Language of document : ECLI:EU:C:2009:96

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

17 février 2009 (*)

«Directive 2001/18/CE – Dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés – Lieu de la dissémination – Confidentialité»

Dans l’affaire C‑552/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 21 novembre 2007, parvenue à la Cour le 11 décembre 2007, dans la procédure

Commune de Sausheim

contre

Pierre Azelvandre,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. T. von Danwitz, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász et J. Malenovský, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 octobre 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour la commune de Sausheim, par Me D. Le Prado, avocat,

–        pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme A.-L. During, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes S. Papaioannou et V. Karra ainsi que par M. I. Chalkias, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. de Mol ainsi que par M. M. de Grave, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par MM. M. Dowgielewicz et B. Majczyna, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. C. Zadra et J.-B. Laignelot, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 décembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle, telle que formulée par la juridiction de renvoi, porte sur l’interprétation de l’article 19 de la directive 90/220/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (JO L 117, p. 15).

2        Le litige au principal a pour objet la contestation d’une décision administrative intervenue au cours de l’année 2004. En vertu de l’article 34, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220 (JO L 106, p. 1), les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 17 octobre 2002. En vertu de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2001/18, la directive 90/220 a été abrogée à partir de cette même date. Dans ces conditions, la demande de décision préjudicielle doit être examinée au regard des dispositions de la directive 2001/18.

3        Ladite demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la commune de Sausheim à M. Azelvandre au sujet du refus de communication à ce dernier de courriers préfectoraux et de fiches d’implantation afférents à des essais de dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés (ci-après les «OGM»).

 Le cadre juridique communautaire

4        L’article 1er de la directive 2001/18 dispose:

«Conformément au principe de précaution, la présente directive vise à rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres et à protéger la santé humaine et l’environnement:

–        lorsque l’on procède à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement à toute autre fin que la mise sur le marché à l’intérieur de la Communauté,

–        lorsque l’on place sur le marché à l’intérieur de la Communauté des organismes génétiquement modifiés en tant que produits ou éléments de produits.»

5        Selon l’article 2, point 3, de ladite directive, on entend par «dissémination volontaire» toute introduction intentionnelle dans l’environnement d’un OGM ou d’une combinaison d’OGM pour laquelle aucune mesure de confinement spécifique n’est prise pour limiter leur contact avec l’ensemble de la population et l’environnement et pour assurer à ces derniers un niveau élevé de sécurité.

6        L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la même directive définit les obligations générales des États membres en la matière comme suit:

«1.      Les États membres veillent, conformément au principe de précaution, à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’éviter les effets négatifs sur la santé humaine et l’environnement qui [pourraient] résulter de la dissémination volontaire ou de la mise sur le marché d’OGM. Les OGM ne peuvent être disséminés volontairement dans l’environnement ou mis sur le marché que selon les dispositions prévues respectivement dans la partie B ou C.

2.      Quiconque veut adresser une notification au titre de la partie B ou C doit procéder auparavant à une évaluation des risques pour l’environnement. Les informations pouvant être nécessaires pour procéder à cette évaluation sont décrites à l’annexe III. […]»

7        Quant à la «procédure standard d’autorisation», l’article 6, paragraphes 1 et 2, sous a), de la directive 2001/18 prévoit:

«1.      Sans préjudice de l’article 5, quiconque veut procéder à la dissémination volontaire d’un OGM ou d’une combinaison d’OGM doit adresser auparavant une notification à l’autorité compétente de l’État membre sur le territoire duquel la dissémination doit avoir lieu.

2.      La notification visée au paragraphe 1 comprend:

a)      un dossier technique contenant les informations indiquées à l’annexe III, qui sont nécessaires pour procéder à l’évaluation des risques pour l’environnement de la dissémination volontaire d’un OGM ou d’une combinaison d’OGM […]»

8        L’article 9 de ladite directive énonce:

«1.      Sans préjudice des articles 7 et 25, les États membres consultent le public en général et, le cas échéant, certains groupes sur la dissémination volontaire envisagée. Ce faisant, les États membres fixent les modalités de cette consultation, y compris un délai raisonnable, afin de donner au public ou à certains groupes la possibilité d’exprimer leur avis.

2.      Sans préjudice de l’article 25:

–        les États membres rendent accessibles au public des informations sur toutes les disséminations d’OGM visées dans la partie B qui sont effectuées sur leur territoire,

[…]»

9        En ce qui concerne la «procédure de notification», l’article 13, paragraphe 2, sous a), de la même directive dispose:

«La notification contient:

a)      les informations requises aux annexes III et IV. Ces informations tiennent compte de la diversité des sites d’utilisation des OGM en tant que produits ou éléments de produits et incluent les données et les résultats obtenus lors de disséminations effectuées au titre de la recherche et du développement sur les conséquences de la dissémination pour la santé humaine et l’environnement».

10      L’article 25 de ladite directive dispose:

«1.      La Commission et les autorités compétentes ne divulguent à des tiers aucune information confidentielle qui leur serait notifiée ou qui ferait l’objet d’un échange d’informations au titre de la présente directive et ils protègent les droits de propriété intellectuelle afférents aux données reçues.

2.      Le notifiant peut indiquer quelles sont les informations contenues dans les notifications effectuées en application de la présente directive dont la divulgation pourrait nuire à sa position concurrentielle et qui devraient donc être traitées de façon confidentielle. Dans de tels cas, une justification vérifiable doit être apportée.

3.      Après consultation avec le notifiant, l’autorité compétente décide quelles sont les informations qui resteront confidentielles et elle en informe le notifiant.

4.      En aucun cas, les informations suivantes, lorsqu’elles sont présentées conformément aux articles 6, 7, 8, 13, 17, 20 ou 23, ne peuvent rester confidentielles:

–        description générale du ou des OGM, nom et adresse du notifiant, but de la dissémination, lieu de la dissémination et utilisation prévues,

–        […]

–        évaluation des risques pour l’environnement.»

11      L’article 31 de la même directive, relatif à l’échange d’informations et à la présentation de rapports, prévoit à son paragraphe 3:

«Sans préjudice du paragraphe 2 et du point A 7 de l’annexe IV,

a)      les États membres établissent des registres publics où est enregistrée la localisation de la dissémination des OGM effectuée au titre de la partie B;

b)      les États membres établissent également des registres visant à enregistrer la localisation des OGM cultivés au titre de la partie C, notamment afin de permettre le suivi des effets éventuels de ces OGM sur l’environnement […] Sans préjudice […] lesdites localisations

–        sont notifiées aux autorités compétentes et

–        sont rendues publiques

de la manière jugée appropriée par les autorités compétentes et selon les dispositions nationales.»

12      L’annexe III de la directive 2001/18 comporte des précisions sur les informations qui doivent figurer dans les notifications visées dans les parties B et C de cette directive, à savoir les articles 5 à 24 de celle-ci.

13      La directive 90/313/CEE du Conseil, du 7 juin 1990, concernant la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement (JO L 158, p. 56) prévoit, à son article 3, paragraphe 2:

«Les États membres peuvent prendre des dispositions leur permettant d’opposer un refus à une demande d’information lorsque celle-ci a trait:

–        à la confidentialité des délibérations des autorités publiques, des relations internationales ou au secret de la défense nationale,

–        à la sécurité publique,

[…]

–        au secret commercial et industriel, y compris la propriété intellectuelle,

[…]

–        aux données dont la divulgation aurait plutôt pour effet de porter atteinte à l’environnement auquel elles se réfèrent.

[…]»

14      La directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313 (JO L 41, p. 26), qui, aux termes de son article 10, premier alinéa, devait être mise en œuvre au plus tard le 14 février 2005, prévoit à son article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), e) et h), que les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation desdites informations porterait atteinte, respectivement, à la sécurité publique ou à la défense nationale, à des droits de propriété intellectuelle ainsi qu’à la protection de l’environnement auquel se rapportent ces informations.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      Par lettre du 21 avril 2004, M. Azelvandre a demandé au maire de la commune de Sausheim de lui communiquer, pour chaque dissémination d’OGM ayant lieu sur le territoire de cette commune, l’avis au public, la fiche d’implantation, qui permet de localiser la parcelle complantée, et le courrier préfectoral accompagnant ces documents. Il a également demandé les fiches d’information pour toute nouvelle dissémination qui aurait lieu en 2004.

16      En l’absence de réponse à sa demande, M. Azelvandre a, par lettre du 1er juin 2004, saisi la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) d’une demande tendant à obtenir la communication des documents visés dans sa lettre du 21 avril 2004. Le 24 juin 2004, cette commission a rendu un avis favorable relatif à la communication de l’avis au public et de la première page du courrier préfectoral d’accompagnement. En revanche, elle s’est prononcée contre la communication de la fiche d’implantation parcellaire et de la carte de localisation des disséminations, au motif que cette communication porterait atteinte au secret de la vie privée et à la sécurité des exploitants concernés. Ladite commission a en outre déclaré irrecevable la demande tendant à la communication des fiches d’information relatives à toute nouvelle dissémination.

17      À la suite dudit avis, le maire de Sausheim a, les 24 mai et 4 août 2004, communiqué à M. Azelvandre les avis au public relatifs aux cinq disséminations d’OGM effectuées sur le territoire de cette commune et les courriers préfectoraux d’accompagnement relatifs à deux de ces avis.

18      Le 16 septembre 2004, M. Azelvandre a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d’une requête tendant, d’une part, à l’annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Sausheim avait rejeté sa demande tendant à obtenir la communication des courriers préfectoraux et des fiches d’implantation pour chaque dissémination d’OGM ayant eu lieu sur le territoire de cette commune et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint au maire de lui communiquer ces documents.

19      Par jugement du 10 mars 2005, le tribunal administratif de Strasbourg a, d’une part, annulé la décision implicite par laquelle le maire de Sausheim avait refusé de communiquer à M. Azelvandre les courriers préfectoraux afférents aux autres essais de dissémination d’OGM et les fiches d’implantation relatives à cinq essais, à l’exception des informations nominatives, et, d’autre part, enjoint au maire de ladite commune de procéder à la communication des documents susvisés à M. Azelvandre.

20      La commune de Sausheim a, le 30 mai 2005, saisi le Conseil d’État d’un pourvoi dirigé contre ledit jugement et tendant à l’annulation de celui-ci.

21      Le Conseil d’État éprouve des doutes en ce qui concerne l’interprétation des obligations d’information du public en matière de dissémination volontaire d’OGM, telles qu’elles résultent notamment de l’article 19 de la directive 90/220.

22      Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le ‘lieu où la dissémination des organismes génétiquement modifiés sera pratiquée’, qui ne peut, aux termes de l’article 19 de la directive […] 90/220 […], être tenu pour confidentiel, doit-il s’entendre de la parcelle cadastrée ou d’une zone géographique plus large correspondant ou bien à la commune sur le territoire de laquelle la dissémination intervient ou bien à une zone plus étendue encore (canton, département)?

2)      Dans l’hypothèse où le lieu devrait être entendu comme désignant la parcelle cadastrée, une réserve tenant à la protection de l’ordre public ou d’autres secrets protégés par la loi peut-elle être opposée à la communication des références cadastrales du lieu de la dissémination, sur le fondement de l’article [95 CE] ou de la directive 2003/4 […] ou d’un principe général du droit communautaire?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

 Observations présentées devant la Cour

23      La commune de Sausheim considère que le «lieu de la dissémination» au sens de l’article 25, paragraphe 4, premier tiret, de la directive 2001/18 doit s’entendre du territoire de la commune sur lequel les essais sont pratiqués.

24      Le gouvernement français estime que le lieu de la dissémination peut concerner une zone géographique plus large que la parcelle cadastrée, une telle zone pouvant être la commune ou le canton.

25      Selon le gouvernement hellénique, le lieu de la dissémination devrait être défini comme une parcelle enregistrée au cadastre et identifiée comme telle ou, en l’absence de cadastre, une parcelle déterminée et précisément localisée, dans le système d’identification national des parcelles, grâce au système d’informations géographiques.

26      Le gouvernement néerlandais soutient que la notion de lieu de la dissémination ne doit s’entendre de la parcelle cadastrée que dans certains cas. Afin de déterminer le contenu de cette notion, les autorités administratives et judiciaires des États membres disposeraient d’un certain pouvoir d’appréciation.

27      Le gouvernement polonais fait valoir que par lieu de la dissémination il faut entendre non pas la parcelle cadastrée, mais une zone géographique plus large, déterminée de telle sorte qu’elle garantisse un accès approprié du public à l’information sur les opérations de dissémination d’OGM dans l’environnement, tout en protégeant les intérêts économiques des opérateurs pratiquant de telles opérations.

28      La Commission des Communautés européennes observe que le lieu de la dissémination doit être déterminé en fonction des données qui sont présentées aux autorités nationales par la personne qui soumet la notification à celles-ci, au cas par cas, au titre des procédures prévues dans les parties B et C de la directive 2001/18.

 Réponse de la Cour

29      Afin de répondre à cette question, il y a lieu d’observer à titre liminaire que l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2001/18, qui prévoit qu’un certain nombre d’informations relatives aux disséminations volontaires d’OGM dans l’environnement ne peuvent rester confidentielles, s’insère dans un ensemble de règles relatives aux différentes procédures applicables à de telles disséminations. Ces règles s’inspirent des objectifs poursuivis par cette directive, tels qu’ils se trouvent explicités dans les cinquième, sixième, huitième et dixième considérants de celle-ci, à savoir la protection de la santé humaine, les principes de l’action préventive et de précaution ainsi que la transparence des mesures relatives à la préparation et à la mise en œuvre desdites disséminations.

30      S’agissant du dernier des objectifs susmentionnés, il convient de souligner que le régime de transparence établi par ladite directive se reflète notamment dans l’article 9, ainsi que dans les articles 25, paragraphe 4, et 31, paragraphe 3, de celle-ci. En effet, par ces dispositions, le législateur communautaire a cherché à établir non seulement des mécanismes de consultation du public en général et, le cas échéant, de certains groupes sur une dissémination volontaire d’OGM envisagée, mais aussi un droit d’accès du public aux informations relatives à une telle opération ainsi que la mise en place de registres publics dans lesquels doit figurer la localisation de chaque dissémination d’OGM.

31      Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 45 et 48 de ses conclusions, il résulte également desdites dispositions que les droits énoncés dans celles-ci se rapportent étroitement aux informations qui doivent être fournies dans le cadre de la procédure de notification devant être suivie pour chaque dissémination volontaire d’OGM à toute autre fin que leur mise sur le marché, conformément aux articles 5 à 8 de la directive 2001/18.

32      Il résulte du lien ainsi établi entre la procédure de notification et l’accès aux données relatives à l’opération de dissémination volontaire d’OGM envisagée que, sauf dérogation prévue par ladite directive, le public intéressé peut demander la communication de toute information transmise par le notifiant dans le cadre du processus d’autorisation relatif à une telle dissémination.

33      En ce qui concerne la nature de ces données, l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/18 prévoit que quiconque souhaite procéder à une dissémination volontaire d’OGM est tenu d’adresser une notification à l’autorité compétente de l’État membre sur le territoire duquel la dissémination doit avoir lieu, laquelle doit comprendre un dossier technique contenant les informations requises par l’annexe III de cette directive. En outre, conformément à l’article 13, paragraphe 2, sous a), de la même directive, lesdites informations doivent tenir compte de la diversité des sites d’utilisation des OGM.

34      C’est en tenant compte de l’ensemble de ces éléments que les États membres sont tenus, conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/18, de veiller à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’éviter des effets négatifs sur la santé humaine et l’environnement qui pourraient résulter d’une dissémination volontaire d’OGM et d’effectuer une évaluation appropriée des éventuels risques pour l’environnement découlant d’une telle opération.

35      Quant au degré de précision des données à fournir, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il est indiqué dans l’annexe III de la directive 2001/18, il varie en fonction des caractéristiques de la dissémination volontaire d’OGM envisagée. À cet égard, l’annexe III B de cette directive, concernant les projets de dissémination de plantes supérieures génétiquement modifiées, comporte des dispositions détaillées relatives aux informations devant être fournies par le notifiant.

36      Figurent notamment parmi les données qui doivent être mentionnées dans les dossiers techniques accompagnant les notifications, conformément aux prescriptions de l’annexe III B, E, de ladite directive, la localisation et l’étendue des sites de dissémination ainsi que la description de l’écosystème des sites de dissémination, y compris le climat, la flore et la faune, de même que la proximité des sites de biotopes officiellement reconnus ou de zones protégées susceptibles d’être affectées.

37      S’agissant de la dissémination des organismes génétiquement modifiés autres que les plantes supérieures, l’annexe III A, partie III, B, énonce, parmi les données qui doivent être mentionnées dans les dossiers techniques accompagnant les notifications, la situation géographique et les coordonnées du ou des sites de dissémination ainsi que la description des écosystèmes, cibles ou non, susceptibles d’être affectés.

38      Ainsi, les éléments relatifs à la situation géographique d’une dissémination volontaire d’OGM devant figurer dans la notification de celle-ci répondent à des exigences visant à déterminer les effets concrets d’une telle opération sur l’environnement. Les indications concernant le site d’une telle dissémination doivent donc être définies par rapport aux caractéristiques de chaque opération et de ses incidences éventuelles sur l’environnement, ainsi qu’il résulte des deux points précédents du présent arrêt.

39      Il convient, dès lors, de répondre à la première question que le «lieu de dissémination», au sens de l’article 25, paragraphe 4, premier tiret, de la directive 2001/18, est déterminé par toute information relative à la localisation de la dissémination soumise par le notifiant aux autorités compétentes de l’État membre sur le territoire duquel cette dissémination doit avoir lieu dans le cadre des procédures visées aux articles 6, 7, 8, 13, 17, 20 ou 23 de la même directive.

 Sur la seconde question

 Observations présentées devant la Cour

40      La commune de Sausheim considère que l’article 95 CE et la directive 2003/4 permettent aux autorités nationales de décider que l’information se rapportant à la localisation des essais relatifs à une dissémination volontaire d’OGM peut rester confidentielle pour des motifs tirés de la protection de l’ordre public et de la sécurité publique.

41      Le gouvernement français fait valoir que, dans l’hypothèse où la Cour considérerait que le lieu de la dissémination vise la parcelle cadastrée, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/4 devrait être interprété en ce sens qu’il permet aux autorités compétentes d’examiner au cas par cas si, indépendamment des intérêts du notifiant, des intérêts tenant notamment à la protection de la sécurité publique s’opposent à la divulgation des informations relatives audit lieu.

42      Selon le gouvernement hellénique, dans l’hypothèse où le «lieu de la dissémination» s’entendrait d’une parcelle cadastrée, une réserve tenant à la protection de l’ordre public ou à d’autres secrets protégés par la loi ne pourrait être opposée qu’à titre exceptionnel à la communication des références cadastrales du lieu de la dissémination, et ce à condition qu’elle soit non pas formulée de façon générale, mais au contraire motivée de manière suffisante.

43      Le gouvernement polonais soutient, au cas où la notion de lieu de la dissémination viserait la parcelle cadastrée, que la réserve tenant à la protection de l’ordre public peut être, en principe, opposée à la communication des références cadastrales sur le fondement de la directive 2003/4 et de l’article 95 CE.

44      La Commission relève que le droit communautaire ne prévoit aucune réserve d’ordre public ou d’autre nature pouvant être opposée à la règle énoncée à l’article 25, paragraphe 4, premier tiret, de la directive 2001/18.

 Réponse de la Cour

45      Afin de répondre à la seconde question posée par la juridiction de renvoi, il y a lieu de rappeler que l’article 25, paragraphes 1 à 3, de la directive 2001/18 instaure un régime qui définit avec précision la confidentialité dont peuvent bénéficier les différentes données qui sont communiquées dans le cadre des procédures de notification et d’échange d’informations prévues par la même directive.

46      Il ressort de ces dispositions que ne peuvent être divulguées les informations confidentielles notifiées à la Commission et à l’autorité compétente ou échangées au titre de ladite directive, ainsi que les informations susceptibles de nuire à une position concurrentielle, et que les droits de propriété intellectuels afférents auxdites données doivent être protégés. En outre, conformément aux paragraphes 2 et 3 dudit article 25, l’autorité compétente décide, après consultation du notifiant, quelles sont les informations qui doivent rester confidentielles au vu de la «justification vérifiable» apportée par ce dernier, lequel est informé de la décision prise à cet égard par ladite autorité.

47      Par l’ensemble de ces dispositions, la directive 2001/18 a donc établi une réglementation exhaustive relative au droit d’accès du public dans le domaine considéré et à l’existence d’éventuelles dérogations à ce droit.

48      Quant à l’information relative au lieu de la dissémination, il importe de souligner que, conformément à l’article 25, paragraphe 4, premier tiret, de ladite directive, elle ne saurait en aucun cas rester confidentielle.

49      Dans ces conditions, des considérations tenant à la sauvegarde de l’ordre public et à d’autres secrets protégés par la loi, telles qu’énoncées par la juridiction de renvoi dans sa seconde question, ne sauraient constituer des motifs susceptibles de restreindre l’accès aux données énumérées à l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2001/18, au nombre desquelles figure notamment celle relative au lieu de la dissémination.

50      En effet, la Cour a déjà jugé que la crainte de difficultés internes ne saurait justifier l’abstention par un État membre d’appliquer correctement le droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 9 décembre 1997, Commission/France, C-265/95, Rec. p. I‑6959, point 55). En particulier, s’agissant de la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement, la Cour a jugé, au point 72 de son arrêt du 9 décembre 2008, Commission/France (C‑121/07, non encore publié au Recueil), que, à supposer même que les troubles évoqués par la République française trouvent effectivement pour partie leur source dans la mise en œuvre de règles d’origine communautaire, un État membre ne saurait exciper de difficultés d’application apparues au stade de l’exécution d’un acte communautaire, y compris celles liées à la résistance de particuliers, pour justifier le non-respect des obligations et délais résultant des normes du droit communautaire.

51      Cette interprétation de la directive 2001/18 est étayée par l’exigence, figurant à l’article 25, paragraphe 4, troisième tiret, de celle-ci, selon laquelle les données concernant l’évaluation des risques pour l’environnement ne sauraient rester confidentielles. En effet, une telle évaluation n’est réalisable qu’au regard de la pleine connaissance de la dissémination envisagée, car, à défaut d’une telle indication, les éventuelles répercussions résultant d’une dissémination volontaire d’OGM pour la santé humaine et pour l’environnement ne sauraient être valablement appréciées (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2008, Commission/France, précité, points 75 et 77).

52      S’agissant des directives 90/313 et 2003/4, il convient d’ajouter que, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 56 de ses conclusions, un État membre ne saurait invoquer une disposition dérogatoire figurant dans ces directives pour refuser l’accès à des informations qui seraient dans le domaine public en application des dispositions des directives 90/220 et 2001/18.

53      Enfin, la juridiction de renvoi ayant évoqué l’article 95 CE, il suffit de relever que l’État membre concerné n’a pas fait usage de la faculté prévue par cet article.

54      Il résulte des considérations qui précèdent que les dispositions de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 90/313, ainsi que de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/4, selon lesquelles une demande d’informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations sollicitées serait susceptible de porter atteinte à certains intérêts, au nombre desquels figure la sécurité publique, ne sauraient être utilement opposées aux exigences de transparence résultant de l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2001/18.

55      Par conséquent, il y a lieu de répondre à la seconde question qu’une réserve tenant à la protection de l’ordre public ou à d’autres intérêts protégés par la loi ne saurait être opposée à la communication des informations énoncées à l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2001/18.

 Sur les dépens

56      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      Le «lieu de la dissémination», au sens de l’article 25, paragraphe 4, premier tiret, de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil, est déterminé par toute information relative à la localisation de la dissémination soumise par le notifiant aux autorités compétentes de l’État membre sur le territoire duquel cette dissémination doit avoir lieu dans le cadre des procédures visées aux articles 6 à 8, 13, 17, 20 ou 23 de la même directive.

2)      Une réserve tenant à la protection de l’ordre public ou à d’autres intérêts protégés par la loi ne saurait être opposée à la communication des informations énoncées à l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2001/18.

Signatures


* Langue de procédure: le français.