Language of document : ECLI:EU:C:2007:388

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN Mazák

présentées le 28 juin 2007 (1)

Affaire C‑132/05

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d’Allemagne

«Appellations d’origine – Fromage – ‘Parmigiano Reggiano’ –Utilisation de la dénomination ‘Parmesan’ – Défaut d’un État membre d’agir d’office pour sauvegarder une appellation d’origine protégée»






1.        Dans cette affaire, la Commission des Communautés européennes demande à faire constater en vertu de l’article 226 CE que, en refusant formellement de sanctionner, sur son territoire, la commercialisation de fromages sous l’appellation «Parmesan», alors que ceux-ci ne correspondent pas aux exigences du cahier des charges de l’appellation d’origine protégée (ci-après l’«AOP») «Parmigiano Reggiano», la République fédérale d’Allemagne viole l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (2) (ci-après le «règlement de base»).

2.        La question qui se pose est celle de savoir si la protection garantie par l’AOP enregistrée «Parmigiano Reggiano» s’étend également au terme allemand «Parmesan». Cette question est au centre du présent recours en manquement diligenté par la Commission contre la République fédérale d’Allemagne.

3.        La présente affaire soulève également la question des mesures que les États membres sont tenus d’adopter pour mettre en œuvre la protection fournie par le règlement de base. À supposer que la protection garantie par l’AOP enregistrée «Parmigiano Reggiano» s’étende au terme allemand «Parmesan», il y a lieu de savoir si un État membre est tenu de poursuivre d’office un manquement au règlement de base tel que la commercialisation sous l’appellation «Parmesan» de fromages non conformes au cahier des charges de la dénomination «Parmigiano Reggiano».

I –    La protection du «Parmigiano Reggiano» en droit communautaire

A –    Le règlement n° 2081/92

4.        L’article 2 du règlement nº 2081/92 dispose:

«1.      La protection communautaire des appellations d’origine et des indications géographiques des produits agricoles et denrées alimentaires est obtenue conformément au présent règlement.

2.      Aux fins du présent règlement, on entend par:

a)      ‘appellation d’origine’: le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays, qui sert à désigner un produit agricole ou une denrée alimentaire:

–        originaire de cette région, de ce lieu déterminé ou de ce pays

et

–        dont la qualité ou les caractères sont dus essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains, et dont la production, la transformation et l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée;

[…]»

5.        L’article 3 du règlement nº 2081/92 est libellé comme suit:

«1. Les dénominations devenues génériques ne peuvent être enregistrées.

Aux fins du présent règlement, on entend par ‘dénomination devenue générique’, le nom d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire qui, bien que se rapportant au lieu où à la région où ce produit agricole ou cette denrée alimentaire a été initialement produit ou commercialisé, est devenu le nom commun d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire.

Pour déterminer si un nom est devenu générique, il est tenu compte de tous les facteurs et notamment:

–        de la situation existant dans l’État membre où le nom a son origine et dans les zones de consommation,

–        de la situation existant dans d’autres États membres,

–        des législations nationales ou communautaires pertinentes.

Si, au terme de la procédure définie aux articles 6 et 7, une demande d’enregistrement est rejetée parce qu’une dénomination est devenue générique, la Commission publie cette décision au Journal officiel des Communautés européennes.

[…]»

6.        L’article 10 du règlement n° 2081/92 énonce:

«1.      Les États membres veillent à ce que les structures de contrôle soient en place au plus tard six mois après la date d’entrée en vigueur du présent règlement, la mission de ces structures étant d’assurer que les produits agricoles et denrées alimentaires portant une dénomination protégée répondent aux exigences du cahier des charges.

[…]

4.      Lorsque les services de contrôle désignés et/ou les organismes privés d’un État membre constatent qu’un produit agricole ou une denrée alimentaire portant une dénomination protégée originaire de son État membre ne répond pas aux exigences du cahier des charges, ils prennent les mesures nécessaires pour assurer le respect du présent règlement. Ils informent l’État membre des mesures prises dans l’exercice de leurs contrôles. Les parties intéressées doivent recevoir notification de toutes les décisions prises.

[…]»

7.        Aux termes de l’article 13 du règlement nº 2081/92:

«1.      Les dénominations enregistrées sont protégées contre toute:

[…]

b)      usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que ‘genre’, ‘type’, ‘méthode’, ‘façon’, ‘imitation’ ou d’une expression similaire;

[…]

Lorsqu’une dénomination enregistrée contient en elle-même le nom d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire considéré comme générique, l’utilisation de ce nom générique sur les produits ou denrées correspondants n’est pas considérée comme contraire au premier alinéa point a) ou b).

[…]

3.      Les dénominations protégées ne peuvent devenir génériques.

[…]»

B –    L’enregistrement du «Parmigiano Reggiano»

8.        La dénomination «Parmigiano Reggiano» a été enregistrée en tant qu’appellation d’origine en vertu de l’article 2 du règlement (CE) n° 1107/96 (3) (ci‑après me «règlement d’enregistrement») ainsi que du titre A de l’annexe de ce règlement à compter du 21 juin 1996.

9.        La dénomination «Parmigiano Reggiano» a été enregistrée en vertu de la procédure simplifiée prévue à l’article 17 du règlement de base. Cette procédure simplifiée s’applique uniquement aux enregistrements demandés dans un délai de six mois suivant la date d’entrée en vigueur du règlement de base. L’objectif en était de donner une protection s’étendant sur l’ensemble de la Communauté européenne pour ces dénominations qui existaient déjà avant l’entrée en vigueur du règlement de base soit parce qu’elles bénéficiaient déjà d’une protection légale en vertu du droit national des États membres, soit, dans le cas des États membres où aucun système de protection n’existait, parce qu’elles ont été consacrées par l’usage. Dans le cadre de la procédure simplifiée, un enregistrement était dépourvu de la phase d’opposition prévue à l’article 7 du règlement de base en vertu de la procédure normale.

II – La procédure précontentieuse

10.      À la suite d’une plainte émanant de plusieurs opérateurs économiques, la Commission, par lettre du 15 avril 2003, a demandé aux autorités allemandes de donner des instructions claires aux instances chargées de la répression des fraudes, en vue de mettre un terme à la commercialisation sur le territoire allemand de produits dénommés «Parmesan» non conformes au cahier des charges de la dénomination enregistrée «Parmigiano Reggiano». Le terme «Parmesan» étant, selon la Commission, la traduction de la dénomination enregistrée «Parmigiano Reggiano», son utilisation constituerait une violation de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base.

11.      Dans sa réponse, le gouvernement allemand a affirmé que, bien que le terme «Parmesan» était à l’origine historiquement lié à la région de la ville de Parme (Italie), il était devenu une dénomination générique visant des fromages à pâte dure de diverses provenances, râpés ou destinés à être râpés. C’est la raison pour laquelle le terme «Parmesan» est différent de la dénomination «Parmigiano Reggiano» et son utilisation ne constituerait pas une violation du règlement de base.

III – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

12.      Dans la mesure où les parties ont maintenu leurs points de vue au cours de la procédure précontentieuse, la Commission a décidé d’introduire le présent recours devant la Cour et a conclu à ce qu’il plaise à la Cour:

–        constater que la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires en refusant formellement de sanctionner, sur son territoire, l’utilisation de la dénomination «Parmesan» sur l’étiquetage de produits ne satisfaisant pas aux exigences du cahier des charges de l’AOP «Parmigiano Reggiano», favorisant ainsi l’usurpation de la renommée propre dont jouit le produit authentique protégé à l’échelon communautaire, et

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

IV – Remarques préliminaires

13.      Dans la présente affaire, il sera nécessaire tout d’abord de déterminer si l’utilisation du terme «Parmesan» pour l’étiquetage de produits non conformes au cahier des charges de l’AOP «Parmigiano Reggiano» par des opérateurs économiques en Allemagne constitue une violation de l’article 13, paragraphe 1, sous b) du règlement de base. Dans ce contexte, la République fédérale d’Allemagne s’est défendue en invoquant tout particulièrement le fait que l’appellation «Parmesan» était devenue générique et que, par conséquent, elle ne pouvait être protégée par l’enregistrement de l’AOP «Parmigiano Reggiano».

14.      Nous examinerons ensuite si la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base en s’abstenant de prendre des mesures d’office à l’encontre d’une situation qui, selon la Commission, constitue un manquement au droit communautaire par des particuliers, à savoir l’utilisation de la dénomination «Parmesan» pour l’étiquetage de produits non conformes au cahier des charges de l’AOP «Parmigiano Reggiano». La réponse à cette question permettra de clarifier l’étendue de l’obligation imposée aux États membres en vertu du règlement de base d’assurer le respect sur leur territoire de ce règlement.

V –    Sur la question de savoir si le terme «Parmesan» est protégé à la suite de l’enregistrement de l’AOP «Parmigiano Reggiano»

A –    Les principaux arguments des parties

1.      La Commission

15.      La Commission, soutenue par le gouvernement italien, soutient que le terme «Parmesan» est la traduction exacte de l’appellation d’origine «Parmigiano Reggiano». La traduction, tout comme l’AOP dans la langue de l’État d’origine, serait exclusivement réservée aux produits conformes aux exigences du cahier des charges. L’histoire de l’appellation «Parmigiano Reggiano» montrerait le lien étroit existant entre le fromage, la région dans laquelle il est produit et le nom «Parmesan» qui ne serait dès lors en aucun cas une dénomination générique.

16.      Toutefois, même si le terme «Parmesan» n’était pas considéré comme la traduction de l’AOP complète «Parmigiano Reggiano», ce terme serait toutefois la traduction littérale du mot «Parmigiano» en français, langue par laquelle il est passé, il y a de cela plusieurs siècles, vers l’allemand et d’autres langues. La traduction de l’élément constitutif «Parmigiano» serait protégée car, en droit communautaire, l’enregistrement d’une appellation contenant plusieurs termes confère la même protection tant aux éléments constitutifs qu’à l’ensemble de la dénomination composée. Par conséquent, le règlement de base n’exigerait pas l’enregistrement de chacun des éléments susceptibles d’être protégés dans une dénomination composée, mais part du principe que chacun desdits éléments bénéficierait d’une protection intrinsèque. Selon la Commission, cela signifie que, même si le terme «Parmesan» est considéré comme étant non pas la traduction de l’AOP «Parmigiano Reggiano» mais uniquement comme étant la traduction littérale de son élément constitutif «Parmigiano», la traduction «Parmesan» est nécessairement protégée par le fait de la protection de l’appellation «Parmigiano Reggiano».

17.      Ce n’est que si les États membres concernés indiquent à la Commission, au cours de la procédure d’enregistrement de la dénomination composée, que la protection n’est pas sollicitée pour certaines parties de la dénomination qu’un élément constitutif isolé d’une dénomination composée ne bénéficie pas de la protection garantie par le règlement de base. La Commission en aurait tenu compte lors de l’adoption du règlement d’enregistrement, en précisant, dans une note de bas de page, que la protection d’un élément constitutif d’une dénomination composée n’était pas demandée. Toutefois, dans le cas de la dénomination «Parmigiano Reggiano», aucun de ces éléments constitutifs n’aurait fait l’objet d’une note de bas de page.

18.      Par ailleurs, la Commission considère qu’il n’y a pas de raison valide permettant de soutenir la thèse de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle l’appellation «Parmigiano», lorsqu’elle est utilisée séparément, devrait être considérée, au sens de l’article 3 du règlement de base, comme une dénomination générique que le consommateur n’associerait pas avec une zone géographique déterminée. De plus, la traduction «Parmesan» n’aurait pas évolué pour devenir un terme générique.

19.      Bien entendu, une dénomination géographique pourrait, au fur et à mesure de son utilisation, devenir une dénomination générique en ce sens que le consommateur considérerait celle-ci comme une indication d’un type de produit déterminé plutôt qu’une indication relative à la provenance géographique du produit, ainsi que cela se serait produit notamment pour les dénominations «Camembert» et «Brie».

20.      Toutefois, dans la présente espèce, la Commission souligne que, historiquement, il y a toujours eu un lien étroit entre la région géographique particulière de l’Italie d’où provient ce type de fromage et le terme «Parmesan», ce qui démontrerait que, à aucun moment, ce terme n’a perdu sa connotation géographique. C’est la raison pour laquelle, le terme «Parmesan» ne serait pas un terme générique pouvant être distingué de l’AOP «Parmigiano Reggiano».

21.      Si le nom «Parmesan» était effectivement un terme neutre dépourvu d’une telle connotation, il serait impossible d’expliquer de façon plausible pourquoi les fabricants de produits d’imitation s’efforcent d’établir par les mots et par l’image un lien entre leurs produits et l’Italie.

22.      De plus, le fait qu’un fromage dénommé «Parmesan», non conforme aux exigences du cahier des charges du «Parmigiano Reggiano» ait été fabriqué jusqu’en l’an 2000 sur le territoire italien ne signifierait pas que ce terme constituait en Italie la dénomination générique pour des fromages à pâte dure de provenances diverses, puisque ledit fromage aurait exclusivement été destiné à l’exportation vers des États où le terme «Parmesan» ne jouissait d’aucune protection particulière, conformément au principe de territorialité de la protection. En tout état de cause, ce ne serait que depuis le 21 juin 1996, date d’entrée en vigueur du règlement d’enregistrement, que la dénomination «Parmigiano Reggiano» bénéficie d’une protection à l’échelon communautaire.

23.      L’utilisation de la dénomination «Parmesan» pour un fromage qui n’est pas conforme au cahier des charges du «Parmigiano Reggiano» constituerait de toute manière une évocation de cette AOP, interdite par l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base.

24.      Par conséquent, la commercialisation de fromages, dénommés «Parmesan», non conformes aux exigences du cahier des charges constituerait une violation de l’article 13, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

2.      La République fédérale d’Allemagne

25.      Le gouvernement allemand, soutenu par les gouvernements danois et autrichien, soutient que le terme «Parmesan» n’est pas la traduction en allemand de l’AOP «Parmigiano Reggiano», mais est un terme générique utilisé pour désigner une catégorie de fromages à pâte dure à râper ou destiné à être râpé, qui comprend notamment le «Parmigiano Reggiano».

26.      Une AOP ne serait l’objet de la protection au titre de l’article 13 du règlement de base que sous la forme exacte dans laquelle elle est enregistrée. La thèse opposée ne saurait être déduite de l’arrêt du 9 juin 1998, Chiciak et Fol (4).

27.      Dans la mesure où, même selon la Commission, «Parmesan» est la traduction littérale du terme «Parmigiano», l’utilisation du terme «Parmesan» ne violerait pas la protection accordée par l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base à la dénomination «Parmigiano Reggiano».

28.      De plus, dans le cadre de l’arrêt Bigi (5), le gouvernement italien lui-même aurait expressément confirmé avoir renoncé à enregistrer la dénomination «Parmigiano». Dans ces conditions, faute d’enregistrement, celle-ci ne pourrait en soi relever de la protection du droit communautaire.

29.      À cet égard, il conviendrait de noter également que, ainsi que l’illustreraient à la fois la situation en Italie et dans d’autres États membres ainsi que les législations nationales et communautaires, le terme «Parmigiano», utilisé seul, devrait être considéré comme une dénomination générique au sens de l’article 3 du règlement de base. Par conséquent, conformément à l’article 13, paragraphe 1, deuxième phrase, dudit règlement, le terme «Parmigiano» ne pourrait bénéficier de la protection du règlement de base en raison de son caractère générique.

30.      En tout état de cause, ce qui serait déterminant dans le contexte d’un recours en manquement serait de savoir si le terme «Parmesan» doit être considéré comme un terme générique en Allemagne et il serait clair que, en Allemagne, le terme «Parmesan» a toujours été une dénomination générique des fromages à pâte dure râpés ou destinés à être râpés.

31.      À titre subsidiaire, le gouvernement allemand souhaite observer que, à supposer même que le terme «Parmigiano» ne soit pas considéré comme une dénomination générique, l’utilisation de la traduction «Parmesan» ne constituerait pas pour autant une usurpation de l’AOP «Parmigiano Reggiano». L’utilisation de la traduction d’une AOP et, a fortiori, d’éléments isolés d’une AOP ne constituerait une violation de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base que si cette traduction constitue en fait une évocation de cette AOP.

32.      Une telle évocation n’existerait pas dans le cas du terme «Parmesan» qui aurait subi une évolution indépendante de la dénomination «Parmigiano Reggiano» et qui serait devenue, au cours des siècles, une dénomination générique dans le langage courant des consommateurs. Cette évolution serait propre à cette dénomination et se serait produite en Allemagne et dans d’autres États membres. C’est la raison pour laquelle l’utilisation du terme «Parmesan» ne constituerait ni une usurpation ni une évocation de l’AOP «Parmigiano Reggiano».

B –    Analyse

1.      Le principe: une protection étendue

33.      Il résulte de l’enregistrement de la dénomination «Parmigiano Reggiano» que son usage est réservé exclusivement aux producteurs présents dans une région géographique limitée de l’Italie et qui produisent ce fromage conformément aux exigences du cahier des charges de cette AOP.

34.      La protection offerte par l’AOP en vertu du droit communautaire est étendue (6). Cette protection est prévue à l’article 13 du règlement de base. Selon le paragraphe 1, sous b), dudit article, les dénominations enregistrées sont protégées contre toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que «genre», «type», «méthode», «façon», «imitation» ou bien d’une expression similaire.

2.      La restriction: le caractère générique d’un nom

35.      Une limitation importante à l’étendue de la protection accordée aux AOP enregistrées est que les dénominations génériques ne relèvent pas de la protection découlant du règlement de base.

36.      Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base, «aux fins du présent règlement, on entend par ‘dénomination devenue générique’, le nom d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire qui, bien que se rapportant au lieu ou à la région où ce produit agricole ou cette denrée alimentaire a été initialement produit ou commercialisé, est devenu le nom commun d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire».

37.      Par conséquent, s’agissant des indications géographiques, cela implique qu’il y ait un processus de généralisation ou d’érosion d’un nom faisant référence à un lieu, à savoir le plus souvent celui où une denrée alimentaire a été initialement produite. Les exemples de dénominations géographiques ayant connu ce processus sont ceux de «Roquefort» (dénommé d’après le nom d’un village française) ou d’«Edam cheese» (dénommé d’après le nom d’une ville néerlandaise).

38.      Le règlement de base fait état du caractère générique d’un terme dans trois cas. Tout d’abord, ce règlement prévoit que les dénominations génériques ne peuvent être enregistrées (article 3, paragraphe 1). Deuxièmement, les dénominations protégées ne peuvent devenir génériques (article 13, paragraphe 3). Troisièmement, les éléments génériques d’une dénomination enregistrée ne sont pas protégés (article 13, paragraphe 1, deuxième phrase).

39.      Dans la présente espèce, il n’y a pas lieu d’examiner les première et deuxième questions relatives à l’étendue des articles 3, paragraphe 1, ainsi que 13, paragraphe 3, du règlement de base, car ce qui a été enregistré est la dénomination «Parmigiano Reggiano», qui n’a pas été sollicitée en tant que telle et dont l’enregistrement n’a dès lors pas été mis en cause.

40.      Dans la présente affaire, il est affirmé que les termes «Parmesan» et «Parmigiano» sont génériques, mais aucune affirmation de ce genre n’est faite en ce qui concerne l’AOP enregistrée «Parmigiano Reggiano» dans son ensemble. Par conséquent, c’est dans le contexte de l’article 13, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement de base qui exclut la protection d’éléments génériques des AOP composées que la question du caractère générique est soulevée dans la présente espèce. Ce contexte juridique est différent de celui existant dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Feta II, précité, dont l’objet était le caractère générique de la dénomination soumise à enregistrement.

3.      Sur la question de savoir si le terme «Parmesan» relève du champ de protection prévu à l’article 13 du règlement de base

41.      Une dénomination est habituellement enregistrée dans la langue de l’État d’origine de l’AOP. Ainsi, la République française a, par exemple, enregistré l’AOP «Camembert de Normandie» et de la République fédérale d’Allemagne, l’AOP «Altenburger Ziegenkäse». Les traductions de ces AOP dans les autres langues officielles de l’Union européenne ne sont pas enregistrées séparément, à moins que plusieurs langues ne soient utilisées dans la zone de production des produits bénéficiant de l’AOP. Dans ce cas, l’AOP sera normalement enregistrée dans les langues utilisées dans la zone de production des produits bénéficiant de l’AOP.

42.      Dans la mesure où, en règle générale, les traductions des AOP ne sont pas enregistrées, cela soulève la question de savoir si la traduction d’une AOP est protégée dans une même mesure que l’AOP elle-même. Il résulte du libellé de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base («même si […] la dénomination protégée est traduite») que les traductions des AOP enregistrées sont en principe protégées de la même manière que l’AOP dans la langue originale. De plus, cette approche est selon nous confirmée par l’arrêt Bigi dans lequel la Cour a jugé que la protection donnée par l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base s’appliquait de la même manière aux traductions des AOP (7).

43.      Toutefois, le règlement de base est muet quant à la manière dont il convient de déterminer ce qui constitue une traduction d’une AOP. Cette question n’est pas susceptible de soulever souvent des difficultés dans la mesure où, dans la plupart des affaires, l’AOP n’est soit pas traduite mais utilisée sous la forme de la langue de l’État d’origine de l’AOP, soit sa traduction est tellement littérale qu’aucun doute ne peut apparaître.

44.      Tel n’est pas le cas en l’espèce. S’il n’est pas contesté que l’AOP «Parmigiano Reggiano» a été enregistrée conformément à la procédure simplifiée prévue à l’article 17 du règlement de base et qu’elle bénéficie en tant que telle de la protection prévue à l’article 13 de ce règlement, il est contesté que le terme «Parmesan» doit être considéré comme la traduction, au sens du règlement de base, de l’AOP «Parmigiano Reggiano» et s’il doit dès lors bénéficier de la protection prévue par le règlement de base.

45.      Dans l’arrêt Bigi (8), la question de savoir si le terme «Parmesan» était la traduction correcte de l’appellation «Parmigiano Reggiano» a été déférée à la Cour au moyen d’une exception d’irrecevabilité.

46.      L’avocat général Léger a considéré que, compte tenu de l’évolution historique et étymologique de la dénomination, il pourrait être considéré que le terme «Parmesan» était davantage la traduction «fidèle» que littérale de l’AOP et que les termes «Parmigiano» ou «Parmesan» ainsi que «Parmigiano Reggiano» se confondaient ou étaient équivalents (9).

47.      Toutefois, la Cour a simplement indiqué qu’une majorité des États membres qui soumettaient des observations écrites (10) considéraient que les termes «Parmigiano Reggiano» et «Parmesan» étaient équivalents et ont déclaré qu’il était loin d’être clair que le terme «Parmesan» était devenu une dénomination générique (11). C’est sur cette base que la Cour a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la République fédérale d’Allemagne.

48.      Aux fins de la présente affaire, il y a lieu de souligner qu’il n’est pas contesté entre les parties que le terme «Parmesan» n’est pas la traduction littérale en allemand de l’appellation «Parmigiano Reggiano», mais qu’il s’agit d’un nom dérivé de la traduction en français du terme «Parmigiano», élément constitutif de l’AOP «Parmigiano Reggiano». Toutefois, ce qui est contesté, ainsi que le reconnaît la Commission, est de savoir si le terme «Parmesan» est également la traduction allemande, empruntée à la langue française, de l’AOP «Parmigiano Reggiano».

49.      Selon nous, pour que le terme «Parmesan» puisse être considéré comme une traduction de l’appellation «Parmigiano Reggiano» au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base, ces deux termes doivent généralement être considérés par les consommateurs comme étant équivalents.

50.      Alors que les citations fournies par la Commission au cours de la procédure montrent que le nom «Parmesan» résultait initialement de la dénomination «Parmigiano» qui désignait un fromage produit dans la région de Parme, elles ne montrent pas que le terme «Parmesan» est encore considéré comme équivalent à la dénomination «Parmigiano Reggiano», qui se réfère exclusivement à un certain type de fromages produits dans la région de l’Émilie-Romagne. Les pièces d’emballage fournies par la Commission démontrent simplement qu’il est possible que les consommateurs associent le terme «Parmesan» à l’Italie, le pays d’origine de l’AOP «Parmigiano Reggiano».

51.      Toutefois, pour étayer sa thèse selon laquelle le terme «Parmesan» n’est pas la traduction de l’AOP «Parmigiano Reggiano», la République fédérale d’Allemagne soutient notamment que dans une convention bilatérale conclue entre la République italienne et la République d’Autriche en 1954, l’appellation «Parmigiano Reggiano» a été traduite en allemand par «Parmigiano Reggiano» et non par «Parmesan». Bien que cette convention ne soit plus en vigueur dans la mesure où elle a été supplantée par le règlement de base, elle constitue une preuve matérielle de la manière dont la dénomination «Parmigiano Reggiano» a été traduite en allemand d’un commun accord entre la République italienne et la République d’Autriche, et ce après que le législateur italien a décidé de protéger juridiquement la dénomination «Parmigiano Reggiano» au moyen de la loi.

52.      Selon nous, la preuve avancée par les parties ne permet pas de conclure avec certitude que le terme «Parmesan» soit l’équivalent et par conséquent soit la traduction de «Parmigiano Reggiano». Il peut être uniquement établi avec certitude que les termes «Parmesan» et «Parmigiano» sont équivalents et qu’ils sont donc la traduction l’un de l’autre.

53.      En tout état de cause, que le terme «Parmesan» soit la traduction de l’AOP «Parmigiano Reggiano» ou non, nous considérons que le terme «Parmesan» peut constituer une évocation de l’AOP «Parmigiano Reggiano» au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base et que, par conséquent, il relève de la protection accordée par ce règlement à l’AOP «Parmigiano Reggiano».

54.      L’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base interdit l’«évocation» d’une AOP «même si l’origine véritable du produit est indiquée».

55.      La Cour a jugé que la notion d’«évocation» qui figure à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base recouvre une hypothèse dans laquelle le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une dénomination protégée, en sorte que le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l’appellation en cause (12).

56.      Selon la jurisprudence de la Cour, il peut y avoir évocation d’une AOP en l’absence de tout risque de confusion entre les produits concernés, et alors même qu’aucune protection communautaire ne s’appliquerait aux éléments de la dénomination de référence que reprend la terminologie litigieuse (13). La mention éventuelle de l’origine véritable du produit sur son emballage n’a aucune incidence sur la question de savoir s’il y a eu usurpation, imitation ou évocation, ainsi que l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base le prévoit de façon expresse (14).

57.      Lorsque la Cour a été confrontée à la question de savoir si l’utilisation de la marque Cambozola devait être considérée comme une évocation de l’AOP «Gorgonzola», elle a jugé les similitudes visuelle (le produit en cause était un fromage à pâte molle et à moisissures bleues, dont l’apparence extérieure n’est pas sans analogie avec celle du fromage «Gorgonzola») et phonétique (le terme utilisé pour le désigner se termine par les deux mêmes syllabes que cette dénomination et comporte le même nombre de syllabes que celle-ci) comme étant des considérations essentielles pour déterminer s’il y a évocation (15).

58.      Dans la présente affaire, il existe une similitude phonétique entre l’AOP «Parmigiano Reggiano» et le terme «Parmesan», dans la mesure où ce dernier contient les mêmes quatre premières lettres et, ainsi que cela est reconnu par les parties, est la traduction d’un de ces éléments constituants, à savoir le terme «Parmigiano». Il y a également une similitude visuelle dans la mesure où lesdits termes sont utilisés pour le même type de fromages à pâte dure, râpés ou destinés à être râpés.

59.      Par conséquent, le terme «Parmesan» apparaîtrait comme étant une évocation de l’AOP «Parmigiano Reggiano».

60.      Toutefois, le gouvernement allemand soutient que le terme «Parmesan» ne peut être considéré comme une évocation de l’AOP «Parmigiano Reggiano», car «Parmesan» est un terme générique. Il en résulte qu’il y a lieu de déterminer si la République fédérale d’Allemagne a fourni suffisamment de preuves au soutien de cette affirmation sur la base de l’article 13, paragraphe 1, sous b), deuxième phrase, du règlement de base, selon lequel les éléments génériques des AOP ne sont pas protégés (16).

61.      Dans l’arrêt Danemark e.a./Commission («Feta I»), la Cour a jugé que l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base prescrit expressément que, pour déterminer si un nom est devenu générique, il soit tenu compte de tous les facteurs, parmi lesquels figurent obligatoirement ceux expressément énumérés, à savoir la situation existant dans l’État membre dans lequel le nom a son origine et dans les zones de consommation, la situation existant dans d’autres États membres et les législations nationales ou communautaires pertinentes (17).

62.      Dans l’arrêt «Feta II» (18), la Cour a jugé le caractère générique du nom «Feta», notamment sur la base i) du lieu de production à l’intérieur ou à l’extérieur de l’État d’origine de la dénomination; ii) de la consommation de feta et de la perception des consommateurs à l’intérieur et à l’extérieur de l’État d’origine de la dénomination ; iii) de l’existence d’une législation nationale particulière concernant la feta, et iv) de la façon dont le nom a été utilisé en droit communautaire. La Cour a jugé que plusieurs facteurs pertinents et importants indiquaient que ce terme n’était pas devenu générique. En fait, il semble que les éléments essentiels aient été la concentration de la production et de la consommation en Grèce ainsi que l’association que les consommateurs font entre le terme «Feta» et le fromage originaire de Grèce.

63.      Dans la présente espèce, les parties ont fourni certaines preuves factuelles quant au caractère générique ou non du terme «Parmesan». Aucun chiffre relatif à la production ou à la consommation de Parmigiano Reggiano en Italie ou de fromage commercialisé en tant que Parmesan en Allemagne ou dans d’autres États membres de l’Union n’a été fourni à la Cour.

64.      Les parties ont uniquement présenté des extraits de dictionnaires et de littérature spécialisée qui ne donnent pas de vue d’ensemble de la manière dont le Parmesan est perçu par les consommateurs en Allemagne et au-delà.

65.      D’autres éléments de preuve ont été fournis sous la forme d’emballages et de matériel de promotion montrant que certains producteurs de fromage commercialisé sous le nom «Parmesan» mais qui n’est pas conforme aux exigences de l’AOP «Parmigiano Reggiano» essaient d’établir un lien entre leurs produits et l’Italie, mais non avec la région précise dans laquelle le Parmigiano Reggiano est produit. Toutefois, il peut être émis des doutes quant à savoir en l’espèce si l’association existant entre le produit et l’État membre d’origine de l’AOP en cause en l’espèce (19) suffit pour établir qu’un nom soit devenu générique ou non.

66.      En ce qui concerne le statut du nom «Parmesan» au regard du droit interne des États membres, la Cour ne dispose pas d’une vue d’ensemble de la législation applicable au Parmesan ou à l’utilisation du mot «Parmesan» dans la législation nationale des autres États membres. La République fédérale d’Allemagne a fourni uniquement des informations relatives à un seul élément d’une législation d’un autre État membre, à savoir la législation autrichienne dans laquelle le mot «Parmesan» semble être utilisé comme un terme générique.

67.      Il en résulte que la République fédérale d’Allemagne n’a pas même fourni la preuve permettant de soutenir avec force ses arguments selon lesquels le terme «Parmesan» est devenu générique en Allemagne. À cette fin, nous considérons qu’il serait utile de produire notamment des informations plus étendues sur la perception des consommateurs quant au nom «Parmesan», par exemple sous la forme d’une enquête des consommateurs ainsi que sous la forme d’informations relatives à la consommation et à la production du fromage commercialisé en tant que Parmigiano Reggiano et en tant que Parmesan. Toutefois, il serait irréaliste d’exiger d’un État membre qu’il établisse de manière complète qu’un mot est devenu générique au-delà de son propre territoire.

C –    Conclusion

68.      Dans la mesure où la République fédérale d’Allemagne qui a utilisé la question du caractère générique du terme «Parmesan» comme moyen de défense dans la présente procédure, a manqué de produire, même en ce qui concerne l’Allemagne, la preuve permettant d’appuyer dans une grande mesure sa thèse selon laquelle le nom «Parmesan» est devenu générique, l’utilisation du mot «Parmesan» pour les fromages qui ne sont pas conformes au cahier des charges de l’AOP «Parmigiano Reggiano» doit être considérée aux fins de la présente procédure comme portant atteinte à la protection fournie pour cette AOP conformément à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base.

69.      C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’examiner si la République fédérale d’Allemagne est tenue de poursuivre d’office les infractions à l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base qui, dans la présente affaire, prennent la forme d’une commercialisation de fromage portant la dénomination «Parmesan» non conforme au cahier des charges de l’AOP «Parmigiano Reggiano».

VI – Sur la question de savoir si l’Allemagne est tenue de poursuivre d’office la violation de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base

A –    Argumentation des parties

1.      La Commission

70.      La Commission soutient que la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base en refusant formellement de sanctionner, sur son territoire, l’utilisation de la dénomination «Parmesan». Elle soutient notamment que les infractions à l’article 13 du règlement de base doivent faire l’objet de mesures d’office et non simplement d’actions privées diligentées devant les juridictions nationales.

71.      Les États membres doivent intervenir d’office afin d’assurer que l’ensemble des objectifs du règlement de base soient atteints, à savoir la protection des intérêts des producteurs des produits couverts par l’AOP, la promotion du développement économique des zones rurales de production et la protection des consommateurs. Les mesures d’office sont nécessaires afin d’assurer que les produits non conformes aux exigences du règlement de base ne soient pas commercialisés. À ces fins, les États membres doivent dès lors adopter les mesures administratives appropriées et prévoir des sanctions pénales adéquates.

72.      La possibilité d’introduire des recours d’ordre privé devant les juridictions n’est pas appropriée, car ces procédures visent uniquement à protéger des intérêts économiques privés mettant ainsi en danger les autres objectifs du règlement de base.

73.      La thèse de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle il n’y aurait eu aucune procédure judiciaire devant les juridictions allemandes à l’encontre de la commercialisation de fromages non conformes au cahier des charges de l’AOP «Parmigiano Reggiano» est dépourvue de pertinence, car, pour appliquer le règlement de base de manière effective, les États membres devraient, en tout état de cause, poursuivre d’office la commercialisation illégale de produits appelés «Parmesan» qui ne sont pas conformes au cahier des charges de l’AOP «Parmigiano Reggiano» sans qu’il soit nécessaire qu’un particulier ou une association de protection des consommateurs porte plainte ou introduise une action judiciaire.

74.      L’obligation d’agir au moyen de mesures d’office découle des termes de l’article 10 du règlement de base qui oblige les États membres à mettre en place un système d’inspection afin de vérifier si des AOP ne sont pas usurpées. De plus, dans certains États membres, les fonctions conférées à ces systèmes d’inspection incluent le contrôle du respect de l’article 13 du règlement de base. L’obligation de prévoir des sanctions pénales et administratives confirme l’obligation d’agir d’office.

75.      En s’abstenant d’agir de la sorte, la République fédérale d’Allemagne a manqué à ses obligations résultant de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base de la même manière que la République française avait manqué de remplir ses obligations en s’abstenant d’agir dans les circonstances qui ont donné lieu à l’arrêt du 9 décembre 1997, Commission/France (20).

2.      La République fédérale d’Allemagne

76.      Le gouvernement allemand soutient que l’article 13 du règlement de base qui fixe le champ d’application de la protection des indications géographiques ainsi que des appellations d’origine enregistrées est directement applicable et est apte à conférer aux titulaires ou aux utilisateurs légitimes des AOP des droits que les juridictions nationales ont l’obligation de protéger. Dans ce contexte, des recours peuvent être introduits en droit des marques, en matière de législation sur les denrées alimentaires et en matière de concurrence déloyale pour infraction à l’AOP.

77.      Par conséquent, dans la présente espèce, il appartiendrait aux juridictions allemandes d’examiner si l’utilisation de la dénomination «Parmesan» sur les étiquettes des produits n’est pas conforme au cahier des charges obligatoire de la dénomination «Parmigiano Reggiano» et, partant, si elle viole les dispositions du règlement de base.

78.      En établissant de tels recours judiciaires, la République fédérale d’Allemagne aurait pris l’ensemble des mesures nécessaires afin de garantir un plein effet à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base. Il ne serait pas nécessaire, en plus, que les autorités publiques viennent sanctionner d’office ces violations pour assurer l’application du paragraphe 1, sous b), dudit article 13.

79.      L’obligation des États membres de prévoir des structures de contrôle en vertu de l’article 10 du règlement de base n’exige pas une surveillance ad hoc d’éventuelles infractions à l’article 13 de ce règlement commises par des opérateurs économiques sur le territoire allemand. Bien que les termes de l’article 10, paragraphe 4, du règlement de base ne soient pas tout à fait clairs, il découlerait des différentes versions linguistiques de cette dernière disposition qui, en raison de l’origine italienne de l’AOP «Parmigiano Reggiano», il appartiendrait au Consorzio del formaggio Parmigiano Reggiano et non pas aux autorités de contrôle allemandes de vérifier le respect du cahier des charges lors de l’utilisation de ladite appellation.

80.      Le système des recours judiciaires prévu en droit allemand serait suffisant pour assurer la mise en œuvre effective des objectifs du règlement de base en Allemagne. De plus, la possibilité d’agir devant les juridictions nationales contre tout comportement qui serait contraire à la protection accordée à une AOP enregistrée ne serait pas réservée à l’utilisateur légitime de cette appellation, mais serait également ouverte aux opérateurs concurrents, aux associations d’entreprises et aux organisations de consommateurs. Le large éventail de personnes recevables à introduire un recours devant les tribunaux nationaux démontrerait que les mesures qui existent en Allemagne pour assurer l’application du règlement de base constituent un système général efficace en vue de la prévention et de la sanction des infractions à l’article 13 du règlement de base.

81.      Si en effet le règlement de base poursuit plusieurs objectifs, à savoir la protection des intérêts économiques et des consommateurs, aucune disposition qu’il contient ne suggère que le système allemand de protection et d’exécution au moyen de recours judiciaires de droit privé serait insuffisant pour assurer une protection appropriée des appellations d’origine. En effet, le système allemand de protection serait cohérent avec la manière dont la propriété intellectuelle est appliquée et la façon dont les consommateurs sont protégés contre les pratiques déloyales en droit communautaire.

82.      Les États membres pourraient choisir de sanctionner les infractions au règlement de base au moyen de mesures prises d’office par l’autorité publique, mais, dans l’état actuel du droit communautaire, ils ne seraient pas obligés de le faire.

B –    L’objet de la présente procédure et la preuve du manquement

83.      Il convient de rappeler tout d’abord que, selon une jurisprudence constante, dans le cas d’un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (21).

84.      Il n’est pas contesté que le régime légal allemand prévoit une série de recours judiciaires pour mettre en œuvre la protection des appellations d’origine ainsi que le prévoit le règlement de base. De plus, un large éventail d’opérateurs économiques peut introduire de telles actions devant une juridiction nationale.

85.      Dans la présente espèce, la Commission soutient que la République fédérale d’Allemagne a «formellement refusé de sanctionner», sur son territoire, l’utilisation de la dénomination «Parmesan» sur l’étiquetage de produits ne satisfaisant pas aux exigences du cahier des charges de l’AOP «Parmigiano Reggiano» et qu’elle a manqué ainsi aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base. Par conséquent, le présent recours en manquement ne porte pas sur la conformité d’une disposition de droit national avec une règle de droit communautaire. En revanche, la Commission s’interroge sur la pratique administrative des autorités allemandes en ce que celles-ci n’ont pas réagi contre les opérateurs économiques sur le territoire d’un État membre auxquels il est reproché de commettre un manquement au droit communautaire.

86.      Selon la jurisprudence de la Cour, dans un cas relatif à l’application d’une disposition nationale par l’administration d’un État membre, la démonstration d’un manquement d’État nécessite la production d’éléments de preuve d’une nature particulière par rapport à ceux habituellement pris en compte dans le cadre d’un recours en manquement visant uniquement le contenu d’une disposition nationale. Dans ces conditions, le manquement ne peut être établi que grâce à une démonstration suffisamment documentée et circonstanciée de la pratique reprochée à l’administration nationale et imputable à l’État membre concerné (22).

87.      Dans le cadre de la présente affaires qui ne concerne pas une mesure positive adoptée par une administration d’un État membre mais bien un défaut d’agir, l’établissement d’une infraction en vertu de l’article 226 CE exige, selon nous, que la Commission prouve que l’administration allemande était tenue d’agir d’office et qu’elle a manqué de le faire.

C –    Appréciation

88.      Selon les principes généraux sur lesquels se fonde la Communauté et qui régissent les relations entre la Communauté et les États membres, il appartient à ces derniers d’assurer sur leur territoire l’exécution des réglementations communautaires (23). Ainsi que la Cour l’a constamment rappelé, pour l’exécution des réglementations communautaires, les autorités nationales procèdent en suivant les règles de forme et de fond de leur propre droit national, pour autant que le droit communautaire, y compris les principes généraux de celui-ci, ne comporte pas de règles communes à cet effet (24).

89.      Le règlement de base contient certaines règles communes relatives à son exécution. L’article 10 dudit règlement a explicitement pour objet la surveillance du respect du cahier des charges des AOP par les producteurs.

90.      L’article 10, paragraphe 4, du règlement de base prévoit que des initiatives doivent être prises pour assurer le respect du règlement lorsqu’une denrée alimentaire portant une AOP ne répond pas aux exigences du cahier des charges de cette AOP. Toutefois, le libellé de ladite disposition n’est pas clair sur la question de savoir quelles sont les autorités de contrôle des États membres qui ont l’obligation d’agir en cas de non-respect du cahier des charges d’une AOP donnée. Il résulte de la version allemande dudit règlement (25) que les services de contrôle tenus de prendre les mesures nécessaires sont ceux de l’État membre d’où provient le produit litigieux. D’autres versions linguistiques de cette même disposition ne permettent pas d’étayer une telle interprétation et prévoient que les services d’inspection tenus d’intervenir ne sont pas ceux de l’État membre d’où provient le produit en cause mais bien les services d’inspection de l’État membre d’où provient l’AOP (26). Suivant ces versions linguistiques, seules les autorités italiennes seraient tenues de prendre des mesures à l’encontre des produits non conformes au cahier des charges de l’AOP «Parmigiano Reggiano».

91.      Il convient par ailleurs de citer l’article 10, paragraphe 7, du règlement de base qui prévoit que «les coûts occasionnés par les contrôles prévus par le présent règlement sont supportés par les producteurs utilisant la dénomination protégée». Cela suggère également que les contrôles effectués en vertu de l’article 10 dudit règlement ont trait exclusivement à la mise en œuvre du cahier des charges par rapport aux producteurs utilisant l’AOP dans l’État membre dont celle-ci est originaire.

92.      Bien qu’il résulte de ce qui précède que le libellé dudit article 10 n’est pas totalement clair, nous considérons que l’objectif et l’économie générale du règlement de base indiquent que l’obligation d’effectuer des contrôles va au-delà de la simple vérification de la conformité des produits au cahier des charges d’une AOP dans l’État membre dont celle-ci est originaire.

93.      Il résulte du régime de protection prévu par le règlement de base que, aux fins d’une application adéquate de celui-ci, deux types de contrôles peuvent être exigés. D’une part, il doit y avoir une surveillance systématique du respect du cahier des charges des produits de l’AOP par les producteurs dans la zone de production de cette AOP. D’autre part, il y a lieu d’agir contre les usurpations des AOP en dehors des zones de production. Toutefois, il y a lieu d’examiner quels sont les types de mesures prescrites à cet effet.

94.      Le régime juridique allemand prévoit le respect des AOP au moyen d’actions judiciaires ouvertes à un large éventail de requérants, dont les associations de protection des consommateurs et les fédérations d’industries. C’est la raison pour laquelle le respect des AOP par des actions judiciaires est potentiellement ouvert aux requérants qui poursuivent des intérêts bien plus larges que la seule protection des intérêts des producteurs des marchandises bénéficiant d’une AOP.

95.      Toutefois, nous considérons que, en vue d’une mise en œuvre effective du règlement de base, l’existence de tels moyens judiciaires n’exempte pas les États membres de leur obligation de prévoir en même temps des mécanismes de contrôle appropriés, indépendamment des actions judiciaires. L’article 10, paragraphe 1, du règlement de base prévoit une obligation pour les États membres de veiller «à ce que les structures de contrôle soient en place […], la mission de ces structures étant d’assurer que les produits agricoles et les denrées alimentaires portant une dénomination protégée répondent aux exigences du cahier des charges». Compte tenu d’une formulation aussi générale, l’obligation de veiller à une mise en œuvre efficace du règlement de base soumet les États membres à une obligation générale de prévoir des structures de contrôle appropriées en vue de vérifier si un produit commercialisé dans un État membre donné et qui porte le nom d’une AOP donnée respecte le cahier des charges de celle-ci, quel que soit le lieu d’où provient cette AOP. Ainsi, de tels contrôles peuvent être mis en œuvre dans le cadre de contrôles officiels effectués pour s’assurer du respect des autres règles de la législation sur les denrées alimentaires (27).

96.      Toutefois, nous considérons qu’il ne peut être déduit du règlement de base que ces structures de contrôle doivent systématiquement agir d’office en l’absence d’impulsions, par exemple à la suite de plaintes de producteurs dont les produits portent légalement le nom d’une AOP ou de consommateurs ou bien d’autres producteurs.

97.      Cela est confirmé par les documents de la Commission en la matière. Dans le Guide des règlements communautaires de la Commission relatif à la protection des indications géographiques, des appellations d’origine et des certificats relatifs au caractère spécifique des produits agricoles et des denrées alimentaires, il est écrit que «la mise en œuvre de droits exclusifs est organisée et effectuée par les États membres. Pour ce faire, il appartient aux États membres de décider si les services désignés à cet effet agissent de leur propre initiative (d’office) ou sur la base de plaintes des titulaires de droits des AOP/IGO/TSG» (28).

98.      Il en résulte que les États membres ont, dans le cadre de la mise en œuvre du règlement de base, un pouvoir discrétionnaire afin d’effectuer des contrôles dans un cas donné et, partant, de prendre des mesures s’ils découvrent des marchandises en infraction contre l’AOP.

99.      La présente espèce doit être distinguée des situations dans lesquelles, en raison des intérêts en cause, le pouvoir discrétionnaire d’un État membre d’agir d’office est bien plus limité. Ainsi, une mesure prise d’office par les autorités publiques nationales impliquant des contrôles et d’éventuelles sanctions est nécessaire même si elle n’est pas prévue en droit communautaire et sans qu’il n’y ait d’impulsions extérieures dans les situations dans lesquelles les opérateurs économiques ou les particuliers ne sont pas incités à se plaindre (29) ou bien dans les cas dans lesquels tout retard occasionnerait un préjudice irréversible, ainsi lorsque le principe de précaution requiert une action immédiate pour retirer des denrées alimentaires dangereuses ou pour mettre fin à des comportements qui pourraient causer des dommages irréversibles à l’environnement. Toutefois, la présente espèce n’est pas comparable à l’une de ces situations.

100. Même dans une situation dans laquelle les États membres ont en principe un pouvoir d’appréciation relativement large quant aux mesures qu’ils doivent adopter et appliquer en pratique pour sauvegarder l’efficacité du droit communautaire, les États membres peuvent être contraints, dans certaines circonstances, de prendre des mesures. Dans l’arrêt Commission/France, la Cour a jugé que, dans ce cas, les autorités publiques nationales avaient excédé leur marge d’appréciation en ne prenant aucune mesure contre des actes délictueux répétés sur plusieurs années, tolérés par la police, et des plaintes ont été déposées devant les autorités judiciaires (30).

101. Toutefois, les faits sur lesquels repose la présente affaire sont différents. En particulier, la Commission n’a pas fourni de preuves ayant une pertinence temporelle dans la présente affaire (31), quant à l’existence d’une seule plainte ou d’un seul recours judiciaire et encore moins de l’absence de mesures à la suite de tels plaintes ou recours, en lien avec les cas d’usurpation de l’AOP «Parmigiano Reggiano» sur le territoire allemand.

102. À cet égard, il convient de noter que, en pratique, la Commission se fonde pratiquement uniquement sur la réponse de la République fédérale d’Allemagne au cours de la procédure précontentieuse, en ce qui concerne le fait que le terme «Parmesan» est générique, pour conclure que la République fédérale d’Allemagne a omis de prendre les mesures appropriées pour prévenir l’usage illégal de cette appellation. Selon nous, la correspondance échangée entre les parties en ce qui concerne le caractère générique de l’appellation «Parmesan» durant la procédure précontentieuse doit être interprétée comme un moyen de défense soulevé au cours de la procédure et ne peut être interprétée en soi comme un refus formel de protéger l’AOP «Parmigiano Reggiano».

103. La Commission a dès lors omis de fournir suffisamment de preuves documentées et détaillées suivant lesquelles les autorités allemandes avaient l’obligation d’agir d’office dans la présente espèce et que celles-ci auraient manqué de le faire.

D –    Conclusion

104. Il résulte de ce qui précède que nous ne pensons pas que l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base, considéré à la lumière de l’article 10 de ce règlement, obligeait la République fédérale d’Allemagne à sanctionner d’office la commercialisation sur son territoire de fromages dénommés «Parmesan» non conformes au cahier des charges de l’AOP «Parmigiano Reggiano». En particulier, la Commission a omis de démontrer que la République fédérale d’Allemagne était obligée de prendre de telles mesures en l’absence d’incitations externes suffisantes et appropriées.

105. Par conséquent, nous concluons que le recours de la Commission doit être rejeté.

VII – Les dépens

106. Conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, la République fédérale d’Allemagne n’a pas conclu à ce que les dépens soient supportés par la Commission.

VIII – Conclusion

107. Par conséquent, nous sommes d’avis que la Cour devrait:

«1)      Rejeter le recours.

2)      Condamner chaque partie à ses propres dépens.»


1 – Langue originale: l’anglais.


2 – JO L 208, p. 1.


3 – Règlement de la Commission, du 12 juin 1996, relatif à l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine au titre de la procédure prévue à l’article 17 du règlement n° 2081/92 (JO L 148, p. 1).


4 – C-129/97 et C-130/97, Rec. p. I-3315, point 37.


5 – C-66/00, Rec. p. I-5917.


6 – Voir, pour plus d’explications, les conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Allemagne et Danemark/Commission, dit «Feta II» (arrêt du 25 octobre 2005, C‑465/02 et C-466/02, Rec. p. I-9115, points 26 à 28).


7 – Précité à la note 5 (point 20).


8 – Précité à la note 5.


9 – Voir, à cet égard, les conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bigi, précité à la note 5 (points 45 à 55, et en particulier le point 53).


10 – Cette affirmation de la Cour est surprenante, car, en l’espèce, quatre gouvernements avaient soumis des observations écrites à savoir les gouvernements allemand, grec, italien et autrichien. Apparemment, la République fédérale d’Allemagne et, «dans une certaine mesure», la République d’Autriche divergeaient sur la thèse selon laquelle le terme «Parmesan» constitue la traduction correcte de l’appellation «Parmigiano Reggiano». Deux États membres, à savoir la République française et la République portugaise, ont présenté des observations orales. Ces États semblent avoir repris à leur compte les positions de la République hellénique et de la République italienne et d’avoir donc été inclus dans ce que la Cour a considéré comme étant la majorité (voir, à cet effet, les conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bigi, précité à la note 5, point 47).


11 – Arrêt Bigi, précité à la note 5 (point 20).


12 – Arrêt du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C-87/97, Rec. p. I-1301, point 25).


13 – Ibidem (point 26).


14 – Ibidem (point 29).


15 – Ibidem (point 27).


16 – Dans ce contexte, il convient de noter que, si le terme «Parmigiano» et sa traduction «Parmesan» constituent une évocation de l’AOP «Parmigiano Reggiano», il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner la question de l’effet de l’enregistrement de dénominations composées sur les éléments constitutifs de celles-ci, car il est clair que, si un élément constitutif d’une dénomination composée doit être considéré comme une évocation de l’ensemble de l’AOP au sein de l’article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement de base, son utilisation pour désigner des marchandises qui ne sont pas conformes au cahier des charges de l’AOP concernée porte atteinte à la protection garantie à cette AOP en vertu de l’article 13, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.


17 – Arrêt du 16 mars 1999 (C-289/96, C-293/96 et C-299/96, Rec. p. I‑1541, point 88).


18 – Précité à la note 6.


19 – Dans l’arrêt Feta II, précité à la note 6, les emballages utilisés en dehors de la Grèce et suggérant un lien entre le nom «Feta» et les traditions culturelles et la civilisation grecques étaient considérés comme une preuve de l’absence de caractère générique du mot «Feta». Dans ce cas d’espèce, l’aire de production de la Feta couvrait une grande partie du territoire grec. C’est la raison pour laquelle la Cour a pu considérer que le lien existant entre la dénomination «Feta» et la Grèce constituait une preuve valable du lien que les consommateurs établissent entre le nom «Feta» et la zone de protection de l’AOP «Feta» qui exclut donc le caractère générique du nom «Feta». Toutefois, il est douteux qu’une telle approche pouvait être suivie dans la présente affaire en raison du fait que la zone de production du Parmigiano Reggiano s’étend uniquement sur une partie très limitée du territoire italien. Pour cette raison, il est douteux que il puisse être déduit du lien existant entre le Parmesan et l’Italie que les consommateurs s’attendent à ce que le fromage appelé «Parmesan» trouve son origine dans la zone de production du Parmigiano Reggiano, à savoir la Région de l’Émilie-Romagne.


20 – C-265/95, Rec. p. I-6959.


21 – Voir, notamment, arrêts du 25 mai 1982, Commission/Pays‑Bas (96/81, Rec. p. 1791, point 6); du 26 juin 2003, Commission/Espagne (C-404/00, Rec. p. I‑6695, point 26); du 6 novembre 2003, Commission/Royaume-Uni (C-434/01, Rec. p. I-13239, point 21), et du 29 avril 2004, Commission/Autriche (C-194/01, Rec. p. I-4579, point 34).


22 – Voir, à ce sujet, arrêt du 12 mai 2005, Commission/Belgique (C-287/03, Rec. p. I‑3761, point 28).


23 – Voir, notamment, arrêts du 25 mars 2004, Azienda Agricola Ettore Ribaldi e.a. (C-480/00 à C‑482/00, C-484/00, C-489/00 à C-491/00 et C‑497/00 à C-499/00, Rec. p. I‑2943, point 42); du 23 novembre 1995, Dominikanerinnen-Kloster Altenhohenau (C‑285/93, Rec. p. I-4069, point 26), ainsi que du 13 avril 2000, Karlsson e.a. (C-292/97, Rec. p. I‑2737, point 27).


24 – Arrêts du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a. (205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, point 17); du 16 juillet 1998, Oelmühle Hamburg et Schmidt Söhne (C‑298/96, Rec. p. I-4767, point 24), et du 24 septembre 2002, Grundig Italiana (C‑255/00, Rec. p. I-8003, point 33).


25 – «Stellt eine benannte Kontrollbehörde und/oder eine private Kontrollstelle eines Mitgliedstaats fest, dass ein mit einer geschützten Bezeichnung versehenes Agrarerzeugnis oder Lebensmittel mit Ursprung in ihrem Mitgliedstaat die Anforderungen der Spezifikation nicht erfüllt, so trifft sie die erforderlichen Maßnahmen, um die Einhaltung dieser Verordnung zu gewährleisten.»


26 – La version italienne n’est pas équivoque à cet égard:


«Qualora constatino che un prodotto agricolo o alimentare recante una denominazione protetta originaria del suo Stato membro non risponde ai requisiti del disciplinare, le autorità di controllo designate e/o gli organismi privati di uno Stato membro prendono i necessari provvedimenti per assicurare il rispetto del presente regolamento.»


La version française est, quant à elle, plutôt claire:


«Lorsque les services de contrôle désignés et/ou les organismes privés d’un État membre constatent qu’un produit agricole ou une denrée alimentaire portant une dénomination protégée originaire de son État membre ne répond pas aux exigences du cahier des charges, ils prennent les mesures nécessaires pour assurer le respect du présent règlement.»


La version anglaise est plus ambiguë:


«If a designated inspection authority and/or private body in a Member State establishes that an agricultural product or a foodstuff bearing a protected name of origin in that Member State does not meet the criteria of the specification, they shall take the steps necessary to ensure that this Regulation is complied with.»


27 – En effet, cette approche a à présent été adoptée clairement par l’article 10 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 93, p. 12). Ce règlement est entré en vigueur le 31 mars 2006 et a abrogé le règlement de base. Ledit article 10 prévoit, pour ce qui est des «contrôles officiels», que «les États membres désignent la ou les autorité(s) compétente(s) qui sont responsables des contrôles relatifs aux exigences établies par le présent règlement conformément au règlement (CE) n° 882/2004 [du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relatif aux contrôles officiels effectués pour s’assurer de la conformité avec la législation sur les aliments pour animaux et les denrées alimentaires et avec les dispositions relatives à la santé animale et au bien-être des animaux (JO L 165, p. 1)]». L’article 11 du règlement n° 510/2006 traite séparément du «contrôle du respect du cahier des charges» et prévoit notamment que les coûts afférents à ce contrôle sont supportés par les opérateurs concernés par ledit contrôle.


28 – Direction générale de l’agriculture et de la politique de la qualité alimentaire dans l’Union européenne, «Protection des indications géographiques, des appellations d’origine et des certificats relatifs au caractère spécifique des produits agricoles et des denrées alimentaires, Guide des règlements communautaires, 2e éd., août 2004. Ce document est disponible dans la version anglaise en format pdf sur le site de la Commission http://ec.europa.eu/agriculture/publi/gi/broch_en.pdf.


29 – Voir, en ce qui concerne l’obligation des États membres de récupérer des sommes indûment payées du FEOGA, arrêts du 11 octobre 1990, Italie/Commission (C-34/89, Rec. p. I-3603), et du 21 février 1991, Allemagne/Commission (C-28/89, Rec. p. I-581).


30 – Précité à la note 20.


31 – La question de l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé. Voir notamment, en ce sens, arrêts du 30 novembre 2000, Commission/Belgique (C-384/99, Rec. p. I-10633, point 16); du 15 mars 2001, Commission/France (C-147/00, Rec. p. I-2387, point 26), et du 15 juillet 2004, Commission/Portugal (C-272/01, Rec. p. I-6767, point 29).