Language of document : ECLI:EU:C:2014:2370

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

13 novembre 2014 (*)

«Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations en matière de police sanitaire – Règlement (CE) no 2073/2005 – Annexe I – Critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires – Salmonelles dans les viandes fraîches de volaille – Non-respect des critères microbiologiques constaté au stade de la distribution – Réglementation nationale sanctionnant un exploitant du secteur alimentaire intervenant uniquement au stade de la vente au détail – Conformité avec le droit de l’Union – Caractère effectif, dissuasif et proportionné de la sanction»

Dans l’affaire C‑443/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Unabhängiger Verwaltungssenat in Tirol (Autriche), par décision du 1er août 2013, parvenue à la Cour le 7 août 2013, dans la procédure

Ute Reindl, représentant pénalement responsable de MPREIS Warenvertriebs GmbH,

contre

Bezirkshauptmannschaft Innsbruck,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan, Mmes A. Prechal et K. Jürimäe, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 juin 2014,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Reindl, par Mes M. Waldmüller et M. Baldauf, Rechtsanwälte,

–        pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek et Mme J. Vitáková, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par M. D. Colas et Mme C. Candat, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. D. Bianchi et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 2073/2005 de la Commission, du 15 novembre 2005, concernant les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires (JO L 338, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 1086/2011 de la Commission, du 27 octobre 2011 (JO L 281, p. 7, ci‑après le «règlement no 2073/2005»), lu en combinaison avec l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, dudit règlement.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Reindl au Bezirkshauptmannschaft Innsbruck (autorité administrative de première instance d’Innsbruck) (Autriche) au sujet d’une amende infligée à Mme Reindl en raison du non-respect de la valeur limite de Salmonella Thyphimurium mentionnée à l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement (CE) no 178/2002

3        L’article 1er du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant les procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO L 31, p. 1), intitulé «Objet et champ d’application», énonce, à son paragraphe 1:

«Le présent règlement contient les dispositions de base permettant d’assurer, en ce qui concerne les denrées alimentaires, un niveau élevé de protection de la santé des personnes et des intérêts des consommateurs, compte tenu notamment de la diversité de l’offre alimentaire, y compris les productions traditionnelles, tout en veillant au fonctionnement effectif du marché intérieur. Il établit des principes et des responsabilités communs, le moyen de fournir une base scientifique solide, des dispositions et des procédures organisationnelles efficaces pour étayer la prise de décision dans le domaine de la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux.

[...]»

4        L’article 3 dudit règlement, intitulé «Autres définitions», prévoit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[...]

3)       ‘exploitant du secteur alimentaire’, la ou les personnes physiques ou morales chargées de garantir le respect des prescriptions de la législation alimentaire dans l’entreprise du secteur alimentaire qu’elles contrôlent;

[...]

8)       ‘mise sur le marché’, la détention de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux en vue de leur vente, y compris l’offre en vue de la vente ou toute autre forme de cession, à titre gratuit ou onéreux, ainsi que la vente, la distribution et les autres formes de cession proprement dites;

[...]»

5        L’article 14 du règlement no 178/2002, intitulé «Prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires», dispose:

«1.      Aucune denrée alimentaire n’est mise sur le marché si elle est dangereuse.

2.      Une denrée alimentaire est dite dangereuse si elle est considérée comme:

a)      préjudiciable à la santé;

b)      impropre à la consommation humaine.

[...]

5.      Pour déterminer si une denrée alimentaire est impropre à la consommation humaine, il est tenu compte de la question de savoir si cette denrée alimentaire est inacceptable pour la consommation humaine compte tenu de l’utilisation prévue, pour des raisons de contamination, d’origine externe ou autre, ou par putréfaction, détérioration ou décomposition.

[...]»

6        L’article 17 de ce règlement, intitulé «Responsabilités», prévoit:

«1.      Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l’alimentation animale veillent, à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution dans les entreprises placées sous leur contrôle, à ce que les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux répondent aux prescriptions de la législation alimentaire applicables à leurs activités et vérifient le respect de ces prescriptions.

2.      [...]

Les États membres fixent également les règles relatives aux mesures et sanctions applicables en cas de violation de la législation relative aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux. Les mesures et sanctions prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.»

 Le règlement no 2160/2003

7        L’article 1er du règlement (CE) no 2160/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 17 novembre 2003, sur le contrôle des salmonelles et d’autres agents zoonotiques spécifiques présents dans la chaîne alimentaire (JO L 325, p. 1), tel que modifié par le règlement no 1086/2011 (ci-après le «règlement no 2160/2003»), intitulé «Objet et champ d’application», énonce:

«1.       L’objectif du présent règlement est de faire en sorte que soient prises des mesures adaptées et efficaces pour détecter et contrôler les salmonelles et d’autres agents zoonotiques à tous les stades pertinents de la production, de la transformation et de la distribution, en particulier au niveau de la production primaire, y compris dans l’alimentation animale, de manière à réduire leur prévalence et le risque qu’ils représentent pour la santé publique.

2.      Le présent règlement porte sur:

a)      l’adoption d’objectifs visant à réduire la prévalence de certaines zoonoses chez les populations animales:

i)      au niveau de la production primaire, et

ii)      quand cela est approprié en fonction de la zoonose ou de l’agent zoonotique concerné, à d’autres stades de la chaîne alimentaire incluant à la fois l’alimentation humaine et l’alimentation animale;

[...]»

8        Conformément à l’article 5 du règlement no 2160/2003, les programmes de contrôle nationaux doivent mettre en œuvre les exigences et les règles minimales d’échantillonnage établies à l’annexe II de ce règlement. Ladite annexe, intitulée «Surveillance des zoonoses et agents zoonotiques énumérés à l’annexe I», contient une partie E relative aux exigences spécifiques concernant les viandes fraîches, qui dispose à son point 1:

«À partir du 1er décembre 2011, les viandes fraîches de volaille provenant des populations animales énumérées à l’annexe I devront satisfaire au critère microbiologique applicable défini à l’annexe I, chapitre 1, ligne 1.28, du règlement (CE) no 2073/2005 de la Commission.»

9        À l’annexe I du règlement no 2160/2003, sont mentionnées plusieurs espèces de volailles, dont les dindes.

 Le règlement no 2073/2005

10      Les considérants 1 à 3 du règlement sont libellés comme suit:

«(1)      L’obtention d’un niveau élevé de protection de la santé humaine et de la santé animale est l’un des objectifs fondamentaux de la législation alimentaire, comme l’énonce le règlement [no 178/2002]. Les risques microbiologiques liés aux denrées alimentaires constituent une source majeure de maladies d’origine alimentaire chez l’homme.

(2)      Les denrées alimentaires ne doivent pas contenir de micro-organismes ni leurs toxines ou métabolites dans des quantités qui présentent un risque inacceptable pour la santé humaine.

(3)      Le règlement (CE) no 178/2002 établit des prescriptions générales relatives à la sécurité des denrées alimentaires, prévoyant qu’aucune denrée alimentaire n’est mise sur le marché si elle est dangereuse. Les exploitants du secteur alimentaire sont tenus de retirer du marché les denrées alimentaires dangereuses. Pour contribuer à la protection de la santé publique et éviter les interprétations différentes, il convient de définir des critères de sécurité harmonisés relatifs à l’acceptabilité des denrées alimentaires, notamment en ce qui concerne la présence de certains micro-organismes pathogènes.»

11      L’article 1er de ce règlement, intitulé «Objet et champ d’application», dispose:

«Le présent règlement établit les critères microbiologiques applicables à certains micro-organismes et les règles d’application que les exploitants du secteur alimentaire doivent observer lorsqu’ils mettent en œuvre les mesures d’hygiène générales et spécifiques visées à l’article 4 du règlement (CE) no 852/2004. [...]»

12      L’article 2 dudit règlement, intitulé «Définitions», prévoit:

«a)       ‘micro-organismes’ les bactéries, les virus, les levures, les moisissures, les algues, les protozoaires parasites, les helminthes parasites microscopiques, ainsi que leurs toxines et métabolites;

b)       ‘critère microbiologique’ un critère définissant l’acceptabilité d’un produit, d’un lot de denrées alimentaires ou d’un procédé, sur la base de l’absence, de la présence ou du nombre de micro-organismes, et/ou de la quantité de leurs toxines/métabolites, par unité(s) de masse, volume, surface ou lot;

c)       ‘critère de sécurité des denrées alimentaires’ un critère définissant l’acceptabilité d’un produit ou d’un lot de denrées alimentaires, applicable aux produits mis sur le marché;

d)      ‘critère d’hygiène du procédé’ un critère indiquant l’acceptabilité du fonctionnement du procédé de production. Un tel critère n’est pas applicable aux produits mis sur le marché. Il fixe une valeur indicative de contamination dont le dépassement exige des mesures correctives destinées à maintenir l’hygiène du procédé conformément à la législation sur les denrées alimentaires;

[...]

f)      ‘durée de conservation’ la période précédant la date limite de consommation des produits ou la date de durabilité minimale, telles que définies respectivement aux articles 9 et 10 de la directive 2000/13/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO L 109, p. 29)];

[...]»

13      L’article 3 du règlement no 2073/2005, intitulé «Exigences générales», dispose:

«1.       Les exploitants du secteur alimentaire veillent à ce que les denrées alimentaires respectent les critères microbiologiques pertinents établis à l’annexe I. À cette fin, à tous les stades de la production, de la transformation et de la distribution de denrées alimentaires, y compris la vente au détail, ils prennent des mesures, dans le cadre de leurs procédures fondées sur les principes HACCP [‘hazard analysis and critical control point’] ainsi que de leurs bonnes pratiques d’hygiène, afin que:

a)      la fourniture, la manipulation et la transformation de matières premières et de denrées alimentaires relevant de leur contrôle s’effectuent de façon à ce que les critères d’hygiène des procédés soient respectés;

b)      les critères de sécurité des denrées alimentaires applicables pendant toute la durée de conservation des produits soient respectés dans des conditions de distribution, d’entreposage et d’utilisation raisonnablement prévisibles.

2.      Le cas échéant, les exploitants du secteur alimentaire responsables de la fabrication du produit conduisent des études conformément à l’annexe II afin d’examiner si les critères sont respectés pendant toute la durée de conservation. [...]

[...]»

14      L’annexe I du règlement no 2073/2005, contient un chapitre I, intitulé «Critères de sécurité des denrées alimentaires», qui prévoit à la ligne 1.28:

«1.28 Viandes fraîches de volaille (20)

Salmonellatyphimurium (21) Salmonella enteritidis

5

0

Absence dans 25 g

EN/ISO 6579 (recherche) – Schéma de White- Kaufmann-Le Minor (sérotypage)

Produits mis sur le marché pendant leur durée de conservation

(20) Ce critère est applicable aux viandes fraîches provenant de cheptels reproducteurs de Gallus gallus, de poules pondeuses, de poulets de chair, de cheptels reproducteurs de dindes et de cheptels de dindes d’engraissement.

(21) Pour ce qui est des souches monophasiques de Salmonella typhimurium, seules celles dont la formule antigénique est 1,4,[5],12:i:- sont visées.»

 Le droit autrichien

15      L’article 5, paragraphes 1 et 5, de la loi fédérale sur les exigences de sécurité et autres exigences en matière de denrées alimentaires, de biens de consommation et de produits cosmétiques en vue de protéger les consommateurs (Bundesgesetz über Sicherheitsanforderungen und weitere Anforderungen an Lebensmittel, Gebrauchsgegenstände und kosmetische Mittel zum Schutz der Verbraucherinnen und Verbraucher) (BGBI. I, 13/2006, dans la version du BGBI. I, 80/2013, ci-après le «LMSVG») dispose:

«1.      Il est interdit de commercialiser des denrées alimentaires

1)      qui sont dangereuses au sens de l’article 14 du règlement (CE) no 178/2002, c’est-à-dire nocives pour la santé ou impropres à la consommation humaine,

[...]

5.       Les denrées alimentaires sont

1)      nocives pour la santé lorsqu’elles sont de nature à mettre la santé en péril ou à lui nuire;

2)      impropres à la consommation humaine lorsque la possibilité de les utiliser selon leur destination n’est pas garantie;

[...]»

16      L’article 90, paragraphe 1, du LMSVG prévoit:

«Celui qui met sur le marché

1.      des denrées alimentaires qui sont impropres à la consommation humaine [...]

[...]

commet [...] une infraction administrative sanctionnée par l’autorité administrative de district [Bezirksverwaltungsbehörde] d’une amende pouvant atteindre 20 000 euros, 40 000 euros en cas de récidive, et d’une peine d’emprisonnement substitutive pouvant atteindre 6 semaines en cas d’irrécouvrabilité.

[...]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

17      Mme Reindl est gérante d’une succursale de MPREIS Warenvertriebs GmbH (ci-après «MPREIS»), société active dans le commerce de détail alimentaire. De ce fait, elle est responsable du respect, par ladite succursale, de toutes les règles qui lui sont applicables dans le secteur alimentaire.

18      Le 29 mars 2012, un organisme de contrôle des denrées alimentaires a prélevé, au cours d’un contrôle d’exploitation effectué auprès de ladite succursale, un échantillon de poitrine de dinde fraîche sous vide, produite et conditionnée par une tierce entreprise. MPREIS n’est intervenue, concernant cet échantillon, qu’au stade de la distribution.

19      Ledit échantillon a été examiné sous l’angle microbiologique par l’agence autrichienne de sécurité alimentaire d’Innsbruck. Dans son rapport d’expertise, cette agence est parvenue à la conclusion qu’une contamination par la Salmonella Typhimurium y était décelable et que, par conséquent, l’échantillon était à la fois «impropre à la consommation humaine» au sens de l’article 5, paragraphe 5, point 2, du LMSVG et dangereux au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous b), du règlement no 178/2002. Le critère de sécurité alimentaire retenu par cette agence dans son rapport d’expertise est celui fixé à l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005.

20      Sur la base de cette expertise, la Bezirkshauptmannschaft Innsbruck a engagé des poursuites à l’encontre de Mme Reindl pour non-respect de l’article 5, paragraphe 5, point 2, du LMSVG. La Bezirkshauptmannschaft Innsbruck a établi un comportement fautif dans le chef de Mme Reindl pour non-respect de la valeur limite concernant la Salmonella Typhimurium découlant de l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005, et lui a infligé une amende conformément à l’article 90, paragraphe 1, point 1, du LMSVG.

21      Saisi d’un appel de la décision de la Bezirkshauptmannschaft Innsbruck introduit par Mme Reindl, l’Unabhängiger Verwaltungssenat in Tirol s’interroge sur l’étendue, au regard du régime du règlement no 2073/2005, de la responsabilité des exploitants du secteur alimentaire qui n’exercent des activités qu’au stade de la distribution.

22      Dans ces conditions, l’Unabhängiger Verwaltungssenat in Tirol a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Convient-il de comprendre l’article 1er du règlement [...] no 2073/2005 en ce sens que les viandes fraîches de volaille doivent remplir le critère microbiologique mentionné à [l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005] à tous les stades de la distribution?

2)      Les exploitants du secteur alimentaire situés au niveau de la distribution des denrées alimentaires sont-ils pleinement soumis eux aussi au régime fixé par le règlement (CE) no 2073/2005?

3)      Le critère microbiologique mentionné à [l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005] doit-il être respecté aussi dans toutes les étapes de la distribution par les entreprises de produits alimentaires qui n’ont pas d’activité productive (qui interviennent exclusivement au niveau de la distribution)?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

23      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’annexe II, E, point 1, du règlement no 2160/2003 doit être interprétée en ce sens que les viandes fraîches de volaille provenant des populations animales énumérées à l’annexe I de ce règlement doivent remplir le critère microbiologique mentionné à l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005 à tous les stades de la distribution, y compris celui de la vente au détail.

24      Il convient de rappeler que, en vertu de l’annexe II, E, point 1, du règlement no 2160/2003, à partir du 1er décembre 2011, les viandes fraîches de volaille provenant des populations animales énumérées à l’annexe I de ce règlement doivent satisfaire au critère microbiologique applicable défini à l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005.

25      À cet égard, il y a lieu de relever que l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005 prévoit expressément que ce critère s’applique aux «produits mis sur le marché pendant leur durée de conservation».

26      Les notions de «mise sur le marché» et de «durée de conservation» sont définies, respectivement, par les règlements no 178/2002 et no 2073/2005. Ainsi, l’article 3, point 8, du règlement no 178/2002 définit la notion de «mise sur le marché» comme la détention de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux en vue de leur vente, y compris l’offre en vue de la vente ou toute autre forme de cession, à titre gratuit ou onéreux, ainsi que la vente, la distribution ou les autres formes de cession proprement dites. L’article 2, sous f), du règlement no 2073/2005 définit, pour sa part, la notion de «durée de conservation» comme la période précédant la date limite de consommation des produits ou la date de durabilité minimale, telles que définies respectivement aux articles 9 et 10 de la directive 2000/13.

27      Il ressort de la lecture de ces définitions que la notion de «produits mis sur le marché pendant leur durée de conservation» vise des denrées alimentaires telles que le produit de viande fraîche de volaille en cause au principal qui sont détenues en vue de leur vente, leur distribution ou les autres formes de cession pendant une période qui précède leur date limite de consommation ou leur date de durabilité minimale.

28      Au demeurant, à défaut d’imposer que les viandes fraîches de volaille telles que celles en cause au principal respectent le critère microbiologique défini à l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005 à tous les stades de la distribution, y compris celui de la vente au détail, l’un des objectifs fondamentaux de la législation alimentaire, à savoir l’obtention d’un niveau élevé de protection de la santé humaine, auquel renvoie le considérant 1 du règlement no 2073/2005, serait mis à mal dès lors que des denrées alimentaires contenant des micro-organismes dans des quantités qui présentent un risque inacceptable pour la santé humaine seraient mises sur le marché.

29      Il s’ensuit qu’il résulte tant des termes de l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005 que de l’objectif poursuivi par la législation alimentaire que le critère microbiologique trouve à s’appliquer à un produit de viande fraîche de volaille, tel que le produit en cause au principal, au stade de sa distribution.

30      Partant, il convient de répondre à la première question que l’annexe II, E, point 1, du règlement no 2160/2003 doit être interprétée en ce sens que les viandes fraîches de volaille provenant des populations animales énumérées à l’annexe I de ce règlement doivent remplir le critère microbiologique mentionné à l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005 à tous les stades de la distribution, y compris celui de la vente au détail.

 Sur les deuxième et troisième questions

31      Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union, en particulier, les règlements nos 178/2002 et 2073/2005, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui sanctionne un exploitant du secteur alimentaire dont les activités se situent uniquement au stade de la distribution pour la mise sur le marché d’une denrée alimentaire en raison du non-respect du critère microbiologique mentionné à l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005.

32      Il y a lieu de relever que l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 2073/2005 précise que les exploitants du secteur alimentaire veillent à ce que les denrées alimentaires respectent les critères microbiologiques fixés à l’annexe I de ce règlement à tous les stades de la distribution, y compris celui de la vente au détail.

33      Cependant, si le règlement no 2073/2005 fixe les critères microbiologiques que doivent respecter les denrées alimentaires à tous les stades de la chaîne alimentaire, ce règlement ne contient pas de dispositions relatives au régime de responsabilité des exploitants du secteur alimentaire.

34      À cet égard, il y a lieu de se référer au règlement no 178/2002. L’article 17, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que les exploitants du secteur alimentaire veillent, à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution dans les entreprises placées sous leur contrôle, à ce que les denrées alimentaires répondent aux prescriptions de la législation alimentaire applicables à leurs activités.

35      Quant à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 178/2002, il prévoit que les États membres fixent les règles relatives aux sanctions applicables en cas de violation de la législation relative aux denrées alimentaires et que ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

36      Il s’ensuit que le droit de l’Union, et, en particulier, les règlements nos 178/2002 et 2073/2005, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui sanctionne un exploitant du secteur alimentaire dont les activités se situent uniquement au stade de la distribution pour la mise sur le marché d’une denrée alimentaire en raison du non-respect du critère microbiologique mentionné à l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005.

37      Toutefois, en fixant les règles relatives aux sanctions applicables en cas de non-respect dudit critère microbiologique, les États membres sont tenus de respecter les conditions et les limites posées par le droit de l’Union, dont celle prévue, en l’occurrence, à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 178/2002, qui exige que les sanctions soient effectives, proportionnées et dissuasives.

38      Selon une jurisprudence constante, tout en conservant le choix des sanctions, les États membres doivent veiller à ce que les violations du droit de l’Union soient sanctionnées dans des conditions de fond et de procédure qui soient analogues à celles applicables aux violations du droit national d’une nature et d’une importance similaires et qui confèrent à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif (voir, en ce sens, arrêts Lidl Italia, C‑315/05, EU:C:2006:736, point 58, ainsi que Berlusconi e.a., C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, point 65 et jurisprudence citée).

39      En l’occurrence, les mesures répressives permises par la législation nationale en cause au principal ne doivent pas excéder les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux objectifs visés (voir arrêt Urbán, C‑210/10, EU:C:2012:64, point 24 et jurisprudence citée).

40      Afin d’apprécier si une sanction est conforme au principe de proportionnalité, la juridiction de renvoi doit tenir compte, notamment, de la nature et de la gravité de l’infraction que cette sanction vise à combattre ainsi que des modalités de détermination du montant de celle-ci (voir arrêt Equoland, C‑272/13, EU:C:2014:2091, point 35).

41      Or, une réglementation, telle que celle en cause au principal, prévoyant une amende en cas de mise sur le marché de denrées alimentaires impropres à la consommation humaine, peut contribuer à atteindre l’objectif fondamental de la législation sur les denrées alimentaires, à savoir un niveau élevé de protection de la santé humaine tel que rappelé au point 28 du présent arrêt.

42      En supposant même que le système de sanctions dans l’affaire au principal est un système de responsabilité objective, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, un tel système n’est pas, en tant que tel, disproportionné par rapport aux objectifs recherchés, lorsque ce système est de nature à inciter les personnes visées à respecter les dispositions d’un règlement et lorsque les objectifs poursuivis revêtent un intérêt général pouvant justifier l’instauration d’un tel système (voir arrêt Urbán, EU:C:2012:64, point 48 et jurisprudence citée).

43      Il appartiendra au juge national d’apprécier, au vu de ces éléments, si la sanction en cause au principal répond au principe de proportionnalité visé à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 178/2002.

44      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que le droit de l’Union, en particulier, les règlements nos 178/2002 et 2073/2005, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui sanctionne un exploitant du secteur alimentaire, dont les activités se situent uniquement au stade de la distribution pour la mise sur le marché d’une denrée alimentaire, en raison du non-respect du critère microbiologique mentionné à l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005. Il appartient au juge national d’apprécier si la sanction en cause au principal répond au principe de proportionnalité visé à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 178/2002.

 Sur les dépens

45      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      L’annexe II, E, point 1, du règlement (CE) no 2160/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 17 novembre 2003, sur le contrôle des salmonelles et d’autres agents zoonotiques spécifiques présents dans la chaîne alimentaire, tel que modifié par le règlement (UE) no 1086/2011 de la Commission, du 27 octobre 2011, doit être interprétée en ce sens que les viandes fraîches de volaille provenant des populations animales énumérées à l’annexe I de ce règlement, doivent remplir le critère microbiologique mentionné à l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement (CE) no 2073/2005 de la Commission, du 15 novembre 2005, concernant les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires, tel que modifié par le règlement no 1086/2011 à tous les stades de la distribution, y compris celui de la vente au détail.

2)      Le droit de l’Union, en particulier le règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant les procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires et le règlement no 2073/2005, tel que modifié par le règlement no 1086/2011, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui sanctionne un exploitant du secteur alimentaire dont les activités se situent uniquement au stade de la distribution pour la mise sur le marché d’une denrée alimentaire en raison du non-respect du critère microbiologique mentionné à l’annexe I, chapitre I, ligne 1.28, du règlement no 2073/2005. Il appartient au juge national d’apprécier si la sanction en cause au principal répond au principe de proportionnalité visé à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 178/2002.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.