Language of document : ECLI:EU:T:2013:427

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 septembre 2013 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds et des ressources économiques – Présomption d’innocence – Charge de la preuve – Erreur manifeste d’appréciation – Droits de la défense – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑592/11,

Issam Anbouba, demeurant à Homs (Syrie), représenté par Mes M.-A. Bastin, J.-M. Salva et J.-N. Louis, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mmes R. Liudvinaviciute-Cordeiro et M.-M. Joséphidès, puis par Mme Liudvinaviciute-Cordeiro et M. A. Vitro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision 2011/684/PESC du Conseil, du 13 octobre 2011, modifiant la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 269, p. 33), de la décision 2011/782/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO L 319, p. 56), du règlement (UE) n° 1011/2011 du Conseil, du 13 octobre 2011, modifiant le règlement (UE) n° 442/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 269, p. 18), du règlement (UE) n° 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement n° 442/2011 (JO L 16, p. 1), et du règlement d’exécution (UE) n° 410/2012 du Conseil, du 14 mai 2012, mettant en œuvre l’article 32, paragraphe 1, du règlement n° 36/2012 (JO L 126, p. 3), dans la mesure où le nom du requérant figure sur la liste des personnes auxquelles s’appliquent les mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, et, d’autre part, une demande de versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, S. Soldevila Fragoso (rapporteur) et G. Berardis, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Le 9 mai 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 121, p. 11). L’article 4, paragraphe 1, de cette décision dispose que tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie et aux personnes, physiques ou morales, et entités qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe de ladite décision, de même que tous les fonds et ressources qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent, sont gelés. Les modalités de ce gel sont définies aux autres paragraphes du même article. Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de la décision 2011/273, le Conseil établit ladite liste.

2        Par la décision 2011/522/PESC, du 2 septembre 2011, modifiant la décision 2011/273 (JO L 228, p. 16), le Conseil a notamment étendu le champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, de cette dernière décision à tous les fonds et ressources économiques appartenant à des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, à des personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et aux personnes et entités qui leur étaient liées, dont la liste figurait à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources qu’elles possédaient, détenaient ou contrôlaient. Le nom du requérant, M. Issam Anbouba, a alors été inséré sur cette liste. Les motifs de cette inscription, indiqués dans la colonne correspondante de ladite liste, sont les suivants :
« Président [de l’]Issam Anbouba Est. for agro-industry. Apporte un soutien économique au régime syrien. »

3        Le règlement (UE) n° 442/2011 du Conseil, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 121, p. 1), a été adopté sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/273. Il prévoit à son article 4, paragraphe 1, le gel de tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes physiques ou morales, entités et organismes énumérés à son annexe II, ou possédés, détenus ou contrôlés par ceux-ci. Le règlement (UE) n° 878/2011 du Conseil, du 2 septembre 2011, modifiant le règlement n° 442/2011 (JO L 228, p. 1) a notamment modifié l’annexe II du règlement n° 442/2011 et inséré le nom du requérant sur la liste des personnes, entités et organismes concernés par la mesure en cause. Les motifs indiqués pour son inclusion dans la liste figurant à ladite annexe sont identiques à ceux indiqués dans l’annexe de la décision 2011/522.

4        La décision 2011/628/PESC du Conseil, du 23 septembre 2011, modifiant la décision 2011/273 (JO L 247, p. 17), et le règlement (UE) n° 1011/2011 du Conseil, du 13 octobre 2011, modifiant le règlement n° 442/2011 (JO L 269, p. 18), ont maintenu le nom du requérant sur la liste mentionnée au point 3 ci-dessus et introduit des informations relatives à sa date et à son lieu de naissance.

5        Le 7 octobre 2011, le requérant a formé auprès du Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle son nom avait été inclus dans la liste en question, à laquelle celui-ci a répondu négativement le 14 novembre 2011.

6        La décision 2011/684/PESC du Conseil, du 13 octobre 2011, modifiant la décision 2011/273 (JO L 269, p. 33), a ajouté le nom d’une nouvelle entité à la liste des personnes, entités et organismes concernés par les mesures en cause et modifié certaines dispositions de la décision 2011/273 au fond. La décision 2011/735/PESC du Conseil, du 14 novembre 2011, modifiant la décision 2011/273 (JO L 296, p. 53) a institué des mesures restrictives supplémentaires à l’égard des personnes figurant sur cette liste.

7        Le 14 octobre 2011, le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes et entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives prévues par la décision 2011/273, modifiée par la décision 2011/684, et par le règlement n° 442/2011, modifié par le règlement n° 1011/2011 (JO C 303, p. 5).

8        La décision 2011/273 a été abrogée et remplacée par la décision 2011/782/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 319, p. 56), à la suite de l’adoption de nouvelles mesures supplémentaires, celle-ci maintenant le nom du requérant sur la liste des personnes, entités et organismes concernés par ces mesures.

9        La décision d’exécution 2012/37/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012, mettant en œuvre la décision 2011/782 (JO L 19, p. 33), a ajouté d’autres personnes et entités à la liste en cause, et la décision 2012/122/PESC du Conseil, du 27 février 2012, modifiant la décision 2011/782 (JO L 54, p. 14), a prévu de nouvelles mesures à l’encontre des personnes inscrites sur cette liste.

10      Le règlement (UE) n° 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement n° 442/2011 (JO L 16, p. 1), a lui-même été modifié par le règlement (UE) n° 168/2012 du Conseil, du 27 février 2012 (JO L 54, p. 1), qui a inscrit d’autres noms sur la liste des personnes, entités et organismes concernés par ces mesures et a prévu de nouvelles mesures à l’encontre des personnes inscrites sur cette liste. Le règlement d’exécution (UE) n° 410/2012 du Conseil, du 14 mai 2012, mettant en œuvre l’article 32, paragraphe 1, du règlement n° 36/2012 (JO L 126, p. 3), a modifié les informations relatives à la date et au lieu de naissance du requérant ainsi que les motifs de son inscription sur la liste figurant à l’annexe II du règlement n° 36/2012 de la manière suivante :

« Impliqué dans la fourniture d’assistance financière pour l’appareil répressif et les groupes paramilitaires exerçant des violences à l’encontre de la population civile en Syrie. Fournissant des biens immobiliers (locaux ; entrepôts) pour des centres de détention improvisés. Relations financières avec de hauts fonctionnaires syriens. »

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 novembre 2011, le requérant a introduit le présent recours.

12      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande de procédure accélérée, au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.

13      Par décision du 20 janvier 2012, le Tribunal (sixième chambre) a décidé de rejeter la demande de statuer selon une procédure accélérée.

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2011/684 et le règlement n° 1011/2011, pour autant qu’ils le concernent ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision 2011/684 et le règlement n° 1011/2011 dans leur ensemble ;

–        à titre encore plus subsidiaire, déclarer la décision 2011/684 et le règlement n° 1011/2011 inapplicables à son égard et ordonner le retrait de son nom et de ses références de la liste de personnes faisant l’objet des mesures de sanction de l’Union européenne ;

–        condamner le Conseil à un euro de dommages et intérêts à titre provisionnel en réparation du préjudice moral et matériel subi du fait de sa désignation comme soutien du régime actuel en Syrie ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

15      Par un mémoire du 13 décembre 2011, le requérant a demandé à être autorisé à élargir ses chefs de conclusions en sollicitant l’annulation de la décision 2011/782.

16      Par un premier mémoire du 23 mars 2012 (ci-après le « premier mémoire adaptant les conclusions »), le requérant a ainsi conclu à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision 2011/782, pour autant qu’elle le concerne.

17      Par un second mémoire du 23 mars 2012 (ci-après le « second mémoire adaptant les conclusions »), le requérant a conclu à ce qu’il plaise au tribunal :

–        annuler le règlement n° 36/2012, pour autant qu’il le concerne ;

–        surseoir à statuer quant au montant du préjudice subi à raison des sanctions prises à son égard.

18      Par mémoire en réplique du 21 mai 2012, le requérant conclut en outre à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement d’exécution n° 410/2012 en tant qu’il le concerne ;

–        annuler tout règlement d’exécution du Conseil postérieur à l’adoption du règlement n° 36/2012 et ayant pour objet de modifier ce dernier, pour autant qu’il le concerne.

19      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        rejeter comme irrecevable la demande de dommages et intérêts ;

–        rejeter comme irrecevables les conclusions tendant à ce que le Tribunal sursoie à statuer quant au montant du préjudice subi par le requérant à raison des sanctions ;

–        rejeter comme irrecevables les conclusions tendant à l’annulation de tout règlement d’exécution du Conseil postérieur à l’adoption du règlement n° 36/2012 ayant pour objet de modifier ce dernier ;

–        condamner le requérant aux dépens.

20      Lors de l’audience, le requérant a indiqué renoncer à ses conclusions tendant à l’octroi de dommages et intérêts ainsi qu’à celles demandant au Tribunal de surseoir à statuer quant au montant du préjudice subi. 

 En droit

21      Au soutien de son recours, le requérant invoque six moyens d’annulation. Le premier moyen est tiré d’une violation du principe de présomption d’innocence et d’un renversement de la charge de la preuve, le deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation relatives aux motifs de son inscription sur la liste des personnes faisant l’objet des mesures de sanction de l’Union, le troisième, d’une violation des droits de la défense, le quatrième, d’une violation de l’obligation de motivation, le cinquième, d’une violation de son droit à la vie privée, et, le sixième, d’une violation de la liberté religieuse.

22      Lors de l’audience, le requérant a indiqué renoncer à ses cinquième et sixième moyens.

23      Le Conseil a soulevé deux exceptions d’irrecevabilité tirées, la première, de l’absence de qualité pour agir du requérant s’agissant de ses conclusions en annulation dirigées contre la décision 2011/684 et, la seconde, du défaut d’identification par le requérant de certains actes dont celui-ci sollicitait l’annulation.

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de la décision 2011/684

24      Lors de l’audience, le requérant a, en réponse à une question du Tribunal, indiqué avoir commis une erreur de plume en sollicitant dans la requête l’annulation de la décision 2011/685, qui n’existait pas, tout en y annexant la décision 2011/684, qu’il y avait lieu de considérer comme faisant l’objet de sa demande d’annulation.

25      Le Conseil avait souligné cette erreur de plume et indiqué, dans sa défense, que le recours contre la décision 2011/684 devait en tout état de cause être rejeté comme irrecevable, le requérant n’étant pas directement et individuellement concerné par cette décision qui n’aurait pas apporté de modification le concernant.

26      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un sujet autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concerné individuellement, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si cet acte l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223).

27      Il y a lieu de relever que la décision 2011/684, d’une part, a modifié au fond douze points de la décision 2011/273, telle que déjà modifiée par les décisions 2011/522 et 2011/628, dont il n’est pas contesté qu’elles concernaient directement et individuellement le requérant, et, d’autre part, a ajouté une entité sur la liste des personnes visées par les mesures restrictives, en reprenant par ailleurs, aux termes de son article 2, l’annexe I de la décision 2011/273 modifiée, sur laquelle figurait notamment le nom du requérant. Dès lors, même si aucune information relative au requérant ou aux motifs de son inscription sur la liste n’a été modifiée par la décision 2011/684, celui-ci demeure directement et individuellement concerné par cette décision qui modifie le contenu des mesures restrictives dont il continuait à faire l’objet (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, Rec. p. II‑5555, points 33 à 36).

28      Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de la décision 2011/684 sont recevables.

 Sur la recevabilité des demandes d’adaptation des conclusions du requérant

29      Ainsi qu’il ressort des points 4, 6, 8 et 10 ci-dessus, depuis l’introduction de la requête, la décision 2011/273, telle que modifiée notamment par la décision 2011/684, a été abrogée et remplacée par la décision 2011/782. De même, le règlement n° 442/2011, tel que modifié notamment par le règlement n° 1011/2011, a été abrogé et remplacé par le règlement n° 36/2012. Par ailleurs, le règlement d’exécution n° 410/2012 a mis en œuvre le règlement n° 36/2012 et a modifié les informations relatives à la date et au lieu de naissance du requérant ainsi que les motifs de son inscription sur la liste des personnes visées par les mesures restrictives. Le requérant a demandé à pouvoir adapter ses conclusions pour qu’elles visent également la décision 2011/782, le règlement n° 36/2012 et le règlement n° 410/2012.

30      Il convient de rappeler que, lorsqu’une décision ou un règlement concernant directement et individuellement un particulier est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui-ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de la procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci (voir arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et la jurisprudence citée).

31      Dès lors, il convient d’admettre la recevabilité des conclusions dirigées contre la décision 2011/782, lesquelles ont été présentées au greffe du Tribunal le 13 décembre 2011, à savoir nécessairement dans le délai de recours. De même, il y a lieu d’admettre la recevabilité des conclusions dirigées contre le règlement n° 36/2012, présentées au greffe du Tribunal le 23 mars 2012, à savoir nécessairement dans le délai de recours. Enfin, les conclusions dirigées contre le règlement d’exécution n° 410/2012, présentées le 21 mai 2012, doivent également être considérées comme recevables.

 Sur la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de tout règlement d’exécution postérieur à l’adoption du règlement n° 36/2012 et ayant pour objet de modifier ce dernier

32      Le Conseil relève que, dans son mémoire en réplique, le requérant a conclu à l’annulation de tout règlement d’exécution du Conseil postérieur à l’adoption du règlement n° 36/2012 et ayant pour objet de modifier ce dernier, pour autant qu’il le concerne. Le Conseil considère que ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables en tant qu’elles concernent des actes futurs ou non identifiés par le requérant.

33      D’une part, il y a lieu de rappeler que le Tribunal ne peut être valablement saisi que d’une demande tendant à l’annulation d’un acte existant et faisant grief. Si un requérant peut donc être autorisé à reformuler ses conclusions de façon à ce que celles-ci visent l’annulation des actes qui ont, en cours de procédure, remplacé les actes initialement attaqués, cette solution ne saurait autoriser le contrôle spéculatif de la légalité d’actes hypothétiques non encore adoptés (ordonnance du Tribunal du 18 septembre 1996, Langdon/Commission, T‑22/96, Rec. p. II‑1009, point 16, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, points 32 et 33). D’autre part, aux termes des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l’objet du litige, cette indication devant être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut ainsi, pour qu’un recours soit recevable, que la requête indique avec un certain degré de précision quels sont les actes dont le requérant demande l’annulation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 mai 1970, Lacroix/Commission, 30/68, Rec. p. 301, points 20 à 27, et ordonnance du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T‑56/92, Rec. p. II‑1267, point 19).

34      En l’espèce, le contrôle du Tribunal ne peut donc porter que sur les actes d’ores et déjà adoptés par le Conseil, identifiés avec suffisamment de précision par le requérant, et attaqués à la date de clôture de la procédure orale (voir, en ce sens, arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, précité, points 34 et 35). Ainsi, s’agissant des règlements d’exécution du Conseil postérieurs à l’adoption du règlement n° 36/2012, le recours n’est recevable qu’à l’encontre du seul règlement d’exécution n° 410/2012, identifié avec suffisamment de précision par le requérant dans son mémoire en réplique.

 Sur le fond

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de présomption d’innocence et d’un renversement de la charge de la preuve

35      Le requérant soutient que le Conseil a méconnu le principe de la présomption d’innocence, reconnu par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), et l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389) en l’associant aux personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne. Il précise que le Conseil a méconnu ce principe en diffusant, par le biais d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne, une information laissant supposer qu’il se serait rendu coupable d’actes répréhensibles, alors même que sa culpabilité ne reposerait que sur des allégations non fondées. Par ailleurs, le Conseil aurait procédé à un renversement de la charge de la preuve.

36      Le Conseil considère que ce moyen doit être rejeté comme irrecevable, le requérant n’ayant produit aucun argument au soutien de celui-ci. En tout état de cause, il rappelle que les mesures de gel d’avoirs ne sont pas de nature pénale mais qu’elles constituent de simples mesures conservatoires. Il précise, en outre, qu’il pouvait considérer que le requérant apportait un soutien économique au régime syrien, dès lors que ce dernier était un homme d’affaires important qui faisait partie de la classe économique dirigeante en Syrie et qu’il était proche d’autres personnes étroitement associées au régime syrien. Il indique que des éléments de preuve plus spécifiques n’ont pas été transmis au requérant pour des raisons impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres et à la conduite de leurs relations internationales.

–       Sur la recevabilité du premier moyen

37      En vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués, cette indication devant être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Selon la jurisprudence, la seule énonciation abstraite d’un moyen ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêt du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68).

38      En l’espèce, le requérant a soulevé, dans sa requête, un moyen tiré de la violation de la présomption d’innocence en précisant sa base juridique ainsi qu’un extrait des actes attaqués relatif à sa désignation en tant que personne associée à la répression violente exercée contre la population civile syrienne. Ces éléments ont permis au Conseil de répondre, dans son mémoire en défense, à ce moyen sur le fond. De plus, le requérant a soulevé, dans le cadre de ses deuxième et quatrième moyens, des arguments relatifs à la question de la charge de la preuve, qu’il convient de rattacher au premier moyen tiré de la violation du principe de présomption d’innocence, dès lors que le principe selon lequel la charge de la preuve pèse sur l’accusation en constitue le corollaire.

39      Dès lors, il y a lieu de considérer le premier moyen comme recevable.

–       Sur la violation du principe de présomption d’innocence

40      Le principe de la présomption d’innocence, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH et à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, qui exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie, ne s’oppose pas à l’adoption de mesures conservatoires de gel de fonds, dès lors que celles-ci n’ont pas pour objet d’engager une procédure pénale à l’encontre de la personne visée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié au Recueil, point 101). De telles mesures doivent cependant, compte tenu de leur gravité, être prévues par la loi, être adoptées par une autorité compétente et présenter un caractère limité dans le temps (arrêt du Tribunal du 2 septembre 2009, El Morabit/Conseil, T‑37/07 et T‑323/07, non publié au Recueil, point 40 ; voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 111, et Fahas/Conseil, précité, point 67).

41      En l’espèce, les décisions attaquées ont été adoptées sur le fondement de l’article 29 TUE qui attribue compétence au Conseil pour adopter des décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique. S’agissant des règlements attaqués, ils ont été adoptés sur le fondement des dispositions de l’article 215 TFUE, qui prévoit, en son paragraphe 2, l’adoption par le Conseil de mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques, lorsque cela est prévu par une décision adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité UE, comme l’ont prévu les décisions attaquées. Dès lors, les mesures imposées au requérant sont prévues par la législation de l’Union et le Conseil était compétent pour les adopter. Par ailleurs, aux termes de l’article 8 de la décision 2011/273, telle que modifiée par les décisions attaquées, reproduit à l’article 25 de la décision 2011/782, les décisions attaquées s’appliquent pendant douze mois, font l’objet d’un suivi constant et peuvent être prorogées ou modifiées, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. De même, l’article 14, paragraphe 4, du règlement n° 442/2011, tel que modifié par les règlements attaqués, et l’article 32, paragraphe 4, du règlement n° 36/2012 prévoyaient que la liste des personnes concernées par les mesures en cause serait examinée à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois. Les mesures imposées au requérant ont donc bien un caractère limité dans le temps.

–       Sur la charge de la preuve

42      Il ressort des considérants de la décision 2011/522 que, les mesures restrictives adoptées dans la décision 2011/273 n’ayant pas permis de mettre fin à la répression du régime syrien contre la population civile syrienne, le Conseil a considéré qu’il y avait lieu d’appliquer lesdites mesures à d’autres personnes et entités profitant du régime ou appuyant celui-ci, en particulier à celles qui finançaient le régime ou qui lui apportaient un soutien logistique, notamment à l’appareil de sécurité, ou qui compromettaient les efforts visant à assurer une transition pacifique vers la démocratie. Ainsi, il apparaît que la décision 2011/522 a étendu les mesures restrictives aux principaux entrepreneurs syriens, le Conseil considérant que les dirigeants des principales entreprises syriennes pouvaient être qualifiés de personnes associées au régime syrien, les activités commerciales desdites entreprises ne pouvant prospérer à moins de bénéficier des faveurs dudit régime et de lui apporter en retour un certain soutien. En procédant de la sorte, le Conseil a entendu faire application d’une présomption de soutien au régime syrien à l’encontre des dirigeants des principales entreprises de Syrie.

43      S’agissant du requérant, il ressort du dossier que le Conseil a fait application d’une présomption de soutien au régime syrien en raison de ses qualités de président de l’Issam Anbouba Establishment for agro-industry (ci-après la « SAPCO »), société majeure de l’industrie agroalimentaire, qui détient notamment une part de marché de 60 % dans le secteur de l’huile de soja, de dirigeant de plusieurs sociétés actives dans le domaine de l’immobilier et de l’éducation et de membre fondateur du conseil d’administration de la société privée la plus importante en Syrie, créée en 2007, et de ses fonctions de secrétaire général de la chambre de commerce et d’industrie de la ville de Homs (Syrie).

44      Il importe de vérifier si, en procédant de la sorte, le Conseil a commis une erreur de droit.

45      Il convient, tout d’abord, de rappeler que, selon la jurisprudence, en matière de droit de la concurrence, les institutions peuvent faire usage de présomptions qui reflètent la possibilité pour l’administration ayant la charge de la preuve de tirer des conclusions en se fondant sur les règles d’expérience commune découlant du déroulement normal des choses (arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, points 60 à 63, et conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous l’arrêt de la Cour du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, I‑4533, points 87 à 89).

46      Ensuite, il ressort de la jurisprudence qu’une présomption, même difficile à renverser, demeure dans des limites acceptables tant qu’elle est proportionnée au but légitime poursuivi, qu’existe la possibilité d’apporter la preuve contraire et que les droits de la défense sont assurés (voir arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, non encore publié au Recueil, point 62, et la jurisprudence citée). De même, la Cour européenne des droits de l’homme considère que l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH ne se désintéresse pas des présomptions de fait ou de droit, mais qu’il commande aux États de les enserrer dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l’enjeu et préservant les droits de la défense (Cour eur. D. H., arrêt Salabiaku c. France du 7 octobre 1988, série A n° 141‑A, § 28, et Klouvi c. France du 30 juin 2011, requête n° 30754/03, § 41).

47      Enfin, s’agissant de décisions en matière de gel des fonds, selon la jurisprudence, l’utilisation de présomptions n’est pas exclue dès lors que celles-ci ont été prévues par les actes attaqués et qu’elles répondent à l’objectif de la réglementation en cause (arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil, C‑376/10 P, non encore publié au Recueil, point 69).

48      En l’espèce, en premier lieu, il convient de constater, que, compte tenu de la nature autoritaire du régime syrien et du contrôle étroit exercé par l’État sur l’économie syrienne, le Conseil pouvait considérer, à juste titre, comme constituant une règle d’expérience commune le fait que les activités de l’un des principaux hommes d’affaires de Syrie, actif dans de nombreux secteurs, n’avaient pas pu prospérer à moins que celui-ci n’ait bénéficié des faveurs dudit régime et lui ait apporté en retour un certain soutien.

49      En deuxième lieu, il convient d’examiner si cette présomption est proportionnée au but poursuivi par le Conseil, si elle est réfragable et si elle préserve les droits de la défense du requérant.

50      Tout d’abord, il ressort des considérants 2 à 4 de la décision 2011/522 que le Conseil a pour objectif de mettre fin à la répression impitoyable exercée par le président syrien Bachar Al Assad et son régime contre leur propre population, d’obtenir la remise en liberté des manifestants arrêtés, d’accorder un libre accès au territoire syrien aux organisations humanitaires, aux organisations de défense des droits de l’homme internationales, ainsi qu’aux médias, et de lancer un véritable dialogue national ouvert à tous. Afin d’atteindre ces objectifs, le Conseil a décidé d’appliquer des mesures restrictives de nature conservatoire à toutes les personnes et entités profitant du régime ou soutenant celui-ci, en particulier à celles qui financent le régime ou lui apportent un soutien logistique, en présumant que les dirigeants des principales entreprises de Syrie pouvaient être qualifiés de personnes associées au régime syrien. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que des considérations impérieuses touchant à la sûreté ou à la conduite des relations internationales de l’Union et de ses États membres peuvent s’opposer à la communication de certains éléments de preuve aux intéressés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, point 342). Compte tenu de l’importance et de la nature des objectifs poursuivis, la présomption utilisée par le Conseil, qui permet en principe de répondre auxdits objectifs, apparaît comme proportionnée.

51      Ensuite, il convient de constater que cette présomption est réfragable. En effet, il ressort des dispositions de l’article 5 de la décision 2011/273 et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 442/2011 que le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de son inscription sur la liste en cause, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations. Les personnes visées par les mesures restrictives demeurent ainsi libres de réfuter ladite présomption, en démontrant qu’elles n’apportent pas leur soutien au régime en place, en s’appuyant notamment sur des faits et des informations qu’elles seules peuvent détenir (voir, par analogie, les conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, points 72 à 75).

52      Enfin, le Tribunal rappelle que, de telles mesures ayant une importante incidence sur les droits et les libertés des personnes visées, le Conseil est tenu de respecter les droits de la défense desdites personnes en leur communiquant les motifs de leur inscription sur la liste en cause concomitamment avec ou immédiatement après l’adoption de la décision, et en leur permettant de présenter leurs observations au plus tard avant l’adoption de la deuxième décision les concernant et, ainsi, de renverser, le cas échéant, ladite présomption, en faisant valoir les éléments relatifs à leur situation personnelle qui militent pour que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, non encore publié au Recueil, points 61 à 67).

53      En troisième lieu, il convient de rappeler que l’utilisation de cette présomption a été prévue par les actes attaqués (voir point 42 ci-dessus) et qu’elle permet, en principe, de répondre à leurs objectifs (voir point 50 ci-dessus).

54      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le Conseil n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la seule qualité d’homme d’affaires important en Syrie du requérant lui permettait de présumer que ce dernier apportait un soutien économique au régime syrien.

55      Dès lors, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation relatives aux motifs de l’inscription du requérant sur la liste des personnes faisant l’objet des mesures de sanction de l’Union

56      Le requérant a fourni plusieurs éléments destinés à démontrer que le Conseil aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation en considérant que, en sa qualité d’homme d’affaires important en Syrie, il apportait un soutien économique au régime syrien, alors même qu’il aurait vécu longtemps à l’étranger et n’aurait jamais été membre d’une organisation politique, ni n’aurait reçu aucune subvention du gouvernement syrien.

57      Le Conseil estime que les nouveaux éléments de preuve fournis à l’appui de ce moyen par le requérant dans son second mémoire adaptant les conclusions sont irrecevables car ils ne sont aucunement liés au contenu de l’acte faisant l’objet de la demande d’adaptation des conclusions.

58      Sur le fond, le Conseil considère qu’il n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que le requérant apportait un soutien économique au régime syrien, dès lors que ce dernier est un homme d’affaires important qui fait partie de la classe économique dirigeante en Syrie et qu’il est proche d’autres personnes étroitement associées au régime syrien.

–       Sur la recevabilité des nouvelles offres de preuve fournies dans le second mémoire adaptant les conclusions

59      Aux termes des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, et de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête doit, en principe, comporter les offres de preuve et les parties peuvent encore faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique, à la condition de motiver le retard apporté à la présentation desdites offres. À défaut d’une telle motivation ou si celle-ci est jugée insuffisante, les preuves ou les offres de preuve présentées seront écartées comme tardives (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 72, et du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice, C‑243/04 P, non publié au Recueil, point 33).

60      Par ailleurs, s’agissant des offres de preuve contenues dans un mémoire adaptant les conclusions de la requête, selon la jurisprudence, la présentation de nouvelles offres de preuve doit être considérée comme inhérente au droit qu’ont les parties de reformuler leurs conclusions, moyens et arguments, à la lumière des éléments nouveaux (arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, précité, point 31). Dès lors, seules les nouvelles offres de preuve produites en raison des éléments nouveaux ayant justifié l’adaptation des conclusions peuvent, en principe, être considérées comme recevables.

61      En l’espèce, il y a lieu de constater, s’agissant des annexes A1 à A9 et A11 du second mémoire adaptant les conclusions, que ces documents avaient déjà été produits par le requérant en annexe à son premier mémoire adaptant les conclusions, en tant qu’annexes de courriers transmis au Conseil les 2 et 21 mars 2012 à la suite de l’adoption par le Conseil de la décision 2011/782 et du règlement n° 36/2012, qui ont fait l’objet des demandes d’adaptation des conclusions. Ces documents doivent être considérés comme recevables, dès lors qu’ils font partie des éléments nouveaux intervenus à la suite de l’adoption des actes ayant permis l’adaptation des conclusions.

62      S’agissant des annexes A10 et A12 du second mémoire adaptant les conclusions, celles-ci étant produites pour la première fois par le requérant, il y a lieu d’examiner si elles sont liées aux éléments nouveaux ayant justifié l’adaptation des conclusions ou si le requérant a fourni des explications pertinentes pour expliquer le retard avec lequel il les avait produites. L’annexe A10, qui consiste en la traduction d’un article de presse publié le 14 juillet 2010, doit ainsi être considérée comme irrecevable, le requérant n’ayant apporté aucune explication quant à la tardiveté de sa production. L’annexe A12, qui consiste en une attestation d’un responsable religieux en date du 28 février 2012, est, en revanche, recevable, compte tenu de sa date de rédaction.

–       Sur les erreurs manifestes d’appréciation

63      Le requérant a fourni plusieurs éléments destinés à démontrer que le Conseil aurait commis une erreur d’appréciation en considérant qu’en sa qualité d’homme d’affaires important en Syrie, il apportait un soutien économique au régime syrien, alors même qu’il aurait vécu longtemps à l’étranger et n’aurait jamais été membre d’une organisation politique, ni n’aurait reçu aucune subvention du gouvernement syrien. Il y a lieu d’examiner si ces éléments permettent de renverser la présomption selon laquelle, en qualité d’homme d’affaires important en Syrie, le requérant apportait un soutien au régime en place.

64      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que les parties s’accordent sur le fait que le requérant est l’un des principaux hommes d’affaires en Syrie, actif dans le domaine de l’agroalimentaire (SAPCO détenant une part de marché de 60 % dans le secteur de l’huile de soja), de l’immobilier et de l’éducation, qui a connu des succès économiques importants en Syrie sous le régime actuel. Le requérant a, par ailleurs, admis être le secrétaire général de la chambre de commerce et d’industrie de la ville de Homs et avoir été, de 2007 au mois d’avril 2011, l’un des neuf membres du conseil d’administration de la société privée la plus importante en Syrie, qui a également fait l’objet de mesures restrictives de l’Union et qui était coprésidée pendant cette période par le cousin du président syrien Bachar Al Assad, ayant également fait l’objet de telles mesures.

65      Ensuite, il y a lieu d’examiner les éléments de preuve fournis par le requérant.

66      Premièrement, le requérant apporte plusieurs éléments de preuve destinés à établir qu’il a étudié, vécu et travaillé pendant une longue période aux États-Unis et aux Émirats arabes unis. Cette seule circonstance ne saurait cependant suffire à démontrer qu’il n’apportait aucun soutien économique au régime syrien.

67      Deuxièmement, les circonstances selon lesquelles l’actionnariat des sociétés détenues par le requérant serait purement familial, il n’aurait jamais été membre d’une organisation politique et n’aurait reçu aucune subvention du gouvernement syrien, à les supposer établies, ne sauraient suffire à démontrer, à elles seules, que le requérant ne fournissait aucun soutien économique au régime syrien. En effet, comme rappelé au point 48 ci-dessus, compte tenu de la nature du régime syrien, il y a lieu de considérer que les hommes d’affaires ont besoin d’entretenir un minimum de bonnes relations avec le régime pour prospérer, indépendamment de leur appartenance à un parti politique proche du pouvoir ou du fait qu’ils auraient bénéficié de subventions du gouvernement.

68      Troisièmement, le requérant cherche à se prévaloir du fait qu’il aurait été élu président de la chambre de commerce et d’industrie de la ville de Homs contre un candidat réputé, selon lui, proche du pouvoir et ayant également fait l’objet de mesures restrictives de l’Union, qu’il aurait cédé son poste de président à un membre d’une famille opposée au régime et en serait devenu le secrétaire général. Le requérant n’a cependant produit aucun document recevable à l’appui de cette allégation (voir point 62 ci-dessus).

69      Quatrièmement, le requérant soutient que la Cour suprême syrienne a prononcé le 29 janvier 2012 une mesure de saisie de l’ensemble de ses actions détenues dans quatre banques syriennes. Il ne fournit à l’appui de cette allégation qu’un unique document, à savoir une traduction d’une dépêche de presse en date du 6 février 2012 mentionnant une décision de la Cour suprême syrienne et le fait qu’il ait fait l’objet de mesures de sanction de la part de l’Union. Le requérant n’a, en revanche, ni produit le jugement en cause ni fourni une explication quant à cette absence de production. Il n’a pas non plus indiqué les raisons qui auraient conduit la Cour suprême syrienne à adopter une telle décision. S’agissant de ses participations dans l’une de ces banques, le requérant a par ailleurs indiqué avoir démissionné de son poste de vice-président du conseil d’administration en raison des mesures européennes de gel des fonds dont il avait fait l’objet. Ces arguments ne permettent dès lors pas de conclure qu’il n’apportait pas de soutien économique au régime syrien.

70      Cinquièmement, le requérant a produit en annexe à son mémoire en adaptation des conclusions visant la décision 2011/782 deux attestations d’experts en date des 21 et 22 novembre 2011, indiquant que les comptes de ses sociétés avaient été régulièrement contrôlés et validés, qu’il avait déjà fournies au Conseil dans un courrier du 6 décembre 2011.

71      Le requérant, qui n’a par ailleurs fourni aucune autre précision quant à l’origine de ces attestations, aux qualités de leurs auteurs, à leur valeur probante ou à leur utilité, s’est limité à annexer ces documents à son premier mémoire adaptant les conclusions sans même les mentionner dans le corps de ce mémoire.

72      Or, selon l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, également applicable à un mémoire en adaptation des conclusions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission, 14/81, Rec. p. 749, point 8), toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués et, selon une jurisprudence constante, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑601, point 94, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions ci-dessus rappelées, doivent figurer dans la requête (voir arrêt Microsoft/Commission, précité, point 94, et la jurisprudence citée). En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêts du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T‑84/96, Rec. p. II‑2081, point 34, et du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 154).

73      Dès lors, les documents visés au point 70 ci-dessus ne sauraient être pris en considération par le Tribunal. En tout état de cause, la seule circonstance selon laquelle les comptes des sociétés du requérant auraient été régulièrement contrôlés et validés, à la supposer établie, ne saurait permettre de considérer qu’il n’apportait aucun soutien économique au régime syrien.

74      Sixièmement, le requérant indique que le Conseil aurait décidé de retirer le nom d’un autre homme d’affaires syrien de la liste des personnes faisant l’objet de mesures de sanction de la part de l’Union. Cette circonstance est cependant sans influence sur la légalité des actes attaqués, le requérant n’apportant aucune indication selon laquelle la situation de cette personne serait similaire à la sienne, en dehors de leur qualité commune d’homme d’affaires syrien.

75      Septièmement, le requérant a produit, en annexe à sa demande d’adaptation des conclusions en date du 13 décembre 2011, des photos de l’extérieur des bâtiments et sites industriels lui appartenant, destinées à établir qu’il ne ferait aucune autre utilisation de ces locaux que celle à laquelle ceux-ci étaient naturellement destinés. Il y a lieu de rappeler que, à la suite de la demande de réexamen par le requérant de son inscription sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures de sanction de la part de l’Union le 7 octobre 2011, le Conseil lui a indiqué le 14 novembre 2011 qu’il avait l’intention de compléter l’exposé des motifs le concernant en y précisant qu’il fournissait des locaux (bâtiments, entrepôts) utilisés comme centres de détention provisoires. Cette modification de l’exposé des motifs d’inscription du requérant sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures de sanction de la part de l’Union n’a cependant été adoptée par le Conseil que le 14 mai 2012, dans le règlement d’exécution n° 410/2012. En tout état de cause, les documents produits par le requérant, dont il n’a pas précisé la source, qui ne sont pas datés, et qui ne représentent que l’extérieur des bâtiments, ne permettent pas d’établir qu’il n’a été fait aucun autre usage de ces locaux que celui auquel ceux-ci sont naturellement destinés, ni que le requérant n’apportait pas de soutien économique au régime syrien.

76      En conclusion, il y a lieu de considérer que le requérant n’a apporté aucun élément susceptible de renverser la présomption selon laquelle, en qualité d’homme d’affaires important en Syrie, il apportait un soutien au régime en place.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

77      Le requérant considère que le Conseil a violé ses droits de la défense, d’une part, en ne lui communiquant à aucun moment des éléments de preuve ou des indices sérieux qui auraient pu justifier son inscription sur la liste des personnes auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives et, d’autre part, en ne l’entendant pas avant d’adopter les mesures en cause et en ne lui permettant pas de faire valoir son point de vue pendant plus de deux mois, les éléments lui ayant été transmis par le Conseil le 14 novembre 2011 ne lui ayant pas permis de préparer sa défense en raison de leur brièveté. De plus, les décisions 2011/522 et 2011/628 ne lui auraient jamais été individuellement notifiées, comme le prévoirait pourtant l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 442/2011, ce qui aurait eu pour conséquence de l’empêcher de se défendre efficacement.

78      Le Conseil considère avoir pleinement respecté les droits de la défense du requérant. Il rappelle tout d’abord que, compte tenu de la nature conservatoire des mesures en cause et de leurs objectifs, la jurisprudence ne lui impose pas d’entendre les personnes concernées par les mesures en cause avant l’adoption de ces dernières.

79      Le Conseil estime, par ailleurs, avoir respecté les dispositions de l’article 5 de la décision 2011/273 en publiant les actes attaqués au Journal officiel ainsi qu’un avis incluant une référence aux actes comportant la motivation de chacune des désignations, permettant ainsi au requérant de présenter en temps utile ses observations en vue d’un réexamen de sa situation et de former un recours juridictionnel. Il soutient qu’il n’était pas tenu de procéder à une notification individuelle des actes attaqués dès lors qu’il ne disposait pas des coordonnées personnelles du requérant et que, en tout état de cause, cette absence de notification individuelle n’a pas affecté ses droits de la défense. Enfin, le Conseil souligne que les actes attaqués exposent de manière suffisante les raisons pour lesquelles le requérant a été inscrit sur la liste en cause.

80      En premier lieu, il convient de rappeler que le droit fondamental au respect des droits de la défense au cours d’une procédure précédant l’adoption d’une mesure restrictive telle que les actes attaqués est expressément consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (arrêt France/People’s Mojahedin Organization of Iran, précité, point 66).

81      Le principe du respect des droits de la défense exige que les personnes visées par les mesures restrictives se voient communiquer les motifs de leur inscription sur la liste concomitamment avec ou immédiatement après l’adoption de la décision, afin de leur permettre de présenter utilement leurs observations et d’exercer leur droit de recours (arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, précité, point 336). En revanche, ce principe n’exige pas que le Conseil transmette systématiquement aux personnes en cause les éléments de preuve ayant conduit à leur inscription sur ladite liste, dès lors que des soucis légitimes de sécurité quant à la nature et aux sources de renseignements ayant été pris en considération peuvent s’opposer à une telle transmission (arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, précité, point 344 ; conclusions de l’avocat général M. Bot dans les affaires Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, non encore publiées au Recueil, point 66 ; voir, en ce sens, arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, précité, points 133 à 137).

82      L’article 5 de la décision 2011/273 et l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 442/2011 prévoient, conformément à ces principes, que le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

83      En l’espèce, il ressort du dossier que le Conseil s’est conformé à ces dispositions. En effet, les actes attaqués ont été publiés au Journal officiel, en mentionnant les motifs ayant conduit à l’inscription du requérant sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives. Ainsi, les actes attaqués adoptés avant le 14 mai 2012 ont, dans leurs considérants, rappelé la nécessité d’appliquer les mesures restrictives à toutes les personnes ou entités profitant du régime syrien ou le soutenant, notamment celles le finançant ou lui apportant un soutien logistique, et, s’agissant plus particulièrement du requérant, ont indiqué qu’il était visé en tant que président de l’« Issam Anbouba Est. for agro-industry » apportant un soutien économique au régime syrien, puis, à compter du 14 mai 2012, comme le Conseil l’avait annoncé au requérant le 14 novembre 2011, en raison de son implication dans la fourniture d’assistance financière pour l’appareil répressif et les groupes paramilitaires exerçant des violences à l’encontre de la population civile en Syrie et de biens immobiliers (locaux et entrepôts) pour des centres de détention improvisés, et en raison de ses relations financières avec de hauts fonctionnaires syriens. Par ailleurs, le 14 octobre 2011, le Conseil a publié au Journal officiel un avis à l’attention des personnes auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives en question, contenant une référence explicite aux actes qui comportaient la motivation de chacune des désignations, et qui précisait notamment que « les personnes concernées [pouvaient] adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle elles [avaient] été inscrites sur la liste en question, en y joignant les pièces justificatives requises ».

84      Il y a donc lieu de constater que le Conseil a satisfait à son obligation de porter à la connaissance du requérant les motifs de son inscription sur la liste en cause, puisque celui-ci a été informé en temps utile des mesures restrictives et a, d’ailleurs, été en mesure de présenter, dès le 7 octobre 2011, des observations en vue d’un réexamen de cette inscription, ainsi que de former deux recours auprès du Tribunal les 28 octobre et 22 novembre 2011.

85      S’agissant de l’argument du requérant selon lequel le Conseil ne lui aurait pas transmis les motifs de son inscription sur la liste en cause dans un délai déraisonnable, plus de deux mois s’étant écoulés entre l’adoption de la décision 2011/522 et du règlement n° 878/2011 et la lettre du Conseil du 14 novembre 2011, il y a lieu de constater que ces deux actes ne font pas l’objet du présent recours et, en tout état de cause, de rappeler que les motifs de l’inscription du requérant sur la liste lui ont été communiqués immédiatement par le biais de la publication desdits actes au Journal officiel et que, le 14 novembre 2011, le Conseil s’est contenté de lui indiquer son intention de modifier lesdits motifs.

86      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel le Conseil était tenu de l’entendre avant d’adopter les premières mesures le concernant, il y a lieu de constater que la décision 2011/522 et le règlement n° 878/2011 ne font pas partie de l’objet du présent recours et de rappeler, en tout état de cause, que, selon la jurisprudence, pour des raisons tenant à l’objectif poursuivi par les actes attaqués et à l’efficacité des mesures prévues par ceux-ci, le Conseil n’est pas tenu d’entendre le requérant préalablement à l’inclusion initiale de son nom dans la liste en cause (arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, précité, point 341).

87      En troisième lieu, s’agissant de l’argument du requérant relatif à l’absence de notification individuelle des décisions 2011/522 et 2011/628, il y a lieu de constater que ces deux décisions ne font pas l’objet du présent recours. À supposer que cet argument vise également l’ensemble des actes attaqués dans la présente affaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 5 de la décision 2011/273 et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 442/2011, le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis. Selon la jurisprudence, si une communication individuelle de ce type de décisions est, en principe, nécessaire, la seule publication au Journal officiel n’étant pas suffisante, il y a lieu cependant pour le juge d’examiner, dans chaque affaire, si le fait de ne pas avoir porté individuellement les motifs de la décision litigieuse à la connaissance du requérant a eu pour conséquence de priver ce dernier de la possibilité de connaître, en temps utile, la motivation de la décision litigieuse et d’apprécier le bien-fondé de la mesure de gel des fonds adoptée à son égard (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, non encore publié au Recueil, points 52 à 56).

88      En l’espèce, le Conseil soutient ne pas avoir disposé de l’adresse personnelle du requérant et ne jamais envoyer ce type de décisions à une adresse professionnelle, pour des raisons de sécurité, celles-ci pouvant parvenir entre les mains de, et être lues par des, personnes autres que celles intéressées. Il y a lieu d’indiquer à cet égard que, compte tenu du fait que les mesures restrictives interviennent dans des domaines présentant, le plus souvent, un haut degré de sensibilité et peuvent viser des personnes, des entités ou des organismes dont la localisation exacte n’est pas toujours connue ni même déterminée, l’obligation de notification individuelle ne doit peser sur le Conseil que lorsque l’exécution de celle-ci est possible (conclusions de l’avocat général M. Mengozzi sous l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil, précité, non encore publiées au Recueil, point 46). En tout état de cause, il ressort du dossier que le requérant a été mis en mesure de se défendre efficacement contre les actes attaqués à la suite de leur publication au Journal officiel, puisqu’il a formé un recours auprès du Tribunal dans les délais prévus (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil, T‑439/10 et T‑440/10, non encore publié au Recueil, points 63 à 69).

89      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

90      Le requérant soutient que le Conseil n’a pas motivé sa décision de l’inscrire sur la liste des personnes auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives en se bornant à affirmer qu’il apportait un soutien économique au régime syrien. La décision 2011/628 comporterait en outre des erreurs quant à son lieu et à sa date de naissance, reprises par le règlement n° 1011/2011. Enfin, le Conseil procéderait à un renversement de la charge de la preuve en affirmant qu’il appartiendrait au requérant de prouver son innocence.

91      Le Conseil considère que les actes attaqués sont suffisamment motivés dès lors qu’ils font référence à la gravité de la situation en Syrie et qu’ils précisent les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le requérant a été inscrit sur la liste en cause. De plus, le Conseil aurait apporté des éléments complémentaires à ce sujet dans le projet d’exposé des motifs modifié transmis au requérant le 14 novembre 2011.

92      À titre préalable, il y a lieu de rappeler que l’argument du requérant tiré de ce que le Conseil aurait procédé à un renversement de la charge de la preuve relève de la légalité au fond des actes attaqués et a été examiné sous le premier moyen.

93      S’agissant, de même, de l’argument du requérant selon lequel le règlement n° 1011/2011 comporterait des erreurs quant à son lieu et à sa date de naissance, celui-ci doit être interprété comme constituant un moyen tiré d’une erreur de fait, qui relève de la légalité au fond de l’acte, distinct de la question de la motivation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, non encore publié au Recueil, point 60).

94      Sur le fond, il ressort du dossier que ce n’est qu’à partir du 23 septembre 2011, date d’adoption de la décision 2011/628, que le Conseil a précisé, dans la liste des personnes visées par les mesures restrictives, sous la rubrique « informations d’identification », la date et le lieu de naissance du requérant, en indiquant qu’il était né à Lattaquié (Syrie), en 1949. Ces informations ont ensuite été reproduites dans le règlement n° 1011/2011, la décision 2011/782 et le règlement n° 36/2012. À la suite de plusieurs courriers du requérant signalant que ces informations étaient erronées, le Conseil les a corrigées le 14 mai 2012 par le règlement d’exécution n° 410/2012, en indiquant qu’il était né à Homs en 1952. Cette erreur de plume, qui ne concernait que les informations permettant d’identifier le requérant et non les motifs de son inscription sur la liste en cause, n’ayant cependant eu aucune incidence sur le contenu du règlement n° 1011/2011, de la décision 2011/782 et du règlement n° 36/2012, il y a lieu de considérer qu’elle n’en a pas affecté la validité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C‑196/99 P, Rec. p. I‑1105, point 115).

95      S’agissant de la motivation des actes attaqués, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, point 145, et Elf Aquitaine/Commission, précité, point 148). La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt de la Cour du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, non encore publié au Recueil, point 138, et la jurisprudence citée).

96      Dans la mesure où la personne concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale de gel des fonds, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision. Partant, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel des fonds doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêt Conseil/Bamba, précité, points 51 et 52).

97      Cependant, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/9 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, précité, points 139 et 140). En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C‑301/96, Rec. p. I‑9919, point 89, et du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, Rec. p. I‑6079, points 69 et 70).

98      En l’espèce, il convient de relever, d’une part, que, aux considérants 2 à 4 de la décision 2011/522, ainsi qu’au considérant 2 du règlement n° 878/2011, le Conseil a exposé le contexte général l’ayant conduit à étendre le champ d’application des mesures restrictives instaurées à l’encontre de la Syrie. Il en ressort que ce contexte général, qui était nécessairement connu du requérant, tenait à la poursuite, par le gouvernement syrien, de la campagne menée à l’encontre de la population, de l’arrestation des manifestants, de l’interdiction d’accès au pays faite aux médias, aux organisations humanitaires et aux organisations de défense des droits de l’homme internationales et du refus de tout dialogue national. L’extension du champ d’application des mesures restrictives visait ainsi les autres personnes et entités profitant du régime ou soutenant sur celui-ci, en particulier les personnes et entités qui finançaient le régime ou qui lui apportaient un soutien logistique, notamment à l’appareil de sécurité, ou qui compromettaient les efforts visant à assurer une transition pacifique vers la démocratie en Syrie.

99      D’autre part, s’agissant des motifs pour lesquels le Conseil a considéré que le requérant devait faire l’objet de telles mesures restrictives, la motivation qui figure au point 54 du tableau A de l’annexe I de la décision 2011/782 et en troisième ligne du tableau de l’annexe II du règlement n° 1011/2011 indique que le requérant est président de SAPCO et qu’il apporte un soutien économique au régime syrien. Le point 54 du tableau A de l’annexe II du règlement n° 36/2012 précise, de même, qu’il apporte un soutien financier au régime syrien. Par ailleurs, le 14 novembre 2011, le Conseil a indiqué au requérant qu’il avait l’intention de modifier l’exposé des motifs le concernant afin de préciser qu’il apportait un soutien financier à l’appareil répressif et aux groupes paramilitaires responsables des actes de violence contre la population civile en Syrie, qu’il fournissait des locaux (bâtiments, entrepôts) utilisés comme centres de détention provisoires, et qu’il entretenait des relations financières avec des hauts fonctionnaires syriens. La deuxième ligne du tableau de l’annexe II du règlement d’exécution n° 410/2012 a ainsi modifié les motifs de son inscription sur la liste des personnes faisant l’objet des mesures en cause. Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le Conseil a identifié, dans les actes attaqués, les éléments spécifiques et concrets, en termes de fonctions exercées à titre professionnel par le requérant, qu’il considérait comme témoignant de son appartenance au groupe de personnes et entités profitant ou soutenant le régime syrien, le finançant ou lui apportant un soutien logistique, et qui compromettaient ainsi les efforts visant à assurer une transition pacifique vers la démocratie en Syrie.

100    Par ces indications, le requérant a ainsi été mis en mesure de contester utilement le bien-fondé des actes attaqués, comme le montrent ses arguments développés sous le deuxième moyen, par lesquels il soutient que le Conseil aurait commis une erreur d’appréciation en considérant que, en sa qualité d’homme d’affaires important en Syrie, il apportait un soutien économique au régime syrien.

101    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

102    En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Issam Anbouba est condamné aux dépens.

Kanninen

Soldevila Fragoso

Berardis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : le français.