délai de présentation par le plaignant de ses observations concernant la lettre prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement [n°] 773/2004 est fixé en fonction des circonstances de l’espèce, mais n’est pas inférieur à quatre semaines (article 17, paragraphe 2, du règlement [n°] 773/2004). Si le plaignant ne réagit pas dans le délai imparti, la plainte est réputée retirée (article 7, paragraphe 3, du règlement [n°] 773/2004). Les plaignants ont également la faculté de retirer leur plainte à tout moment s’ils le souhaitent.

71. Le plaignant peut demander une prorogation du délai de présentation de ses observations. Selon les circonstances de l’espèce, la Commission peut accorder cette prorogation. »

138    S’agissant, en premier lieu, des délais fixés par la Commission, il convient d’examiner s’ils sont conformes à ces prescriptions.

139    Il ressort de ces textes que, s’agissant des trois correspondances concernées, la Commission n’est liée par un délai réglementaire qu’en ce qui concerne la lettre prévue par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, un délai devant être accordé au plaignant pour qu’il présente ses observations sur ladite lettre, qui ne saurait être inférieur à quatre semaines.

140    En l’espèce, la Commission a fixé un délai de six semaines à la requérante pour présenter ses observations, lequel était donc supérieur au minimum fixé par l’article 17 du règlement n° 773/2004. La Commission a précisé dans une lettre du 6 septembre 2006 avoir accordé ces deux semaines supplémentaires afin de tenir compte de la période des vacances. La requérante n’avance aucun élément susceptible de démontrer que, en retenant un délai de six semaines et non de quatre comme elle l’indique dans la requête (voir point 135 ci-dessus), la Commission n’aurait pas tenu compte du temps nécessaire à l’élaboration des observations et de l’urgence de l’affaire.

141    S’agissant des autres correspondances, les textes applicables ne prévoient aucun délai. Il peut cependant être considéré que la Commission est tenue, en vertu du principe de bonne administration et afin d’assurer l’effectivité du droit du plaignant d’être étroitement associé à la procédure, de tenir compte du temps nécessaire à l’élaboration des observations et de l’urgence de l’affaire. En fixant un délai de deux semaines pour présenter des observations sur la lettre d’orientation, et de huit jours pour le projet de révision du mandat du médiateur, la Commission a fixé des délais brefs, mais tenant compte de ces exigences.

142    En effet, la Commission peut être considérée comme ayant tenu compte du temps nécessaire à l’élaboration des observations de la requérante. D’une part, la lettre d’orientation ne comporte que quatre pages et l’orientation de la Commission est exposée sur moins de deux pages. D’autre part, la requérante avait connaissance avant l’envoi du mandat révisé du médiateur, à tout le moins de la version précédente de ce mandat, qui est communiqué aux « sightholders » dont certains sont ses membres, comme en atteste notamment le fait que, le 17 mars 2006, elle a émis un certain nombre de critiques relatives au rôle du médiateur, tel que régi par son mandat, dans le cadre du SOC. La requérante a ainsi été en mesure de présenter dans le délai de huit jours qui lui était imparti des observations détaillées et argumentées relatives au mandat révisé du médiateur de plus de cinq pages. La Commission peut également être considérée comme ayant pris en compte l’urgence de l’affaire, dans la mesure où, le mandat révisé du médiateur lui ayant été communiqué par De Beers plus de trois mois après l’envoi de la lettre d’orientation, il convenait de fixer un délai bref pour ne pas retarder l’envoi de la lettre prévue par l’article 7, qui a finalement eu lieu le 4 août 2006.

143    S’agissant, en deuxième lieu, du refus de proroger les délais fixés, il convient de souligner que la Commission n’est pas tenue par les textes d’accorder les prorogations demandées, comme le démontrent l’emploi de l’expression « peuvent, le cas échéant » à l’article 17, paragraphe 4, du règlement n° 773/2004 et la précision selon laquelle elle se prononce « selon les circonstances de l’espèce », en vertu du paragraphe 71 de la communication relative au traitement des plaintes.

144    La Commission dispose donc, en la matière, d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le contrôle du Tribunal sur les refus d’accorder les prorogations demandées ne peut avoir pour objet que de sanctionner une absence manifeste de prise en compte des circonstances de l’espèce de nature à porter atteinte au droit du plaignant d’être étroitement associé à la procédure.

145    Tel n’est pas le cas en l’espèce. Les demandes de prorogation des délais ont été motivées, dans les trois cas litigieux, par les vacances (de Pâques, puis d’été). S’il est courant d’éviter de fixer un délai expirant au mois d’août, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle proroge tout délai au motif qu’il inclut une période de vacances, en particulier s’agissant de la lettre prévue par l’article 7, lorsqu’elle a déjà accordé, en fixant le délai initial, deux semaines supplémentaires par rapport au délai minimal prévu par le règlement n° 773/2004.

146    S’agissant, en troisième lieu, du point de départ du délai de six semaines fixé pour le dépôt des observations sur la lettre prévue par l’article 7, il ne saurait être admis que la date de la notification à la requérante de ladite lettre ne soit pas prise en compte au motif que la plainte précisait que toute correspondance devait transiter par les conseils de la requérante. La notification d’une décision est en principe faite à son destinataire, et non au conseil de celui-ci. En effet, la notification au conseil d’une partie requérante ne vaut notification au destinataire que lorsqu’une telle forme de notification est prévue expressément par une réglementation (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 8 juillet 2009, Thoss/Cour des comptes, T‑545/08, non publiée au Recueil, points 41 et 42), ce qui n’est pas le cas du règlement n° 773/2004, ou par un accord entre les parties, et non unilatéralement par l’une d’elles, comme c’est le cas en l’espèce. Ensuite, dès lors qu’une décision a été notifiée, il ne saurait être tenu compte de la date de prise de connaissance effective de cette décision, qui ne peut constituer le point de départ d’un délai qu’à défaut d’une telle notification (voir, s’agissant des délais de recours, arrêt du Tribunal du 28 janvier 1999, BAI/Commission, T‑14/96, Rec. p. II‑139, point 33, et la jurisprudence citée).

147    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le grief tiré de l’exercice de pressions indues résultant de la fixation de délais inutilement courts doit être rejeté.

 Sur l’impossibilité pour la requérante de commenter les nouveaux renseignements disponibles après l’envoi de la lettre prévue par l’article 7 (affaire T-104/07)

148    La requérante fait valoir qu’elle n’a pas eu la possibilité de commenter les nouveaux renseignements disponibles après l’envoi de la lettre prévue par l’article 7. Elle allègue plus précisément n’avoir pas pu commenter les modifications du SOC qui auraient été proposées par De Beers postérieurement à l’envoi de cette lettre, la signature du protocole d’accord entre De Beers et Alrosa concernant leurs activités conjointes de prospection des diamants et les communiqués de presse d’Alrosa concernant son recours contre la décision sur les engagements de De Beers.

149    Tout d’abord, il convient de constater qu’il ne ressort pas du dossier que la Commission ait eu connaissance de modifications du SOC postérieurement à la date d’envoi de la lettre prévue par l’article 7. De plus, la requérante ne précise pas les éléments sur lesquels elle fonde cette affirmation, que conteste la Commission dans la décision de rejet et dans la lettre du 18 septembre 2006, où celle-ci affirme n’avoir été informée d’aucun projet de modifications par De Beers postérieurement à l’envoi de la lettre prévue par l’article 7.

150    Ensuite, il y a lieu de relever, d’une part, que la requérante a présenté des observations sur le protocole d’accord entre De Beers et Alrosa et sur les communiqués de presse d’Alrosa concernant son recours contre la décision sur les engagements de De Beers dans sa réponse du 19 septembre 2006 à la lettre prévue par l’article 7 et, d’autre part, que la Commission a exposé brièvement ces observations avant d’y répondre dans la décision de rejet.

151    En conséquence, le grief tiré de l’impossibilité pour la requérante de commenter les nouveaux renseignements disponibles après l’envoi de la lettre prévue par l’article 7 doit être rejeté.

152    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le moyen tiré de la violation des droits procéduraux de la requérante doit être rejeté dans son intégralité.

3.     Sur le moyen tiré de la violation des obligations de la Commission lors du traitement d’une plainte (affaires T-104/07 et T-339/08)

153    Dans les affaires T-104/07 et T-339/08, la requérante fait valoir en substance que, en rejetant sa plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant, la Commission, premièrement, n’a pas examiné cette plainte avec soin et impartialité et, deuxièmement, n’a pas pris en considération tous les éléments de droit et de fait pertinents.

154    Les règlements n°s 1/2003 et 773/2004 ne contiennent pas de dispositions fixant, pour l’instruction d’une plainte, des obligations d’investigation à la charge de la Commission et déterminant la suite à réserver au fond à celle-ci.

155    Selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue de prendre une décision définitive quant à l’existence ou à l’inexistence de l’infraction alléguée (arrêt de la Cour du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C‑119/97 P, Rec. p. I‑1341, point 87 ; voir également paragraphe 41 de la communication relative au traitement des plaintes).

156    En effet, la Commission, investie par l’article 85, paragraphe 1, CE de la mission consistant à veiller à l’application des articles 81 CE et 82 CE, est appelée à définir et à mettre en œuvre la politique de la concurrence et dispose à cet effet d’un pouvoir discrétionnaire dans le traitement des plaintes (arrêt de la Cour du 23 avril 2009, AEPI/Commission, C‑425/07 P, Rec. p. I‑3205, point 31, et arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, CEAHR/Commission, T‑427/08, Rec. p. II‑5865, point 26). Lorsque, en exerçant ce pouvoir discrétionnaire, la Commission décide d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie, elle peut non seulement arrêter l’ordre dans lequel les plaintes seront examinées, mais également rejeter une plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre l’examen de l’affaire (voir arrêt CEAHR/Commission, précité, point 27, et la jurisprudence citée ; voir également considérant 18 du règlement n° 1/2003 ainsi que paragraphes 41 et 45 de la communication relative au traitement des plaintes).

157    Le pouvoir discrétionnaire de la Commission n’est cependant pas sans limites. Elle doit prendre en considération tous les éléments de droit et de fait pertinents afin de décider de la suite à donner à une plainte. Elle est également tenue d’examiner avec toute l’attention requise les éléments de fait et de droit qui sont portés à sa connaissance par le plaignant (arrêt de la Cour du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑450/98 P, Rec. p. I‑3947, point 57, et arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, IECC/Commission, T‑110/95, Rec. p. II‑3605, point 51 ; voir également paragraphe 42 de la communication relative au traitement des plaintes).

 Sur l’absence d’examen de la plainte avec soin et impartialité

158    La requérante affirme que les décisions attaquées doivent être annulées au motif que la Commission n’aurait pas examiné avec soin et impartialité les éléments de fait et de droit de sa plainte. À l’appui de cette affirmation, elle présente trois séries d’arguments.

159    En premier lieu, la requérante prétend qu’un ancien membre de la Commission chargé de la concurrence a été recruté en qualité d’administrateur au conseil d’administration d’une société détenant 42 % de De Beers, peu avant la mise en place du SOC par cette dernière, malgré les obligations découlant de sa charge de membre de la Commission. Elle s’étonne également que le membre de la Commission qui lui a succédé ait pu accepter de rencontrer le directeur général de De Beers et s’interroge sur l’objet de cette réunion.

160    Il y a lieu de relever que le recrutement allégué est celui d’un ancien membre de la Commission qui a cessé ses fonctions en 1999 et date de 2002. De même, la rencontre à laquelle il est fait référence, sur le fondement d’un entretien accordé à un journal par l’ancien directeur général de De Beers, est antérieure à l’ouverture de la présente procédure, puisque le membre de la Commission chargé de la concurrence concerné a quitté ses fonctions en 2004. Ces allégations de défaut d’impartialité de la Commission fondées sur l’existence de relations entre d’anciens membres de la Commission et De Beers concernent dès lors la procédure dans l’affaire COMP/E-3/38.139 et la lettre administrative de classement du 16 janvier 2003, qui ne relèvent pas de l’objet des présentes affaires.

161    Il en résulte que cette première série d’arguments doit être rejetée.

162    En deuxième lieu, la requérante critique l’« approche négative » de l’intérêt communautaire retenue par la Commission tant lors de l’enquête initiale que lors de l’enquête complémentaire. Celle-ci aurait en effet, au lieu d’utiliser les éléments en sa possession pour déterminer si un tel intérêt existait, plutôt cherché à établir le défaut d’intérêt communautaire suffisant en l’espèce. En témoigneraient notamment, lors de la procédure initiale, les six réunions tenues entre la Commission et De Beers, alors que la requérante n’aurait été entendue qu’une seule fois, et certaines informations relatives à l’enquête données uniquement à De Beers tout au long de ladite procédure. En témoignerait également, lors de la procédure complémentaire, l’importance accordée aux observations des producteurs de diamants, et en particulier à celles de De Beers.

163    Il suffit de relever à cet égard que la requérante ne fournit aucun élément de nature à établir une atteinte par la Commission à son devoir d’impartialité. En effet, d’une part, elle se contente, de dénoncer des échanges plus fréquents entre la Commission et De Beers qu’entre elle et la Commission. Or, De Beers étant l’entreprise ayant instauré le SOC, la Commission a multiplié les contacts avec elle afin d’abord d’obtenir les informations qui lui étaient nécessaires pour instruire la plainte relative au SOC et ensuite de l’informer de l’avancée de son enquête qui était susceptible à terme d’avoir des répercussions importantes sur le SOC déjà en vigueur au moment de l’enquête. Les échanges dénoncés par la requérante ne révèlent donc pas en soi un défaut d’impartialité de la Commission à l’égard de De Beers au cours de la procédure initiale. D’autre part, la requérante invoque l’importance accordée aux positions de De Beers et ainsi, en substance, le rejet de sa plainte. Si un tel rejet par la décision complémentaire de rejet est certes favorable à De Beers, il ne suffit pas non plus à lui seul à démontrer l’existence d’une quelconque complaisance de la Commission à l’égard de De Beers au cours de la procédure complémentaire.

164    Cette deuxième série d’arguments doit dès lors être rejetée.

165    En troisième lieu, la requérante critique le caractère limité des investigations réalisées dans le cadre de l’enquête initiale et de l’enquête complémentaire.

166    Dans le cadre de l’enquête initiale, la Commission se serait contentée d’envoyer des demandes de renseignements un an avant le dépôt de la plainte, sans évaluer avec toute l’attention requise, par exemple au moyen d’une étude d’impact économique, des informations importantes fournies notamment par la requérante, par d’autres entreprises opérant dans le secteur du diamant ou par les bourses diamantaires. La requérante insiste sur la pertinence des informations fournies par les bourses diamantaires, représentant plus de 11 000 membres et ayant souligné l’existence d’effets d’exclusion du SOC qui démontreraient l’intérêt communautaire à poursuivre les investigations. Elle souligne en revanche le caractère nécessairement imprécis, les incohérences et contradictions, voire les inexactitudes des réponses données par les « sightholders » aux demandes de renseignements, par crainte de représailles de la part de De Beers. La requérante exprime par ailleurs des doutes quant à la pertinence des questions posées et à l’impact sur les réponses données de la date d’envoi des demandes de renseignements.

167    Dans le cadre de l’enquête complémentaire, la requérante reproche à la Commission d’avoir envoyé des demandes de renseignements aux seuls producteurs de diamants, alors qu’elle aurait également dû consulter à nouveau d’autres acteurs clés du marché, tels que les « sightholders » ou les bourses diamantaires. La requérante suggère, à cet égard, un certain nombre de questions qui auraient dû leur être posées.

168    En vertu d’une jurisprudence constante, lorsque la Commission décide de procéder à l’instruction d’une plainte dont elle est saisie, elle doit, sauf motivation dûment circonstanciée, le faire avec la diligence, le soin et le sérieux requis, aux fins d’être en mesure d’apprécier en pleine connaissance de cause les éléments de fait et de droit soumis à son appréciation par les plaignants (arrêts du Tribunal du 29 juin 1993, Asia Motor e.a./Commission, T‑7/92, Rec. p. II‑669, point 36, et du 27 septembre 2006, Haladjian Frères/Commission, T‑204/03, Rec. p. II‑3779, point 29). Toutefois, quand bien même une instruction a été menée, aucune disposition ne confère au plaignant le droit d’obliger la Commission à poursuivre la procédure jusqu’au stade d’une décision finale constatant l’existence ou l’inexistence de l’infraction alléguée et ainsi à rechercher les éléments de preuve relatifs à l’existence ou non de ladite infraction (voir arrêt Haladjian Frères/Commission, précité, point 28, et la jurisprudence citée ; voir également point 154 ci-dessus).

169    Il en résulte que, lorsque, comme en l’espèce, la Commission ne se prononce pas sur l’existence des infractions dénoncées dans une plainte, mais limite son appréciation à l’existence d’un intérêt communautaire suffisant des allégations de ladite plainte, comme le souligne à juste titre la Commission dans la duplique, l’enquête menée a une portée nécessairement plus limitée qu’une enquête complète visant à déterminer si l’infraction alléguée existe ou non (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T‑5/93, Rec. p. II‑185, point 91, et la jurisprudence citée).

170    En l’espèce, dans le cadre de son instruction relative au SOC, la Commission a envoyé, entre février et octobre 2004, des demandes de renseignements aux opérateurs ayant la qualité de « sightholders », aux « sightholders » exclus, aux courtiers, aux producteurs de diamants bruts et aux bourses diamantaires (voir point 11 ci-dessus). À la suite de l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, elle a envoyé des demandes de renseignements aux principaux producteurs de diamants le 9 octobre 2007 et des questions supplémentaires à De Beers le 29 octobre 2007 (voir point 27 ci-dessus).

171    S’agissant tout d’abord du choix par la Commission de ses instruments d’investigation, il y a lieu de rappeler que celle-ci dispose d’une liberté d’action dans le cadre de ses enquêtes en matière de concurrence (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, Rec. p. II‑2325, point 212). En effet, aucune disposition ne lui impose d’utiliser une méthode plutôt qu’une autre. Par ailleurs, le Tribunal a déjà jugé que l’envoi par la Commission de demandes de renseignements, loin de témoigner d’un quelconque préjugé de la part de la Commission, attestait de la volonté de celle-ci d’examiner avec soin et impartialité l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce, afin, notamment, d’être en mesure de statuer en pleine connaissance de cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 412).

172    Il doit être ajouté que la Commission a affirmé, sans être contredite par la requérante, que l’économiste en chef de sa direction générale de la concurrence avait participé à l’examen de la plainte contre le SOC, même s’il n’a pas élaboré l’étude d’impact économique que réclamait la requérante. De même, concernant la mesure visant à la fourniture des profils de « sightholder » également préconisée par la requérante, il doit être relevé que les données figurant dans ces profils étaient moins fiables que celles figurant dans les réponses à la demande de renseignements adressée aux « sightholders ». En effet, les « sightholders » sont exposés à une amende en cas de communication de renseignements inexacts ou dénaturés en réponse à une demande de renseignements (voir point 181 ci-après). En outre, les réponses données dans les profils de « sightholder », qui sont formulées par des candidats au SOC, sont de ce fait susceptibles de contenir des informations non conformes à la réalité, communiquées aux seules fins d’obtenir une sélection.

173    La requérante ne saurait par conséquent reprocher à la Commission de ne pas avoir mené son enquête avec soin et sérieux, en envoyant des demandes de renseignements sans procéder à une étude d’impact économique, demander la communication des profils de « sightholder » envoyés à De Beers ou recourir à toute autre mesure d’investigation.

174    S’agissant ensuite du recours aux demandes de renseignements, il y a lieu de rappeler que l’article 18 du règlement n° 1/2003 qui les régit dispose en son paragraphe 1 que, « [p]our l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par [c]e […] règlement, la Commission peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir tous les renseignements nécessaires ». L’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 oblige la Commission à indiquer dans sa demande de renseignements la base juridique et le but de la demande, à préciser les renseignements demandés et à fixer le délai dans lequel ils doivent être fournis, de même qu’à indiquer les sanctions prévues en cas de communication d’un renseignement inexact ou dénaturé. La jurisprudence en a déduit que les pouvoirs d’enquête qui sont prévus par l’article 18 du règlement n° 1/2003 ne sont subordonnés qu’à l’exigence de nécessité des renseignements demandés (voir arrêt du Tribunal du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, non encore publié au Recueil, point 45, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 171 supra, point 48).

175    Aucune obligation n’est ainsi imposée à la Commission par le règlement n° 1/2003 en ce qui concerne les destinataires des demandes de renseignements, les renseignements objets de la demande, à l’exception de l’exigence de leur caractère nécessaire, ainsi que la date d’envoi des demandes. En outre, la requérante ne fournit aucun élément de nature à établir que ces trois aspects des demandes de renseignements envoyées en l’espèce témoigneraient d’une absence de soin, de sérieux et de diligence de la Commission dans les enquêtes menées.

176    En effet, quant aux destinataires des demandes de renseignements, il suffit de constater que la Commission a envoyé des demandes à tous les protagonistes du SOC, qu’il s’agisse des sociétés qui ont créé ce système, à savoir De Beers, et de ceux qui y participent, les « sightholders », ou qui y ont participé, les « sightholders » exclus, et plus largement aux sociétés et organisations intervenant sur les marchés du diamant, dont notamment les bourses diamantaires. Il ne saurait ainsi être reproché à la Commission de ne pas avoir interrogé les acteurs indépendants que seraient les bijoutiers et les joailliers. En effet, la majorité des « sightholders » exclus qui ont été interrogés et qui ont répondu aux demandes de renseignements ont indiqué exercer des activités de fabrication de bijoux, c’est-à-dire de joaillerie (voir la première colonne du résumé des réponses des « sightholders » exclus aux demandes de renseignements. En outre, la requérante ne conteste pas leur indépendance par rapport à De Beers (voir également point 181 ci-après).

177    Il convient par ailleurs de souligner que les bourses diamantaires ont été interrogées et que leurs réponses ont été prises en compte de manière explicite et appréciées de manière détaillée dans la décision de rejet par la Commission, qui les a confrontées aux autres réponses données aux demandes de renseignements. La requérante ne saurait dès lors prétendre que celle-ci n’a pas évalué avec toute l’attention requise les informations fournies par les bourses diamantaires. Si la requérante critique le résultat de cette confrontation, contraire aux allégations des bourses diamantaires et à ses propres allégations contre le SOC, elle conteste en réalité l’appréciation au fond de l’intérêt communautaire par la Commission, laquelle sera abordée dans le cadre de l’examen du quatrième moyen.

178    S’agissant des producteurs de diamants bruts, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, ceux-ci ont été interrogés dans le cadre à la fois de l’enquête initiale et de l’enquête complémentaire (voir points 11 et 27 ci-dessus). La requérante ne saurait par ailleurs reprocher à la Commission de n’avoir envoyé des demandes de renseignements qu’aux producteurs lors de la procédure complémentaire. En effet, cette procédure a été engagée à la suite de l’annulation par le Tribunal de la décision sur les engagements de De Beers. Dès lors que cette décision limitait le volume des diamants bruts susceptibles d’être achetés par De Beers à un autre producteur de ces diamants, Alrosa, il appartenait à la Commission d’évaluer les montants des ventes et des achats de ces deux producteurs en l’absence de cette limitation et ainsi de les interroger sur ce point pour les années concernées par les engagements susvisés. Il lui appartenait également de confronter ces réponses à celles des autres producteurs de diamants bruts qui n’avaient pas encore été interrogés en ce qui concerne les années en cause. La Commission a ainsi demandé à chacun des producteurs de préciser les montants effectifs ou prévisionnels de leurs ventes annuelles de diamants bruts entre 2006 et 2009 (question n° 2) ainsi que ceux de leurs achats et ventes à d’autres producteurs pour les mêmes années (question n° 6). En revanche, l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers n’ayant un impact que sur les rapports entre les producteurs de diamants bruts, la Commission n’était pas tenue d’envoyer de nouveaux questionnaires à tous ceux qui avaient été interrogés au cours de l’enquête initiale pour qu’ils actualisent leurs réponses.

179    Les arguments avancés par la requérante ne permettent pas de remettre en cause ces considérations, dès lors qu’elle se contente de douter du caractère disproportionné d’un nouvel envoi de demandes de renseignements à tous ceux qui avaient été interrogés, alors qu’un tel envoi n’avait pas été considéré comme disproportionné au cours de l’enquête initiale, d’affirmer qu’une enquête plus approfondie aurait permis de démontrer l’existence d’effets d’exclusion et d’insister sur la nécessaire actualisation de l’ensemble des données..

180    Il en résulte que la Commission n’a pas méconnu son obligation d’examiner la plainte avec soin et sérieux en interrogeant les seuls producteurs aux fins de réexaminer son appréciation initiale. Il convient d’ajouter que la Commission a mené une enquête complémentaire approfondie, procédant même à l’envoi de plusieurs séries de questions au principal producteur concerné, De Beers (voir point 27 ci-dessus).

181    La requérante ne saurait non plus reprocher à la Commission d’avoir interrogé les « sightholders » et pris en compte leurs réponses. En effet, les « sightholders » sont les principaux acteurs du SOC, objet de l’enquête en cause. Ensuite, la Commission a veillé à ce que les « sightholders » ne fournissent pas d’informations imprécises ou incomplètes, voire inexactes, par crainte de représailles de la part de De Beers. En effet, elle n’a communiqué à De Beers qu’une version non confidentielle des réponses des « sightholders » en omettant notamment leurs noms. Elle leur a rappelé le risque d’amende en cas de communication de renseignements inexacts ou dénaturés (voir point 174 ci-dessus), et leur a demandé, dans le passage introductif du questionnaire qui leur a été envoyé, d’être très précis dans leurs réponses et de donner suffisamment de détails pour que leurs réponses puissent être comprises par des non-spécialistes. Par ailleurs, si le présent argument doit être entendu en ce sens que la Commission aurait accordé dans la décision de rejet un poids prépondérant aux réponses données par les « sightholders », il ne saurait y être répondu dans le cadre de l’examen de la présente branche, une telle allégation relevant de l’appréciation au fond de l’intérêt communautaire, abordée dans le cadre de l’examen du quatrième moyen. Il peut enfin être ajouté que la Commission ne s’est pas contentée d’interroger les « sightholders » de De Beers en 2004, mais qu’elle a également envoyé des demandes de renseignements aux « sightholders » qui avaient été exclus du SOC (voir point 11 ci-dessus) – lesquels ne peuvent par définition être soumis à des mesures de rétorsion de De Beers et ainsi à la crainte de telles mesures –, pour confronter leurs réponses à celles données par les « sightholders ».

182    Quant aux renseignements demandés lors de la procédure initiale, la requérante déplore que trois questions n’aient pas été posées aux « sightholders », à savoir s’ils estimaient que De Beers aurait accès à leurs réponses aux demandes de renseignements, quelle était l’étendue du contrôle exercé par De Beers sur leurs décisions commerciales et s’ils s’abstenaient de vendre sur le marché secondaire par crainte pour l’évaluation de leurs réponses au profil de « sightholder ». Outre le fait que, par la suggestion de ces questions, la requérante revient sur ses propres réticences relatives aux questions aux « sightholders », il y a lieu de constater qu’elle ne remet pas en cause, ce faisant, le caractère nécessaire des questions qui ont été posées, qui est la seule obligation imposée à la Commission par le règlement n° 1/2003 (voir point 174 ci-dessus). Il doit être relevé en outre que les destinataires de simples demandes de renseignements ne sont pas obligés d’y répondre [voir, s’agissant de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui contient en substance la même distinction entre demande de renseignements et décision demandant des renseignements, arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 279] et qu’il appartient dès lors à la Commission de poser les questions adéquates pour obtenir le plus grand nombre possible de réponses. Or, par les questions directes proposées par la requérante visant à ce que les « sightholders » portent des accusations à l’encontre de De Beers et compte tenu des craintes des mesures de rétorsion de De Beers qu’elle a elle-même évoquées et d’ailleurs mises en évidence par la première question proposée, le nombre de réponses obtenues aurait sans doute été limité. En revanche, les questions posées par la Commission, en ce qu’elles visaient plus subtilement à obtenir le même type d’informations (voir notamment la question n° 14 de la demande de renseignements envoyée aux « sightholders » les interrogeant sur les motifs de leurs reventes de diamants bruts sur le marché secondaire ou encore la question n° 25 les interrogeant sur la connaissance par De Beers des noms de leurs clients), témoignent d’une enquête relative au SOC menée avec soin et sérieux.

183    Quant à la date d’envoi des demandes de renseignements utilisées dans le cadre de la procédure initiale, à savoir 2004, il suffit de relever que, en soutenant que les réponses des « sightholders » auraient été faussées en faveur de De Beers, en raison des conditions de prix favorables qui leur auraient été accordées par cette dernière au cours de l’année en cause, la requérante occulte le fait que les renseignements demandés ne portaient pas sur la seule année 2004, mais également sur les années 1998 à 2003. Ainsi, il ne saurait être considéré que l’ensemble des réponses fournies par les « sightholders » ont été faussées par ces conditions particulières.

184    Par ailleurs, si, par cette allégation, la requérante soutient que les conditions de prix favorables en cause ont conduit les « sightholders » à exprimer de manière générale une position favorable au SOC, il convient, d’une part, de renvoyer aux considérations développées au point 181 ci-dessus, relatives aux moyens mis en œuvre par la Commission pour éviter la communication de réponses inexactes et, d’autre part, de constater que la Commission avait connaissance de ces conditions de prix favorables grâce notamment à leur mention par la requérante dans ses observations relatives à la lettre prévue par l’article 7 et qu’elle pouvait dès lors analyser les réponses des « sightholders » à la lumière de cette donnée.

185    Enfin, si la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir actualisé les données issues des demandes de renseignements en cause en adressant à leurs destinataires initiaux de nouvelles demandes avant l’adoption de la décision de rejet, il convient de rappeler que la plainte ayant donné lieu à ladite décision a été déposée le 14 juillet 2005, que des demandes de renseignements avaient été envoyées en 2004 à la suite d’autres plaintes contestant le SOC déposées antérieurement (voir point 11 ci-dessus) et que ces demandes de renseignements sollicitaient de leurs destinataires leurs estimations pour 2004, première année de mise en œuvre du SOC. La Commission avait ainsi à sa disposition au moment du dépôt de la plainte de la requérante, sans qu’il lui soit nécessaire d’adopter des mesures d’investigation, des données actualisées relatives au SOC faisant l’objet de la plainte, puisque celles-ci portaient sur la dernière année complète avant sa saisine. Il convient de souligner au surplus que, comme le fait observer la Commission, ni la requérante ni un autre plaignant n’avaient laissé entendre au cours de la procédure administrative que les conditions du marché avaient évolué depuis l’enquête de 2004.

186    Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir fait preuve de sérieux et de diligence en se fondant sur les réponses à des demandes de renseignements envoyées en 2004, et ce d’autant plus que la Commission est tenue en vertu de la jurisprudence, comme celle-ci le souligne en réponse à une question du Tribunal, d’apprécier globalement les plaintes contestant le même comportement (voir points 190 et suivants ci-après).

187    Cette première branche du troisième moyen doit par conséquent être rejetée dans son intégralité.

 Sur la violation de l’obligation de prendre en considération les éléments de droit et de fait pertinents

188    La requérante invoque plusieurs lacunes dans l’examen de sa plainte par la Commission.

 Sur l’absence d’appréciation globale de la plainte (affaires T-104/07 et T-339/08)

189    La requérante avance que la Commission n’a pas examiné sa plainte de manière globale. La Commission n’aurait pas tenu compte d’autres plaintes similaires déposées contre le SOC et elle n’aurait pas apprécié globalement tous les éléments de preuve en sa possession, comme elle y serait tenue par la jurisprudence. Cette absence d’approche globale serait démontrée, d’une part, par le fait qu’aucune des plaintes similaires n’est mentionnée dans la décision de rejet et que la Commission aurait affirmé dans la décision complémentaire de rejet que sa conclusion serait sans préjudice des communications des griefs relatives à une autre affaire (affaire COMP/E-2/38.381). Elle serait démontrée, d’autre part, par la circonstance que chacun des éléments avancés par la requérante a fait l’objet d’un examen distinct et séparé dans lesdites décisions, contrairement à l’approche retenue par la Commission dans d’autres affaires. La requérante estime en outre qu’est également contraire à l’approche globale la limitation de la procédure complémentaire au réexamen des effets d’exclusion du marché.

190    Selon la jurisprudence, lorsqu’il s’agit d’apprécier l’intérêt communautaire à instruire une plainte, la Commission ne doit pas examiner celle-ci isolément, mais dans le contexte de la situation du marché concerné en général. L’existence de nombreuses plaintes reprochant des comportements similaires aux mêmes opérateurs économiques fait partie des éléments dont la Commission doit tenir compte lors de son appréciation de l’intérêt communautaire (arrêt du Tribunal du 14 février 2001, Sodima/Commission, T‑62/99, Rec. p. II‑655, point 55).

191    De même, lorsque la Commission apprécie la probabilité d’établir l’existence d’une infraction et l’étendue des mesures d’instruction nécessaires à cette fin, elle doit tenir compte de tous les éléments de preuve en sa possession et ne peut se borner à évaluer séparément les indices présentés par chaque plaignant pour conclure que chacune des plaintes, prise isolément, n’est pas fondée sur des éléments de preuve suffisants (arrêt Sodima/Commission, point 190 supra, point 56).

192    Cependant, la Commission n’est pas tenue de « joindre » les procédures d’examen de différentes plaintes visant le comportement de la même entreprise, la conduite d’une instruction relevant du pouvoir d’appréciation de l’institution. Notamment, l’existence de nombreuses plaintes d’opérateurs appartenant à des catégories différentes ne saurait s’opposer au rejet de celles parmi les plaintes qui apparaissent, sur la base des indices dont dispose la Commission, comme dépourvues de fondement ou d’intérêt communautaire. Par conséquent, le fait d’avoir traité séparément les différentes plaintes ne saurait être considéré, en tant que tel, comme irrégulier (voir arrêt Sodima/Commission, point 190 supra, point 57, et la jurisprudence citée).

193    Ainsi, en premier lieu, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir procédé à un regroupement thématique par type de problématique au regard du droit de la concurrence, en distinguant notamment la question des effets d’exclusion et celle de la collecte et de l’utilisation abusives de renseignements. En effet, cette approche analytique ne signifie nullement que la Commission a examiné la plainte de manière isolée ou qu’elle n’a pas tenu compte du contexte de la situation du marché concerné en général. La requérante interprète erronément la jurisprudence susvisée, lorsqu’elle y voit l’interdiction pour la Commission de procéder à un examen distinct des éléments avancés par la plaignante. La Commission doit tenir compte des interactions entre ces divers éléments et d’un éventuel effet cumulatif des effets restrictifs de concurrence allégués, mais il ne lui est pas interdit de procéder à un examen structuré de la plainte, en distinguant les différentes restrictions alléguées selon leur nature. Il en est d’autant plus ainsi lorsque, comme en l’espèce, la Commission établit des liens explicites entre ces restrictions en opérant des renvois entre les subdivisions de la décision de rejet qui y sont consacrées. Il résulte par ailleurs de cette interprétation de la jurisprudence susvisée qu’elle ne saurait empêcher le réexamen d’un aspect d’une décision en raison d’un fait nouveau affectant ce seul aspect, dès lors que, comme en l’espèce, le fait nouveau en cause ne produit d’impact que sur l’analyse des effets d’exclusion et ne présente aucun lien avec les autres restrictions de concurrence qui ont été écartées dans la décision de rejet.

194    En second lieu, le traitement séparé des plaintes reçues par la Commission au sujet du SOC – au minimum au nombre de deux, celle de la requérante et celle de la partie requérante dans l’affaire connexe T‑108/07, Diamanthandel A. Spira BVBA, – ne saurait être considéré, en tant que tel, comme irrégulier, la Commission n’étant pas tenue, ainsi qu’il résulte de l’arrêt Sodima/Commission, point 190 supra, de joindre les procédures d’examen de différentes plaintes visant le comportement de la même entreprise.

195    En revanche, constituerait une irrégularité l’absence de prise en compte par la Commission de l’existence d’autres plaintes visant le SOC lors de son appréciation de l’intérêt communautaire. Constituerait également une irrégularité le fait de ne pas avoir tenu compte d’éléments de preuve en sa possession, présentés dans une autre plainte concernant le SOC, qui, combinés aux éléments de preuve apportés par la requérante dans sa plainte, seraient suffisants pour établir l’existence d’un intérêt communautaire à poursuivre l’instruction desdites plaintes.

196    En l’espèce, s’agissant de la décision complémentaire de rejet, il résulte de ladite décision que la mention selon laquelle la conclusion de la Commission relative à la plainte de la requérante serait sans préjudice des communications des griefs relatives à l’affaire COMP/E-2/38.381 qui ont donné lieu à la décision sur les engagements de De Beers, ne saurait être interprétée comme une absence de prise en compte des données issues de cette autre affaire. En effet, l’intégralité des développements de la décision complémentaire de rejet relatifs à l’appréciation de l’offre des diamants d’Alrosa sont consacrés à la prise en compte des rapports commerciaux entre Alrosa et De Beers faisant l’objet de l’affaire susmentionnée. Il apparaît que la Commission a réservé le contenu des communications des griefs relatives à ladite affaire pour éviter, par précaution, comme en atteste l’emploi de l’expression « For avoidance of doubt », qu’il ne soit déduit des considérations de la décision complémentaire de rejet consacrées aux rapports entre Alrosa et De Beers une conclusion quant à sa position sur l’affaire en cause non encore close à la date d’adoption de ladite décision, compte tenu de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers par l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra.

197    S’agissant de la décision de rejet, la Commission a confirmé, en réponse à une question du Tribunal, qu’elle n’avait fait mention d’autres plaintes déposées contre le SOC ni dans la lettre prévue par l’article 7 ni dans ladite décision. Elle avait en revanche indiqué, dans une lettre du 4 juillet 2006 envoyée à la requérante au cours de la procédure administrative, qu’elle avait reçu des plaintes contre le SOC.

198    Toutefois, si la mention d’autres plaignants peut constituer un indice démontrant que l’existence de ces autres plaintes a été prise en compte, elle n’est pas déterminante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 février 2001, Trabisco/Commission, T‑26/99, Rec. p. II‑633, point 38). En effet, la Commission doit seulement ne pas évaluer séparément les indices présentés par chaque plaignant et tenir compte de l’existence d’autres plaintes lors de son appréciation de l’intérêt communautaire. Or, en l’espèce, plusieurs éléments tendent à démontrer l’absence de cloisonnement opéré par la Commission. D’une part, pour rejeter les différentes allégations de la requérante, la Commission se fonde à chaque fois dans sa décision sur des considérations d’ordre général, relatives par exemple aux effets d’exclusion sur le marché en général et à la mise en œuvre du mandat du médiateur à l’égard des « sightholders » ou des candidats « sightholders » en général, et non sur des considérations limitées à l’examen de la situation individuelle de la requérante. D’autre part, il doit être relevé que les principaux courriers envoyés par la Commission à la suite des différentes plaintes l’ont été aux mêmes dates et, en particulier, que la décision de rejet attaquée dans l’affaire T-108/07 a été adoptée le même jour que la décision de rejet attaquée dans l’affaire T-104/07, ce qui permet de supposer que les plaintes correspondantes ont fait l’objet d’un examen parallèle et global. Ce premier grief doit par conséquent être rejeté.

 Sur l’absence de prise en compte de la persistance des effets des pratiques anticoncurrentielles alléguées (affaires T-104/07 et T-339/08)

199    La requérante reproche de manière générale à la Commission de ne pas avoir pris en compte la persistance des effets des pratiques anticoncurrentielles en cause, et ce d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, ces pratiques anticoncurrentielles n’auraient pas cessé.

200    La requérante reproche plus précisément à la Commission de n’avoir jamais indiqué si elle avait évalué la quantité de diamants vendus par Alrosa en dehors des canaux de De Beers depuis février 2006, date de la décision sur les engagements de De Beers. La Commission n’aurait pas davantage pris en considération l’accord de septembre 2006 entre Alrosa et De Beers et son impact sur la quantité de diamants bruts dont pourrait disposer De Beers. Même si elle continue d’affirmer le contraire, la Commission n’aurait pas non plus pris en compte l’annulation par le Tribunal de la décision sur les engagements de Beers lors de la procédure complémentaire.

201    Selon une jurisprudence constante, la Commission ne peut se fonder sur le seul fait que de prétendues pratiques contraires au traité ont cessé pour décider de classer sans suite pour défaut d’intérêt communautaire suffisant une plainte dénonçant ces pratiques, sans avoir vérifié que des effets anticoncurrentiels ne persistaient pas et que, le cas échéant, la gravité des atteintes alléguées à la concurrence ou la persistance de leurs effets n’étaient pas de nature à conférer à cette plainte un intérêt communautaire (arrêt Ufex e.a./Commission, point 155 supra, point 95 ; voir également paragraphe 44 de la communication relative au traitement des plaintes). Toutefois, cette jurisprudence s’applique seulement dans le cas où la Commission se fonde, pour adopter sa décision, sur la cessation des pratiques prétendument anticoncurrentielles (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Ufex e.a./Commission, T‑60/05, Rec. p. II‑3397, point 74).

202    Il en résulte que, en l’espèce, la Commission ne s’étant pas fondée sur la cessation des pratiques prétendument dénoncées dans la plainte pour rejeter l’allégation d’effets d’exclusion du SOC, mais sur le faible risque de constater des effets anticoncurrentiels appréciables (voir point 22 ci-dessus), il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir pris en considération la persistance des effets desdites pratiques.

203    À supposer que, par ce grief, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte certains éléments qui démontreraient que des effets anticoncurrentiels se produiraient après l’adoption de la décision de rejet, il ne saurait davantage être admis.

204    S’agissant, en premier lieu, de la quantité de diamants vendus par Alrosa en dehors des canaux de De Beers depuis l’adoption de la décision sur les engagements de De Beers, il y a lieu de constater qu’elle a été prise en compte par la Commission. En effet, comme le fait au demeurant observer la requérante, la Commission a indiqué dans la décision de rejet qu’une appréciation actualisée devait tenir compte de la décision sur les engagements de De Beers et des quantités de diamants qu’Alrosa avait depuis lors commencé à vendre en dehors des canaux de De Beers. Si la Commission n’a pas fourni de précisions chiffrées à cet égard dans la décision de rejet, il est expressément indiqué dans la lettre prévue par l’article 7 adoptée en 2006 qu’Alrosa vendait à l’époque de manière indépendante, c’est-à-dire en dehors des canaux de De Beers, 7 % de la production mondiale de diamants bruts.

205    S’agissant, en deuxième lieu, de l’accord du 6 septembre 2006 entre De Beers et Alrosa (voir point 148 ci-dessus), il convient de relever qu’il porte sur des activités conjointes futures de prospection de diamants et non sur les achats des diamants qui seraient issus de cette prospection. Quand bien même, ainsi que le prétend la requérante, cette prospection entraînerait une augmentation de la quantité de diamants bruts contrôlés par De Beers, la Commission ne pouvait, en l’absence de données certaines et précises à cet égard au moment de l’adoption de la décision de rejet, prendre en compte dans son analyse les diamants issus de mines non encore découvertes. La Commission a ainsi indiqué à juste titre dans la décision de rejet qu’elle pourrait engager une procédure si elle recevait des éléments indiquant qu’une entreprise commune entre De Beers et Alrosa était utilisée pour contourner la décision sur les engagements de De Beers.

206    S’agissant, en troisième lieu, de l’annulation par le Tribunal de la décision sur les engagements de De Beers, il suffit de rappeler que la procédure complémentaire a été engagée pour tenir compte de cette annulation et de relever que tous les actes adoptés au cours de cette procédure, en ce compris la décision complémentaire de rejet qui la clôt, témoignent de la place centrale accordée à cette annulation dans l’analyse de la Commission (voir points 36 et suivants et 78 ci-dessus).

207    Ce deuxième grief doit par conséquent être rejeté.

 Sur l’absence de prise en compte et d’analyse de la position dominante de De Beers (affaire T-104/07)

208    La requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir rejeté sa plainte sans avoir analysé, ni même pris en considération dans son analyse, la position dominante de De Beers qui résulterait, d’une part, de ses parts sur le marché mondial des diamants bruts (60 à 70 %) et sur le marché des diamants de qualité supérieure (près de 90 %) et, d’autre part, de son contrôle sur toute la filière du diamant.

209    Il y a lieu de relever que la Commission a considéré tant dans la communication de 2002 (paragraphes 9 à 14 et 30) que dans la décision sur les engagements de De Beers que cette dernière détenait une position dominante, à tout le moins sur le marché de la fourniture des diamants bruts. Cependant, elle n’a fait état d’allégations ou de considérations relatives à la position dominante de De Beers dans aucun des actes de la procédure initiale, sauf lors de ses reprises de l’argumentation de la requérante.

210    La requérante en déduit donc à juste titre que la Commission n’a ni examiné ni pris en compte la position dominante de De Beers dans le cadre de cette procédure. Cette absence d’examen et de prise en compte ne peut toutefois être reprochée à la Commission en l’espèce.

211    Il y a lieu de rappeler à cet égard que, en vertu d’une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue de prendre une décision définitive quant à l’existence ou à l’inexistence de l’infraction alléguée dans la plainte (voir point 155 ci-dessus). Ainsi, une décision de rejet de la plainte ne statue pas définitivement sur l’existence ou l’inexistence d’une infraction aux dispositions des articles 81 CE et 82 CE, même lorsque la Commission a apprécié les faits au regard de ces articles (arrêt du Tribunal du 23 novembre 2011, Jones e.a./Commission, T‑320/07, non publié au Recueil, points 112 à 114 ; voir également paragraphe 79 de la communication relative au traitement des plaintes). Il en résulte que l’obligation de la Commission de prendre en considération les éléments de fait et de droit pertinents afin de décider de la suite à donner à une plainte (voir point 157 ci-dessus) porte, s’agissant d’une plainte rejetée pour défaut d’intérêt communautaire suffisant, non sur les éléments constitutifs d’une infraction à l’article 81 CE ou à l’article 82 CE, mais sur les éléments pertinents au regard du critère retenu pour conclure à un tel défaut d’intérêt communautaire suffisant.

212    En l’espèce, la Commission a rejeté la plainte de la requérante pour défaut d’intérêt communautaire suffisant, en appliquant les critères habituellement retenus pour évaluer cet intérêt, à savoir l’importance de l’infraction alléguée pour le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires (voir arrêt CEAHR/Commission, point 156 supra, point 158, et la jurisprudence citée ; voir également paragraphe 44, troisième tiret, de la communication relative au traitement des plaintes). Il ressort par ailleurs de la jurisprudence que la Commission peut également considérer qu’il n’y a plus d’intérêt communautaire suffisant lorsque les entreprises concernées acceptent de modifier leur comportement dans un sens favorable à l’intérêt général (arrêt de la Cour du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, Rec. p. I‑3875, points 48 et 49 ; voir également paragraphe 44, sixième tiret, de la communication relative au traitement des plaintes). Dans la décision de rejet, la Commission s’est ainsi fondée en substance, s’agissant de l’allégation d’effets d’exclusion du SOC, sur le faible risque d’établir des effets anticoncurrentiels appréciables, s’agissant des critiques relatives à la sélection des « sightholders » et au rôle du médiateur, sur les modifications relatives au médiateur introduites dans le SOC par De Beers et enfin, s’agissant des autres allégations d’illégalité du SOC, dont celles relatives à la redevance SVA, sur la faible probabilité d’établir l’existence d’une infraction (voir points 22 à 24 ci-dessus et points 353 et 354 ci-après).

213    Or, aucun des motifs retenus au soutien du rejet de la plainte de la requérante pour défaut d’intérêt communautaire suffisant ne justifiait la prise en compte et l’examen de la position dominante de De Beers.

214    S’agissant des allégations d’effets d’exclusion du SOC, la Commission a estimé qu’elles ne justifiaient pas la poursuite des investigations dès lors que le risque d’effets d’exclusion était faible sur le marché. Elle a, ce faisant, pris en compte la gravité « concrète » de l’infraction alléguée, au sens de son impact sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Ufex e.a./Commission, point 201 supra, point 142), et s’est ainsi fondée sur le critère du dysfonctionnement important du marché, qui implique la vérification de la gravité des atteintes alléguées à la concurrence et la persistance de leurs effets, et en particulier leur durée, leur importance et leur incidence sur la situation de concurrence sur le marché (voir arrêt AEPI/Commission, point 156 supra, points 52 et 53, et la jurisprudence citée). Il en résulte que la Commission pouvait considérer, indépendamment de la position dominante de De Beers et sans qu’il soit besoin de constater l’existence et de déterminer l’étendue de cette position dominante, que les effets des comportements anticoncurrentiels allégués n’auraient pas atteint une ampleur telle qu’elle justifierait la poursuite des investigations.

215    S’agissant des critiques relatives à la sélection des « sightholders », la Commission a considéré que les modifications apportées au mandat du médiateur répondaient à ces critiques. Elle s’est ainsi fondée sur le fait que De Beers avait accepté de modifier son comportement, en révisant le mandat du médiateur, de telle sorte qu’il n’existait plus d’intérêt communautaire suffisant. Une telle considération est elle aussi indépendante de la position dominante de De Beers et ne nécessite pas son examen préalable.

216    S’agissant des autres allégations d’illégalité du SOC, la Commission a conclu à propos de la redevance SVA que l’allégation qui y était relative ne présentait pas un intérêt communautaire suffisant, au motif en substance que la probabilité d’établir une infraction était faible. En particulier, elle s’est fondée sur la faible probabilité d’établir l’existence des abus allégués, en considérant que la requérante n’aurait pas expliqué comment la redevance SVA créerait une distorsion de concurrence entre fabricants et négociants et n’aurait pas démontré que la redevance SVA ne constituait pas la contrepartie appropriée des services fournis en échange (voir points 353 et 354 ci-après). Par conséquent, eu égard à l’interdiction par l’article 82 CE des seuls abus commis par une entreprise en position dominante, la Commission n’était pas tenue d’étendre son enquête à la position dominante de De Beers (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2012, Protégé International/Commission, T‑119/09, non publié au Recueil, point 95).

217    Il y a donc lieu de rejeter le présent grief ainsi que, partant, l’intégralité du troisième moyen.

4.     Sur le moyen tiré de l’appréciation erronée de l’intérêt communautaire (affaires T-104/07 et T-339/08)

218    Selon une jurisprudence constante, l’évaluation de l’intérêt communautaire présenté par une plainte en matière de concurrence dépend des circonstances factuelles et juridiques de chaque espèce, qui peuvent différer considérablement d’une affaire à l’autre, et non de critères prédéterminés qui seraient d’application obligatoire (voir arrêt du Tribunal du 26 janvier 2005, Piau/Commission, T‑193/02, Rec. p. II‑209, point 80, et la jurisprudence citée ; voir également paragraphe 43 de la communication relative au traitement des plaintes). Il appartient à la Commission, notamment, de mettre en balance l’importance de l’infraction alléguée sur le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 81 CE et 82 CE (voir la jurisprudence citée au point 212 ci-dessus).

219    Le contrôle du juge de l’Union sur l’exercice, par la Commission, du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu dans le traitement des plaintes ne doit pas le conduire à substituer son appréciation de l’intérêt communautaire à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur de droit, ni d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt CEAHR/Commission, point 156 supra, point 65, et la jurisprudence citée). De même, il est de jurisprudence constante en matière de rejet de plainte que les appréciations effectuées par la Commission portant sur des allégations d’infraction à l’article 81 CE ou à l’article 82 CE impliquent des appréciations économiques complexes, et ce d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, la Commission procède à des analyses prospectives, dont le contrôle par le juge de l’Union se limite notamment à la vérification de l’exactitude matérielle des faits et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (voir arrêt Haladjian Frères/Commission, point 168 supra, point 30, et la jurisprudence citée).

220    Toutefois, cette limitation du contrôle du juge de l’Union n’implique pas qu’il doit s’abstenir de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, et de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 89, et la jurisprudence citée).

221    Par ce quatrième moyen, la requérante conteste l’ensemble des appréciations de la Commission l’ayant conduite à rejeter la plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant. Elle critique ainsi, en substance, comme étant fondées sur des faits inexacts ou entachées d’erreurs manifestes les appréciations de la Commission relatives à chacune des principales allégations figurant dans sa plainte portant respectivement sur les effets d’exclusion du SOC (affaires T-104/07 et T-339/08), sur le rôle du médiateur et sur la redevance SVA (affaire T‑104/07).

 Appréciation des effets d’exclusion (affaires T-104/07 et T-339/08)

222    Dans la décision de rejet, la Commission s’est fondée principalement sur deux éléments pour conclure à l’existence d’un faible risque d’effet anticoncurrentiel appréciable du SOC résultant de la prétendue exclusion des acteurs du marché secondaire d’un accès aux diamants bruts, à savoir, d’une part, les volumes de diamants bruts disponibles d’Alrosa et, d’autre part, les diamants bruts revendus par les « sightholders ». Dans l’affaire T-104/07, la requérante conteste les appréciations relatives à ces deux éléments et celle portant sur l’offre des producteurs autres que De Beers et Alrosa (ci-après les « autres producteurs ») ainsi que la conclusion qui en a été tirée par la Commission. Elle conteste également, à titre liminaire, le marché pris en considération par la Commission pour son analyse.

223    Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission est parvenue à la même conclusion en se fondant, d’une part, sur ces deux mêmes éléments, tout en prenant en compte l’impact de l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, et, d’autre part, sur les diamants bruts provenant d’autres producteurs, sur ceux provenant de Diamdel ainsi que sur l’évolution du marché depuis l’adoption de la décision de rejet. Dans l’affaire T-339/08, la requérante conteste l’ensemble de ces considérations.

224    Avant d’examiner ces griefs de la requérante, il y a lieu de rejeter l’allégation de la Commission selon laquelle les arguments exposés dans l’annexe A.13 de la requête dans l’affaire T-339/08 sont irrecevables au motif qu’ils n’auraient pas été développés séparément dans la requête. En effet, la requérante se limite à conférer à cette annexe, ainsi que l’y autorise la jurisprudence, une fonction purement probatoire et instrumentale (voir point 97 ci-dessus). Elle renvoie à ladite annexe, qui contient des données relatives au marché diamantaire, aux fins de faciliter la compréhension de ce marché au sein de la partie de la requête consacrée à la description des faits du litige. Ce renvoi ne saurait dès lors être interprété comme un renvoi à des arguments ne figurant pas dans la requête. Il convient en revanche de considérer comme étant un tel renvoi celui opéré par la requérante dans l’affaire T-339/08 à certains arguments développés dans ses observations relatives à la lettre complémentaire prévue par l’article 7, auxquels la Commission n’aurait pas répondu dans la décision complémentaire de rejet (paragraphes 64 à 70 desdites observations ; voir point 361 ci-après). Ces arguments n’ont en effet pas été formulés, même de manière sommaire, dans la requête elle-même et doivent, partant, être rejetés comme irrecevables.

 Sur le marché pertinent (affaire T-104/07)

225    La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en n’examinant les effets potentiels d’exclusion du SOC que sur le marché secondaire et non sur le marché global des diamants bruts.

226    Il doit être relevé à cet égard, tout d’abord, que la Commission a, dès la lettre d’orientation et dans l’ensemble des actes de la procédure initiale qui ont suivi, fait porter son analyse sur le marché mondial des diamants bruts, notamment en examinant les ventes de diamants bruts entre producteurs de diamants (voir, en particulier, la subdivision subséquente, consacrée aux ventes de diamants bruts par Alrosa notamment à De Beers).

227    Il peut être observé, ensuite, que la Commission a certes, dans le passage de la décision de rejet cité par la requérante, mentionné les effets d’exclusion sur le « marché secondaire » en précisant que l’objet de son examen portait sur « l’exclusion de l’accès aux diamants bruts et par conséquent aux diamants polis pour le marché secondaire ». Toutefois, comme le souligne à juste titre la Commission dans le mémoire en défense, celle-ci n’a pas, dans le passage en cause de la décision de rejet, délimité le cadre de son analyse en définissant le marché pertinent. Elle a simplement répondu à l’allégation de la requérante dénonçant un problème de disponibilité sur le marché de la fourniture de diamants bruts aux « non-sightholders », c’est-à-dire sur le marché secondaire, dont la Commission a souligné qu’il ne constituait pas un marché au sens du droit de la concurrence de l’Union, mais qu’il s’agissait d’un concept communément utilisé dans le secteur diamantaire.

228    Le présent grief doit par conséquent être rejeté.

 Sur l’offre d’Alrosa (affaires T-104/07 et T-339/08)

229    Dans la décision de rejet, la Commission a confirmé son appréciation provisoire selon laquelle les diamants produits et vendus par Alrosa limitaient tout effet possible d’exclusion sur le marché secondaire, aux motifs que, d’une part, la décision sur les engagements de De Beers mettrait un terme aux achats de De Beers à Alrosa à partir de la fin de 2008 et, d’autre part, des diamants bruts d’Alrosa avaient progressivement été vendus en dehors des canaux de De Beers depuis 2003. Pour ce faire, elle a rejeté l’ensemble des critiques de la requérante dirigées contre cette appréciation.

230    Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a estimé que, malgré l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers par le Tribunal, sa nouvelle appréciation de la source d’approvisionnement en diamants constituée par Alrosa ne lui permettait pas de revenir sur sa conclusion figurant dans la décision de rejet.

231    Il convient, à titre liminaire, de rappeler que l’arrêt Alrosa de la Cour, point 45 supra, a annulé l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, lequel avait annulé la décision sur les engagements de De Beers, de sorte que ladite décision doit être considérée comme étant définitive. Il en résulte, ainsi que le souligne la Commission en réponse à la question du Tribunal relative aux conséquences de l’arrêt Alrosa de la Cour, point 45 supra, que les considérations de la décision de rejet relatives aux diamants produits par Alrosa fondées sur la décision sur les engagements de De Beers ne sont pas affectées par le recours formé contre cette décision et que l’ensemble des griefs dirigés contre lesdites considérations doivent être examinés. Il en est de même des griefs dirigés contre les considérations de la décision complémentaire de rejet non strictement liées à la prise en compte de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers et visant à compléter l’analyse de la décision de rejet notamment par une actualisation des données du marché.

232    En revanche, en raison de l’arrêt Alrosa de la Cour, point 45 supra, les considérations de la décision complémentaire de rejet consacrées à la seule prise en compte de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers ne peuvent plus lui servir de fondement, compte tenu de l’obligation des institutions de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt prononçant une annulation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 mai 1971, Bode/Commission, 45/70 et 49/70, Rec. p. 465, point 12). Par conséquent, dans les circonstances de l’espèce, caractérisées, d’une part, par l’absence d’adaptation, à la suite de la question susvisée du Tribunal, des conclusions et moyens de la requérante, visant notamment à l’annulation de la décision complémentaire de rejet en raison de l’arrêt Alrosa de la Cour, point 45 supra, et, d’autre part, par le fait que la Commission ne s’est pas limitée, dans la procédure complémentaire, à examiner l’impact de l’absence d’engagements de De Beers, mais a également tenu compte des données du marché postérieures à la décision de rejet, les griefs dirigés contre les considérations de la décision complémentaire de rejet consacrées à la seule prise en compte de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers doivent être rejetés comme inopérants. En effet, l’illégalité alléguée desdites considérations ne pourrait entraîner en l’espèce l’annulation de la décision complémentaire de rejet (voir point 247 ci-après).

–       Sur les griefs dirigés contre la décision de rejet

233    En premier lieu, la requérante soutient que les deux fondements de l’appréciation de la Commission relative aux diamants produits par Alrosa, à savoir, d’une part, les engagements de De Beers et, d’autre part, les ventes d’Alrosa en dehors des canaux de De Beers, sont contradictoires, le premier n’ayant pas lieu d’être si le second est avéré.

234    Ce premier argument doit être rejeté. Il y a lieu de constater que les deux fondements de la décision de rejet décrits par la requérante ne sont pas contradictoires, dès lors qu’ils forment deux fondements complémentaires de la conclusion de la Commission relative aux diamants d’Alrosa. Ils couvrent en effet des périodes distinctes et successives, le premier fondement, la décision sur les engagements de De Beers, portant principalement sur les achats de De Beers à Alrosa après 2008, alors que la période couverte par le second fondement, l’analyse des exportations de diamants bruts par Alrosa en dehors des canaux de De Beers, débute en 2003. Par ailleurs, si la requérante vise par cet argument à contester la décision sur les engagements de De Beers, il suffit de constater que cette décision ne fait pas l’objet du présent recours, ce que la requérante reconnaît d’ailleurs dans la réplique.

235    En deuxième lieu, la requérante conteste, en se fondant notamment sur le rapport annuel d’Alrosa pour l’année 2005, l’affirmation de la Commission selon laquelle la valeur des diamants réellement exportés à partir de la Russie est le double de celle qu’elle allègue (soit le double de 800 millions de USD). Elle ajoute que les exportations d’Alrosa disponibles pour les « non-sightholders » ne représentent que 4 % de l’offre mondiale (soit 23 %, donnée avancée par la Commission, rapportés à la part de marché d’Alrosa de 18 %) et rejette comme non étayée toute allégation selon laquelle cette part ne constituerait qu’un pourcentage minimal.

236    Dans la décision de rejet, la Commission a répondu à l’allégation de la requérante selon laquelle Alrosa serait autorisée à exporter des diamants bruts pour une valeur limitée à 800 millions de USD par an, tandis que les quantités restantes ne pourraient être exportées qu’à la condition que les fabricants russes ne les achètent pas. Elle a considéré, à cet égard, que, en tout état de cause, la valeur des diamants exportés effectivement de Russie représentait le double de cette valeur alléguée, ainsi qu’il était indiqué dans la lettre prévue par l’article 7. Si cette lettre ne mentionne pas la valeur totale des diamants bruts exportés par Alrosa, elle renvoie à deux articles qui indiquent, l’un, qu’Alrosa a exporté des diamants pour une valeur de 1,514 milliard de USD en 2005 en précisant qu’une partie des diamants d’Alrosa vendus sur le marché intérieur russe feront inévitablement l’objet d’une exportation et, l’autre, que les exportations totales de diamants bruts de Russie lors de cette même année s’élevaient à 1,7 milliard de USD selon la donnée chiffrée fournie par les autorités douanières russes.

237    Sans même qu’il y ait lieu de prendre en compte les prétendues erreurs dont seraient entachés, selon la Commission, les rapports annuels d’Alrosa pour les années 2005 et 2006, il y a lieu de considérer que les éléments fournis par la requérante ne permettent pas d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que la valeur des diamants exportés de Russie équivalait au double de 800 millions de USD. En effet, comme l’a souligné la Commission en réponse à une question du Tribunal, le chiffre avancé par la requérante était inexact, dès lors qu’il ne prenait pas en compte un élément fondamental pour déterminer la valeur réelle des diamants d’Alrosa exportés, dont l’existence est pourtant admise par la requérante, à savoir la revente hors de Russie de diamants bruts vendus par Alrosa sur le marché intérieur russe. Dans la décision de rejet, la Commission oppose ainsi aux exportations d’Alrosa, d’un montant maximal de 800 millions de USD selon la requérante, les « diamants exportés de Russie » par Alrosa et par d’autres sociétés implantées en Russie.

238    Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la requérante, les rapports annuels d’Alrosa, en ce qu’ils se limitent à distinguer les montants des exportations de diamants de ceux des ventes intérieures, ne permettaient pas de déterminer le montant total et effectif des exportations hors de Russie et ne permettent pas davantage de remettre en cause ce dernier montant. Il en résulte également que la Commission s’est fondée sur un article de presse qui, outre le fait qu’il était tiré de la presse spécialisée dans la connaissance du marché du diamant régulièrement consultée par les acteurs du secteur diamantaire, qu’il était rédigé par un expert dudit secteur et qu’il reprenait des données communiquées par les autorités douanières russes, était le seul à fournir des données chiffrées relatives aux montants effectifs des exportations hors de Russie. Il en résulte enfin que la Commission pouvait se contenter de faire état d’un montant approximatif correspondant au double de celui allégué par la requérante, compte tenu du montant mentionné dans cet article de presse, à savoir 1,7 milliard de USD, dépassant largement le montant allégué par la requérante, et du fait qu’il s’agissait simplement de répondre à l’allégation de la requérante.

239    Il découle par ailleurs de ce qui précède que doit être rejeté l’argument de la requérante fondé sur le pourcentage de l’offre mondiale représenté par les exportations d’Alrosa (voir point 235 in fine ci-dessus), dès lors qu’il ne prend pas en compte les exportations de diamants d’Alrosa par d’autres qu’Alrosa.

240    En troisième lieu, la requérante fait valoir que la Commission surestime la qualité des diamants bruts d’Alrosa disponibles pour les « non-sightholders ».

241    Dans la décision de rejet, la Commission a considéré, en réponse à l’allégation de la requérante selon laquelle les ventes d’Alrosa à d’autres que De Beers ne porteraient que sur des diamants de moindre qualité et la valeur moyenne des exportations ne serait pas un indicateur fiable, que les preuves avancées étaient insuffisantes. Dans la lettre prévue par l’article 7, elle s’est fondée sur les données chiffrées tirées d’un article de presse, dont il découlerait que la valeur par carat des diamants vendus à De Beers est équivalente à celle des diamants exportés à d’autres que De Beers, pour déduire la qualité équivalente des deux types de diamants. La Commission a ajouté que, dans la mesure où Alrosa ne pouvait plus s’appuyer sur les ventes à De Beers, elle aurait amélioré la qualité de sa production de diamants pour les rendre plus compétitifs.

242    Les éléments fournis par la requérante ne permettent pas davantage de considérer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard. En effet, la requérante se limite, d’une part, à évoquer ses « contacts sur le marché » qui l’auraient informée de la qualité moindre des diamants vendus par Alrosa à d’autres que De Beers et, d’autre part, à contester la méthode de la valeur moyenne par carat en soulignant que cette valeur ne permettrait pas de tenir compte de la proportion de diamants de qualité et donc de valeur supérieure. La requérante se fonde sur l’exemple suivant : « Si Alrosa vend à De Beers 10 000 carats à 200 USD par carat et 2 000 carats à 2 000 USD par carat, donc un total de 12 000 carats pour un total de 6 millions de USD, la valeur moyenne par carat est de 500 USD par carat. En vendant 12 000 carats à 500 USD par carat au marché, Alrosa vendrait à la même valeur par carat, mais seule De Beers reçoit les marchandises de la qualité la plus élevée. »

243    Il y a lieu de relever à cet égard qu’une valeur moyenne, en ce qu’elle constitue une valeur unique située entre la valeur la plus faible et la valeur la plus élevée d’un ensemble de valeurs, ne permet certes pas de déterminer la proportion exacte de valeurs élevées au sein de cet ensemble. Ainsi, la valeur moyenne mentionnée par la requérante dans l’exemple susvisé ne permet pas en tant que telle de déterminer qui de De Beers ou des autres acheteurs reçoit la meilleure qualité de diamants bruts. Toutefois, la comparaison d’une valeur moyenne avec d’autres valeurs moyennes permet de déterminer quel ensemble de valeurs contient la plus grande proportion de valeurs élevées. Dans l’exemple fourni par la requérante, si De Beers reçoit 17 % de carats de diamants de grande qualité (c’est-à-dire 2 000 carats d’une valeur de 2 000 USD par carat), environ 83 % (10 000 carats), c’est-à-dire la grande majorité des diamants reçus d’Alrosa, seraient de qualité sensiblement inférieure à celle des diamants reçus par les autres acheteurs, puisque leur valeur par carat serait de 200 USD au lieu de 500 USD, ce qui représenterait une diminution de la valeur par carat de 60 %. S’il peut être déduit de cet exemple que De Beers reçoit d’Alrosa des diamants de la qualité la plus élevée, il ne saurait en être conclu que l’ensemble des diamants vendus à d’autres que De Beers sont d’une qualité moindre que celle des diamants vendus à De Beers.

244    Il en résulte que, en l’espèce, la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, déduire de la comparaison de la valeur moyenne du carat de diamants vendus à De Beers (75,90 USD) avec la valeur moyenne des exportations en général (72,08 USD par carat) ainsi qu’avec les valeurs moyennes du carat de diamants vendus en Belgique (61,30 USD), en Israël (97,08 USD) ou en Chine et à Hong-Kong (96,92 USD) que les diamants vendus à De Beers n’étaient pas d’une qualité supérieure à celle des diamants vendus à d’autres sociétés. Il en résulte également que la Commission n’était pas tenue de poursuivre ses investigations sur ce point, notamment en interrogeant Alrosa comme l’a suggéré la requérante dans la requête.

–       Sur les griefs dirigés contre la décision complémentaire de rejet

245    Tout d’abord, la requérante reproche à la Commission de minimiser a posteriori, c’est-à-dire dans la décision complémentaire de rejet, l’importance de la décision sur les engagements de De Beers, alors que cette décision constituait un élément fondamental des considérations de la décision de rejet relatives aux effets d’exclusion. À cette fin, elle se fonde notamment sur les écritures de la Commission dans l’affaire T‑170/06.

246    Ensuite, selon la requérante, l’appréciation par la Commission de l’impact de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers sur l’analyse des effets d’exclusion est fondée sur des faits matériellement inexacts et sur des erreurs manifestes d’appréciation de ces faits. Elle reproche ainsi à la Commission la prise en compte de l’annonce par De Beers du respect de ses engagements malgré leur annulation et du système de distribution d’Alrosa, l’absence de prise en compte des ventes d’Alrosa aux « sightholders » et de la qualité des diamants vendus par Alrosa, ainsi que plusieurs erreurs relatives aux données chiffrées prises en compte, portant sur l’inclusion des ventes à De Beers dans les montants mentionnés des ventes d’Alrosa en dehors des canaux de De Beers, sur la prise en considération des montants des ventes globales d’Alrosa au lieu des montants de ses exportations, sur le montant retenu des ventes d’Alrosa à De Beers avant les engagements, sur le « gonflement » de la valeur des exportations d’Alrosa, sur la revente des diamants d’Alrosa en dehors de la Russie par des opérateurs établis en Russie, sur la vente de stocks par Alrosa et sur la prise en compte des données provisoires d’Alrosa pour 2007.

247    Il convient de relever, à titre liminaire, que certains des griefs exposés ci-dessus sont dirigés contre des appréciations limitées à la prise en considération par la Commission de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers et doivent, partant, être rejetés comme inopérants pour la raison évoquée au point 231 ci-dessus. Ainsi en est-il du grief relatif à l’importance de la décision sur les engagements de De Beers pour le rejet de la plainte (voir point 245 ci-dessus), de celui tiré de la prise en compte de l’intention de De Beers de respecter ses engagements malgré leur annulation et d’une des allégations d’erreurs relatives aux données chiffrées utilisées, à savoir celle portant sur le montant retenu des ventes d’Alrosa à De Beers avant les engagements (voir point 246 ci-dessus).

248    Seul sera par conséquent examiné ci-après le bien-fondé des griefs exposés au point 246 ci-dessus dirigés contre les appréciations de la décision complémentaire de rejet qui ne portent pas uniquement sur la prise en compte de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers.

249    S’agissant de la prise en compte du système de distribution d’Alrosa, dont la requérante conteste l’existence même, il y a lieu de constater que le passage de la décision complémentaire de rejet faisant état de ce système de distribution se lit comme suit : « En outre, Alrosa a progressivement développé un système de distribution avec des ‘sights’ prévus pour 2008. » Par cette constatation, la Commission exprimait des doutes sur le fait que, à la suite de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers, les achats de cette dernière à Alrosa seraient du même montant que ceux effectués avant les engagements. Toutefois, dans la phrase qui suit, la Commission a indiqué que, « afin d’apprécier l’ensemble des ramifications possibles » de la plainte de la requérante, elle avait décidé de « s’appuyer sur l’appréciation la plus prudente de la valeur des diamants bruts d’Alrosa disponibles en dehors des canaux de De Beers », c’est-à-dire sur les montants des achats de De Beers à Alrosa existant avant les engagements.

250    Il en résulte que la mention du système de distribution ne constituait pas le fondement de la décision complémentaire de rejet, ainsi que le souligne la Commission dans le mémoire en défense, et que l’argument reprochant à la Commission d’avoir pris en compte ce système doit partant être rejeté. Il s’ensuit également que doit être rejeté comme inopérant l’argument de la requérante contestant en substance la prise en considération par la Commission du système de distribution d’Alrosa comme un élément contribuant à la disponibilité des diamants bruts et soulignant qu’il était très probable que l’effet dudit système mis en place par le deuxième plus grand producteur mondial serait de réduire encore davantage la disponibilité des diamants bruts.

251    S’agissant de l’absence de prise en compte des ventes d’Alrosa aux « sightholders », la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ne déduisant pas ces ventes des ventes d’Alrosa. En effet, la Commission cherchait à déterminer la quantité de diamants échappant au contrôle de De Beers disponibles pour le marché dit « libre ». Or, d’une part, en étant vendus directement aux « sightholders », les diamants d’Alrosa leur parviennent sans transiter par De Beers et ainsi sans entrer au préalable dans le système de distribution aux « sightholders » que constitue le SOC. D’autre part, la requérante ne fournit aucun élément permettant de considérer que les « sightholders » ne prennent pas leurs propres décisions commerciales concernant les diamants achetés à d’autres producteurs que De Beers, dont notamment la décision de les revendre à des « non-sightholders » (voir, s’agissant de la possibilité pour les « sightholders » de revendre des diamants obtenus de De Beers à des « non-sightholders », points 272 et suivants ci-après). Il y a lieu de relever à cet égard qu’il ressort du résumé des réponses des « sightholders » à la question n° 13 de la demande de renseignements qui les interrogeait sur leurs reventes de diamants rachetés auprès d’autres que De Beers, ces réponses n’étant pas spécifiquement contestées par la requérante, que la grande majorité des « sightholders » exerçant une activité de revente de diamants bruts ont affirmé revendre ces diamants notamment à des « non-sightholders », selon un pourcentage d’ailleurs généralement plus élevé que celui de la revente des diamants de De Beers. Ainsi, les diamants vendus par Alrosa aux « sightholders » pouvaient être pris en compte aux fins de déterminer les diamants bruts disponibles pour le marché libre.

252    S’agissant de l’absence de prise en compte de la qualité des diamants vendus par Alrosa et en particulier de la prétendue qualité moindre des diamants vendus à d’autres que De Beers, la Commission a répondu à cette allégation dans la décision complémentaire de rejet que celle-ci avait déjà été examinée dans la décision de rejet et que la requérante n’avait rapporté aucune preuve à son soutien, à l’exception du fait que des « contacts sur le marché » l’auraient informée de cette qualité moindre. La question de la qualité des diamants d’Alrosa vendus à d’autres que De Beers ayant été examinée dans la décision de rejet (voir point 241 ci-dessus) et la requérante n’ayant fait état d’aucune allégation nouvelle et étayée relative à la qualité moindre des diamants vendus à d’autres que De Beers, puisqu’elle reconnaît même ne pas disposer de moyens et de pouvoirs d’investigation suffisants en reprochant à la Commission de ne pas avoir utilisé les siens, la Commission n’était pas tenue de modifier son appréciation figurant dans la décision de rejet.

253    S’agissant enfin des erreurs relatives aux données chiffrées prises en compte par la Commission, aucune d’elles n’est avérée.

254    En premier lieu, quant à la prétendue contradiction relative à l’inclusion ou non des ventes d’Alrosa à De Beers dans les chiffres mentionnés dans la décision complémentaire de rejet, il y a lieu de rappeler que le passage de la décision complémentaire de rejet en cause se lit comme suit :

« Il résulte des réponses d’Alrosa à la demande de renseignements de la Commission du [9] octobre 2007 que ses ventes en dehors des canaux de De Beers s’élevaient à 2,1 milliards de USD en 2005 et à 2,3 milliards de USD en 2006. Cette offre était disponible pour les clients établis en Russie comme pour les entreprises non établies en Russie. Il doit être noté que le montant des ventes pour 2005 et 2006 inclut les ventes à De Beers et à d’autres clients. La valeur des ventes à De Beers en 2006 atteignait approximativement 600 millions de USD. »

255    Il peut certes être relevé que, dans ce passage, la Commission évoque à deux reprises les ventes d’Alrosa, dans la première phrase, en mentionnant leur montant dont sont déduites les ventes à De Beers et, dans la troisième phrase, en précisant que les ventes d’Alrosa incluent les ventes à De Beers. En dépit de la formulation non dépourvue d’ambiguïté de ce passage, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir fait reposer son analyse sur un raisonnement contradictoire. En effet, il résulte, tant d’une lecture globale du passage en cause que de sa lecture à la lumière des réponses d’Alrosa à la demande de renseignements qu’il analyse, que la seconde mention du montant des ventes d’Alrosa, dans la troisième phrase du passage cité, visait à expliquer le calcul effectué par la Commission à partir desdites réponses aboutissant aux montants de 2,1 et de 2,3 milliards de USD mentionnés en premier lieu, dans la première phrase dudit passage, par le rappel des ventes à De Beers (réponse à la question n° 6) qui étaient déduites des ventes totales d’Alrosa mentionnées en second lieu (réponse à la question n° 2).

256    En deuxième lieu, quant à la prétendue prise en considération erronée du montant des ventes globales de diamants bruts par Alrosa au lieu du montant de ses ventes en dehors de la Russie et à la prétendue absence de démonstration de la vente de stocks de diamants par Alrosa, le passage pertinent de la décision complémentaire de rejet se lit comme suit :

« L’appréciation de la valeur des ventes d’Alrosa en dehors des canaux de De Beers est basée sur les données relatives aux ventes d’Alrosa, déduction faite des ventes à De Beers en 2005 et en 2006. Dès lors que la Commission prend en compte les ventes mondiales, les données relatives à la valeur précise des exportations de Russie et des ventes intérieures en Russie sont sans pertinence et n’affectent pas la conclusion de la Commission relative à la valeur des ventes d’Alrosa en dehors des canaux de De Beers. En outre, je ne peux pas partager votre préoccupation relative au fait que les données chiffrées relatives aux ventes d’Alrosa sont plus élevées que celles relatives à sa production. La différence entre les chiffres de production et les chiffres de ventes peut s’expliquer d’une manière logique, par exemple, par la réalisation de ventes de produits en stock ou de reventes de diamants achetés. »

257    Dans la lettre complémentaire prévue par l’article 7, la Commission a précisé en se fondant sur les données relatives aux ventes d’Alrosa pour 2005 fournies par Alrosa elle-même que les ventes à De Beers (s’élevant à 650 millions de USD) représentaient 23 % desdites ventes et 52 % des exportations d’Alrosa. Elle a ajouté que, d’après les données des autorités douanières russes reprises dans des articles de presse, la valeur des diamants exportés directement par Alrosa ou par d’autres opérateurs à d’autres que De Beers était estimée à 850 millions voire à un milliard de USD. Elle en a déduit que la valeur totale des diamants bruts d’Alrosa disponibles en dehors des canaux de De Beers à la fois pour des clients établis en Russie et pour ceux établis en dehors de la Russie avoisinerait les 2,2 milliards de USD.

258    Il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en prenant en considération les ventes globales d’Alrosa et non ses seules exportations. Comme l’a suggéré la Commission dans la décision de rejet par sa référence aux « ventes mondiales » (voir point 256 ci-dessus) et dans la lettre complémentaire prévue par l’article 7 par sa référence à la disponibilité des diamants bruts pour les clients établis en Russie et ceux qui sont établis en dehors (voir dernière phrase du point 257 ci-dessus), son analyse portait sur la disponibilité des diamants bruts pour les opérateurs autres que De Beers, que ceux-ci soient ou non des opérateurs établis en Russie. En effet, le marché pertinent en l’espèce étant le marché mondial des diamants bruts (voir point 225 ci-dessus), dont fait partie la Russie, l’appréciation de la disponibilité des diamants bruts d’Alrosa ne pouvait faire l’économie de la prise en compte des diamants vendus sur le marché intérieur russe. Il en résulte que sont pertinentes non seulement les exportations d’Alrosa, mais aussi ses ventes intérieures en Russie.

259    Il en résulte également que doivent être rejetées comme inopérantes l’allégation selon laquelle Alrosa aurait « gonflé » la valeur de ses exportations et celle reprochant à la Commission de ne pas avoir fourni de données chiffrées précises relatives à la revente des diamants d’Alrosa en dehors de la Russie par des opérateurs établis en Russie auxquels Alrosa avait vendu ses diamants. En effet, la Commission ayant pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, prendre en considération le montant des ventes globales d’Alrosa et la requérante ne contestant pas ce montant global, il importe peu, d’une part, que le montant retenu des exportations ne soit pas exact et, d’autre part, que soient distinguées au sein des ventes d’Alrosa sur le marché russe celles qui feront l’objet d’une revente hors de Russie.

260    La Commission n’a pas davantage commis d’erreur manifeste d’appréciation en expliquant la différence entre le montant des ventes d’Alrosa et celui de sa production par la vente de stocks. En effet, la Commission a certes mentionné cette justification dans la décision complémentaire de rejet sans précision, ni référence. Toutefois, s’agissant d’une explication économique classique – la Commission l’a qualifiée d’« explication logique » dans la décision complémentaire de rejet – qui a été évoquée au cours des procédures administratives initiale et complémentaire, notamment par De Beers dans ses réponses à la demande de renseignements du 29 octobre 2007 (réponse à la question n° 1), et qui au surplus est « connue » dans le secteur diamantaire, comme en atteste le fait qu’elle est mentionnée à plusieurs reprises dans les rapports annuels d’Alrosa de 2005 et de 2006, la Commission n’était pas tenue d’étayer davantage sa mention de la revente de stocks par Alrosa. En outre, la requérante ne fournit aucun élément permettant de remettre en cause la justification fondée sur la vente de stocks, alors que les produits en cause en l’espèce, les diamants bruts, sont des produits qui peuvent aisément être stockés sur une longue durée et dont le stockage (et le déstockage) constitue même un instrument de régulation des prix qui a précisément été utilisé au cours de la période litigieuse, comme en attestent les mentions susvisées dans les rapports annuels d’Alrosa.

261    En troisième lieu, quant au grief reprochant à la Commission de s’être fondée sur les données provisoires d’Alrosa relatives à l’année 2007, il suffit de constater que les données définitives pour ladite année n’étaient pas disponibles au moment de l’adoption de la décision complémentaire de rejet, ce que confirme d’ailleurs la requérante, et qu’une décision de la Commission ne peut être prise qu’en fonction des faits et circonstances dont elle pouvait avoir connaissance au moment où elle a adopté sa décision (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy, C‑239/05, Rec. p. I‑1455, point 59).

262    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ou d’erreur de fait dans son appréciation de l’offre des diamants bruts d’Alrosa dans la décision complémentaire de rejet. Par conséquent, l’ensemble des griefs dirigés contre l’appréciation de cette offre dans la décision de rejet et dans la décision complémentaire de rejet doivent être rejetés.

 Sur l’offre des « sightholders » (affaires T-104/07 et T-339/08)

263    Dans la décision de rejet, la Commission a rappelé qu’elle avait examiné, dans la lettre prévue par l’article 7, les allégations de la requérante relatives à l’interdiction pour les négociants de devenir « sightholder », à l’interdiction pour les « sightholders » de revendre des diamants bruts de De Beers à des « non-sightholders » et à la proportion de ces diamants revendus. Elle avait ainsi considéré dans la lettre prévue par l’article 7 qu’il résultait des réponses des « sightholders » aux demandes de renseignements, d’une part, que les négociants en diamants bruts n’étaient pas éliminés du SOC, en précisant que quatre « sightholders » revendaient au minimum 75 % des diamants de De Beers (dont deux en revendaient plus de 90 %) et que quatre autres « sightholders » revendaient plus de la moitié de ces diamants et, d’autre part, qu’un « sightholder » revendait en moyenne 15 à 20 % des diamants bruts reçus de De Beers. En réponse aux critiques dirigées contre ces considérations, la Commission a indiqué dans la décision de rejet qu’un certain nombre de négociants étaient restés « sightholders ». Elle a estimé par ailleurs, s’agissant de la réponse prétendument contradictoire du « sightholder » n° 3, celui-ci affirmant participer à des programmes du SOC en aval alors qu’il revendait 92 % des diamants qu’il avait achetés, qu’une telle proportion de revente n’était pas incompatible avec une participation aux programmes en aval en utilisant la proportion de diamants non revendus.

264    Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a rappelé la proportion de revente des diamants bruts de De Beers par des « sightholders », soit 15 à 20 %, ainsi que les montants correspondants pour 2004, soit 770 millions à 1,020 milliard de USD, et pour 2005, soit 880 millions à 1,180 milliard de USD. Elle a estimé ensuite que les arguments avancés par la requérante au cours de la procédure complémentaire avaient déjà été examinés lors de la procédure initiale, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de modifier son appréciation initiale.

265    La requérante reproche tout d’abord à la Commission de ne pas avoir fourni de données chiffrées quant au nombre de négociants « sightholders » et à la proportion de diamants bruts revendus par des « sightholders ». Elle conteste à cet égard comme étant non étayées les données fournies par les intervenantes relatives aux négociants devenus « sightholders » et à la proportion des diamants revendus par les « sightholders ».

266    La requérante fait ensuite valoir que la Commission ne pouvait se fonder uniquement, dans ses décisions, sur les réponses données en 2004 par des « sightholders » totalement dépendants de De Beers qui affirmeraient revendre des diamants bruts de De Beers, et ce d’autant plus que toutes les bourses diamantaires contredisent certaines des réponses données par les « sightholders ». Elle renvoie, à cet égard, à ses observations sur la lettre prévue par l’article 7. La requérante souligne ainsi que certains « sightholders » n’ont pas répondu à la question de la revente des diamants bruts. Elle relève également l’incohérence de la réponse donnée par le « sightholder » n° 3, celui-ci affirmant recevoir 96 % de ses diamants bruts de De Beers et revendre 92 % des diamants achetés, tout en participant à des programmes en aval. Or, 4 % des diamants bruts ne pourraient pas être suffisants pour participer à de tels programmes imposés par De Beers. La requérante prétend même que la Commission aurait présenté de façon inexacte la réponse du « sightholder » n° 5.

267    La requérante affirme enfin, notamment en se fondant sur la jurisprudence, que, si De Beers a élaboré les règles du SOC de manière astucieuse en n’interdisant pas explicitement aux « sightholders » de revendre des diamants bruts acquis dans le cadre du SOC, il n’en reste pas moins que cette absence de revente se produisait de facto et qu’il n’y a plus de négociant en diamants bruts ayant le statut de « sightholder ». Elle ajoute que les reventes des « sightholders » sont sporadiques, irrégulières, peu fiables et portent sur des diamants de qualité moindre qu’ils ne pourraient transformer eux-mêmes.

268    Il y a lieu de relever tout d’abord que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a évoqué dans la lettre prévue par l’article 7, à laquelle elle renvoie dans la décision de rejet, des données chiffrées relatives à la fois au nombre de « sightholders » procédant à des activités de revente et à la proportion moyenne de diamants revendus par les « sightholders », tirées des réponses des « sightholders » aux demandes de renseignements (voir point 263 ci-dessus), dont un résumé avait été communiqué à la requérante en annexe à la lettre prévue par l’article 7.

269    S’agissant précisément de la prise en compte par la Commission des réponses des « sightholders » aux demandes de renseignements, que la requérante conteste au motif que ces réponses seraient contredites par celles données par les bourses diamantaires, il peut être relevé que la requérante ne fait référence à aucun extrait du résumé des réponses des bourses diamantaires aux demandes de renseignements, qui est le seul document émanant des bourses diamantaires figurant au dossier. Il ne saurait en outre être déduit de ce résumé que toutes les bourses diamantaires ont contredit l’affirmation par les « sightholders » qu’ils revendaient les diamants de De Beers. En effet, la question de l’existence d’une activité de revente des diamants de De Beers par les « sightholders » n’ayant pas été posée aux bourses diamantaires, seules quelques bourses ont clairement pris position à cet égard. Il convient de constater au surplus que, parmi les onze bourses diamantaires ayant répondu à la demande de renseignements de la Commission, si trois d’entre elles ont explicitement affirmé que les « sightholders » ne revendaient pas leurs diamants bruts sur le marché secondaire (réponses des bourses diamantaires nos 1, 8 10), deux autres ont au contraire reconnu l’existence de reventes par les « sightholders », l’une en affirmant que le montant de ces ventes était faible et l’autre en expliquant l’absence de concurrence entre les « sightholders » pour l’approvisionnement du marché secondaire par le fait que la demande du marché secondaire était importante (réponses des bourses diamantaires nos 4 et 6).

270    Quant à la prise en compte de la réponse prétendument incohérente du « sightholder » n° 3, il y a lieu de rappeler que celui-ci affirme revendre 92 % des diamants bruts reçus et participer aux programmes de commercialisation en aval prévus par le SOC. Sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le pourcentage de diamants bruts achetés par le « sightholder » n° 3 et utilisés dans le cadre de sa participation à des programmes de commercialisation – 4 % ou davantage –, il suffit de constater que la requérante n’a fourni aucun élément établissant la nécessité pour les « sightholders » de disposer d’une quantité ou d’un pourcentage minimal pour pouvoir prendre part aux programmes en aval. La Commission ne peut dès lors être considérée comme ayant erronément déduit de la réponse du « sightholder » en cause que les activités de revente étaient compatibles avec une participation au SOC.

271    Il convient par ailleurs de rejeter l’allégation de présentation inexacte de la réponse du « sightholder » n° 5, la Commission ne la mentionnant pas explicitement dans la décision de rejet et dans la lettre prévue par l’article 7, mais uniquement dans le mémoire en défense sans au demeurant en déformer le contenu. En effet, la requérante a traduit la réponse par laquelle le « sightholder » n° 5 déclarait « [the company] expects to increase manufacturing and lessen resale on SM » comme signifiant « [la société] s’attend à une hausse de la fabrication et à une baisse des reventes sur le [marché secondaire] », alors que cette réponse doit être traduite par « [la société] espère accroître la production et diminuer les reventes sur [le marché secondaire] ».

272    Il y a lieu de considérer ensuite que les arguments et éléments de preuve fournis par la requérante ne permettent pas de remettre en cause les considérations des décisions attaquées relatives à l’offre des « sightholders ».

273    En premier lieu, la requérante affirme que tous les négociants en diamants bruts ont été exclus du SOC. Cependant, quand bien même une telle exclusion serait avérée, elle ne permettrait pas de conclure à l’absence de revente par les « sightholders » des diamants de De Beers. En effet, la capacité de revente des « sightholders » ne doit pas être déterminée en fonction de la seule qualité principale des « sightholders », négociant ou fabricant. Il ressort ainsi du tableau résumant les réponses des « sightholders » aux demandes de renseignements qu’un certain nombre de « sightholders », tout en utilisant pour leur activité principale de fabrication une quantité importante des diamants bruts qu’ils ont achetés, en revendent également une certaine quantité sur le marché secondaire (voir l’avant-dernière colonne du résumé des réponses des « sightholders » aux demandes de renseignements établissant le ratio entre la quantité de diamants bruts achetés et la quantité de diamants polis vendus.

274    En deuxième lieu, la requérante soutient que les « sightholders » sont empêchés de facto de revendre les diamants bruts reçus de De Beers à des « non-sightholders ». En effet, les réponses aux demandes de renseignements auraient révélé « une énorme diversion de la marchandise par rapport au marché secondaire », trois quarts des « sightholders » se livrant à des programmes de commercialisation en aval et 10 % d’entre eux se livrant à titre principal à de tels programmes.

275    Il y a lieu de considérer qu’il ne peut être déduit de la seule participation des « sightholders » à des programmes de commercialisation en aval l’existence d’un empêchement de fait de la revente à des « non-sightholders ». En effet, il ressort des réponses des « sightholders » à la question n° 11 de la demande de renseignements qui leur avait été adressée, sans que les réponses à cette question soient spécifiquement contestées par la requérante, que, pour la participation à certains programmes de commercialisation en aval, l’utilisation de diamants de De Beers n’était pas requise, ce dont il résulte qu’un « sightholder » pourrait participer auxdits programmes tout en revendant la totalité des diamants bruts fournis par De Beers. En outre, la majorité des participants à ces programmes n’y a pris part que partiellement (environ 80 %), ce qui permet de déduire que 85 % des « sightholders » ne participent pas ou seulement partiellement auxdits programmes. Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle De Beers aurait renforcé après 2004 la nécessité de participer à ces programmes de commercialisation en aval, il suffit de constater qu’elle n’est pas établie.

276    Au soutien de son allégation d’interdiction de fait de revente des diamants bruts de De Beers par des « sightholders » à des « non-sightholders », la requérante se fonde par ailleurs sur deux arrêts du Tribunal dont il pourrait être déduit que cette absence de revente résulterait en réalité d’une volonté commune des « sightholders » de se comporter sur le marché d’une manière déterminée qui pourrait, le cas échéant, être sanctionnée au titre de l’article 81 CE (arrêts du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec. p. II‑3383, et du 27 septembre 2006, GlaxoSmithkline/Commission, T‑168/01, Rec. p. II‑2969). Toutefois, les éléments fournis par la requérante ne permettent pas d’établir l’existence en l’espèce d’une telle volonté commune. La requérante se contente en effet d’alléguer que, en cas de revente par un « sightholder » de diamants bruts de De Beers à des « non-sightholders », le « sightholder » en question se verrait refuser des livraisons de diamants, voire serait exclu du SOC.

277    Ce faisant, la requérante n’établit ni que De Beers exigerait de ses « sightholders » comme condition de leurs relations contractuelles qu’ils ne revendent pas à des « non-sightholders », caractérisant l’invitation à la réalisation d’un but anticoncurrentiel, ni l’acquiescement, exprès ou tacite, des « sightholders » à cette invitation, ainsi que l’exige notamment la jurisprudence qu’elle cite (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, points 102 et 103, et arrêt Bayer/Commission, point 276 supra, point 72). En effet, d’une part, la requérante se limite à évoquer une sanction des « sightholders » revendant des diamants bruts à des « non-sightholders », qui pourrait être mise en œuvre grâce à des enquêteurs privés chargés de vérifier les profils des « sightholders ». Cependant, il ressort du profil de « sightholder » et de la note explicative relative à ce profil établis par De Beers que le candidat n’est pas tenu de révéler les noms de ses clients, sauf si cette donnée est publique. Il ressort par ailleurs du mandat du médiateur, tel que révisé en 2007, que les données non prévues par le SOC, telles que celles relatives aux clients des « sightholders », ne peuvent désormais plus être communiquées à De Beers et utilisées par celle-ci grâce notamment à l’intervention du médiateur (voir points 329 et suivants ci-après). Il ne saurait dès lors en être déduit que De Beers exige de ses « sightholders » qu’ils lui révèlent les noms de leurs clients et a fortiori qu’elle exige qu’ils ne revendent pas les diamants bruts reçus à certains clients. D’autre part, il doit être observé que les « sightholders » eux-mêmes ont indiqué en réponse aux questions nos 12 à 15 de la demande de renseignements qu’ils revendaient des diamants reçus de De Beers, excluant ainsi tout acquiescement de leur part à une éventuelle invitation de De Beers. La requérante reconnaît d’ailleurs l’existence de ces reventes en contestant leur qualité, leur régularité et leur fiabilité.

278    En troisième lieu, la requérante fait valoir en effet le caractère sporadique, irrégulier, peu fiable et de faible qualité des reventes des « sightholders », en soulignant que les « sightholders » revendent en général les diamants bruts de qualité moindre qu’ils ne peuvent transformer eux-mêmes. Les réponses des « sightholders » aux demandes de renseignements font certes état de la revente de diamants bruts au motif de leur qualité moindre. Toutefois, les « sightholders » à l’origine de cette réponse sont tous des fabricants exerçant à titre principal une activité de fabrication. Cette réponse s’explique par les questions posées. Aucune d’entre elles ne visait à obtenir des informations précises sur la qualité des diamants revendus, les « sightholders » étant seulement interrogés sur le point de savoir s’ils revendaient les diamants achetés, parce qu’ils n’étaient pas intéressants pour leur activité de fabrication (question n° 14). Seules pouvaient ainsi figurer dans les réponses des « sightholders » des mentions de revente de diamants bruts au motif de leur qualité moindre. Il ne saurait par conséquent être déduit de la mention de la qualité moindre des diamants revendus par les fabricants exerçant à titre principal cette activité, et ainsi ne représentant qu’une faible proportion des diamants revendus, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation de la qualité des diamants revendus par les « sightholders ».

279    S’agissant, enfin, des arguments figurant dans les observations de la requérante sur la lettre prévue par l’article 7 auxquels celle-ci renvoie sans les exposer dans ses écritures (voir point 266 ci-dessus), ils doivent être écartés comme irrecevables en vertu de la jurisprudence citée au point 97 ci-dessus.

280    Dans ces conditions, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant qu’il existait une offre de diamants bruts provenant des « sightholders » eux-mêmes.

 Sur l’offre de Diamdel (affaire T-339/08)

281    La requérante fait valoir que les ventes de Diamdel sont régies par les règles du SOC et que cette société a vu ses effectifs réduits et certains de ses établissements fermés, ce qui risquerait de conduire à une diminution des diamants bruts vendus par l’intermédiaire de Diamdel.

282    Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a indiqué qu’elle avait établi dans la décision de rejet qu’environ 10 % des diamants bruts de De Beers (représentant une valeur de 500 millions d’euros) étaient vendus à Diamdel, laquelle appartenait au groupe De Beers et était spécialisée dans la vente aux « non-sightholders ».

283    La Commission fait ainsi valoir que les griefs dirigés contre l’appréciation de l’offre de Diamdel dans la décision complémentaire de rejet sont irrecevables, car ils visent à remettre en cause une considération déjà retenue lors de la procédure initiale et non contestée dans le cadre de l’affaire T-104/07.

284    Sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’irrecevabilité invoquée par la Commission, il y a lieu de considérer que les griefs de la requérante dirigés contre l’appréciation de l’offre de Diamdel sont en tout état de cause non fondés. Tout d’abord, la requérante ne fournit aucun élément de preuve au soutien de son allégation de l’application des règles du SOC par Diamdel, alors que la Commission a joint en annexe au mémoire en défense une interview du directeur général de Diamdel indiquant que celle-ci n’applique pas les règles du SOC. Ensuite, la diminution de la quantité de diamants bruts revendus par Diamdel consécutive à la réduction de ses effectifs et à la fermeture de ses établissements dans certains pays (Afrique du Sud et Bostwana) a été mentionnée dans la décision complémentaire de rejet. La Commission a indiqué à cet égard, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que cette diminution se ferait au profit des industries locales qui approvisionneraient les entreprises de taille et de polissage locales en lieu et place de Diamdel dans le cadre du processus d’enrichissement (voir points 309 et 312 et suivants ci-après), et non de De Beers et de ses « sightholders ». Il ne saurait dès lors en être déduit une diminution de la quantité des diamants bruts disponibles pour les « non-sightholders ».

 Sur l’offre des autres producteurs (affaires T-104/07 et T-339/08)

285    Dans l’affaire T-339/08, la requérante fait valoir, à titre liminaire, que la Commission ne pouvait prendre en compte cette offre dans la décision complémentaire de rejet, alors qu’elle n’en avait pas véritablement tenu compte dans son appréciation initiale.

286    La Commission répond qu’elle en avait tenu compte dans le cadre de la procédure initiale, de sorte que les autres allégations de la requérante dans l’affaire T-339/08 relatives à l’offre des autres producteurs devraient être rejetées comme irrecevables en ce qu’elles sont dirigées contre la décision de rejet.

287    Il y a lieu tout d’abord de constater que, si la décision de rejet ne fait aucune mention de l’offre des autres producteurs, elle se fonde sur la lettre prévue par l’article 7, dans laquelle il est indiqué que les diamants produits par Alrosa complètent les offres des producteurs de diamants concurrents, tels que Rio Tinto et BHP Billiton. Il peut être relevé par ailleurs que la requérante elle-même formule dans ses écritures dans l’affaire T-104/07 plusieurs griefs dirigés contre cette prise en compte de l’offre des autres producteurs de diamants (voir points 289 et 293 ci-après).

288    Ensuite, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’irrecevabilité invoquée par la Commission, il peut être considéré que l’ensemble des arguments dirigés contre l’appréciation de la Commission relative à l’offre des autres producteurs soulevés dans l’affaire T-339/08 doivent être rejetés comme étant non fondés.

289    En premier lieu, dans les affaires T-104/07 et T-339/08, la requérante fait valoir que l’offre des autres producteurs est fragmentaire et plutôt limitée par rapport à celle de De Beers, en mentionnant des parts de 2,4 et de 4,1 % des ventes mondiales de diamants bruts. Cette offre ne pourrait donc être considérée comme substituable à celle de De Beers, qui produirait plus de la moitié de la production mondiale de diamants bruts et les distribuerait dans le contexte d’un abus de position dominante.

290    La décision de rejet et la lettre prévue par l’article 7 ne mentionnent aucune donnée chiffrée relative aux autres producteurs de diamants et les résumés des réponses de ces producteurs aux demandes de renseignements ne contiennent pas non plus de telles données. Ces données sont mentionnées pour la première fois dans la procédure complémentaire à partir des réponses des producteurs aux demandes de renseignements complémentaires. Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a déduit ainsi d’un article de presse et des réponses des producteurs aux demandes de renseignements complémentaires que leur offre était comprise entre 3 et 4 milliards de USD en 2005.

291    S’agissant du grief dirigé contre la décision de rejet, il suffit de rappeler la jurisprudence selon laquelle, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d’un acte doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté, l’appréciation de la Commission ne pouvant être censurée que si elle apparaît manifestement erronée au vu des éléments dont elle disposait au moment de l’adoption de l’acte en cause (voir arrêt du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, point 212 supra, point 87, et la jurisprudence citée). Il en résulte que les données chiffrées présentées par la requérante et tirées des réponses aux demandes de renseignements d’octobre 2007, postérieures à la décision de rejet, ne sauraient remettre en cause sa légalité.

292    S’agissant du grief dirigé contre la décision complémentaire de rejet, il convient d’observer que, contrairement à ce que soutient la Commission, la requérante se fonde également sur les données issues des demandes de renseignements de 2007 et portant sur les parts de marché des producteurs en 2006, qui ne sauraient par conséquent être considérées comme dépassées. En se fondant sur ces données, la requérante n’établit pas cependant que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation. D’abord, elle ne mentionne que les ventes de deux producteurs alors que la Commission en cite six dans la décision complémentaire de rejet. Ensuite, comme le souligne la Commission, la requérante ne conteste pas le montant total des ventes des autres producteurs mentionné dans la décision complémentaire de rejet, à savoir au minimum 3 milliards de USD, dont il convient de préciser qu’il représentait environ 20 % de l’offre mondiale en 2005 (soit 3 milliards de USD rapportés à 13 milliards de USD). Enfin, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas considéré les autres producteurs comme des solutions de remplacement à De Beers, mais qu’elle s’est contentée de les mentionner comme l’une des quatre sources d’approvisionnement en diamants bruts à la disposition des « non-sightholders », au même titre qu’Alrosa, Diamdel et les « sightholders », formant ensemble une solution de remplacement à De Beers.

293    En second lieu, dans les affaires T-104/07 et T-339/08, la requérante fait valoir que les « sightholders » et Diamdel peuvent également acheter des diamants bruts auprès des autres producteurs, de sorte que ces diamants pénétreraient dans le SOC et que, contrairement à ce que soutient la Commission, la liquidité sur le marché diminuerait.

294    Il suffit de renvoyer à cet égard aux considérations précédentes relatives à l’offre des « sightholders » et à celle de Diamdel, selon lesquelles, d’une part, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que les « sightholders » et Diamdel constituaient des sources d’approvisionnement en diamants bruts pour les « non-sightholders » (voir points 268 et suivants et 281 et suivants ci-dessus) et, d’autre part, ne relèvent pas du SOC les diamants bruts vendus aux « sightholders » par d’autres que De Beers (voir point 251 ci-dessus) et les diamants bruts vendus par Diamdel (voir point 283 ci-dessus).

295    Par conséquent, l’ensemble des griefs dirigés contre l’appréciation de l’offre en diamants bruts des autres producteurs doivent être rejetés.

 Sur la disponibilité globale des diamants bruts (affaire T-104/07)

296    La requérante ayant renoncé, en réponse à une question du Tribunal, à ses griefs dirigés contre l’appréciation de la disponibilité globale des diamants bruts effectuée par la Commission dans la décision complémentaire de rejet, seuls seront examinés ci-après les griefs dirigés contre cette appréciation dans la décision de rejet.

297    Selon la requérante, l’analyse de la disponibilité des diamants bruts effectuée par la Commission dans la décision de rejet comporte plusieurs erreurs. La première porte sur l’analyse de l’impact du SOC sur la concurrence, la deuxième est relative aux quantités de diamants disponibles depuis 2003 ainsi qu’à leur prix et la troisième porte sur les motifs de l’évolution de ces quantités et prix.

298    En premier lieu, la Commission a indiqué, dans le cadre d’un propos liminaire de sa conclusion de la décision de rejet relative aux effets d’exclusion du SOC, que la concurrence ne pourrait être négativement affectée par le SOC que si la disponibilité globale des diamants bruts l’était. Elle a estimé en effet, reprenant en cela la lettre prévue par l’article 7, d’une part, qu’elle doutait que la limitation du nombre de « sightholders » conduisit à une limitation de la concurrence entre eux et que le fait de favoriser des « sightholders » fabricants et d’exclure les négociants impliquerât en soi une limitation de la concurrence et, d’autre part, que l’accent mis sur la livraison directe en aval n’interrompît pas en principe les échanges avec les négociants.

299    Selon la requérante, ces considérations sont entachées d’erreurs manifestes d’appréciation. En effet, la limitation du nombre de « sightholders » et l’exclusion des « sightholders » négociants, et donc la limitation des concurrents, serait supposée rendre le marché plus transparent, mais pas plus concurrentiel. En outre, elle indique avoir déjà fait valoir que constitue une erreur manifeste d’appréciation le fait de considérer que les livraisons directes dans le cadre du SOC n’interrompaient pas en principe les échanges avec les négociants.

300    Il y a lieu de considérer à cet égard que, dans la mesure où la Commission s’est limitée à exprimer des doutes dans le cadre des considérations liminaires en cause et où la requérante n’a apporté aucun élément permettant d’établir une limitation de la concurrence résultant de la réduction du nombre de « sightholders » de 120 à 93 et de la prétendue exclusion des « sightholders » négociants, laquelle a au demeurant été écartée par la Commission sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation (voir points 268 et suivants ci-dessus), les arguments de la requérante doivent être rejetés. S’agissant de l’interruption des échanges avec les négociants, la requérante faisant référence en substance à son argumentation selon laquelle il serait interdit aux « sightholders » d’avoir des activités de négociant, il suffit de renvoyer également aux considérations susvisées rejetant une telle argumentation.

301    En deuxième lieu, la requérante estime, contrairement à la Commission, que depuis 2003, date de la mise en œuvre du SOC, la quantité de diamants sur le marché a considérablement diminué et le prix des diamants a augmenté. La Commission aurait affirmé à tort qu’une analyse des statistiques de la production de De Beers avait montré que l’extraction de diamants bruts avait augmenté de 2003 à 2005 et que, au cours de la même période, les stocks de De Beers avaient diminué. La requérante estime par ailleurs, et il s’agirait d’un « point fondamental », que, même en admettant que le stock de De Beers ait diminué, il aurait été dirigé vers ses propres canaux, c’est-à-dire les « sightholders » de De Beers, de sorte que ces diamants ne seraient pas entrés sur le marché dit « libre ».

302    Il suffit de relever à cet égard que la Commission a indiqué dans la décision de rejet que l’extraction de diamants bruts avait augmenté entre 2003 et 2005, passant de 40 à 50 millions de carats et que la requérante ne fournit aucune donnée concrète permettant de contester ces données chiffrées issues des statistiques de De Beers. Elle se limite en effet à indiquer que la diminution de la quantité de diamants disponibles serait « le genre d’élément que des acteurs sur le marché ‘touchent de la main’ dans leur pratique quotidienne »

303    Par ailleurs, s’agissant de l’allégation relative à l’absence d’entrée des diamants de De Beers sur le marché libre, il suffit de renvoyer aux motifs des points 268 et suivants ci-dessus relatifs aux ventes de diamants bruts de Beers par les « sightholders » aux « non-sightholders ». Quant à l’allégation d’augmentation des prix, il convient de constater que la Commission ne s’est pas prononcée directement dans la décision de rejet, ni d’ailleurs dans la lettre prévue par l’article 7, sur l’augmentation ou la diminution des prix des diamants, de sorte que les arguments qui y sont relatifs sont inopérants.

304    En troisième lieu, la requérante prétend que la Commission a considéré à tort, dans la décision de rejet, que « les pénuries de diamants bruts et les développements en matière de prix allégués pourraient être attribués à des cycles économiques ou à des cycles en matière de produits de luxe ». La requérante conteste cette considération, que la Commission n’aurait pas démontrée, en faisant valoir notamment que les prix élevés des diamants bruts seraient la preuve d’une limitation artificielle des diamants bruts sur le marché résultant du SOC et que la surproduction de diamants polis serait également due au SOC. En raison de la volonté des « sightholders » de satisfaire De Beers, il existerait davantage de diamants polis fabriqués par des « sightholders » et transportés en aval que ne l’exigerait le secteur de la distribution. La requérante ajoute que l’article d’un spécialiste de l’industrie diamantaire datant de 2006, qu’elle a annexé à ses observations relatives à la lettre prévue par l’article 7 et dont la Commission prétendrait qu’il confirmerait ses conclusions en s’y référant dans la lettre prévue par l’article 7 et dans la décision de rejet, contredirait la position de la Commission.

305    Dans la décision de rejet, comme dans la lettre prévue par l’article 7, la Commission a indiqué, comme le relève la requérante, que « les pénuries de diamants bruts et les développements en matière de prix allégués pourraient être attribués à des cycles économiques ou à des cycles en matière de produits de luxe », en se fondant sur l’article du spécialiste de l’industrie diamantaire susvisé selon lequel :

« En réalité, l’industrie du diamant stagne et, en termes de pièces de joaillerie, est en déclin. Moins de pièces signifie moins de clients […] Pour la deuxième année consécutive, […] plus de diamants polis sont fabriqués que ce qui est requis par le secteur du détail. Cela signifie une augmentation continue des stocks de diamants polis en aval […] [L]’excédent d’offre de diamants polis a récemment provoqué une réduction volontaire de la fabrication en Inde […] Dans les premiers mois de 2006, des fabricants étaient disposés à vendre des diamants polis au prix coûtant ou même en dessous de ce prix. Même les boîtes de ‘sight’ de [De Beers] s’échangent au prix coûtant (ce qui équivaut à la perte de 2 % de redevance SVA, 1 % de courtage, et la perte d’intérêts […]) et même en dessous de ce prix. »

306    Il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir effectué des affirmations sans les démontrer. En effet, il y a lieu de relever que la Commission n’a pas affirmé l’existence d’un lien entre les quantités de diamants bruts disponibles et les cycles économiques ou de produits de luxe, mais a seulement évoqué la possibilité que la pénurie de diamants bruts puisse s’expliquer par de tels cycles. Elle a en outre fourni des éléments venant au soutien d’une telle hypothèse, puisqu’il ressort de l’article du spécialiste de l’industrie diamantaire qu’elle cite que la diminution de la demande de bijoux en diamants a conduit à un excédent de l’offre de diamants polis, laquelle a abouti à une saturation du marché de l’offre des diamants bruts caractérisée par une diminution de leur prix.

307    Par ailleurs, la requérante n’a pas fourni au cours de la procédure devant la Commission, pas plus qu’elle ne fournit dans le cadre de la présente instance, d’élément permettant de démontrer l’effet allégué du SOC sur les quantités de diamants bruts disponibles et sur leurs prix. Elle se contente de prétendre que, dans l’article cité par la Commission, l’auteur souligne « les perversions du SOC quant à la liquidité des diamants et aux prix », sans en citer aucun passage précis. Au demeurant, l’article en cause ne contient aucun élément de nature à justifier une telle appréciation. Elle affirme également que la saturation sur le marché des diamants polis serait due à la volonté des « sightholders » de satisfaire à tout prix De Beers, en utilisant les diamants polis dans le cadre des programmes de commercialisation en aval imposés par De Beers. Sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la portée de cette participation des « sightholders » à des programmes de commercialisation en aval, il suffit de constater, ainsi que l’a souligné la Commission dans le mémoire en défense, que les diamants bruts étant l’intrant nécessaire pour fabriquer des diamants polis, un excédent de l’offre de diamants polis ne peut résulter d’une exclusion du marché en amont de la fourniture de diamants bruts et peut plus vraisemblablement être imputable à une diminution de la demande des consommateurs, ainsi que cela est souligné au demeurant dans les extraits repris au point 305 ci-dessus. Au contraire, ainsi que l’a également fait observer la Commission lors de l’audience, la saturation sur le marché des diamants polis aboutit à une augmentation des quantités de diamants bruts revendus par les « sightholders », ceux-ci n’étant plus nécessaires à leur activité de fabrication de diamants polis. Il en résulte que, quand bien même la mise en œuvre du SOC expliquerait la saturation sur le marché des diamants polis, ainsi que le fait valoir la requérante, elle ne pourrait expliquer la pénurie de diamants bruts qu’allègue également la requérante.

308    Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des griefs dirigés contre l’appréciation de la disponibilité globale des diamants bruts dans la décision de rejet doivent être rejetés.

 Sur l’évolution du marché (affaire T-339/08)

309    Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a estimé que le processus d’enrichissement (voir point 38 ci-dessus) en cours dans les principaux pays africains producteurs de diamants (Afrique du Sud, Namibie, Bostwana), d’où proviennent la plus grande partie des diamants de De Beers, était susceptible de réduire les ventes de diamants bruts par les « sightholders » et ainsi conduirait à la diminution de la valeur des diamants distribués par l’intermédiaire du SOC. En effet, dans le cadre de ce processus, les diamants bruts destinés à l’industrie locale en Namibie et au Bostwana, seuls concernés par les griefs de la requérante, sont vendus à des entreprises communes formées entre De Beers et les autorités gouvernementales nationales, lesquelles les revendent à des sociétés sélectionnées sur la base de différents critères de sélection.

310    La requérante fait valoir que la Commission a tiré des conséquences erronées de la diminution progressive de la valeur des diamants distribués par l’intermédiaire du SOC d’environ 1 milliard de USD. Elle aurait interprété à tort cette diminution comme un « signe positif », alors qu’il en résulterait une arrivée encore plus limitée de diamants sur le marché libre. Elle fait valoir en substance, au soutien de cette allégation, d’une part, que De Beers pourrait exercer un contrôle de fait sur les entreprises communes en cause et, d’autre part, que la Commission a sous-estimé l’importance des critères du SOC dans les systèmes de sélection en Namibie et au Bostwana.

311    Quant au prétendu contrôle de fait exercé par De Beers sur les entreprises communes en cause, il suffit de constater que la requérante reconnaît elle-même que les instances dirigeantes de ces entreprises sont composées d’un nombre égal de représentants de De Beers et de représentants des gouvernements nationaux et qu’elle ne fournit aucun élément permettant d’établir que De Beers pourrait, malgré cette parité, exercer le contrôle de fait allégué.

312    Quant à l’application des critères du SOC dans le cadre des processus de sélection en Namibie et au Bostwana, il peut être relevé que la requérante ne conteste pas que les critères du SOC ne soient pas les seuls à être appliqués. Elle estime toutefois que, en raison de l’inclusion de ces critères dans le processus de sélection en vigueur dans ces deux pays, seuls les « sightholders » ou les sociétés liées à des « sightholders » pourraient être sélectionnés, ce qui aboutirait à un détournement du processus d’enrichissement et à une réapparition du SOC dans lesdits pays.

313    Tout d’abord, il convient de rappeler que la Commission a indiqué dans la décision complémentaire de rejet, sans que la requérante le conteste, que, parmi les onze entreprises sélectionnées en Namibie pour la période 2007-2011, trois ne présentaient aucun lien avec De Beers ou un « sightholder » de De Beers, ce qui démontre que l’application des critères du SOC dans le cadre du processus d’enrichissement n’implique pas nécessairement la sélection de « sightholders ». La requérante affirme certes, dans la requête, que toutes les entreprises sélectionnées au Bostwana ont des liens avec des « sightholders », ce que la Commission ne conteste pas. Cependant, les entreprises sélectionnées à la suite de cette procédure ne seront pas nécessairement sélectionnées lors de procédures ultérieures. En effet, les entreprises sont sélectionnées sur la base de la comparaison de leurs notes individuelles calculées en additionnant les points obtenus pour chacun des critères de sélection, de sorte que les procédures de sélection ultérieures pourraient aboutir à ce que certaines entreprises non liées à des « sightholders » soient sélectionnées, et ce d’autant plus que les critères de sélection spécifiques au processus d’enrichissement (exigeant une importante implantation locale en termes d’emplois, d’utilisation des matières premières locales ou de promotion de l’industrie locale), distincts des critères du SOC, comptent pour 60 % dans la sélection au Bostwana contre 50 % en Namibie. L’argument de la requérante fondé sur la sélection au Bostwana ne permet dès lors pas de remettre en cause la considération de la Commission dans la décision complémentaire de rejet selon laquelle le processus d’enrichissement était susceptible de réduire les ventes des « sightholders » (voir point 309 ci-dessus).

314    Ensuite, quand bien même tout ou partie des entreprises sélectionnées seraient affiliées à des « sightholders », cette affiliation ne permet pas davantage de remettre en cause la considération de la Commission selon laquelle le processus d’enrichissement aboutirait à une diminution de la part prise par le SOC dans la distribution des diamants bruts de De Beers. En effet, l’utilisation des critères de sélection appliqués dans le cadre du processus d’enrichissement, quand bien même certains de ces critères seraient des critères du SOC, conduit à ce que des entreprises communes locales, et non De Beers, vendent des diamants à des entreprises sélectionnées sans que leur soient imposées les différentes règles du SOC, de sorte que les diamants en cause peuvent être considérés comme n’entrant pas dans le système de distribution du SOC.

315    Il en résulte que l’ensemble des arguments relatifs à l’appréciation par la Commission du processus d’enrichissement doivent être rejetés et, partant, la première branche du quatrième moyen dans son intégralité.

 Appréciation du rôle du médiateur (affaire T-104/07)

316    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation de l’efficacité du mandat révisé du médiateur, en soulignant que la version révisée du mandat du médiateur de 2007 ne contenait aucune modification substantielle, contrairement à ce qu’affirme la Commission, qui, au demeurant, se serait contredite dans la décision de rejet.

317    La Commission prétend que certains des griefs avancés par la requérante contre l’appréciation de l’efficacité du médiateur effectuée dans la décision de rejet sont tardifs, en ce qu’ils remettraient en cause des éléments du SOC ayant d’ores et déjà été approuvés dans sa lettre de classement de 2003, et qu’ils devraient, partant, être rejetés comme irrecevables.

318    Il convient de rappeler à cet égard la jurisprudence selon laquelle l’envoi d’une lettre administrative de classement réservant la possibilité d’une réouverture de la procédure ne saurait avoir pour conséquence que la Commission ne serait plus autorisée à prendre en compte un élément nouveau ou un élément existant avant la délivrance de la lettre administrative, mais qui n’avait été porté à la connaissance de la Commission que plus tard, notamment dans le cadre d’une plainte déposée ultérieurement (voir, en ce sens, de la Cour du 1er octobre 1998, Langnese-Iglo/Commission, C‑279/95 P, Rec. p. I‑5609, point 30, et arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Langnese-Iglo/Commission, T‑7/93, Rec. p. II‑1533, points 37 à 41). En l’espèce, la requérante fait certes état incidemment, aux fins d’expliquer le contexte de son argumentation, de certains aspects du SOC appréciés dans le cadre de la procédure close par la lettre de classement, tels que les informations demandées par les profils de « sightholders » ou les critères de sélection du SOC (voir points 326 et 333 ci-après). Toutefois, l’ensemble des griefs de la requérante dirigés contre l’appréciation par la Commission du rôle du médiateur portent soit sur la mise en œuvre du SOC, par définition postérieure à la lettre de classement de 2003 (voir point 9 ci-dessus) qui s’est prononcée sur le SOC avant sa mise en œuvre, soit sur la révision du mandat du médiateur intervenue en 2007.

319    Il en résulte, d’une part, que ces aspects pouvaient être examinés par la Commission dans le cadre de son traitement de la plainte de la requérante, ce qu’elle a d’ailleurs fait dans la décision de rejet sans se retrancher derrière la lettre de classement, et, d’autre part, que la requérante est recevable à contester cet examen.

 Sur l’indépendance du médiateur

320    La requérante conteste les appréciations de la Commission relatives à l’indépendance du médiateur et de son équipe, en raison de leur financement par De Beers et du fait que les règles relatives à l’entrée en fonction et à la cessation des fonctions du médiateur ne s’appliquent pas aux membres de son équipe. Elle considère par ailleurs que les règles sur les conflits d’intérêts sont insuffisamment détaillées, en soulignant ne pas avoir perçu les éléments qui ont été ajoutés dans la version du mandat du médiateur révisé par rapport à la version précédente.

321    Il doit être souligné tout d’abord, comme le rappelle la Commission, que, lorsque cette dernière impose l’institution d’un tiers indépendant chargé de contrôler le respect des règles imposées à une entreprise, elle impose les frais occasionnés à cette entreprise, tout en exigeant que cette rémunération ne porte atteinte ni à la bonne exécution de sa fonction, ni à son indépendance, comme c’est le cas également en l’espèce (voir points 322 à 324 ci-après). Une telle rémunération assortie de ces conditions n’a jamais été considérée comme portant atteinte en elle-même à l’indépendance du tiers concerné (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Éditions Jacob/Commission, T‑452/04, Rec. p. II‑4713, points 83 et suivants).

322    S’agissant ensuite de l’indépendance des membres de l’équipe du médiateur, il suffit de relever, d’une part, qu’ils sont choisis librement par le médiateur, dont le mandat ne peut débuter et prendre fin qu’avec l’approbation de la Commission (paragraphes 2 à 7 du mandat du médiateur), et, d’autre part, que le médiateur est dans l’obligation de garantir leur indépendance depuis le début de son mandat jusqu’à trois ans après sa fin (paragraphe 10 du mandat du médiateur).

323    S’agissant des règles visant à éviter les conflits d’intérêts figurant dans les paragraphes 8 à 10 du mandat du médiateur, la requérante ne saurait affirmer que ces règles n’ont pas été substantiellement modifiées. Elles ne l’ont certes pas été substantiellement entre le 4 juillet 2006, date de l’envoi de la précédente version du mandat du médiateur, et le 11 janvier 2007, date de la version jointe en annexe à la décision de rejet. Cette dernière version du mandat du médiateur se limitait en effet à modifier la numérotation des paragraphes concernés, à supprimer la possibilité pour le médiateur d’accomplir certains actes sources de conflits d’intérêts avec l’accord préalable de la Commission et de De Beers ainsi qu’à préciser les personnes à l’égard desquelles le médiateur et les entités assimilées sont tenus à une obligation de confidentialité. En revanche, les règles relatives aux conflits d’intérêts avaient été substantiellement modifiées par la version du mandat du médiateur envoyée le 4 juillet 2006. En effet, alors que la version du mandat du médiateur précédente, qui a été communiquée par les intervenantes à la demande du Tribunal, se limitait à énoncer en son paragraphe 5 le principe de l’interdiction des conflits d’intérêts, la version envoyée le 4 juillet 2006 consacrait trois paragraphes à la description des différentes obligations imposées au médiateur en vue d’éviter les conflits d’intérêts.

324    En outre, il ne saurait être reproché aux dispositions en cause d’être insuffisamment détaillées, dès lors qu’elles rendent publiques les relations du médiateur avec chacune des parties en cause (annexe 2 du mandat du médiateur), qu’elles prévoient les actes interdits au médiateur ainsi que la durée de leur interdiction (jusqu’à trois ans après la fin du mandat), les obligations à sa charge pour garantir son indépendance ainsi que celle des entités travaillant pour lui, de même que les sanctions en cas de non-respect de ces obligations.

325    L’ensemble des arguments contestant l’appréciation de la Commission relative à l’indépendance du médiateur doivent par conséquent être rejetés.

 Sur les compétences du médiateur

326    En premier lieu, la requérante prétend que le « nouveau mécanisme » de contrôle par le médiateur de la collecte d’informations par De Beers mentionné dans la décision de rejet n’est pas de nature à garantir que De Beers ne recevra pas d’information qu’elle n’est pas autorisée à obtenir en vertu du SOC. En effet, le médiateur ne serait pas présent lorsque les « sightholders » sont amenés à transmettre à De Beers des informations confidentielles extrêmement sensibles, c’est-à-dire notamment dans le cadre des contacts constants entre De Beers et ses « sightholders » par l’intermédiaire des « De Beers Key account managers » (responsables grands comptes de De Beers), qui surveillent constamment le strict respect des règles du SOC par les « sightholders », ou encore lors des nombreuses présentations devant être effectuées par les « sightholders » aux cadres de De Beers à Londres. La requérante fait état par ailleurs des nombreuses informations relatives aux « sightholders » rassemblées par les filiales et les courtiers de De Beers échappant également au contrôle du médiateur ainsi que des informations additionnelles fournies par les « sightholders » eux-mêmes, qui, par crainte de ne pas être sélectionnés, communiqueraient des informations détaillées en plus de celles qui leur sont demandées dans le profil de « sightholder » comportant déjà des questions très « intrusives ». La requérante ajoute à cet égard que, contrairement à ce que la Commission a considéré dans la décision de rejet, la modification de la rédaction du paragraphe 18 (devenu paragraphe 19) du mandat du médiateur ne répond pas aux préoccupations qu’elle a exprimées, car elle n’exclut pas que De Beers puisse obtenir des informations confidentielles.

327    Dans la décision de rejet, la Commission a évoqué brièvement l’ensemble des mécanismes prévus par le mandat du médiateur destinés à éviter la transmission à De Beers d’informations relatives aux « sightholders » autres que celles requises par le SOC.]

328    Sans même qu’il y ait lieu de se fonder sur les éléments postérieurs à la décision de rejet allégués par la Commission et les intervenantes, il peut être considéré que les arguments avancés par la requérante ne permettent pas de démontrer l’inefficacité de ces mécanismes.

329    En effet, la requérante conteste en substance le mécanisme de filtrage par le médiateur en faisant valoir que De Beers aurait la possibilité d’obtenir et se verrait d’ailleurs remettre toute une série d’informations relatives aux « sightholders » en dehors de la présence du médiateur et sans que le mécanisme de filtrage soit mis en œuvre à leur égard. Or, il ressort des paragraphes 14 et 15 du mandat du médiateur régissant le mécanisme de filtrage que ledit mécanisme prend précisément en compte ce type d’informations et garantit qu’elles ne soient pas transmises indirectement à De Beers. Sont effectivement soumises au filtrage du médiateur, en vertu du paragraphe 14, sous i) à iii), du mandat du médiateur, toutes les informations confidentielles transmises à De Beers, sans autres précisions, c’est-à-dire dans quelque contexte que ce soit, les informations confidentielles obtenues par des tiers travaillant pour le compte de De Beers ou fournissant des services à De Beers, ainsi que tous les formulaires complétés par le personnel de De Beers lors de leurs visites des établissements des « sightholders » aux fins d’apprécier le critère de la capacité technique de fabrication. En outre, le paragraphe 15 du mandat du médiateur prévoit, s’agissant des formulaires susvisés, que les membres du personnel de De Beers qui sont amenés à les compléter ne peuvent en révéler le contenu à d’autres membres du personnel de Beers avant le filtrage effectué par le médiateur. Il prévoit également, pour l’ensemble des informations mentionnées dans le paragraphe 14 du mandat du médiateur, que, dans l’hypothèse où ces informations seraient transmises à des membres du personnel de De Beers avant de passer par le médiateur, De Beers doit s’assurer que ceux-ci ne participent à aucune des instances devant prendre une décision en lien avec l’une ou l’autre de ces informations confidentielles. Ce dernier « garde-fou », appelé « mécanisme de la muraille de Chine » et évoqué d’ailleurs par la Commission dans la décision de rejet, est totalement passé sous silence par la requérante.

330    Par ailleurs, le mandat du médiateur prévoit également la sanction a posteriori de la prise en compte d’informations confidentielles non autorisées, puisque son paragraphe 19, en interdisant à De Beers de prendre une décision fondée sur des informations non autorisées, permet au médiateur de contrôler le respect de cette interdiction et, le cas échéant, de sanctionner son non-respect. En effet, une fois saisi, le médiateur contrôle l’ensemble des actes accomplis au cours de la procédure de sélection, en vérifiant si De Beers n’a pas adopté une « procédure inappropriée » (improper procedure), c’est-à-dire, selon la définition figurant au paragraphe 1 du mandat du médiateur, si, lors de cette procédure, elle a pris en compte un aspect qui ne pouvait l’être en vertu des règles du SOC ou, au contraire, elle n’a pas pris en compte un aspect qui devait l’être, si elle a respecté les différentes étapes de la procédure de sélection et, enfin, si elle n’a pas agi de manière manifestement déraisonnable.

331    En outre, contrairement à ce que la requérante allègue, la révision en 2007 du paragraphe 19 du mandat du médiateur répond à la critique que celle-ci avait exprimée dans ses observations relatives à la lettre prévue par l’article 7. En effet, la requérante reprochait à la version initiale de la disposition en cause de créer un doute quant à la possibilité pour De Beers d’avoir accès à des données allant au-delà de celles requises et proposait une formulation plus restrictive indiquant qu’aucune de ces données ne serait communiquée à De Beers. Cette version initiale était ainsi rédigée : « Pour éviter tout doute, [De Beers] confirme qu’elle n’a pas besoin de se fonder et ne se fondera pas sur les informations qui vont au-delà de ce qu’elle requiert ou de ce qu’elle peut demander en vertu des [règles du SOC]. » Dans la version amendée, le membre de phrase « confirme qu’elle n’a pas besoin de se fonder et » a été supprimé, de sorte que l’absence de prise en compte de données additionnelles se transforme en obligation. Par ailleurs, comme le souligne la Commission dans la décision de rejet, il ne peut être exclu que des informations additionnelles soient délibérément ou par inadvertance transmises à De Beers, circonstance admise par la requérante, que la nouvelle version du mandat du médiateur prend en compte en interdisant que de telles informations soient utilisées par De Beers. Il en résulte que la nouvelle formulation permet d’atteindre l’objectif poursuivi par la requérante de limiter les données utilisées dans le cadre du processus de sélection tout en prenant en compte le contexte réel d’un tel processus.

332    Cette première série d’arguments relatifs à l’appréciation des compétences du médiateur doit donc être rejetée.

333    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le contrôle par le médiateur de la procédure de sélection des « sightholders » serait également inefficace. Elle reproche, en particulier, à la Commission d’avoir considéré, dans la décision de rejet, que la publication des critères de sélection des « sightholders » et la communication aux candidats de la pondération attribuée à ces critères permettaient de garantir l’objectivité de la procédure de sélection, en faisant valoir que les critères de sélection utilisés pour obtenir le statut de « sightholder » sont si subjectifs qu’il serait impossible à un candidat ou à un tiers d’en vérifier l’application uniforme. La requérante ajoute que le médiateur ne divulguerait pas aux candidats « sightholders » leurs résultats individuels, ni la manière dont ces résultats ont été obtenus] Elle prétend enfin qu’il est peu probable que les « sightholders » portent plainte contre De Beers à la suite du rejet de leur candidature au statut de « sightholder ».

334    Il y a lieu de considérer que, même si certains critères peuvent être qualifiés de « subjectifs », en raison de la marge d’appréciation dont disposerait De Beers pour les évaluer, la Commission a pu considérer sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le caractère objectif de la procédure de sélection était garanti grâce notamment aux différentes informations transmises aux candidats.

335    En effet, la procédure de sélection est fondée sur une comparaison des réponses données par l’ensemble des candidats au statut de « sightholder ». Or, il a été jugé, en matière de fonction publique, que l’examen comparatif des mérites était l’expression du principe d’égalité (voir arrêt du Tribunal du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, RecFP p. I‑A‑49 et II‑185, point 176, et la jurisprudence citée), dès lors qu’il permettait de procéder à une appréciation des mérites de chaque candidat sur la base d’une même grille de notation en les situant les uns par rapport aux autres. En l’espèce, les critères de sélection et même la pondération qui leur est attribuée constituent précisément la « grille de notation » unique permettant de conférer une base objective à la procédure de sélection.

336    En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la publication et la communication aux candidats « sightholders » des critères de sélection comme de la pondération affectée à ces critères contribuent à garantir la mise en œuvre objective de la procédure de sélection, dans la mesure où elles sont associées à la transmission d’autres informations aux candidats concernés et au médiateur chargé de contrôler la procédure de sélection.

337    Ainsi, d’une part, De Beers est dans l’obligation, selon le paragraphe 12 du mandat du médiateur, de motiver de manière suffisamment détaillée sa décision à l’égard du candidat « sightholder », en lui indiquant notamment le nombre de points attribués pour chacun des critères de sélection, de sorte que le « sightholder » non retenu pourra confronter cette réponse motivée aux informations dont il dispose pour, le cas échéant, la contester en déposant une plainte devant le médiateur et pour lui permettre d’expliciter les motifs de ladite plainte.

338    D’autre part, comme le souligne d’ailleurs la Commission dans la décision de rejet, la procédure de sélection peut être soumise au contrôle du médiateur, lequel est chargé de vérifier l’application correcte des critères de sélection et peut avoir accès à toutes les données justifiant l’absence de sélection d’un candidat, y compris celles qui n’auraient pas été communiquées à ce dernier en raison notamment de leur confidentialité, ce qui lui permettra également de les comparer aux critères de sélection et à leur pondération ainsi qu’aux notes attribuées aux autres candidats, auxquelles il peut avoir accès (voir paragraphe 30 du mandat du médiateur), aux fins de déterminer les motifs de l’attribution de telle note à tel « sightholder » et ainsi de vérifier l’absence d’attribution arbitraire de ladite note. Il y a lieu d’ajouter que la requérante ne saurait prétendre que les « sightholders » non retenus ne porteront probablement pas plainte devant le médiateur aux fins de soumettre la procédure de sélection à son contrôle, alors qu’elle évoque elle-même le cas d’un « sightholder » qui aurait déposé trois plaintes devant le médiateur (voir point 340 ci-après).

339    Cette deuxième série d’arguments relatifs à l’appréciation des compétences du médiateur doit dès lors également être rejetée.

 Sur les décisions du médiateur

340    En premier lieu, la requérante fait valoir que la possibilité pour le médiateur d’adresser à De Beers une recommandation contraignante, s’il constate que la procédure de sélection n’a pas été objective, est inefficace, car une recommandation ne peut être contraignante. Quand bien même elle le serait, ce caractère contraignant ne serait que théorique eu égard au poids économique et financier de De Beers qui pourrait l’ignorer ou introduire un recours contre la recommandation. La requérante se fonde à cet égard sur le cas d’un « sightholder » qui aurait obtenu gain de cause devant le médiateur, dont les recommandations n’auraient toutefois pas été respectées par De Beers.

341    Dans la décision de rejet, la Commission a indiqué, en réponse à une critique de la requérante relative à l’efficacité du médiateur, que celui-ci pouvait adopter des « recommandations contraignantes ». Une recommandation, comme le fait observer à juste titre la requérante, n’est certes pas contraignante en principe. Toutefois, il ressort en l’espèce du paragraphe 36 du mandat du médiateur que les recommandations adoptées par le médiateur à la suite du non-respect des procédures par De Beers et lui demandant de reconsidérer sa décision sont contraignantes (« binding ») pour De Beers. En outre, les paragraphes 40 à 42 du mandat du médiateur précisent les modalités particulièrement strictes d’application des recommandations du médiateur par De Beers, en prévoyant pour chaque type de recommandation des délais de mise en œuvre y compris lorsque la recommandation a fait l’objet d’un recours.

342    Par ailleurs, les arguments avancés par la requérante pour soutenir que les recommandations du médiateur ne sont en pratique pas respectées par De Beers soit ne sont pas étayés, soit sont postérieurs à la décision de rejet. Or, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d’un acte doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir point 291 ci-dessus). En tout état de cause, s’agissant du cas allégué du « sightholder » ayant saisi le médiateur, qui a adopté une recommandation en sa faveur, il y a lieu de relever qu’il ressort du dossier que cette recommandation a fait l’objet du contrôle juridictionnel prévu par le mandat du médiateur et que les juridictions compétentes ont considéré, contrairement au médiateur, que De Beers avait agi dans le respect des règles du SOC. Il ne saurait dès lors en être déduit que De Beers n’a pas respecté le caractère contraignant de la recommandation en cause.

343    En second lieu, la requérante considère que les actions pouvant être engagées pour contester les décisions du médiateur, à savoir le recours à l’arbitrage ou l’introduction d’un recours juridictionnel, constituent des procédures supplémentaires longues et coûteuses, dans un secteur dans lequel une réaction rapide est fondamentale.]

344    Les mécanismes de résolution des litiges portant sur les actions du médiateur sont régis par les paragraphes 49 à 57 du mandat du médiateur. Ces dispositions prévoient le recours soit à l’arbitrage selon les règles de la London Court of International Arbitration (paragraphe 50 du mandat du médiateur), soit au juge, les juridictions compétentes étant celles du Royaume-Uni (paragraphe 51 du mandat du médiateur).

345    Il convient de relever que ces mécanismes sont également à la disposition du candidat « sightholder » pour contester le rejet de sa plainte devant le médiateur ou une recommandation du médiateur en sa défaveur et présentent l’avantage pour le candidat de pouvoir imposer à De Beers le mode de résolution du litige, arbitre ou juge, qu’il aura choisi (paragraphes 52 et 53 du mandat du médiateur). Par ailleurs, comme le souligne la Commission, il est d’usage de recourir à l’arbitrage dans les domaines où les enjeux économiques sont importants et où le temps joue un rôle capital. Enfin, le médiateur étant tenu de communiquer ses recommandations à la Commission (paragraphes 68 et 69 du mandat du médiateur), cette dernière pourra immédiatement prendre des mesures pour éviter le recours aux mécanismes de résolution des litiges.

346    Il résulte ainsi de tout ce qui précède que l’ensemble des griefs dirigés contre les appréciations de la Commission relatives au médiateur doivent être rejetés et, partant, la présente branche du quatrième moyen en son entier.

 Appréciation des autres illégalités alléguées du SOC (affaire T-104/07)

347    La requérante a contesté dans sa plainte plusieurs autres pratiques de De Beers dans le cadre du SOC, dont notamment l’imposition aux « sightholders » de la redevance SVA – dont le montant s’élève à 2 % des achats du « sightholder » auprès de De Beers et qui vise à rémunérer des services additionnels fournis par De Beers –, l’organisation d’une campagne de discrédit des « non-sightholders » et des diamants ne provenant pas de De Beers, la conclusion d’une « alliance » entre De Beers et Alrosa, l’obligation imposée par De Beers aux « sightholders » de vendre leurs diamants polis dans le cadre de programmes de commercialisation, ou encore l’expansion du projet intitulé « Forevermark ».

348    La requérante reproche ainsi à la Commission de ne pas avoir examiné certaines de ces pratiques, qui certes ne constituent pas toutes des pratiques anticoncurrentielles per se, comme faisant partie d’une stratégie de De Beers visant à être le seul acteur important sur le marché.

349    Il suffit de constater à cet égard, à l’instar de ce qui l’avait déjà été dans le cadre de l’examen du troisième moyen, que l’examen structuré d’une plainte, en distinguant les différentes pratiques restrictives selon leur nature, ne signifie pas que la Commission ne tienne pas compte, ainsi qu’elle en a l’obligation, des interactions entre ces pratiques et d’un éventuel effet restrictif cumulatif (voir point 193 ci-dessus). Ne saurait ainsi être déduite l’absence de prise en compte de l’insertion des différentes pratiques alléguées dans une stratégie globale de De Beers de leur examen séparé. Il en est d’autant plus ainsi que la Commission a en l’espèce établi des liens entre l’analyse de certaines pratiques alléguées et celle d’autres pratiques examinées antérieurement. Elle a notamment renvoyé, s’agissant des allégations relatives aux programmes de commercialisation en aval, à ses considérations relatives aux effets d’exclusion et au rôle du médiateur.

350    Ce premier argument de la requérante doit par conséquent être rejeté.

351    Les autres arguments de la requérante contestant l’appréciation par la Commission des autres pratiques de De Beers portent spécifiquement sur la redevance SVA.

352    En premier lieu, la requérante fait ainsi valoir la nature intrinsèquement anticoncurrentielle des redevances SVA, celles-ci équivalant à une vente conjointe, faussant la concurrence entre fabricants et négociants en diamants et aboutissant à des augmentations de prix pour les consommateurs.

353    Dans la décision de rejet, la Commission a considéré que la redevance SVA ne pourrait présenter un intérêt communautaire suffisant que si elle produisait des effets d’exclusion d’un degré suffisant ou si elle affectait sensiblement la concurrence entre opérateurs en aval. Elle a estimé que ces effets n’avaient pas été établis en l’espèce, dès lors que la requérante n’avait pas expliqué comment la redevance SVA créerait une distorsion de concurrence entre fabricants et négociants et n’avait pas démontré que la redevance SVA ne constituait pas la contrepartie appropriée des services fournis en échange. La Commission a ajouté que, quand bien même elle devait considérer la redevance SVA comme étant inéquitable (« unfair »), cet aspect du SOC n’aurait pas suffisamment d’importance pour justifier une enquête complexe.

354    Il en résulte que la considération selon laquelle les allégations de la requérante relatives à la redevance SVA ne présentaient pas un intérêt communautaire suffisant repose sur deux motifs, à savoir, d’une part, la faible probabilité d’établir une restriction de concurrence et ainsi l’existence d’une infraction et, d’autre part, à titre surabondant, la faible importance de l’infraction alléguée sur le fonctionnement du marché commun. Or, la requérante s’étant limitée, dans la requête, à réitérer ses arguments avancés lors de la procédure administrative et ainsi à contester le premier motif fondant le constat d’absence d’intérêt communautaire suffisant, sans faire valoir aucun argument de nature à remettre en cause le second motif, il y a lieu de rejeter les présents arguments visant à établir la nature intrinsèquement anticoncurrentielle des redevances SVA comme étant inopérants.

355    En second lieu, la requérante allègue que, même si l’imposition des redevances SVA n’est pas intrinsèquement anticoncurrentielle, celles-ci peuvent être définies comme telles, parce que les fonds qui en résultent sont utilisés à des fins anticoncurrentielles, c’est-à-dire pour diriger les clients sur le marché en aval vers les « sightholders ».

356    La Commission a répondu à cette allégation dans la décision de rejet en exposant que la preuve fournie ne révélait pas l’existence de problèmes sensibles d’éviction de « non-sightholders » et que toute enquête plus approfondie sur cette affaire serait donc sans proportion avec la nature des préoccupations de la requérante, réitérant ainsi sa position retenue dans la lettre prévue par l’article 7 en l’absence d’élément supplémentaire fourni par la requérante dans ses observations relatives à cette lettre.

357    Il suffit de constater à cet égard que la requérante s’était limitée à alléguer l’utilisation des fonds provenant de la redevance SVA à des fins anticoncurrentielles en produisant en annexe à sa plainte la lettre d’un fabricant espagnol indiquant que l’un de ses principaux clients avait été « approché » et qu’une liste de « sightholders » de De Beers ainsi qu’une aide publicitaire lui auraient été proposées. Cette seule lettre, rapportant les dires d’un tiers non identifié et n’indiquant même pas que De Beers, ou des entités lui étant liées, aurait été l’auteur de l’« approche » en cause, ne saurait être considérée comme suffisant à justifier des investigations supplémentaires. La Commission n’a dès lors pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’elle n’était pas tenue d’engager une enquête plus approfondie sur la base de cette lettre.

358    Il convient par conséquent de rejeter cette troisième branche et, partant, le quatrième moyen en son entier.

5.     Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation (affaires T‑104/07 et T-339/08)

359    Dans l’affaire T-104/07 comme dans l’affaire T-339/08, la requérante invoque une violation par la Commission de son obligation de motivation.

360    La requérante allègue ainsi plusieurs défauts ou insuffisances de motivation de la décision de rejet. La Commission n’aurait pas répondu à certains arguments soulevés par la requérante dans ses observations sur la lettre prévue par l’article 7, portant sur les quotas imposés à Alrosa et sur l’efficacité du mécanisme du médiateur, compte tenu notamment du recours par De Beers à une société d’enquête privée pour contrôler les profils des « sightholders » ainsi que du nouveau document d’information envoyé aux « sightholders » (« Sightholder Contract Information »). La Commission n’aurait pas davantage pris en considération la proposition par la requérante, à plusieurs reprises au cours de la procédure administrative, de systèmes susceptibles de remplacer le SOC, tels que la mise en place d’un système d’appel d’offres ouvert. Par ailleurs, la Commission aurait fourni des explications insuffisantes relatives à certaines données factuelles importantes mentionnées dans la décision de rejet relatives à l’offre de diamants d’Alrosa, dont notamment celle portant sur la quantité et la qualité des diamants vendus en dehors des canaux de De Beers depuis 2003. La requérante ajoute que la Commission ne peut remédier au défaut de motivation de la décision de rejet par la présentation d’éléments résultant de l’enquête complémentaire ouverte après l’adoption de la décision de rejet à la suite de l’introduction du recours contre la décision sur les engagements de De Beers.

361    La requérante fait par ailleurs valoir, en rappelant la jurisprudence relative à l’obligation de motivation, que la décision complémentaire de rejet est également insuffisamment motivée. Elle indique en particulier que la Commission n’a pas répondu à certaines de ses allégations présentées dans ses observations relatives à la lettre complémentaire prévue par l’article 7 (paragraphes 64 à 70 de ces observations). [requête T-339/08, point 243]

362    Selon la jurisprudence, la Commission est astreinte à une obligation de motivation lorsqu’elle refuse de poursuivre l’examen d’une plainte, cette motivation devant être suffisamment précise et détaillée pour mettre le Tribunal en mesure d’exercer un contrôle effectif sur l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire de définir des priorités (arrêt du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, point 155 supra, points 89 à 91, et arrêt Sodima/Commission, point 190 supra, points 41 et 42).

363    L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que ses destinataires peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si un acte est suffisamment motivé doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

364    S’agissant plus particulièrement d’une décision de la Commission rejetant une plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773/2004, il y a lieu de rappeler qu’elle intervient toujours à la suite d’une lettre informant le plaignant qu’il n’existe pas de motifs suffisants pour donner suite à sa plainte en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004. Par ailleurs, lorsqu’une plainte est rejetée en raison d’un défaut d’intérêt communautaire suffisant, la Commission ne se prononce pas sur l’existence d’une infraction à l’article 81 CE ou à l’article 82 CE (voir point 155 ci-dessus). Il s’ensuit que la motivation d’une décision de rejet de plainte doit être examinée en prenant en considération également les motifs contenus dans la lettre prévue par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004 et qu’il suffit que la Commission expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision sans être tenue de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent à l’appui de leur plainte visant à dénoncer une infraction à l’article 81 CE ou à l’article 82 CE (voir arrêt du Tribunal du 24 janvier 1995, BEMIM/Commission, T‑114/92, Rec. p. II‑147, point 41, et la jurisprudence citée ; voir également le paragraphe 75 de la communication relative au traitement des plaintes).

365    En l’espèce, il convient de rappeler que, dans la décision de rejet et dans la lettre prévue par l’article 7, la Commission a, pour déterminer les volumes de diamants bruts produits par Alrosa devenus disponibles grâce à la décision sur les engagements de De Beers, pris en compte, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, les diamants vendus par Alrosa sur le marché intérieur russe et ensuite exportés hors de Russie (voir points 237 et 238 ci-dessus). Ces exportations n’étant pas limitées par les quotas à l’exportation imposés à Alrosa, la Commission n’était pas tenue de répondre explicitement à l’allégation de la requérante relative à ces quotas. De même, la Commission ayant considéré, également sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que le mandat du médiateur prévoyait deux mécanismes permettant d’éviter que des informations confidentielles relatives aux « sightholders » ne soient indûment utilisées par De Beers (voir point 329 ci-dessus), elle n’était pas tenue de se prononcer sur l’ensemble des sources de ces informations confidentielles, et notamment sur le nouveau document d’information envoyé aux « sightholders », ainsi que sur les sociétés d’enquête privées qu’elle mentionne d’ailleurs dans la décision de rejet et dans la lettre prévue par l’article 7. En outre, la Commission ayant estimé que le SOC, tel que dénoncé par la requérante, ne nécessitait pas qu’elle poursuive ses investigations à son égard, il ne saurait lui être reproché de ne pas s’être prononcée sur les systèmes susceptibles de remplacer le SOC proposés par la requérante. Enfin, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir explicité sa mention des diamants d’Alrosa vendus en dehors des canaux de De Beers depuis 2003, dès lors que de telles précisions figuraient dans la lettre prévue par l’article 7.

366    La décision de rejet doit par conséquent être considérée comme étant suffisamment motivée et le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation dans l’affaire T-104/07 doit être rejeté. Dans ces conditions, doit également être rejeté le grief tiré de l’illégalité de la motivation a posteriori de la décision de rejet.

367    S’agissant de la décision complémentaire de rejet, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’irrecevabilité invoquée par la Commission au motif que le grief tiré de l’insuffisance de motivation n’aurait pas été exposé même de façon sommaire, il suffit de rappeler que la Commission a dans cette décision, comme déjà dans la lettre complémentaire prévue par l’article 7, expliqué les raisons pour lesquelles elle n’estimait pas nécessaire de modifier sa conclusion relative à l’absence d’intérêt communautaire suffisant de la plainte de la requérante. Elle a ainsi examiné l’ensemble des sources d’approvisionnement en diamants bruts disponibles en dehors du SOC à la lumière de l’enquête de marché complémentaire, qu’il s’agisse des volumes libérés par Alrosa, de l’offre des « sightholders », ainsi que de celle de Diamdel et des autres producteurs, pour conclure que plus de la moitié des diamants bruts vendus à l’échelle mondiale échappaient au contrôle de De Beers (voir point 37 ci-dessus).

368    S’agissant de la prétendue absence de réponse de la Commission à certains arguments de la requérante exposés dans ses observations relatives à la lettre complémentaire prévue par l’article 7, il suffit de constater que la Commission a répondu à ces arguments qu’elle avait expressément visés dans la décision complémentaire de rejet, en indiquant qu’ils ne relevaient pas de la question des effets d’exclusion du SOC, seule analysée dans le cadre de la procédure complémentaire. Si la requérante conteste cette réponse, il convient de constater qu’une telle contestation relève de l’examen du bien-fondé de l’appréciation de la Commission et que la requérante ne fournit aucun élément permettant de l’étayer, de sorte qu’elle devrait en tout état de cause être rejetée.

369    Dans ces conditions, la décision complémentaire de rejet doit également être considérée comme étant suffisamment motivée.

370    Le présent moyen, relatif à la violation de l’obligation de motivation, doit dès lors être rejeté dans son intégralité.

371    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les présents recours doivent être rejetés dans leur intégralité, sans qu’il y ait lieu de verser au dossier les documents communiqués au Tribunal par la Commission lors de l’audience.

 Sur les dépens

372    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

373    En application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, De Beers supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      La Belgische Vereniging van handelaars in- en uitvoerders geslepen diamant (BVGD) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      De Beers et De Beers UK Ltd supporteront leurs propres dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2013.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

1.  Affaire COMP/E-3/38.139 et lettre administrative de classement du 16 janvier 2003

2.  Plainte de la requérante

3.  Décision de rejet

4.  Arrêt Alrosa du Tribunal et procédure complémentaire

5.  Décision complémentaire de rejet

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur le moyen tiré de l’illégalité de la procédure complémentaire (affaire T‑339/08)

Sur l’absence de base juridique et sur l’existence d’un détournement de procédure

Sur la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration

2.  Sur le moyen tiré de la violation des droits procéduraux de la requérante (affaires T-104/07 et T-339/08)

Sur la violation du droit d’accès aux documents sur lesquels la Commission a fondé son appréciation provisoire (affaires T-104/07 et T-339/08)

Sur les griefs tirés de la violation du droit d’accès

–  Sur le droit d’accès au cours de la procédure initiale

–  Sur le droit d’accès au cours de la procédure complémentaire

Sur les demandes d’accès dans le cadre des présentes instances

Sur la confusion concernant la phase de la procédure en cause (affaire T-104/07)

Sur l’exercice de pressions indues résultant de la fixation de délais inutilement courts (affaire T-104/07)

Sur l’impossibilité pour la requérante de commenter les nouveaux renseignements disponibles après l’envoi de la lettre prévue par l’article 7 (affaire T-104/07)

3.  Sur le moyen tiré de la violation des obligations de la Commission lors du traitement d’une plainte (affaires T-104/07 et T-339/08)

Sur l’absence d’examen de la plainte avec soin et impartialité

Sur la violation de l’obligation de prendre en considération les éléments de droit et de fait pertinents

Sur l’absence d’appréciation globale de la plainte (affaires T-104/07 et T-339/08)

Sur l’absence de prise en compte de la persistance des effets des pratiques anticoncurrentielles alléguées (affaires T-104/07 et T-339/08)

Sur l’absence de prise en compte et d’analyse de la position dominante de De Beers (affaire T-104/07)

4.  Sur le moyen tiré de l’appréciation erronée de l’intérêt communautaire (affaires T-104/07 et T-339/08)

Appréciation des effets d’exclusion (affaires T-104/07 et T-339/08)

Sur le marché pertinent (affaire T-104/07)

Sur l’offre d’Alrosa (affaires T-104/07 et T-339/08)

–  Sur les griefs dirigés contre la décision de rejet

–  Sur les griefs dirigés contre la décision complémentaire de rejet

Sur l’offre des « sightholders » (affaires T-104/07 et T-339/08)

Sur l’offre de Diamdel (affaire T-339/08)

Sur l’offre des autres producteurs (affaires T-104/07 et T-339/08)

Sur la disponibilité globale des diamants bruts (affaire T-104/07)

Sur l’évolution du marché (affaire T-339/08)

Appréciation du rôle du médiateur (affaire T-104/07)

Sur l’indépendance du médiateur

Sur les compétences du médiateur

Sur les décisions du médiateur

Appréciation des autres illégalités alléguées du SOC (affaire T-104/07)

5.  Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation (affaires T‑104/07 et T-339/08)

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.