Language of document : ECLI:EU:T:2007:334

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

8 novembre 2007 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents relatifs à une procédure en manquement – Décision refusant l’accès – Protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel – Règlement (CE) n° 45/2001 – Notion de vie privée »

Dans l’affaire T‑194/04,

The Bavarian Lager Co. Ltd, établie à Clitheroe (Royaume-Uni), représentée initialement par MM. J. Pearson et C. Bright, puis par MM. J. Webber et M. Readings, solicitors,

partie requérante,

soutenue par

Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), représenté par M. H. Hijmans, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. C. Docksey et P. Aalto, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 18 mars 2004, rejetant une demande introduite par la requérante afin d’obtenir l’accès complet au procès-verbal d’une réunion tenue dans le cadre d’une procédure en manquement et une demande visant à faire constater que la Commission a erronément mis fin à la procédure introduite contre le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sur la base de l’article 169 du traité CE (devenu article 226 CE),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        En vertu de l’article 6 UE :

« 1.      L’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes qui sont communs aux États membres.

2.      L’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.

[…] »

2        Aux termes de l’article 255 CE :

« 1.      Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément aux paragraphes 2 et 3.

2.      Les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents sont fixés par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 [CE], dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam.

[…] »

3        Le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), définit les principes, les conditions et les limites du droit d’accès aux documents de ces institutions prévu à l’article 255 CE. Ce règlement est applicable depuis le 3 décembre 2001.

4        La décision 2001/937/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 5 décembre 2001, modifiant son règlement intérieur (JO L 345, p. 94), a abrogé la décision 94/90/CECA, CE, Euratom de la Commission, du 8 février 1994, relative à l’accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58), qui assurait la mise en œuvre, en ce qui concerne la Commission, du code de conduite concernant l’accès du public aux documents du Conseil et de la Commission (JO 1993, L 340, p. 41, ci-après le « code de conduite »).

5        Les considérants 4 et 11 du règlement n° 1049/2001 indiquent ce qui suit :

« (4)  Le présent règlement vise à conférer le plus large effet possible au droit d’accès du public aux documents et à en définir les principes généraux et limites conformément à l’article 255, paragraphe 2, [...] CE.

[…]

(11)  En principe, tous les documents des institutions devraient être accessibles au public. Toutefois, certains intérêts publics et privés devraient être garantis par le biais d’un régime d’exceptions. Il convient de permettre aux institutions de protéger leurs consultations et délibérations internes lorsque c’est nécessaire pour préserver leur capacité à remplir leurs missions. Lors de l’évaluation de la nécessité d’une exception, les institutions devraient tenir compte des principes consacrés par la législation communautaire en matière de protection des données personnelles dans tous les domaines d’activité de l’Union. »

6        Selon l’article 4 du règlement n° 1049/2001, relatif aux exceptions au droit d’accès :

« 1.      Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

[…]

b)       de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel.

2.       Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

[…]

–        des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

3.       L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[…]

6.      Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées […] »

7        L’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001 prévoit que « [l]e demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande ».

8        La directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281, p. 31), impose aux États membres d’assurer la protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel, afin d’assurer la libre circulation des données à caractère personnel dans la Communauté.

9        L’article 286 CE dispose que les actes communautaires relatifs à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données sont applicables aux institutions et organes communautaires.

10      Le règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), a été adopté sur la base de l’article 286 CE.

11      Selon le considérant 15 du règlement n° 45/2001 :

« […] L’accès aux documents, y compris les conditions d’accès aux documents contenant des données à caractère personnel, relève des réglementations adoptées sur la base de l’article 255 [...] CE dont le champ d’application s’étend aux titres V et VI du traité [UE]. »

12      Le règlement n° 45/2001 dispose :

« [...]

Article premier

Objet du règlement

1.      Les institutions et organes créés par les traités instituant les Communautés européennes ou sur la base de ces traités, ci-après dénommés ‘institutions et organes communautaires’, assurent, conformément au présent règlement, la protection des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel et ne restreignent ni n’interdisent la libre circulation des données à caractère personnel entre eux ou vers des destinataires relevant de la législation nationale des États membres adoptée en application de la directive 95/46 […]

2.      L’autorité de contrôle indépendante instituée par le présent règlement, ci-après dénommée ‘contrôleur européen de la protection des données’, contrôle l’application des dispositions du présent règlement à tous les traitements effectués par une institution ou un organe communautaire.

Article 2

Définitions

Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)       ‘données à caractère personnel’ : toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable [...] ; est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale ;

b)       ‘traitement de données à caractère personnel’ [...] : toute opération ou ensemble d’opérations effectuée(s) ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, [par] diffusion ou [par] toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction ;

c)       ‘fichier de données à caractère personnel’ [...] : tout ensemble structuré de données à caractère personnel accessibles selon des critères déterminés, que cet ensemble soit centralisé, décentralisé ou réparti de manière fonctionnelle ou géographique ;

[…]

Article 3

Champ d’application

1.      Le présent règlement s’applique au traitement de données à caractère personnel par toutes les institutions et tous les organes communautaires, dans la mesure où ce traitement est mis en œuvre pour l’exercice d’activités qui relèvent en tout ou en partie du champ d’application du droit communautaire.

2.      Le présent règlement s’applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu’au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier.

[...]

Article 4

Qualité des données

1.      Les données à caractère personnel doivent être :

a)       traitées loyalement et licitement ;

b)       collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités […] ;

[…]

Article 5

Licéité du traitement

Le traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué que si :

a)       le traitement est nécessaire à l’exécution d’une mission effectuée dans l’intérêt public sur la base des traités instituant les Communautés européennes ou d’autres actes législatifs adoptés sur la base de ces traités ou relevant de l’exercice légitime de l’autorité publique dont est investi l’institution ou l’organe communautaire ou le tiers auquel les données sont communiquées, ou

b)       le traitement est nécessaire au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis, ou

[…]

d)       la personne concernée a indubitablement donné son consentement […]

Article 8

Transferts de données à caractère personnel à des destinataires autres que les institutions et organes communautaires et relevant de la directive 95/46 [...]

Sans préjudice des articles 4, 5, 6 et 10, les données à caractère personnel ne sont transférées à des destinataires relevant de la législation nationale adoptée en application de la directive 95/46 [...] que si :

a)       le destinataire démontre que les données sont nécessaires à l’exécution d’une mission effectuée dans l’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique, ou

b)      le destinataire démontre la nécessité de leur transfert et s’il n’existe aucune raison de penser que ce transfert pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée.

[…]

Article 18

[D]roit d’opposition de la personne concernée

La personne concernée a le droit :

a)      de s’opposer à tout moment, pour des raisons impérieuses et légitimes tenant à sa situation particulière, à ce que des données la concernant fassent l’objet d’un traitement, sauf dans les cas relevant de l’article 5, [sous] b) [à] d). En cas d’opposition justifiée, le traitement en question ne peut plus porter sur ces données ;

[…] »

13      L’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (CEDH) dispose :

« 1.      Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.      Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et [des] libertés d’autrui. »

14      La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1, ci-après la « charte ») prévoit :

« Article 7

Respect de la vie privée et familiale

Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications.

Article 8

Protection des données à caractère personnel

1.      Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant.

2.      Ces données doivent être traitées loyalement, à des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi. Toute personne a le droit d’accéder aux données collectées la concernant et d’en obtenir la rectification.

3.      Le respect de ces règles est soumis au contrôle d’une autorité indépendante.

[…]

Article 42

Droit d’accès aux documents

Tout citoyen ou toute citoyenne de l’Union ou toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission.

[…] »

 Antécédents du litige

15      La requérante a été créée le 28 mai 1992 en vue d’importer de la bière allemande destinée aux débits de boissons du Royaume-Uni situés principalement dans le nord de l’Angleterre.

16      Toutefois, la requérante n’a pu vendre son produit, dans la mesure où un grand nombre d’exploitants de débits de boissons du Royaume-Uni étaient liés par des contrats d’achat exclusif qui les obligeaient à s’approvisionner en bière auprès de certaines brasseries.

17      En vertu du Supply of Beer (Tied Estate) Order 1989 SI 1989/2390 (règlement du Royaume-Uni relatif à la fourniture de bière), les brasseries britanniques détenant des droits dans plus de 2 000 pubs sont tenues d’accorder aux gérants de ces établissements la possibilité d’acheter une bière provenant d’une autre brasserie à la condition, selon l’article 7, paragraphe 2, sous a), dudit règlement, qu’elle soit conditionnée en baril et qu’elle ait une teneur en alcool excédant 1,2 % en volume. Cette disposition est communément dénommée la « Guest Beer Provision » (ci-après la « GBP »).

18      Or, la plupart des bières produites en dehors du Royaume-Uni ne peuvent être considérées comme des « bières conditionnées en baril », au sens de la GBP, et n’entrent donc pas dans le champ d’application de cette dernière.

19      Estimant que la GBP constitue une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative aux importations et, partant, incompatible avec l’article 30 du traité CE (devenu, après modification, article 28 CE), la requérante a déposé une plainte auprès de la Commission par lettre du 3 avril 1993, enregistrée sous la référence P/93/4490/UK.

20      À la suite de son enquête, la Commission a décidé, le 12 avril 1995, d’engager une procédure contre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vertu de l’article 169 du traité CE (devenu article 226 CE). Elle a informé la requérante, le 28 septembre 1995, de l’existence de cette enquête et de l’envoi au Royaume-Uni, le 15 septembre 1995, d’une lettre de mise en demeure. Le 26 juin 1996, la Commission a décidé d’adresser un avis motivé au Royaume-Uni et a, le 5 août 1996, publié un communiqué de presse annonçant cette décision.

21      Le 11 octobre 1996, une réunion a eu lieu (ci-après la « réunion du 11 octobre 1996 » ou la « réunion »), à laquelle ont participé des représentants de la direction générale (DG) « Marché intérieur et services financiers » de la Commission, du ministère du Commerce et de l’Industrie du Royaume-Uni et des représentants de la confédération des brasseurs du marché commun (ci-après la « CBMC »). La requérante avait demandé à participer à la réunion par lettre du 27 août 1996, mais la Commission avait refusé de faire droit à sa demande.

22      Le 15 mars 1997, le ministère du Commerce et de l’Industrie du Royaume-Uni a annoncé un projet de modification de la GBP au terme duquel une bière conditionnée en bouteille pourrait être revendue en tant que bière d’une provenance différente tout comme celle conditionnée en baril. Après que la Commission eut suspendu à deux reprises, le 19 mars 1997 et le 26 juin 1997, sa décision d’adresser un avis motivé au Royaume-Uni, le chef de l’unité 2 « Application des articles 30 à 36 du traité CE (notification, plaintes, infractions, etc.) et élimination des restrictions aux échanges » de la direction B « Libre circulation des marchandises et marchés publics » de la DG « Marché intérieur et services financiers » a, dans une lettre du 21 avril 1997, informé la requérante que, eu égard au projet de révision de la GBP, la procédure de l’article 169 du traité CE avait été suspendue et que l’avis motivé n’avait pas été notifié au gouvernement du Royaume-Uni. Il a indiqué que cette procédure serait close dès que la GBP modifiée entrerait en vigueur. La nouvelle version de la GBP est devenue applicable le 22 août 1997. Par conséquent, l’avis motivé n’a jamais été envoyé au Royaume-Uni et la Commission a finalement décidé, le 10 décembre 1997, de classer la procédure d’infraction.

23      La requérante a demandé au directeur général de la DG « Marché intérieur et services financiers », par télécopie transmise le 21 mars 1997, une copie de l’avis motivé, conformément au code de conduite. Cette demande a été refusée, de même que sa réitération.

24      Par lettre du 18 septembre 1997 (ci-après la « décision du 18 septembre 1997 »), le secrétaire général de la Commission a confirmé le rejet de la demande adressée au directeur général de la DG « Marché intérieur et services financiers ».

25      La requérante a introduit un recours, enregistré sous la référence T‑309/97, devant le Tribunal contre la décision du 18 septembre 1997. Par un arrêt du 14 octobre 1999, Bavarian Lager/Commission (T‑309/97, Rec. p. II‑3217), le Tribunal a rejeté ce recours en considérant que la préservation de l’objectif en cause, à savoir permettre à l’État membre de se conformer volontairement aux exigences du traité ou, le cas échéant, de lui donner l’occasion de justifier sa position, justifiait, au titre de la protection de l’intérêt public, le refus d’accès à un document préparatoire relatif à la phase d’enquête de la procédure de l’article 169 du traité CE.

26      Le 4 mai 1998, la requérante a adressé à la Commission une demande d’accès à tous les documents versés au dossier P/93/4490/UK par onze sociétés et organisations désignées et par trois catégories définies de personnes ou d’entreprises, en application du code de conduite. La Commission a rejeté la demande initiale au motif que le code de conduite ne s’appliquait qu’aux documents dont la Commission était l’auteur. La demande confirmative a été rejetée au motif que la Commission n’était pas l’auteur des documents en question et que toute demande devait être adressée à l’auteur.

27      Le 8 juillet 1998, la requérante a déposé une plainte, enregistrée sous la référence 713/98/IJH, auprès du Médiateur européen en précisant, par lettre du 2 février 1999, qu’elle entendait obtenir le nom des représentants de la CBMC qui avaient assisté à la réunion du 11 octobre 1996 et celui des sociétés et des personnes relevant des quatorze catégories identifiées par la requérante dans sa demande initiale d’accès aux documents contenant des commentaires transmis à la Commission dans le cadre du dossier P/93/4490/UK.

28      À la suite d’un échange de lettres entre le Médiateur et la Commission, cette dernière lui a indiqué en octobre et novembre 1999 que, sur les 45 lettres qu’elle avait adressées aux personnes concernées pour leur demander l’autorisation de divulguer leur identité à la requérante, elle avait reçu 20 réponses, dont 14 positives et 6 négatives. La Commission a transmis le nom et l’adresse des personnes qui avaient accepté la communication de leur nom. La requérante a indiqué au Médiateur que les informations communiquées par la Commission étaient toujours incomplètes.

29      Dans son projet de recommandation adressé à la Commission dans la plainte 713/98/IJH, du 17 mai 2000, le Médiateur a proposé que la Commission communique à la requérante le nom des représentants de la CBMC ayant assisté à la réunion du 11 octobre 1996 et celui des sociétés et des personnes relevant des quatorze catégories identifiées par la requérante dans sa demande initiale d’accès aux documents contenant des commentaires transmis à la Commission dans le cadre du dossier P/93/4490/UK.

30      Dans son avis motivé adressé au Médiateur le 3 juillet 2000, la Commission a maintenu que le consentement de la personne concernée demeurait nécessaire, mais a indiqué qu’elle serait en mesure de communiquer le nom des personnes qui n’avaient pas répondu à sa demande d’autorisation, car, en l’absence de réponse, l’intérêt et les droits et libertés fondamentaux des personnes concernées ne prévalaient pas. Elle a donc ajouté le nom de 25 autres personnes.

31      Le 23 novembre 2000, le Médiateur a remis son rapport spécial à l’attention du Parlement faisant suite au projet de recommandation adressé à la Commission dans la plainte 713/98/IJH (ci-après le « rapport spécial »), dans lequel il a conclu qu’il n’existait pas de droit fondamental s’opposant à la divulgation d’informations communiquées à une autorité administrative sous le sceau du secret et que la directive 95/46 n’exigeait pas que la Commission garde secrets le nom des personnes qui lui communiquaient des opinions ou des informations dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.

32      Le 30 septembre 2002, le Médiateur a adressé une lettre au président de la Commission, M. Prodi, indiquant :

« Le Médiateur craint que les règles sur la protection des données ne soient incorrectement interprétées en ce sens qu’elles impliquent l’existence d’un droit général de participer anonymement à des activités publiques. Une telle interprétation erronée risque de porter atteinte au principe de transparence et au droit d’accès du public aux documents, tant au niveau communautaire que dans les États membres où le principe de transparence et l’accès du public aux documents sont consacrés par des règles constitutionnelles nationales. »

33      Selon le communiqué de presse du Médiateur n° 23/2001, du 12 décembre 2001, le Parlement a adopté une résolution sur le rapport spécial demandant à la Commission de fournir les informations requises par la requérante.

34      Par courrier électronique du 5 décembre 2003, la requérante a demandé à la Commission l’accès aux documents mentionnés au point 27 ci-dessus sur le fondement du règlement n° 1049/2001.

35      La Commission a répondu à cette demande par lettre du 27 janvier 2004 en affirmant que certains documents concernant la réunion pourraient être divulgués, mais en attirant l’attention de la requérante sur le fait que cinq noms avaient été occultés dans le procès-verbal de la réunion du 11 octobre 1996, deux personnes s’étant expressément opposées à la divulgation de leur identité et la Commission n’ayant pu contacter les trois autres.

36      Par courrier électronique du 9 février 2004, la requérante a déposé une demande confirmative au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 en vue d’obtenir le procès-verbal complet de la réunion du 11 octobre 1996, comportant tous les noms des participants.

37      Par lettre du 18 mars 2004 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a rejeté la demande confirmative de la requérante. Elle a confirmé que le règlement n° 45/2001 s’appliquait à la demande de divulgation du nom des autres participants. La requérante n’ayant établi aucun objectif exprès et légitime ni la nécessité d’une telle divulgation, les exigences prévues à l’article 8 dudit règlement n’étaient pas satisfaites et l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 était applicable. La Commission a ajouté que, même si les règles en matière de protection des données à caractère personnel ne s’appliquaient pas, elle pouvait néanmoins refuser de divulguer les autres noms en vertu de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, pour ne pas compromettre sa capacité de mener des enquêtes.

 Procédure et conclusions des parties

38      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mai 2004, la requérante a introduit le présent recours.

39      Par ordonnance du 6 décembre 2004, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis la République de Finlande à intervenir au soutien des conclusions de la requérante. À la suite du désistement de la République de Finlande de son intervention, le président de la troisième chambre du Tribunal a, par ordonnance du 27 avril 2005, radié cette intervention.

40      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 février 2006, le contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la requérante. Par ordonnance du 6 juin 2006, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

41      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la requérante et la Commission ont été invitées à produire certains documents. Elles ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

42      Par ordonnance du 16 mai 2006, conformément à l’article 65, sous b), à l’article 66, paragraphe 1, et à l’article 67, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, celui-ci a enjoint à la Commission de produire le procès-verbal complet de la réunion du 11 octobre 1996, comportant tous les noms des participants, tout en prévoyant que ce document ne serait pas communiqué à la requérante dans le cadre de la présente procédure. Il a été satisfait à cette demande.

43      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 septembre 2006.

44      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que l’acceptation par la Commission de la modification apportée par le gouvernement britannique à la GBP est contraire à l’article 30 du traité CE (devenu article 28 CE) ;

–        déclarer que la Commission n’aurait pas dû accepter la modification susmentionnée et qu’elle a ainsi violé l’article 30 du traité CE ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner à la Commission de communiquer le nom de toutes les personnes qui ont assisté à la réunion ;

–        condamner la Commission aux dépens.

45      Lors de l’audience, le CEPD, en soutenant la demande d’accès aux documents de la requérante, a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal annuler la décision attaquée.

46      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les demandes relatives à la procédure en manquement comme étant irrecevables ;

–        rejeter la demande en annulation de la décision attaquée ;

–        rejeter la demande visant à ce qu’il lui soit ordonné de divulguer les noms des autres personnes participant à la réunion comme étant irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité de la demande visant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de communiquer le nom de toutes les personnes qui ont assisté à la réunion

47      Il ressort d’une jurisprudence constante que le Tribunal ne peut adresser une injonction aux institutions ou se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce. Cette limitation du contrôle de légalité s’applique dans tous les domaines contentieux que le Tribunal est susceptible de connaître, y compris celui de l’accès aux documents (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Mattila/Conseil et Commission, T‑204/99, Rec. p. II‑2265, point 26, confirmé par arrêt de la Cour du 22 janvier 2004, Mattila/Conseil et Commission, C‑353/01 P, Rec. p. I‑1073, point 15).

48      Dès lors, la requérante n’est pas recevable à demander au Tribunal d’ordonner à la Commission de lui communiquer le nom de toutes les personnes ayant assisté à la réunion du 11 octobre 1996.

 Sur le classement illégal de la procédure en manquement au titre de l’article 169 du traité CE

 Arguments des parties

49      La requérante fait valoir que la Commission a accepté de classer une procédure en manquement, en violation de l’article 30 du traité CE ou, à titre subsidiaire, de l’article 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE), dont la réunion du 11 octobre 1996 constituait un élément fondamental.

50      En effet, étant donné que la Commission aurait refusé la demande de la requérante d’assister à la réunion, qu’elle aurait, à tort, classé la procédure en manquement, que la GBP modifiée aurait continué à opérer une discrimination à l’encontre des bières provenant d’autres États membres que le Royaume-Uni et qu’elle se serait montrée extrêmement réticente à divulguer le nom des participants à la réunion, cette dernière aurait été utilisée comme un moyen pour le gouvernement du Royaume-Uni et les grandes sociétés productrices de bière du Royaume-Uni de persuader la Commission d’accepter un amendement destiné à empêcher des importateurs de bière tels que la requérante de vendre leurs produits sur une partie importante du marché britannique. Selon la requérante, cette concertation, tendant à obtenir un classement illégal de la procédure en manquement, a entraîné pour elle la perte d’une opportunité et, en conséquence, des pertes financières significatives. Dès lors, il y aurait eu violation de l’article 30 du traité CE.

51      La requérante fait valoir que la GBP modifiée est également contraire à l’article 6 du traité CE en ce qu’elle a pour effet d’établir une discrimination fondée sur la nationalité à l’encontre des bières produites dans d’autres États membres que le Royaume-Uni.

52      La Commission considère, en substance, que les demandes de la requérante visant à faire constater que son acceptation de la modification apportée par le gouvernement du Royaume-Uni à la GBP est contraire à l’article 30 du traité CE, qu’elle n’aurait pas dû l’accepter et qu’elle a ainsi violé l’article 30 du traité CE ne sont manifestement pas recevables.

 Appréciation du Tribunal

53      La requérante demande au Tribunal de déclarer que l’acceptation par la Commission de la modification apportée par le gouvernement britannique à la GBP est contraire aux articles 30 et 6 du traité CE. Cette demande doit être comprise dans le sens où la requérante invoque, en réalité, que c’est à tort que la Commission a classé sa plainte dénonçant des mesures du Royaume-Uni prétendument contraires au droit communautaire.

54      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’un particulier n’est pas recevable à demander l’annulation d’un refus de la Commission d’engager une procédure en manquement à l’encontre d’un État membre (ordonnance de la Cour du 12 juin 1992, Asia Motor France/Commission, C‑29/92, Rec. p. I‑3935, point 21 ; ordonnances du Tribunal du 15 mars 2004, Institouto N. Avgerinopoulou e.a./Commission, T‑139/02, Rec. p. I‑875, point 76, et du 19 septembre 2005, Aseprofar et Edifa/Commission, T‑247/04, Rec. p. II‑3449, point 40).

55      Il résulte, en effet, de l’article 169 du traité CE que la Commission n’est pas tenue d’engager une procédure en manquement, mais dispose, à cet égard, d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire excluant le droit pour les particuliers d’exiger de l’institution qu’elle prenne position dans un sens déterminé et d’introduire un recours en annulation contre son refus d’agir (ordonnances du Tribunal du 16 février 1998, Smanor e.a./Commission, T‑182/97, Rec. p. II‑271, point 27, et Institouto N. Avgerinopoulou e.a./Commission, précitée, point 77).

56      En l’espèce, la requérante n’est donc pas recevable à demander l’annulation du refus de la Commission d’engager une procédure en manquement à l’encontre du Royaume-Uni au motif que la GBP modifiée violerait les articles 6 et 30 du traité CE. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé elle-même ces articles en classant la procédure en question.

57      En tout état de cause, à supposer que la demande de la requérante ne vise pas à obtenir l’annulation de ce refus mais celle de la décision portant classement de sa plainte du 10 décembre 1997, il convient de rappeler que la décision par laquelle la Commission classe une plainte l’informant d’un comportement d’État susceptible de donner lieu à l’engagement d’une procédure en manquement n’a pas force obligatoire et n’est donc pas un acte attaquable (ordonnance Aseprofar et Edifa/Commission, précitée, point 48). Au surplus, le recours serait manifestement hors délai au regard de la date de cette décision.

58      Dans ces circonstances, les griefs de la requérante relatifs au classement de sa plainte sont irrecevables.

59      Par ailleurs, s’agissant du grief de la requérante selon lequel le classement illégal de la procédure en manquement a entraîné pour elle la perte d’une opportunité et des pertes financières significatives, il suffit de constater que la requérante n’a pas introduit de demande indemnitaire dans le cadre de son recours. Dès lors, il n’y a pas lieu de se prononcer à cet égard.

 Sur l’accès aux documents

 Arguments des parties

60      La requérante fait valoir que, conformément aux conclusions du rapport spécial du Médiateur, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 n’est pas applicable au cas d’espèce, car la directive 95/46 n’oblige pas la Commission à garder secret le nom des personnes qui lui communiquent des opinions ou des informations. La requérante se réfère, à cet égard, à la lettre du Médiateur adressée au président de la Commission le 30 septembre 2002, citée au point 32 ci-dessus, dans laquelle il reproche à la Commission de faire une application erronée de la directive 95/46.

61      En outre, l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 ne s’appliquerait pas non plus. En effet, la réunion ayant eu lieu en 1996, le processus décisionnel de la Commission ne pourrait être éventuellement affecté par la divulgation que dans une mesure tout au plus minime, sept années s’étant écoulées entre la tenue de cette réunion et la date d’introduction du recours. Cependant, même si cette disposition s’appliquait, la Commission ne pourrait l’invoquer au soutien de son refus de divulguer les informations demandées, car il existerait, en l’espèce, un intérêt public supérieur à cette divulgation. En effet, le Médiateur et le Parlement se seraient particulièrement intéressés, dans la présente affaire, au fait que des tiers influents auraient pu faire part de leur opinion à la Commission dans le plus grand secret, ce qui serait contraire au principe de transparence.

62      Dans son mémoire en réplique, la requérante fait valoir qu’il y a un élément nouveau dans le mémoire en défense, à savoir que les personnes dont la requérante a demandé la divulgation des noms étaient des représentants de la CBMC et qu’elles avaient agi conformément aux instructions de l’entité qu’elles représentaient. La requérante soutient que, dès lors que la Commission a révélé que ces personnes étaient des représentants de la CBMC, cette affirmation est à présent publique et la réputation de la Commission en matière de respect de la confidentialité ne serait pas compromise par la divulgation du nom de ces personnes.

63      La requérante rappelle que les associations professionnelles, telle que la CBMC, représentent habituellement tous les opérateurs d’un marché déterminé ou la majorité d’entre eux et ont donc tendance à exposer un point de vue au nom de l’ensemble des opérateurs d’un secteur. La réputation de la Commission ne pourrait être compromise que s’il s’avérait que, lors de la réunion du 11 octobre 1996, les représentants de la CBMC avaient représenté un groupe de brasseurs déterminé en vue de maintenir la fermeture du marché de la bière vendue dans des débits de boissons au Royaume-Uni. Selon la requérante, cette perte de confidentialité ne présente aucun risque lorsque les informations ont été communiquées par des employés d’une telle association professionnelle, à moins que celle-ci n’expose pas correctement le point de vue de tous ses membres.

64      La requérante conclut que l’article 2 du règlement n° 1049/2001 impose à la Commission de divulguer entièrement le nom des participants à la réunion ainsi que les observations transmises dans le cadre de la procédure en manquement, et qu’aucune des exceptions énoncées à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 n’est applicable en l’espèce.

65      Le CEPD fait valoir, au titre des arguments qu’il a présentés lors de l’audience, que la Commission a violé l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001. Il se réfère, à cet égard, à un document intitulé « Accès du public aux documents et protection des données » (Documents de référence, juillet 2005 n° 1, CEPD – Contrôleur européen de la protection des données), qui se trouve sur son site Internet.

66      Le CEPD souligne la nécessité d’établir un équilibre optimal entre la protection des données à caractère personnel, d’une part, et le droit fondamental du citoyen européen d’avoir accès aux documents des institutions, d’autre part. Or, le raisonnement de la Commission ne tiendrait pas correctement compte de cet équilibre, qui serait explicitement régi par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001. En effet, une demande d’accès à des documents se fonderait sur des principes démocratiques et il ne serait pas nécessaire de mentionner les raisons pour lesquelles les documents ont été demandés et, partant, l’application de l’article 8 du règlement n° 45/2001 ne serait pas pertinente en l’espèce. De même, le CEPD estime que les règles de protection des données ne permettent pas d’en déduire un droit général à participer, de façon anonyme, à des activités publiques.

67      Selon le CEPD, l’intérêt protégé à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 est la vie privée et non la protection des données à caractère personnel qui est un concept beaucoup plus large que celui de vie privée. Si le nom d’un participant, mentionné dans le procès-verbal d’une réunion, entre dans le champ des données à caractère personnel, puisque l’identité de cette personne serait révélée et que le concept de protection des données personnelles est applicable à ces données, qu’elles relèvent ou non de la vie privée, le CEPD rappelle que, dans le cadre des activités professionnelles, la divulgation d’un nom n’a pas, généralement, de lien avec la vie privée. Il en déduit que la Commission ne peut pas invoquer l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 pour refuser la divulgation du nom des personnes concernées.

68      Le CEPD conclut que, en tout état de cause, l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 doit être interprété en ce sens que le droit de refuser la divulgation n’est pas un droit absolu mais implique que la vie privée soit atteinte de façon importante ou considérable, ce qui doit être apprécié au regard des règles et des principes de la protection des données à caractère personnel. Il n’y aurait pas de droit général conféré à la personne concernée de s’opposer à la divulgation. La personne concernée qui s’oppose à la divulgation devrait avancer une raison plausible, expliquant pourquoi la divulgation pourrait lui être préjudiciable.

69      La Commission fait valoir que la demande d’annulation de la décision attaquée n’est pas fondée. Elle constate que, en l’espèce, il s’agit de l’interaction de deux droits, à savoir le droit d’accès du public aux documents et le droit à la protection de la vie privée et des données.

70      D’une part, le droit d’accès du public aux documents conformément au règlement n° 1049/2001 serait généralement sans restrictions et automatique et ne dépendrait pas de l’intérêt particulier d’une personne demandant l’accès à un document. La personne introduisant cette demande ne serait normalement pas obligée d’en donner les raisons.

71      D’autre part, les données à caractère personnel ne pourraient être divulguées loyalement et légitimement que sur le fondement des principes fondamentaux régissant le droit à la vie privée et des dispositions spécifiques applicables en matière de traitement des données à caractère personnel. La Commission se réfère à l’article 8 de la CEDH, à l’article 286 CE et aux articles 7 et 8 de la charte. Les dispositions du règlement n° 45/2001 prévoiraient que la personne demandant l’accès à des données à caractère personnel prouve que la divulgation de ces données est nécessaire et que la Commission soit assurée que cela ne porterait pas atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée.

72      La Commission note que la requérante ne présente pas d’arguments juridiques pour soutenir sa thèse selon laquelle l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 et ultérieurement par le règlement n° 45/2001 n’est pas applicable, mais se contente de se prévaloir du projet de recommandation du Médiateur et de la résolution du Parlement le soutenant. Or, la conclusion du Médiateur serait fondée sur une interprétation de la directive 95/46 et du code de conduite que la Cour aurait, depuis, désapprouvée (arrêt de la Cour du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125 ; arrêts du Tribunal du 7 décembre 1999, Interporc/Commission, T‑92/98, Rec. p. II‑3521, point 70, et du 16 octobre 2003, Co-Frutta/Commission, T‑47/01, Rec. p. II‑4441, points 63 et 64). De surcroît, la dernière demande d’accès ayant été introduite par la requérante après l’entrée en vigueur des règlements n° 1049/2001 et n° 45/2001, il conviendrait d’examiner le refus de la Commission de divulguer les informations demandées à la lumière de ces règles. En tout état de cause, il n’incomberait ni au Médiateur ni au Parlement de donner une interprétation conclusive de la loi.

73      La Commission fait valoir que la Cour a confirmé sa position en ce qui concerne la portée des règles de protection des données à caractère personnel. Celle-ci aurait constaté que les règles de protection des données à caractère personnel et, notamment, le principe de proportionnalité s’appliquaient en matière de publication du nom de personnes physiques même lorsqu’il s’agissait de salariés du secteur public et que le traitement était fait dans l’intérêt général (arrêt de la Cour du 20 mai 2003, Österreichischer Rundfunk e.a., C‑465/00, C‑138/01 et C‑139/01, Rec. p. I‑4989, point 64). Cette approche, s’agissant de la directive 95/46, aurait été ultérieurement confirmée par la Cour dans l’arrêt du 6 novembre 2003, Lindqvist (C‑101/01, Rec. p. I‑12971, point 24), selon lequel la notion de « données à caractère personnel » comprendrait assurément le nom d’une personne joint à ses coordonnées téléphoniques ou à des informations relatives à ses conditions de travail ou à ses passe-temps.

74      La Commission souligne que la méthode spécifique permettant de concilier le droit d’accès du public aux documents et le droit à la vie privée et à la protection de données est inscrite à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, qui doit être lu conjointement avec le considérant 11 dudit règlement, selon lequel « [l]ors de l’évaluation de la nécessité d’une exception, les institutions devraient tenir compte des principes consacrés par la législation communautaire en matière de protection des données personnelles dans tous les domaines d’activité de l’Union ». Cette exception ne devrait pas être mise en balance avec un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé, en vertu du règlement n° 1049/2001, mais exigerait spécifiquement des institutions communautaires qu’elles refusent l’accès à un document si sa communication devait compromettre la protection de la vie privée et celle des données à caractère personnel.

75      Le règlement n° 45/2001 n’empêcherait pas la divulgation ou tout autre traitement de données à caractère personnel par la Commission, mais fournirait le moyen de juger cas par cas si une institution peut licitement et loyalement procéder au traitement de données à caractère personnel, et si un tel traitement ne compromet pas la protection des données.

76      La Commission souligne que, si, dans un cas spécifique et conformément au règlement n° 45/2001, le traitement se fait licitement et loyalement, on ne peut pas invoquer l’exception au droit d’accès du public prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, et le document contenant des données à caractère personnel doit être divulgué. En revanche, si le traitement demandé était illicite et non loyal et si le demandeur ne pouvait justifier la nécessité d’une divulgation, la Commission ne serait pas tenue de divulguer ces données.

77      La Commission soutient que, les deux droits en question étant de même nature, de même importance et de même degré, ils doivent être mis en œuvre conjointement et un équilibre devrait être trouvé dans chaque cas particulier concernant une demande d’accès à un document public qui contient des données à caractère personnel.

78      La Commission se réfère à un rapport sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne et dans ses États membres, rédigé en 2002 par le réseau UE d’experts indépendants en matière de droits fondamentaux CFR‑CDF, selon lequel « tout en tenant compte de la possibilité de n’accorder qu’un accès partiel à certains documents, il s’imposera[it] à l’institution communautaire de ne pas accorder un droit d’accès aux documents lorsque l’intérêt du demandeur ne présente aucun rapport raisonnable de proportionnalité avec l’atteinte qui en résulte au droit de la personne concernée à la préservation de sa vie privée vis-à-vis du traitement de données personnelles ».

79      La nécessité d’une telle approche équilibrée aurait été mise en évidence par le groupe de travail sur la protection des données institué à l’article 29 de la directive 95/46, dans son avis 5/2001, du 17 mai 2001, sur le rapport spécial du Médiateur. Selon cet avis :

« Il convient de remarquer [...] que l’obligation de divulgation imposée par la législation concernant l’accès du public aux documents administratifs n’établit pas d’obligation absolue de transparence. Au contraire, la législation subordonne l’obligation de garantir l’accès aux documents au respect du droit à la vie privée et ne justifie donc pas une divulgation illimitée, sans restrictions, des données à caractère personnel. D’ailleurs, si l’on consulte à la fois la législation relative à l’accès du public et la législation concernant la protection des données, il apparaît qu’il faut réaliser une analyse des circonstances [...] cas par cas pour trouver le juste équilibre entre ces deux droits. En particulier, au terme de cette analyse, la législation sur l’accès du public aux documents peut prévoir des règles distinctes s’appliquant à différentes catégories de données ou à différents types de personnes concernées. »

80      La Commission rappelle que le règlement n° 1049/2001 ne prévoit pas l’obligation automatique et illimitée de divulguer des documents ou des parties de documents concernant des données à caractère personnel, mais que cette obligation n’existe que dans la mesure où elle ne va pas à l’encontre des règles applicables en matière de protection des données.

81      En l’espèce, la Commission aurait pris en compte toutes les circonstances de l’affaire. S’agissant des représentants des autorités britanniques et de la CBMC, la requérante aurait été amplement informée des intérêts et des entités représentées à la réunion. En qualité de représentants, les personnes présentes auraient agi conformément aux instructions des entités qu’elles représentaient, et ce en tant que représentants de ces dernières et non à titre personnel. La Commission souligne que les retombées des décisions prises lors de la réunion concernaient les entités représentées et non leurs représentants à titre personnel. Partant, ce serait l’information relative aux entités représentées qui constituerait l’information pertinente à soumettre à l’examen du public en application du principe de transparence, et le refus par la Commission de divulguer l’identité des personnes représentant ces intérêts ne devrait pas être considéré comme une atteinte aux droits de la requérante. La Commission aurait également tenu compte de la nécessité de ne pas compromettre sa capacité à effectuer des enquêtes et ses sources d’information.

82      En outre, la Commission fait valoir que la requérante n’a jamais satisfait à l’obligation de prouver la nécessité de transfert, prévue à l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001. En effet, la communication de l’identité des participants ne permettrait pas d’apporter des éclaircissements supplémentaires sur la décision de la Commission de clore la procédure en manquement. Puisque le procès-verbal aurait été divulgué, le public aurait été amplement informé des faits et des arguments sur le fondement desquels la Commission a pris sa décision. Dès lors, étant donné qu’aucune raison spécifique et valable n’aurait été fournie pour prouver la nécessité de divulguer des données à caractère personnel à des tiers, la Commission aurait été tenue de refuser une telle divulgation.

83      Selon la Commission, contrairement à ce que fait valoir la requérante dans son mémoire en réplique, le fait que les noms du personnel de la CBMC soient publics ne voudrait pas dire qu’il devrait en être de même pour l’identité des personnes ayant participé à la réunion. La Commission souligne qu’il ne s’ensuit pas que le nom de certains représentants d’une association professionnelle ayant représenté cette dernière lors d’une réunion puisse être nécessairement déduit de la publication de l’identité de tout son personnel. En effet, si tel était le cas, la requérante n’aurait aucune raison de demander que lui soient communiqués ces noms. De plus, la requérante n’aurait pas suggéré que les représentants de la CBMC n’eussent pas défendu les points de vue de l’association lors de la réunion. La requérante ne démontrerait pas en quoi la divulgation de l’identité des personnes concernées fournirait des informations plus pertinentes que celles incluses dans le procès-verbal de la réunion et dans les autres documents distribués.

84      En ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs à la prétendue application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, la Commission souligne qu’elle n’a pas fondé son refus de divulguer les noms sur cette exception, mais sur celle prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, dudit règlement.

85      La requérante aurait été informée que, même si les règles en matière de protection des données ne s’appliquaient pas à la demande, la Commission aurait été en droit de refuser de divulguer contre leur volonté le nom de cinq personnes afin de ne pas compromettre sa capacité à enquêter sur des infractions présumées à la législation communautaire. La réunion du 11 octobre 1996 aurait eu lieu dans le cadre d’une telle enquête. Si le nom de personnes ayant fourni des informations à la Commission pouvait être divulgué contre leur gré, la Commission pourrait se voir privée d’une source précieuse d’information, ce qui pourrait compromettre sa capacité à mener de telles enquêtes.

86      En outre, la Commission rappelle que, dans le cadre des plaintes et des procédures en manquement, les plaignants ont la possibilité de choisir un traitement « confidentiel » ou « non confidentiel ». Aucune raison valable ne permettrait de refuser à d’autres parties concernées par la procédure en manquement la possibilité de bénéficier du même droit.

87      Par conséquent, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 aurait imposé que ne soient pas transmis à la requérante les cinq noms restant anonymes.

88      Enfin, la Commission soutient que la requérante n’a pas apporté la preuve d’un « intérêt public supérieur à la divulgation » de ces noms, qui permettrait de s’opposer à l’application de cette exception.

89      En l’espèce, la divulgation du nom des autres personnes, contre leur volonté et contrairement à leur attente en ce qui concerne la confidentialité lorsqu’elles ont collaboré à l’enquête sur l’infraction présumée, compromettrait la protection de toutes les enquêtes. Partant, l’intérêt public manifeste exigerait que la confidentialité des enquêtes soit plutôt préservée que compromise.

 Appréciation du Tribunal

 Remarques liminaires

90      Il convient de relever, à titre liminaire, que la demande d’accès de la requérante au document complet ainsi que sa requête se fondent sur le règlement n° 1049/2001.

91      Ensuite, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que le règlement n° 45/2001 s’appliquait à la demande de divulgation du nom des participants à la réunion du 11 octobre 1996. La Commission a considéré que, étant donné que la requérante n’avait établi ni un objectif exprès et légitime ni la nécessité d’une telle divulgation, les exigences prévues à l’article 8 dudit règlement n’étaient pas satisfaites et l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 était applicable. Elle a ajouté que, même si les règles adoptées en matière de protection des données à caractère personnel ne s’appliquaient pas, elle aurait dû néanmoins refuser de divulguer les autres noms en vertu de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, pour ne pas compromettre sa capacité de mener des enquêtes.

92      À cet égard, il importe de rappeler que, selon l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, le demandeur d’accès n’est pas tenu de justifier sa demande et n’a donc pas à démontrer un quelconque intérêt pour avoir accès aux documents demandés (voir arrêt du Tribunal du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, Rec. p. II-2023, point 82, et la jurisprudence citée).

93      Il y a lieu de rappeler également que l’accès aux documents des institutions constitue le principe et qu’une décision de refus n’est valable que si elle se fonde sur l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001.

94      Conformément à une jurisprudence constante, ces exceptions doivent être interprétées et appliquées de façon restrictive, afin de ne pas tenir en échec l’application du principe général consacré dans ce règlement (arrêt de la Cour du 11 janvier 2000, Pays-Bas et van der Wal/Commission, C‑174/98 P et C‑189/98 P, Rec. p. I‑1, point 27 ; arrêts du Tribunal du 7 février 2002, Kuijer/Conseil, T‑211/00, Rec. p. II‑485, point 55, et Franchet et Byk/Commission, précité, point 84).

95      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner l’application que la Commission a faite des exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

 Sur l’exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001

–       Observations liminaires relatives à l’articulation entre les règlements n° 1049/2001 et n° 45/2001

96      Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel.

97      À cet égard, il y a lieu de relever que, bien que la requérante se réfère, dans sa requête, seulement à la directive 95/46 et non au règlement n° 45/2001, son recours doit être compris comme visant ledit règlement, car la décision attaquée est fondée, partiellement, sur ce règlement. Lors de l’audience, la requérante s’est d’ailleurs correctement référée audit règlement.

98      À titre liminaire, il convient d’examiner la relation existant entre les règlements n° 1049/2001 et n° 45/2001 en vue de l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 au cas d’espèce. À cette fin, il faut garder à l’esprit qu’ils ont des objectifs différents. Le premier vise à assurer la plus grande transparence possible du processus décisionnel des autorités publiques, ainsi que des informations qui fondent leurs décisions. Il vise donc à faciliter au maximum l’exercice du droit d’accès aux documents, ainsi qu’à promouvoir de bonnes pratiques administratives. Le second vise à assurer la protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, lors du traitement de données à caractère personnel.

99      Le considérant 15 du règlement n° 45/2001 indique que l’accès aux documents, y compris les conditions d’accès aux documents contenant des données à caractère personnel, relève des réglementations adoptées sur la base de l’article 255 CE.

100    Dès lors, l’accès aux documents contenant des données à caractère personnel relève de l’application du règlement n° 1049/2001, selon lequel, en principe, tous les documents des institutions devraient être accessibles au public. Il prévoit également que certains intérêts publics et privés doivent être protégés par le biais d’un régime d’exceptions.

101    Ainsi, ce règlement prévoit une exception, rappelée ci-dessus, concernant les cas où la divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel, tel que le règlement n° 45/2001.

102    De plus, selon le considérant 11 du règlement n° 1049/2001, lors de l’évaluation de la nécessité d’une exception, les institutions devraient tenir compte des principes consacrés par la législation communautaire en matière de protection des données à caractère personnel dans tous les domaines d’activité de l’Union, donc aussi des principes consacrés dans le règlement n° 45/2001.

103    À cet égard, il y a lieu de rappeler les dispositions les plus pertinentes du règlement n° 45/2001.

104    En vertu de l’article 2, sous a), du règlement n° 45/2001, les « données à caractère personnel » contiennent toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable. Est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale. Dès lors, peuvent être considérées comme des données à caractère personnel, par exemple le nom et les prénoms, l’adresse postale, l’adresse de courrier électronique, le numéro de compte bancaire, les numéros de cartes de crédit, le numéro de sécurité sociale, celui de téléphone ou encore celui du permis de conduire.

105    En outre, en vertu de l’article 2, sous b), du règlement n° 45/2001, le « traitement des données à caractère personnel » comprend toute opération ou ensemble d’opérations effectuée(s) ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction. Dès lors, la communication de données, par transmission, par diffusion ou par toute autre forme de mise à disposition, entre dans la définition du « traitement » et, ainsi, ce règlement prévoit lui-même, indépendamment du règlement n° 1049/2001, la possibilité de rendre publiques certaines données à caractère personnel.

106    Par ailleurs, il faut que le traitement soit licite en vertu de l’article 5, sous a) ou b), du règlement n° 45/2001, selon lequel le traitement doit être nécessaire à l’exécution d’une mission effectuée dans l’intérêt public ou au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis. Il convient de relever que le droit d’accès aux documents des institutions reconnu aux citoyens de l’Union européenne et à toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre, prévu à l’article 2 du règlement n° 1049/2001, constitue une obligation légale au sens de l’article 5, sous b), du règlement n° 45/2001. Dès lors, si le règlement n° 1049/2001 impose la communication des données, laquelle constitue un « traitement » au sens de l’article 2, sous b), du règlement n° 45/2001, l’article 5 de ce même règlement rend cette communication licite à cet égard.

107    S’agissant de l’obligation de prouver la nécessité de transfert, prévue à l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001, il y a lieu de rappeler que l’accès aux documents contenant des données à caractère personnel relève de l’application du règlement n° 1049/2001 et que, selon l’article 6, paragraphe 1, de celui-ci, le demandeur d’accès n’est pas tenu de justifier sa demande et n’a donc pas à démontrer un quelconque intérêt pour avoir accès aux documents demandés (voir point 92 ci-dessus). Dès lors, dans le cas où des données à caractère personnel sont transférées pour donner effet à l’article 2 du règlement n° 1049/2001, prévoyant le droit d’accès aux documents de tous les citoyens de l’Union, la situation relève de l’application de ce règlement et, ainsi, le demandeur n’a pas besoin de prouver le caractère nécessaire de la divulgation au sens de l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001. En effet, si on exigeait que le demandeur démontre le caractère nécessaire du transfert, en tant que condition supplémentaire imposée dans le règlement n° 45/2001, cette exigence serait contraire à l’objectif du règlement n° 1049/2001, à savoir l’accès aussi large que possible du public aux documents détenus par les institutions.

108    En outre, étant donné que l’accès à un document est refusé, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, un transfert qui ne tombe pas sous cette exception ne saurait, en principe, porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée, au sens de l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001.

109    En ce qui concerne le droit d’opposition de la personne concernée, l’article 18 du règlement n° 45/2001 prévoit que celle-ci a le droit de s’opposer à tout moment, pour des raisons impérieuses et légitimes tenant à sa situation particulière, à ce que des données la concernant fassent l’objet d’un traitement, sauf dans les cas relevant, notamment, de l’article 5, sous b), dudit règlement. Dès lors, étant donné que le traitement visé dans le règlement n° 1049/2001 constitue une obligation légale au sens de l’article 5, sous b), du règlement n° 45/2001, la personne concernée ne jouit pas, en principe, d’un droit d’opposition. Cependant, étant donné que l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 prévoit une exception à cette obligation légale, il faut prendre en compte, sur ce fondement, l’incidence de la divulgation de données relatives à la personne concernée.

110    À cet égard, il y a lieu de relever que, si la communication de ces données ne porte pas atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de la personne concernée, comme l’exige l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, le refus de la personne concernée ne saurait empêcher cette communication.

111    Par ailleurs, il convient de rappeler que les dispositions du règlement n° 45/2001, en ce qu’elles régissent le traitement des données à caractère personnel susceptibles de porter atteinte aux libertés fondamentales et, en particulier, au droit à la vie privée, doivent nécessairement être interprétées à la lumière des droits fondamentaux qui, selon une jurisprudence constante, font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour et le Tribunal assurent le respect (voir, par analogie, en ce qui concerne la directive 95/46, arrêt Österreichischer Rundfunk e.a., précité, point 68).

112    Ces principes ont été expressément repris à l’article 6, paragraphe 2, UE, aux termes duquel l’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.

113    À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 8 de la CEDH, tout en énonçant, au paragraphe 1, le principe de non-ingérence des autorités publiques dans l’exercice du droit à la vie privée, admet, au paragraphe 2, qu’une telle ingérence est possible pour autant qu’elle « est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et [des] libertés d’autrui ».

114    Il convient également de relever que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la « vie privée » est une notion large, qui ne se prête pas à une définition exhaustive. L’article 8 de la CEDH protège également le droit à l’identité et au développement personnel ainsi que le droit pour tout individu de nouer et de développer des relations avec ses semblables et avec le monde extérieur. Aucune raison de principe ne permet d’exclure les activités professionnelles ou commerciales de la notion de « vie privée » (voir Cour eur. D. H., arrêts Niemitz c. Allemagne du 16 décembre 1992, série A n° 251‑B, § 29 ; Amann c. Suisse du 16 février 2000, Recueil des arrêts et décisions, 2000‑II, § 65, et Rotaru c. Roumanie du 4 mai 2000, Recueil des arrêts et décisions, 2000‑V, § 43). Il existe donc une zone d’interaction entre l’individu et autrui qui, même dans un contexte public, peut relever de la « vie privée » (voir Cour eur. D. H., arrêt Peck c. Royaume-Uni du 28 janvier 2003, Recueil des arrêts et décisions, 2003‑I, § 57, et la jurisprudence citée).

115    Pour caractériser l’existence d’une violation de l’article 8 de la CEDH, il y a lieu de déterminer, premièrement, s’il existe une ingérence dans la vie privée de la personne concernée et, deuxièmement, si tel est le cas, si cette ingérence est justifiée. Pour être justifiée, elle doit être prévue par la loi, poursuivre un but légitime et présenter un caractère de nécessité dans une société démocratique. Concernant cette dernière condition, aux fins de déterminer si une divulgation est « nécessaire dans une société démocratique », il convient d’examiner si les motifs invoqués pour la justifier sont « pertinents et suffisants », et si les mesures adoptées sont proportionnées aux buts légitimes poursuivis. Dans les affaires relatives à la divulgation de données à caractère personnel, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu qu’il convenait d’accorder aux autorités compétentes une certaine latitude pour établir un juste équilibre entre les intérêts publics et privés qui se trouvaient en concurrence. Cependant, cette marge d’appréciation va de pair avec un contrôle juridictionnel et son ampleur est fonction de facteurs tels que la nature et l’importance des intérêts en jeu ainsi que la gravité de l’ingérence (voir arrêt Peck c. Royaume-Uni, précité, notamment § 76 et 77 ; voir, également, conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt de la Cour du 30 mai 2006, Parlement/Conseil et Commission, C‑317/04 et C‑318/04, Rec. p. I‑4721, I‑4724, points 226 à 228).

116    Il convient de constater que toute décision prise en application du règlement n° 1049/2001 doit respecter l’article 8 de la CEDH, conformément à l’article 6, paragraphe 2, UE. À cet égard, il y a lieu de rappeler que le règlement n° 1049/2001 fixe les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice du droit d’accès aux documents, conformément à l’article 255, paragraphe 2, CE. Partant, l’article 4, paragraphe 1, sous b), de ce règlement prévoit une exception visant à garantir la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu.

117    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les exceptions au principe d’accès aux documents doivent être interprétées de façon restrictive. L’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 ne concerne que les données à caractère personnel susceptibles de porter concrètement et effectivement atteinte au respect de la vie privée et à l’intégrité de l’individu.

118    Il y a également lieu de souligner que le fait que la notion de « vie privée » soit large, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et que le droit à la protection des données à caractère personnel puisse constituer l’un des aspects du droit au respect de la vie privée (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt Parlement/Conseil et Commission, précitées, point 209), ne signifie pas que toutes les données à caractère personnel entrent nécessairement dans la notion de « vie privée ».

119    A fortiori, toutes les données à caractère personnel ne sont pas susceptibles par leur nature de porter atteinte à la vie privée de la personne concernée. En effet, au considérant 33 de la directive 95/46, il est fait référence aux données qui sont susceptibles par leur nature de porter atteinte aux libertés fondamentales ou à la vie privée et qui ne devraient pas faire l’objet d’un traitement sauf consentement explicite de la personne concernée, ce qui indique que toutes les données ne sont pas de même nature. De telles données sensibles peuvent être incluses dans celles auxquelles se réfère l’article 10 du règlement n° 45/2001, concernant le traitement portant sur des catégories particulières de données, telles que les données qui révèlent l’origine raciale ou ethnique, les convictions religieuses ou philosophiques ou les données relatives à la santé ou à la vie sexuelle.

120    Il ressort de tout ce qui précède que, en l’espèce, afin de pouvoir déterminer si l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 s’applique, il y a lieu d’examiner si l’accès du public aux noms des participants à la réunion du 11 octobre 1996 est susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité des personnes concernées.

–       Application de l’exception relative à l’atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité des personnes concernées, prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, au cas d’espèce

121    En l’espèce, la demande d’accès en cause concerne le procès-verbal d’une réunion de la Commission, à laquelle ont participé des représentants de la DG « Marché intérieur et services financiers » de la Commission, du ministère du Commerce et de l’Industrie du Royaume-Uni et des représentants de la CBMC. Ce procès-verbal contient une liste des participants à la réunion, répertoriés en fonction des entités au nom et pour le compte desquelles ces personnes ont participé à ladite réunion, décrits par leur titre, l’initiale de leur prénom, leur nom et, le cas échéant, le service, l’organisme ou l’association dont ils dépendent au sein de ces entités. Le texte du procès-verbal ne fait pas référence aux personnes physiques mais aux entités en question, telle que la CBMC, la DG « Marché intérieur et services financiers » ou le ministère du Commerce et de l’Industrie du Royaume-Uni.

122    Il y a lieu de constater que la liste des participants à la réunion figurant dans le procès-verbal en question contient ainsi des données à caractère personnel, au sens de l’article 2, sous a), du règlement n° 45/2001, car les personnes qui ont participé à cette réunion peuvent y être identifiées.

123    Cependant, il convient de constater que le simple fait qu’un document contienne des données à caractère personnel ne signifie pas nécessairement que la vie privée ou l’intégrité des personnes concernées soit mise en cause, bien que les activités professionnelles ne soient pas, en principe, exclues de la notion de « vie privée » au sens de l’article 8 de la CEDH (voir point 114 ci-dessus et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui y est citée).

124    En effet, comme la Commission l’indique elle-même, les personnes présentes lors de la réunion du 11 octobre 1996, dont les noms n’ont pas étés divulgués, l’étaient en qualité de représentants de la CBMC et non à titre personnel. La Commission a souligné aussi que les conséquences des décisions prises lors de la réunion concernaient les entités représentées et non leurs représentants à titre personnel.

125    Dans ces circonstances, il convient de constater que le fait que le procès-verbal contient le nom de ces représentants ne met pas en jeu la vie privée des personnes en question, étant donné qu’elles ont participé à la réunion en tant que représentants de leurs entités. De plus, comme cela a été constaté ci-dessus, le procès-verbal ne contient pas d’opinion individuelle attribuable à ces personnes, mais des prises de position imputables aux entités que ces personnes représentent.

126    En tout état de cause, il y a lieu de relever que la divulgation du nom des représentants de la CBMC n’est pas susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité des personnes concernées. La seule présence du nom de la personne concernée dans la liste des participants à une réunion, au titre de l’entité que cette personne représentait, ne constitue pas une telle atteinte et la protection de la vie privée et de l’intégrité des personnes concernées n’est pas compromise.

127    Cette approche n’est pas contredite par l’arrêt Österreichischer Rundfunk e.a., précité, invoqué par la Commission. Dans cet arrêt, la Cour a considéré que la collecte de données nominatives relatives aux revenus professionnels d’un individu, en vue de les communiquer à des tiers, entrait dans le champ d’application de l’article 8 de la CEDH. Elle a constaté que, si la simple mémorisation par l’employeur de données nominatives relatives aux rémunérations versées à son personnel ne saurait, comme telle, constituer une ingérence dans la vie privée, la communication de ces données à un tiers, en l’occurrence une autorité publique, portait atteinte au respect de la vie privée des intéressés, quelle que soit l’utilisation ultérieure des informations ainsi communiquées, et présentait le caractère d’une ingérence au sens de l’article 8 de la CEDH (arrêt Österreichischer Rundfunk e.a., précité, point 74). La Cour a ajouté que, pour établir l’existence d’une telle ingérence, il importait peu que les informations communiquées présentent ou non un caractère sensible ou que les intéressés aient ou non subi d’éventuels inconvénients en raison de cette ingérence. Il suffisait que les données relatives aux revenus perçus par un travailleur ou un pensionné aient été communiquées par l’employeur à un tiers (arrêt Österreichischer Rundfunk e.a., précité, point 75).

128    Il convient de relever que les circonstances de cette affaire sont différentes de celles du cas d’espèce. En effet, le cas d’espèce relève de l’application du règlement n° 1049/2001, et l’exception prévue à son article 4, paragraphe 1, sous b), ne concerne que la divulgation des données à caractère personnel susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée et à l’intégrité de l’individu. Or, comme cela a été constaté au point 119 ci-dessus, toutes les données à caractère personnel ne sont pas susceptibles par leur nature de porter atteinte à la vie privée de la personne concernée. Dans les circonstances de l’espèce, le simple fait de divulguer la participation d’une personne physique, agissant dans l’exercice de ses fonctions professionnelles, en tant que représentant d’une entité collective, à une réunion tenue avec une institution communautaire, alors même que l’opinion personnelle exprimée par cette personne à cette occasion ne peut être identifiée, ne saurait être considéré comme une ingérence dans sa vie privée. Il doit donc être distingué de la situation ayant prévalu dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Österreichischer Rundfunk e.a., précité, où étaient en cause la collecte et la communication par un employeur à une autorité publique d’une combinaison spécifique de données à caractère personnel, à savoir le nom des personnes employées associé au revenu perçu par ces dernières.

129    Dans l’arrêt Lindqvist, précité, invoqué également par la Commission, la Cour a considéré que l’opération consistant à faire référence, sur une page Internet, à diverses personnes et à les identifier soit par leur nom, soit par d’autres moyens, par exemple leur numéro de téléphone ou des informations relatives à leurs conditions de travail et à leurs passe-temps, constituait un « traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie », au sens de la directive 95/46 (arrêt Lindqvist, précité, point 27). Cet arrêt n’est pas déterminant pour le cas d’espèce. En effet, comme cela a été rappelé au point précédent, le cas d’espèce relève du règlement n° 1049/2001 et il s’agit donc, outre la question de savoir s’il concerne un traitement de données à caractère personnel, de déterminer si la divulgation des données en cause porterait atteinte au respect de la vie privée et à l’intégrité de l’individu.

130    L’approche du Tribunal ne contredit pas non plus la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle le respect de la vie privée englobe le droit pour l’individu de nouer et de développer des relations avec ses semblables et peut s’étendre à des activités professionnelles ou commerciales (arrêts Niemitz c. Allemagne, précité, § 29 ; Amann c. Suisse, précité, § 65 ; Rotaru c. Roumanie, précité, § 43, et Peck c. Royaume-Uni, précité, § 57).

131    En effet, s’il ne saurait être exclu a priori que la notion de vie privée recouvre certains aspects de l’activité professionnelle de l’individu, cela ne saurait néanmoins signifier que toute activité professionnelle se trouve globalement et nécessairement couverte par la protection du droit au respect de la vie privée. Or, le Tribunal considère que, dans les circonstances de l’espèce, la seule participation d’un représentant d’une entité collective à une réunion tenue avec une institution communautaire ne relève pas de la sphère de sa vie privée, de sorte que la divulgation d’un procès-verbal faisant état de sa présence à ladite réunion ne saurait constituer une ingérence dans sa vie privée.

132    Dès lors, la divulgation des noms en question ne conduit pas à une ingérence dans la vie privée des personnes ayant participé à la réunion et ne porterait pas atteinte à la protection de leur vie privée et de l’intégrité de leurs personnes.

133    Par conséquent, c’est à tort que la Commission a considéré que l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 devait trouver application en l’espèce.

134    Par ailleurs, la Commission ne prétend pas que, en l’espèce, lors de la collecte des données, à savoir lors de la réunion du 11 octobre 1996, elle se serait engagée à tenir secrets le nom des participants ou que les participants auraient demandé, lors de la réunion, que la Commission ne révèle pas leur identité. Ce n’est qu’en 1999, quand la Commission a demandé l’autorisation de révéler leur identité, que certains participants ont refusé que leur nom soit divulgué.

135    Or, étant donné que la condition relative à l’existence d’une atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de la personne concernée, exigée par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, n’est pas remplie en l’espèce, le refus de la personne concernée ne saurait empêcher la divulgation. De plus, la Commission n’a même pas essayé d’établir que les personnes qui avaient refusé, après la réunion, la divulgation de leur nom avaient démontré que la protection de leur vie privée et de leur intégrité aurait été atteinte par la divulgation.

136    À cet égard, il y a également lieu de noter que, en définitive, la Commission n’a reçu le refus que de deux des personnes en question, et qu’elle n’était pas en mesure de contacter les trois autres personnes en cause, dont elle n’avait pas non plus divulgué les noms (voir point 35 ci-dessus).

137    Les personnes ayant participé à cette réunion n’ont pas pu considérer que les opinions exprimées au nom et pour le compte des entités qu’elles représentaient bénéficiaient d’un traitement confidentiel. Il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, il s’agissait d’une réunion tenue dans le cadre d’une procédure en manquement. Bien que le plaignant puisse, dans une telle procédure, en vertu des règles internes de la Commission, choisir un traitement confidentiel, un tel traitement n’est pas prévu pour les autres personnes ayant participé aux enquêtes. De plus, étant donné que la Commission a divulgué le procès-verbal, bien qu’expurgé de certains noms, il est clair qu’elle a considéré qu’il ne s’agissait pas d’informations couvertes par le secret professionnel. Le règlement n° 45/2001 n’exige pas que la Commission garde secret le nom des personnes qui lui communiquent des opinions ou des informations concernant l’exercice de ses fonctions.

138    S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel la requérante n’a jamais satisfait à l’obligation de prouver la nécessité de transfert, prévue à l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001, il suffit de rappeler que, comme cela a été constaté aux points 107 et 108 ci-dessus, dès que la divulgation donne effet à l’article 2 du règlement n° 1049/2001 et ne relève pas de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, le demandeur n’a pas besoin de prouver la nécessité au sens de l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001. Dès lors, l’argument de la Commission selon lequel la communication de l’identité des participants n’aurait pas permis d’apporter d’éclaircissements supplémentaires sur sa décision de clore la procédure en manquement ne saurait prospérer.

139    Il s’ensuit que la Commission a commis une erreur de droit en constatant, dans la décision attaquée, que la requérante n’avait établi ni un objectif exprès et légitime ni la nécessité d’obtenir le nom des cinq personnes qui ont participé à la réunion et qui se sont opposées, après cette réunion, à la communication de leur identité à la requérante.

140     Il y a encore lieu d’examiner l’application de l’exception de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

 Sur l’exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit

141    Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

142    Bien que la requérante cite dans sa requête, par confusion, l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, il y a lieu d’interpréter sa requête en ce sens qu’elle invoque l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, de ce même règlement, car c’est cette disposition sur la base de laquelle la Commission a motivé, subsidiairement, son refus d’octroyer l’accès au procès-verbal complet. En tout état de cause, lors de l’audience, la requérante s’est référée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

143    Il y a lieu de rappeler que l’institution est tenue d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, si les documents dont la divulgation est demandée relèvent effectivement des exceptions énumérées dans le règlement relatif à l’accès aux documents.

144    En l’espèce, il s’agit du procès-verbal d’une réunion ayant eu lieu dans le cadre d’une procédure en manquement.

145    Cependant, la circonstance selon laquelle le document en cause est lié à une procédure en manquement et, partant, concerne des activités d’enquête ne saurait à elle seule justifier l’application de l’exception invoquée (voir, en ce sens, arrêt Bavarian Lager/Commission, précité, point 41). En effet, comme cela a été rappelé ci-dessus, toute exception au droit d’accès aux documents des institutions relevant du règlement n° 1049/2001 doit être interprétée et appliquée strictement (arrêt du Tribunal du 13 septembre 2000, Denkavit Nederland/Commission, T‑20/99, Rec. p. II‑3011, point 45).

146    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les activités d’enquête de la Commission étaient déjà terminées au moment de l’adoption de la décision attaquée, le 18 mars 2004. En effet, elle avait déjà classé la procédure d’infraction contre le Royaume-Uni le 10 décembre 1997.

147    Ainsi, en l’espèce, il convient de vérifier si le document ayant trait à des activités d’enquête était couvert par l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, alors que l’enquête était achevée et la procédure d’infraction close depuis plus de six ans.

148    Le Tribunal a déjà eu l’occasion de constater que l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, qui vise à protéger les « objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit », n’est applicable que si la divulgation des documents en question risque de mettre en péril l’achèvement des activités d’inspection, d’enquête ou d’audit (arrêt Franchet et Byk/Commission, précité, point 109).

149    À cet égard, il y a lieu de relever que cette exception, ainsi qu’il résulte de sa formulation, ne vise pas à protéger les activités d’enquête en tant que telles, mais l’objectif de ces activités, qui, comme il ressort de l’arrêt Bavarian Lager/Commission, précité (point 46), consiste, dans le cas d’une procédure en manquement, à amener l’État membre concerné à se conformer au droit communautaire. Or, en l’espèce, la Commission avait déjà classé la procédure d’infraction contre le Royaume-Uni le 10 décembre 1997, car ce dernier avait modifié la législation en cause et, ainsi, l’objectif des activités d’enquête avait été atteint. Ainsi, au moment de l’adoption de la décision attaquée, aucune activité d’enquête, dont l’objectif aurait pu être mis en péril par la divulgation du procès-verbal contenant le nom de certains représentants d’entités ayant participé à la réunion du 11 octobre 1996, n’était en cours et, partant, l’exception tirée de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 ne saurait être appliquée en l’espèce.

150    Afin de justifier son refus de divulguer la totalité du procès-verbal en cause, la Commission fait encore valoir que, si le nom des personnes ayant fourni des informations à la Commission pouvait être divulgué contre leur gré, la Commission pourrait se voir privée d’une source précieuse d’information, ce qui pourrait compromettre sa capacité à mener des enquêtes sur des infractions présumées à la législation communautaire.

151    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit revêtir un caractère concret. En effet, d’une part, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt Denkavit Nederland/Commission, précité, point 45). D’autre part, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Par conséquent, l’examen auquel doit procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et ressortir des motifs de la décision (arrêts du Tribunal du 6 avril 2000, Kuijer/Conseil, T‑188/98, Rec. p. II‑1959, point 38 ; du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, Rec. p. II‑1121, points 69 et 72, et Franchet et Byk/Commission, précité, point 115).

152    Ainsi, s’il y a lieu d’admettre que la nécessité de préserver l’anonymat des personnes soumettant à la Commission des informations relatives à d’éventuelles violations du droit communautaire constitue un objectif légitime susceptible de justifier que la Commission n’accorde pas l’accès total ou même partiel à certains documents, il n’en demeure pas moins que, en l’espèce, la Commission s’est prononcée in abstracto sur l’atteinte que la divulgation du document concerné avec les noms pourrait porter à son activité d’enquête sans démontrer à suffisance de droit que la divulgation de ce document porterait concrètement et effectivement atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête. Dès lors, il n’est pas démontré, en l’espèce, que l’objectif des activités d’enquête aurait été concrètement et effectivement mis en péril par la divulgation de données demandées six années après la clôture desdites activités.

153    Par ailleurs, comme cela a été constaté ci-dessus, la procédure en manquement ne prévoit pas de traitement confidentiel pour les personnes ayant participé aux enquêtes, à l’exception du plaignant. Il apparaît que, si la Commission a divulgué le procès-verbal en question sans le nom des personnes qui n’avaient pas donné l’autorisation de le divulguer, c’est qu’elle a estimé que, en principe, la divulgation de ce document ne relevait pas de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

154    À cet égard, la référence de la Commission, faite lors de l’audience, à l’arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission (145/83, Rec. p. 3539), concernant la confidentialité des informations couvertes par le secret professionnel n’est pas pertinente. Il s’agissait d’un informateur qui avait dénoncé les pratiques anticoncurrentielles de son employeur et dont la Commission devait garder secrète l’identité. Or, cet informateur lui avait spécifiquement demandé de ne pas révéler son identité dès le début de la procédure. Cependant, en l’espèce, comme cela a été relevé ci-dessus, la Commission n’a pas démontré que, lors de leur participation à la réunion en question, les personnes concernées avaient pu considérer qu’elles bénéficiaient d’un quelconque traitement confidentiel ou qu’elles avaient demandé que la Commission ne révèle pas leur identité. En outre, comme cela a été constaté au point 137 ci-dessus, étant donné que la Commission a divulgué le procès-verbal, bien qu’expurgé de certains noms, force est de constater qu’elle a considéré qu’il ne s’agissait pas d’informations couvertes par le secret professionnel. Enfin, il convient de rappeler que la Commission n’a exposé aucun argument tendant à démontrer en quoi la divulgation du nom des personnes ayant marqué leur refus aurait pu nuire aux éventuelles activités d’enquête concernées en l’espèce.

155    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que les arguments tirés de la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête ne sauraient prospérer.

156    Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner l’éventuelle existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé.

157    Il résulte de tout ce qui précède que le procès-verbal complet de la réunion du 11 octobre 1996, comportant tous les noms, ne relève pas des exceptions tirées de l’article 4, paragraphe 1, sous b), ou de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

158    Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

159    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens supportés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

160    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. En l’espèce, la partie intervenue au soutien de la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission du 18 mars 2004, portant rejet d’une demande d’accès au procès-verbal complet de la réunion du 11 octobre 1996, comportant tous les noms, est annulée.

2)      La Commission est condamnée aux dépens supportés par The Bavarian Lager Co. Ltd.

3)      Le contrôleur européen de la protection des données (CEPD) supportera ses propres dépens.

Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.