Language of document : ECLI:EU:T:2007:57

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL

26 février 2007 (*)

« Intervention – Admission – Association représentative ayant pour objet la protection de ses membres »

Dans l’affaire T‑125/03,

Akzo Nobel Chemicals Ltd, établie à Surrey (Royaume-Uni),

Akcros Chemicals Ltd, établie à Surrey,

représentées par Mes C. Swaak et M. Mollica, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

Conseil des barreaux européens (CCBE), établi à Bruxelles (Belgique), représenté par M. J. Flynn, QC,

par

Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten, établi à La Haye (Pays-Bas), représenté par Me O. Brouwer, avocat,

et par

Association européenne des juristes d’entreprise (AEJE), établie à Bruxelles, représentée par Mes M. Dolmans, K. Nordlander, avocats, et M. J. Temple Lang, solicitor,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. R. Wainwright et Mme C. Ingen-Housz, puis par MM. Wainwright et F. Castillo de la Torre, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en intervention introduite par l’International Bar      Association au soutien des conclusions des requérantes dans la présente affaire, laquelle a pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission C (2003) 559/4, du 10 février 2003, et, en tant que de besoin, de la décision de la Commission C (2003) 85/4, du 30 janvier 2003, obligeant les requérantes et leurs filiales respectives à se soumettre à une vérification, dans la mesure où ces décisions ont été interprétées par la Commission comme légitimant et constituant la base de sa démarche de saisir, de contrôler et/ou de lire des documents prétendument couverts par le secret professionnel protégeant les communications avec des avocats (legal professional privilege), et, d’autre part, une demande visant à ordonner à la Commission la substitution de ces documents ainsi que l’interdiction pour celle-ci d’en utiliser le contenu,

LE PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le 30 janvier 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 85/4 sur le fondement de l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), ordonnant à Akzo Nobel Chemicals Ltd et à Akcros Chemicals Ltd (ci-après les « requérantes ») et à leurs filiales respectives de se soumettre à une vérification visant à rechercher les preuves d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles (ci-après la « décision du 30 janvier 2003 »). Le 10 février 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 559/4, également sur le fondement de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 (ci-après la « décision du 10 février 2003 »), portant modification de la décision du 30 janvier 2003.

2        Les 12 et 13 février 2003, des vérifications sur place ont été effectuées, sur le fondement desdites décisions, dans les locaux des requérantes situés à Eccles, Manchester (Royaume-Uni). Durant cette vérification, les agents de la Commission ont pris copie d’un nombre important de documents. Au cours de ces opérations, les représentants des requérantes ont indiqué aux agents de la Commission que certains documents étaient susceptibles d’être couverts par le secret professionnel protégeant les communications avec des avocats. Durant l’examen des documents en cause, un différend est survenu à propos de cinq documents, qui ont fait l’objet de deux types de traitement. En effet, les agents de la Commission ne sont pas parvenus sur-le-champ à une conclusion définitive quant à la protection dont deux documents devaient éventuellement bénéficier. Ils en ont donc pris copies et les ont placées dans une enveloppe scellée, qu’ils ont emportée au terme de leur vérification. Quant aux trois autres documents controversés, l’agent de la Commission responsable de la vérification a considéré qu’ils n’étaient pas protégés par le secret professionnel, en a, en conséquence, pris copie et les a joints au reste du dossier, sans les isoler dans une enveloppe scellée.

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2003, les requérantes ont introduit un recours ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du 10 février 2003 et, en tant que de besoin, de la décision du 30 janvier 2003, obligeant ces sociétés et leurs filiales respectives à se soumettre à la vérification en cause. En substance, les requérantes demandent au Tribunal, d’une part, d’annuler ces décisions dans la mesure où elles ont été interprétées par la Commission comme légitimant et constituant la base de sa démarche de saisir, de contrôler et/ou de lire des documents couverts par le secret professionnel protégeant les communications avec des avocats, et, d’autre part, d’ordonner à la Commission la restitution de ces documents ainsi que de lui interdire d’en utiliser le contenu.

4        Le 8 mai 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 1533 final sur la base de l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 17, rejetant la demande des requérantes de voir respectée la confidentialité des documents controversés. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2003, les requérantes ont introduit un recours visant à l’annulation de cette décision (affaire T-253/03, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission).

5        Par demandes déposées, respectivement, les 30 juillet, 7 et 11 août 2003, le Conseil des barreaux européens (CCBE), l’Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten (ci-après l’« ordre néerlandais des avocats ») et l’Association européenne des juristes d’entreprise (AEJE) ont demandé à intervenir à l’appui des conclusions des parties requérantes. Par la même ordonnance du président de la cinquième chambre du 4 novembre 2003, le CCBE, l’ordre néerlandais des avocats et l’AEJE ont été admis à intervenir.

6        Par demande déposée le 25 novembre 2003, la Section on Business Law de l’International Bar Association a demandé à intervenir à l’appui des conclusions des parties requérantes. Par ordonnance du 28 mai 2004, le Tribunal a rejeté cette demande en intervention.

7        Le 20 février 2006, l’International Bar Association (ci-après l’« IBA »), représentée par Me J. Buhart, avocat, a déposé une demande en intervention au soutien des conclusions des requérantes.

8        Dans sa demande en intervention, l’IBA fait valoir qu’elle a un intérêt direct et spécifique dans la présente affaire et qu’elle remplit les conditions fixées par la jurisprudence concernant les demandes en intervention émanant d’associations. En premier lieu, l’IBA fait remarquer qu’elle est une association internationale, dotée de la personnalité juridique et représentative d’un nombre important d’opérateurs actifs dans le secteur concerné. Elle constituerait en fait l’association la plus importante au monde représentant la profession juridique. En deuxième lieu, l’IBA fait valoir que ses objectifs comprennent la protection, la défense et la représentation des intérêts de ses membres – dont le principe du secret professionnel des communications de ceux-ci –, si nécessaire devant une juridiction, en vue notamment de garantir que ses membres puissent exercer leur profession librement et sans entrave. En troisième lieu, l’IBA fait remarquer que la présente affaire soulève des questions fondamentales concernant le principe du secret professionnel et signale que le point de vue que le Tribunal peut adopter sur lesdites questions affectera indubitablement ses membres à tous les niveaux − membres individuels, barreaux et associations de juristes d’entreprises –.

9        La demande en intervention a été signifiée aux parties, conformément à l’article 116, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal.

10      Par acte du 11 avril 2006, les requérantes ont fait valoir que l’IBA avait démontré qu’elle avait un intérêt quant au résultat de la présente affaire et ont invité le Tribunal à déclarer recevable sa demande en intervention. Par acte séparé déposé le même jour, les requérantes ont introduit une demande de traitement confidentiel à l’égard de l’IBA.

11      Par acte du 29 mars 2006, la Commission a demandé au Tribunal de rejeter la demande d’intervention de l’IBA. Elle soutient notamment que l’objet de l’IBA, tel que défini par l’article 1er de ses statuts, n’englobe ni la protection des intérêts de ses membres ni leur représentation, l’objectif de cette association consistant simplement à « aider » ses membres et à « promouvoir » l’état de droit et l’exercice de la justice. Or, la jurisprudence attacherait la plus grande importance au fait que l’objet de l’association soit clairement formulé dans les statuts de celle-ci (ordonnance du Tribunal du 28 mai 2004, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, T‑253/03, Rec. p. II‑1603, point 20, rejetant la demande d’intervention de la Section on Business Law of the International Bar Association, point 20). La Commission fait par ailleurs remarquer que le Tribunal semble établir une nette distinction entre la « promotion » et la « représentation et la protection » par une association des intérêts de ses membres. Une association visant la promotion des intérêts généraux et collectifs d’une profession n’aurait pas un intérêt suffisant pour être admise comme intervenante (ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 25 juin 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, non publiée au Recueil, point 28).

12      Par actes des 7 et 10 avril 2006, respectivement, le CCBE et l’Ordre néerlandais des avocats se sont manifestés en faveur de la demande en intervention de l’IBA. L’autre partie intervenante n’a pas soulevé d’objection à l’encontre de cette demande en intervention.

 Appréciation du Tribunal

13      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de celui-ci, le droit d’intervenir dans les litiges soumis au Tribunal appartient, non seulement aux États membres et aux institutions de la Communauté, mais également à toute personne justifiant d’un intérêt à la solution du litige.

14      Selon une jurisprudence constante, est admise l’intervention d’associations représentatives qui ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers (ordonnances du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen, C‑151/97 P(I) et C‑157/97 P(I), Rec. p. I‑3491, point 66, et du 28 septembre 1998, Pharos/Commission, C‑151/98 P, Rec. p. I‑5441, point 6). Plus particulièrement, une association peut être admise à intervenir dans une affaire si elle est représentative d’un nombre important d’opérateurs actifs dans le secteur concerné, ses objets incluent celui de la protection des intérêts de ses membres, l’affaire peut soulever des questions de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné et, donc, les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 8 décembre 1993, Kruidvat/Commission, T‑87/92, Rec. p. II‑1375, point 14, rejetant la demande en intervention d’Yves Saint Laurent Parfums SA, et ordonnance Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, précitée, point 18).

15      En l’espèce, il y a lieu de constater, en premier lieu, que l’IBA est une organisation représentative d’un nombre important d’opérateurs actifs dans le secteur concerné par la présente affaire. En effet, ses membres comprennent plus de 20 000 juristes individuels – dont environ 3 000 juristes d’entreprise –, ainsi que 195 barreaux et de nombreuses associations de juristes d’entreprises – dont l’Institut des juristes d’entreprise.

16      En deuxième lieu, il ressort des statuts de l’IBA que les objectifs de cette association incluent celui de la protection des intérêts de ses membres. Ainsi, aux termes de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, des statuts de l’IBA, celle-ci a notamment pour objectif d’aider les associations des barreaux et Law societies et ses membres juristes à développer et à améliorer l’organisation et le statut de la profession, ainsi que d’aider ses membres juristes partout dans le monde, dans le domaine de l’éducation juridique ou ailleurs, à développer et à améliorer les services juridiques rendus au public. Or, contrairement à ce que soutient la Commission, cette référence à ce que l’objectif de l’IBA est notamment d’« aider » ses membres doit être comprise en ce que l’un des buts de cette association est la protection des intérêts de ses membres. Ainsi, les prévisions des dispositions statutaires en cause vont au-delà de la simple promotion des intérêts généraux et collectifs d’une profession, au sens de l’ordonnance Pfizer Animal Health/Conseil, précitée. En effet, les statuts de l’IBA visent des questions susceptibles d’affecter directement des intérêts concrets de ses membres, tels que l’organisation et le statut de la profession d’avocat et la prestation des services juridiques.

17      Enfin, en troisième lieu, eu égard au fait que l’affaire en cause soulève des questions fondamentales concernant la confidentialité des communications entre un avocat et son client, il y a lieu de considérer que l’arrêt à intervenir peut affecter dans une mesure importante tant le fonctionnement du secteur concerné que les intérêts des membres de l’IBA.

18      Il ressort de ce qui précède que l’IBA a justifié de son intérêt à la solution du litige et qu’il y a donc lieu de l’admettre à intervenir, conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour. Sa demande en intervention ayant été présentée après l’expiration du délai de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure, l’intervention de l’IBA devra se limiter à présenter des observations lors de la procédure orale, en vertu de l’article 116, paragraphe 6, dudit règlement. De ce fait, l’IBA ne pourra obtenir communication, le moment venu, que du seul rapport d’audience qui sera rédigé dans la présente affaire. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la demande de traitement confidentiel introduite par les requérantes à l’égard de l’IBA.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      L’International Bar Association est admise à intervenir dans l’affaire T‑125/03 au soutien des conclusions des parties requérantes. Conformément aux dispositions de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, le greffier lui communiquera en temps utile le rapport d’audience en vue de la présentation de ses observations éventuelles lors de la procédure orale.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. D. Cooke


* Langue de procédure : l’anglais.