Language of document : ECLI:EU:T:2012:597

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

14 novembre 2012 (*)

« Concurrence – Procédure administrative – Recours en annulation – Actes adoptés au cours d’une inspection – Mesures intermédiaires – Irrecevabilité – Décision ordonnant une inspection – Obligation de motivation – Protection de la vie privée – Indices suffisamment sérieux – Contrôle juridictionnel »

Dans l’affaire T‑140/09,

Prysmian SpA, établie à Milan (Italie),

Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl, établie à Milan,

représentées par Mes A. Pappalardo, F. Russo, M. L. Stasi, C. Tesauro et L. Armati, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. V. Di Bucci et X. Lewis, puis par MM. Di Bucci et N. von Lingen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, premièrement, une demande d’annulation de la décision C (2009) 92/2 de la Commission, du 9 janvier 2009, ordonnant à Prysmian SpA et à toutes les entreprises directement ou indirectement contrôlées par elle, y compris Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl, de se soumettre à une inspection, en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1 p. 1) (affaire COMP/39.610) ; deuxièmement, une demande visant à ce que le Tribunal déclare illégale la décision prise par la Commission pendant cette inspection de copier certains fichiers informatiques pour les examiner dans ses bureaux et, troisièmement, une demande visant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de s’abstenir d’utiliser tout document illégalement obtenu ainsi que de remettre à Prysmian et à Prysmian Cavi e Sistemi Energia les documents obtenus illégalement,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. H. Kanninen (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 octobre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Les requérantes, Prysmian SpA et sa filiale Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl, sont deux entreprises italiennes exerçant leur activité dans le secteur des câbles électriques.

2        Par décision C (2009) 92/2, du 9 janvier 2009, la Commission des Communautés européennes a ordonné à Prysmian et à toutes les entreprises directement ou indirectement contrôlées par elle, y compris Prysmian Cavi e Sistemi Energia, de se soumettre à une inspection, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (ci-après la « décision d’inspection »).

3        L’article 1er de la décision d’inspection est ainsi libellé :

« Prysmian […], ainsi que les entreprises directement ou indirectement contrôlées par elle, à l’inclusion de Prysmian Cavi e Sistemi Energia […] est tenue de se soumettre à une inspection relative à son éventuelle participation à des accords ou pratiques concertées contraires à l’article 81 [CE …] en relation avec la fourniture de câbles électriques et de matériel associé y compris, entre autres, les câbles électriques sous-marins de haute tension et, dans certains cas, les câbles électriques souterrains de haute tension, ayant pour objet la présentation de soumissions concertées lors de marchés publics, l’attribution de clients, ainsi que l’échange illicite d’informations commercialement sensibles concernant la fourniture de ces produits.

L’inspection peut avoir lieu en tous lieux contrôlés par l’entreprise ou ses filiales […]

Prysmian […] ainsi que les entreprises directement ou indirectement contrôlées par elle, à l’inclusion de Prysmian Cavi e Sistemi Energia […] permettront aux agents et autres personnes qui les accompagnent, autorisées par la Commission, et mandatés en vue de l’inspection, ainsi qu’aux agents et autres personnes mandatées ou autorisées par l’autorité de concurrence de l’État membre pour les assister, d’accéder à tous ses locaux, terrains et moyens de transport, pendant les heures normales de bureau. Elle devra présenter tous les livres et documents, quel qu’en soit le support, demandés par ces agents et personnes et leur permettre de les examiner ou d’en prendre copie, quel que soit le lieu où ces documents et livres sont conservés. Elles accepteront en outre l’apposition de scellés sur tous les locaux, documents ou livres pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle-ci. Elles sont tenues de communiquer oralement et sans délai à ces agents et personnes toutes les informations demandées par ceux-ci en relation avec l’objet de l’inspection et de permettre à tous leurs représentants ou membres du personnel de communiquer de telles informations. Elles autoriseront enfin tout enregistrement de ces informations sous quelque forme que ce soit. »

4        À l’article 2 de la décision d’inspection, la Commission précise que l’inspection peut débuter le 28 janvier 2009. À l’article 3, elle indique que la décision d’inspection sera notifiée à l’entreprise qui en est la destinataire immédiatement avant l’inspection.

5        La décision d’inspection est motivée de la manière suivante :

« La Commission a reçu des informations selon lesquelles les fournisseurs de câbles électriques, y compris les entreprises auxquelles cette décision est adressée, auraient participé à des accords et/ou pratiques concertées en relation avec la fourniture de câbles électriques et de matériel associé y compris, entre autres, les câbles électriques sous-marins de haute tension et, dans certains cas, les câbles électriques souterrains de haute tension, ayant pour objet la présentation de soumissions concertées lors de marchés publics, l’attribution de clients, ainsi que l’échange illicite d’informations commercialement sensibles concernant la fourniture de ces produits.

Selon les informations reçues, ces accords et/ou pratiques concertées ont été organisés dans le cadre de réunions ainsi que de contacts bilatéraux, principalement des conversations téléphoniques.

Selon les informations reçues par la Commission [c]es accords et/ou pratiques concertées ont été mis en place au plus tard en 2001 et existeraient toujours actuellement […]

S’il s’avère que ces allégations sont fondées, les accords et/ou les pratiques concertées décrits ci-dessus constitueraient une infraction à l’article 81 [CE].

Afin de permettre à la Commission de vérifier tous les faits relatifs à ces éventuels accords et/ou pratiques concertées présumés et le contexte effectif dans lequel ils s’inscrivent, il est nécessaire de procéder à une inspection en application de l’article 20 du règlement […] nº 1/2003.

Selon les informations de la Commission concernant les accords et/ou pratiques concertées décrits ci-dessus, l’infraction présumée constitue une infraction très grave […] »

6        Le mercredi 28 janvier 2009, des inspecteurs de la Commission (ci‑après les « inspecteurs »), accompagnés d’un représentant de l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (autorité de la concurrence italienne) et d’un membre de la Guardia di Finanza (police financière italienne), se sont rendus dans les locaux des requérantes afin de procéder à une inspection au titre de l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 (ci‑après l’« inspection »).

7        Les inspecteurs ont notifié la décision d’inspection aux requérantes. Ensuite, en présence des représentants et des avocats des requérantes, les inspecteurs ont contrôlé les ordinateurs de cinq employés. Le deuxième jour de l’inspection, le 29 janvier 2009, les inspecteurs ont informé les requérantes que l’inspection prendrait plus de temps que les trois jours initialement prévus. Les requérantes se sont déclarées prêtes soit à permettre l’accès à leurs locaux au cours du week-end, soit à ce que des scellés y soient apposés afin que l’inspection reprenne la semaine suivante. Néanmoins, le troisième jour de l’inspection, le vendredi 30 janvier 2009, les inspecteurs ont décidé de prendre une copie-image des disques durs des ordinateurs de trois des cinq employés initialement visés, afin d’examiner l’information contenue dans ceux-ci dans les bureaux de la Commission à Bruxelles (Belgique).

8        Les requérantes ont fait observer que la méthode de contrôle suggérée par les inspecteurs était illégale. D’une part, l’article 20 du règlement n° 1/2003 prévoirait que la vérification peut s’effectuer « auprès des entreprises ». D’autre part, l’obtention d’une copie-image de l’intégralité des disques durs en cause serait contraire au « principe de pertinence » devant caractériser les activités d’enquête de la Commission, en vertu duquel le matériel saisi au cours d’une inspection doit être pertinent pour l’objet de l’enquête.

9        Les inspecteurs ont informé les requérantes que toute opposition à la procédure de contrôle suggérée serait considérée comme une « non-collaboration ». Les requérantes se sont donc soumises à cette procédure, mais elles ont rédigé une déclaration, signée par les inspecteurs, se réservant le droit d’en contester la légalité en justice.

10      Les inspecteurs ont effectué trois copies-images des disques durs en cause. Les copies-images de deux disques durs ont été sauvegardées sur un support informatique d’enregistrement de données. La copie-image du troisième disque dur a été sauvegardée sur un ordinateur de la Commission. Cet ordinateur et le support informatique d’enregistrement de données en cause ont été placés dans des enveloppes scellées que les inspecteurs ont rapportées à Bruxelles. Les inspecteurs ont invité les représentants des requérantes à se rendre dans les bureaux de la Commission dans un délai de deux mois pour que les informations copiées puissent être examinées en leur présence.

11      Le 26 février 2009, les enveloppes scellées visées au point précédent ont été ouvertes en présence des avocats des requérantes dans les bureaux de la Commission. Les inspecteurs ont examiné les copies-images contenues dans ces enveloppes et imprimé sur papier les documents qu’ils ont considérés pertinents pour l’enquête. Une deuxième copie papier et une liste de ces documents ont été remises aux avocats des requérantes. Ces opérations se sont poursuivies le 27 février 2009 et se sont achevées le 2 mars 2009. Le bureau dans lequel elles ont eu lieu a été mis sous scellés à la fin de chaque journée de travail, en présence des avocats des requérantes, et rouvert le lendemain, toujours en leur présence. Au terme de ces opérations, la Commission a effacé, en présence des représentants des requérantes, les copies-images des disques durs qu’elle avait réalisées.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2009, les requérantes ont introduit le présent recours.

13      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a donc été attribuée.

14      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, le 13 septembre 2011, le Tribunal a posé une question écrite à la Commission. La Commission a répondu dans le délai imparti.

15      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 19 octobre 2011. À la fin de l’audience, le Tribunal a décidé de ne pas clôturer la procédure orale.

16      Par ordonnance du 21 décembre 2011, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire certains documents dans le cadre de mesures d’instruction prévues à l’article 65 du règlement de procédure et a fixé les modalités de leur consultation par les requérantes. La Commission a déféré à cette mesure d’instruction dans le délai imparti.

17      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le 21 décembre 2011, le Tribunal a posé une question écrite à la Commission et l’a invitée à produire une traduction vers la langue de procédure de certains passages de deux documents qu’elle avait préalablement fournis. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

18      Le 31 janvier 2012, les requérantes ont consulté les documents visés au point 16 ci-dessus au greffe du Tribunal. Le 2 mars 2012, elles ont présenté leurs observations sur ces documents. Le 26 mars 2012, la Commission a présenté ses observations sur les observations des requérantes.

19      La procédure orale a été close le 3 mai 2012. Par ordonnance du 1er octobre 2012, elle a été rouverte. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le 2 octobre 2012, le Tribunal a posé une question écrite à la Commission, qui a déféré à cette demande dans le délai imparti. La procédure orale a ensuite été close le 22 octobre 2012.

20      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision d’inspection ;

–        déclarer illégale la décision de la Commission de prendre une copie-image des disques durs des ordinateurs de trois de leurs employés pour les contrôler ultérieurement dans ses bureaux à Bruxelles ;

–        subsidiairement, en ce qui concerne le deuxième chef de conclusions, déclarer abusif le comportement des inspecteurs dans la mesure où, en interprétant de façon erronée les pouvoirs d’investigation qui leur étaient conférés par la décision d’inspection, ils ont obtenu la copie-image de l’intégralité du disque dur des ordinateurs de trois de leurs employés pour les contrôler ultérieurement dans leurs bureaux à Bruxelles ;

–        ordonner à la Commission de leur restituer tous les documents illégalement obtenus tant au cours de l’inspection que par l’extraction de copies des disques durs analysées dans les bureaux de Bruxelles ;

–        enjoindre à la Commission de s’abstenir d’utiliser de quelque manière que ce soit les documents illégalement obtenus et, en particulier, de s’abstenir de les utiliser dans le cadre de la procédure ouverte pour vérifier l’existence de prétendus comportements anticoncurrentiels dans le secteur des câbles électriques en violation de l’article 81 CE ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les deuxième à cinquième chefs de conclusions des requérantes comme irrecevables ;

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

22      Par leur premier chef de conclusions, les requérantes demandent l’annulation de la décision d’inspection. Elles font valoir que cette décision est arbitraire et qu’elle a été adoptée en violation de leurs droits de la défense ainsi que du principe de proportionnalité.

23      Quant au deuxième chef de conclusions des requérantes, visant à ce qu’il plaise au Tribunal de « déclarer illégale » la décision qui aurait été adoptée par les inspecteurs au cours de l’inspection d’effectuer des copies‑images de plusieurs fichiers informatiques pour les examiner ultérieurement dans les bureaux de la Commission (ci‑après l’« acte litigieux »), il y a lieu de considérer, à la lumière des arguments invoqués par les requérantes à son appui, que, malgré sa rédaction confuse, il s’agit d’une demande d’annulation de l’acte litigieux, fondée sur la violation de plusieurs dispositions du règlement n° 1/2003 et du « principe de pertinence » que, selon les requérantes, la Commission doit respecter dans le cadre de ses enquêtes.

24      Les troisième à cinquième chefs de conclusions présentés par les requérantes sont des demandes visant soit à ce que le Tribunal effectue une déclaration, soit à ce qu’il ordonne des mesures à l’encontre de la Commission.

25      S’agissant de la recevabilité, d’abord, la Commission affirme que l’acte litigieux n’est pas un acte attaquable, le chef de conclusions des requérantes tendant à obtenir l’annulation de cet acte étant donc irrecevable. Ensuite, elle soutient que les chefs de conclusions par lesquels les requérantes demandent au Tribunal d’effectuer une déclaration ou de lui adresser des injonctions sont également irrecevables.

26      S’agissant du fond, la Commission soutient que les griefs invoqués par les requérantes à l’appui de leurs demandes d’annulation doivent être rejetés.

27      Il convient d’examiner, tout d’abord, la demande d’annulation de la décision d’inspection, dont la recevabilité n’est pas contestée, et, ensuite, la recevabilité de la demande d’annulation de l’acte litigieux ainsi que celle des chefs de conclusions tendant à obtenir du Tribunal qu’il effectue une déclaration ou qu’il ordonne des mesures à l’encontre de la Commission.

 Sur la demande d’annulation de la décision d’inspection

28      Les requérantes présentent, en substance, un moyen unique à l’appui de la demande d’annulation de la décision d’inspection, tiré de la violation de leurs droits de la défense ainsi que du caractère arbitraire et du caractère disproportionné de cette décision. Les arguments qu’elles ont exposés dans le cadre de ce moyen peuvent être compris en ce sens que, dans la décision d’inspection, la Commission n’aurait pas suffisamment circonscrit l’objet et le but de l’inspection. À cette fin, elles présentent en substance trois griefs.

29      Par leur premier grief, les requérantes reprochent à la Commission l’imprécision de la décision d’inspection quant à la délimitation des produits concernés et de la portée géographique de l’infraction suspectée. Cette imprécision aurait mis les requérantes dans l’impossibilité d’exercer leurs droits de la défense et de distinguer les documents que la Commission avait la faculté de consulter et de copier des autres documents en leur possession et pour lesquels elles ne devaient pas supporter une telle ingérence dans leur sphère d’activité privée. La Commission aurait ainsi pu entamer une « expédition exploratoire » et rechercher dans les locaux des requérantes des documents et des informations utiles afin de déceler d’éventuelles infractions aux règles de concurrence dans le cadre de toutes leurs activités et non dans le seul cadre du secteur couvert par l’enquête.

30      Par leur second grief, les requérantes font valoir que, dans la décision d’inspection, la Commission n’a pas satisfait à l’obligation imposée par la jurisprudence de préciser les indices qu’elle entendait vérifier.

31      Enfin, par leur troisième grief, les requérantes font valoir que la Commission ne disposait d’informations circonstanciées l’amenant à ne soupçonner l’existence d’une infraction aux règles de concurrence que dans le secteur des câbles de haute tension.

32      Aux fins d’examiner ces griefs, il convient, à titre liminaire, de rappeler certains principes gouvernant, d’une part, le contenu obligatoire des décisions adoptées par la Commission ordonnant une inspection en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du règlement nº 1/2003 et, d’autre part, le contrôle que le juge de l’Union européenne peut être amené à effectuer quant au caractère justifié d’une telle inspection.

 Observations liminaires

33      L’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 définit les éléments essentiels devant figurer dans une décision de la Commission ordonnant une inspection. Cette disposition est ainsi rédigée :

« Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues aux articles 23 et 24, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision […] »

34      L’obligation imposée à la Commission d’indiquer l’objet et le but de l’inspection constitue une exigence fondamentale en vue, d’une part, de faire apparaître le caractère justifié de l’intervention envisagée à l’intérieur des entreprises concernées, mettant celles‑ci en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration, et, d’autre part, de préserver leurs droits de la défense (arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, 97/87 à 99/87, Rec. p. 3165, point 26).

35      S’agissant du caractère justifié ou non de l’intervention envisagée et de la portée du devoir de collaboration des entreprises concernées, il y a lieu de relever que l’exigence d’une protection contre des interventions de la puissance publique dans la sphère d’activité privée d’une personne, qu’elle soit physique ou morale, qui seraient arbitraires ou disproportionnées constitue un principe général du droit de l’Union (voir arrêt de la Cour du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C‑94/00, Rec. p. I‑9011, point 27, et la jurisprudence citée). Ce principe a été consacré à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1), aux termes duquel « [t]oute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ».

36      S’agissant de la préservation des droits de la défense des entreprises concernées, tout d’abord, il y a lieu de relever que ces droits doivent être respectés par la Commission tant pendant les procédures administratives susceptibles d’aboutir à des sanctions que pendant le déroulement des procédures d’enquête préalable, car il importe d’éviter que ces droits ne puissent être irrémédiablement compromis dans le cadre de procédures d’enquête préalable, dont notamment les inspections, qui peuvent avoir un caractère déterminant pour l’établissement des preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises de nature à engager leur responsabilité (arrêt de la Cour du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 15).

37      Ensuite, l’exigence pour la Commission d’indiquer l’objet et le but de l’inspection constituant une garantie fondamentale des droits de la défense des entreprises concernées, la portée de l’obligation de motivation des décisions d’inspection ne peut pas être restreinte en fonction de considérations tenant à l’efficacité de l’investigation. À cet égard, il convient de préciser que, s’il est vrai que la Commission n’est pas tenue de communiquer au destinataire d’une décision d’inspection toutes les informations dont elle dispose à propos d’infractions présumées, ni de procéder à une qualification juridique rigoureuse de ces infractions, elle doit, en revanche, indiquer clairement les présomptions qu’elle entend vérifier (arrêt Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, point 34 supra, point 45).

38      Le juge de l’Union peut être amené à effectuer un contrôle d’une décision prise en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du règlement nº 1/2003 aux fins de s’assurer que celle-ci ne présente pas un caractère arbitraire, c’est-à-dire qu’elle n’a pas été adoptée en l’absence de toute circonstance de fait susceptible de justifier une inspection. Il convient en effet de rappeler que les inspections entreprises par la Commission visent à recueillir la documentation nécessaire pour vérifier la réalité et la portée d’une situation de fait et de droit déterminée à propos de laquelle la Commission dispose déjà d’informations. Dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit s’assurer de l’existence d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction aux règles de concurrence par l’entreprise concernée (voir arrêt Roquette Frères, point 35 supra, points 54 et 55, et la jurisprudence citée).

39      C’est au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’appliquer la jurisprudence du juge de l’Union selon laquelle, d’une part, la motivation d’une décision d’inspection ne doit pas comporter nécessairement une délimitation précise du marché en cause, à condition que cette décision contienne les éléments essentiels relevés au point 33 ci‑dessus (arrêt Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, point 34 supra, point 46) et, d’autre part, la Commission est toutefois tenue de faire apparaître dans cette décision une description des caractéristiques essentielles de l’infraction suspectée, en indiquant notamment le marché présumé en cause (arrêt du Tribunal du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T‑340/04, Rec. p. II‑573, point 52).

40      En effet, si, au stade de l’inspection, la Commission n’est pas tenue de délimiter avec précision le marché concerné par son enquête, elle doit en revanche préciser suffisamment les secteurs couverts par la prétendue infraction concernée par l’enquête, afin de permettre, d’une part, à l’entreprise en cause de limiter sa collaboration aux activités de cette entreprise relatives aux secteurs pour lesquels la Commission a des indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction aux règles de concurrence et justifiant une ingérence dans la sphère d’activité privée de cette entreprise et, d’autre part, au juge de l’Union de contrôler, le cas échéant, le caractère suffisant de ces indices à cet égard.

 Sur le premier grief, tiré de l’imprécision de la décision d’inspection quant à la délimitation des produits concernés et de la portée géographique de l’infraction suspectée

41      Comme il a été exposé aux points 3 et 5 ci‑dessus, la Commission a indiqué dans la décision d’inspection que l’objet de son enquête visait « la fourniture de câbles électriques et de matériel associé y compris, entre autres, les câbles électriques sous-marins de haute tension et, dans certains cas, les câbles électriques souterrains de haute tension ».

42      Tout d’abord, il ressort de la délimitation de l’objet de l’enquête visée au point précédent que la décision d’inspection portait sur l’ensemble des câbles électriques ainsi que sur l’ensemble du matériel associé à l’utilisation ou à l’installation de ces câbles. En effet, l’expression « y compris, entre autres » ainsi que l’expression « et, dans certains cas », utilisées par la Commission dans sa délimitation de l’objet de l’enquête, montrent que les câbles sous-marins de haute tension et les câbles souterrains de haute tension ne sont cités qu’à titre d’exemples d’une catégorie de produits plus large, comme la Commission l’a d’ailleurs confirmé dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 13 septembre 2011, ainsi que lors de l’audience.

43      L’expression « câbles électriques » pourrait correspondre à n’importe quelle sorte de câble utilisé dans la transmission du courant électrique. En outre, la décision d’inspection ne précise pas les produits pouvant relever de la catégorie de « matériel associé ». Comme les requérantes le font valoir, cette décision concerne donc un nombre très élevé de produits. Des produits aussi divers que les fils de téléphone, les câbles électriques de haute tension, les câbles de distribution d’électricité au sein des ménages ou le câblage pour des produits électroménagers pourraient être compris dans la catégorie générale de « câbles électriques ». En outre, des produits tels que les transformateurs, les commutateurs ou les compteurs électriques pourraient relever de la catégorie générale de matériel associé aux câbles électriques.

44      Ensuite, il y a lieu de constater que, comme les requérantes le font valoir, la Commission n’a pas délimité l’objet de son enquête d’un point de vue géographique.

45      Il ressort de ce qui précède que la motivation de la décision d’inspection pourrait en pratique englober l’ensemble des activités des requérantes ayant trait à des câbles de conduction électrique, même si ces activités pouvaient relever de secteurs et de marchés géographiques très différents.

46      Or, il y a lieu de relever que, en visant dans la décision d’inspection l’ensemble des câbles électriques et l’ensemble du matériel associé à ces câbles, et ce même si elle n’a pas fait mention de la portée géographique de son enquête, la Commission a satisfait à son obligation de circonscrire l’objet de celle-ci, contrairement à ce que les requérantes font valoir.

47      En effet, les formulations retenues à l’article 1er et dans la motivation de la décision d’inspection, même si elles auraient pu être tournées de manière moins ambiguë, ont permis aux requérantes de saisir la portée de leur devoir de collaboration. Les requérantes devaient comprendre que la décision d’inspection n’excluait ni les câbles électriques autres que ceux cités spécifiquement dans cette décision, ni aucun des marchés géographiques sur lesquels elles exerçaient leur activité. Les requérantes devaient également comprendre qu’elles étaient en principe tenues de fournir à la Commission toute information demandée relative à tous les câbles électriques et aux matériaux qui sont normalement commercialisés avec ces câbles ou destinés à un usage complémentaire. À la lecture de la décision d’inspection, les requérantes pouvaient conclure que toute opposition de leur part à ce que la Commission obtienne ou leur demande de produire des documents relatifs à ces produits pourrait être punie en vertu de l’article 23, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003.

48      La décision d’inspection délimite également un objet d’enquête à l’égard duquel le Tribunal peut contrôler, le cas échéant, le caractère suffisamment sérieux des indices dont la Commission disposait lors de l’adoption de cette décision pour justifier une ingérence dans la sphère d’activité privée des requérantes portant sur l’ensemble des activités de celles-ci.

49      La précision de la décision d’inspection quant à la délimitation des produits concernés par l’inspection ne saurait être mise en cause, contrairement à ce que les requérantes font valoir, au motif que, dans des décisions qu’elle a adoptées avant la décision d’inspection, et notamment dans sa décision du 19 juillet 2000, déclarant une concentration compatible avec le marché commun et avec le fonctionnement de l’accord EEE (affaire COMP/M.1882 – Pirelli/BICC) (JO 2003, L 70, p. 35), la Commission a distingué plusieurs marchés séparés parmi les produits concernés par l’enquête, à savoir le marché des câbles de très haute et de haute tension, d’une part, et le marché des câbles de basse et de moyenne tension, d’autre part. En effet, la Commission était tenue de définir précisément les marchés concernés par l’opération de concentration à l’origine de cette décision, adoptée en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CEE) nº 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1), tel que modifié à l’époque de l’adoption de ladite décision, dans la mesure où elle était tenue d’examiner conformément à cette disposition si l’opération en cause était susceptible de créer ou de renforcer une position dominante pouvant entraver de manière significative la concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci. En revanche, comme il a été indiqué au point 39 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue de délimiter avec précision le marché concerné par son enquête dans le cadre d’une décision prise en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du règlement nº 1/2003.

50      En outre, rien n’empêche de considérer qu’une seule infraction au droit de la concurrence ou que des infractions liées ne puissent provoquer des effets sur des marchés de produits distincts et faire l’objet, à tout le moins au stade de l’adoption d’une décision en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du règlement nº 1/2003, d’une même enquête de la Commission.

51      Enfin, la question de savoir si les inspecteurs ont procédé, comme le font valoir les requérantes, à une « expédition exploratoire » dépend du caractère suffisant des indices dont la Commission disposait lors de l’adoption de la décision d’inspection pour justifier une ingérence dans la sphère d’activité privée des requérantes relative à l’ensemble des câbles électriques et doit donc être examinée dans le cadre du troisième grief.

52      Il convient donc de rejeter le premier grief.

 Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission n’aurait pas satisfait à son obligation de préciser les indices qu’elle entendait vérifier

53      Les requérantes rappellent que, en vertu de la jurisprudence visée au point 37 ci‑dessus, il incombait à la Commission d’indiquer clairement dans la décision d’inspection les présomptions qu’elle entendait vérifier. Or, la Commission se serait contentée de faire référence à des « informations » en sa possession, empêchant ainsi les requérantes d’identifier le domaine dans lequel les inspecteurs allaient effectuer leurs recherches et d’exercer pleinement leurs droits de la défense.

54      La Commission soutient que ce grief n’est pas fondé.

55      À cet égard, il y a lieu de relever que, comme Commission le fait valoir à juste titre, elle a décrit dans la décision d’inspection la nature de l’infraction faisant l’objet de son enquête (des pratiques ayant pour objet la manipulation des procédures d’appel d’offres, la répartition des clients ainsi que l’échange illégal d’informations commercialement sensibles), les modalités suivant lesquelles cette infraction aurait été commise (réunions et contacts bilatéraux, notamment téléphoniques), la période de l’infraction (au moins à partir de 2001 et jusqu’à la date de l’inspection) et a même effectué une première évaluation de la gravité de l’infraction.

56      Il convient donc de considérer que la Commission a satisfait à son obligation, découlant de la jurisprudence visée au point 37 ci‑dessus, de préciser les présomptions qu’elle entendait vérifier. Par conséquent, le deuxième grief doit être rejeté.

 Sur le troisième grief, tiré de ce que la Commission ne disposait d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction aux règles de concurrence par les requérantes que dans le secteur des câbles électriques de haute tension

57      Dans la requête et la réplique, les requérantes font valoir en substance que l’adoption de la décision d’inspection a été arbitraire et que l’objet d’enquête délimité par la Commission dans cette décision comprenait des secteurs pour lesquels elle ne disposait pas d’informations précises justifiant de procéder à une inspection. Les requérantes en ont conclu que l’inspection pouvait être considérée comme une « expédition exploratoire », même si elles n’ont pas identifié les secteurs pour lesquels, selon elles, la Commission ne disposait pas d’informations précises.

58      Lors de l’audience, les requérantes ont précisé que la Commission disposait uniquement d’informations concernant un éventuel comportement anticoncurrentiel dans le secteur des câbles de haute tension.

59      La Commission soutient qu’elle disposait d’indices suffisamment sérieux pour ordonner une inspection portant sur l’ensemble des câbles électriques et sur le matériel associé à ces câbles.

60      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de relever que les facultés d’enquête de la Commission seraient dépourvues d’utilité si elle devait se limiter à demander la production de documents qu’elle serait à même d’identifier au préalable de façon précise. Un tel droit implique, au contraire, la faculté de rechercher des éléments d’information divers qui ne sont pas encore connus ou pleinement identifiés. Sans une telle faculté, il serait impossible à la Commission de recueillir les éléments d’information nécessaires à l’inspection au cas où elle se heurterait à un refus de collaboration ou encore à une attitude d’obstruction de la part des entreprises concernées (arrêt Hoechst/Commission, point 36 supra, point 27 ; arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Ventouris/Commission, T‑59/99, Rec. p. II‑5257, point 122).

61      En second lieu, l’exercice de cette faculté de rechercher des éléments d’information divers qui ne sont pas encore connus ou pleinement identifiés permet à la Commission d’examiner certains documents de nature professionnelle de l’entreprise destinataire d’une décision prise au titre de l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, alors même qu’elle ignore s’ils relèvent des activités visées par cette décision, afin de vérifier si tel est le cas et d’éviter que l’entreprise en cause ne cache à la Commission des éléments de preuve pertinents pour l’enquête sous prétexte qu’ils ne sont pas couverts par l’objet de celle-ci.

62      Néanmoins, en dépit de ce qui précède, lorsqu’elle effectue une inspection dans les locaux d’une entreprise en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, la Commission est tenue de limiter ses recherches aux activités de cette entreprise relatives aux secteurs indiqués dans la décision ordonnant l’inspection et, donc, une fois qu’elle a constaté, après examen, qu’un document ou une information ne relevait pas de ces activités, de s’abstenir de l’utiliser aux fins de son enquête.

63      En effet, si la Commission n’était pas soumise à cette limitation, tout d’abord, elle aurait en pratique la possibilité, à chaque fois qu’elle est en possession d’un indice lui permettant de soupçonner qu’une entreprise a commis une infraction aux règles de la concurrence dans un domaine précis de ses activités, d’effectuer une inspection portant sur l’ensemble de celles-ci et ayant pour but ultime de déceler l’existence de toute infraction auxdites règles ayant pu être commise par cette entreprise, ce qui est incompatible avec la protection de la sphère d’activité privée des personnes juridiques garantie en tant que droit fondamental dans une société démocratique.

64      Ensuite, l’obligation de la Commission d’indiquer le but et l’objet de l’inspection dans les décisions prises au titre de l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 aurait une finalité purement formelle si elle était définie de la manière suggérée par la Commission. La jurisprudence selon laquelle cette obligation a notamment pour but de permettre aux entreprises concernées de saisir la portée de leur devoir de collaboration serait méconnue, dans la mesure où cette obligation s’étendrait systématiquement à l’ensemble des activités des entreprises en cause.

65      Il convient donc de considérer que, en l’espèce, la Commission était dans l’obligation de disposer d’indices suffisamment sérieux justifiant la réalisation d’une inspection dans les locaux des requérantes et portant sur l’ensemble des activités de celles-ci relatives aux câbles électriques et au matériel associé à ces câbles pour adopter la décision d’inspection.

66      Dans la requête et la réplique, les requérantes s’appuient sur deux indices pour étayer leur affirmation selon laquelle l’objet de l’enquête délimité par la Commission dans la décision d’inspection comprenait des secteurs pour lesquels elle ne disposait pas d’informations précises, à savoir le comportement des inspecteurs au cours de l’inspection et l’existence de différences très importantes entre les divers produits couverts par la décision d’inspection. En effet, la Commission se serait intéressée à certains employés travaillant dans des secteurs précis et l’objet de l’enquête délimité par la Commission engloberait des produits tellement divers qu’il ne serait pas raisonnable de considérer qu’ils puissent faire l’objet d’une même enquête.

67      Il convient de noter que, au jour du dépôt de la requête au greffe du Tribunal, les requérantes n’avaient pas eu accès aux indices dont la Commission disposait lors de l’adoption de la décision d’inspection et sur lesquels reposaient ses soupçons. En outre, la Commission n’était pas tenue de lui transmettre ces indices (voir, en ce sens, arrêt Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, point 34 supra, points 45 et 51).

68      Dans ces circonstances, il ne saurait être exigé des requérantes qu’elles fournissent, en plus des indices visés au point 66 ci‑dessous, des éléments de preuve à l’appui de leur affirmation selon laquelle la Commission ne disposait pas d’informations concernant un éventuel comportement anticoncurrentiel dans tous les secteurs couverts par la décision d’inspection.

69      En effet, une telle exigence aurait pour conséquence pratique qu’une entreprise destinataire d’une décision prise au titre de l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 ne serait pas en mesure de mettre en cause le caractère suffisamment sérieux des indices dont la Commission disposait pour adopter cette décision, ce qui empêcherait le Tribunal de contrôler que ladite décision n’est pas de nature arbitraire.

70      Il y a donc lieu de conclure que, à tout le moins lorsque les entreprises destinataires d’une décision prise au titre de l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 présentent, comme en l’espèce, certains éléments mettant en doute le caractère suffisamment sérieux des indices dont la Commission disposait pour adopter une telle décision, le juge de l’Union doit examiner ces indices et contrôler leur caractère suffisamment sérieux.

71      Dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 13 septembre 2011, la Commission a fait connaître au Tribunal les indices dont elle disposait avant l’adoption de la décision d’inspection qui, selon elle, justifiaient d’ordonner une inspection dans les locaux des requérantes portant sur l’ensemble des câbles électriques.

72      À cet égard, la Commission a, tout d’abord, indiqué qu’un concurrent des requérantes (ci‑après le « demandeur de mesures de clémence ») l’avait informée oralement le 21 novembre 2008, dans le cadre du programme de clémence mis en place par la communication de la Commission du 8 décembre 2006 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 298, p. 17), de l’existence d’une entente portant sur les câbles de haute tension souterrains et sous-marins dont les requérantes feraient partie (ci‑après l’« entente suspectée »), ainsi que de l’existence d’un « accord [confidentiel] (1) portant sur des contrats relatifs aux câbles électriques de moyenne tension ». Ce dernier accord, dit [confidentiel], aurait été notifié le [confidentiel] au Bundeskartellamt (office fédéral des ententes allemand). Enfin, le [confidentiel] aurait remplacé un « accord [confidentiel] » antérieur, dénommé [confidentiel], notifié en [confidentiel] au Bundeskartellamt.

73      La Commission a annexé à sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 13 septembre 2011 une copie de deux versions des années [confidentiel], de l’[confidentiel] ainsi qu’une copie du [confidentiel].

74      La Commission a, ensuite, fait observer que l’inspection ne pouvait pas se limiter aux câbles de haute tension dans la mesure où :

–        le [confidentiel] portait sur des câbles électriques de moyenne tension [confidentiel] et l’[confidentiel] portait sur des câbles destinés à des tensions pouvant descendre jusqu’à [confidentiel] ;

–        le demandeur de mesures de clémence [confidentiel] n’était plus à même de vérifier [confidentiel] si un comportement collusoire s’était produit [confidentiel] se rapportant aux câbles de moyenne tension ;

–        de précédentes enquêtes menées par la Commission en matière de contrôle des concentrations avaient confirmé l’absence de différenciation claire et définitive entre les câbles électriques de haute, de moyenne et de basse tension [décision de la Commission du 19 juillet 2000 (affaire COMP/M.1882 – Pirelli/BICC), considérants 14 à 32 (voir point 49 ci-dessus) ; décision de la Commission du 5 juillet 2005 (affaire COMP/M.3836 – Goldman Sachs/Pirelli Cavi e Sistemi Energia/Pirelli Cavi e Sistemi Telecom), paragraphes 12 et 13 ; décision de la Commission du 6 janvier 2006 (affaire COMP/M.4050 – Goldman Sachs/Cinven/Ahlsell)].

75      Lors de l’audience, la Commission a complété sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 13 septembre 2011 sur ce point. Elle a affirmé que, selon les informations lui ayant été transmises le 21 novembre 2008 par le demandeur de mesures de clémence, l’entente suspectée avait existé au moins depuis 2001 et avait été organisée dans le prolongement de l’[confidentiel]. Par ailleurs, le demandeur de mesures de clémence l’aurait informée qu’il ne pouvait pas garantir que ladite entente ne concernait pas des câbles autres que les câbles souterrains et sous-marins de haute tension, [confidentiel]. Dans ces circonstances, elle aurait pu soupçonner l’existence d’une infraction à l’article 81 CE concernant tous les câbles électriques.

76      Toujours au cours de l’audience, les requérantes ont indiqué que, après le dépôt de la réplique, elles avaient eu accès au dossier administratif de la Commission, dont font partie l’[confidentiel], le [confidentiel] et la déclaration orale du demandeur de mesures de clémence du 21 novembre 2008, et ont affirmé que la Commission ne pouvait pas soupçonner sur la base de ces documents que l’entente suspectée concernait l’ensemble des câbles électriques. En effet, d’une part, ces documents étaient très anciens et concernaient des accords [confidentiel] notifiés à une autorité de la concurrence et autorisés par celle-ci. D’autre part, le demandeur de mesures de clémence aurait précisé qu’il ne connaissait l’existence d’aucune infraction au droit de la concurrence concernant des câbles de basse ou de moyenne tension.

77      Le Tribunal a considéré comme nécessaire de verser au dossier la déclaration du demandeur de mesures de clémence afin de pouvoir examiner le caractère suffisamment sérieux des indices dont la Commission disposait. Comme la Commission elle-même l’a suggéré dans le cadre de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 13 septembre 2011, une copie de cette déclaration lui a été demandée par la mesure d’instruction visée au point 16 ci‑dessus. Les observations que les parties ont présentées, après que les requérantes ont pu consulter au greffe du Tribunal cette déclaration, sur le caractère suffisamment sérieux des éléments dont la Commission disposait ne sont pas substantiellement différentes de celles qu’elles avaient présentées lors de l’audience.

78      Enfin, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 21 décembre 2011, le Tribunal a demandé à la Commission d’identifier les passages des versions de l’[confidentiel] et du [confidentiel] qu’elle avait communiquées au Tribunal qui, seuls ou associés à la déclaration orale du 21 novembre 2008 du demandeur de mesures de clémence, étaient à l’origine de ses soupçons portant sur l’ensemble des câbles électriques avant l’adoption de la décision d’inspection.

79      Tout d’abord, il convient de relever que les passages identifiés par la Commission en réponse à cette demande, lus à la lumière des versions de l’[confidentiel] et du [confidentiel] versées au dossier ainsi que des observations que la Commission a présentées sur ces accords, montrent que [confidentiel] plusieurs producteurs communautaires étaient parvenus à des accords, notifiés au Bundeskartellamt, concernant la commercialisation en dehors du marché commun d’une grande variété de câbles électriques de haute, de moyenne et de basse tension.

80      Ces accords étaient, [confidentiel].

81      Comme la Commission le fait valoir en substance, l’[confidentiel] et le [confidentiel], seuls accords parmi les accords en cause qui n’étaient pas circonscrits aux câbles sous-marins ou souterrains de haute tension, étaient des accords prévoyant [confidentiel]. [confidentiel]

82      Toutefois, l’existence de l’[confidentiel] et du [confidentiel], qui sont des accords anciens, publics, notifiés à l’autorité de concurrence d’un État membre et, en principe, compatibles avec les règles de la concurrence de l’Union, ne constitue pas en soi un indice suffisamment sérieux du fait que certains des signataires de ces accords sont parvenus postérieurement avec d’autres producteurs à des accords secrets contraires auxdites règles et portant sur les mêmes produits.

83      À cet égard, il y a lieu de noter qu’aucun élément du dossier ne permet de rattacher l’entente suspectée à l’[confidentiel] ou au [confidentiel], contrairement à ce que la Commission a fait valoir lors de l’audience. Il ne ressort pas non plus des documents que la Commission a fournis au Tribunal que l’entente suspectée ait été organisée dans le prolongement de ces accords.

84      En revanche, premièrement, il ressort du dossier, [confidentiel].

85      Deuxièmement, [confidentiel] le demandeur de mesures de clémence [confidentiel] avait clairement indiqué dans sa déclaration du 21 novembre 2008 [confidentiel].

86      Troisièmement, il ressort du dossier [confidentiel].

87      Ensuite, il y a lieu de relever que, parmi les décisions en matière de contrôle de concentrations qui, selon la Commission, montrent qu’il n’existe pas une différenciation claire entre les câbles électriques en fonction de leur tension, figure la décision Pirelli/BICC (voir point 49 ci-dessus). Or, au considérant 32 de cette décision, la Commission a conclu, contrairement à ce qu’elle a affirmé dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 20 septembre 2011, ce qui suit :

« [L]a production et la vente de câbles électriques [de basse et de moyenne tension], d’une part, et de câbles électriques [de haute et de très haute tension], d’autre part, constituent des marchés distincts. Premièrement, il n’existe aucune substituabilité sur le plan de la demande entre ces produits. Deuxièmement, les coûts et les délais impliqués par le passage de la production de tensions basses à des tensions plus élevées sont importants. Troisièmement, la substituabilité limitée sur le plan de l’offre ne contrebalance pas les effets de l’absence de substituabilité sur le plan de la demande […] Enfin, il est nécessaire d’opérer une distinction entre les gammes [de basse et de moyenne tension], d’une part, et les niveaux de tension plus élevée [(haute et très haute tension)], d’autre part, en raison des conditions de concurrence différentes qui régissent l’offre et la demande de ces produits. La Commission estime toutefois qu’il n’existe pas de preuves suffisantes pour affirmer que les câbles électriques à huile fluide très haute tension constituent un marché de produits distinct de celui des câbles [de très haute tension] fabriqués avec d’autres techniques (essentiellement par [extrusion de polyéthylène réticulé]), étant donné que tous les producteurs et une grande majorité des clients européens estiment que ces types de câbles sont substituables. »

88      Il ressort donc de cette décision que, contrairement à ce qu’elle a fait valoir dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 13 septembre 2011, la Commission était parvenue à la conclusion, avant l’adoption de la décision d’inspection, qu’il existait des différences significatives entre les câbles de haute, de moyenne et de basse tension.

89      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas démontré qu’elle disposait d’indices suffisamment sérieux pour ordonner une inspection portant sur l’ensemble des câbles électriques et le matériel associé à ces câbles.

90      En revanche, il y a lieu de considérer que la Commission disposait, avant l’adoption de la décision d’inspection, d’indices suffisamment sérieux pour ordonner une inspection portant sur les câbles électriques sous-marins et souterrains de haute tension et sur le matériel associé à ces câbles.

91      Il convient donc d’accueillir le présent grief dans la mesure où il vise les câbles électriques autres que les câbles sous-marins et souterrains de haute tension ainsi que le matériel associé à ces autres câbles. Il doit être rejeté pour le surplus.

92      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la demande d’annulation de la décision d’inspection, dans la mesure où elle vise les câbles électriques autres que les câbles sous-marins et souterrains de haute tension ainsi que le matériel associé à ces autres câbles et de la rejeter pour le surplus.

 Sur la recevabilité de la demande d’annulation de l’acte litigieux

93      Selon une jurisprudence constante, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (arrêts de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑10/92 à T‑12/92 et T‑15/92, Rec. p. II‑2667, point 28).

94      En principe, les mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale ne constituent donc pas des actes attaquables. Il ressort toutefois de la jurisprudence que les actes pris au cours de la procédure préparatoire qui constituent en eux-mêmes le terme ultime d’une procédure spéciale distincte de celle qui doit permettre à la Commission de statuer sur le fond et qui produisent des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci constituent également des actes attaquables (arrêt IBM/Commission, point 93 supra, points 10 et 11, et arrêt du Tribunal du 7 juin 2006, Österreichische Postsparkasse et Bank für Arbeit und Wirtschaft/Commission, T‑213/01 et T‑214/01, Rec. p. II‑1601, point 65).

95      La Commission soutient que la demande d’annulation de l’acte litigieux est irrecevable. Il s’agirait d’un acte d’exécution de la décision d’inspection qui ne modifierait pas de façon caractérisée la situation juridique des requérantes.

96      Les requérantes font valoir que l’acte litigieux est une décision autonome, prise de façon tacite et susceptible d’affecter irréversiblement leur droit à ce que l’inspection soit effectuée, conformément aux règles prévues dans le règlement nº 1/2003, dans leurs locaux, dans un laps de temps déterminé et permettant l’obtention des seuls documents pertinents pour l’enquête.

97      Tout d’abord, il convient de relever que l’acte litigieux est une mesure intermédiaire dont le seul objectif est de préparer l’adoption par la Commission d’une décision finale en application de l’article 81, paragraphe 1, CE. En vertu de cet acte, la Commission a copié certains fichiers informatiques qui avaient été trouvés au cours de l’inspection afin de vérifier la réalité et la portée d’une situation de fait et de droit à propos de laquelle elle disposait déjà d’informations, à savoir l’entente suspectée, en vue de préparer, le cas échéant, une décision finale relative à cette situation.

98      Ensuite, il ressort de l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement nº 1/2003 que la prise sous quelque forme que ce soit de copies ou d’extraits de tout document professionnel, quel qu’en soit le support, de l’entreprise concernée par une inspection ordonnée en application de l’article 20, paragraphe 4, du même règlement constitue une mesure d’exécution de la décision en vertu de laquelle l’inspection a été ordonnée. La décision d’inspection elle-même prévoyait que les requérantes devaient autoriser les inspecteurs à copier ces documents professionnels (voir point 3 ci‑dessus).

99      Toute inspection ordonnée en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du règlement nº 1/2003 implique une sélection de documents à examiner et, le cas échéant, à copier. Or, c’est en vertu de la décision ordonnant l’inspection que ces entreprises sont tenues d’autoriser la Commission à copier les documents en cause et non en vertu d’un autre acte distinct adopté au cours de l’inspection.

100    La comparaison de l’article 18, paragraphe 3, et de l’article 20, paragraphe 2, sous c) et e), du règlement nº 1/2003 permet également de considérer que la copie de documents effectuée au cours des inspections constitue une mesure d’exécution des décisions ordonnant une inspection.

101    En effet, il est prévu à l’article 18, paragraphe 3, du règlement nº 1/2003 que les demandes de renseignements adressées aux entreprises au titre de cette disposition peuvent faire l’objet d’un recours autonome. En revanche, rien n’est indiqué dans le règlement nº 1/2003 à l’égard des explications demandées au cours des inspections et de la copie de documents effectuée lors de celles-ci.

102    Il convient donc de considérer que la copie de chaque document intervenue au cours d’une inspection ne peut pas être considérée comme un acte détachable de la décision en vertu de laquelle l’inspection a été ordonnée, mais comme une mesure d’exécution de cette décision.

103    Enfin, il y a lieu de souligner que la Commission ne pourrait pas sanctionner les requérantes, au motif qu’elles auraient refusé de lui permettre de copier les documents en cause, sans adopter une décision au titre de l’article 23, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 1/2003. Cette décision, distincte de la décision d’inspection ainsi que de la décision finale adoptée en application de l’article 81, paragraphe 1, CE, pourrait faire l’objet d’un recours dans le cadre duquel le Tribunal serait amené à examiner si la copie des documents concernés en application de l’acte litigieux a été illégalement effectuée, comme les requérantes l’affirment.

104    Pour étayer leur thèse selon laquelle l’acte litigieux produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter leurs intérêts en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique, les requérantes invoquent l’arrêt de la Cour du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission (155/79, Rec. p. 1575), et l’arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (T‑125/03 et T‑253/03, Rec. p. II‑3523).

105    À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts visés au point précédent avaient fait valoir devant la Commission que certains documents que cette dernière leur avait demandé de produire au cours d’une vérification ordonnée en vertu du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), ou à la suite de celle-ci, étaient couverts par la protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients. C’est dans ce contexte que le juge a considéré que la décision par laquelle la Commission rejetait la demande de protection des documents en cause produisait des effets juridiques à l’égard des entreprises concernées, dans la mesure où elle refusait le bénéfice d’une protection prévue par le droit communautaire et revêtait un caractère définitif et indépendant de la décision finale constatant une infraction aux règles de concurrence (arrêt Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, point 104 supra, point 46 ; voir également, en ce sens, arrêt AM & S Europe/Commission, point 104 supra, points 27 et 29 à 32).

106    Or, les requérantes n’ont pas fait valoir lors de l’adoption de l’acte litigieux que les documents copiés par la Commission en vertu de cet acte bénéficiaient d’une protection prévue par le droit de l’Union semblable à celle conférée à la confidentialité des communications entre avocats et clients. Lorsque la Commission a décidé de copier ces documents, elle n’a donc pas adopté une décision refusant aux requérantes le bénéfice de cette protection.

107    En effet, il y a lieu de rappeler que les requérantes ont conservé les originaux des documents copiés pendant l’inspection, soit en format papier, soit en format électronique, et sont en mesure de connaître la nature et le contenu de ces documents. Malgré cela, les requérantes n’ont pas identifié des documents précis ou des parties de documents qui bénéficieraient d’une protection prévue par le droit de l’Union. Les requérantes se limitent à soutenir que la Commission n’avait pas le droit de copier ces documents pour les examiner ultérieurement dans ses bureaux. Selon les requérantes, ils auraient dû être examinés dans leurs locaux, la Commission ne pouvant prendre une copie que de ceux pertinents pour l’enquête. Il y a donc lieu de considérer que les requérantes ne reprochent pas à la Commission d’avoir consulté ou copié certains documents précis protégés, mais de les avoir examinés dans ses propres bureaux à Bruxelles plutôt que dans leurs locaux et de les avoir conservés jusqu’au moment de l’examen.

108    Il ressort de ce qui précède que l’acte litigieux ne peut pas être considéré comme un acte attaquable. La légalité de cet acte pourrait uniquement être examinée, outre dans le cadre d’un recours en annulation formé contre la décision d’imposer une sanction visée au point 103 ci‑dessus, dans le cadre d’un recours formé, le cas échéant, contre la décision finale adoptée par la Commission en application de l’article 81, paragraphe 1, CE. En effet, le contrôle juridictionnel sur les conditions dans lesquelles une inspection a été conduite relève d’un recours en annulation formé, le cas échéant, contre la décision finale adoptée par la Commission en application de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, points 413 et 414).

109    Par ailleurs, si les requérantes estiment que l’acte litigieux est illégal et qu’il leur a causé un préjudice de nature à engager la responsabilité de l’Union, elles peuvent introduire à l’encontre de la Commission un recours en responsabilité non contractuelle. Un tel recours ne relève pas du système de contrôle de la validité des actes de l’Union ayant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, mais est disponible lorsqu’une partie a subi un préjudice du fait d’un comportement illégal d’une institution (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, Rec. p. I‑7795, points 82 et 83).

110    La demande d’annulation de l’acte litigieux doit donc être déclarée irrecevable.

 Sur les troisième à cinquième chefs de conclusions

111    Comme il a été indiqué au point 24 ci‑dessus, par leurs troisième à cinquième chefs de conclusions, les requérantes demandent soit que le Tribunal effectue une déclaration, soit qu’il ordonne des mesures à l’encontre de la Commission. Or, ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, le Tribunal n’est pas compétent, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 230 CE, pour prononcer des arrêts déclaratoires (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 9 décembre 2003, Italie/Commission, C‑224/03, Rec. p. I‑14751, points 20 à 22) ou des injonctions, même si celles-ci ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts (ordonnance de la Cour du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/94 P, Rec. p. I‑3709, point 24). Les troisième à cinquième chefs de conclusions de la requérante doivent donc être déclarés manifestement irrecevables (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, Rec. p. II‑145, point 23).

112    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la décision d’inspection doit être annulée pour autant qu’elle concerne les câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains de haute tension ainsi que le matériel associé à ces autres câbles. Le recours doit être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs ou pour des motifs exceptionnels.

114    Les requérantes ayant succombé en l’essentiel de leurs conclusions, il y a lieu de décider que les requérantes supporteront, outre leurs propres dépens, la moitié des dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2009) 92/2 de la Commission, du 9 janvier 2009, ordonnant à Prysmian SpA et à toutes les entreprises directement ou indirectement contrôlées par elle, y compris Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl, de se soumettre à une inspection, en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE], est annulée pour autant qu’elle concerne des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains de haute tension et le matériel associé à ces autres câbles.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia supporteront leurs propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par la Commission européenne.

4)      La Commission supportera la moitié des ses propres dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 novembre 2012.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la demande d’annulation de la décision d’inspection

Observations liminaires

Sur le premier grief, tiré de l’imprécision de la décision d’inspection quant à la délimitation des produits concernés et de la portée géographique de l’infraction suspectée

Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission n’aurait pas satisfait à son obligation de préciser les indices qu’elle entendait vérifier

Sur le troisième grief, tiré de ce que la Commission ne disposait d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction aux règles de concurrence par les requérantes que dans le secteur des câbles électriques de haute tension

Sur la recevabilité de la demande d’annulation de l’acte litigieux

Sur les troisième à cinquième chefs de conclusions

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.


1 – Données confidentielles occultées.