Language of document : ECLI:EU:T:2013:541

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

24 septembre 2013(*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑384/08 DEP,

Elliniki Nafpigokataskevastiki AE Chartofylakeiou, établie à Chaidari (Grèce),

Howaldtswerke-Deutsche Werft GmbH, établie à Kiel (Allemagne),

ThyssenKrupp Marine Systems AG, établie à Hambourg (Allemagne),

représentées par Me U. Soltész, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, M. Konstantinidis et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Trapeza Peiraios AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Me S. Pappas, avocat,

partie intervenante,


ayant pour objet une demande de taxation des dépens déposée par Trapeza Peraios AE à la suite de l’arrêt du Tribunal du 10 novembre 2011, Elliniki Nafpigokataskevastiki e.a./Commission (T‑384/08, non publié au Recueil),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé, lors du délibéré, de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 septembre 2008, les requérantes, Elliniki Nafpigokataskevastiki AE Chartofylakeiou, Howaldtswerke-Deutsche Werft GmbH et ThyssenKrupp Marine Systems AG ont introduit un recours, inscrit au greffe du Tribunal sous le numéro T-384/08, visant à l’annulation de l’article 16 de la décision 2009/610/CE de la Commission, du 2 juillet 2008, concernant les aides C 16/04 (ex NN 29/04, CP 71/02 et CP 133/05) octroyées par la Grèce à l’entreprise Hellenic Shipyards SA (JO 2009, L 225, p. 104, ci-après la « décision attaquée »).

2        Par ordonnance du 3 septembre 2009, le président de la première chambre du Tribunal a admis l’intervention de Trapeza Peiraios AE (ci-après l’« intervenante ») au soutien des conclusions de la Commission européenne.

3        Par arrêt du 10 novembre 2011, Elliniki Nafpigokataskevastiki e.a./Commission (T‑384/08, non publié au Recueil), le Tribunal (septième chambre) a rejeté le recours et a condamné les requérantes, sur le fondement de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, à supporter les dépens exposés par la Commission et par l’intervenante.

4        Par courrier électronique du 12 février 2012, l’intervenante a informé les requérantes que ses dépens dans l’affaire T-384/08 s’élevaient à 36 708 euros, soit 1 748 euros de frais administratifs et 34 960 euros d’honoraires d’avocats et a demandé le remboursement de cette somme. Par courrier électronique du 4 mars 2012, l’intervenante a réitéré sa demande de remboursement.

5        Par courriers électroniques des 13 février et 13 mars 2012, les requérantes ont contesté le montant des dépens réclamés par l’intervenante. En outre, dans le premier courrier électronique, elles ont proposé de payer à l’intervenante 10 000 euros à titre de compromis. Dans le second courrier électronique, elles ont augmenté ce montant à 13 000 euros.

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 juillet 2012, l’intervenante a formulé, au titre de l’article 92 du règlement de procédure, une demande de taxation des dépens.

7        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 3 septembre 2012, les requérantes ont présenté leurs observations sur cette demande.

8        L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        enjoindre aux requérantes de lui verser la somme de 78 645 euros au titre de la procédure principale ;

–        enjoindre aux requérantes de supporter les dépens liés à la procédure en taxation des dépens.

9        Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer les dépens récupérables à un montant qu’il considère comme étant raisonnable et objectivement justifié, ne dépassant pas 13 500 euros.

 En droit

 Arguments des parties

10      L’intervenante soutient que le montant total des dépens qu’elle a exposés en liaison avec la procédure devant le Tribunal s’élève à 78 645 euros. Ce montant comprendrait les honoraires d’avocats pour un total de 74 900 euros, correspondant à 214 heures facturables de travail, au taux moyen horaire de 350 euros, augmenté de 5 %, soit 3 745 euros, au titre de l’ensemble de débours. Elle fait valoir le caractère particulièrement complexe de l’affaire au principal et notamment le fait qu’elle a donné lieu, pour la première fois, a l’appréciation de l’applicabilité de l’article 87, paragraphe 1, CE à la notion d’une garantie « back to back » ou le « mécanisme à deux étapes ».

11      Les requérantes font valoir, tout d’abord, que la demande de taxation des dépens présentée par l’intervenante devant le Tribunal porte sur un montant qui constitue plus que le double du montant que l’intervenante a réclamé auprès d’elles dans son premier courrier électronique du 12 février 2012. Ensuite, elles estiment que l’affaire au principal n’avait pas une influence décisive sur l’évolution du droit de l’Union européenne et que l’intérêt économique que la solution du litige présentait pour l’intervenante ne justifie pas le montant des dépens réclamés. Enfin, les requérantes estiment qu’il n’était pas indispensable que les conseils de l’intervenante consacrent 214 heures au travail sur le dossier et que l’intervenante n’a pas fourni des informations suffisamment précises concernant les frais qu’elle a encourus.

 Appréciation du Tribunal

12      Aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue dans ses observations.

13      Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnance du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p. II‑1785, point 13, et la jurisprudence citée).

14      Selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance Airtours/Commission, point 13 supra, point 17, et la jurisprudence citée).

15      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions communautaires de nature tarifaire applicables, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties (voir ordonnance Airtours/Commission, point 13 supra, point 18, et la jurisprudence citée).

16      C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

17      En premier lieu, s’agissant de l’objet et de la nature de l’affaire au principal ainsi que de son importance sous l’angle du droit de l’Union, il y a lieu de rappeler que l’affaire au principal concernait une demande d’annulation de la décision attaquée dans la mesure où la Commission y a constaté que la garantie d’indemnisation accordée par l’Elliniki Trapeza Viomichanikis Anaptixeas AE (ETVA), une banque hellénique appartenant à l’État, aux acquéreurs du chantier naval Hellenic Shipyards SA (HSY), avant la privatisation de cette banque et son rachat par l’intervenante, et prévoyant que cette banque indemniserait les acquéreurs de HSY pour toute aide d’État qui serait récupérée auprès de cette dernière, constituait une aide d’État illégale et incompatible avec le marché commun.

18      Dans le cadre de cette affaire les requérantes ont soulevé, en substance, quatre moyens. Le premier moyen était tiré de l’application erronée de l’article 87, paragraphe 1, CE, en ce que la Commission a conclu à tort à l’existence d’une aide d’État. Le deuxième moyen était tiré de l’application erronée de l’article 88, paragraphe 2, CE et de l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), en ce que la récupération devait être effectuée auprès du bénéficiaire de l’aide. Le troisième moyen était tiré de l’application erronée de l’article 87, paragraphe 1, CE, de l’article 88, paragraphe 2, CE, de l’article 10 CE et de l’article 5, paragraphe 1, CE, en ce que la Commission a considéré à tort que la garantie était incompatible per se avec le marché commun. Le quatrième moyen était tiré de l’application erronée de l’article 296 CE.

19      L’intervenante a présenté des arguments uniquement sur le premier moyen par lequel les requérantes contestaient, en substance, la qualification d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, de la garantie d’indemnisation litigieuse et qui posait les questions de savoir à quel moment cette garantie a été octroyée, si elle était imputable à l’État grec, si elle impliquait des ressources d’État et un avantage en faveur de HSY.

20      Il y a lieu de considérer que, même si l’affaire au principal présentait une certaine complexité factuelle, les questions litigieuses entre les parties ont pu être résolues sur la base de la jurisprudence constante relative à la notion de l’aide d’État et aux aides d’État sous forme de garantie. Il s’ensuit que l’importance de l’affaire au principal sous l’angle du droit de l’Union ne saurait être considérée comme particulièrement élevée.

21      En deuxième lieu, s’agissant de l’importance économique que le litige présentait pour l’intervenante, il y a lieu de constater que l’annulation de la disposition litigieuse de la décision attaquée aurait fait naître dans le chef de l’intervenante la responsabilité financière au titre de la garantie d’indemnisation stipulée en faveur des acquéreurs de HSY. Partant, l’intérêt économique important que présentait le litige au principal pour l’intervenante ne saurait être nié.

22      En troisième lieu, s’agissant de l’appréciation de l’ampleur du travail que la procédure dans l’affaire au principal a pu engendrer pour l’avocat de l’intervenante, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de prendre en considération le travail objectivement indispensable à l’ensemble de la procédure judiciaire. Il importe également de rappeler que la possibilité pour le juge de l’Union d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (voir ordonnance Airtours/Commission, point 13 supra, point 30, et la jurisprudence citée).

23      En l’espèce, l’intervenante fait valoir que dans l’affaire au principal elle s’est fait assister par trois conseils qui, ensemble, auraient effectué 214 heures de travail. Ces 214 heures de travail seraient réparties entre la consultation de 1070 pages du dossier (la requête et les autres mémoires des parties principales – 121 pages, les annexes à la requête et au mémoire en défense – 879 pages, les observations des requérantes du 19 février 2009 sur la demande en intervention – 5 pages, l’ordonnance du 3 septembre 2009 autorisant l’intervention – 7 pages, les observations des requérantes du 14 décembre 2009 sur le mémoire en intervention – 7 pages et le rapport d’audience – 41 pages), la rédaction de 28 pages de pièces de procédure (demande d’intervention du 19 décembre 2008 – 6 pages, observations du 5 octobre 2009 sur les objections relatives au traitement confidentiel – 4 pages et mémoire en intervention du 28 octobre 2009 – 18 pages), la présentation de 9 articles de presse et d’un document en tant qu’annexes au mémoire d’intervention et la représentation de l’intervenante au cours de la procédure orale. L’intervenante joint à la demande de taxation des dépens un état de frais et honoraires présentant de façon sommaire le nombre d’heures de travail passées par ses conseils sur ces différentes tâches.

24      Premièrement, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, en appréciant l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu engendrer pour l’avocat d’une partie intervenante, il y a lieu de tenir compte de ce que, en règle générale, la tâche procédurale d’une partie intervenante est sensiblement facilitée par le travail de la partie principale au soutien de laquelle elle est intervenue (voir ordonnance du Tribunal du 6 octobre 2011, Kronoply et Kronotex/Commission, T‑388/02 DEP, non publiée au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée).

25      En l’espèce, il y a lieu de tenir compte non seulement du fait que la tâche procédurale de l’intervenante était facilitée par le travail de la Commission, mais également du fait que l’intervention portait uniquement sur le premier moyen par lequel les requérantes contestaient la qualification d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, de la garantie d’indemnisation litigieuse.

26      Deuxièmement, s’agissant du nombre des conseils, il ressort de la jurisprudence que si, en principe, la rémunération d’un seul avocat est recouvrable, il se peut que suivant les caractéristiques propres à chaque affaire, au premier rang desquelles figure sa complexité, la rémunération de plusieurs avocats puisse être considérée comme entrant dans la notion de frais indispensables. Il convient toutefois de tenir compte principalement du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure contentieuse, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (voir ordonnance du Tribunal du 19 septembre 2010, Huvis/Conseil, T‑221/05 DEP, non publiée au Recueil, point 30, et la jurisprudence citée).

27      En l’espèce, si une certaine complexité du litige justifiait la représentation de l’intervenante par plus d’un avocat, la répartition du travail entre trois conseils a nécessairement impliqué la duplication des efforts entrepris, de sorte de le Tribunal ne saurait reconnaître la totalité des heures de travail réclamées comme objectivement indispensables aux fins de la procédure contentieuse.

28      Troisièmement, s’agissant du nombre de heures de travail consacrées au dossier par les conseils de l’intervenante, eu égard au volume des actes qu’ils ont produit (28 pages), et même en tenant compte du volume des mémoires des parties principales et leurs annexes, ainsi que de la difficulté de l’affaire sur le plan juridique, force est de constater que ce nombre est excessif. En particulier, compte tenu de la nature de certains actes, le nombre d’heures que les conseils de l’intervenante ont consacré à leur consultation est manifestement exagéré. Ceci est notamment le cas de 15 heures de travail consacrées à l’étude du rapport d’audience, de 3 heures consacrées à l’étude de l’ordonnance autorisant l’intervention, de 7,5 heures consacrées à l’étude des observations des requérantes sur la demande en intervention ou de 9 heures consacrées à l’étude des observations des requérantes sur le mémoire en intervention. De même, le nombre de 30 heures consacrées aux consultations avec le client paraît excessif, d’autant plus que l’objet de ces consultations n’est pas spécifié.

29      Quatrièmement, c’est à juste titre que les requérantes relèvent la différence entre le montant réclamé par l’intervenante dans la demande de taxation des dépens introduite devant le Tribunal et dans les lettres qu’elle leur a envoyées directement avant l’introduction de cette demande. En effet, selon l’état de frais et honoraires joint à la demande de taxation des dépens, les conseils de l’intervenante auraient travaillé sur le dossier pendant 214 heures facturables à un taux de 350 euros, alors que, selon l’état des frais et honoraires envoyé directement aux requérantes, les mêmes conseils auraient travaillé sur le dossier pendant 92 heures facturables à un taux de 380 euros. Ainsi, la somme totale réclamée par l’intervenante devant le Tribunal, à savoir 78 645 euros, constitue plus que le double de la somme dont le remboursement l’intervenante a réclamée directement auprès des requérantes (soit 36 708 euros, voir point 4 ci-dessus). L’intervenante ne donne aucune explication spécifique de cette augmentation de plus de 130 % du nombre d’heures de travail passées sur le dossier, ce qui laisse croire que le nombre d’heures de travail présenté devant le Tribunal ne reflète pas la véritable ampleur de travail que la procédure contentieuse a engendrée pour les conseils de l’intervenante.

30      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le montant de 74 900 euros au titre des honoraires d’avocats est excessif et qu’il sera fait une juste appréciation des honoraires d’avocats récupérables par l’intervenante en fixant leur montant à 17 000 euros.

31      S’agissant des débours, en absence de pièces justificatives confirmant leur montant, il y a lieu de les évaluer, de manière forfaitaire, à 1 000 euros.

32      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des dépens récupérables par l’intervenante en fixant leur montant à 18 000 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

Le montant des dépens à rembourser par Elliniki Nafpigokataskevastiki AE Chartofylakeiou, Howaldtswerke-Deutsche Werft GmbH et ThyssenKrupp Marine Systems AG à Trapeza Peiraios AE est fixé à 18 000 euros.

Fait à Luxembourg, le 24 septembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’anglais.