Language of document : ECLI:EU:C:2013:224

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

11 avril 2013 (*)

«Sécurité sociale des travailleurs migrants – Article 45 TFUE – Règlement (CEE) no 1408/71 – Article 71 – Travailleur frontalier atypique en situation de chômage complet ayant gardé des liens personnels et professionnels dans l’État membre du dernier emploi – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 65 – Droit à prestation dans l’État membre de résidence – Refus de paiement opposé par l’État membre du dernier emploi – Admissibilité – Pertinence de l’arrêt de la Cour du 12 juin 1986, Miethe (1/85) – Dispositions transitoires – Article 87, paragraphe 8 – Notion de ‘situation inchangée’»

Dans l’affaire C‑443/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Rechtbank Amsterdam (Pays-Bas), par décision du 25 août 2011, parvenue à la Cour le 29 août 2011, dans la procédure

F. P. Jeltes,

M. A. Peeters,

J. G. J. Arnold

contre

Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. E. Jarašiūnas, A. Ó Caoimh, Mme C. Toader et M. C. G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 octobre 2012,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Jeltes, par M. P. Van der Wulp,

–        pour Mme Peeters, par Mme S. van der Beek-Verdoorn,

–        pour le Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen, par Mme I. Eijkhout, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Noort et C. Wissels, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. D. Hadroušek et M. Smolek, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement danois, par Mme V. Pasternak Jørgensen et M. C. Vang, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et T. Henze, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et V. Kreuschitz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 65 et 87, paragraphe 8, du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO L 284, p. 43, ci-après le «règlement no 883/2004»), ainsi que sur l’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre de litiges opposant M. Jeltes, Mme Peeters et M. Arnold au Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen’, au sujet du rejet par ce dernier de leurs demandes d’obtention ou de maintien de prestations au titre de la loi relative au chômage (Werkloosheidswet, ci-après la «WW»).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement (CEE) no 1408/71

3        L’article 1er du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 592/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008 (JO L 177, p. 1, ci-après le «règlement no 1408/71»), est formulé comme suit:

«Aux fins de l’application du présent règlement:

[...]

b)      le terme ‘travailleur frontalier’ désigne tout travailleur salarié ou non salarié qui exerce son activité professionnelle sur le territoire d’un État membre et réside sur le territoire d’un autre État membre, où il retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine; [...]

[...]

o)      le terme ‘institution compétente’ désigne:

i)      l’institution à laquelle l’intéressé est affilié au moment de la demande de prestations

[...]

[...]

q)      le terme ‘État compétent’ désigne l’État membre sur le territoire duquel se trouve l’institution compétente;

[...]»

4        L’article 71 du règlement no 1408/71 dispose:

«1.      Le travailleur salarié en chômage qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d’un État membre autre que l’État compétent bénéficie des prestations selon les dispositions suivantes:

a)      i)     le travailleur frontalier qui est en chômage partiel ou accidentel dans l’entreprise qui l’occupe bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l’État compétent, comme s’il résidait sur le territoire de cet État; ces prestations sont servies par l’institution compétente;

ii)      le travailleur frontalier qui est en chômage complet bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l’État membre sur le territoire duquel il réside, comme s’il avait été soumis à cette législation au cours de son dernier emploi; ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge;

b)      i)     un travailleur salarié autre qu’un travailleur frontalier, qui est en chômage partiel, accidentel ou complet et qui demeure à la disposition de son employeur ou des services de l’emploi sur le territoire de l’État compétent bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de cet État, comme s’il résidait sur son territoire; ces prestations sont servies par l’institution compétente;

ii)      un travailleur salarié autre qu’un travailleur frontalier, qui est en chômage complet et qui se met à la disposition des services de l’emploi sur le territoire de l’État membre où il réside ou qui retourne sur ce territoire, bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de cet État, comme s’il y avait exercé son dernier emploi; ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge. Toutefois, si ce travailleur salarié a été admis au bénéfice des prestations à charge de l’institution compétente de l’État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu, il bénéficie des prestations conformément aux dispositions de l’article 69. Le bénéfice des prestations de la législation de l’État de sa résidence est suspendu pendant la période au cours de laquelle le chômeur peut prétendre, en vertu des dispositions de l’article 69, aux prestations de la législation à laquelle il a été soumis en dernier lieu.

[...]»

 Le règlement no 883/2004

5        L’article 1er de ce règlement définit les notions de «travailleurs frontaliers», d’«institutions compétentes» et d’«État membre compétent» dans des termes en substance identiques à ceux employés à l’article 1er du règlement no 1408/71.

6        L’article 11, paragraphe 3, sous c), du règlement no 883/2004 prévoit que «la personne qui bénéficie de prestations de chômage conformément aux dispositions de l’article 65, en vertu de la législation de l’État membre de résidence, est soumise à la législation de cet État membre».

7        L’article 65 dudit règlement, intitulé «Chômeurs qui résidaient dans un État membre autre que l’État compétent», est formulé comme suit:

«1.      La personne en chômage partiel ou intermittent qui, au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent se met à la disposition de son employeur ou des services de l’emploi de l’État membre compétent. Elle bénéficie des prestations selon la législation de l’État membre compétent, comme si elle résidait dans cet État membre. Ces prestations sont servies par l’institution de l’État membre compétent.

2.      La personne en chômage complet qui, au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent et qui continue à résider dans le même État membre ou qui retourne dans cet État membre se met à la disposition des services de l’emploi de l’État membre de résidence. Sans préjudice de l’article 64, une personne en chômage complet peut, à titre complémentaire, se mettre à la disposition des services de l’emploi de l’État membre où elle a exercé sa dernière activité salariée ou non salariée.

Une personne en chômage, autre qu’un travailleur frontalier, qui ne retourne pas dans l’État membre de sa résidence se met à la disposition des services de l’emploi de l’État membre à la législation duquel elle a été soumise en dernier lieu.

3.      Le chômeur visé au paragraphe 2, première phrase, s’inscrit comme demandeur d’emploi auprès des services compétents en la matière de l’État membre dans lequel il réside. Il est assujetti au contrôle qui y est organisé et respecte les conditions fixées par la législation de cet État membre. S’il choisit de s’inscrire également comme demandeur d’emploi dans l’État membre où il a exercé sa dernière activité salariée ou non salariée, il respecte les obligations applicables dans cet État.

4.      Les modalités de mise en œuvre du paragraphe 2, deuxième phrase, et du paragraphe 3, deuxième phrase, ainsi que les modalités d’échange d’informations, de coopération et d’assistance mutuelle entre les institutions et les services de l’État membre de résidence et de l’État membre de dernière activité professionnelle sont établies dans le règlement d’application.

5.      a)     Le chômeur visé au paragraphe 2, première et deuxième phrases, bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l’État membre de résidence, comme s’il avait été soumis à cette législation au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée. Ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence.

b)      Toutefois, s’il s’agit d’un travailleur, autre qu’un travailleur frontalier, auquel ont été servies des prestations à charge de l’institution compétente de l’État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu, il bénéficie d’abord, à son retour dans l’État membre de résidence, des prestations conformément à l’article 64, le bénéfice des prestations conformément au point a) étant suspendu pendant la durée de perception des prestations en vertu de la législation à laquelle il a été soumis en dernier lieu.

6.      Les prestations servies par l’institution du lieu de résidence en vertu du paragraphe 5 restent à sa charge. [...]

[...]»

8        L’article 87 du règlement no 883/2004, intitulé «Dispositions transitoires», dispose:

«1.      Le présent règlement n’ouvre aucun droit pour la période antérieure à la date de son application.

[...]

8.      Si, en conséquence du présent règlement, une personne est soumise à la législation d’un État membre autre que celui à la législation duquel elle est soumise en vertu du titre II du règlement (CEE) no 1408/71, cette personne continue d’être soumise à cette dernière législation aussi longtemps que la situation qui a prévalu reste inchangée, mais en tout cas pas plus de dix ans à compter de la date d’application du présent règlement, à moins qu’elle n’introduise une demande en vue d’être soumise à la législation applicable en vertu du présent règlement. La demande est introduite dans un délai de trois mois à compter de la date d’application du présent règlement auprès de l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en vertu du présent règlement pour que l’intéressé puisse être soumis à la législation de cet État membre dès la date d’application du présent règlement. Si la demande est présentée après l’expiration de ce délai, le changement de législation applicable intervient le premier jour du mois suivant.

[...]»

 Le règlement (CE) no 987/2009

9        Le considérant 13 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO L 284, p. 1, ci-après le «règlement d’application»), est libellé comme suit:

«Le règlement prévoit des mesures et des procédures destinées à favoriser la mobilité des travailleurs et des chômeurs. Les travailleurs frontaliers se trouvant au chômage complet peuvent se mettre à la disposition du service de l’emploi tant de leur pays de résidence que du pays où ils ont travaillé en dernier lieu. Toutefois, ils ne devraient avoir droit qu’aux prestations servies par l’État membre de résidence.»

 Le droit néerlandais

10      Il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’article 19, paragraphe 1, sous f), de la WW subordonne le droit des travailleurs à une prestation de chômage à la condition qu’ils résident sur le territoire national.

 Les faits à l’origine des litiges au principal et les questions préjudicielles

11      M. Jeltes, Mme Peeters et M. Arnold, travailleurs frontaliers de nationalité néerlandaise, ont travaillé aux Pays-Bas, alors qu’ils résidaient, les deux premiers, en Belgique et, le troisième, en Allemagne.

12      M. Jeltes s’est trouvé en situation de chômage à compter du mois d’août 2010, soit après la date d’entrée en application, le 1er mai 2010, du règlement no 883/2004. Il a demandé l’octroi d’une prestation de chômage, au titre de la WW, auprès des autorités néerlandaises, mais celles-ci ont rejeté sa demande.

13      Mme Peeters a perdu son emploi au cours du mois de mai 2009 et a bénéficié d’une prestation de chômage accordée par les autorités néerlandaises. Elle a retrouvé un travail le 26 avril 2010, avant d’être de nouveau en situation de chômage le 18 mai 2010. Pendant la période où l’intéressée avait repris un travail, la prestation de chômage a cessé de lui être versée, mais ces autorités l’ont informée que, si elle était de nouveau sans emploi avant le 25 octobre 2010, elle pourrait demander la poursuite du versement de cette prestation. Lorsque Mme Peeters s’est adressée auxdites autorités, après avoir de nouveau perdu son travail, celles-ci ont toutefois refusé de reprendre le versement de ladite prestation.

14      M. Arnold a perdu son emploi et a obtenu une prestation de chômage des autorités néerlandaises conformément à la WW, à partir du 2 février 2009. Au mois de mars 2009, il a commencé à exercer une activité de travailleur indépendant en Allemagne. Ces autorités ont mis fin au versement de la prestation de chômage octroyée à l’intéressé tout en l’informant que, s’il cessait son activité de travailleur indépendant avant le 30 août 2011, il pourrait demander la poursuite du versement de cette prestation. M. Arnold a cessé d’exercer cette activité et a demandé, le 1er juin 2010, la poursuite du versement de ladite prestation. Toutefois, les autorités néerlandaises ont refusé de lui accorder le bénéfice de cette dernière.

15      Il ressort de la décision de renvoi et du dossier dont dispose la Cour que le droit néerlandais exclut le versement de prestations de chômage à des travailleurs se trouvant en situation de chômage qui ne résident pas sur le territoire national. La juridiction de renvoi ajoute que, en ce qui concerne les trois requérants au principal, les autorités néerlandaises ont fondé leur refus sur l’article 65 du règlement no 883/2004, lequel désigne l’État membre de résidence, en l’occurrence le Royaume de Belgique pour les deux premiers et la République fédérale d’Allemagne pour le troisième, comme étant l’État membre chargé de l’octroi des prestations de chômage.

16      Les requérants au principal ont introduit, devant le Rechtbank Amsterdam, un recours à l’encontre des décisions de refus adoptées par les autorités néerlandaises. Cette juridiction précise qu’il n’est pas contesté que l’article 65 du règlement no 883/2004 n’offre pas aux requérants de possibilité de réclamer auxdites autorités l’octroi d’une prestation de chômage. Elle ajoute cependant qu’il n’est pas non plus contesté que ces personnes constituent des travailleurs frontaliers atypiques, au sens de l’arrêt du 12 juin 1986, Miethe (1/85, Rec. p. 1837), en ce sens qu’ils ont conservé des liens personnels et professionnels particulièrement étroits dans l’État membre de leur dernier emploi. Il en résulte, selon cette juridiction, que c’est vraisemblablement dans cet État, en l’occurrence le Royaume des Pays-Bas, qu’ils disposent des meilleures chances de réinsertion professionnelle. Elle se demande, par conséquent, s’il convient de considérer, comme dans l’arrêt Miethe, précité, que les requérants peuvent prétendre aux prestations de chômage dans cet État membre.

17      Nourrissant toutefois des doutes quant au maintien, à la suite de l’entrée en vigueur du règlement no 883/2004, de la pertinence de l’arrêt Miethe, précité, le Rechtbank Amsterdam a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’arrêt Miethe, [précité,] rendu alors qu’était en vigueur le règlement no 1408/71, a-t-il encore, au titre du règlement no 883/2004, la portée complémentaire qu’il avait, à savoir de donner au travailleur frontalier atypique le droit de choisir l’État membre dans lequel il se met à la disposition des services de l’emploi et duquel il perçoit une prestation de chômage, au motif que c’est dans l’État membre de son choix que ses chances de réintégrer le circuit du travail sont les plus grandes? Ou bien l’article 65 du règlement no 883/2004, examiné dans son ensemble, permet-il déjà d’assurer dans une mesure suffisante que le travailleur en chômage complet perçoive une prestation dans des conditions qui sont les plus favorables pour lui s’agissant de chercher un emploi, et l’arrêt Miethe[, précité,] a-t-il perdu sa valeur ajoutée?

2)      Le droit de l’Union, et en l’espèce l’article 45 TFUE ou l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68, fait-il obstacle à ce qu’un État membre refuse d’accorder une prestation de chômage en vertu de son droit national dans le cas d’un travailleur migrant (travailleur frontalier) qui se trouve en chômage complet, qui a exercé sa dernière activité dans cet État membre et dont on peut supposer que c’est dans cet État membre que, compte tenu de la présence de liens sociaux et familiaux, il a le plus de chances de réintégrer le circuit du travail, au seul motif que ce travailleur réside dans un autre État membre?

3)      Quelle réponse – compte tenu de l’article 87, paragraphe 8, du règlement no 883/2004, de l’article 17 de la charte des droits fondamentaux [de l’Union européenne] et du principe de sécurité juridique – convient-il de donner à la question qui précède lorsqu’une prestation de chômage a déjà été accordée à un tel travailleur avant la date d’entrée en vigueur du règlement no 883/2004, au titre du droit de l’État de l’ancien lieu de travail, et que la limite maximale de la durée d’octroi ou de reprise de l’octroi de cette prestation n’était pas encore atteinte au moment de ladite entrée en vigueur du règlement (la prestation ayant cessé d’être octroyée au motif que le chômeur a accepté un nouvel emploi)?

4)      La réponse à la deuxième question est-elle différente si des engagements ont été pris envers les travailleurs frontaliers intéressés, en chômage, selon lesquels ces derniers pourraient demander la reprise de leur droit à une prestation si, après avoir trouvé un nouvel emploi, ils étaient à nouveau en chômage, alors que les informations fournies à cet égard semblent ne pas être correctes ou non dépourvues d’ambiguïté du fait des incertitudes de la pratique de mise en œuvre?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

18      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’arrêt Miethe, précité, demeure pertinent, à la suite de l’entrée en vigueur du règlement no 883/2004, aux fins de l’interprétation de l’article 65, paragraphe 2, de ce règlement, de sorte qu’un travailleur, qui a conservé avec l’État de son dernier emploi des liens professionnels et personnels tels qu’il y dispose des meilleures chances de réinsertion professionnelle, puisse choisir de se mettre à la disposition des services de l’emploi de cet État membre afin d’y recevoir non seulement une aide au reclassement professionnel, mais également des allocations de chômage.

19      Afin de répondre à cette question, il convient de se référer aux dispositions de l’article 71 du règlement no 1408/71 et à l’interprétation que la Cour en a donnée dans l’arrêt Miethe, précité, avant d’examiner le contenu de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 883/2004.

20      L’article 71 du règlement no 1408/71 contient des dispositions particulières applicables aux chômeurs qui, au cours de leur dernier emploi, résidaient dans un État membre autre que l’État compétent. Ces dispositions se distinguent de la règle générale prévue à l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement, selon laquelle la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État.

21      En vertu de l’article 71, paragraphe 1, sous a), ii), dudit règlement, les travailleurs frontaliers qui sont en chômage complet sont soumis à la législation de l’État membre sur le territoire duquel ils résident. La Cour a estimé que cette disposition présume implicitement qu’un tel travailleur bénéficie, dans cet État, des conditions les plus favorables à la recherche d’un emploi (voir arrêt Miethe, précité, point 17).

22      En vertu de l’article 71, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71, les travailleurs salariés autres que les travailleurs frontaliers, c’est-à-dire des personnes qui, contrairement aux frontaliers, ne rentrent pas quotidiennement ou au moins une fois par semaine dans leur État de résidence, ont le choix, lorsqu’ils se trouvent en chômage complet, soit de demeurer à la disposition des services de l’emploi sur le territoire de l’État membre compétent, soit de se mettre à la disposition des services de l’emploi sur le territoire de l’État membre où ils résident. Dans le premier cas, ils bénéficient des prestations de l’État membre du dernier emploi, dans le second, ils bénéficient de celles de l’État membre de résidence. Les prestations en cause comportent non seulement des allocations en argent, mais également l’aide au reclassement professionnel (voir, en ce sens, arrêt Miethe, précité, point 16).

23      La Cour a jugé, au point 18 de l’arrêt Miethe, précité, que l’objectif poursuivi par l’article 71, paragraphe 1, sous a), ii), du règlement no 1408/71, relatif aux travailleurs frontaliers qui sont en chômage complet, à savoir assurer au travailleur migrant le bénéfice des prestations de chômage dans les conditions les plus favorables, ne peut cependant pas être atteint lorsqu’un travailleur frontalier en chômage complet a exceptionnellement conservé dans l’État membre de son dernier emploi des liens personnels et professionnels tels que c’est dans cet État qu’il dispose des meilleures chances de réinsertion professionnelle. Un tel travailleur doit alors être regardé comme «autre qu’un travailleur frontalier» au sens de l’article 71 dudit règlement, et relève en conséquence du champ d’application du paragraphe 1, sous b), de cet article. Il en résulte que ce travailleur peut choisir de se mettre à la disposition des services de l’emploi du dernier État membre où il a travaillé et recevoir des prestations de cet État, ces dernières prenant la forme tant d’une aide au reclassement que d’allocations.

24      Ainsi qu’il ressort du considérant 3 du règlement no 883/2004, le législateur a souhaité moderniser et simplifier les dispositions du règlement no 1408/71 qui avaient été complexifiées et alourdies à la suite de nombreuses modifications et mises à jour.

25      L’article 65 du règlement no 883/2004 a ainsi remplacé l’article 71 du règlement no 1408/71 en modifiant en partie son contenu.

26      Il résulte de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 883/2004 que le travailleur frontalier se trouvant en chômage complet, qui résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent et continue de résider dans cet État membre, l’État membre de résidence, se met à la disposition des services de l’emploi dudit État. Cette disposition prévoit qu’il peut, à titre complémentaire, se mettre à la disposition des services de l’emploi de l’État membre où il a exercé sa dernière activité salariée ou non salariée.

27      S’agissant du travailleur autre qu’un travailleur frontalier se trouvant en chômage complet, celui-ci se met à la disposition soit des services de l’emploi de son État de résidence, s’il retourne dans cet État, soit de ceux du dernier État membre dans lequel il a travaillé, s’il ne retourne pas dans ledit État.

28      La possibilité pour le travailleur frontalier se trouvant en chômage complet, prévue à l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, de se mettre, à titre complémentaire, à la disposition des services de l’emploi de l’État membre de son dernier emploi constitue un élément nouveau par rapport au contenu de l’article 71, paragraphe 1, sous a), ii), du règlement no 1408/71. Le travailleur concerné, quels que soient les liens qu’il ait conservés dans cet État et, notamment, s’il y dispose des meilleures chances de réinsertion professionnelle, peut ainsi également bénéficier dans ledit État de services de reclassement. Ce faisant, le législateur a en partie tenu compte de l’arrêt Miethe, précité.

29      Toutefois, selon cet arrêt, un travailleur dont les liens avec l’État de son dernier emploi étaient tels qu’il disposait dans cet État des meilleures chances de réinsertion professionnelle et devait, dès lors, être regardé comme un travailleur autre qu’un travailleur frontalier pouvait bénéficier non seulement des services de reclassement dudit État, mais aussi des allocations de chômage de ce dernier.

30      La question se pose, par conséquent, de savoir si la faculté, pour un tel travailleur, d’obtenir des allocations de chômage de l’État membre de son dernier emploi a été maintenue par le règlement no 883/2004.

31      Il convient, à cet égard, de constater que cette faculté ne ressort pas du libellé de l’article 65, paragraphe 2, de ce règlement. Celui-ci prévoit que le travailleur frontalier se trouvant en chômage complet doit se mettre à la disposition des services de l’emploi de son État de résidence. Il s’agit d’une obligation et non d’une faculté. Selon le paragraphe 5, sous a), dudit article, ledit travailleur bénéficie des prestations, et donc des allocations de chômage, selon la législation de l’État membre de résidence comme s’il avait été soumis à celle-ci au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée. Ce n’est qu’à titre complémentaire qu’il peut de surcroît s’inscrire auprès des services de l’emploi de l’État membre de son dernier emploi. Conformément à l’article 56, paragraphe 1, du règlement d’application, lequel fait référence à l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, cette inscription concerne uniquement la recherche d’emploi.

32      Le règlement no 883/2004 étant postérieur au prononcé de l’arrêt Miethe, précité, le législateur aurait pu, s’il l’avait souhaité, compte tenu de sa volonté de moderniser et de simplifier les règles existantes, rédiger l’article 65 de ce règlement en intégrant pleinement et de manière explicite l’interprétation de l’article 71 du règlement no 1408/71 donnée par la Cour dans cet arrêt. Or, il ne l’a pas fait. Il y a lieu, dans ces conditions, de considérer que l’absence de mention expresse, à l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, d’une faculté d’obtenir des allocations de chômage de l’État membre du dernier emploi reflète la volonté délibérée du législateur de limiter la prise en compte de l’arrêt Miethe, précité, en prévoyant uniquement une possibilité complémentaire pour le travailleur concerné de s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès des services de cet État membre afin d’y obtenir une aide supplémentaire au reclassement.

33      Cette interprétation est d’ailleurs corroborée par les travaux préparatoires relatifs au règlement no 883/2004 et au règlement d’application.

34      S’agissant du règlement no 883/2004, la Commission européenne avait proposé de mettre fin au système existant, selon lequel le travailleur frontalier se trouvant en situation de chômage reçoit les prestations de chômage de l’État de résidence plutôt que de l’État où il a travaillé en dernier lieu. Or, la Commission a relevé dans une communication datée du 27 janvier 2004 que, dans la position commune (CE) no 18/2004 arrêtée par le Conseil le 26 janvier 2004, en vue de l’adoption du règlement no 883/2004 (JO 79 E, p. 15), celui-ci n’était pas parvenu à un accord sur cette proposition et avait maintenu la responsabilité de l’État de résidence pour le versement des allocations.

35      En ce qui concerne le règlement d’application, le Parlement européen avait proposé, dans un rapport du 10 juin 2008, de préciser dans un considérant de ce règlement que la faculté d’inscription du travailleur auprès des services de l’emploi de l’État de son dernier emploi était destinée à favoriser la mobilité des travailleurs et des chômeurs, mais que le travailleur n’avait droit qu’à une seule allocation, dans l’État membre de résidence. Le Parlement avait expliqué que son amendement était destiné à lever toute ambiguïté au sujet de l’application ou non de l’arrêt Miethe, précité. Or, le considérant 13 dudit règlement reprend l’amendement proposé par le Parlement dans des termes quasi identiques.

36      Il y a lieu, par conséquent, de répondre à la première question que, par suite de l’entrée en vigueur du règlement no 883/2004, les dispositions de l’article 65 de ce règlement ne doivent pas être interprétées à la lumière de l’arrêt Miethe, précité. S’agissant d’un travailleur frontalier se trouvant en chômage complet, qui a conservé avec l’État membre de son dernier emploi des liens personnels et professionnels tels qu’il dispose dans cet État des meilleures chances de réinsertion professionnelle, cet article 65 doit être entendu en ce sens qu’il permet à un tel travailleur de se mettre de manière complémentaire à la disposition des services de l’emploi dudit État non pas en vue d’obtenir dans ce dernier des allocations de chômage, mais uniquement aux fins d’y bénéficier des services de reclassement.

 Sur la deuxième question

37      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si les règles relatives à la libre circulation des travailleurs, figurant en particulier à l’article 45 TFUE, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce que l’État membre du dernier emploi refuse, conformément à son droit national, d’accorder à un travailleur frontalier se trouvant en chômage complet, qui dispose dans cet État membre des meilleures chances de réinsertion professionnelle, le bénéfice d’allocations de chômage, au motif que ce travailleur ne réside pas sur son territoire.

38      Il convient d’examiner cette question au regard de situations telles que celle de M. Jeltes. En effet, la situation de travailleurs tels que Mme Peeters et M. Arnold présente des caractéristiques particulières qui feront l’objet d’un examen dans le cadre de la réponse aux troisième et quatrième questions.

39      Il y a lieu de constater que, eu égard à la coordination exigée par le règlement no 883/2004, le fait d’imposer une condition de résidence prévue par le droit national n’aboutit pas, dans une situation telle que celle de M. Jeltes, à un résultat autre que celui entraîné par l’application des règles figurant à l’article 65, paragraphes 2 et 5, sous a), du règlement no 883/2004, selon lesquelles le travailleur frontalier se trouvant en chômage complet bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l’État membre de résidence, comme s’il avait été soumis à cette législation au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, et l’institution du lieu de résidence lui sert ces prestations. Par ailleurs, aux termes de l’article 11, paragraphe 3, sous c), de ce règlement, la personne qui bénéficie de prestations de chômage conformément aux dispositions de cet article 65, en vertu de la législation de l’État membre de résidence, est soumise à la législation de cet État membre. Il ressort de la décision de renvoi que les autorités nationales ont invoqué ledit article 65 pour refuser d’accéder aux demandes d’obtention ou de poursuite des prestations de chômage présentées par les requérants au principal et pour suggérer à ces derniers de s’adresser aux autorités de leur État de résidence.

40      Il résulte de la jurisprudence de la Cour portant sur le règlement no 1408/71 que, en adoptant le règlement no 883/2004, le législateur de l’Union, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont il dispose quant au choix des mesures les plus appropriées pour atteindre le résultat visé à l’article 42 CE, s’est en principe acquitté de l’obligation, résultant de la mission qui lui a été conférée par cet article, d’instaurer un régime permettant aux travailleurs de surmonter les obstacles pouvant résulter pour eux des règles nationales édictées dans le domaine de la sécurité sociale (voir par analogie, notamment, arrêt du 16 juillet 2009, von Chamier-Glisczinski, C‑208/07, Rec. p. I‑6095, point 64 et jurisprudence citée).

41      Cela étant, le constat selon lequel l’application, dans un cas de figure déterminé, d’une réglementation nationale peut être conforme à une disposition d’un acte de droit dérivé, en l’occurrence le règlement no 883/2004, n’a pas nécessairement pour effet de faire échapper l’application de cette réglementation aux dispositions du traité FUE (voir en ce sens, notamment, arrêts von Chamier-Glisczinski, précité, point 66, ainsi que, en matière de prestations de chômage, du 18 juillet 2006, De Cuyper, C‑406/04, Rec. p. I‑6947, et du 11 septembre 2008, Petersen, C‑228/07, Rec. p. I‑6989).

42      À cet égard, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les allocations de chômage servies par les autorités néerlandaises sont d’un montant plus élevé que celles versées par les autorités belges, mais que ces dernières sont versées pendant une période plus longue.

43      Il y a lieu cependant de rappeler que l’article 48 TFUE prévoyant une coordination des législations des États membres, et non leur harmonisation, les différences de fond et de procédure entre les régimes de sécurité sociale de chaque État membre, et, partant, dans les droits des personnes affiliées à ces régimes, ne sont pas touchées par cette disposition (voir arrêt von Chamier-Glisczinski, précité, point 84 et jurisprudence citée).

44      Dans ces conditions, les règles du traité relatives à la libre circulation ne sauraient garantir à un assuré qu’un déplacement dans un autre État membre soit neutre en matière de sécurité sociale. En effet, compte tenu des disparités entre les régimes et les législations des États membres en la matière, un tel déplacement peut, selon le cas, être plus ou moins avantageux sur le plan financier pour l’affilié (voir arrêts von Chamier-Glisczinski, précité, point 85, et du 12 juillet 2012, Commission/Allemagne, C‑562/10, point 57).

45      Ainsi, le fait qu’une personne telle que M. Jeltes reçoive des allocations de chômage de l’institution compétente de l’État membre de résidence, en l’occurrence le Royaume de Belgique, résulte de l’application, conformément au règlement no 883/2004, de la loi de cet État membre en matière de prestations de chômage. Une différence entre les prestations prévues dans la législation de l’État membre du dernier emploi et celles octroyées selon la législation de l’État membre de résidence ne saurait, dans ces conditions, être considérée comme une restriction à la libre circulation des travailleurs, dès lors qu’elle résulte de l’absence d’harmonisation du droit de l’Union en la matière (voir, par analogie, en matière de protection contre le risque de maladie, arrêt du 14 octobre 2010, van Delft e.a., C‑345/09, Rec. p. I‑9879, point 106).

46      Il y a lieu, par conséquent, de répondre à la deuxième question que les règles relatives à la libre circulation des travailleurs, figurant en particulier à l’article 45 TFUE, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à ce que l’État membre du dernier emploi refuse, conformément à son droit national, d’accorder à un travailleur frontalier se trouvant en chômage complet, qui dispose dans cet État membre des meilleures chances de réinsertion professionnelle, le bénéfice d’allocations de chômage, au motif qu’il ne réside pas sur son territoire, dès lors que, conformément aux dispositions de l’article 65 du règlement no 883/2004, la législation applicable est celle de l’État membre de résidence.

 Sur les troisième et quatrième questions

47      Les troisième et quatrième questions sont relatives à la situation de personnes telles que Mme Peeters et M. Arnold qui, compte tenu du caractère rapproché des deux périodes de chômage qu’elles ont rencontrées, ont demandé, sur le fondement de la loi nationale, la reprise du versement des allocations dont elles bénéficiaient initialement, mais se sont vu refuser la reprise de ce versement en raison de l’entrée en vigueur, entre-temps, du règlement no 883/2004.

48      La juridiction de renvoi demande si, dans une telle situation, afin d’éviter une restriction à la libre circulation des travailleurs, les dispositions transitoires de l’article 87, paragraphe 8, du règlement no 883/2004, l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif au droit de propriété et les principes de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime doivent être interprétés en ce sens que les travailleurs concernés peuvent continuer de percevoir des prestations de chômage de l’État de leur dernier emploi.

49      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 87, paragraphe 8, du règlement no 883/2004 prévoit, en faveur d’une personne qui, en conséquence de ce règlement, est soumise à la législation d’un État membre autre que celui à la législation duquel elle était soumise en vertu du titre II du règlement no 1408/71, le maintien de cette dernière législation pendant une certaine période, après l’entrée en vigueur du règlement no 883/2004, sous réserve que la situation qui a prévalu reste inchangée.

50      Cette disposition s’applique ainsi, premièrement, à la condition que la législation applicable relève du titre II du règlement no 1408/71 et, deuxièmement, à la condition que la situation qui a prévalu soit restée inchangée.

51      En ce qui concerne la première de ces deux conditions, il n’est pas contesté que Mme Peeters et M. Arnold ont obtenu des allocations de chômage des autorités néerlandaises, selon les dispositions législatives néerlandaises, conformément à l’article 71 du règlement no 1408/71. Or, cet article relève non pas du titre II de ce règlement, relatif aux règles générales de détermination de la législation applicable, mais du titre III dudit règlement, relatif aux dispositions particulières permettant de déterminer cette législation en matière, notamment, de prestations de chômage.

52      Dès lors, l’article 87, paragraphe 8, du règlement no 883/2004 ne saurait être considéré comme directement applicable, en tant que tel, au litige au principal.

53      La question se pose, dès lors, de savoir si cette circonstance fait obstacle au maintien de la législation qui était applicable sous l’empire du règlement no 1408/71.

54      Selon l’ensemble des observations présentées à la Cour, cette circonstance ne devrait pas, à elle seule, faire obstacle à ce maintien.

55      À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 68 de ses conclusions, l’absence de mention, dans le règlement no 883/2004, d’une disposition transitoire applicable à la situation des travailleurs concernés peut être considérée comme étant due à une lacune intervenue au cours du processus législatif ayant conduit à l’adoption du règlement no 883/2004 et ne reflète pas une volonté délibérée du législateur de soumettre immédiatement ces derniers à une autre législation.

56      Dans ces conditions, il y a lieu d’interpréter la disposition transitoire prévue à l’article 87, paragraphe 8, du règlement no 883/2004 comme s’appliquant, par analogie, à des travailleurs frontaliers se trouvant en chômage complet qui, compte tenu des liens qu’ils ont conservés dans l’État membre de leur dernier emploi, perçoivent de celui-ci des allocations de chômage sur le fondement de la législation de cet État membre, en vertu de l’article 71 du règlement no 1408/71. La circonstance que ce dernier article relève du titre III du règlement no 1408/71 ne fait pas obstacle, dans un tel cas, à cette application.

57      S’agissant, dans le cadre d’une telle application de l’article 87, paragraphe 8, du règlement no 883/2004, de la question de savoir si la «situation qui a prévalu est restée inchangée», les observations présentées à la Cour au sujet du sens à donner à ces termes divergent.

58      Pour le Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen ainsi que pour les gouvernements néerlandais et danois, dès lors que les travailleurs concernés exerçaient une activité professionnelle à la date de l’entrée en vigueur du règlement no 883/2004 et ne se sont trouvés en situation de chômage que postérieurement à cette date, leur situation doit être considérée comme ayant changé, au sens de l’article 87, paragraphe 8, de ce règlement. Pour Mme Peeters, le gouvernement allemand et la Commission, ces circonstances ne sont pas déterminantes et ne s’opposent pas nécessairement au maintien de la loi qui était applicable sous l’empire du règlement no 1408/71.

59      À cet égard, il convient de relever que la notion de «situation restée inchangée» n’est pas définie par le règlement no 883/2004. Toutefois, ce règlement constituant non pas une mesure d’harmonisation des systèmes nationaux de sécurité sociale, mais un acte visant à coordonner ces systèmes, les États membres restent compétents pour déterminer dans leur législation, dans le respect du droit de l’Union, les conditions d’octroi des prestations d’un régime de sécurité sociale (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2012, Hudzinski et Wawrzyniak, C‑611/10 et C‑612/10, point 42). La notion de «situation restée inchangée», au sens de l’article 87, paragraphe 8, de ce règlement, doit, par conséquent, être interprétée en ayant recours à la définition donnée par la législation nationale en matière de sécurité sociale (voir, par analogie, s’agissant du terme «emploi», au sens de l’article 71, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, arrêt du 11 novembre 2004, Adanez-Vega, C‑372/02, Rec. p. I‑10761, point 33).

60      S’agissant de travailleurs tels que Mme Peeters et M. Arnold, il appartient ainsi à la juridiction de renvoi de vérifier si, en vertu du droit néerlandais, à la date à laquelle ces travailleurs ont retrouvé un travail après une première période de chômage, soit, respectivement, au cours des mois d’avril 2010 et de mars 2009, ils étaient en droit de bénéficier d’une reprise du versement des allocations de chômage s’ils se trouvaient de nouveau en situation de chômage avant l’expiration d’une certaine période. La mention du terme «reprise» par les autorités néerlandaises pourrait indiquer qu’un tel droit existe selon la législation néerlandaise. Dans l’affirmative, il incombe à cette juridiction de déterminer si, compte tenu notamment de la durée de la période pendant laquelle les intéressés ont de nouveau travaillé, ceux-ci remplissent les conditions prévues par la législation nationale pour bénéficier d’une telle reprise du versement desdites allocations, indépendamment de l’entrée en vigueur du règlement no 883/2004.

61      Il s’ensuit que la notion de «situation inchangée», au sens de l’article 87, paragraphe 8, du règlement no 883/2004, doit être appréciée au regard de la législation nationale en matière de sécurité sociale et qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier si des travailleurs tels que Mme Peeters et M. Arnold satisfont aux conditions prévues par cette législation pour prétendre à la reprise du versement des allocations de chômage qui leur étaient versées au titre de ladite législation, conformément à l’article 71 du règlement no 1408/71.

62      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre aux troisième et quatrième questions:

–        Il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article 87, paragraphe 8, du règlement no 883/2004 à des travailleurs frontaliers se trouvant en chômage complet qui, compte tenu des liens qu’ils ont conservés dans l’État membre de leur dernier emploi, perçoivent de celui-ci des allocations de chômage sur le fondement de la législation de cet État membre, en vertu de l’article 71 du règlement no 1408/71.

–        La notion de «situation inchangée», au sens de l’article 87, paragraphe 8, du règlement no 883/2004, doit être appréciée au regard de la législation nationale en matière de sécurité sociale. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si des travailleurs tels que Mme Peeters et M. Arnold satisfont aux conditions prévues par cette législation pour prétendre à la reprise du versement des allocations de chômage qui leur étaient versées au titre de ladite législation, conformément à l’article 71 du règlement no 1408/71.

 Sur les dépens

63      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      Par suite de l’entrée en vigueur du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, les dispositions de l’article 65 de ce règlement ne doivent pas être interprétées à la lumière de l’arrêt de la Cour du 12 juin 1986, Miethe (1/85). S’agissant d’un travailleur frontalier se trouvant en chômage complet, qui a conservé avec l’État membre de son dernier emploi des liens personnels et professionnels tels qu’il dispose dans cet État des meilleures chances de réinsertion professionnelle, cet article 65 doit être entendu en ce sens qu’il permet à un tel travailleur de se mettre de manière complémentaire à la disposition des services de l’emploi dudit État non pas en vue d’obtenir dans ce dernier des allocations de chômage, mais uniquement aux fins d’y bénéficier des services de reclassement.

2)      Les règles relatives à la libre circulation des travailleurs, figurant en particulier à l’article 45 TFUE, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à ce que l’État membre du dernier emploi refuse, conformément à son droit national, d’accorder à un travailleur frontalier se trouvant en chômage complet, qui dispose dans cet État membre des meilleures chances de réinsertion professionnelle, le bénéfice d’allocations de chômage, au motif qu’il ne réside pas sur son territoire, dès lors que, conformément aux dispositions de l’article 65 du règlement no 883/2004, tel que modifié par le règlement no 988/2009, la législation applicable est celle de l’État membre de résidence.

3)      Il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article 87, paragraphe 8, du règlement no 883/2004, tel que modifié par le règlement no 988/2009, à des travailleurs frontaliers se trouvant en chômage complet qui, compte tenu des liens qu’ils ont conservés dans l’État membre de leur dernier emploi, perçoivent de celui-ci des allocations de chômage sur le fondement de la législation de cet État membre, en vertu de l’article 71 du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 592/2008 du Parlement et du Conseil, du 17 juin 2008.

La notion de «situation inchangée» au sens de l’article 87, paragraphe 8, du règlement no 883/2004, tel que modifié par le règlement no 988/2009, doit être appréciée au regard de la législation nationale en matière de sécurité sociale. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si des travailleurs tels que Mme Peeters et M. Arnold satisfont aux conditions prévues par cette législation pour prétendre à la reprise du versement des allocations de chômage qui leur étaient versées au titre de ladite législation, conformément à l’article 71 du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement no 592/2008.

Signatures


*Langue de procédure: le néerlandais.