Language of document : ECLI:EU:T:2012:46

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

2 février 2012(*)

« Concurrence – Ententes – Marché du caoutchouc chloroprène – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE – Fixation des prix – Répartition du marché – Imputabilité du comportement infractionnel – Entreprise commune – Lignes directrices pour le calcul des amendes – Circonstances atténuantes – Coopération »

Dans l’affaire T‑76/08,

EI du Pont de Nemours and Company, établie à Wilmington, Delaware (États-Unis),

DuPont Performance Elastomers LLC, établie à Wilmington,

DuPont Performance Elastomers SA, établie au Grand-Saconnex (Suisse),

représentées par M. J. Boyce et Mme A. Lyle-Smythe, solicitors,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. X. Lewis et V. Bottka, puis par MM. Bottka et V. Di Bucci, et enfin par MM. Bottka, S. Noë et A. Biolan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation des articles 1er et 2 de la décision C (2007) 5910 final de la Commission, du 5 décembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38629 – Caoutchouc chloroprène), telle que modifiée par la décision C (2008) 2974 final de la Commission, du 23 juin 2008, en ce qu’ils visent EI du Pont de Nemours and Company, et, d’autre part, une demande de réduction du montant de l’amende infligée solidairement aux requérantes par cette décision,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 février 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Requérantes et produit concerné

1        Les requérantes, EI du Pont de Nemours and Company (ci-après « EI DuPont »), DuPont Performance Elastomers LLC (ci-après « DPE LLC ») et DuPont Performance Elastomers SA (ci-après « DPE SA »), ont introduit le présent recours contre la décision C (2007) 5910 final de la Commission, du 5 décembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38629 – Caoutchouc chloroprène) (ci-après la « décision du 5 décembre 2007 »), telle que modifiée par la décision C (2008) 2974 final de la Commission, du 23 juin 2008 (ci-après la « décision modificative du 23 juin 2008 »). La décision du 5 décembre 2007 modifiée par la décision modificative du 23 juin 2008  est ci-après dénommée la « décision attaquée ».

2        EI DuPont, la société faîtière du groupe DuPont, est une société cotée en bourse ayant son siège à Wilmington (États-Unis). DPE LLC est une filiale à 100 % d’EI DuPont et DPE SA est une filiale à 100 % de DPE LLC. EI DuPont est la première entreprise à avoir développé le caoutchouc chloroprène (ci-après le « CR »). Elle est restée active sur le marché du CR de 1931 jusqu’au 1er avril 1996, date à laquelle elle a transféré la totalité de ses activités dans le secteur des élastomères à DuPont Dow Elastomers LLC (ci-après « DDE »), une entreprise commune détenue à parts égales par EI DuPont et The Dow Chemical Company (ci-après « Dow »). Le 1er juillet 2005, EI DuPont a acquis la part de 50 % de DDE qui était détenue par Dow. DDE a alors cessé d’être une entreprise commune. Elle est devenue une filiale à 100 % d’EI DuPont et a pris le nom de DPE LLC. Le bureau régional de DPE LLC pour l’Europe est DPE SA, une filiale à 100 % de DPE LLC (voir considérants 29, 31 à 36 et 40 de la décision attaquée).

3        Le CR est un caoutchouc synthétique qui se compose d’un polymère de fabrication artificielle faisant office d’élastomère. Le CR est utilisé principalement dans la fabrication de pièces techniques en caoutchouc, tels que des câbles, des tuyaux ou des courroies de transmission, dans celle d’adhésifs destinés notamment aux industries de la chaussure et du meuble, tels que des semelles, des talons et des tissus enduits, et dans celle de latex pour les équipements de plongée, les modifications bitumeuses et la semelle intérieure des chaussures (voir considérants 7 à 11 de la décision attaquée).

4        Les autres destinataires de la décision attaquée sont : Bayer AG, Denki Kagaku Kogyo KK, Denka Chemicals GmbH, ENI SpA, Polimeri Europa SpA, Tosoh Corp., Tosoh Europe BV et Dow.

 Procédure devant la Commission

5        Le 18 décembre 2002, Bayer a informé la Commission des Communautés européennes [confidentiel] (1) et a exprimé son souhait de coopérer avec la Commission dans les conditions prévues dans la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 »). Par décision du 27 janvier 2003, la Commission a accordé à Bayer l’immunité conditionnelle d’amendes (voir considérant 60 de la décision attaquée).

6        À la suite de la communication d’informations par Bayer, la Commission a procédé à des vérifications inopinées dans les installations de Dow Deutschland Inc., le 27 mars 2003, et dans les bâtiments de Denka Chemicals, le 9 juillet 2003 (voir considérants 61 et 62 de la décision attaquée).

7        Le 15 juillet et le 21 novembre 2003, Tosoh Corp., Tosoh Europe et DDE ont respectivement introduit une demande de clémence conformément à la communication sur la coopération de 2002.

8        En mars 2005, la Commission a envoyé ses premières demandes de renseignements aux entreprises destinataires de la décision attaquée, au titre de l’article 18 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1).

9        Par lettres du 7 mars 2007, la Commission a informé Tosoh Corp., Tosoh Europe et DDE de sa conclusion provisoire selon laquelle les éléments de preuve qu’elles lui avaient communiqués présentaient une valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 22 de la communication sur la coopération de 2002 et, partant, de son intention de réduire le montant de l’amende qui leur serait infligée dans une des fourchettes visées au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de ladite communication, à savoir une réduction de 30 à 50 % pour Tosoh Corp. et Tosoh Europe et une réduction de 20 à 30 % pour DDE (voir considérants 63 à 66 de la décision attaquée).

10      Le 13 mars 2007, la Commission a engagé la procédure et a adopté une communication des griefs concernant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (ci-après l’« accord EEE »), adressée à douze entreprises, dont les requérantes. Tous les destinataires de la communication des griefs ont soumis des observations par écrit en réponse aux griefs soulevés par la Commission et ont exercé leur droit à être entendus lors d’une audition, qui s’est tenue le 21 juin 2007 (voir considérants 68 à 72 de la décision attaquée).

 Décision attaquée

11      Dans la décision modificative du 23 juin 2008, adressée uniquement à EI DuPont, à DPE LLC, à DPE SA et à Dow, la Commission a notamment expliqué qu’elle avait commis une erreur factuelle dans la décision du 5 décembre 2007.

12      Il ressort de la décision du 5 décembre 2007 que, entre 1993 et 2002, plusieurs producteurs de CR ont participé à une infraction unique et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, étendue à l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE), consistant en des accords et des pratiques concertées en ce qui concerne l’attribution et la stabilisation des marchés, des parts de marché et des quotas de vente pour le CR, à coordonner et à faire appliquer plusieurs augmentations de prix, à convenir de prix minimaux, à répartir la clientèle et à échanger des informations sensibles sur le plan de la concurrence (voir considérants 2, 3 et 81 à 122 de la décision attaquée). Ces producteurs se réunissaient de façon régulière, plusieurs fois par an, dans des réunions multilatérales, trilatérales et bilatérales (voir considérants 94 à 116 de la décision attaquée).

13      Aux termes des articles 1er à 3 de la décision du 5 décembre 2007 :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 [CE] et, à partir du 1er janvier 1994, l’article 53 de l’accord EEE en participant, durant les périodes indiquées, à un accord unique et continu et à des pratiques concertées dans le secteur du [CR] :

a)      Bayer […] : du 13 mai 1993 au 13 mai 2002 ;

b)      [EI DuPont] : du 13 mai 1993 au 13 mai 2002 ; [DPE] SA, [DPE] LLC et [Dow] : du 1er avril 1996 au 13 mai 2002 ;

c)      Denki Kagaku Kogyo […] et Denka Chemicals […] : du 13 mai 1993 au 13 mai 2002 ;

d)      ENI […] et Polimeri Europa […] : du 13 mai 1993 au 13 mai 2002 ;

e)      Tosoh Corp[.] et Tosoh Europe […] : du 13 mai 1993 au 13 mai 2002.

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

a)      Bayer […] : 0 [euros] ;

b)      [EI DuPont] : 59 250 000 [euros] [dont] ; solidairement avec

i)      [DPE] SA : 44 250 000 [euros]  et

ii)      [DPE] LLC : 44 250 000 [euros]  et

iii)      [Dow] : 48 675 000 [euros] ;

c)      Denki Kagaku Kogyo […] et Denka Chemicals […] ;
solidairement : 47 000 000 [euros] ;

d)      ENI […] et Polimeri Europa […] ;
solidairement : 132 160 000 [euros] ;

e)      Tosoh Corp[.] et Tosoh Europe […],
solidairement : 4 800 000 [euros] 

[…]

Article 3

Les entreprises précitées mettent immédiatement fin aux infractions visées à l’article 1er, dans la mesure où elles ne l’ont pas déjà fait.

Elles s’abstiennent de répéter tout acte ou comportement décrit à l’article 1er, ainsi que tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »

14      Pour fixer le montant de base des amendes, la Commission s’est fondée sur ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »). Elle a pris en compte une proportion de la valeur des ventes de CR réalisées par chaque entreprise au sein de l’EEE durant l’année calendaire 2001, dernière année complète de participation à l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction (voir considérants 521 et 523 de la décision attaquée).

15      En vue de déterminer la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte, la Commission a considéré que les accords horizontaux de partage de marché et de fixation de prix comptaient, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. À cet égard, la Commission a également estimé que la part de marché combinée des entreprises participant à l’infraction s’élevait à 100 % au sein de l’EEE, que l’étendue géographique de l’infraction était mondiale et que l’infraction avait été mise en œuvre systématiquement (voir considérants 525 et 526 de la décision attaquée).

16      La Commission a décidé que la proportion de la valeur des ventes de chaque entreprise impliquée, dont il devait être tenu compte pour établir le montant de base de l’amende à infliger, était de 21 % (voir considérant 535 de la décision attaquée).

17      En raison de la participation à l’infraction pendant une durée de neuf ans pour EI DuPont, Bayer, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals (ci-après, prises ensemble, « Denka »), ENI et Polimeri Europa (ci-après, prises ensemble, « EniChem ») et Tosoh Corp. et Tosoh Europe (ci-après, prises ensemble, « Tosoh »), et pendant une durée de six ans et un mois pour DPE LLC, DPE SA et Dow, la Commission a, en application du paragraphe 24 des lignes directrices de 2006, multiplié par 9 les montants de départ des amendes déterminés en fonction de la valeur des ventes d’EI DuPont, de Bayer, de Denka, d’EniChem et de Tosoh et par 6,5 les montants de départ des amendes déterminés en fonction de la valeur des ventes de DPE LLC, de DPE SA et de Dow (voir considérant 536 de la décision attaquée).

18      Afin de dissuader les entreprises de participer à un accord relatif à un partage du marché ou à des accords horizontaux de fixation de prix tels que ceux en cause en l’espèce et en prenant en compte en particulier les éléments mentionnés au point 14 ci-dessus, la Commission a, en application du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, inclus dans le montant de base des amendes un montant additionnel de 20 % de la valeur des ventes (voir considérant 537 de la décision attaquée).

19      Par ailleurs, la Commission a considéré qu’EI DuPont et Dow, en tant que sociétés mères de l’entreprise commune DDE, devaient être tenues pour solidairement responsables du comportement de cette entreprise commune pendant la période allant du 1er avril 1996 au 13 mai 2002 (voir considérants 420 à 440 de la décision attaquée). En outre, étant donné que, après qu’il a été mis fin à l’infraction, DPE LLC et DPE SA ont repris les activités de DDE sur le marché du CR, elle a considéré que, en tant que successeurs de DDE, DPE LLC et DPE SA devaient également être tenues pour solidairement responsables du comportement de DDE entre le 1er avril 1996 et le 13 mai 2002 (voir considérants 441 et 442 de la décision attaquée).

20      Au vu de ces éléments, le montant de base de l’amende à infliger à EI DuPont a été fixé à 79 millions d’euros, dont 59 millions à payer solidairement avec DPE LLC, DPE SA et Dow (voir considérant 539 de la décision attaquée).

21      S’agissant des ajustements des montants de base des amendes, d’une part, au titre des circonstances aggravantes, aucune majoration n’a été appliquée à l’amende à infliger aux requérantes, dans la mesure où aucune circonstance aggravante n’a été retenue à leur égard. En revanche, au titre de la circonstance aggravante de récidive, la Commission a majoré le montant de base de l’amende fixé pour EniChem de 60 % et le montant de base de l’amende fixé pour Bayer de 50 % (voir considérants 540 à 542 de la décision attaquée). D’autre part, au titre des circonstances atténuantes visées au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, aucune réduction des montants de base des amendes n’a été accordée, la Commission ayant rejeté toutes les demandes de réduction qui avaient été présentées à ce titre (voir considérants 543 à 582 de la décision attaquée).

22      La Commission a ensuite appliqué à l’amende de certains destinataires de la décision attaquée une majoration spécifique afin de garantir un effet suffisamment dissuasif aux amendes, en tenant compte du niveau du chiffre d’affaires de ces entreprises au‑delà des biens et des services auxquels l’infraction se réfère. Aucune majoration spécifique n’a été appliquée au montant de base de l’amende à infliger aux requérantes. En revanche, le montant de base de l’amende à infliger à EniChem a été multiplié par 1,4 et le montant de base de l’amende à infliger à Dow a été multiplié par 1,1 (voir considérants 583 à 586 de la décision attaquée).

23      Partant, le montant de base de l’amende à infliger à EI DuPont a été fixé à 79 millions d’euros, dont 59 millions à payer solidairement avec DPE LLC et DPE SA et 64,9 millions à payer solidairement avec Dow (voir considérant 587 de la décision attaquée).

24      S’agissant de l’application de la communication sur la coopération de 2002, la Commission a accordé une réduction du montant de base de l’amende de 100 % à Bayer, de 50 % à Tosoh et de 25 % à EI DuPont, DPE LLC, DPE SA et Dow (voir considérants 591 à 638 de la décision attaquée).

25      Le montant de l’amende infligée à EI DuPont a ainsi été fixé à 59,25 millions d’euros dont 44,25 millions solidairement avec DPE LLC et DPE SA et 48,675 millions solidairement avec Dow (voir considérant 655 de la décision attaquée).

26      Après avoir mis les entreprises concernées en mesure de communiquer leurs observations, la Commission a adopté la décision modificative du 23 juin 2008 (voir point 1 ci-dessus). En vertu de cette décision, Dow est seule responsable du paiement d’une amende de 4,425 millions d’euros, le montant de l’amende au paiement de laquelle EI DuPont et Dow sont tenues pour solidairement responsables étant ramené à 44,25 millions d’euros. Il est également indiqué dans cette décision que la Commission s’est rendu compte qu’elle avait commis une erreur factuelle dans le calcul du montant de l’amende à payer par EI DuPont, dans la mesure où ce montant était le résultat de l’application du coefficient multiplicateur de dissuasion de 10 % à la seule amende de Dow.

27      La décision modificative du 23 juin 2008 comprend notamment la disposition suivante :

« Article premier

Dans l’article 2 de la [décision du 5 décembre 2007], le premier paragraphe est modifié comme suit :

1)      le texte sous b) est remplacé par le texte suivant :

b)      [EI DuPont] : 59 250 000 [euros] ; solidairement avec

i)      [DPE] SA pour 44 250 000 [euros] et
ii)      [DPE] LLC pour 44 250 000 [euros] et
iii)      [Dow] pour 44 250 000 [euros] ;

2)      le point suivant f) est ajouté :

f)      [Dow] : 4 425 000 [euros]. »

 Procédure et conclusions des parties

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 février 2008, les requérantes ont introduit le présent recours.

29      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité la Commission à produire certains documents et lui a posé par écrit des questions. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

30      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 février 2011.

31      Dans la requête, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, sous b), de la décision du 5 décembre 2007 en ce qu’il conclut à la participation d’EI DuPont à l’infraction ;

–        annuler l’article 2, sous b), de la décision du 5 décembre 2007 en ce qu’il réclame à EI DuPont le paiement d’une amende ;

–        réduire l’amende qui leur est infligée au titre de l’article 2, sous b), de la décision du 5 décembre 2007 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      Dans la réplique, les requérantes précisent que, « [d]ans la mesure qui s’impose, la requête et [la] réplique – en particulier s’agissant de la demande d’annulation partielle – valent aussi bien pour la décision [du 5 décembre 2007] que pour la décision modificative [du 23 juin 2008] ».

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

34      À titre liminaire, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision est, en cours de procédure, remplacée par une décision ayant le même objet, celle-ci doit être considérée comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours (voir arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, Othman/Conseil et Commission, T‑318/01, Rec. p. II‑1627, et la jurisprudence citée). Il doit en aller de même lorsque, en cours d’instance, l’institution qui a adopté l’acte faisant l’objet du recours apporte à cet acte des modifications visant à le remplacer partiellement sans modifier son objet.

35      En l’espèce, il y a donc lieu de faire droit à la demande des requérantes et de leur permettre de reformuler leurs conclusions, moyens et arguments à la lumière des modifications apportées par la Commission à la décision du 5 décembre 2007. Dès lors, il y a lieu de considérer que leur recours tend à l’annulation des articles 1er et 2 de la décision attaquée, en ce qu’ils visent EI DuPont, et à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes par la décision du 5 décembre 2007, telle qu’elle a été fixée par la décision modificative du 23 juin 2008.

36      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent six moyens. Ils sont tirés, premièrement, d’une imputation erronée de l’infraction à EI DuPont pendant la période allant du 1er avril 1996 au 13 mai 2002, deuxièmement, de la violation des règles relatives à la prescription, troisièmement, de l’absence d’un intérêt légitime pour la Commission à adresser une décision à EI DuPont, quatrièmement, de la qualification erronée et non motivée de certains éléments de relevant de l’entente, cinquièmement, de la détermination erronée du montant de l’amende infligée aux requérantes et, sixièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’un défaut de motivation en ce que la Commission a conclu à la participation à l’entente de l’un des membres du personnel de DDE, à savoir M. A.

 Sur le premier moyen, tiré d’une imputation erronée de l’infraction à EI DuPont pendant la période allant du 1er avril 1996 au 13 mai 2002

 Rappel du libellé de la décision attaquée

37      Au considérant 31 de la décision attaquée, la Commission a constaté que DDE avait été créée sur la base d’un acte constitutif, signé le 16 janvier 1996, et d’un accord instituant une société à responsabilité limitée (ci-après l’« accord LLC ») conclu entre Dow, EI DuPont, Wenben Inc. et DuPont Elastomers Inc. Ces deux dernières sociétés étaient les sociétés mères de DDE et des filiales à 100 %, respectivement, de Dow et de EI DuPont et détenaient chacune en vertu de l’accord LLC, 50 % des actions de DDE.

38      Aux considérants 420 et 421 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, en tant que sociétés mères de DDE, EI DuPont et Dow devaient être tenues pour solidairement responsables du comportement de DDE pendant la période allant du 1er avril 1996 au 13 mai 2002, dès lors que « des facteurs objectifs démontr[aie]nt que DDE n’a[vait] pas joui d’une position autonome, mais […] que Dow et [EI] DuPont [avaient] exercé, sur un même pied d’égalité, une influence [déterminante] sur la conduite et les politiques commerciales de l’entreprise commune ».

39      Tout d’abord, au considérant 422 de la décision attaquée, la Commission a relevé que « les responsabilités du ‘comité des membres’ et la composition de celui-ci par des cadres supérieurs exécutifs provenant des sociétés mères et chargés de les représenter montrent que le pouvoir d’influencer le comportement de marché général de DDE se trouv[ait] entre les mains des sociétés mères ». Aux considérants 423 à 425 de la décision attaquée, la Commission a motivé cette considération comme suit :

« (423)Les sociétés mères ont institué un ‘comité des membres’ chargé de superviser les affaires de DDE et d’approuver certaines questions se rapportant à la direction stratégique de cette entreprise. De façon notoire, le comité des membres disposait de pouvoirs pour arrêter la politique globale et la vision de DDE, approuver les plans d’affaires et les plans stratégiques ainsi que les plans opérationnels annuels de DDE, élire et nommer les membres du conseil d’administration de DDE, déterminer la politique bancaire de DDE et approuver toutes les dépenses d’investissement et tous les emprunts réalisés par DDE à partir de certains niveaux (sections 7.4. et 9.1 de l’accord LLC). Le comité des membres disposait également des pouvoirs de modifier le champ d’application des affaires, de liquider DDE ou de la dissoudre autrement ou d’approuver sa fusion ou [sa] consolidation (section 6.1. de l’accord LLC). Ces tâches étaient expressément réservées à l’autorité exclusive du comité des membres. Les sociétés mères disposaient également en général d’un droit de délégation au comité des membres de tout pouvoir et toute autorité nécessaires à la gestion de l’entreprise.

(424) [EI] DuPont et Dow avaient chacune le droit de nommer un nombre égal de membres représentants au comité des membres. Les décisions du comité des membres étaient prises à l’unanimité, chaque actionnaire disposant d’un droit de veto absolu. En conséquence, aucun des actionnaires n’avait individuellement le pouvoir d’exercer une influence [déterminante] sur DDE […]

(425)      Les représentants du comité des membres n’étaient pas des salariés de DDE, mais bien des salariés d[’EI] DuPont et de Dow respectivement. Les représentants tant de Dow que d[’EI] DuPont étaient issus du niveau des cadres supérieurs exécutifs […] L’inexistence d’un ‘conseil d’administration avec des représentants extérieurs’ indépendant est l’un des facteurs employés par la Cour de justice dans son raisonnement dans [l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925] pour rejeter la demande de recours autonome adressée par la filiale […] »

40      Ensuite, la Commission a indiqué, aux considérants 426 et 427 de la décision attaquée, que le comité des membres « avait le droit de désigner les dirigeants de DDE, [qui étaient] responsables de la gestion quotidienne des affaires sous réserve de la conduite générale et du contrôle exercés par le comité des membres (section 9.1. de l’accord LLC) », que « [l]es personnes élues aux postes de haute direction chez DDE étaient issues d’un niveau de haute direction des sociétés mères respectives, Dow et [EI] DuPont » et que « [l]e fait de faire confiance à des personnes ayant des positions consécutives au sein des sociétés mères et de l’entreprise commune est un mécanisme classique qui permet de s’assurer de l’afflux d’informations et d’une cohérence entre les membres du groupe (dans [la présente] affaire entre l’entreprise commune et la société mère) et garantit la prévisibilité de la gestion et des aspects politiques ».

41      Enfin, la Commission a relevé, au considérant 428 de la décision attaquée, que, « en tant que participant à l’entente jusqu’au transfert de sa branche d’activité CR à DDE, [EI] DuPont n’ignorait certainement pas l’existence de l’entente et [devait] avoir eu connaissance de la participation de DDE à celle-ci », que « Dow était vraisemblablement également au courant de l’existence de l’entente » et qu’« [i]l s’agi[ssait] d’un facteur additionnel qui démontr[ait] qu[’EI] DuPont et Dow [avaient] exercé une influence [déterminante] sur le comportement de DDE ».

42      La Commission a constaté, au considérant 432 de la décision attaquée, que le pouvoir de direction conjoint d’EI DuPont et de Dow sur la conduite et la politique commerciales de DDE et le fait que ces sociétés mères avaient exercé ce pouvoir sur un pied d’égalité avaient été démontrés sur la base de l’accord LLC et que, partant, la constatation de la responsabilité des deux sociétés mères était conforme à l’arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission (T‑314/01, Rec. p. II‑3085, ci‑après l’« arrêt Avebe »). Elle a ajouté, au considérant 434 de la décision attaquée, que, « [d]ans le cas d’une entreprise commune, il [était] possible de découvrir que l’entreprise commune et les sociétés mères [formaient] ensemble une unité économique pour les besoins de l’application de l’article 81 CE si l’entreprise commune n’a pas décidé de manière autonome de sa conduite sur le marché ».

43      Sur la base de ce qui précède, la Commission a estimé, au considérant 442 de la décision attaquée, que « Dow, [EI] DuPont, DPE [LLC] et DPE SA [devaient] être tenues [pour] solidairement responsables de la conduite de DDE entre le 1er avril 1996 et le 13 mai 2002 ».

 Arguments des parties

44      Les requérantes font valoir qu’EI DuPont ne peut être considérée comme ayant participé à l’entente durant la période allant du 1er avril 1996 au 13 mai 2002 (ci‑après la « période DDE ») et être tenue pour solidairement responsable de la participation de DDE à ladite entente durant cette période. La Commission aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation des faits et des erreurs de droit. En particulier, elle n’aurait pas prouvé qu’EI DuPont avait exercé une influence déterminante sur DDE.

45      Les requérantes rappellent que, avant le 1er avril 1996, l’activité d’EI DuPont sur le marché du CR était menée par certaines de ses filiales à 100 %, mais que, le 1er avril 1996, EI DuPont a constitué avec Dow une entreprise commune de plein exercice, DDE, à laquelle elle a transféré la totalité de son activité élastomère, y compris son activité sur le marché du CR. DDE aurait existé jusqu’au 30 juin 2005. Ainsi, au cours de la période s’étendant du 1er avril 1996 au 30 juin 2005, les seuls intérêts d’EI DuPont dans le domaine des élastomères auraient été sa part de 50 % dans l’entreprise commune DDE et, durant une courte période, une part de 50 % dans la société DuPont-Showa Denko (ci-après « DSD »), une entreprise commune de plein exercice constituée avec Showa Denko et qui aurait été active dans la production et la fourniture de CR au Japon. La part de 50 % détenue par EI DuPont dans DSD aurait été transférée à DDE en mars 1997 et Showa Denko aurait repris le contrôle exclusif de DSD en novembre 2002. Ce ne serait que le 1er juillet 2005 qu’EI DuPont aurait acquis la part de 50 % détenue par Dow dans DDE et aurait poursuivi l’activité CR par l’intermédiaire de ses filiales à 100 %, DPE LLC et DPE SA.

46      Dans la mesure où, en tant qu’entreprise commune de plein exercice, dont la Commission a approuvé la création en 1996 et la dissolution en 2005, DDE fonctionnait de façon autonome par rapport à ses sociétés mères, elle constituerait une entreprise économiquement, structurellement et juridiquement distincte de ses sociétés mères (et non une simple entité jouissant d’une autonomie opérationnelle). Ni EI DuPont ni Dow n’aurait détenu le contrôle exclusif de DDE pendant la période DDE et, de ce fait, trois entreprises distinctes auraient existé durant cette période, à savoir DDE et ses deux sociétés mères. En outre, après la création de DDE, il n’y aurait pas eu d’échanges d’informations entre DDE et EI DuPont permettant d’imputer à cette dernière la responsabilité de l’infraction commise par la première. De plus, le groupe DuPont n’aurait pas eu connaissance de l’existence d’une entente.

47      Renvoyant à la jurisprudence, les requérantes affirment qu’il incombe à la Commission d’établir qu’une filiale n’agissait pas de façon autonome, en démontrant que la société mère exerçait effectivement une influence déterminante sur cette filiale au moment de l’infraction. En particulier, elles font observer que, dans son arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission (T‑112/05, Rec. p. II‑5049, ci-après l’« arrêt du Tribunal Akzo Nobel », point 58), le Tribunal a déclaré que c’est le fait que la société mère et sa filiale constituent une seule entreprise qui habilite la Commission à adresser à la société mère la décision imposant des amendes. Les requérantes en déduisent que le niveau de contrôle en commun que les sociétés mères d’une entreprise commune de plein exercice sont en mesure d’exercer conjointement sur une telle entreprise n’est pas suffisant pour établir l’existence effective d’une influence déterminante, nécessaire pour imputer le comportement infractionnel d’une entreprise commune à l’une et/ou à l’autre des sociétés mères.

48      La présomption selon laquelle une société mère détenant 100 % du capital de sa filiale auteur d’un comportement infractionnel exerce une influence déterminante sur le comportement de cette filiale ne s’appliquerait pas en l’espèce. Même si le principe selon lequel le comportement infractionnel d’une filiale peut être imputé à sa société mère pouvait être étendu aux hypothèses dans lesquelles une société mère détiendrait une participation majoritaire, mais inférieure à 100 %, dans une filiale, au motif qu’elles constitueraient une seule et même entreprise, rien ne permettrait d’étendre un tel principe aux hypothèses dans lesquelles une entreprise commune de plein exercice ne ferait pas partie de la même entreprise que l’une ou l’autre de ses sociétés mères. L’exercice conjoint d’une influence déterminante sur la stratégie commerciale d’une entreprise commune ne pourrait pas non plus être le critère pour imputer aux sociétés mères la responsabilité de la participation d’une telle entreprise commune à une entente.

49      Tout indiquerait que, en l’espèce, DDE agissait de façon autonome sur le marché. En outre, à défaut de toute indication de la responsabilité individuelle de l’une de ses sociétés mères dans l’entente en cause, la responsabilité de la participation de leur entreprise commune à cette entente ne pourrait pas être imputée à ces sociétés mères.

50      Dans un cas comme celui de l’espèce, il existerait une présomption selon laquelle une entreprise commune de plein exercice agit de façon autonome et qu’un comportement infractionnel de sa part n’est pas imputable à ses sociétés mères. Il incomberait à la Commission de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que l’une et/ou l’autre des sociétés mères étaient effectivement « impliquées » dans le comportement infractionnel.

51      Les requérantes font observer que la Commission a écarté cet argument dans la décision attaquée, en se référant à son ancienne communication relative à la notion d’entreprises communes de plein exercice au sens du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises [version rectifiée JO 1990, L 257, p. 13, modifié par le règlement (CE) n° 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 180, p. 1)]. Cette communication ne serait toutefois pas pertinente. En outre, la Commission aurait commis une erreur de droit en affirmant qu’une entreprise commune de plein exercice est par sa nature même équivalente à une filiale normale dotée d’une personnalité juridique distincte. À cet égard, les requérantes font valoir que le cas d’espèce se distingue des faits en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Avebe, point 42 supra, où, notamment, l’entreprise commune Glucona n’avait pas de personnalité juridique distincte de celle de ses sociétés mères. La décision C (2006) 6762 final de la Commission, du 24 janvier 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.899 – Appareillage de commutation à isolation gazeuse) (ci-après la « décision Appareillages de commutation à isolation gazeuse ») serait tout aussi peu pertinente. En outre, ni EI DuPont ni Dow n’aurait détenu de contrôle exclusif sur DDE et l’exercice d’un contrôle en commun aux fins de l’application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1), n’impliquerait pas l’engagement de la responsabilité d’une société mère au titre de l’article 81 CE pour le comportement de l’entreprise commune. De même, l’absence de désaccord entre EI DuPont et Dow ne serait pas pertinente aux fins d’établir leur responsabilité au titre de l’article 81 CE. La Commission aurait ainsi méconnu l’importance fondamentale de la notion de plein exercice.

52      À l’appui de leur argument selon lequel, en substance, une entreprise commune de plein exercice est nécessairement une entreprise distincte et ne peut pas former une seule et même entreprise avec ses sociétés mères aux fins de l’imputation de la responsabilité d’une infraction à l’article 81 CE, les requérantes invoquent la décision 2006/902/CE de la Commission, du 21 décembre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre de Flexsys NV, Bayer, Crompton Manufacturing Company Inc. (ex-Uniroyal Chemical Company Inc.), Crompton Europe Ltd, Chemtura Corp. (ex-Crompton Corp.), General Química SA, Repsol Química SA et Repsol YPF SA (Affaire COMP/F/C.38.443 – Produits chimiques pour le traitement du caoutchouc) (JO 2006, L 353, p. 50, ci-après la « décision Produits chimiques pour le traitement du caoutchouc »). Dans cette affaire, la Commission aurait reconnu qu’une entreprise commune de plein exercice pouvait être présumée autonome par rapport à ses sociétés mères. Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir expliqué les raisons pour lesquelles elle a, en l’espèce, écarté les conclusions qu’elle avait retenues dans cette décision, dont les faits seraient quasi identiques à ceux de l’espèce, et entendu utiliser les principes posés dans l’arrêt Avebe, point 42 supra. Cela constituerait un manquement à l’obligation de motivation et serait contraire aux principes de sécurité juridique, de non-discrimination et de protection de la confiance légitime. Rien dans la jurisprudence relative à l’article 81 CE ne permettrait d’ailleurs d’étayer les conclusions auxquelles a abouti la Commission. Cette dernière s’étant écartée de la jurisprudence et ayant abouti à une conclusion entièrement nouvelle, il lui aurait incombé de présenter des éléments de preuve convaincants et solides à cet effet. Or, elle ne l’aurait pas fait.

53      En particulier, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits et une erreur de droit en considérant que, par l’intermédiaire du comité des membres, qui était le comité de surveillance de DDE et dont le rôle était d’approuver certains aspects de la direction stratégique et de la politique générale de DDE et de nommer les responsables de DDE, EI DuPont et Dow exerçaient une influence déterminante du type de celui requis pour leur imputer la responsabilité d’une infraction à l’article 81 CE.

54      Enfin, les requérantes soutiennent que, après la création de DDE, le groupe DuPont n’avait pas connaissance de l’existence d’une entente. Aucun élément ne permettrait de penser que l’une ou l’autre des sociétés mères de DDE étaient au courant des activités collusoires au cours de la période DDE. La Commission se contenterait d’affirmer que, en tant que participant à l’entente en cause jusqu’au transfert de son activité sur le marché du CR à DDE, EI DuPont n’aurait pas ignoré l’existence de l’entente et devait avoir eu connaissance de la participation de DDE à celle-ci. Une telle affirmation serait constitutive d’un défaut de motivation et démontrerait l’absence de prise en compte des arguments présentés en réponse à la communication des griefs. À cet égard, les requérantes font valoir que les membres du personnel du groupe DuPont qui avaient eu connaissance des activités collusoires avaient tous été transférés avec l’activité CR, de sorte que plus aucune « mémoire d’entreprise » n’avait été conservée au sein du groupe DuPont quant à l’entente. Cette conclusion serait confirmée par les conclusions d’une enquête interne approfondie, menée par un consultant externe, et les dépositions de deux anciens membres représentants du comité des membres qui ont toutes été jointes à la réponse à la communication des griefs.

55      La Commission aurait également violé son obligation de motivation dans le cadre de sa conclusion relative au rôle du comité des membres dans la décision de fermer une installation de production de CR de DDE. En l’absence de preuve d’une quelconque connaissance de l’entente au sein du comité des membres, la Commission n’aurait pas pu conclure sans motivation, au considérant 438 de la décision attaquée, qu’il « [était] très improbable que les membres du comité aient discuté […] de la fermeture de l’usine […] sans se référer à l’entente et aux accords conclus [dans le cadre de ladite entente] ».

56      Cette affirmation illustrerait également le non-respect, par la Commission, des droits de la défense des requérantes, celle-ci écartant les conclusions de l’enquête interne citée au point 54 ci‑dessus, alors que la crédibilité de cette enquête ne serait pas douteuse. En particulier, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que la demande de clémence a été présentée par DDE et que, partant, il serait logique qu’une telle demande porte sur la période DDE et non sur la période antérieure.

57      La Commission conteste l’ensemble des arguments présentés par les requérantes et conclut au rejet du premier moyen. En particulier, la Commission soutient ne pas avoir appliqué en l’espèce une présomption de l’exercice d’une influence déterminante et avoir démontré sur la base de facteurs objectifs qu’EI DuPont avait effectivement exercé une influence déterminante sur l’entreprise commune que celle-ci contrôlait conjointement avec Dow.

 Appréciation du Tribunal

58      Selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise, placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l’objet de l’accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, Rec. p. 2999, point 11, et du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, ci‑après l’« arrêt de la Cour Akzo Nobel », point 55). Aux fins de l’application des règles de la concurrence, la séparation formelle entre deux sociétés, résultant de leurs personnalités juridiques distinctes, n’est pas déterminante, ce qui s’impose étant l’unité ou non de leur comportement sur le marché. Il peut donc s’avérer nécessaire de déterminer si deux sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes forment ou relèvent d’une seule et même entreprise ou entité économique qui déploie un comportement unique sur le marché (voir arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T‑325/01, Rec. p. II‑3319, point 85, et la jurisprudence citée). Le Tribunal a ainsi considéré que l’article 81, paragraphe 1, CE s’adresse à des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d’une infraction visée par cette disposition (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T‑11/89, Rec. p. II‑757, point 311 ; voir, également, arrêt du Tribunal Akzo Nobel, point 47 supra, point 57, et la jurisprudence citée).

59      Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction. Toutefois, l’infraction au droit de la concurrence de l’Union doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes. Il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, il en est ainsi parce que, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, ce qui permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour Akzo Nobel, point 58 supra, points 56 à 59, et la jurisprudence citée).

60      Afin de pouvoir imputer le comportement d’une filiale à la société mère, la Commission ne saurait se contenter de constater que la société mère est en mesure d’exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, mais doit également vérifier si cette influence a effectivement été exercée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 50).

61      À cet égard, il incombe, en principe, à la Commission de démontrer une telle influence déterminante sur la base d’un ensemble d’éléments factuels, dont, en particulier, l’éventuel pouvoir de direction de l’une de ces entreprises vis-à-vis de l’autre (voir, en ce sens, arrêt Avebe, point 42 supra, point 136, et la jurisprudence citée).

62      L’avocat général Mme Kokott a observé aux points 89 et 91 à 93 de ses conclusions sous l’arrêt de la Cour Akzo Nobel, point 58 supra (Rec. p. I‑8241), auxquelles la Cour renvoie explicitement au point 73 de cet arrêt, que, même si l’examen de l’autonomie de la filiale était effectué au regard de sa politique commerciale stricto sensu, il n’était pas indispensable que l’influence déterminante de la société mère découle d’instructions concrètes, de directives ou d’un droit de regard sur la formation des prix, la fabrication, la distribution ou d’autres points essentiels du comportement sur le marché. De telles instructions sont simplement un indice particulièrement évident de l’existence d’une influence déterminante de la société mère sur la politique commerciale de sa filiale. Leur absence n’impose nullement de conclure à une autonomie de la filiale. Une société mère peut exercer une influence déterminante sur ses filiales même sans faire usage d’un droit de regard et sans donner ni instructions ni directives sur certains aspects de la politique commerciale. Une politique commerciale uniforme au sein d’un groupe peut également résulter indirectement de l’ensemble des liens économiques et juridiques entre la société mère et ses filiales. À titre d’exemple, l’influence de la société mère sur ses filiales en ce qui concerne la stratégie d’entreprise, la politique d’entreprise, les projets d’exploitation, les investissements, les capacités, les ressources financières, les ressources humaines et les affaires juridiques peut avoir indirectement des effets sur le comportement des filiales et de l’ensemble du groupe sur le marché. Le point déterminant est finalement de savoir si la société mère exerce une influence suffisante pour orienter le comportement de la filiale dans une mesure telle que les deux doivent être considérées comme une unité sur le plan économique.

63      C’est à la lumière de ces éléments que le bien-fondé du premier moyen doit être analysé.

64      À titre liminaire, il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas le fait qu’EI DuPont a participé à une entente en violation de l’article 81 CE entre le 13 mai 1993 et le 31 mars 1996. De même, elles ne contestent ni la participation de DDE à une entente en violation de l’article 81 CE entre le 1er avril 1996 et le 13 mai 2002, ni l’imputation de cette infraction à DPE LLC et à DPE SA en tant qu’entreprises successeurs de DDE. En revanche, elles font valoir que la Commission ne pouvait valablement imputer à EI DuPont l’infraction commise par DDE pendant la période DDE, parce que la Commission n’avait pas prouvé qu’EI DuPont ait exercé une influence déterminante sur DDE.

65      À cet égard, il y a lieu de rappeler tout d’abord que DDE était une entreprise commune détenue à parts égales par Dow et EI DuPont qui avait été créée sur la base de l’accord LLC.

66      En outre, il convient de relever que, dans l’accord LLC, EI DuPont et Dow avaient institué un comité des membres, chargé de superviser l’activité de DDE et d’approuver certaines questions se rapportant à la direction stratégique de celle-ci. Chacune des sociétés mères avait le droit de nommer un nombre égal de représentants au comité des membres, qui n’étaient pas des salariés de DDE, mais des salariés d’EI DuPont et de Dow. Ce comité des membres disposait des pouvoirs, notamment, de nommer les membres du conseil d’administration et les dirigeants de DDE, qui étaient responsables de la gestion quotidienne des affaires sous réserve de la conduite générale et du contrôle exercés par EI DuPont et Dow par le biais du comité des membres, de révoquer les membres du conseil d’administration et les dirigeants de DDE à tout moment avec ou sans motif, d’arrêter la politique globale et la vision de DDE, d’approuver les plans d’affaires et les plans stratégiques ainsi que les plans opérationnels annuels de DDE, de déterminer la politique bancaire de DDE et d’approuver toutes les dépenses d’investissement et tous les emprunts réalisés par DDE à partir de certains niveaux. Les décisions du comité des membres étaient prises à l’unanimité, chaque société mère disposant d’un droit de veto absolu. Ces éléments ne sont pas contestés par les requérantes. Or, la détention à parité du capital social de DDE et des droits de vote qui lui étaient attachés, comme cela est décrit ci‑dessus, permettait à chacune des sociétés mères de DDE de bloquer les décisions commerciales stratégiques de l’entreprise commune. Afin d’éviter qu’une telle situation de blocage ne se présente au moment de l’adoption des décisions commerciales stratégiques de leur entreprise commune, EI DuPont et Dow étaient donc tenues de coopérer de manière permanente.

67      Par ailleurs, il ressort de l’accord LLC que les sociétés mères de DDE étaient présentes sur le marché du CR uniquement par l’intermédiaire de leur entreprise commune. En vertu dudit accord, DDE représentait les intérêts commerciaux de Dow et d’EI DuPont dans le cadre de son « objet commercial », défini comme la recherche, la mise au point, la fabrication, la distribution, la commercialisation et la vente d’élastomères, y compris le CR, à l’échelle mondiale. Cet accord prévoyait également le transfert par Dow à DDE de certaines technologies et d’autres actifs ainsi que le transfert par EI DuPont à DDE de l’ensemble de ses activités relatives aux élastomères, y compris le CR ainsi que des documents commerciaux annexes. Ainsi, DDE a fabriqué et vendu du CR sous le nom commercial Néoprène, qui appartenait à EI DuPont. En outre, l’accord en cause excluait spécifiquement toute concurrence entre les sociétés mères de DDE en ce qui concerne le produit dans le cadre de l’« objet commercial » de cette dernière. Les profits ou pertes nets de DDE étaient répartis proportionnellement et à parts égales entre les sociétés mères. Ces éléments ne sont pas contestés par les requérantes.

68      Enfin, la concentration opérée par EI DuPont et Dow par la création de DDE a été notifiée à la Commission, qui l’a approuvée par décision du 21 février 1996 (Affaire IV/M.663 – DuPont/Dow). En approuvant cette concentration, la Commission a formellement constaté l’acquisition par les sociétés mères du contrôle en commun sur DDE au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89 [devenu l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 139/2004], en vigueur au moment de la création de DDE.

69      Il ressort de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 (devenu l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 139/2004) que la notion de contrôle doit être comprise comme la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise, découlant de droits, de contrats ou de tout autre moyen. La notion de contrôle en commun a été précisée par la Commission dans sa communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2009, C 43, p. 10), adoptée sur la base de la jurisprudence du Tribunal (arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, Rec. p. II‑319, points 42, 52 et 67). Selon les points 62 et 63 de cette communication :

« [I]l y a contrôle en commun lorsque deux ou plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité d’exercer une influence déterminante sur une autre entreprise. Par influence déterminante, [il convient d’entendre] habituellement le pouvoir de bloquer les décisions qui déterminent la stratégie commerciale d’une entreprise. Contrairement au contrôle exclusif qui accorde à un actionnaire donné le pouvoir de déterminer les décisions stratégiques d’une entreprise, le contrôle en commun se caractérise par la naissance possible d’une situation de blocage liée au fait que deux ou plusieurs sociétés mères ont le pouvoir de rejeter les décisions stratégiques proposées. Ces actionnaires doivent donc nécessairement s’entendre sur la politique commerciale de l’entreprise commune et sont appelés à collaborer. À l’instar du contrôle exclusif, la prise de contrôle en commun peut être établie sur la base de circonstances de droit ou de fait. Il y a contrôle en commun lorsque les actionnaires (sociétés mères) doivent s’entendre sur les grandes décisions concernant l’entreprise contrôlée (l’entreprise commune). »

70      Afin de démontrer l’exercice effectif d’une influence déterminante par les sociétés mères de DDE sur le comportement de cette dernière sur le marché du CR, la Commission s’est appuyée, tout d’abord, sur le fait que le comité des membres a, en exerçant les compétences qui lui étaient réservées par l’accord LLC, nommé pour des postes à responsabilité au sein de l’entreprise commune des personnes issues d’un niveau de haute direction des sociétés mères. Ces nominations ont été effectuées pendant toute l’existence de l’entreprise commune. S’agissant des requérantes, il découle des considérants 30, 37 et 426 de la décision attaquée que M. D., qui était le directeur général de la division mondiale des élastomères d’EI DuPont entre 1980 et 1995, a été nommé le premier président-directeur général de DDE, de 1996 à 1998. M. K., qui était le directeur du marché européen pour le CR au sein d’EI DuPont, est devenu vice-président de DDE pour la même région et, en février 1999, a été nommé président-directeur général de DDE. Par ailleurs, M. F. qui était, notamment, le directeur régional européen pour les élastomères chlorés au sein d’EI DuPont entre 1992 et 1996, a été nommé vice‑président de DDE à partir de 1996. De même, il découle des considérants 37 et 426 de la décision attaquée que M. P., qui était le directeur du marketing dans une des sociétés du groupe Dow, est devenu vice-président de la branche des élastomères éthylènes entre 1996 et 1999 et, ensuite, vice-président de la banche commerciale entre 1999 et 2000 et que M. R., qui était le directeur général de la région « France‑Benelux » de Dow, a été nommé président de la région européenne de DDE en 1996. Or, comme il ressort des considérants 132, 137, 139, 143, 145, 146, 151, 158, 163, 168, 169, 173, 177, 188, 189, 192, 194, 195, 197, 199, 205, 206, 210, 215, 224, 225, 233, 234, 255, 256, 258, 260, 262, 263, 281, 288, 289, 291 et 303 de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par les requérantes, ces personnes ont été systématiquement impliquées dans la participation et l’organisation des réunions anticoncurrentielles.

71      Ensuite, au considérant 438 de la décision attaquée, la Commission a pris en considération le fait, qui n’a pas été contesté par les requérantes, que le comité des membres avait donné son accord pour la fermeture d’une usine de production de CR de DDE située à Maydown (Royaume-Uni). Or, une telle décision n’a pas pu être prise par l’entreprise commune sans que les sociétés mères, agissant par l’intermédiaire du comité des membres, aient donné leur accord. Cette décision constitue donc également un indice de ce que les sociétés mères ont exercé une influence déterminante sur le comportement de l’entreprise commune sur le marché du CR.

72      En outre, la Commission a pris en considération l’ensemble des clauses de l’accord LLC, présentées au point 66 ci‑dessus, qui réservaient au comité des membres et, partant, aux sociétés mères d’importantes compétences relatives à la gestion de l’entreprise commune (voir considérants 422 à 426 et 432 de la décision attaquée). Or, étant donné que, en l’espèce, DDE a fonctionné pendant plusieurs années et que les sociétés mères n’ont pas contesté le fait que l’accord LLC avait été mis en œuvre conformément à ses clauses, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que le comité des membres avait effectivement exercé, selon les modalités prévues par l’accord LLC, les compétences qui lui avaient été réservées par cet accord et que, dès lors, les sociétés mères avaient exercé leur pouvoir de direction sur DDE.

73      Enfin, il convient d’ajouter que les réponses des requérantes aux questions concernant l’enquête interne à laquelle la Commission fait référence au considérant 438 de la décision attaquée, posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 février 2011, ont confirmé l’exercice de l’influence déterminante des sociétés mères de DDE sur cette dernière, en indiquant notamment que, après avoir été informées des allégations d’activités collusoires, les sociétés mères ont ordonné, en 2003, l’exécution d’une enquête interne au sein de leur entreprise commune, afin d’examiner la question de la participation éventuelle de celle-ci dans le cartel. Le fait de s’être engagées dans l’exécution de cette enquête confirme que ces sociétés mères pensaient avoir les moyens d’exiger de leur entreprise commune qu’elle se comporte conformément aux règles de la concurrence. Les requérantes ont également expliqué que, au moment de la création de DDE, celle-ci avait été dotée d’un conseil juridique principal qui, avant de devenir l’employé de DDE, avait été membre du service juridique d’EI DuPont et que ce conseil juridique avait appliqué au sein de DDE un programme de mise en conformité avec le droit de la concurrence calqué sur le modèle appliqué antérieurement au sein d’EI DuPont.

74      Il découle de ce qui précède que, eu égard à l’ensemble des liens économiques, juridiques et organisationnels unissant EI DuPont et DDE, la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant qu’EI DuPont, en tant qu’une des sociétés mères de DDE, avait exercé une influence déterminante sur le comportement de celle‑ci sur le marché du CR. Partant, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant qu’EI DuPont et DDE faisaient partie d’une même entreprise au sens de l’article 81 CE et en tenant EI DuPont pour solidairement responsable du comportement de DDE pendant la période allant du 1er avril 1996 au 13 mai 2002.

75      Une telle conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments des requérantes, tirés, premièrement, du fait que le groupe DuPont n’a pas eu connaissance de l’existence d’une entente pendant la période DDE, deuxièmement, de la violation des droit de la défense des requérantes et, troisièmement, du fait que DDE était une entreprise commune de plein exercice.

76      Premièrement, s’agissant des affirmations des requérantes selon lesquelles, après la création de DDE, il n’y a pas eu d’échanges d’informations entre DDE et EI DuPont permettant d’imputer à cette dernière la responsabilité de l’infraction commise par DDE (voir point 46 ci‑dessus), et selon lesquelles le groupe DuPont n’a eu connaissance ni de l’existence d’une entente pendant la période DDE, ni du lien direct qui existait entre la réduction des capacités de DDE et la stratégie de régionalisation qui constituait un des éléments de l’entente (voir points 54 et 55 ci‑dessus), elles visent, en substance, à contester la connaissance par EI DuPont de l’existence d’une entente pendant la période DDE. À cet égard, il y a lieu d’observer que, selon la jurisprudence, il n’est pas exigé pour imputer à une société mère les actes commis par sa filiale de prouver que ladite société mère a été directement impliquée dans, ou a eu connaissance, des comportements incriminés. Ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles font partie d’une même entreprise au sens de l’article 81 CE qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 avril 2009, Itochu/Commission, T‑12/03, Rec. p. II‑883, point 58). Dès lors, le fait qu’EI DuPont n’a pas eu connaissance de l’infraction commise par DDE, à le supposer établi, ne saurait suffire pour infirmer la conclusion formulée au point 74 ci‑dessus selon laquelle le comportement de DDE sur le marché du CR est imputable notamment à EI DuPont, laquelle, en tant qu’une des sociétés mères de celle‑ci, a exercé une influence déterminante sur ce comportement.

77      Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission a violé leurs droits de la défense en écartant « l’élément probant que constituent l’enquête approfondie [interne à propos de la connaissance ou non par EI DuPont de l’existence d’activités collusoires] et les conclusions auxquelles [le consultant externe] aboutit », (voir point 56 ci‑dessus), il n’est pas suffisamment étayé et doit être rejeté.

78      Troisièmement, s’agissant de l’argument des requérantes tiré du fait que DDE était une entreprise commune de plein exercice, il y a lieu de souligner que, si une entreprise commune de plein exercice, au sens du règlement n° 4064/89, est censée accomplir de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome, et est, partant, du point de vue fonctionnel, économiquement autonome, cette autonomie ne signifie nullement, ainsi que l’a précisé la Commission, au point 93 de sa communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement n° 139/2004 (voir point 69 ci-dessus), que l’entreprise commune jouit d’une autonomie en ce qui concerne l’adoption de ses décisions stratégiques et qu’elle ne serait donc pas sous l’influence déterminante exercée par ses sociétés mères quand il s’agit d’appliquer l’article 81 CE. En l’espèce, comme cela a été constaté aux points 66 et 73 ci-dessus, le comité des membres détenait le pouvoir de prendre les décisions déterminant la stratégie commerciale de DDE et a effectivement exercé ce pouvoir.

79      En outre, l’argumentation des requérantes tirée du fait que DDE avait une personnalité juridique distincte ne saurait prospérer. Le fait qu’une filiale est dotée d’une personnalité juridique propre ne suffit pas à écarter la possibilité que le comportement de cette filiale soit imputé à une de ses sociétés mères (voir la jurisprudence citée au point 59 supra). Contrairement à la thèse soutenue par les requérantes, il n’y a pas lieu de distinguer le cas d’espèce de celui de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Avebe, point 42 supra, dans laquelle l’entreprise commune n’avait pas de personnalité juridique distincte de celle de ses sociétés mères. En effet, c’est au motif que l’entreprise commune, d’une part, et ses sociétés mères, d’autre part, formaient une seule entreprise au sens du droit de la concurrence, dans le cadre de laquelle le comportement infractionnel de la filiale est imputable à ses sociétés mères qui en sont responsables du fait du contrôle effectif qu’elles exercent sur sa politique commerciale, que le Tribunal a considéré que la responsabilité du comportement infractionnel de la filiale pouvait être imputée à ses sociétés mères (arrêt Avebe, point 42 supra, point 141). Ainsi, le motif de l’absence de personnalité juridique de la filiale n’était pas concluant.

80      Enfin, l’argument des requérantes, tiré des conclusions de la Commission relatives à l’autonomie de l’entreprise commune de plein exercice figurant dans la décision Produits chimiques pour le traitement du caoutchouc, selon lequel une entreprise commune de plein exercice est nécessairement une entreprise distincte de ses sociétés mères (voir point 52 ci‑dessus) doit être écarté. En effet, s’il incombe à la Commission de développer son raisonnement d’une manière explicite lorsqu’une décision va sensiblement plus loin que sa pratique décisionnelle antérieure, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une pratique décisionnelle antérieure pouvant être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union (voir arrêt du Tribunal du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, Rec. p. II‑1219, point 136, et la jurisprudence citée). En outre, un requérant ne saurait invoquer une telle confiance pour contester des constatations ou des appréciations effectuées dans une procédure donnée sur la base de constatations ou d’appréciations effectuées dans le cadre d’une seule affaire antérieure (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, Rec. p. II‑5575, point 119). Par ailleurs, il ne saurait être déduit de l’obligation de motivation explicite imposée par la jurisprudence que la Commission doive, au‑delà du fait de motiver sa décision par référence au dossier de l’affaire en cause, exposer spécifiquement les raisons pour lesquelles elle est arrivée à une conclusion différente de celle retenue dans une affaire précédente portant sur des situations similaires ou identiques ou ayant les mêmes acteurs économiques (arrêt General Electric/Commission, précité, point 513). Ainsi, en l’espèce, les requérantes ne sauraient utilement invoquer une violation de l’obligation de motivation et du principe de protection de la confiance légitime du fait que la Commission, dans une décision antérieure, a constaté qu’une entreprise commune de plein exercice peut être présumée autonome par rapport à ses sociétés mères, lorsque, aux considérants 420 à 440 de la décision attaquée, elle a motivé sa décision de manière explicite par référence au dossier de l’affaire en cause, à la jurisprudence de l’Union (dont, notamment, l’arrêt Avebe, point 42 supra) et à sa propre pratique décisionnelle (décision Appareillages de commutation à isolation gazeuse, point 51 ci-dessus).

81      Les requérantes ne sauraient non plus faire valoir une violation du principe de non-discrimination. Pour les motifs exposés aux points 64 à 73 ci-dessus, la Commission a pu constater dans la décision attaquée qu’EI DuPont avait exercé une influence déterminante sur le comportement de DDE et que, partant, DDE n’avait pas agi de façon autonome sur le marché. Le fait que la Commission a estimé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, au regard des circonstances d’une autre affaire, qu’une entreprise commune pouvait être considérée comme autonome par rapport à ses sociétés mères, n’est pas de nature à établir l’existence d’une discrimination.

82      Enfin, les requérantes ne sont pas fondées à invoquer une violation du principe de sécurité juridique. La pratique de la Commission, telle qu’elle résulte du cas d’espèce, est fondée sur une interprétation exacte de l’article 81, paragraphe 1, CE. Le principe de sécurité juridique ne saurait donc faire échec à une réorientation éventuelle de la pratique décisionnelle de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T‑99/04, Rec. p. II‑1501, point 163).

83      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des règles relatives à la prescription

 Arguments des parties

84      Les requérantes soutiennent que, en ce qui concerne l’imposition d’une amende à EI DuPont pour la période allant du 13 mai 1993 au 31 mars 1996, la Commission a violé les règles relatives à la prescription. Selon elles, DDE était une entreprise fonctionnant de manière autonome par rapport à ses deux sociétés mères tout au long de la période DDE (du 1er avril 1996 au 13 mai 2002) et, partant, toute éventuelle infraction commise par des entités du groupe DuPont a nécessairement pris fin le 1er avril 1996. Elles en déduisent que, s’agissant de la période allant du 13 mai 1993 au 31 mars 1996 (ci-après la « période antérieure à la période DDE »), le délai dans lequel la Commission était en droit d’infliger une amende à EI DuPont était dépassé, le délai de prescription de cinq ans ayant expiré le 31 mars 2001. Ainsi, l’imposition d’une amende pour une infraction commise pendant la période antérieure à la période DDE serait, dans les circonstances de l’espèce, contraire aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Par ailleurs, les requérantes admettent que le présent moyen repose sur l’hypothèse selon laquelle le premier moyen serait déclaré fondé.

85      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

86      Il y a lieu de constater que, ainsi que les parties en conviennent justement, le présent moyen repose sur l’hypothèse selon laquelle le premier moyen serait accueilli.

87      Or, il résulte de l’analyse du premier moyen que la Commission a, à bon droit, considéré qu’EI DuPont devait être tenue pour solidairement responsable du comportement de DDE pendant la période DDE. En outre, les requérantes ne contestent pas la qualification d’infraction unique et continue commise entre le 13 mai 1993 et le 13 mai 2002. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’infraction commise par l’entreprise concernée n’a pas pris fin le 31 mars (ou le 1er avril) 1996 et que la Commission pouvait donc imposer une amende à EI DuPont pour toute la période pendant laquelle ladite infraction a été commise, en ce compris la période antérieure à la période DDE.

88      Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence d’intérêt légitime pour la Commission à adresser une décision à EI DuPont

 Arguments des parties

89      Les requérantes soutiennent que, dès lors que le droit pour la Commission d’infliger une amende à EI DuPont était prescrit, la Commission devait démontrer avoir un intérêt légitime à adopter une décision à l’encontre de cette dernière, conformément à l’arrêt du Tribunal du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission (T‑22/02 et T‑23/02, Rec. p. II‑4065). Or, en l’espèce, la Commission n’aurait pas eu d’intérêt légitime à la poursuite de la procédure à l’encontre d’EI DuPont et n’aurait pas fourni de justification pour ce faire. Par ailleurs, les requérantes admettent que le présent moyen repose sur l’hypothèse selon laquelle les premier et deuxième moyens seraient déclarés fondés.

90      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

91      Il y a lieu d’observer que, ainsi que les parties en conviennent justement, le présent moyen repose sur l’hypothèse selon laquelle les premier et deuxième moyens seraient accueillis.

92      Or, ainsi qu’il résulte de l’analyse des premier et deuxième moyens, la Commission pouvait imposer une amende à EI DuPont pour toute la période pendant laquelle ladite infraction a été commise, en ce compris la période antérieure à la période DDE. Partant, elle n’avait pas à démontrer avoir un intérêt légitime à adopter une décision à l’encontre d’EI DuPont.

93      Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la qualification erronée de certains éléments de relevant de l’entente

 Rappel du libellé de la décision attaquée

94      La Commission a constaté, au considérant 329 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Il est prouvé, dans les faits décrits au chapitre 4 de [la décision attaquée], qu’au cours des périodes identifiées […], Bayer, [EI] DuPont/DDE, Eni[C]hem, Denka et Tosoh :

a)      ont passé un accord concernant l’attribution et la stabilisation des marchés, les parts de marché et les quotas de vente (appelés par les concurrents ‘concept de régionalisation’, ‘plan de part de marché cible’, ‘moratoire’) dans certaines parties contractantes à l’accord EEE et certaines régions […] du monde […] ;

b)      sont convenues d’augmentations de prix ou d’augmentations de prix en pourcentage ou de prix cibles ou de structures de prix pour le [CR] au sein de l’EEE et dans le monde à plusieurs reprises au cours de la période [allant] de 1993 à 2003 […] ;

c)      sont convenues de la méthode et des dates des augmentations de prix par les meneurs sur différents territoires européens et au niveau mondial […] ;

d)      ont mis en œuvre les augmentations de prix convenues et en ont garanti l’application par le biais d’un système de surveillance consistant en [des] dates d’annonce échelonnées et en un arrangement de meneur sur le marché pour divers territoires européens et au niveau mondial par des annonces séquentielles aux clients et/ou au public, dont le calendrier, l’ordre et la forme avaient été précédemment convenus […] ;

e)      sont convenues de prix minima[ux] (appelés par les concurrents ‘listes de prix idéaux par région’, ‘planchers de prix’, ‘niveaux de prix plancher’, ‘prix planchers absolus’) dans différentes parties contractantes de l’accord EEE et au niveau mondial et pour certains clients […] ;

f)      se sont mises d’accord sur l’attribution de certains clients clés à certains fournisseurs et sur les écarts de prix […] ;

g)      ont participé à des réunions et assisté à des conversations concernant la mise en œuvre d’accords passés et l’adhésion à de tels accords […] ;

h)      ont échangé des informations sur la politique de prix, la capacité d’approvisionnement, les ventes de [CR] dans l’EEE et au niveau mondial ainsi que d’autres informations pertinentes sur le marché, également en dehors du contexte de la conformité de la surveillance avec des accords spécifiques auxquels il est fait référence [sous] g) […] ;

i)      ont participé à d’autres contacts anticoncurrentiels au cours desquels des stratégies de marché étaient comparées et des actions futures éventuelles sur le marché examinées […] »

95      S’agissant spécifiquement des fermetures d’usines, la Commission a indiqué aux considérants 91 et 330 de la décision attaquée que, « [p]arallèlement aux objectifs de la stratégie de régionalisation, Bayer et DDE réduisaient également leurs capacités de production de manière à garantir un meilleur fonctionnement de la régionalisation » et que, « [e]n outre, il [était] démontré […] que Bayer et DuPont/DDE [s’étaient] concertées, dans le contexte de la stratégie de régionalisation, sur des réductions de capacité ».

 Arguments des parties

96      Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée portant sur la fermeture d’une usine de Bayer à Houston (Texas, États-Unis) et d’une usine de DDE à Maydown. La Commission ne détiendrait aucune preuve à cet égard. Elles font valoir que les décisions de fermer ces usines ont été prises unilatéralement et indépendamment l’une de l’autre et qu’elles ne faisaient donc pas l’objet d’une entente. En outre, la décision de DDE de mettre fin à ses activités à Maydown aurait été une décision commerciale légitime, adoptée sans tenir compte de l’entente ou de ses objectifs. La position de la Commission serait en réalité motivée par son souhait d’impliquer EI DuPont et Dow dans l’entente pour la période DDE.

97      Il s’ensuit, selon les requérantes, que, s’agissant de la détermination de la gravité de l’infraction et du niveau de l’amende, la Commission ne s’est pas libérée de la charge de la preuve pesant sur elle quant au fait que les fermetures d’usines étaient liées à l’entente.

98      Les requérantes contestent également le raisonnement de la Commission selon lequel une décision stratégique majeure adoptée au sein du comité des membres et coïncidant avec les objectifs de « régionalisation » de l’entente aurait de ce fait été prise dans le cadre de cette entente et conforterait ainsi la constatation selon laquelle les sociétés mères étaient impliquées dans l’entente et devaient en être tenues pour solidairement responsables. Ce raisonnement serait « spéculatif » et constitutif d’une pétition de principe.

99      Les requérantes ajoutent que le fait que les participants aux réunions de l’entente ont discuté du caractère souhaitable des réductions de capacité ne signifie pas que la fermeture des deux usines a fait l’objet d’une pratique concertée.

100    Enfin, EI DuPont conteste que des représentants du groupe DuPont de l’époque aient assisté à la réunion des entreprises impliquées dans l’entente du 4 février 1998 au cours de laquelle les participants auraient été informés de la fermeture de l’usine de DDE. Cette réunion secrète se serait déroulée sans qu’elle en ait été informée et ce serait les représentants de DDE, dont DPE LLC et DPE SA étaient responsables, qui y auraient assisté.

101    La Commission conteste les arguments des requérantes et conclut au rejet du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

102    Il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas que, tout au long de la période allant du 1er avril 1996 au 13 mai 2002, DDE a directement participé à une infraction unique et continue à l’article 81 CE, consistant en des accords et pratiques concertées visant à s’entendre sur l’attribution et la stabilisation des marchés, des parts de marché et des quotas de vente pour le CR, à coordonner et à faire appliquer plusieurs augmentations de prix, à convenir de prix minimaux, à répartir la clientèle et à échanger des informations sensibles sur le plan de la concurrence.

103    Il n’est pas davantage contesté par les requérantes que, ainsi que la Commission l’a constaté aux considérants 525 et 526 de la décision attaquée, d’une part, les accords horizontaux de partage de marché et de fixation de prix comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves et, d’autre part, l’infraction a, en l’espèce, été mise en œuvre systématiquement.

104    À cet égard, il convient de relever que la décision attaquée précise, au considérant 370, qu’« [i]l est un fait avéré que non seulement les accords sur les parts de marché, mais aussi la plupart des augmentations collusoires de prix auxquelles se réfèrent cette décision ont été en totalité ou en partie réellement mis en œuvre ».

105    Dans ces circonstances, l’allégation des requérantes relative au caractère non coordonné des fermetures d’usines de Bayer et de DDE ne suffit pas à remettre en cause les appréciations de la Commission quant à l’existence d’une infraction, de sa gravité et du niveau de l’amende. En effet, les indices invoqués par la Commission dans une décision afin de prouver l’existence d’une violation, par une entreprise déterminée, de l’article 81, paragraphe 1, CE doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 68, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 201). Ainsi, le simple fait qu’un élément ponctuel et isolé, invoqué par la Commission dans une décision constatant l’existence d’une entente, ne fasse éventuellement pas partie de l’entente en cause ne peut invalider la constatation de l’existence de cette entente lorsque celle-ci repose sur un ensemble d’autres indices concordants dont la validité n’est pas contestée par les entreprises en cause.

106    Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée et, en particulier, de son considérant 335 que la Commission n’a pas soutenu que les fermetures d’usines de Bayer et de DDE en 1998 en Europe et aux États-Unis étaient le résultat d’un accord. La Commission a soutenu qu’elles « faisaient partie d’une pratique concertée qui concordait avec la stratégie de régionalisation convenue entre les concurrents ». La Commission s’est référée, aux considérants 139, 205, 206, 217, 224 et 231 de la décision attaquée, aux indices qui révélaient que les fermetures d’usines ont fait l’objet, à un stade précoce, de discussions multilatérales et bilatérales entre Bayer, DDE et leurs concurrents. Il ressort également des déclarations des autres participants à l’entente que Bayer et DDE ont présenté les fermetures de leurs usines comme un exemple de la meilleure pratique afin de promouvoir une meilleure adhésion à la stratégie de régionalisation (voir considérant 335 de la décision attaquée). De plus, les déclarations de Tosoh citées aux considérants 244, 247 et 249 de la décision attaquée confirment que les fermetures d’usines de Bayer et DDE ont effectivement contribué à la réalisation des objectifs de l’entente.

107    En outre, quant à l’affirmation des requérantes selon laquelle EI DuPont n’avait pas connaissance de l’infraction commise par DDE, dans la mesure où aucun représentant du groupe DuPont n’avait assisté à la réunion des entreprises impliquées dans l’entente du 4 février 1998, et selon laquelle la Commission se serait servie de cet élément pour impliquer EI DuPont et Dow dans l’entente, il suffit de rappeler que cette absence de connaissance ne saurait suffire pour écarter la responsabilité d’EI DuPont et que la Commission a, à bon droit, tenu EI DuPont pour solidairement responsable du comportement infractionnel de DDE (voir point 76 ci-dessus).

108    Par conséquent, le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la détermination erronée du montant de l’amende infligée aux requérantes

 Rappel du libellé de la décision attaquée

109    S’agissant du coefficient multiplicateur appliqué au montant de départ de l’amende afin de tenir compte de la durée de l’infraction, la Commission a indiqué, au considérant 536 de la décision attaquée, que « l’infraction a[vait] duré neuf ans pour Bayer, [EI] DuPont, Denka, Eni[C]hem et Tosoh et six ans et un mois pour Dow et DPE [LLC et DPE SA] » et que, « [c]onformément au [paragraphe] 24 des lignes directrices [de 2006], le montant [de départ de l’amende déterminé en fonction de la valeur des ventes] devrait être dès lors multiplié par [neuf] pour Bayer, [EI] DuPont, Denka, Eni[C]hem et Tosoh et par [six et demi] pour Dow et DPE [LLC et DPE SA] ».

110    S’agissant de l’application de la communication sur la coopération de 2002, la Commission a décidé, au considérant 637 de la décision attaquée, que « [EI] DuPont/DPE [LLC et DPE SA] devrait se voir attribuer une réduction de 25 % de l’amende qui lui aurait autrement été infligée ».

111    Au considérant 635 de la décision attaquée, la Commission a expliqué :

« En fixant dans la plage des 20 à 30 % le pourcentage de réduction de l’amende pour laquelle DDE/DPE [LLC et DPE SA] se qualifie, conformément au [paragraphe] 23 de la communication sur la [coopération de 2002], la Commission tient compte du degré auquel les preuves soumises par DDE/DPE [LLC et DPE SA] représentent une valeur ajoutée, ainsi que du moment auquel DDE/DPE [LLC et DPE SA] a soumis ces preuves. DDE/DPE [LLC et DPE SA] a approché la Commission dix mois après les inspections surprises de la Commission chez Dow et quatre mois après ses inspections chez Denka. La valeur ajoutée de la contribution de DDE/DPE [LLC et DPE SA] est principalement liée aux éléments restant à étayer, y compris après la contribution de Tosoh, en particulier par la soumission d’éléments probants directs concernant la période initiale de l’entente et les autres détails qu’elle a confirmés ou révélés (notamment concernant la portée générale et le fonctionnement de l’entente). Sans la preuve directe fournie par DDE concernant les premières années de l’entente, la Commissions aurait uniquement pu se fier aux déclarations orales de Bayer et de Tosoh, qui étaient en partie contradictoires. Les documents qui lui ont été transmis lui ont permis d’établir aussi sans aucune ambiguïté les deux premières années de l’entente. »

 Arguments des parties

112    Le cinquième moyen avancé par les requérantes se divise en deux branches. Les requérantes font valoir, d’une part, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et violé les principes de proportionnalité et de non-discrimination lors de l’application du coefficient multiplicateur en fonction de la durée de l’infraction et, d’autre part, que celle-ci a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits et une erreur de droit en déterminant le montant de la réduction de l’amende en vertu de la communication sur la coopération de 2002.

–       Sur la première branche, relative à l’application du coefficient multiplicateur en fonction de la durée de l’infraction

113    Les requérantes font valoir qu’une multiplication du montant de départ de l’amende par un facteur de 6,5 pour prendre en compte la durée de l’infraction commise par DPE LLC et DPE SA, laquelle a été fixée par la Commission à six ans et un mois pour la période DDE, et qui revient à traiter un seul mois comme s’il s’agissait d’une demi-année, même si cela est conforme au paragraphe 24 des lignes directrices de 2006, constitue une erreur manifeste d’appréciation des faits, est contraire à l’objectif des lignes directrices de 2006 et viole les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. Dans la réplique, les requérantes soulignent que ce ne sont pas ces lignes directrices, mais la façon dont la Commission les a appliquées qui a entraîné une inégalité de traitement.

114    La multiplication par un facteur de 6,5 violerait les principes de proportionnalité et de non-discrimination, puisque certaines entreprises risqueraient d’être sanctionnées par des amendes calculées par référence à des périodes considérablement plus longues que celles durant lesquelles elles ont effectivement participé à l’infraction. Les requérantes renvoient à cet égard à l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission (T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 219), où le Tribunal aurait indiqué que la proportionnalité des amendes est plus affinée lorsqu’elles sont calculées d’une manière qui reflète la durée exacte de la participation d’une entreprise à l’infraction. Elles soulignent également que les lignes directrices de 2006 font clairement apparaître que l’objectif du coefficient en cause est de prendre pleinement en compte la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction.

115    Ainsi, les requérantes estiment que la Commission aurait dû, en l’espèce, calculer le coefficient multiplicateur à appliquer en fonction de la durée de l’infraction de manière plus précise et appliquer un coefficient de 6,08 pour une période de six ans et un mois plein ou un coefficient de 6,12 pour une période de six ans, un mois et treize jours.

116    Lors de l’audience, les requérantes ont avancé un argument selon lequel le paragraphe 24 des lignes directrices de 2006 serait illégal.

117    La Commission conteste les arguments des requérantes et conclut au rejet de la présente branche du cinquième moyen. Selon elle, l’argument tiré d’une éventuelle illégalité du paragraphe 24 des lignes directrices de 2006 contredit les affirmations des requérantes dans la réplique et, en toute hypothèse, doit être rejeté comme tardif.

–       Sur la seconde branche, relative à la réduction du montant de l’amende en vertu de la communication sur la coopération de 2002

118    Les requérantes soutiennent que, en ne leur accordant qu’une réduction de 25 % du montant de base de leur amende au titre de la communication sur la coopération de 2002, alors que la fourchette applicable est de 20 à 30 % et que le premier demandeur de clémence, Tosoh, s’est vu accorder la réduction maximale prévue dans la fourchette applicable à sa situation, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits et une erreur de droit. De plus, la Commission n’aurait pas motivé sa décision de façon adéquate à cet égard et, en traitant le premier demandeur de clémence de façon plus favorable, elle aurait violé le principe de non-discrimination.

119    Les requérantes soulignent, en particulier, que la demande de clémence de DDE n’a été déposée que quatre mois après la première déclaration de Tosoh, une différence minime dans le contexte d’une enquête telle que celle en cause. En outre, la succession dans le temps des demandes de clémence serait déjà prise en considération dans les fourchettes de réduction prévues par la communication sur la coopération de 2002. Elles considèrent que c’est à tort que la Commission a établi un rapport entre le moment du dépôt de la demande de clémence de DDE et les dates des inspections surprises effectuées dans les locaux de l’un des actionnaires de DDE, Dow, et d’un tiers, Denka.

120    Dès lors que les éléments apportés dans le cadre de la demande de clémence de DDE avaient une réelle valeur ajoutée, comme le démontrerait la décision attaquée à plusieurs reprises, DDE aurait dû bénéficier du montant de réduction maximale possible dans la fourchette prévue par la communication sur la coopération de 2002. La Commission aurait à tout le moins dû expliquer les raisons pour lesquelles les requérantes ne pouvaient en bénéficier.

121    La Commission conteste les arguments des requérantes et conclut au rejet de la présente branche du cinquième moyen.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la première branche, relative à l’application du coefficient multiplicateur en fonction de la durée de l’infraction

122    Il convient de rappeler que les amendes que la Commission a infligées en l’espèce sont régies par l’article 23 du règlement n° 1/2003, qui correspond à l’article 15 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), lequel était en vigueur au moment où l’infraction a été commise. Pour déterminer le montant de l’amende, la Commission a appliqué les lignes directrices de 2006. Ces lignes directrices ont été publiées avant l’envoi de la communication des griefs aux requérantes le 13 mars 2007.

123    Aux termes de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende à infliger aux entreprises coupables d’infractions aux règles de la concurrence, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

124    Il ressort d’une jurisprudence constante que, dans les limites prévues par le règlement n° 1/2003, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice de son pouvoir d’imposer de telles amendes (arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 172, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 123). Ce pouvoir est toutefois limité ; en effet, lorsque la Commission adopte des lignes directrices destinées à préciser, dans le respect du traité, les critères qu’elle compte appliquer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation, il en résulte une autolimitation de ce pouvoir en ce qu’il lui appartient de se conformer aux règles indicatives qu’elle s’est imposées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 95, et arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 192, et la jurisprudence citée). Elle ne peut s’en écarter dans un cas particulier sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 209).

125    En ce qui concerne le coefficient multiplicateur en fonction de la durée de l’infraction, le paragraphe 24 des lignes directrices de 2006 prévoit que, « [a]fin de prendre pleinement en compte la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction, le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes […] sera multiplié par le nombre d’années de participation à l’infraction » et que « [l]es périodes de moins d’un semestre seront comptées comme une [demi-année] ; les périodes de plus de six mois, mais de moins d’un an, seront comptées comme une année complète ».

126    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la Commission peut adapter à tout moment le niveau des amendes si l’application efficace des règles de la concurrence l’exige (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 109, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, points 236 et 237), une telle altération d’une pratique administrative pouvant alors être considérée comme objectivement justifiée par l’objectif de prévention générale des infractions aux règles de la concurrence. L’augmentation du niveau des amendes ne saurait donc, en soi, être considérée comme illégale au regard du principe de légalité des peines, dès lors qu’elle reste dans le cadre légal défini par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, tel qu’interprété par les juridictions de l’Union (arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 81, et du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 43).

127    La méthode consistant à apprécier la durée d’une infraction par seuils progressifs de six mois chacun, bien qu’elle puisse aboutir à ignorer les différences pouvant exister entre les durées exactes pendant lesquelles les entreprises ont participé à l’infraction, ne saurait être censurée, à condition que la fixation de tels seuils respecte le principe d’égalité de traitement, selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié, et le principe de proportionnalité, qui exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Cependant, le contrôle de légalité exercé par le juge de l’Union sur l’exercice du pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose en la matière doit se limiter à contrôler que les seuils fixés sont cohérents et objectivement justifiés, sans que le juge substitue d’emblée son appréciation à celle de la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Itochu/Commission, point 76 supra, points 73 et 74).

128    Or, le fait que le coefficient multiplicateur en fonction de la durée de l’infraction ne soit pas strictement proportionnel à la durée exacte de l’infraction commise par l’entreprise en cause ne saurait être censuré, dans la mesure où il n’est que le résultat de la méthode consistant à apprécier la durée d’une infraction par seuils progressifs de six mois chacun. En effet, même si, en raison de l’application de cette méthode, certaines entreprises se voient appliquer un coefficient multiplicateur calculé par référence à une période plus longue que celle durant laquelle elles ont effectivement participé à l’infraction, la différence de traitement est objectivement justifiée par l’objectif de prévention générale et la poursuite effective des infractions aux règles de la concurrence de l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Itochu/Commission, point 76 supra, points 76, 77 et 81). En outre, au regard de la durée généralement longue des infractions, en particulier des infractions les plus graves, auxquelles l’article 81 CE est appliqué, la fixation de seuils progressifs de six mois est cohérente, objectivement justifiée et non disproportionnée.

129    Ainsi, s’agissant du choix de la Commission de traiter les périodes de moins de six mois comme une demi-année, et donc de traiter une période d’un mois et treize jours comme s’il s’agissait d’une demi‑année, et les périodes de plus de six mois, mais de moins d’un an, comme une année complète, il y a lieu de constater qu’il ne dépasse pas les limites du pouvoir d’appréciation dont elle dispose en la matière et ne viole pas les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

130    Par conséquent, l’argument soulevé par les requérantes lors de l’audience visant à faire constater que le paragraphe 24 des lignes directrices de 2006 est contraire aux principes de proportionnalité et d’égalité de traitement doit être rejeté comme non fondé, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité.

131    En l’espèce, il est constant que DDE a participé à l’entente du 1er avril 1996 au 13 mai 2002, soit pendant une période infractionnelle de six ans, un mois et treize jours. Par conséquent, en fixant la durée de l’infraction commise à six ans et un mois et en multipliant le montant de départ de l’amende par un facteur de 6,5, la Commission s’est conformée aux règles qu’elle s’est imposées dans les lignes directrices de 2006 et, partant, n’a pas dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

132    Quant à l’argument que les requérantes tirent de l’arrêt BASF et UCB/Commission, point 114 supra, il suffit de constater que, dans cette affaire, c’est dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, et après avoir partiellement annulé la décision qui était en cause, que le Tribunal avait procédé à un nouveau calcul du montant de l’amende qui devait être imposée à BASF et qu’il avait choisi d’affiner le montant de l’amende de manière à refléter la durée exacte de la participation de BASF à l’infraction en cause, tout en soulignant que les lignes directrices ne préjugent pas de l’appréciation du montant de l’amende par le juge de l’Union, qui dispose à cet égard, en vertu de l’article 17 du règlement n° 17 (devenu article 31 du règlement n° 1/2003), d’une compétence de pleine juridiction.

133    Ainsi, d’une part, il ne résulte pas de cet arrêt, contrairement à ce que les requérantes sous-entendent, que la Commission est obligée, afin que le principe de proportionnalité soit respecté, d’assurer que le coefficient multiplicateur appliqué en fonction de la durée de l’infraction reflète la durée exacte de la participation de chaque entreprise à celle-ci. D’autre part, en l’espèce, il ne s’agit pas, à ce stade, pour le Tribunal, en l’absence de toute constatation d’illégalité de la décision attaquée, comme c’était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt BASF et UCB/Commission, point 114 supra, de recalculer le montant de l’amende infligée aux requérantes, mais de contrôler la légalité de l’application, par la Commission, des lignes directrices de 2006 à leur situation. L’argument que les requérantes tirent de l’arrêt BASF et UCB/Commission, point 114 supra, doit donc être rejeté.

134    S’agissant de la violation du principe d’égalité de traitement, les requérantes ont précisé à l’audience, en réponse aux questions du Tribunal, que, en l’espèce, elles auraient été discriminées par rapport aux autres participants à l’entente, à savoir ceux qui ont participé à l’entente entre 13 mai 1993 et 13 mai 2002, c’est-à-dire pendant neuf ans et un jour, ce qui constitue une période qui dépasse neuf ans. Les requérantes affirment que l’inégalité de traitement est la conséquence du fait que la Commission n’a pas arrondi le coefficient multiplicateur du montant de départ de l’amende à 9,5 dans le cas de ces dernières entreprises, alors qu’elle a arrondi le coefficient multiplicateur à 6,5 dans le cas de DDE, laquelle a participé à l’entente pendant six ans, un mois et treize jours.

135    À cet égard, il y a lieu de constater que, au considérant 515 de la décision attaquée, la Commission a estimé que l’infraction de DPE LLC et DPE SA établie du 1er avril 1996 au 13 mai 2002 avait duré six ans et un mois. De la même manière, concernant les autres entreprises, dont EI DuPont, la Commission a estimé que leur infraction établie du 13 mai 1993 au 13 mai 2002 avait duré neuf ans. Il s’ensuit que, dans le calcul de la durée de l’infraction, la Commission a pris en considération uniquement des années et des mois entiers et n’a pas tenu compte des jours. Dès lors, en déterminant la durée de l’infraction, la Commission a appliqué la même méthode de calcul à l’égard de tous les participants et elle n’a pas violé le principe d’égalité de traitement.

136    Par ailleurs, à supposer qu’il soit établi que la participation à l’infraction des autres entreprises ait bien été supérieure à neuf ans, et à supposer même que la Commission ait commis une erreur en faveur de ces entreprises en appliquant au montant de départ de leurs amendes seulement un coefficient multiplicateur de 9, cette circonstance ne saurait constituer un motif valable pour diminuer l’amende infligée aux requérantes, nul ne pouvant invoquer une illégalité commise en faveur d’autrui (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T‑241/01, Rec. p. II‑2917, point 170). Cet argument doit donc également être rejeté.

137    Au vu de ce qui précède, la première branche du présent moyen doit être rejetée comme non fondée.

–       Sur la seconde branche, relative à la réduction du montant de l’amende en vertu de la communication sur la coopération de 2002

138    Il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 123 et 124 ci-dessus, si la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation des amendes, l’exercice de ce pouvoir est toutefois limité, notamment par les règles de conduite que la Commission s’est elle-même imposées, non seulement dans les lignes directrices pour le calcul des amendes, mais également dans la communication sur la coopération de 2002 (voir arrêt Lafarge/Commission, point 124 supra, point 95, et la jurisprudence citée).

139    Dans la communication sur la coopération de 2002, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente peuvent être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter.

140    Au paragraphe 8 de la communication sur la coopération de 2002, il est indiqué ce qui suit :

« La Commission exemptera une entreprise de toute amende qu’elle aurait à défaut dû acquitter :

a)      lorsque l’entreprise est la première à fournir des éléments de preuve qui, de l’avis de la Commission, sont de nature à lui permettre d’adopter une décision ordonnant des vérifications en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement [n°] 17 […], concernant une entente présumée affectant la Communauté, ou

b)      lorsque l’entreprise est la première à fournir des éléments de preuve qui, de l’avis de la Commission, sont de nature à lui permettre de constater une infraction à l’article 81 […] CE […] en rapport avec une entente présumée affectant la Communauté. »

141    Il est précisé, au paragraphe 20 de la communication sur la coopération de 2002, que « [l]es entreprises qui ne remplissent pas les conditions [d’exemption de l’amende] prévues au titre A [Immunité d’amendes] peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de l’amende qui à défaut leur aurait été infligée » et, au paragraphe 21, que, « [a]fin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve ».

142    S’agissant de la notion de valeur ajoutée, il est expliqué au paragraphe 22 de la communication sur la coopération de 2002 ce qui suit :

« La notion de ‘valeur ajoutée’ vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature même et/ou leur niveau de précision, la capacité de la Commission d’établir les faits en question. Lors de cette appréciation, la Commission estimera généralement que les éléments de preuve écrits datant de la période à laquelle les faits se rapportent ont une valeur qualitative plus élevée que les éléments de preuve établis ultérieurement. De même, les éléments de preuve se rattachant directement aux faits en question seront le plus souvent considérés comme qualitativement plus importants que ceux qui n’ont qu’un lien indirect avec ces derniers. »

143    En outre, après avoir constaté que des éléments de preuve présentent une valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002, la Commission dispose encore d’une marge d’appréciation lorsqu’elle est appelée à déterminer le niveau exact de la réduction du montant de l’amende à accorder à l’entreprise en cause. En effet, le paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002 prévoit des fourchettes pour la réduction du montant de l’amende pour les différentes catégories d’entreprises visées :

« –      [p]remière entreprise à remplir la condition énoncée au [paragraphe] 21 : réduction comprise entre 30 et 50 % ;

–      [d]euxième entreprise à remplir la condition énoncée au [paragraphe] 21 : réduction comprise entre 20 et 30 % ;

–      [a]utres entreprises remplissant la condition énoncée au [paragraphe] 21 : réduction maximale de 20 % ».

144    De plus, selon le paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa, de la communication sur la coopération de 2002 :

« Pour définir le niveau de réduction à l’intérieur de ces fourchettes, la Commission prendra en compte la date à laquelle les éléments de preuve remplissant la condition énoncée au [paragraphe] 21 ont été communiqués et le degré de valeur ajoutée qu’ils ont représenté. Elle pourra également prendre en compte l’étendue et la continuité de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution. »

145    Selon la jurisprudence, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et elle peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l’enquête conduite par les services de cette institution. Dans ce cadre, la Commission est appelée à effectuer des appréciations factuelles complexes, telles que celles qui portent sur la coopération respective desdites entreprises (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 81). Par ailleurs, la Commission dispose d’une certaine marge d’appréciation dans l’évaluation du point de savoir si la coopération en cause a été « déterminante » pour lui faciliter la tâche de constater l’existence d’une infraction et d’y mettre fin, seul un dépassement manifeste de cette marge d’appréciation étant susceptible d’être censuré (voir arrêt du Tribunal du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑881, point 555, et la jurisprudence citée). Dès lors, le contrôle exercé par le Tribunal sur l’appréciation par la Commission de la valeur ajoutée des preuves fournies par une entreprise dans le cadre du programme de clémence est restreint.

146    En l’espèce, les requérantes font valoir que DDE aurait dû bénéficier du montant de réduction maximale possible dans la fourchette prévue par la communication sur la coopération de 2002, dès lors que Tosoh, le premier demandeur de clémence, s’est vu accorder la réduction maximale prévue dans la fourchette applicable à sa situation. Selon elles, les éléments apportés par la demande de clémence de DDE avaient une réelle valeur ajoutée et cette demande n’a été présentée que quatre mois après la déclaration de Tosoh.

147    À cet égard, il doit tout d’abord être relevé que les requérantes ne contestent pas que la coopération de DDE relève du deuxième tiret du paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002, comme l’a constaté la Commission dans la décision attaquée, et que, à ce titre, elles avaient droit à une réduction du montant de l’amende comprise entre 20 et 30 %. La réduction du montant de l’amende de 25 % accordée à EI DuPont, DPE LLC et DPE SA au titre de la coopération de DDE respecte ainsi la fourchette prévue à cet effet par la communication sur la coopération de 2002.

148    De plus, si la Commission ne saurait, dans le cadre de son appréciation de la coopération fournie par les membres d’une entente, méconnaître le principe d’égalité de traitement (arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, Wieland-Werke/Commission, T‑116/04, Rec. p. II‑1087, point 124), lequel s’oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et à ce que des situations différentes soient traitées de manière semblable, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 15 octobre 2009, Audiolux e.a., C‑101/08, Rec. p. I‑9823, point 54, et la jurisprudence citée), l’appréciation de la valeur ajoutée des éléments contenus dans une demande de clémence s’effectue en fonction des éléments de preuve déjà en la possession de la Commission.

149    Or, d’une part, il ressort sans équivoque des constatations non contestées figurant dans le considérant 635 de la décision attaquée que, même si DDE a satisfait aux conditions prévues par le paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002 relativement peu de temps après la déclaration du premier demandeur de clémence, il n’en reste pas moins que les éléments de preuve relatifs à l’entente qui ont été fournis par DDE et qui ont donné lieu à la réduction du montant de l’amende n’ont été communiqués à la Commission que dix mois après les inspections effectuées par la Commission chez Dow, quatre mois après les inspections effectuées chez Denka et quatre mois après que Tosoh a introduit sa demande de clémence.

150    D’autre part, dès lors que la coopération de Tosoh a précédé celle de DDE, la Commission disposait déjà de plus d’éléments de preuve au moment où DDE a introduit sa demande de clémence qu’au moment où Tosoh a introduit la sienne. De plus, Tosoh avait apporté plusieurs documents explicites et non ambigus, rédigés in tempore non suspecto, permettant à la Commission d’établir des faits qu’elle n’aurait pu établir autrement et de confirmer diverses situations que les éléments de preuve disponibles ne permettaient pas d’« incriminer » suffisamment (voir considérant 622 de la décision attaquée), alors que la valeur ajoutée de la contribution de DDE était principalement liée aux éléments restant à étayer, en particulier concernant la période initiale de l’entente (voir considérant 635 de la décision attaquée). Par ailleurs, il n’est pas contesté que Tosoh a fourni à la Commission des éléments de preuve significatifs relatifs à l’entente seulement une semaine après les inspections effectuées chez Denka.

151    Il en résulte que la Commission, en prenant en compte, en vertu du paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa, de la communication sur la coopération de 2002, la date à laquelle les éléments de preuve ont été communiqués, sans même avoir égard à la qualité et à l’utilité des éléments de preuve communiqués par DDE et, par conséquent, en lui accordant une réduction du montant de l’amende de 25 % au titre de sa coopération aux fins de l’établissement de l’entente, n’a, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, pas manifestement excédé la marge d’appréciation dont elle dispose à cet égard. En outre, les situations de Tosoh et de DDE n’étant pas comparables, c’est sans violer le principe d’égalité de traitement que la Commission a accordé à Tosoh la réduction maximale prévue dans la fourchette applicable à sa situation [qui relevait du premier tiret du paragraphe 23, sous b), de la communication sur la coopération de 2002] et à DDE une réduction se trouvant au milieu de la fourchette applicable à sa situation [qui relevait du deuxième tiret du paragraphe 23, sous b), de cette communication].

152    Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas motivé sa décision de façon adéquate à cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si, dans la motivation des décisions qu’elle est amenée à prendre pour assurer l’application des règles de concurrence, la Commission n’est pas obligée de discuter tous les éléments de fait et de droit ainsi que les considérations qui l’ont amenée à prendre une telle décision, il n’en reste pas moins qu’elle est tenue, en vertu de l’article 253 CE, de mentionner, à tout le moins, les faits et les considérations revêtant une importance essentielle dans l’économie de sa décision, permettant ainsi au juge de l’Union et aux parties intéressées de connaître les conditions dans lesquelles elle a fait application du traité (voir arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141, point 95, et la jurisprudence citée). En l’espèce, il ressort de l’analyse effectuée aux points 149 à 151 ci‑dessus que la Commission a dûment motivé sa décision. Partant, l’argument des requérantes pris d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

153    La seconde branche du présent moyen doit donc être rejetée comme non fondée.

154    Par conséquent, le cinquième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’un défaut de motivation en ce que la Commission a conclu à la participation à l’entente de l’un des membres du personnel de DDE, M. A.

 Arguments des parties

155    Les requérantes soutiennent que, contrairement à ce qui est énoncé au considérant 37 de la décision attaquée, M. A. n’a pas été impliqué dans l’entente en tant que « participant DDE » pour la période DDE et n’en a pas eu connaissance. La Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation de la nature de certaines informations fournies par DDE à propos de M. A. lors de la déclaration orale du 21 novembre 2003. La Commission n’aurait pas motivé son rejet des éléments probants fournis par les requérantes à ce sujet, résultant d’une enquête interne. Les requérantes demandent également que le nom de cette personne ne soit pas mentionné dans la décision attaquée.

156    Il s’agirait non seulement d’une erreur manifeste d’appréciation d’une importance cruciale pour M. A., tant pour sa réputation qu’à titre personnel, mais également d’une illustration de l’absence de réponse de la Commission aux arguments formulés par les requérantes dans leur réponse à la communication des griefs. Enfin, dans la mesure où la Commission ne pouvait pas conclure que M. A. avait été l’un des représentants de DDE aux réunions et aux contacts en cause, elle n’aurait pas pu tenir compte de cet élément pour déterminer la gravité de l’infraction et le niveau de l’amende infligée aux requérantes.

157    La Commission conteste les arguments des requérantes et conclut au rejet du sixième moyen.

 Appréciation du Tribunal

158    Il y a lieu de relever que la Commission, au considérant 37 de la décision attaquée, a indiqué que M. A. était un « [d]es représentants de DDE ayant pris part aux réunions ou aux contacts décrits plus loin entre le 1er avril 1996 et le 13 mai 2002 ». Aux considérants 270 et 271 de la décision attaquée, il est fait référence à deux courriels internes concernant des réunions et des contacts. Il n’est pas contesté que ces courriels puissent être attribués à M. A. en tant qu’employé de DDE et en tant qu’auteur et destinataire de ces courriels.

159    Ainsi, contrairement à la thèse soutenue par les requérantes, la Commission n’a pas considéré dans la décision attaquée que M. A. avait été personnellement impliqué dans l’entente, mais l’a mentionné uniquement en sa qualité d’employé de DDE, cette dernière étant impliquée dans l’entente. Comme la Commission l’a relevé à juste titre, les enquêtes et les décisions de la Commission n’ont en principe pas pour objectif d’établir que certaines personnes physiques ont participé à une entente, mais d’établir que des entreprises l’ont fait, en violation de l’article 81, paragraphe 1, CE. C’est bien ce que la Commission a fait en l’espèce, en établissant que les requérantes ont enfreint l’article 81 CE en participant à un accord unique et continu et à des pratiques concertées dans le secteur du CR. M. A. n’est d’ailleurs pas visé par l’article 1er de la décision attaquée comme un des participants à l’entente (voir point 13 ci-dessus).

160    Il s’ensuit que le présent moyen, dans la mesure où il vise à contester le bien-fondé de la conclusion de la Commission relative à la participation de M. A. à l’entente, doit être rejeté comme manifestement non fondé, celui-ci manquant en fait.

161    S’agissant de la demande des requérantes de voir le nom de M. A. supprimé de la décision attaquée, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser, dans le cadre du contrôle de la légalité qu’il exerce, des injonctions aux institutions ou de se substituer à ces dernières, mais il incombe à l’administration concernée de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt rendu dans le cadre d’un recours en annulation (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, SELEX Sistemi Integrati/Commission, T‑155/04, Rec. p. II‑4797, point 28, et la jurisprudence citée). Dès lors, le présent moyen doit être rejeté comme irrecevable pour autant qu’il vise à la suppression de certains termes dans la décision attaquée.

162    Il s’ensuit que le sixième moyen doit être rejeté en partie comme manifestement non fondé et en partie comme irrecevable.

163    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les premier et deuxième chefs de conclusions des requérantes visant à l’annulation de l’article 1er, sous b), et de l’article 2, sous b), de la décision attaquée doivent être rejetés.

164    S’agissant du troisième chef de conclusions relatif à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes au titre de l’article 2, sous b), de la décision attaquée, certes, la compétence de pleine juridiction conférée, en application de l’article 229 CE, au Tribunal en matière de concurrence par l’article 31 du règlement n° 1/2003 habilite cette juridiction, au-delà du simple contrôle de légalité, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler l’acte attaqué, à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, en tenant compte de toutes les circonstances de fait, afin de modifier le montant de l’amende (voir arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 86, et la jurisprudence citée). Toutefois, en l’espèce, le Tribunal considère qu’il n’existe aucune raison pour diminuer le montant de l’amende en application de cette compétence.

165    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

166    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      EI du Pont de Nemours and Company, DuPont Performance Elastomers LLC et DuPont Performance Elastomers SA sont condamnées aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 février 2012.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Requérantes et produit concerné

Procédure devant la Commission

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une imputation erronée de l’infraction à EI DuPont pendant la période allant du 1er avril 1996 au 13 mai 2002

Rappel du libellé de la décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des règles relatives à la prescription

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de l’absence d’intérêt légitime pour la Commission à adresser une décision à EI DuPont

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré de la qualification erronée de certains éléments de relevant de l’entente

Rappel du libellé de la décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré de la détermination erronée du montant de l’amende infligée aux requérantes

Rappel du libellé de la décision attaquée

Arguments des parties

– Sur la première branche, relative à l’application du coefficient multiplicateur en fonction de la durée de l’infraction

– Sur la seconde branche, relative à la réduction du montant de l’amende en vertu de la communication sur la coopération de 2002

Appréciation du Tribunal

– Sur la première branche, relative à l’application du coefficient multiplicateur en fonction de la durée de l’infraction

– Sur la seconde branche, relative à la réduction du montant de l’amende en vertu de la communication sur la coopération de 2002

Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’un défaut de motivation en ce que la Commission a conclu à la participation à l’entente de l’un des membres du personnel de DDE, M. A.

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.



Version publique


1 –      « Données confidentielles occultées »