Language of document : ECLI:EU:T:2009:5

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

15 janvier 2009 (*)

« Référé – Concurrence – Paiement d’une amende – Garantie bancaire – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑199/08 R,

Ziegler SA, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes J.-L. Lodomez et J. Lodomez, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. A. Bouquet et Mme O. Beynet, puis par MM. Bouquet et N. von Lingen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision C (2008) 926 final de la Commission, du 11 mars 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38.543 – Services de déménagements internationaux),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

Faits à l’origine du litige

1        Le 11 mars 2008, la Commission a adopté la décision C (2008) 926 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38.543 – Services de déménagements internationaux) (ci-après la « décision attaquée »).

2        Selon l’article ler de la décision attaquée, les déménageurs internationaux qu’elle désigne – parmi lesquels la requérante, Ziegler SA, – ont fixé « de façon directe et indirecte des prix pour les services de déménagements internationaux en Belgique, en se répartissant une partie de ce marché et en manipulant la procédure faisant appel à la soumission d’offres », du 4 octobre 1984 au 8 septembre 2003 pour ce qui concerne la requérante.

3        L’article 2 de la décision attaquée inflige à la requérante une amende de 9 200 000 euros, payable « dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification de la présente décision ».

4        Dans la lettre de notification de la décision attaquée, datée du 25 mars 2008, il est précisé que, « [l]orsqu’un recours est introduit contre ladite décision devant le Tribunal […], le comptable encaisse à titre provisoire les montants en question auprès du débiteur ou demande à ce dernier de constituer une garantie financière couvrant le principal et les intérêts » et que, « [d]ans ce dernier cas, le montant de l’amende non payé provisoirement portera intérêts de plein droit, calculés au taux de base mentionné […], majoré d’un point et demi, soit un taux de 5,60 % ». Cette position a été confirmée par un courrier adressé par le comptable de la Commission à la requérante le 20 mai 2008, lequel y rappelle que « l’amende doit être payée […] le 26 [juin] 2008 au plus tard ».

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juin 2008, la requérante a introduit un recours en annulation de la décision attaquée.

6        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle demande au juge des référés :

–        d’ordonner le sursis à l’exécution de l’article 2 de la décision attaquée, qui inflige à la requérante une amende de 9 200 000 euros, dans l’attente du prononcé de l’arrêt au principal ;

–        d’ordonner la dispense de l’obligation de fournir une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement de cette amende, dans l’attente du prononcé de l’arrêt au principal ;

–        de condamner la Commission aux dépens.

7        Le 17 juin 2008, le président du Tribunal, afin de garantir le caractère effectif de la présente procédure de référé, a rendu, sur le fondement de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, une ordonnance suspendant l’obligation de la requérante de payer l’amende imposée par l’article 2 de la décision attaquée, jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé.

8        La Commission a présenté ses observations sur la présente demande en référé le 26 juin 2008. Elle conclut au rejet de la demande en référé et à la condamnation de la requérante aux dépens.

9        Une audition s’est tenue le 15 juillet 2008. Lors de celle-ci, après les plaidoiries des parties et leurs réponses aux questions posées par le président du Tribunal, les parties sont convenues qu’un règlement amiable de l’affaire en référé pourrait, en fonction de ses termes et modalités d’exécution, mieux servir leurs intérêts, ainsi que ceux d’une bonne administration de la justice. Dans ce contexte, les parties se sont engagées à faire parvenir au président dans les quinze jours après l’audition un calendrier des rencontres entre les parties, les négociations devant être achevées le 15 septembre 2008 au plus tard. Le président a également indiqué que, à défaut d’accord amiable à la date prévue, il adopterait une ordonnance de référé sur la base des éléments figurant au dossier au jour de l’audition.

10      Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 24 juillet 2008, la requérante a informé le président que les parties avaient fixé deux rendez-vous (les 12 août et 2 septembre 2008) de manière à pouvoir lui communiquer, pour le 15 septembre au plus tard, le résultat d’un éventuel arrangement amiable.

11      Par courrier du 1er septembre 2008, la Commission, en accord avec la requérante, a demandé au président, une première prorogation du délai jusqu’au 24 septembre 2008, pour la communication de l’issue des discussions.

12      Par courrier du 23 septembre 2008, la requérante a demandé une seconde prorogation du délai jusqu’au 15 octobre 2008.

13      Le 24 septembre 2008, la Commission a présenté ses observations sur le résultat des négociations entre les parties, indiquant que la requérante n’avait pas encore fourni tous les éléments que la Commission considérait comme nécessaires pour parvenir à un accord amiable. Dans ses observations, la Commission a ainsi détaillé les informations dont elle avait besoin avant de pouvoir parvenir à un tel accord.

14      Le 26 septembre 2008, le président a demandé à la requérante de confirmer si la seconde prorogation du délai pour le dépôt du résultat des négociations lui aurait permis de fournir à la Commission soit une proposition assurant une couverture à 100 % du montant de l’amende, soit des éléments de preuve de nature à démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles, en répondant aux objections que la Commission lui avait communiquées au cours des discussions informelles et qui étaient exposées dans sa lettre du 24 septembre 2008. Il était précisé que, dans la négative, le président constaterait que les parties n’avaient pas trouvé un accord amiable avant la date fixée et conclurait la procédure de référé sur la base des informations parvenues au greffe du Tribunal avant la date de l’audition et de celles obtenues pendant l’audition.

15      À la suite de la réponse affirmative par la requérante à la demande du président du 26 septembre 2008, parvenue au greffe du Tribunal le 30 septembre 2008, le président a prorogé le délai pour le dépôt du résultat des négociations au 15 octobre 2008.

16      Le 15 octobre 2008, les parties ont informé le président que les négociations entre elles n’avaient pas permis d’aboutir à un accord amiable.

 En droit

17      En vertu des articles 242 CE et 243 CE, combinés à l’article 225, paragraphe 1, CE, le Tribunal peut, s’il considère que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant lui ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

18      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires spécifient l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Par conséquent, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets avant même la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73, et la jurisprudence citée).

19      Une demande en référé doit être suffisamment claire et précise pour permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé (ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 34 ; du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52 ; du 25 juin 2003, Schmitt/AER, T‑175/03 R, RecFP p. I‑A‑175 et II‑883, point 18 ; du 23 mai 2005, Dimos Ano Liosion e.a./Commission, T‑85/05 R, Rec. p. II‑1721, point 37, et du 17 février 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05 R II, RecFP p. I‑A‑2‑11 et II‑A‑2‑47, point 23).

20      Ces exigences formelles imposent que l’absence de présentation suffisamment cohérente et compréhensible dans la demande en référé des éléments essentiels de fait et de droit fondant l’urgence, le fumus boni juris et faisant pencher la balance des intérêts en faveur du sursis à exécution sollicité ne saurait être corrigée par des mémoires postérieurs déposés spontanément par la requérante après l’audition.

21      Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu, comme il a d’ailleurs été indiqué aux parties dès l’audition ainsi que dans la communication du président du Tribunal du 26 septembre 2008, de tenir compte des mémoires déposés par les parties spontanément au greffe du Tribunal après l’audition, visant à présenter au président les résultats des négociations entre les parties et à formuler des offres de preuves supplémentaires.

22      En outre, dans le cadre de l’examen d’ensemble des conditions d’admission d’une demande en référé, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et ordonnance du président de la Cour du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

 Sur l’objet de la demande en référé

23      Il convient de relever que, dans sa demande, la requérante conclut à ce qu’il soit sursis à l’exécution de l’article 2 de la décision attaquée, en ce qui concerne l’obligation de payer l’amende infligée par la Commission, jusqu’à ce que le Tribunal statue sur le recours au principal, et à ce qu’elle soit dispensée de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat de l’amende.

24      Or, il est constant que, dans sa lettre de notification de la décision attaquée du 25 mars 2008, la Commission a précisé à la requérante que, au cas où elle introduirait un recours devant le Tribunal, il ne serait procédé à aucune mesure de recouvrement de l’amende tant que l’affaire serait pendante devant cette juridiction, dans la mesure où la créance produit des intérêts à partir de la date d’expiration du délai de paiement de l’amende et qu’une garantie bancaire, acceptable par la Commission et couvrant le montant de la dette principale ainsi que les intérêts et les majorations qui seraient dus, est constituée.

25      Il découle de ce qui précède que la demande de la requérante doit être comprise comme ayant pour seul objet une dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant de l’amende infligée par la décision attaquée.

 Sur le fond de la demande en référé

 Arguments des parties

26      La requérante considère que les conditions justifiant l’urgence sont remplies en l’espèce.

27      Elle soutient que, compte tenu de sa situation financière, laquelle serait très gravement compromise, d’une part, il lui est impossible de se procurer une garantie bancaire couvrant le montant de l’amende et, d’autre part, l’exécution immédiate de la décision attaquée risque, avec un degré de probabilité suffisant, d’entraîner sa faillite.

28      Le « pool bancaire » avec lequel la requérante est en relation depuis plusieurs années aurait refusé de lui fournir une garantie bancaire en faveur de la Commission pour couvrir le montant de l’amende. La requérante produit une lettre du 5 mai 2008 de la KBC Bank, rédigée au nom et pour le compte du chef de file du pool bancaire, à l’attention de M. Arthur Ziegler, en qualité d’administrateur délégué de la requérante, indiquant que « le pool bancaire a examiné [la] demande de crédit et a décidé de ne pas être prêt à octroyer un crédit supplémentaire de 9 200 000 euros ».

29      La requérante attribue ce refus à ses difficultés financières. Elle expose à cet égard que, confrontée depuis des années à un environnement hostile caractérisé par une âpre concurrence et une forte dépendance de ses coûts par rapport au prix des carburants, elle a enregistré de mauvais résultats en 2002 (perte de 8 481 446 euros) et en 2003 (perte de 19 622 171 euros).

30      Afin de redresser sa situation financière, les banquiers de la requérante lui auraient imposé une restructuration, en particulier de son capital, qui a été réduit en 2004 de 5 000 000 euros, par absorption partielle des pertes, et augmenté ensuite à concurrence de 4 500 000 euros par un apport en numéraire, que les actionnaires n’ont pu effectuer, selon la requérante, qu’au prix de la réalisation de biens ou d’actifs propres, réalisation qui s’est faite dans l’urgence et dans le cadre d’une décision de poursuite des activités.

31      Malgré les mesures prises par la requérante, ses activités resteraient aujourd’hui encore déficitaires. Selon elle, malgré une hausse de son chiffre d’affaires, la société présentait encore, à la fin de 2007, une perte reportée, avant affectation du résultat de l’exercice, de 12 726 224 euros.

32      Les difficultés financières de la requérante seraient, en outre, démontrées par le fait que, à la fin de l’année 2007, elle s’est vue dans l’impossibilité de payer ses impôts (960 000 euros) et qu’un plan de paiement a dû être négocié avec les autorités belges. Le fonds de roulement de la requérante serait négatif et la situation se serait aggravée en 2007. La règle prudentielle de l’équilibre financier ne serait donc plus respectée et la requérante devrait financer une partie de ses emplois à long terme à l’aide de ressources à court terme, ce qui, selon elle, lui fait courir un risque important d’insolvabilité.

33      La requérante explique que son ratio de liquidités négatif était de 0,78 en 2007 contre 0,87 un an plus tôt. Les actifs réalisables à court terme ne permettraient donc pas de couvrir les dettes à court terme, ce qui, selon la requérante, ne ferait que confirmer les problèmes de la trésorerie de la société.

34      Selon la requérante, il s’ensuit que la mise en oeuvre de l’article 2 de la décision attaquée, au même titre que l’exigence de fourniture à la Commission, comme condition du non-recouvrement de l’amende, d’une garantie bancaire couvrant le montant en principal de l’amende ainsi que les intérêts appliqués tout au long de la procédure au fond, occasionnera inévitablement la faillite de l’entreprise et, par conséquent, un préjudice grave, définitif et irréparable à la requérante. En particulier, celle-ci accuserait depuis plusieurs années des résultats négatifs reportés, et serait en situation d’épuisement des liquidités (cash drain). Avec des fonds propres s’élevant à 15 023 282 euros et des pertes reportées d’un montant de 14 291 871 euros, l’actif net de la société ne serait que de 1 812 274 euros, hors réévaluation immobilière, pour un capital de 13 500 000 euros.

35      En outre, selon la requérante, ses actionnaires, déjà sollicités pour une augmentation de capital intervenue le 26 août 2004 à concurrence d’un montant (4 500 000 euros) qui les avait déjà conduits à devoir réaliser dans la précipitation des biens personnels, ne seraient plus en mesure d’apporter leur concours.

36      Enfin, la requérante conteste l’allégation de la Commission relative à la nécessaire prise en considération du soutien que peuvent apporter les entreprises du groupe auquel elle appartient, en faisant valoir que même dans le cas où ses filiales seraient prises en compte, elle ne saurait être en mesure d’obtenir une garantie bancaire.

37      La Commission estime que la condition relative à l’urgence n’est pas remplie. Elle considère que, même si la situation financière de la requérante n’est pas brillante, elle n’est toutefois pas dans une situation de « faillite virtuelle ». Elle soutient que le fait que les banques ont insisté sur certaines restructurations de son capital est un signe que celles-ci croient encore en sa santé économique à l’avenir.

38      La Commission souligne, notamment, que le compte de résultat fait état d’une dotation de 4,6 millions d’euros aux provisions pour risques et charges exceptionnelles. Selon la Commission, si, comme la requérante l’a confirmé lors de l’audition, parmi les risques exceptionnels à couvrir par cette provision dotée d’un tel montant figure l’amende infligée par la Commission, la moitié de l’amende aurait déjà été couverte par cette dotation. En effet, il incomberait à la requérante d’utiliser les provisions quand cela est nécessaire.

39      En outre, la Commission considère qu’une demande de sursis à l’exécution de l’obligation de constituer une garantie bancaire doit être examinée en prenant en considération le soutien que peuvent apporter les entreprises du groupe auquel appartient la requérante. La mauvaise volonté des sociétés membres du groupe ne constituerait pas la preuve de l’impossibilité d’une telle assistance.

40      La Commission rappelle que les 25 filiales de la requérante, sociétés du groupe consolidé, forment ensemble l’entreprise dont le chiffre d’affaires a été pris en compte pour vérifier le plafonnement prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (considérants 87 et 605 de la décision attaquée). Selon la Commission, il en découle que c’est également cette entreprise qui doit être prise en compte pour l’évaluation de la capacité à fournir la garantie bancaire ou à effectuer un paiement provisoire. Quant aux actifs, certaines filiales auraient un actif net positif ou une solvabilité jugée positive par des rapports établis par une société d’expertise fournis en annexe aux observations de la Commission. Par conséquent, selon la Commission, les actifs du groupe contrôlé par la requérante sont suffisants pour obtenir une garantie bancaire ou un emprunt permettant le paiement provisoire de l’amende.

41      En outre, selon la Commission, la situation financière des autres sociétés du « réseau Ziegler » doit également être prise en compte dans l’examen de la situation financière de la requérante, les sociétés du réseau Ziegler devant être considérées comme faisant partie d’un groupe de sociétés – pas nécessairement un « groupe » au sens de sociétés contrôlées – qui partagent de forts intérêts économiques ou d’une association économique stable formée par la requérante et ses filiales. La Commission fait observer à cet égard que, sur son site Internet, la requérante se présente comme étant à la tête d’un groupe intégré.

42      Sur la base d’informations accessibles au public, la Commission estime que le réseau Ziegler s’étend à une centaine de sociétés, formant une « nébuleuse » autour de la famille des héritiers des fondateurs de la requérante, dans laquelle la requérante remplit un rôle dirigeant.

43      Selon la Commission, la présentation des difficultés financières du groupe de la requérante comporte d’importantes lacunes et omissions, tant en ce qui concerne le groupe contrôlé par elle que l’association plus large qu’elle dirige et dont elle fait partie, et ne peut donc être considérée comme fiable.

 Appréciation du juge des référés

44      Il ressort d’une jurisprudence constante que le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. C’est à cette dernière qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (voir ordonnance du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 187, et la jurisprudence citée).

45      Lorsque le préjudice dépend de la survenance de plusieurs facteurs, il suffit qu’il apparaisse comme prévisible avec un degré de probabilité suffisant [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67, et ordonnance du président du Tribunal du 16 janvier 2004, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03 R, Rec. p. II‑205, point 71 ; voir également, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 29 juin 1993, Allemagne/Conseil, C‑280/93 R, Rec. p. I‑3667, points 32 à 34]. Le requérant demeure cependant tenu de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel dommage grave et irréparable (ordonnances Arizona Chemical e.a./Commission, précitée, point 72, et HFB e.a./Commission, précitée, point 67). Un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi des mesures provisoires [voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 37, et du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 101].

46      Pour pouvoir apprécier si le préjudice qu’appréhende la partie requérante présente un caractère grave et irréparable, et justifie donc de suspendre, à titre exceptionnel, l’exécution de la décision attaquée, le juge des référés doit disposer de toutes les preuves nécessaires pour permettre d’apprécier avec le degré de probabilité requis les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées (ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 16 juillet 1999, Hortiplant/Commission, T‑143/99 R, Rec. p. II‑2451, point 18, et ordonnance du président du Tribunal du 18 octobre 2001, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01 R, Rec. p. II‑3107, point 32 ; voir également, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 22 janvier 1988, Top Hit Holzvertrieb/Commission, 378/87 R, Rec. p. 161, point 18, et ordonnance du président du Tribunal du 3 juillet 2000, Carotti/Cour des comptes, T‑163/00 R, RecFP p. I‑A‑133 et II‑607, point 8).

47      En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 25 ci-dessus, la demande de la requérante a, en fait, pour seul objet d’obtenir une dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant de l’amende infligée par la décision attaquée.

48      En vertu d’une jurisprudence constante, une telle demande ne peut être accueillie qu’en présence de circonstances exceptionnelles (ordonnances du président de la Cour du 6 mai 1982, AEG/Commission, 107/82 R, Rec. p. 1549, point 6, et du 7 mai 1982, Hasselblad/Commission, 86/82 R, Rec. p. 1555, point 3 ; ordonnances du président du Tribunal du 21 décembre 1994, Buchmann/Commission, T‑295/94 R, Rec. p. II-1265, point 23, Laakman/Commission, T‑301/94 R, Rec. p. II-1279, point 22 ; du 17 février 1995, Cascades/Commission, T‑308/94 R, Rec. p. II-265, point 43 ; du 11 août 1995, Tsimenta Chalkidos/Commission, T‑104/95 R, Rec. p. II-2235, point 19, et du 21 juillet 1999, DSR-Senator Lines GmbH/Commission, T‑191/98 R, Rec. p. II-2531, point 59 ; voir également, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 15 mars 1983, Ferriere di Roè Volciano/Commission, 234/82 R, Rec. p. 725, points 5 et 6, et du 24 septembre 1986, Montedipe/Commission, 213/86 R, Rec. p. 2623, point 22).

49      Il appartient à la requérante d’apporter tous les éléments de preuve nécessaires pour démontrer l’existence desdites circonstances exceptionnelles.

50      En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que, pour apprécier si une entreprise est en mesure de constituer une garantie bancaire, il convient de tenir compte du groupe d’entreprises dont elle fait partie (ordonnance Hasselblad/Commission, précitée, point 4) et, en particulier, des ressources dont dispose globalement ce groupe [ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C‑12/95 P, Rec. p. I‑467, point 12, et du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines /Commission, C‑64/99 P(R), Rec. p. I‑8733, point 49].

51      Une telle exigence tient, d’une part, à l’intérêt public qui s’attache à l’exécution des décisions de la Commission et à la sauvegarde des intérêts financiers de la Communauté et, d’autre part, aux avantages qui peuvent découler, pour ses actionnaires ou son groupe, des éventuels comportements anticoncurrentiels d’une société. Cette prise en considération de la situation du groupe auquel la requérante appartient n’implique aucunement que l’amende ou la responsabilité de l’infraction soit imputée à des tiers (voir ordonnance du 21 juillet 1999, DSR Senator Lines/Commission, précitée, point 64, et la jurisprudence citée, et ordonnance du président du Tribunal du 13 juillet 2006, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06 R, Rec. p. II‑2491, point 111).

52      Cette approche repose sur l’idée que les intérêts objectifs de l’entreprise concernée ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes, physiques ou morales, qui la contrôlent ou sont membres du même groupe, et que le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié au niveau du groupe que ces personnes composent. Cette confusion des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de l’entreprise concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent ou sont membres du même groupe portent à sa pérennité (ordonnance du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines /Commission, précitée, point 50).

53      Ce sont les mêmes motifs qui justifient que, dans une situation comparable, le préjudice d’une association d’entreprises soit apprécié en prenant en compte la situation financière de ses membres, lorsque les intérêts objectifs de l’association ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des entreprises qui y adhèrent (ordonnance du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines /Commission, précitée, point 51 ; voir également, en ce sens, ordonnance SCK et FNK/Commission, précitée, points 35 à 38].

54      Lesdits motifs justifient, en outre, que, dans une situation comparable, le préjudice d’une société soit apprécié en prenant en compte la situation financière du réseau d’entreprises auquel elle appartient, lorsqu’il ressort de la confusion des intérêts des sociétés membres du réseau que les intérêts économiques de la requérante ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des entreprises qui adhèrent au réseau.

55      En l’espèce, afin de déterminer si la requérante a apporté les éléments nécessaires en vue de démontrer à suffisance de droit la présence de circonstances exceptionnelles justifiant l’octroi du sursis à l’obligation de constituer une garantie bancaire, il y a lieu, préalablement à la détermination de la capacité contributive de la ou des personnes concernées, d’identifier les personnes physiques ou morales dont la situation économique doit être prise en considération. En effet, tandis que la requérante soutient, en substance, que seule doit être considérée sa propre situation financière, la Commission estime qu’il y a lieu de prendre également en compte les ressources des filiales de celle-ci, de ses actionnaires et, plus généralement, de l’ensemble des sociétés qui font partie du groupe ou du réseau d’entreprises, lesquelles formeraient une nébuleuse d’une centaine de sociétés étroitement liées et possédant des intérêts communs.

56      Il convient donc de vérifier si les intérêts économiques de la requérante présentent un caractère commun par rapport à ceux de tout ou partie des autres sociétés membres du réseau, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 50 et suivants ci-dessus et, dans l’affirmative, d’examiner si la requérante a fourni tous les éléments de preuve nécessaires pour démontrer que les membres du réseau à prendre en considération, individuellement ou conjointement, ne sont pas en mesure d’obtenir une garantie bancaire en faveur de la requérante.

57      Il convient de relever, à cet égard, en premier lieu, que, ainsi que l’a souligné la Commission et que l’a admis la requérante à l’audition, la requérante s’est bornée, dans sa demande en référé, hormis une vague allusion à deux sociétés holding suisses, à présenter sa propre situation et certaines données financières qui la concernent, mais n’a fourni aucune donnée consolidée et s’est même abstenue de mentionner l’existence de ses filiales directes en Belgique. Or, selon un rapport fourni par la requérante à la Commission dans le cadre de la détermination du montant de l’amende, la requérante détient 25 filiales en Belgique et réalise un chiffre d’affaires consolidé de 244,4 millions d’euros, alors que les informations fournies par la requérante dans le cadre de la présente procédure ne se rapportent qu’à son propre chiffre d’affaires s’élevant à 124,6 millions, soit la moitié seulement des activités du groupe au sens strict. La requérante n’a ainsi fourni aucune information quant au chiffre d’affaires, aux résultats ou à la valeur et à la capacité d’emprunt des filiales qu’elle reconnaît détenir en Belgique.

58      La requérante ne saurait valablement justifier cette abstention en arguant de ce que, en cas de faillite, le curateur chargé de la liquidation en vertu du droit belge devrait se contenter de réaliser ses actifs. En effet, il ne s’agit pas en l’espèce de déterminer les conséquences d’une éventuelle faillite de la requérante, mais d’apprécier la capacité de la requérante à constituer la garantie en cause, ce qui, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante rappelée aux points 50 et suivants ci-dessus, impose de tenir également compte du groupe de sociétés dont elle dépend directement ou indirectement.

59       Par ailleurs, il ressort de plusieurs documents figurant au dossier que non seulement la requérante et ses filiales belges doivent être considérées comme constituant un groupe de sociétés au sens de la jurisprudence rappelée aux points 50 et suivants ci-dessus, mais aussi qu’il existe une unité d’intérêts entre toutes les sociétés de ce groupe, que celles-ci sont dirigées de manière centralisée par la requérante et que les activités ou actifs des diverses sociétés du groupe sont utilisés pour servir de garantie commune ou réciproque. Ainsi, dans son contrat d’affacturage du 1er juin 2005 (annexe A 24), conclu et signé par la seule requérante, cette dernière fait le lien avec les activités et les volumes de facturation de ses filiales et estime le volume annuel total cédé pour ce qui la concerne à 142 millions d’euros et celui du groupe Ziegler pour la Belgique et le Luxembourg à 258 millions d’euros. De même, il ressort de l’accord de restructuration des crédits conclu en 2005 entre le pool bancaire et la requérante (accord de restructuration des crédits, annexe A 9) que les crédits accordés aux différentes sociétés du groupe Ziegler en Belgique sont garantis globalement et indistinctement par des actifs des différentes sociétés dudit groupe.

60      S’agissant, en deuxième lieu, des actionnaires de la requérante, il convient de rappeler que la requérante est, selon sa propre présentation, une entreprise familiale qui est la propriété de seize personnes physiques, tous héritiers des fondateurs de la société et liés à la famille Ziegler, et de deux sociétés holding suisses, liées également à la famille Ziegler. Il ressort en outre de nombreux documents du dossier que M. A. Ziegler dirige, représente et se porte fort pour l’ensemble des sociétés du groupe (voir, par exemple, le point 14 du contrat de restructuration de crédits, annexe A 9). En conséquence, conformément à la jurisprudence rappelée au point 50 ci-dessus, la requérante aurait dû fournir les renseignements démontrant l’incapacité des différents actionnaires la contrôlant, et à tout le moins celle de M. A. Ziegler, d’obtenir une garantie bancaire pour la requérante.

61      En troisième lieu, ainsi que l’a souligné la Commission, la requérante se présente comme une entreprise à la tête d’un groupe beaucoup plus large que celui composé par la requérante et ses 25 filiales belges, qu’elle qualifie de « réseau ». Selon le site Internet de la requérante :

« Avec plus de 4 280 collaborateurs, 200 points d’implantation, 900 000 m² d’entrepôts et un chiffre de facturation de 1,520 milliard d’euros en 2007, le groupe Ziegler compte parmi les leaders européens dans les métiers de l’organisation du transport multimodal (transport routier, aérien, maritime) et de la logistique. Outre le Benelux, le groupe Ziegler s’est développé en France, en Suisse, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Irlande ainsi qu’au Maroc. Mais au-delà de ses implantations, Ziegler vous ouvre le monde grâce à un réseau puissant d’agents exclusifs qui prolongent le savoir-faire Ziegler aux quatre coins du monde. L’alliance d’entreprises aux prestations cohérentes et complémentaires fait aujourd’hui la force du groupe Ziegler. Le groupe propose une offre globale couvrant l’intégralité de la chaîne logistique. Groupe européen à part entière, c’est à Bruxelles, capitale de l’Europe, que les décisions stratégiques sont prises en veillant à la cohésion de l’ensemble. Siège central : Rue Dieudonné Lefèvre 160, B‑1020 Bruxelles. Numéro de téléphone : (32-2) 422 22 99 ».

62      Il s’ensuit que la requérante, sur son propre site Internet, se présente comme un très grand groupe, fortement implanté en Europe (et au Maroc), entièrement dirigé à partir du siège de la requérante, et complété par un réseau d’agents exclusifs établis hors d’Europe. De manière plus générale, les termes utilisés par la requérante dans la présentation générale du groupe Ziegler, disponible sur son site Internet et annexée aux observations de la Commission, indiquent, à première vue, un fort niveau d’intégration dans le réseau et une association économique stable. Ainsi, dans la partie de la présentation qui traite de l’évolution chronologique du réseau, il est indiqué que, en 2000, le groupe Ziegler a pris le contrôle d’une société néerlandaise spécialisée dans la distribution nationale aux Pays-Bas. En outre, dans la même présentation, il est expliqué que les 4 280 employés du groupe Ziegler, travaillant dans huit pays et 200 succursales, partagent un but commun, à savoir l’optimisation des services logistiques. Par conséquent, toutes les activités des sociétés concernées en Europe sont présentées comme relevant des activités d’une association économique stable, dirigée par la requérante.

63      À cet égard, il y a lieu de souligner, tout d’abord, que l’argument présenté par la requérante, lors de l’audition, et visant à discréditer les informations présentées sur son propre site Internet – informations qui, par ailleurs, restent, à la date de cette ordonnance, publiées sur ledit site Internet – au motif qu’un site Internet ne pourrait avoir une valeur probante suffisante, ne peut, sans être étayé par d’autres éléments de preuve, conduire à priver de pertinence une présentation officielle par la requérante sur son site Internet, présentation destinée à inciter des clients potentiels à entrer dans une relation contractuelle avec la requérante.

64      Ensuite, comme cela a été constaté par la Commission dans ses observations, les sociétés du réseau Ziegler ont toutes un intérêt certain à préserver leur marque, ainsi que le réseau d’agences mutuelles.

65      Bien que la Commission n’ait pu établir tous les liens d’actionnariat entre les héritiers des fondateurs de la requérante et les sociétés du réseau Ziegler, elle soutient que l’association économique stable constituée par les sociétés du réseau Ziegler est renforcée par le fait que les dirigeants des différentes sociétés seraient souvent les mêmes personnes physiques, ainsi que par le fait que des personnes physiques identiques détiennent des parts dans les différentes sociétés du réseau et du groupe. En outre, la Commission a fait valoir qu’il ressort d’un rapport d’expertise que la société Ziegler GmbH serait entièrement détenue par MM. Robert Ziegler et A. Ziegler.

66      Lors de l’audition, la requérante a admis que, même si les sociétés du réseau ne sont pas ses filiales, il est possible de retrouver dans les conseils d’administration des différentes sociétés du réseau des membres de la famille Ziegler. Il convient d’observer à cet égard qu’un lien économique entre les sociétés d’un réseau, susceptible de donner lieu à la nécessité de tenir compte de la situation financière du réseau entier d’entreprises auquel une société appartient aux fins d’apprécier son préjudice, peut, dans certaines circonstances, exister même en l’absence de liens capitalistiques, par exemple, lorsque les intérêts économiques partagés sont particulièrement importants ou lorsque les mêmes personnes siègent dans les organes d’administration des différentes sociétés qui composent le réseau.

67      En réponse aux questions du président visant à déterminer le niveau d’intégration économique du réseau, et, en particulier, si les sociétés holding, actionnaires de la requérante, détenaient aussi des participations dans d’autres sociétés du réseau, et au vu des pièces annexées à la demande en référé dont il résulte que le chef de la direction (chief executive officer) de la requérante est également le chef de la direction de la holding suisse Silvamex, le conseil de la requérante s’est limité à indiquer qu’il était le conseil de la requérante, et non des deux sociétés holding actionnaires de la requérante, et que de ce fait il ne pouvait pas répondre à leur place. En outre, le conseil de la requérante a expliqué qu’il n’était pas en mesure de donner des informations sur l’identité des actionnaires des deux holdings concernées, du fait que ces deux sociétés étaient des sociétés de droit suisse, dont la transparence n’était pas totale. Il convient toutefois de relever que, dans la demande en référé, la requérante a expressément indiqué que les deux holdings actionnaires de la requérante étaient également liés à la famille Ziegler.

68      S’agissant de l’allégation de la requérante lors de l’audition selon laquelle, même s’il était démontré qu’il existait un lien entre les sociétés du réseau susceptible de donner lieu à la nécessité de tenir compte de la situation financière du réseau d’entreprises auquel la requérante appartient aux fins d’apprécier son préjudice, toutes les sociétés du réseau auraient les mêmes obligations à l’égard de leurs actionnaires, dont celle de ne pas fournir une assistance sous la forme de prêts ruineux, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante rappelée au point 44 ci-dessus, c’est la partie qui demande la suspension d’une décision de la Commission imposant une amende pour violation du droit de la concurrence et la dispense de l’obligation de fournir une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement de cette amende qui est tenue de fournir tous les éléments de preuve nécessaires pour démontrer que, en l’absence des mesures demandées, la requérante risque de subir un préjudice grave et irréparable. Dans le cas d’une demande de dispense de l’obligation de fournir une garantie bancaire, en outre, elle doit fournir tous les éléments de preuve nécessaires pour démontrer qu’elle ne peut pas compter sur l’assistance d’autres sociétés membres d’une association économique stable et liées par des intérêts économiques importants. En l’espèce, la requérante n’a pas démontré l’existence de l’obligation de non-assistance alléguée ci-dessus, pas plus que le fait qu’elle ne pouvait compter sur l’assistance d’autres sociétés membres du réseau.

69      En effet, la simple allégation de la requérante, soulevée lors de l’audition, qu’une assistance de la part des sociétés du réseau en vue d’obtenir une garantie bancaire serait interdite dans la plupart des pays dans lesquels les sociétés du réseau sont établies n’est pas suffisamment étayée par des éléments de preuve concrets concernant la réglementation ou la jurisprudence relative aux prêts ruineux. En particulier, la requérante n’a fourni aucun élément de preuve de nature à indiquer que l’assistance fournie à une entreprise du réseau par l’octroi d’une garantie bancaire ne pourrait être considérée par les différents systèmes juridiques comme une activité légitime dans l’intérêt même de la société en question. La requérante s’est limitée à mentionner l’existence d’une disposition du droit belge, l’article 492 du code pénal, qui sanctionne l’abus de biens sociaux et qui, selon la requérante, interdirait aux sociétés belges du réseau Ziegler d’obtenir une garantie bancaire en sa faveur. À cet égard, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas fourni d’éléments de preuve concrets concernant l’application de l’article 492 du code pénal en Belgique et n’a fourni aucun élément de preuve concernant le régime juridique applicable dans les autres pays dans lesquels sont établies les autres sociétés du réseau Ziegler.

70      Par ailleurs, et surtout, il convient de relever que le contrat de restructuration de crédits (annexe A 9, p. 403 à 435) se réfère non seulement au groupe Ziegler en Belgique, formé par la requérante et ses 24 filiales, mais également au « groupe Ziegler » lequel, ainsi qu’il est exposé à l’annexe 6 dudit contrat, comprend, en outre, 24 autres sociétés et leurs 40 filiales et sous-filiales, parmi lesquelles, notamment, Ziegler Schweitz AG, International Spedition Ziegler GmbH, Leman A/S (Danemark), Ziegler A/S Leman AB Sweden, Balspeed Holding Nederland BV, Ziegler Nederland BV, Balspeed Real Estate BV, Balspeed France SA, Ziegler France SA, Anglo Overseas Ltd (GB), Ziegler Maroc et Ziegler Luxembourg SA. Il convient de relever, en outre, que le point 13, sous b), dudit contrat prévoit que la requérante doit fournir des informations sur les sociétés du groupe Ziegler en Belgique et à l’étranger, tandis que le point 14 précise que MM. A. et R. Ziegler se portent forts pour les sociétés du groupe Ziegler en Belgique et à l’étranger qui n’ont pas signé le contrat elles-mêmes.

71      Au vu des considérations exposées ci-dessus, à propos du caractère lié des intérêts économiques des sociétés du réseau, ne pas considérer ces dernières pour apprécier la situation matérielle effective de la requérante compromettrait excessivement l’intérêt public, qui s’attache à l’exécution d’une décision et à la réalisation des objectifs poursuivis par la décision attaquée. Cet intérêt public ne saurait être remis en cause par la circonstance selon laquelle les sociétés membres du même réseau que l’entreprise destinataire d’une amende estiment qu’il est dans leur intérêt personnel de laisser cette entreprise entamer une procédure de faillite plutôt que de se substituer à elle pour constituer ou obtenir une garantie bancaire.

72      S’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle l’intérêt collectif du réseau doit être relativisé dans la mesure où, si la requérante tombait en faillite, les autres sociétés du réseau se tourneraient vers un autre partenaire, il suffit de relever que le critère applicable pour déterminer s’il y a lieu de considérer la situation financière des sociétés du réseau n’est pas de savoir si les sociétés du réseau risquent de subir un préjudice grave et irréparable dans l’hypothèse où la requérante tomberait en faillite, mais de savoir s’il est possible d’identifier, entre les sociétés du réseau, un lien économique fort, caractérisé par une confusion d’intérêts. En outre, il convient de relever que, dans la demande en référé, la requérante a expressément affirmé qu’il était acquis que si la requérante tombait en faillite, les autres sociétés du groupe ne tarderaient pas à suivre le même sort.

73      Ces raisons, qui justifient la prise en compte du réseau pour évaluer l’importance et le caractère réparable du dommage subi par la société qui sollicite les mesures provisoires, imposent également d’examiner si les sociétés qui appartiennent à son réseau ne sont pas empêchées de lui apporter leur soutien.

74      En l’absence d’éléments fournis par la requérante à cet égard, il n’est pas possible d’examiner en détail la situation financière des sociétés du réseau Ziegler, dont, selon les affirmations figurant sur le site Internet de la requérante, le chiffre d’affaires serait de près de 1 500 millions d’euros, ce qui représente un montant extrêmement important au regard de l’amende. De même, la Commission a fait valoir que selon des sondages et des rapports d’expertise, plusieurs sociétés membres du réseau étaient bénéficiaires. Selon la Commission, une valeur nette de plus de 10 millions d’euros et un volume de crédits mensuels de près de 4 millions d’euros peuvent être identifiés et, en tout cas, des actifs mobilisables existent dans le réseau Ziegler et parmi les sociétés holding actionnaires de la requérante. Force est de constater que ces conclusions n’ont pas été contestées de manière circonstanciée par la requérante.

75      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que la requérante n’a pas apporté d’éléments susceptibles de démontrer que les sociétés membres de son réseau n’étaient pas en mesure de l’assister aux fins de constituer la garantie exigée par la Commission. La situation des sociétés membres du réseau semble suffisamment saine pour conclure qu’elles seraient en mesure d’apporter un concours déterminant à la requérante. Dans ces circonstances, celle-ci n’a pas apporté la preuve de l’impossibilité de constituer la garantie bancaire exigée par la Commission.

76      Il s’ensuit que la condition relative à l’urgence n’est pas satisfaite.

77      À titre surabondant, il est opportun d’examiner les arguments de la Commission tirés de l’inscription d’une somme de 4,6 millions d’euros comme provisions pour risques et charges exceptionnelles au compte de résultat de la requérante. Lors de l’audition, en réponse à une question du président du Tribunal, la requérante a admis que cette inscription était, ainsi que l’avait supposé la Commission, effectivement destinée à couvrir l’amende, mais a fait valoir que cette réserve n’était pas disponible dans la mesure où elle ne correspondait qu’à une simple réévaluation comptable de l’actif et ne dégageait pas de trésorerie.

78      Cette thèse de la requérante ne saurait être acceptée. Une provision a précisément pour objet de permettre à une entreprise de faire face à un risque ou à une charge exceptionnelle dans l’hypothèse où celui-ci ou cette dernière se réalise. Il y a lieu de noter, en outre, que l’inscription de cette provision a eu pour effet de diminuer le bénéfice réalisé par la requérante du même montant, et donc de donner une image moins favorable de la situation de la requérante. En outre, l’inscription d’une provision ne saurait être considérée comme provenant de ou correspondant à une réévaluation de certains actifs, les deux opérations étant, du point de vue comptable, totalement indépendantes. Par ailleurs, une réévaluation de certains actifs, même si elle est sans effet sur la trésorerie, est susceptible, en principe, d’améliorer les possibilités de l’entreprise d’obtenir des crédits ou des garanties dès lors que ses actifs sont supérieurs. En tout état de cause, il convient de souligner que, alors qu’elle est tenue de soumettre tous les faits pertinents afin de démontrer l’urgence, la requérante n’a pas mentionné l’existence de cette provision dans sa demande en référé ni lors de ses contacts avec la Commission. Or, cette provision devrait, selon la Commission, permettre de payer la moitié de l’amende ou, à tout le moins, d’obtenir une garantie bancaire.

79      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens et arguments invoqués par la requérante pour justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 15 janvier 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.