Language of document : ECLI:EU:C:2013:661

Affaire C‑101/12

Herbert Schaible

contre

Land Baden-Württemberg

(demande de décision préjudicielle,
introduite par le Verwaltungsgericht Stuttgart)

«Renvoi préjudiciel – Agriculture – Règlement (CE) nº 21/2004 – Système d’identification et d’enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine – Obligation d’identification individuelle électronique – Obligation de tenir un registre d’exploitation – Validité – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Liberté d’entreprise – Proportionnalité – Égalité de traitement»

Sommaire – Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 17 octobre 2013

1.        Agriculture – Rapprochement des législations en matière de police sanitaire – Contrôles vétérinaires et zootechniques dans les échanges intracommunautaires d’animaux vivants et de produits d’origine animale – Système d’identification et d’enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine – Obligation d’identification individuelle électronique – Obligation de tenir un registre d’exploitation – Violation de l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Absence

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 16; règlement du Conseil nº 21/2004, art. 3, § 1, 4, § 2, 5, § 1, 9, § 3, al. 1, et annexe, section B, point 2)

2.        Droit de l’Union européenne – Principes – Proportionnalité – Portée – Pouvoir discrétionnaire du législateur de l’Union en matière de politique agricole commune – Contrôle juridictionnel – Limites – Appréciation au vu des éléments disponibles au moment de l’adoption de l’acte

(Art. 40 TFUE à 43 TFUE)

3.        Droit de l’Union européenne – Principes – Égalité de traitement – Différence de traitement objectivement justifiée – Critères d’appréciation – Application à un acte législatif de l’Union

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 20)

1.        L’examen des articles 3, paragraphe 1, 4, paragraphe 2, 5, paragraphe 1, et 9, paragraphe 3, premier alinéa, ainsi que de l’annexe, section B, point 2, du règlement nº 21/2004, établissant un système d’identification et d’enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine et modifiant le règlement nº 1782/2003 et les directives 92/102 et 64/432, dispositions soumettant les éleveurs d’ovins et de caprins à des obligations relatives à une identification individuelle électronique des animaux et à la tenue à jour d’un registre d’exploitation, n’a révélé aucun élément de nature à affecter sa validité, au regard de la liberté d’entreprise telle que consacrée à l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

En effet, si lesdites dispositions, en ce qui concerne les éleveurs d’animaux à des fins commerciales, sont susceptibles de limiter l’exercice de la liberté d’entreprise, celle-ci ne constitue pas une prérogative absolue. Elle peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique.

À cet égard, la protection sanitaire, la lutte contre les épizooties et le bien-être des animaux, objectifs qui se recoupent, constituent des objectifs d’intérêt général légitimes de la législation de l’Union, de même que l’achèvement dans le secteur concerné du marché intérieur agricole. Les obligations du système institué par le règlement nº 21/2004 sont appropriées pour atteindre l’objectif de contrôle des épizooties et aucun élément n’a été retenu qui pourrait mettre en question l’efficacité de ce système dans son intégralité. Dès lors que ces obligations sont nécessaires pour atteindre les buts poursuivis par ledit règlement et que le législateur de l’Union pouvait légitimement les imposer et considérer que les inconvénients découlant de ces obligations ne sont pas démesurés par rapport aux objectifs visés par le règlement nº 21/2004, le législateur de l’Union n’a ni commis d’erreur lors de l’examen des avantages et des désavantages de ces obligations par rapport aux intérêts en jeu ni, partant, violé la liberté d’entreprises des éleveurs d’ovins et de caprins.

(cf. points 26, 28, 35, 42, 59, 75 et disp.)

2.        Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés.

La Cour, lorsqu’elle apprécie la proportionnalité des moyens mis en œuvre par les dispositions d’un règlement, admet que le législateur de l’Union, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés, se voit accorder un large pouvoir d’appréciation dans les domaines impliquant de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Dans le domaine de l’agriculture, le législateur de l’Union dispose notamment d’un tel large pouvoir d’appréciation, correspondant aux responsabilités politiques que les articles 40 TFUE à 43 TFUE lui attribuent. Par conséquent, le contrôle de la Cour se limite à vérifier si ce législateur n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

Certes, même en présence d’un tel pouvoir d’appréciation, le législateur de l’Union est tenu de baser son choix sur des critères objectifs et, dans le cadre de l’appréciation des contraintes liées à différentes mesures possibles, il doit examiner si les objectifs poursuivis par la mesure retenue sont de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs économiques. Toutefois, la validité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté et ne saurait dépendre d’appréciations rétrospectives concernant son degré d’efficacité. Lorsque le législateur de l’Union est amené à apprécier les effets futurs d’une réglementation à prendre alors que ces effets ne peuvent être prévus avec exactitude, son appréciation ne peut être censurée que si elle apparaît manifestement erronée au vu des éléments dont il disposait au moment de l’adoption de la réglementation en cause.

(cf. points 29, 47-50)

3.        L’égalité en droit, énoncée à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, est un principe général du droit de l’Union qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée. Une différence de traitement est justifiée dès lors qu’elle est fondée sur un critère objectif et raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la législation en cause, et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné.

Lorsqu’il s’agit d’un acte législatif de l’Union, il appartient au législateur de l’Union d’établir l’existence de critères objectifs avancés au titre d’une justification et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence desdits critères.

(cf. points 76-78)