Language of document : ECLI:EU:C:2011:372

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

9 juin 2011 (*)

«Pourvoi – Aides d’État – Recours en annulation – Décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE – Décisions finales subséquentes constatant l’incompatibilité avec le marché commun des régimes d’aides d’État mis à exécution par l’Espagne en 1993 en faveur de certaines entreprises nouvellement créées dans la province d’Álava, de Vizcaya et de Guipúzcoa – Exemption de l’impôt sur les sociétés – Litispendance – Notion d’‘aide autorisée’ – Confiance légitime – Respect d’un délai raisonnable – Absence de notification»

Dans les affaires jointes C‑465/09 P à C-470/09 P,

ayant pour objet des pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduits le 26 novembre 2009,

Territorio Histórico de Vizcaya – Diputación Foral de Vizcaya (C‑465/09 P et C‑468/09 P),

Territorio Histórico de Álava – Diputación Foral de Álava (C‑466/09 P et C‑469/09 P),

Territorio Histórico de Guipúzcoa – Diputación Foral de Guipúzcoa (C‑467/09 P et C‑470/09 P),

représentés par Mes I. Sáenz-Cortabarría Fernández et M. Morales Isasi, abogados,

parties requérantes,

soutenues par:

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

                                             partie intervenante au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Comunidad autónoma del País Vasco – Gobierno Vasco, représentée par Mes I. Sáenz-Cortabarría Fernández et M. Morales Isasi, abogados,

Comunidad autónoma de La Rioja, représentée par Mes J. Criado Gámez et M. Martínez Aguirre, abogados,

Confederación Empresarial Vasca (Confebask),

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, faisant fonction de président de la troisième chambre, MM. E. Juhász, G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mars 2011,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs pourvois, le Territorio Histórico de Vizcaya – Diputación Foral de Vizcaya (C-465/09 P et C-468/09 P), le Territorio Histórico de Álava – Diputación Foral de Álava (C-466/09 P et C‑469/09 P) ainsi que le Territorio Histórico de Guipúzcoa – Diputación Foral de Guipúzcoa (C-467/09 P et C‑470/09 P) demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission (T-30/01 à T‑32/01 et T‑86/02 à T-88/02, Rec. p. II-2919, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leurs recours en annulation dirigés respectivement:

–        dans les affaires T-30/01 à T-32/01 (correspondant aux pourvois dans les affaires C-465/09 P à C-467/09 P), contre la décision de la Commission du 28 novembre 2000 d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant les aides fiscales sous la forme de l’exemption de l’impôt sur les sociétés pour certaines entreprises nouvellement créées dans la province d’Álava [C 58/2000 (ex NN 81/2000)], dans la province de Guipúzcoa [C 59/2000 (ex NN 82/2000)] et dans la province de Vizcaya [C 60/2000 (ex NN 83/2000)] (JO 2001, C 37, p. 38, ci-après la «décision d’ouverture»), et,

–        dans les affaires T-86/02 à T-88/02 (correspondant aux pourvois dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P), contre les décisions 2003/28/CE, 2003/86/CE et 2003/192/CE de la Commission, du 20 décembre 2001, concernant un régime d’aides d’État mis à exécution par l’Espagne en 1993 en faveur de certaines entreprises nouvellement créées dans la province de Álava (JO 2003, L 17, p. 20), dans la province de Vizcaya (JO 2003, L 40, p. 11), et dans la province de Guipúzcoa (JO 2003, L 77, p. 1, ci-après les «décisions finales»). 

 Le cadre juridique

2        L’article 1er, sous b) et c), du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), dispose:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[…]

b)      ‘aide existante’:

[…]

ii)      toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil;

[…]

v)      toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre. […]

c)      ‘aide nouvelle’: toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante».

3        L’article 5, paragraphes 1 et 2, dudit règlement énonce:

«1.      Si la Commission considère que les informations fournies par l’État membre concerné au sujet d’une mesure notifiée conformément à l’article 2 sont incomplètes, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle a besoin. Si un État membre répond à une telle demande, la Commission informe l’État membre de la réception de la réponse.

2.      Si l’État membre ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission, ou les lui fournit de façon incomplète, celle-ci lui adresse un rappel, en fixant un délai supplémentaire adéquat dans lequel les renseignements doivent être communiqués.»

4        L’article 6 du règlement n° 659/1999, intitulé «Procédure formelle d’examen», dispose à son paragraphe 1:

«La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. […]»

5        En vertu de l’article 10, paragraphe 2, de ce même règlement, figurant sous le chapitre III de celui-ci, intitulé «Procédure en matière d’aides illégales», l’article 5, paragraphes 1 et 2, de celui-ci s’applique mutatis mutandis aux aides illégales.

6        L’article 14 dudit règlement, intitulé «Récupération de l’aide», prévoit à son paragraphe 1:

«En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire […]. La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.»

7        L’article 20 du même règlement, intitulé «Droits des parties intéressées», énonce à son paragraphe 2:

«Toute partie intéressée peut informer la Commission de toute aide illégale prétendue et de toute application prétendue abusive de l’aide. Lorsque la Commission estime, sur la base des informations dont elle dispose, qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas, elle en informe la partie intéressée. Lorsque la Commission prend une décision sur un cas concernant la teneur des informations fournies, elle envoie une copie de cette décision à la partie intéressée.»

8        Le point 6.1 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9), ci-après les «lignes directrices de 1998»), prévoit:

«[…] la Commission appréciera la compatibilité des aides à finalité régionale avec le marché commun sur la base des présentes lignes directrices dès leur adoption. Cependant, les projets d’aides notifiés avant la communication aux États membres des présentes lignes directrices et pour lesquels la Commission n’a pas encore adopté une décision finale seront appréciés sur la base des critères en vigueur au moment de la notification.»

 Les antécédents du litige

 Le contexte factuel

9        Les requérants sont les organes exécutifs des trois territoires historiques de la Communauté autonome du Pays basque espagnol auxquels la loi a conféré, sous certaines conditions, la compétence d’organiser le régime fiscal applicable dans ces territoires. En 1993, ils ont, dans ce cadre, adopté des mesures fiscales de contenu presque identique exemptant de l’impôt sur les sociétés pendant une période de dix exercices fiscaux consécutifs les entreprises créées entre la date d’entrée en vigueur de ces dispositions et le 31 décembre 1994 (ci-après les «régimes fiscaux litigieux»). L’octroi desdites exemptions était subordonné à la réalisation d’un investissement minimal ainsi qu’à la création d’un nombre minimal d’emplois.

10      Une plainte émanant de la Cámara de Comercio e Industria de La Rioja (chambre de commerce et d’industrie de La Rioja), de la Federación de empresas de La Rioja (Fédération des entreprises de La Rioja) et de certaines sociétés a été déposée au cours du mois d’avril de l’année 1994 à l’égard des régimes fiscaux litigieux (ci-après la «plainte de 1994»).

11      À la suite de plusieurs réunions entre la Commission et des membres du gouvernement basque ainsi que d’un premier échange de lettres, la Commission a informé les plaignants, par lettre du 18 juillet 1995, qu’elle poursuivait son analyse du système fiscal espagnol et des régimes d’autonomie fiscale en vigueur dans les États membres. Il était également indiqué dans cette lettre que les services de la Commission réunissaient les données nécessaires, ce qui supposait un travail considérable de collecte et d’analyse. Cette institution ajoutait qu’elle déciderait de la suite à donner à la plainte lorsque ces questions seraient clarifiées et qu’elle communiquerait sa décision aux plaignants.

12      Par lettre du 19 janvier 1996, la Commission a informé le Royaume d’Espagne qu’elle examinait l’impact des mesures d’exemption instituées par les régimes fiscaux litigieux sur la concurrence et a demandé audit gouvernement de lui adresser des informations concernant les bénéficiaires de ces mesures.

13      Le 7 février 1996, la Commission a reçu le président du gouvernement basque.

14      Par lettres des 19 février et 21 mars 1996, le Royaume d’Espagne a demandé à la Commission une prorogation du délai de réponse imparti par la lettre du 19 janvier 1996.

15      Le 17 mars 1997, la Commission a tenu une réunion avec des représentants du gouvernement de La Rioja et des partenaires sociaux de cette Communauté autonome.

16      Le 5 janvier 2000, la Commission a reçu une nouvelle plainte, visant l’exemption de l’impôt sur les sociétés dont bénéficiait une entreprise implantée dans la province d’Álava et émanant d’une entreprise concurrente de cette entreprise bénéficiaire (ci-après la «plainte de 2000»).

17      Par lettre du 3 février 2000, à laquelle les autorités espagnoles ont répondu par lettre du 8 mars suivant, la Commission a demandé à ces dernières des informations concernant l’aide accordée à ladite entreprise bénéficiaire.

18      Le 28 novembre 2000, la Commission a notifié au Royaume d’Espagne sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE en ce qui concerne les régimes fiscaux litigieux.

19      Par lettre du 14 décembre 2000, le Royaume d’Espagne a demandé une prorogation du délai imparti pour présenter ses observations, lesquelles ont finalement été déposées le 5 février 2001. Au cours du mois de mars 2001, la Commission a reçu les observations de tiers, lesquelles ont fait l’objet de commentaires des autorités espagnoles dans une lettre du 17 septembre 2001.

20      Le 20 décembre 2001, la Commission a adopté les décisions finales.

 La décision d’ouverture et les décisions finales

21      Dans la décision d’ouverture, la Commission indique que c’est à la suite de la réception de la plainte de 2000 qu’elle a eu la confirmation de l’existence d’une entreprise bénéficiaire des régimes fiscaux litigieux établie dans la province d’Álava, ce qui a été confirmé par les autorités de cette province.

22      En outre, dans ladite décision, la Commission considère que les mesures d’exemption instituées par les régimes fiscaux litigieux constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et, plus particulièrement, des aides au fonctionnement, en principe, interdites. Par conséquent, elle a décidé d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

23      Dans les décisions finales, la Commission estime que les régimes fiscaux litigieux constituent des aides nouvelles et non pas des aides existantes au sens de l’article 1er, sous b), du règlement n° 659/1999. Elle observe qu’elles n’ont fait l’objet d’aucune autorisation expresse ou tacite. En l’absence de notification à la Commission, cette dernière estime que ces aides sont illégales.

24      La Commission considère également que, en dépit de conditions relatives à l’investissement minimal et à la création d’un nombre minimal d’emplois, les mesures d’exemption instituées par les régimes fiscaux litigieux n’ont pas le caractère d’aides à l’investissement ou à l’emploi, car elles ont pour assiette non pas  le montant de l’investissement ni le nombre d’emplois créés ou les coûts salariaux y afférents, mais la base imposable. En revanche, elle précise que, en déchargeant partiellement les entreprises bénéficiaires de l’impôt sur les sociétés, les aides en cause peuvent être qualifiées d’aides au fonctionnement, en principe, interdites.

25      La Commission estime que, étant donné le caractère général et abstrait des régimes fiscaux litigieux, elle n’était pas tenue d’analyser la situation particulière de chacune des entreprises potentiellement bénéficiaires, mais qu’il suffisait d’établir que certaines entreprises pourraient bénéficier d’aides incompatibles avec le marché commun. Elle précise que sa demande, contenue dans la décision d’ouverture, visant à obtenir toute information utile pour l’évaluation desdits régimes avait pour but de lui permettre de se former une idée générale de l’impact réel de ces régimes et non d’obtenir des renseignements permettant de procéder à des analyses individualisées. Dans la décision finale relative à la province d’Álava, elle rappelle que la plainte de 2000 était dirigée contre l’exemption fiscale d’une durée de dix ans dont bénéficiait une entreprise implantée dans cette province et affirme avoir examiné le cas de cette entreprise, seule bénéficiaire identifiée des régimes fiscaux litigieux, même si cela n’était pas nécessaire, selon elle, pour procéder à une évaluation de ces régimes.

26      En conclusion, la Commission impose la suppression des régimes fiscaux litigieux, dans la mesure où ils seraient encore en vigueur, ainsi que la récupération des aides illégales accordées en application de ceux-ci.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

27      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 9 février 2001, les requérants ont introduit, dans les affaires T-30/01 à T‑32/01, des recours en annulation de la décision d’ouverture.

28      Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le 4 mai 2001, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre desdits recours, au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, laquelle a été jointe au fond.

29      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 26 mars 2002, les requérants ont introduit, dans les affaires T-86/02 à T‑88/02, des recours en annulation des décisions finales.

30      Par ordonnance du président de la cinquième chambre élargie du Tribunal du 11 novembre 2005, les affaires T-30/01 à T-32/01 et T‑86/02 à T‑88/02 ont été jointes aux fins de la procédure.

31      Par ordonnances des 10 septembre 2002 ainsi que des 9 et 12 septembre 2005, ont été admises, dans les affaires T-86/02 à T-88/02, les interventions, respectivement, de la Comunidad autónoma del País Vasco – Gobierno Vasco (Communauté autonome du Pays basque, ci-après la «Comunidad autónoma del País Vasco») et de la Confederación Empresarial Vasca (Confebask), au soutien des conclusions des requérants, ainsi que de la Comunidad autónoma de La Rioja (Communauté autonome de la Rioja), au soutien des conclusions de la Commission.

32      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, dans un premier temps, les recours en annulation dirigés contre les décisions finales dans les affaires T-86/02 à T-88/02.

33      Le Tribunal a rejeté, tout d’abord, l’argumentation des requérants, faisant l’objet de la première branche du deuxième moyen, tendant à démontrer que les régimes fiscaux litigieux peuvent être considérés comme des aides existantes au sens de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999, la première condition d’application énoncée à cet article, à savoir l’existence d’une mesure dont il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, n’étant pas satisfaite, en raison de l’absence d’une décision explicite ou implicite en ce sens de la Commission. Le Tribunal a poursuivi son examen de ladite branche en constatant également que n’était pas non plus satisfaite la deuxième condition d’application prévue à l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999, relative au fait que la mesure en cause est devenue une aide en raison d’une évolution du marché commun.

34      À l’égard d’une éventuelle prise de position explicite de la Commission sur le rejet de la plainte de 1994, le Tribunal a constaté qu’aucun élément du dossier ne constituait une décision adressée au Royaume d’Espagne et qu’aucun des éléments invoqués par les requérants n’était susceptible d’établir l’existence d’une telle prise de position de la Commission.

35      Le Tribunal a constaté également l’absence d’une décision implicite de la Commission, le seul silence d’une institution ne pouvant produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, sauf lorsque cette conséquence est expressément prévue par une disposition du droit de l’Union. Or, les règles applicables en matière d’aides d’État ne prévoiraient pas que le silence de la Commission puisse valoir décision implicite d’absence d’aide, en particulier lorsque les mesures en cause n’ont pas été notifiées à la Commission.

36      En raison de l’absence d’une décision explicite d’autorisation par la Commission des régimes fiscaux litigieux, le Tribunal a jugé que la seconde branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 1er, sous b), ii), du règlement n° 659/1999, ne saurait prospérer et il en a conclu que la qualification d’aides existantes des mesures d’exemption instituées par ces régimes ne saurait être retenue en l’espèce.

37      Par conséquent, le Tribunal a rejeté également le troisième moyen, tiré de la violation des règles procédurales applicables aux aides existantes.

38      Le Tribunal a ensuite rejeté le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, en constatant que les régimes fiscaux litigieux constituent des aides au fonctionnement et non des aides à l’investissement ou à l’emploi. À cet égard, le Tribunal a jugé, aux points 213 à 218 de l’arrêt attaqué, que le principe de sécurité juridique ne s’oppose pas à l’application des lignes directrices de 1998 aux faits de l’espèce, celles-ci prévoyant expressément, au point 6.1, leur application immédiate, y compris aux situations acquises antérieurement.

39      En outre, l’application de la communication sur les régimes d’aides à finalité régionale du 21 décembre 1978 (JO 1979, C 31 p. 9, ci-après la «communication de 1978 sur les régimes d’aides à finalité régionale»), que les lignes directrices de 1998 ont remplacée, ne conduirait pas à une qualification différente des régimes fiscaux litigieux et, dès lors, n’aboutirait pas à une conclusion différente en ce qui concerne la légalité des décisions finales. 

40      La qualification d’aide au fonctionnement serait justifiée en l’espèce, en dépit des conditions d’accès aux régimes fiscaux litigieux, relatives à l’investissement minimal et à la création d’un nombre minimal d’emplois, dans la mesure où le montant de l’aide dépend de la base d’imposition et non du montant de l’investissement réalisé.

41      Le Tribunal a considéré que les requérants n’avaient pas établi le bien-fondé du cinquième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique, de bonne administration, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement.

42      En premier lieu, le Tribunal a jugé que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la durée de plus de six ans et demi de la procédure d’examen préliminaire ne viole pas les principes de sécurité juridique et de bonne administration. Ainsi, la durée de la procédure serait largement imputable aux autorités nationales en raison du fait qu’elles avaient omis de notifier à la Commission les régimes fiscaux litigieux et de fournir les renseignements utiles à cette dernière. Le Tribunal a constaté à cet égard, au point 270 de l’arrêt attaqué, que, à supposer qu’une réponse à sa demande de renseignements du 19 janvier 1996, portant sur l’identification des bénéficiaires de ces régimes, soit effectivement parvenue à la Commission, celle-ci n’aurait en tout état de cause pas été suffisamment précise. Or, la question des bénéficiaires desdits régimes aurait été susceptible, ainsi qu’il est constaté au point 266 du même arrêt, de revêtir une importance essentielle, notamment au regard de la portée de ceux-ci.

43      En deuxième lieu, le Tribunal a rejeté l’argumentation tirée de ce que le comportement de la Commission aurait constitué une circonstance exceptionnelle de nature à fonder une confiance légitime dans la régularité des régimes fiscaux litigieux. En particulier, le Tribunal a estimé que la durée de la procédure d’examen préliminaire ne saurait être considérée comme exceptionnelle. À cet égard, en ce qui concerne l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, Rec. p. 4617), invoqué par les requérants, le Tribunal a constaté que les circonstances ayant donné lieu à cet arrêt ne présentent aucune similitude avec celles de l’espèce.

44      Le Tribunal a également rejeté l’argument tiré de l’inaction de la Commission pendant la phase préliminaire d’examen, en considérant que les échanges entre cette dernière et les requérants témoignent de l’instruction de la plainte et d’un dialogue entre les parties. À supposer toutefois que la Commission fût restée silencieuse, ce silence ne saurait constituer une approbation implicite ni, dès lors, une circonstance exceptionnelle de nature à fonder une confiance légitime. Enfin, au point 301 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, en l’absence de réponse des autorités espagnoles à la demande de renseignements de la Commission du 19 janvier 1996, cette dernière a pu estimer qu’elle ne disposait pas d’éléments lui permettant d’apprécier la portée réelle des régimes fiscaux litigieux.

45      En troisième lieu, le Tribunal a considéré que les requérants n’avaient pas établi une violation du principe d’égalité de traitement, dès lors qu’ils n’avaient pas démontré que la situation de l’espèce était comparable aux situations en cause dans de précédentes décisions de la Commission qu’ils avaient invoquées. En effet, ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 321 de l’arrêt attaqué, dans ces décisions antérieures, la Commission avait soit constaté l’existence d’une position favorable antérieure par rapport à une mesure analogue aux régimes examinés dans ces décisions, soit que la durée de la procédure n’était pas imputable à l’État membre concerné, soit que le bénéficiaire de l’aide en cause ne s’était pas vu octroyer l’avantage litigieux.

46      Le Tribunal a considéré, dans un second temps, que les recours en annulation dirigés contre la décision d’ouverture, dans les affaires T‑30/01 à T-32/01, étaient devenus sans objet, de sorte qu’il n’y avait plus lieu de statuer à leur égard. Cela résulterait, notamment, du fait que l’argumentation développée par les requérants dans ces recours rejoindrait celle rejetée par le Tribunal dans les affaires T-86/02 à T‑88/02.

47      Enfin, aux points 365 et 366 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la Commission avait produit une copie de la plainte de 1994 et de la lettre du 18 juillet 1995 adressée aux plaignants et a rejeté la demande présentée par les requérants tendant à obtenir la production de documents supplémentaires par la Commission, en considérant que l’ensemble des moyens des recours pouvait être examiné sur le fondement des éléments versés au dossier et des explications données lors de l’audience.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

48      Par ordonnance du président de la Cour du 11 janvier 2011, les affaires C‑465/09 P à C-470/09 P ont été jointes aux fins des procédures écrite et orale ainsi que de l’arrêt, conformément à l’article 43 du règlement de procédure de la Cour.

49      Par ordonnance du président de la Cour du 2 février 2011, le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir au soutien des conclusions des requérants et à présenter ses observations lors de la procédure orale.

50      Ces derniers demandent à la Cour:

–        à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué;

–        de faire droit à leurs recours introduits en première instance, et

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal;

–        le cas échéant, de lui ordonner d’admettre l’administration de la preuve refusée, et

–        de condamner la Commission aux dépens des deux instances et la La Rioja aux dépens exposés devant le Tribunal.

51      Le Royaume d’Espagne intervient au soutien des conclusions des requérants.

52      La Comunidad autónoma del País Vasco conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        de faire droit aux conclusions des requérants, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

53      La Commission et la Comunidad autónoma de La Rioja demandent à la Cour:

–        de rejeter les pourvois, et

–        de condamner les requérants aux dépens.

 Sur les pourvois

54      Les requérants soulèvent six moyens dans les affaires C‑465/09 P à C‑467/09 P et onze moyens dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P. Les deuxième à sixième moyens soulevés dans les affaires C-465/09 P à 467/09 P étant, pour l’essentiel, identiques aux premier à quatrième et onzième moyens invoqués dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P, il convient d’examiner ensemble ces moyens.

55      La Commission excipe de l’irrecevabilité de ces derniers pourvois, en ce qu’ils seraient identiques aux pourvois soulevés dans les affaires C‑465/09 P à C-467/09 P.

 Sur la recevabilité des pourvois dans les affaires C-468/09 P à C‑470/09 P

 Argumentation des parties

56      Selon la Commission, les affaires C-465/09 P à C-467/09 P, d’une part, et C‑468/09 P à C-470/09 P, d’autre part, ont le même objet et les mêmes parties. En outre, les deuxième à sixième moyens soulevés par les requérants dans les affaires C-465/09 P à C-467/09 P seraient, dans une très large mesure, identiques aux premier à quatrième et onzième moyens invoqués dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P. Les pourvois introduits dans ces dernières affaires seraient par conséquent irrecevables pour cause de litispendance.

57      Les requérants rétorquent qu’il n’y a ni identité de moyens ni identité d’objet entre ces deux groupes de pourvois, les affaires C‑465/09 P à C‑467/09 P et C-468/09 P à C-470/09 P visant à obtenir un contrôle de légalité de l’arrêt attaqué quant au rejet de leurs recours en annulation dirigés contre, respectivement, la décision d’ouverture et les décisions finales.

 Appréciation de la Cour

58      Selon une jurisprudence constante de la Cour, un recours introduit postérieurement à un autre, qui oppose les mêmes parties, est fondé sur les mêmes moyens et tend à l’annulation du même acte juridique, doit être rejeté comme irrecevable pour cause de litispendance (voir, notamment, arrêts du 22 septembre 1988, France/Parlement, 358/85 et 51/86, Rec. p. 4821, point 12, ainsi que du 24 novembre 2005, Italie/Commission, C‑138/03, C-324/03 et C‑431/03, Rec. p. I‑10043, point 64).

59      En l’espèce, il y a lieu de constater que les pourvois dans les affaires C‑465/09 P à C-467/09 P et C-468/09 P à C-470/09 P sont certes connexes, mais n’ont pas un objet identique. En effet, la connexité de ces groupes de pourvois résulte de ce que la légalité des décisions finales présuppose celle de la décision d’ouverture. Pour autant, l’objet de ces recours n’est pas le même puisque les requérants cherchent à obtenir non pas l’annulation du même acte juridique, mais, dans les affaires C‑465/09 P à C-467/09 P, l’annulation de la décision d’ouverture et, dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P, celle des décisions finales.

60      Dans ces conditions, l’exception d’irrecevabilité pour litispendance doit être rejetée.

61      Les deuxième à cinquième moyens dans les affaires C-465/09 P à C‑467/09 P et les premier à quatrième moyens dans les affaires C‑468/09 P à C-470/09 P étant étroitement liés, il convient de les examiner conjointement.

 Sur les deuxième à cinquième moyens dans les affaires C-465/09 P à C‑467/09 P et les premier à quatrième moyens dans les affaires C‑468/09 P à C-470/09 P

 Argumentation des parties

62      Par ces moyens, les requérants font, en substance, grief au Tribunal de ne pas avoir pris en considération le fait que la Commission, par une prise de position claire et explicite, avait clôturé favorablement la procédure d’examen préliminaire des régimes fiscaux litigieux entamée après la réception de la plainte de 1994 et qu’elle avait, à la suite de la réception de la plainte de 2000, engagé une nouvelle procédure d’examen préliminaire de ces régimes, impliquant la mise en œuvre du régime procédural applicable aux aides existantes.

63      Les requérants soutiennent, par leur deuxième moyen dans les affaires C-465/09 P à C-467/09 P et leur premier moyen dans les affaires C‑468/09 P à C-470/09 P, pour l’examen desquels le règlement n° 659/1999 ne serait pas applicable, que le Tribunal a considéré à tort que la clôture de la phase d’examen préliminaire par la Commission, au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE, impliquait que cette dernière prenne une décision explicite. Selon eux, la Commission n’est pas tenue d’adopter une décision explicite en réponse à chaque plainte, l’article 88 CE n’imposant à cette institution de prendre une telle décision qu’au terme de la procédure formelle d’examen (arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 5).

64      Une décision clôturant la procédure d’examen préliminaire pourrait également revêtir un caractère implicite. Ainsi, un acte intervenu à l’égard d’un plaignant lui faisant connaître le classement de sa plainte devrait être interprété comme une décision implicite qui soit constate que la mesure en cause n’est pas une aide, soit considère qu’il n’y a pas lieu de soulever des objections (arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C-521/06 P, Rec. p. I‑5829, points 52 à 58).

65      Exceptionnellement, le silence ou l’inaction d’une institution pourraient être considérés comme ayant valeur de décision implicite de refus (arrêt du 9 décembre 2004, Commission/Greencore, C-123/03 P, Rec. p. I‑11647, point 45).

66      Par le troisième moyen dans les affaires C-465/09 P à C-467/09 P et le deuxième moyen dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P, les requérants invoquent une dénaturation de la décision d’ouverture en ce sens que le Tribunal n’aurait pas jugé que le fait que celle-ci ne retienne, contrairement à l’exigence énoncée à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, aucune circonstance factuelle antérieure à la date de réception de la plainte de 2000 signifie que la procédure d’examen préliminaire entamée en 1994 avait été close antérieurement à la date de dépôt de cette plainte.

67      La prise de position claire et explicite de la Commission résulte également de l’article 20, paragraphe 2, troisième phrase, du règlement n° 659/1999, ainsi que les requérants le font valoir au titre du quatrième moyen dans les affaires C‑465/09 P à C-467/09 P et du troisième moyen dans les affaires C‑468/09 P à C‑470/09 P. En effet, la preuve de l’envoi d’une copie de la décision d’ouverture aux auteurs de la plainte de 1994, au titre de l’obligation prévue à cette disposition, n’ayant pas été apportée par la Commission, il en découlerait que, en novembre 2000, elle n’aurait pas été tenue d’effectuer cet envoi et que, dès lors, la plainte de 1994 n’aurait aucun lien avec la décision d’ouverture. Les requérants affirment, dans leurs répliques, avoir soulevé ce moyen au cours de l’audience de première instance.

68      Aux termes du cinquième moyen dans les affaires C-465/09 P à C‑467/09 P et du quatrième moyen dans les affaires C-468/09 P à C‑470/09 P, les requérants font grief au Tribunal d’avoir violé les règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve en ne constatant pas l’existence d’un faisceau d’indices concordants validant leur thèse de l’existence d’une décision implicite d’approbation des régimes fiscaux litigieux. Ils invoquent à cet égard divers actes de procédure postérieurs au mois de février 1996 dans lesquels la plainte de 1994 et l’examen préliminaire qui a suivi le dépôt de celle-ci n’étaient pas mentionnés. Ces éléments constituent, selon eux, des indices de la position favorable de la Commission à l’égard de ces régimes.

69      Les requérants font mention, notamment, d’une réunion du 17 mars 1997 entre le commissaire chargé de la concurrence et des représentants du gouvernement de La Rioja, dont le Tribunal n’aurait pas tenu compte, au cours de laquelle ce commissaire aurait pris position à l’égard de la plainte de 1994 en déclarant que la décision à cet égard relevait de la compétence de l’État membre concerné.

70      En outre, le Tribunal aurait ignoré la teneur de la réunion de la Commission avec les autorités basques du 7 février 1996, au cours de laquelle celles-ci lui auraient remis un document en réponse à sa demande de renseignements du 19 janvier 1996. Le silence de la Commission, à la suite de cette réunion, indiquerait qu’elle a considéré que les réponses données à la question de l’identité des bénéficiaires des régimes fiscaux litigieux étaient satisfaisantes et qu’elle a clôturé la procédure d’examen préliminaire.

71      À titre liminaire, la Commission invoque l’irrecevabilité du cinquième moyen dans les affaires C-465/09 P à C‑467/09 P et du quatrième moyen dans les affaires C‑468/09 P à C-470/09 P, en tant que ces moyens visent à obtenir une nouvelle appréciation des éléments de preuve. Elle soulève également l’irrecevabilité des arguments relatifs à l’article 20, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999 et à la réunion du 7 février 1996, dont elle prétend qu’ils sont nouveaux.

72      La Commission fait également valoir que l’ensemble de ces moyens est inopérant. En premier lieu, elle soutient que ceux-ci visent uniquement à critiquer la constatation du Tribunal selon laquelle la première condition d’application de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999, relative à l’existence d’une mesure dont il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, n’est pas remplie, sans invoquer une erreur de droit au sujet de la deuxième condition énoncée à cette disposition, tenant à l’évolution du marché commun, que le Tribunal considère également comme non satisfaite. Les conditions posées à cet article étant cumulatives, les moyens soulevés par les requérants ne pourraient en tout état de cause conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué par la Cour.

73      En deuxième lieu, d’après la Commission, les requérants s’efforcent de démontrer l’existence d’une position claire et explicite de celle-ci, sans contester la conclusion du Tribunal selon laquelle une décision tacite n’aurait pas non plus été prise à l’égard des régimes fiscaux litigieux. En troisième lieu, les requérants n’ayant pas formulé de critiques précises à l’encontre de la partie de l’arrêt attaqué examinant leur grief portant sur la violation de l’article 1er, sous b), ii), du règlement n° 659/1999, la Commission considère que, dans l’hypothèse où certains de leurs arguments devraient être compris comme se référant à cette disposition, ils seraient également inopérants.

74      Quant au fond, la Commission soutient qu’elle ne peut établir l’absence d’aide ou la compatibilité d’une telle aide avec le marché commun par son simple silence et que, au contraire, une prise de position explicite et définitive de sa part est nécessaire, la forme de celle-ci étant dépourvue de pertinence (arrêt Athinaïki Techniki/Commission, précité, points 40 et 44).

75      S’agissant de l’ensemble des arguments portant sur le contenu des réunions ou des documents auxquels se réfèrent les requérants, la Commission expose qu’il est impossible, à la lecture des pourvois, de discerner quel élément de preuve aurait été dénaturé par le Tribunal. Ce serait aux requérants qu’il incombe de prouver que l’examen de la plainte de 1994 avait été clôturé, ce qu’ils n’auraient pas fait.

76      La Comunidad autónoma de La Rioja considère, en ce qui concerne le deuxième moyen dans les affaires C-465/09 P à C‑467/09 P et le premier moyen dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P, que les requérants répètent en substance l’argumentation déjà présentée en première instance, sans apporter aucun élément nouveau suffisamment étayé.

77      Ladite Communauté soutient, par ailleurs, à l’instar de la Commission, qu’une décision explicite est nécessaire pour clôturer une procédure d’examen préliminaire d’une aide d’État et rappelle qu’une inaction apparente de la Commission est dépourvue de signification en l’absence de notification de l’aide (arrêt du 11 novembre 2004, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, C-183/02 P et C-187/02 P, Rec. p. I‑10609, point 52).

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité

78      Concernant le deuxième moyen dans les affaires C-465/09 P à C-467/09 P et le premier moyen dans les affaires C‑468/09 P à C-470/09 P, au sujet desquels la Comunidad autónoma de La Rioja soutient qu’ils se bornent à reproduire une argumentation déjà soulevée en première instance, il convient de rappeler qu’il résulte certes des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de cette dernière qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêts du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI, C-286/04 P, Rec. p. I-5797, point 42, et du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C-234/06 P, Rec. p. I-7333, point 44).

79      Toutefois, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent à nouveau être discutés au cours d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (voir ordonnance du 11 novembre 2003, Martinez/Parlement européen, C‑488/01 P, Rec. p. I‑13355, point 39, et arrêt du 23 avril 2009, AEPI/Commission, C‑425/07 P, Rec. p. I‑3205, point 24).

80      Or, en l’espèce, il ressort clairement des pourvois que lesdits moyens et les arguments qui les fondent sont dirigés contre l’interprétation de l’article 1er, sous b), ii) et v), du règlement n° 659/1999 opérée par le Tribunal. Ils sont, par conséquent, recevables.

81      La Commission soutient que le cinquième moyen dans les affaires C‑465/09 P à C-467/09 P et le quatrième moyen dans les affaires C‑468/09 P à C-470/09 P sont irrecevables en ce qu’ils visent à obtenir une nouvelle appréciation par la Cour des éléments de preuve soumis au Tribunal.

82      À cet égard, il y a lieu de constater que, si les requérants énumèrent dans ces moyens un certain nombre d’éléments factuels déjà en cause devant le Tribunal, ils contestent toutefois, en substance, les conclusions en droit que ce dernier a tirées de ces éléments de fait, à savoir la constatation de l’absence de décision implicite clôturant favorablement la procédure d’examen préliminaire entamée à la suite du dépôt de la plainte de 1994. Or, la question de savoir s’il peut être déduit de ces éléments que la Commission avait implicitement approuvé les régimes fiscaux litigieux est une question de droit pouvant être soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi et qui, partant, est recevable.

83      Toutefois, il convient de considérer qu’est irrecevable, car visant à remettre en cause l’appréciation des faits opérée par le Tribunal, l’argument selon lequel les requérants affirment avoir répondu à la satisfaction de la Commission à la demande de renseignements du 19 janvier 1996 de cette dernière. En effet, au point 270 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté à cet égard que la lettre du 5 février 1996, prétendument remise par les autorités basques à la Commission lors de la réunion du 7 février 1996, à supposer qu’elle soit parvenue à cette dernière, ne fournit en tout état de cause pas une réponse précise aux questions posées par la Commission concernant les bénéficiaires des mesures d’exemption instituées par les régimes fiscaux litigieux, une telle appréciation ne pouvant être remise en cause dans le cadre d’un pourvoi.

84      S’agissant du quatrième moyen dans les affaires C‑465/09 P à C-467/09 P et du troisième moyen dans les affaires C‑468/09 P à C-470/09 P, relatifs, en substance, à l’article 20 du règlement n° 659/1999, les requérants affirment avoir soulevé ce point au cours de l’audience de première instance. Il convient à cet égard de rappeler que, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant l’instance.

85      Les requérants n’ayant pas allégué, dans leur requête introductive d’instance, que la Commission n’avait pas respecté l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 20, paragraphe 2, troisième phrase, du règlement n° 659/1999, ce moyen soulevé lors l’audience devant le Tribunal doit être écarté comme irrecevable au stade du pourvoi.

–       Sur le fond

86      À titre liminaire, il y a lieu d’examiner les arguments de la Commission visant à faire constater le caractère inopérant de l’ensemble de ces moyens.

87      S’agissant de l’argumentation des requérants portant sur la motivation de l’arrêt attaqué relative à l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999, il y a lieu de relever que cette disposition énonce, ainsi que le fait valoir la Commission, des conditions d’application cumulatives tenant, notamment, à l’existence d’une mesure dont il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur et au fait que cette mesure serait devenue une aide en raison de l’évolution du marché commun. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’aucune de ces deux conditions n’était remplie.

88      Or, il est constant que, dans leurs pourvois, les requérants se bornent à contester l’analyse du Tribunal relative à la première condition, sans toutefois critiquer la motivation portant sur l’absence d’une évolution du marché commun. Par conséquent, il importe de constater que, à supposer même que les requérants parviennent à démontrer que la motivation du Tribunal relative à la première condition est erronée en droit, leur argumentation à cet égard ne saurait avoir d’incidence sur le rejet par le Tribunal du moyen fondé sur la violation de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999 et, donc, elle ne saurait conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué. Cette argumentation est, dès lors, inopérante et doit être écartée comme telle (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, Rec. p. I‑2665, points 104 et 105).

89      Toutefois, contrairement à ce que soutient la Commission, les moyens contenant cette argumentation ne sont pas pour autant inopérants dans leur ensemble, puisque, par leurs pourvois, les requérants visent à démontrer le caractère d’aides existantes des régimes fiscaux litigieux sans se fonder exclusivement sur l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999.

90      En effet, il y a lieu de relever à cet égard qu’il ressort des pourvois que les requérants reprochent également au Tribunal, en substance, de ne pas avoir admis que les régimes fiscaux litigieux avaient été autorisés implicitement sur la base de l’article 1er, sous b), ii), du règlement n° 659/1999, qui énonce que constitue une aide existante «toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil».

91      Eu égard à ce qui précède, afin d’apprécier le bien-fondé des deuxième à cinquième moyens dans les affaires C-465/09 P à C-467/09 P et des premier à quatrième moyens dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P, il convient donc d’examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’autorisation pendant la procédure d’examen préliminaire d’une aide non notifiée, en application de l’article 1er, sous b), ii) du règlement n° 659/1999, doit nécessairement être accordée au moyen d’une décision explicite et ne saurait résulter d’une décision implicite découlant soit du comportement de la Commission, soit, à titre exceptionnel, du silence de celle-ci, ainsi que le font valoir les requérants.

92      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 88, paragraphe 3, CE prévoit que la Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Celle-ci procède alors à un premier examen des aides projetées. Si, au terme de cet examen, elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87 CE, elle ouvre la procédure d’examen contradictoire prévue au paragraphe 2 de cet article 88. Dans une telle hypothèse, la dernière phrase du paragraphe 3 du même article interdit à l’État membre intéressé de mettre à exécution les mesures projetées avant que la procédure n’ait abouti à une décision finale.

93      Les aides nouvelles sont donc soumises à un contrôle préventif exercé par la Commission et elles ne peuvent, en principe, être mises à exécution aussi longtemps que cette institution ne les a pas déclarées compatibles avec le traité CE (voir arrêts du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit, C-44/93, Rec. p. I‑3829, point 12; du 17 juin 1999, Piaggio, C-295/97, Rec. p. I-3735, point 49, et du 15 février 2001, Autriche/Commission, C-99/98, Rec. p. I-1101, point 31).

94      Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un acte en matière d’aides d’État, quelle que soit sa forme, constitue une décision lorsque, compte tenu de sa substance et de l’intention de la Commission, celle-ci a définitivement fixé par cet acte, au terme de la phase préliminaire d’examen, sa position sur la mesure en cause et, partant, lorsqu’elle a conclu que celle-ci constituait ou non une aide, qu’elle ne suscitait pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun ou qu’elle suscitait de tels doutes (voir, en ce sens, arrêt Athinaïki Techniki/Commission, précité, point 46).

95      L’existence d’une telle décision doit pouvoir être constatée à partir d’éléments objectifs et correspondre à une expression claire et définitive de la position de la Commission à l’égard de la mesure en cause.

96      Il résulte du système de contrôle préventif en matière d’aides d’État exercé par la Commission et, notamment, de l’interdiction de mise en œuvre des aides nouvelles avant qu’une décision finale n’ait été adoptée par la Commission, en vertu de l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE, que l’existence d’une décision de la Commission se prononçant sur la compatibilité d’une telle aide ne saurait faire aucun doute.

97      Cela vaut d’autant plus dans le cas où, comme en l’espèce, les aides prétendument autorisées n’ont pas été notifiées à la Commission en application de l’article 88, paragraphe 3, CE, mettant ainsi en péril la sécurité juridique que cette disposition vise à garantir.

98      Or, les différents éléments invoqués par les requérants au soutien de leurs moyens, qu’ils soient pris isolément ou dans leur ensemble, ne sauraient être considérés comme constituant l’expression d’une décision de la Commission.

99      L’existence d’une décision d’autorisation de la Commission à l’égard des régimes fiscaux litigieux ne saurait non plus être inférée des faits invoqués par les requérants dans le cadre de leurs moyens tendant à démontrer une dénaturation par le Tribunal de la décision d’ouverture, de tels éléments factuels ne pouvant pas non plus être considérés comme une manifestation claire et définitive d’une position de la Commission favorable auxdits régimes.

100    Il découle de ce qui précède que, dans les circonstances de l’espèce, l’autorisation des régimes fiscaux litigieux ne peut être induite du simple silence de la Commission.

101    S’agissant de l’argument des requérants tiré de l’arrêt Commission/Greencore, précité, selon lequel, dans certaines circonstances spécifiques, le silence ou l’inaction d’une institution peuvent être exceptionnellement considérés comme ayant une valeur de décision implicite de refus, il convient de constater, d’une part, que cet arrêt ne concerne pas l’autorisation d’une aide d’État par la Commission et, d’autre part, ainsi que le fait valoir la Commission, que de telles circonstances exceptionnelles n’ont pas été invoquées par les requérants.

102    De surcroît, la Cour, dans le cadre de l’examen d’un moyen tiré du principe de protection de la confiance légitime, a jugé que, lorsqu’une aide d’État n’a pas été notifiée à la Commission, l’inaction de celle-ci à l’égard de cette aide est dépourvue de signification (arrêt Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, précité, point 52).

103    Il découle de tout ce qui précède que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas autorisé les régimes fiscaux litigieux avant la réception de la plainte de 2000 et l’adoption de la décision d’ouverture, que ceux-ci ne peuvent pas non plus être considérés comme ayant été autorisés en raison du seul silence de la Commission et que, dès lors, ils ne peuvent être considérés comme des régimes d’aides existants.

104    Les deuxième à cinquième moyens dans les affaires C-465/09 P à C‑467/09 P et les premier à quatrième moyens dans les affaires C‑468/09 P à C-470/09 P doivent donc être rejetés comme non fondés.

 Sur le sixième moyen dans les affaires C-465/09 P à 467/09 P et le onzième moyen dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P

 Argumentation des parties

105    Par ces moyens, les requérants font valoir que le Tribunal a méconnu les règles procédurales en matière d’administration de la preuve et le droit à un procès équitable en refusant, au point 366 de l’arrêt attaqué, d’enjoindre à la Commission de verser au dossier toute la documentation relative à la plainte de 1994, notamment les procès verbaux de réunions organisées au sein de la Commission entre le mois de février 1996 et celui de mars 1997. Ces éléments auraient pu permettre, d’une part, de prouver que la Commission avait obtenu une réponse à sa demande de renseignements du 19 janvier 1996 ainsi que la position favorable de cette dernière à l’égard des régimes fiscaux litigieux et, d’autre part, d’établir, dans les affaires C-468/09 P à C‑470/09 P, que la durée de la procédure n’était pas imputable aux autorités espagnoles. Ils soutiennent que de tels éléments étaient susceptibles d’amener le Tribunal à statuer dans un sens différent.

106    Selon la Commission, une partie ne peut exiger qu’il soit automatiquement fait droit à son offre de preuves. En effet, il appartiendrait au Tribunal d’apprécier la pertinence d’une telle offre. En outre, en ce qui concerne l’examen par le Tribunal de documents internes à la Commission, il aurait été nécessaire que les requérants produisent, sur la base d’indices sérieux, la preuve qu’un tel examen était nécessaire au regard des circonstances exceptionnelles de l’espèce.

107    La Comunidad autónoma de La Rioja ajoute que la demande des requérants n’aurait pu, en tout état de cause, avoir d’incidence sur le dispositif de l’arrêt attaqué, les circonstances invoquées par ces derniers n’ayant pas permis de considérer que le comportement de la Commission a pu leur inspirer une confiance en la régularité des régimes fiscaux litigieux.

 Appréciation de la Cour

108    S’agissant du refus du Tribunal d’ordonner la production des preuves documentaires sollicitées par les requérants, il convient de rappeler que, s’il appartient au Tribunal, au regard de l’article 66, paragraphe 1, de son règlement de procédure, de juger de l’utilité de mesures d’instruction aux fins de la solution du litige qui lui est soumis, il incombe toutefois à la Cour de vérifier si le Tribunal a commis une erreur de droit en refusant d’ordonner lesdites mesures (voir ordonnance du 4 octobre 2007, Olsen/Commission, C-320/05 P, points 63 et 64 ainsi que jurisprudence citée).

109    Or, en l’espèce, il découle des points 365 et 366 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a estimé que, dans la mesure où il a pu examiner l’ensemble des moyens des requérants sur le fondement des éléments versés au dossier et des explications données lors de l’audience, il n’y avait pas lieu de demander la production de documents supplémentaires à la Commission, celle-ci ayant déjà produit les deux documents identifiables au regard de la description de ceux-ci figurant dans les requêtes de première instance, à savoir la plainte de 1994 et la lettre du 18 juillet 1995 qu’elle avait adressée aux auteurs de cette plainte.

110    À cet égard, il convient de constater que, ainsi qu’il a été jugé aux points 98 et 99 du présent arrêt, aucun des éléments invoqués par les requérants n’était susceptible d’être interprété comme une manifestation claire et définitive d’une position de la Commission favorable aux régimes fiscaux litigieux. En outre, il importe d’observer que la demande des requérants visant à ce qu’il soit enjoint à la Commission de verser «toute la documentation» relative à la plainte déposée devant cette dernière ne permettait pas, hormis en ce qui concerne les deux documents déjà versés à la procédure, d’identifier les documents précis dont la production était demandée ni les éléments objectifs qu’ils contenaient et qui auraient été susceptibles de soutenir les moyens soulevés par les requérants. Dès lors, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que le Tribunal a rejeté cette offre, celle-ci ne comportant pas d’indices sérieux de nature à laisser penser que l’un des documents dont la production était sollicitée pouvait être pertinent pour la solution du litige.

111    Par conséquent, le sixième moyen dans les affaires C-465/09 P à C‑467/09 P et le onzième moyen dans les affaires C-468/09 P à C‑470/09 P doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur le premier moyen dans les affaires C-465/09 P à C-467/09 P

 Argumentation des parties

112    Par ce moyen, les requérants invoquent une erreur de droit commise par le Tribunal en tant qu’il a conclu que les recours dans les affaires T‑30/01 à T-32/01, tendant à l’annulation de la décision d’ouverture, étaient devenus sans objet et a prononcé un non-lieu à statuer à leur égard, au motif que les moyens invoqués au soutien de ces recours avaient été rejetés au fond dans le cadre des affaires T‑86/02 à T-88/02 concernant les décisions finales.

113    Selon les requérants, le rejet desdits moyens, portant sur la notion d’aide existante et sur les règles de procédure applicables à cette catégorie d’aides, pouvait seulement aboutir au rejet des recours dans les affaires T-30/01 à T‑32/01 et non pas avoir pour effet de leur faire perdre leur objet, ces recours étant, par ailleurs, recevables.

114    La Commission répond que ledit premier moyen est manifestement irrecevable, les requérants n’ayant invoqué aucun argument de nature à démontrer qu’une annulation de la décision d’ouverture leur procurerait un bénéfice autonome par rapport à celui résultant d’une éventuelle annulation des décisions finales. En tout état de cause, ce moyen serait également inopérant. En effet, dans la mesure où les moyens de fond soulevés dans les affaires T-30/01 à T-32/01 étaient identiques à ceux qui ont été rejetés par le Tribunal dans les affaires T-86/02 à T-88/02, les recours relatifs à ces premières affaires n’auraient de toute manière pas pu prospérer.

 Appréciation de la Cour

115    Sans qu’il ne soit nécessaire de statuer sur la recevabilité dudit moyen, il convient d’emblée de constater qu’il est inopérant.

116    En effet, à supposer même que le Tribunal, au lieu de considérer que les recours dans les affaires T-30/01 à T-32/01 dirigés contre la décision d’ouverture étaient devenus sans objet, ait examiné au fond les moyens invoqués par les requérants au soutien de ces recours, il aurait en tout état de cause été amené à constater que ceux-ci n’étaient pas fondés, ainsi que les requérants l’admettent eux-mêmes. Étant donné que le Tribunal avait rejeté les recours dirigés contre les décisions finales dans les affaires T-86/02 à T-88/02, en confirmant l’appréciation de la Commission selon laquelle les régimes fiscaux litigieux constituaient, notamment, des aides d’État illégales et non pas des régimes d’aides existants, les recours dirigés contre la décision d’ouverture, fondés sur des moyens en substance identiques à ceux rejetés par le Tribunal, n’auraient en tout état de cause pu aboutir à l’annulation de cette dernière décision ni des décisions finales, de sorte que ce moyen ne saurait être accueilli.

 Sur le cinquième moyen dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P

 Argumentation des parties

117    Par ce moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en tant qu’il a confirmé l’application par la Commission, aux régimes fiscaux litigieux, des lignes directrices de 1998, entrées en vigueur postérieurement à l’adoption de ces régimes, et la qualification de ceux-ci d’aide au fonctionnement, violant ainsi les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité. En outre, le Tribunal aurait mal interprété la communication de 1978 sur les régimes d’aides à finalité régionale, en ne jugeant pas que lesdits régimes constituaient une aide à l’investissement. Enfin, en application du principe de proportionnalité, le fait qu’une entreprise bénéficiaire de l’aide à l’investissement dépasse le plafond autorisé ne permettrait pas à la Commission de récupérer toutes les aides perçues, mais autoriserait seulement cette dernière à demander le remboursement des aides excédant ce plafond.

118    La Commission considère que ce moyen n’est pas fondé. S’agissant de l’applicabilité des lignes directrices de 1998 aux aides accordées illégalement avant l’adoption de celles-ci, elle fait valoir qu’une telle applicabilité est prévue explicitement au point 6.1 de ces lignes directrices. En outre, une telle interprétation serait corroborée par le principe de l’applicabilité immédiate des règles de l’Union aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne.

119    L’argumentation des requérants relative à la communication de 1978 sur les régimes d’aides à finalité régionale serait, en outre, inopérante. En effet, les règles applicables étant celles découlant des lignes directrices de 1998, la qualification des aides en application de cette communication serait dénuée de pertinence.

 Appréciation de la Cour

120    Il convient de rappeler que les lignes directrices de 1998, qui, en tant que mesures d’ordre interne adoptées par l’administration, ne sauraient être qualifiées de règles de droit, énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont cette dernière ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir, s’agissant des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes en matière d’ententes, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 209). De telles règles peuvent déployer, sous certaines conditions et en fonction de leur contenu, des effets juridiques (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 211).

121    S’agissant, d’une part, des effets dans le temps de ces lignes directrices, qui ont remplacé la communication de 1978 sur les régimes d’aides à finalité régionale, il y a lieu de relever que le point 6.1 desdites lignes directrices comporte une clause concernant les conditions d’application dans le temps de leurs dispositions. Il découle de la première phrase de ce point qu’elles sont d’application immédiate aux aides régionales, même lorsque celles-ci ont été exécutées avant l’adoption de ces lignes directrices. Par exception à cette règle, la seconde phrase dudit point 6.1 prévoit que l’appréciation des aides notifiées à la Commission avant cette adoption est effectuée au regard des règles en vigueur au moment de la notification de ces aides.

122    Les régimes fiscaux litigieux n’ayant pas été notifiés à la Commission en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE, ils doivent, par conséquent, selon la règle expresse prévue au point 6.1 des lignes directrices de 1998, être appréciés en fonction des critères établis par celles-ci.

123    S’agissant, d’autre part, de l’argumentation des requérants relative à la violation des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (voir arrêt du 18 novembre 2008, Förster, C‑158/07, Rec. p. I‑8507, point 67).

124    Il convient de relever également que la modification d’une politique, en l’occurrence la politique générale de la Commission en matière d’aides d’État, en particulier si elle est opérée par l’adoption de règles de conduite telles que les lignes directrices de 1998, peut avoir des incidences au regard du principe de non-rétroactivité (voir, par analogie, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 222).

125    À cet égard, il importe de constater que l’application des lignes directrices de 1998 à l’encontre des régimes fiscaux litigieux adoptés en 1993 ne constitue pas une situation acquise antérieurement, mais relève d’une situation en cours qui, bien que née avant l’entrée en vigueur de celles-ci, est régie par lesdites lignes directrices à compter de leur entrée en vigueur, conformément au principe selon lequel les règles nouvelles s’appliquent immédiatement aux situations en cours (voir arrêt du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer, C-162/00, Rec. p. I-1049, point 51).

126    L’application efficace des règles de l’Union exige que la Commission puisse à tout moment adapter son appréciation aux besoins de cette politique (voir, par analogie, arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 109, ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 227).

127    Dans ces conditions, un État membre n’ayant pas notifié un régime d’aides à la Commission ne saurait raisonnablement s’attendre à ce que ce régime soit apprécié au regard des règles applicables au moment de son adoption.

128    Force est de conclure que la Commission, en appliquant les lignes directrices de 1998 aux régimes fiscaux litigieux, n’a violé ni le principe de non-rétroactivité (voir, également en ce sens, arrêt du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 25) ni celui de sécurité juridique.

129    Il en résulte que c’est à bon droit que le Tribunal a confirmé que les lignes directrices de 1998 étaient applicables aux régimes fiscaux litigieux, sans de ce fait violer les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité.

130    Par ailleurs, les requérants contestent la confirmation par le Tribunal de la qualification des mesures d’exemption instituées par les régimes fiscaux litigieux d’aides au fonctionnement en application de la communication de 1978 sur les régimes d’aides à finalité régionale. Or, il ressort des points 213 à 218 de l’arrêt attaqué, dans lesquels est constatée l’applicabilité des lignes directrices de 1998, que c’est seulement à titre subsidiaire que le Tribunal a conduit le raisonnement subséquent relatif à ladite communication.

131    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, non encore publié au Recueil, point 75 et jurisprudence citée).

132    En conséquence, quand bien même la motivation de l’arrêt attaqué relative à la communication de 1978 sur les régimes d’aides à finalité régionale serait erronée en droit, une telle erreur ne serait pas, en tout état de cause, susceptible d’affecter le bien-fondé du rejet par le Tribunal du grief portant sur la qualification des régimes fiscaux litigieux d’aides à l’investissement.

133    Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument des requérants relatif à la violation du principe de proportionnalité par la décision de la Commission ordonnant la récupération de la totalité des aides et non pas seulement de celles dépassant les plafonds fixés pour les aides à finalité régionale, il convient de relever qu’il est invoqué pour la première fois au stade du pourvoi et doit, dès lors, être déclaré irrecevable.

134    Au vu de ce qui précède, il convient d’écarter le cinquième moyen invoqué dans les affaires C­468/09 P à C‑470/09 P.

 Sur les sixième et neuvième moyens dans les affaires C-468/09 P à C‑470/09 P

 Argumentation des parties

135    Par ces moyens, les requérants soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la durée de la procédure d’examen préliminaire n’était pas déraisonnable, étant donné que la Commission n’était pas restée inactive pendant le déroulement de cet examen, et que cette dernière avait, notamment, pu estimer qu’elle ne disposait pas des éléments d’informations nécessaires pour clôturer la procédure.

136    À cet égard, les requérants soutiennent que c’est à tort que le Tribunal a considéré que les informations sollicitées par la Commission dans sa lettre du 19 janvier 1996, relatives aux bénéficiaires des régimes fiscaux litigieux, constituaient des informations pertinentes dans le cadre d’un tel examen et que le défaut de réponse précise pouvait expliquer le fait que la Commission n’avait pu ouvrir la procédure formelle plus tôt.

137    Constitueraient uniquement de telles informations les données nécessaires pour permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité des mesures examinées avec le traité. Or, la Commission aurait été en mesure de prendre la décision d’ouverture et les décisions finales sans disposer des informations dont elle sollicitait la production. En outre, elle n’aurait pas adressé aux autorités espagnoles une lettre de rappel à ce sujet, en application de l’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, de celui-ci.

138    Selon les requérants, le Tribunal a également commis une erreur de droit en refusant d’admettre que l’inaction de la Commission et la durée de la procédure d’examen préliminaire, laquelle s’est étendue sur une période de 79 mois, ont constitué une circonstance exceptionnelle de nature à fonder une confiance légitime dans la régularité des aides octroyées en application des régimes fiscaux litigieux, une telle confiance empêchant, conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, d’ordonner la récupération de celles-ci. À cet égard, les requérants font notamment grief au Tribunal d’avoir considéré qu’ils ne pouvaient se prévaloir de l’arrêt RSV/Commission, précité.

139    Les requérants critiquent notamment le fait que le Tribunal n’a pas retenu que l’inaction de la Commission, qui pouvait valoir approbation implicite des régimes fiscaux litigieux, constituait une circonstance exceptionnelle.

140    Militerait en faveur de la thèse des requérants le fait que la Commission n’a pas informé les bénéficiaires des aides de la précarité de celles-ci au moyen de la publication au Journal officiel des Communautés européennes de l’avis prévu par la communication concernant les aides accordées illégalement (JO 1983, C 318, p. 3, ci-après la «communication de 1983 sur les aides illégales»).

141    La Commission soulève, tout d’abord, l’irrecevabilité du sixième moyen dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P, en faisant valoir que la méconnaissance de la notion d’informations pertinentes dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire d’un régime d’aides n’a pas été soulevée en première instance dans le but de soutenir que la récupération des aides versées en application des régimes fiscaux litigieux serait illégale. Ensuite, selon la Commission, ce moyen n’est pas fondé. Elle estime qu’elle dispose d’une certaine marge d’appréciation en matière de demandes de renseignements et que, en l’occurrence, elle avait besoin d’une preuve du fait que les régimes fiscaux litigieux avaient une portée réelle.

142    Quant au neuvième moyen dans les affaires C-468/09 P à C‑470/09 P, la Commission estime que, en l’absence de toute action concrète de sa part, elle n’a pas pu faire naître des espérances fondées dans le chef des requérants.

143    Enfin, la Commission estime que l’argument relatif à la communication de 1983 sur les aides illégales n’est pas fondé, la jurisprudence n’ayant jamais subordonné la récupération des aides non notifiées à la publication d’un avertissement préalable.

144    La Comunidad autónoma de La Rioja invoque l’irrecevabilité de nombreux arguments invoqués au soutien du neuvième moyen, en faisant valoir que ceux-ci soit ont pour objet d’obtenir une nouvelle appréciation des faits, soit se bornent à reprendre les arguments déjà présentés devant le Tribunal. Sur le fond, elle soutient qu’une confiance légitime dans la régularité de l’octroi d’une aide ne saurait être invoquée lorsque celle-ci est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, car cela priverait les articles 87 CE et 88 CE de tout effet utile. Il en irait d’autant plus ainsi lorsque l’État membre n’ayant pas notifié l’aide en cause se serait par la suite abstenu de collaborer avec la Commission.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité de ces moyens

145    Il y a lieu de considérer que les sixième et neuvième moyens invoqués dans les affaires C‑468/09 P à C‑470/09 P sont recevables.

146    Indépendamment du fait de savoir si les requérants avaient soulevé devant le Tribunal l’argument tiré de la pertinence des informations relatives aux bénéficiaires des régimes fiscaux litigieux dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire de ceux-ci en relation avec le moyen tiré du caractère déraisonnable de la durée de cet examen, ils sont en tout état de cause recevables à former un pourvoi à l’encontre de la constatation relative à la pertinence de telles informations faite par le Tribunal au point 266 de l’arrêt attaqué, puisque cette constatation a été effectuée pour la première fois dans cet arrêt (voir arrêt du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, Rec. p. I‑833, point 50 et jurisprudence citée).

147    Le neuvième moyen en tant que tel n’est pas irrecevable, contrairement à ce que soutient la Comunidad autónoma de La Rioja. La question de savoir si le comportement de la Commission a pu engendrer une confiance légitime dans la régularité des aides octroyées en application des régimes fiscaux litigieux vise, en effet, à obtenir un contrôle de la qualification juridique opérée par le Tribunal, pour lequel la Cour est compétente dans le cadre d’un pourvoi.

–        Sur le fond

148    Par les sixième et neuvième moyens dans les affaires C‑468/09 P à C‑470/09 P, les requérants reprochent, en substance, au Tribunal de ne pas avoir admis que le comportement de la Commission pendant la procédure d’examen préliminaire des régimes fiscaux litigieux constitue une circonstance exceptionnelle de nature à fonder leur confiance légitime dans la régularité des aides octroyées en application de ces régimes, empêchant ainsi la récupération de celles-ci.

149    En premier lieu, ils invoquent la longueur de la durée dudit examen, à savoir le fait qu’un délai de 79 mois s’est écoulé entre la réception de la première plainte au cours de l’année 1994 et la notification au Royaume d’Espagne de la décision d’ouverture au mois de novembre 2000 ainsi que l’inaction de la Commission pendant cette phase, qui se serait manifestée, en particulier, par l’omission, à la suite de la demande de prorogation formulée par les autorités espagnoles, de rappeler à celles-ci la nécessité de répondre de manière précise à sa demande de renseignements du 19 janvier 1996 et de leur fixer un délai pour apporter cette réponse.

150    Il convient de rappeler à cet égard qu’un État membre, dont les autorités ont octroyé une aide en violation des règles de procédure prévues à l’article 88 CE, ne saurait, en principe, invoquer la confiance légitime des bénéficiaires pour se soustraire à l’obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de l’exécution d’une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer l’aide. Admettre une telle possibilité reviendrait, en effet, à priver les dispositions des articles 87 CE et 88 CE de tout effet utile, dans la mesure où les autorités nationales pourraient ainsi se fonder sur leur propre comportement illégal pour mettre en échec l’efficacité des décisions prises par la Commission en vertu de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêts RSV/Commission, précité, point 17, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, Rec. p. I‑3679, point 112 et jurisprudence citée).

151    Il en va de même, à plus forte raison, pour un État membre ou des collectivités territoriales de celui-ci, qui, à l’instar des requérants, invoquent une confiance légitime dans leur propre chef alors qu’ils n’ont pas respecté l’obligation de notification prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE ni répondu de manière précise à une demande de renseignements leur ayant été adressée par la Commission au cours de la procédure d’examen préliminaire.

152    En effet, un État membre qui demande à pouvoir octroyer des aides en dérogation aux règles du traité est tenu à un devoir de collaboration envers la Commission. En vertu de ce devoir, il lui incombe, notamment, de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont remplies (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, précité, point 81). Ceci est d’autant plus valable pour un État membre ayant omis de notifier un régime d’aides à la Commission contrairement aux exigences de l’article 88, paragraphe 3, CE.

153    Lorsque, par la suite, un tel État membre se montre réticent à fournir les renseignements utiles à la Commission, il ne peut tirer argument de la durée de ladite procédure pour invoquer une confiance légitime quant à la compatibilité des aides en question avec le marché commun (voir arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑303/88, Rec. p. I‑1433, point 43).

154    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par le fait que la Commission n’a pas, à partir de l’entrée en vigueur du règlement n° 659/1999, envoyé une lettre de rappel aux autorités espagnoles afin de leur fixer un délai supplémentaire pour répondre à la demande de renseignements du 19 janvier 1996, bien que cela soit prévu aux articles 5, paragraphe 2, et 10, paragraphe 2, de ce règlement.

155    Certes, la Commission est tenue d’agir dans un délai raisonnable dans le cadre d’une procédure d’examen d’aides d’État et elle n’est pas autorisée à perpétuer un état d’inaction pendant la phase préliminaire d’examen. Le moment venu, il lui appartient soit d’ouvrir la phase d’examen suivante, soit de classer l’affaire en adoptant une décision en ce sens (voir, en ce sens, arrêt Athinaïki Techniki/Commission, précité, point 40).

156    Cependant, en l’espèce, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas agir dans un délai raisonnable. D’une part, il n’est pas contesté que, contrairement à l’obligation prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE, les régimes fiscaux litigieux n’ont pas été notifiés à la Commission.

157    D’autre part, il y a lieu de relever, ainsi qu’il ressort du point 270 de l’arrêt attaqué, que les requérants n’ont pas apporté de réponse précise à la demande adressée le 19 janvier 1996 par la Commission aux autorités espagnoles concernant l’identité des bénéficiaires des régimes fiscaux litigieux. En outre, il ressort du point 31 de l’arrêt attaqué, dont le contenu est repris au point 16 du présent arrêt, que la Commission a appris l’existence d’au moins une entreprise bénéficiaire desdits régimes au moyen de la plainte de 2000, déposée par une entreprise concurrente de cette entreprise bénéficiaire.

158    C’est, donc, à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 301 de l’arrêt attaqué, que, en l’absence de réponse de la part des autorités espagnoles à la demande d’informations concernant les bénéficiaires des régimes fiscaux litigieux, la Commission a pu estimer qu’elle ne disposait pas d’éléments suffisants lui permettant d’apprécier la portée réelle de ces régimes, contrairement à ce que soutiennent les requérants à l’appui de leur sixième moyen dans les affaires C‑468/09 P à C-470/09 P.

159    En effet, si la Commission peut, dans le cas d’un régime d’aides, se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d’examiner chaque cas d’application particulier (voir arrêt du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C-148/04, Rec. p. I-11137, point 67 et jurisprudence citée), afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d’aide au sens de l’article 87 CE, il n’en demeure pas moins qu’il lui est, en principe, loisible de demander, au cours de la procédure d’examen préliminaire, tous les renseignements qu’elle estime nécessaires pour mener à bien cet examen.

160    En outre, la question de la légalité d’une demande de renseignements formulée par la Commission doit être soulevée, au moment des faits, par ses destinataires. 

161    Par conséquent, il ne peut être reproché à la Commission de ne pas avoir agi à la suite de l’envoi de sa demande de renseignements du 19 janvier 1996, alors qu’elle ne savait pas si les régimes fiscaux litigieux avaient eu une portée réelle pour clôturer la procédure d’examen préliminaire. Dès lors qu’elle a appris l’existence d’une entreprise bénéficiaire desdits régimes par la plainte de 2000, il n’apparaît pas non plus que le délai écoulé jusqu’à l’adoption des décisions finales, à savoir le 20 décembre 2001, ait été excessif eu égard aux spécificités du déroulement de la procédure administrative décrite aux points 16 à 20 du présent arrêt.

162    Au vu de ces circonstances, il convient de constater que les requérants, en raison du fait qu’ils n’ont pas collaboré avec la Commission en lui fournissant les renseignements demandés, ne peuvent tirer argument de l’allongement de la procédure d’examen préliminaire en se prévalant du principe de confiance légitime afin de contester la récupération des aides octroyées en application des régimes fiscaux litigieux.

163    Enfin, quant à l’argument des requérants selon lequel le silence de la Commission constituerait une circonstance exceptionnelle susceptible de fonder une confiance légitime, en ce sens qu’il en serait résulté une approbation implicite des régimes fiscaux litigieux, il y a lieu de constater que, au regard des circonstances de l’espèce et, notamment, de l’absence de notification de ceux-ci à la Commission et du manque de collaboration des autorités espagnoles avec cette dernière quant à la demande de renseignements du 19 janvier 1996, l’inaction de la Commission à la suite de l’envoi de cette demande ne saurait constituer une circonstance exceptionnelle. En tout état de cause, ainsi qu’il a été jugé au point 100 du présent arrêt, au regard de ces mêmes circonstances, le silence de la Commission ne saurait être interprété comme une autorisation implicite desdits régimes.

164    En second lieu, les requérants soulèvent au soutien de leurs moyens l’absence de publication au Journal officiel des Communautés européennes de l’avertissement prévu par la communication de 1983 sur les aides illégales. Or, ainsi que l’a jugé le Tribunal, une telle omission, pour regrettable qu’elle soit, ne saurait rendre impossible la récupération des aides octroyées illégalement en vertu des régimes fiscaux litigieux.

165    Il résulte de ce qui précède que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le comportement de la Commission et, en particulier, la durée de la procédure d’examen préliminaire des régimes fiscaux litigieux n’a pu fonder une confiance légitime des requérants dans la régularité des aides octroyées en application de ces régimes.

166    Par conséquent, le grief tiré de la violation du principe de confiance légitime et celui consistant à soutenir que c’est à tort que le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas disposé des informations pertinentes dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE ne sont pas fondés.

 Sur les septième et huitième moyens dans les affaires C-468/09 P à C‑470/09 P

 Argumentation des parties

167    Par leurs septième et huitième moyens dans les affaires C-468/09 P à C‑470/09 P, les requérants font, en substance, valoir que la durée de la procédure d’examen préliminaire porte atteinte, en raison de sa longueur, aux principes de sécurité juridique et de bonne administration, de sorte qu’elle s’oppose, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, à la récupération des aides octroyées en application des régimes fiscaux litigieux. Ils reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en constatant que la durée de la procédure n’était pas déraisonnable et ne portait pas atteinte aux principes de sécurité juridique et de bonne administration.

168    La Commission fait valoir, en ce qui concerne ce moyen, que le Tribunal aurait dû déclarer irrecevable l’argumentation des requérants relative aux principes de sécurité juridique et de bonne administration, ceux-ci n’ayant pas été soulevés an tant que moyens d’annulation dans les requêtes de première instance. Elle invite, par conséquent, la Cour à procéder à une substitution de motifs en ce qui concerne la partie du raisonnement du Tribunal dans laquelle celui-ci rejette le bien-fondé de l’argumentation des requérants relative à ces principes.

 Appréciation de la Cour

169    À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal a jugé, aux points 258 à 277 de l’arrêt attaqué, que les arguments tirés de la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration devaient être rejetés et a ainsi, implicitement, considéré que ces arguments étaient recevables.

170    Or, ce raisonnement implicite est entaché d’une erreur de droit.

171    Toutefois, il convient de rappeler que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que le dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cet arrêt et qu’il y a lieu de procéder à une substitution de motifs (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I-6513, point 187 et jurisprudence citée).

172    Ainsi, il convient d’examiner si les arguments tirés de la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration soulevés par les requérants en première instance n’étaient pas, en tout état de cause, irrecevables, ainsi que le soutient la Commission.

173    Force est de constater qu’il découle clairement des requêtes introductives d’instance dans les affaires T-86/02 à T-88/08 que les principes de sécurité juridique et de bonne administration n’ont pas été soulevés en tant que moyen d’annulation et que seul le principe de protection de la confiance légitime était invoqué comme tel. Ce n’est en effet que dans le cadre du résumé de ce moyen et du raisonnement relatif à celui-ci que les requérants ont également mentionné le principe de sécurité juridique. Le terme de bonne administration a uniquement été évoqué dans le contexte du moyen tiré de la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 en liaison avec le principe de protection de la confiance légitime, relativement au contenu d’une lettre de la Commission et à l’attitude de celle-ci envers les autorités basques.

174    Ainsi qu’il a déjà été constaté aux points 84 et 85 du présent arrêt, même si les requérants avaient étayé, au cours de la procédure de première instance, leur argumentation relative aux principes de sécurité juridique et de bonne administration, ces arguments auraient dû être écartés comme irrecevables, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

175    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, si le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’argument des requérants relatif auxdits principes était recevable, cette erreur ne saurait entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué, étant donné qu’un tel argument devait être rejeté comme irrecevable.

176    Dès lors, les septième et huitième moyens soulevés dans les affaires C‑468/09 P à C-470/09 P doivent être rejetés.

 Sur le dixième moyen dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P

 Argumentation des parties

177    Par leur dixième moyen, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir jugé que la violation du principe d’égalité de traitement par la Commission n’était pas établie dans les présentes affaires, alors que le délai de 79 mois qui a été nécessaire en l’espèce pour procéder à l’examen préliminaire des régimes fiscaux litigieux est très supérieur à ceux qui ont été considérés comme déraisonnables pour l’examen préliminaire de mesures d’aides dans des décisions antérieures de la Commission, dans lesquelles cette dernière avait retenu l’existence d’une confiance légitime au profit des bénéficiaires en raison du temps écoulé.

178    En conséquence, en ne retenant pas l’existence d’une circonstance de nature à susciter la confiance légitime dans la régularité des régimes fiscaux litigieux, à savoir une procédure d’examen préliminaire d’une durée de 79 mois, et en ordonnant la récupération des aides, contrairement à ce qui avait été fait dans d’autres décisions similaires, le Tribunal aurait enfreint l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 lu en combinaison avec le principe d’égalité de traitement.

179    La Commission rappelle les trois critères, énoncés par le Tribunal au point 321 de l’arrêt attaqué, qui l’avaient conduite, dans d’autres affaires dont les circonstances étaient au demeurant très différentes de celles des présentes affaires, à considérer que la durée de la procédure justifiait de ne pas ordonner la récupération des aides en cause. Or, les requérants n’auraient ni mis en cause l’analyse par le Tribunal de la pratique de la Commission ni déclaré se trouver dans l’une des trois situations décrites par celui-ci.

 Appréciation de la Cour

180    À supposer que les requérants aient suffisamment démontré en quoi consiste précisément l’erreur prétendument commise par le Tribunal et, partant, en admettant que leur dixième moyen soit recevable, il convient en tout état de cause de constater que, ainsi que le fait valoir la Commission, ils n’ont pas établi à suffisance de droit en quoi le cas d’espèce est comparable aux situations dans lesquelles la Commission a antérieurement estimé qu’une confiance légitime en la régularité d’une aide d’État pouvait découler de la durée excessive de la procédure d’examen préliminaire au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE.

181    En effet, ainsi que l’a relevé le Tribunal aux points 321 et 322 de l’arrêt attaqué, dans les précédentes décisions auxquelles se réfèrent les requérants, la Commission avait notamment pris en considération le fait que l’absence d’aide avait été expressément constatée dans d’autres décisions concernant des mesures analogues, que la durée de la procédure n’était aucunement imputable à l’État membre concerné ou que le seul bénéficiaire du régime en cause ne s’était pas vu octroyer l’avantage litigieux. Or, dans les présentes espèces, les circonstances sont tout à fait différentes et ne sont pas comparables à celles ayant donné lieu auxdites décisions, de sorte que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la violation du principe d’égalité de traitement n’avait pas été établie par les requérants.

182    Le dixième moyen dans les affaires C-468/09 P à C-470/09 P ne saurait, dès lors, être accueilli.

183    Aucun des moyens invoqués par les requérants au soutien de leurs pourvois n’étant susceptible de prospérer, il convient de rejeter ceux-ci dans leur ensemble.

 Sur les dépens

184    L’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Conformément au deuxième alinéa de cette disposition, la Cour décide de partager des dépens si plusieurs parties succombent. Quant au paragraphe 4, premier alinéa, du même article, il énonce que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

185    En l’espèce, les requérants et la Comunidad autónoma del País Vasco ayant, chacun en ce qui le concerne, succombé en leurs moyens, il convient de les condamner à supporter à parts égales les dépens afférents aux pourvois.

186    Conformément à l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      Les pourvois sont rejetés.

2)      Le Territorio Histórico de Vizcaya – Diputación Foral de Vizcaya, le Territorio Histórico de Álava – Diputación Foral de Álava, le Territorio Histórico de Guipúzcoa – Diputación Foral de Guipúzcoa et la Comunidad autónoma del País Vasco – Gobierno Vasco sont condamnés à parts égales aux dépens afférents aux présents pourvois.

3)      Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.