Language of document : ECLI:EU:T:2013:535

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

16 octobre 2013 (*)

« Aides d’État – Service public de la radiodiffusion – Aide envisagée par les autorités françaises en faveur de France Télévisions – Subvention budgétaire annuelle – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Article 106, paragraphe 2, TFUE – Lien d’affectation contraignant entre une taxe et une mesure d’aide »

Dans l’affaire T‑275/11,

Télévision française 1 (TF1), établie à Boulogne-Billancourt (France), représentée initialement par Mes J.‑P. Hordies et C. Smits, puis par Mes Hordies et J. Vogel, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et D. Grespan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. M. Muñoz Pérez, puis par Mme S. Centeno Huerta, puis par Mme N. Díaz Abad, Abogados del Estado,

par

République française, représentée initialement par MM. G. de Bergues et J. Gstalter, puis par MM. D. Colas et J. Rossi, en qualité d’agents,

et par

France Télévisions, établie à Paris (France), représentée par Mes J.‑P. Gunther et A. Giraud, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/140/UE de la Commission, du 20 juillet 2010, concernant l’aide d’État C 27/09 (ex N 34/B/09) subvention budgétaire pour France Télévisions que la République française envisage de mettre à exécution en faveur de France Télévisions (JO 2011, L 59, p. 44),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        France Télévisions est une société anonyme, créée en application de l’article 44‑I de la loi n° 86‑1067, du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication (JORF du 1er octobre 1986, p. 11755, ci-après la « loi n° 86‑1067 ») et soumise au contrôle économique et financier de l’État français. Les actions de France Télévisions ne peuvent appartenir qu’à l’État français.

2        France Télévisions détient six chaînes de télévision : France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô et Outre‑Mer 1re.

3        Dans le cadre d’une réforme de l’audiovisuel public, la République française a promulgué le 5 mars 2009 la loi n° 2009‑258, relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (JORF du 7 mars 2009, p. 4321, ci-après la « loi n° 2009‑258 »). Aux termes de l’article 28 (I, 11°) de ladite loi, modifiant l’article 53 (VI) de la loi n° 86‑1067, « [l]es programmes diffusés entre vingt heures et six heures des services nationaux de télévision […], à l’exception de leurs programmes régionaux et locaux, ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique ». Il est également précisé que « [c]ette disposition s’applique également aux programmes diffusés par ces services entre six heures et vingt heures à compter de l’extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision […] sur l’ensemble du territoire métropolitain », mais « ne s’applique pas aux campagnes d’intérêt général ».

4        Conformément à l’article 28 (I, 11°) de la loi n° 2009-258, la suppression progressive de la publicité sur les chaînes relevant du service public de la télévision résultant de la mise en œuvre de ladite loi donnerait lieu à une compensation financière de l’État affectée à France Télévisions dans des conditions définies par chaque loi de finances.

5        Entre-temps, pour compenser la suppression progressive de la publicité sur les chaînes relevant du service public de la télévision, la loi n° 2008‑1425, du 27 décembre 2008, de finances pour 2009 (JORF du 28 décembre 2008, p. 20262), avait déjà inscrit au budget général de l’État français, dans un « programme » intitulé « Contribution au financement de l’audiovisuel public », des crédits d’un montant de 450 millions d’euros, destinés à France Télévisions.

6        La loi n° 2009-258 a également modifié le code des impôts pour introduire de nouvelles taxes, à savoir, d’une part, une taxe sur les messages publicitaires et, d’autre part, une taxe sur les communications électroniques (ci-après les « nouvelles taxes »).

7        S’agissant, d’une part, de la taxe sur les messages publicitaires, l’article 32 (V) de la loi n° 2009‑258 a introduit, sous le titre II de la première partie du livre Ier du code général des impôts, un chapitre VII septies (article 302 bis KG) qui institue une taxe due par tout éditeur de services de télévision établi en France. La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des sommes versées par les annonceurs, pour la diffusion de leurs messages publicitaires, aux redevables concernés ou aux régisseurs de messages publicitaires.

8        S’agissant, d’autre part, de la taxe sur les communications électroniques, l’article 33 (V) de la loi n° 2009‑258 a introduit, sous le titre II de la première partie du livre Ier du code général des impôts, un chapitre VII octies (article 302 bis KH) qui institue une taxe due par tout opérateur de communications électroniques qui fournit un service en France et qui a fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération des services de communications électroniques que fournissent les opérateurs desdites communications.

9        Par lettre du 23 janvier 2009, la République française a notifié à la Commission des Communautés européennes son intention de procéder à la dotation budgétaire de 450 millions d’euros au bénéfice de France Télévisions, qui avait déjà été inscrite dans la loi de finances pour l’année 2009 (voir point 5 ci-dessus). Le 25 mai 2009, elle a étendu l’objet de cette notification en incluant le mécanisme pérenne et pluriannuel de financement public de France Télévisions pour la période 2010-2012, établi par la loi n° 2009-258 (voir points 3 et 4 ci-dessus).

10      S’agissant, d’une part, de la subvention budgétaire votée pour l’année 2009, la Commission, par lettre du 1er septembre 2009, a considéré que celle-ci était compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE (devenu article 106, paragraphe 2, TFUE). Sa décision à cet égard a fait l’objet d’un recours devant le Tribunal. Par l’arrêt du 10 juillet 2012, TF1 e.a./Commission T‑520/09, non publié au Recueil), le Tribunal a rejeté le recours.

11      S’agissant, d’autre part, de la mise en place d’un mécanisme de financement pluriannuel de France Télévisions, la Commission a, tout d’abord, estimé que ce mécanisme pouvait constituer une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (devenu article 107, paragraphe 1, TFUE) dont il convenait d’examiner la compatibilité avec le marché intérieur au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE (devenu article 106, paragraphe 2, TFUE). À cet égard, elle n’a pas soulevé de doutes sur le fait que France Télévisions était chargée de missions de service public clairement définies par un acte officiel et soumises à des contrôles appropriés. En revanche, pour ce qui est de l’examen de la proportionnalité dudit mécanisme de financement envisagé par rapport au coût net de l’activité de service public, elle a émis des doutes, d’une part, sur l’existence d’un risque de surcompensation des coûts nets de service public pour l’année 2012 et, probablement, pour les années 2010 et 2011 et, d’autre part, sur l’existence possible d’un lien d’affectation entre les recettes des nouvelles taxes et l’aide à verser à France Télévisions et, pour autant qu’un tel lien pût être établi, sur les effets négatifs de celles-ci et leur compatibilité avec le traité. Pour ces raisons, par sa lettre du 1er septembre 2009 susmentionnée, elle a décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (devenu article 108, paragraphe 2, TFUE).

12      Le 2 novembre 2009, la requérante, Télévision française 1 (TF1), a présenté ses observations sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen en tant que partie intéressée.

13      Par la décision 2011/140/UE, du 20 juillet 2010, concernant l’aide d’État C 27/09 (ex N 34/B/09) subvention budgétaire pour France Télévisions que la République française envisage de mettre à exécution en faveur de France Télévision (JO 2011, L 59, p. 44, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a déclaré que l’aide d’État que la République française envisageait de mettre à exécution en faveur de France Télévisions sous la forme d’une subvention budgétaire annuelle en application de l’article 53 (VI) de la loi n° 86‑1067 amendée, tel que modifié par l’article 28 de la loi n° 2009‑258, était compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

 Décision attaquée

14      Dans la décision attaquée, la Commission a, à titre liminaire, constaté que la mesure notifiée constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

15      Par ailleurs, afin d’apprécier la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur à la lumière de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, la Commission a suivi sa communication du 2 juillet 2009 concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État (JO C 257, p. 1, ci-après la « communication sur la radiodiffusion »), applicable à l’aide notifiée en cause dès sa publication, conformément à ses articles 98 et 99.

16      Conformément aux principes énoncés dans la communication sur la radiodiffusion, l’examen de la Commission portant sur la compatibilité avec le marché intérieur du financement des organismes publics de radiodiffusion par l’État doit porter sur deux aspects. La Commission doit examiner, d’une part, l’existence d’une définition précise et claire dans un acte officiel de la mission de service public, soumise à des mécanismes de contrôle efficaces par une entité indépendante du radiodiffuseur et, d’autre part, le caractère proportionnel et transparent du financement public des compensations nécessaires pour la mission de service public, sans que celles-ci n’excèdent le montant du coût net induit par ladite mission.

17      S’agissant du premier aspect de l’examen portant sur la compatibilité avec le marché intérieur du financement des organismes publics de radiodiffusion par l’État, la Commission n’a pas soulevé de doutes dans sa décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen (voir point 11 ci-dessus). Dans la décision attaquée, elle a expressément affirmé que, en l’espèce, la définition de la mission de service public dévolue à France Télévisions ainsi que les mécanismes de contrôle y afférents étaient conformes aux principes établis dans la communication sur la radiodiffusion.

18      S’agissant du second aspect de l’examen portant sur la compatibilité avec le marché intérieur du financement des organismes publics de radiodiffusion par l’État, la Commission a estimé que le mode de calcul de la subvention annuelle attribuée à France Télévisions, fondé sur les prévisions des coûts nets de service public, à savoir les coûts de la mission de service public minorés des recettes commerciales qui subsisteraient après la diminution progressive, puis la disparition des messages publicitaires, apparaissait comme proportionnel au sens de la communication sur la radiodiffusion. Son appréciation à cet égard était fondée, notamment, sur les prévisions des ressources publiques, recettes et coûts de service public de France Télévisions pour les années 2010 à 2012 figurant, sous forme de fourchettes, au tableau 1 de la décision attaquée (considérant 29).

19      En outre, s’agissant du caractère transparent du financement public de la mission de service public de France Télévisions, la Commission a constaté que le montant de la subvention annuelle attribuée à France Télévisions ferait l’objet de contrôles ex post par le biais de mécanismes appropriés, suivis, le cas échéant, d’une récupération imposée par les dispositions législatives en vigueur, afin de prévenir toute surcompensation ou subvention croisée. Dans le cadre de cette appréciation, la Commission s’est appuyée, d’une part, sur les engagements de la République française à cet égard et, d’autre part, sur les rapports concernant France Télévisions portant sur les années 2007 et 2008 et établis par des commissaires aux comptes, en application de l’article 3 du décret n° 2007‑958, relatif aux relations financières entre l’État et les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle (JORF du 16 mai 2007, p. 9360) ainsi que sur le projet de rapport pour l’année 2009, établi en application de l’article 2 dudit décret (ci-après les « rapports annuels »).

20      Par ailleurs, constatant qu’un lien contraignant d’affectation n’était pas établi, en vertu de la réglementation nationale pertinente, entre les nouvelles taxes et la mesure d’aide en cause, la Commission a considéré que lesdites taxes ne faisaient pas partie intégrante de l’aide et, par conséquent, ne devaient pas être intégrées dans l’examen de sa compatibilité avec le marché intérieur. Elle a, néanmoins, affirmé que cette dernière conclusion était sans préjudice de la compatibilité desdites taxes, en tant que mesures distinctes, avec le droit de l’Union européenne.

21      Ainsi, sur la base de ces considérations, la Commission a déclaré l’aide en cause compatible avec le marché intérieur, conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mai 2011, la requérante, qui, ainsi qu’il a été relevé plus haut (voir point 12 ci-dessus), avait participé en tant que partie intéressée à la procédure ayant précédé l’adoption de la décision attaquée, a introduit le présent recours.

23      La Commission a déposé son mémoire en défense le 3 octobre 2011.

24      Par ordonnances du président de la troisième chambre du Tribunal du 24 novembre 2011, le Royaume d’Espagne, la République française et France Télévisions ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission, conformément à l’article 115 du règlement de procédure du Tribunal.

25      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

26      Lors de l’audience, qui s’est déroulée le 19 avril 2013, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal.

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      Dans le cadre de son recours, la requérante demande également au Tribunal d’ordonner la production des documents dont s’est servie la Commission pour conclure au caractère proportionnel et transparent du financement public de France Télévisions.

29      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

30      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

31      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours.

32      France Télévisions conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer irrecevable la première branche du second moyen du recours ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

33      À l’appui du recours, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, d’une interprétation erronée du lien d’affectation entre les nouvelles taxes et le financement de France Télévisions, le deuxième, du risque de surcompensation lié au mécanisme dudit financement et, le troisième, de la non-prise en compte du fait que, en raison des nouvelles taxes, ce mécanisme était contraire aux articles 49, 56 et 110 TFUE ainsi qu’à des règles du droit dérivé.

34      Il convient de commencer par l’examen du premier moyen, suivi de l’examen du troisième moyen et, enfin, du deuxième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation erronée du lien d’affectation entre les nouvelles taxes et le financement de France Télévisions

35      Ainsi qu’il a été relevé au point 20 ci-dessus, dans la décision attaquée, afin de déterminer si les nouvelles taxes pouvaient être intégrées dans l’examen de compatibilité avec le marché intérieur de la mesure d’aide en cause, la Commission a examiné si lesdites taxes pouvaient être considérées comme faisant partie intégrante de l’aide. À cette fin, elle a vérifié s’il existait, en l’espèce, un lien d’affectation contraignant entre l’aide et les nouvelles taxes en vertu de la réglementation nationale. À cet égard, elle a, dans un premier temps, constaté que, en droit français, conformément à l’article 36 de la loi organique n° 2001‑692, du 1er août 2001, relative aux lois de finances (JORF du 2 août 2001, p. 12480, ci-après la « loi organique n° 2001‑692 »), l’affectation d’une ressource établie au profit de l’État français à une autre personne morale ne pouvait résulter que d’une disposition expresse d’une loi de finances. Constatant qu’une telle disposition affectant le produit des nouvelles taxes au financement de l’aide en cause faisait défaut, elle a conclu à l’absence d’un lien d’affectation contraignant entre les nouvelles taxes et l’aide en cause (voir considérant 120 de la décision attaquée). Dans un second temps, elle a constaté que l’absence d’un tel lien d’affectation ressortait également du fait que, en vertu de la réglementation nationale et plus précisément de l’article 53 (III) de la loi n° 86‑1067 amendée, le montant de l’aide en cause serait calculé en fonction du montant des coûts nets de service public de France Télévisions et non du montant des recettes tirées des nouvelles taxes (voir considérant 121 de la décision attaquée).

36      La requérante conteste ces appréciations de la Commission. Elle fait valoir que, en l’espèce, il existait des indices concordants permettant de conclure à l’existence d’un lien d’affectation contraignant entre les nouvelles taxes et l’aide en cause, tant d’un point de vue juridique que d’un point de vue économique. D’une part, une affectation juridique ressortirait de l’ensemble de la réglementation nationale pertinente, de son économie et de son contexte économique. L’absence de disposition expresse dans la loi de finances à cet égard n’exclurait pas, selon la requérante, l’existence de fait d’un tel lien d’affectation juridique. D’autre part, une affectation économique ressortirait du mécanisme de détermination du montant de l’aide, du taux de la taxe et de son utilisation effective. La requérante ajoute que, contrairement aux affirmations de la Commission, le fait que le montant de l’aide versée à France Télévisions ne saurait excéder les coûts nets de service public de cette dernière n’empêche pas qu’il soit calculé en fonction du produit des nouvelles taxes. Ainsi, la Commission aurait commis une erreur d’interprétation du lien d’affectation entre les nouvelles taxes et l’aide en cause en ce qu’elle a considéré que ces taxes ne faisaient pas partie intégrante de cette dernière. La Commission aurait, dès lors, commis une erreur d’appréciation en s’abstenant de vérifier les effets du financement de l’aide en cause par lesdites taxes dans son examen de compatibilité.

37      La Commission et les parties intervenantes contestent les arguments de la requérante.

38      Vu l’argumentation de la requérante, exposée ci-dessus, il convient de considérer que le premier moyen comporte deux branches.

39      La première branche du premier moyen concerne l’existence de ce que la requérante qualifie d’« affectation juridique » des nouvelles taxes à l’aide en cause, laquelle ressortirait, en dépit de l’absence d’une disposition expresse dans une loi de finances à cet égard, de l’ensemble de la réglementation nationale pertinente, de son économie et de son contexte économique. Par cette branche, la requérante vise, en substance, à contester l’appréciation de la Commission quant à l’absence d’une disposition contraignante affectant les nouvelles taxes au financement de l’aide telle qu’exposée au considérant 120 de la décision attaquée.

40      La seconde branche du premier moyen concerne l’existence de ce que la requérante qualifie d’« affectation économique » des nouvelles taxes à l’aide, laquelle ressortirait du mécanisme de détermination du montant de l’aide, du taux des taxes et de leur utilisation effective. Par cette branche, la requérante vise, en substance, à contester l’appréciation de la Commission exposée au considérant 121 de la décision attaquée, selon laquelle le montant de l’aide serait calculé indépendamment du produit des taxes.

 Observations liminaires

41      Selon une jurisprudence constante, l’examen d’une aide d’État par la Commission sur la base de l’article 108 TFUE doit être effectué au regard de l’ensemble des modalités de l’aide et au regard de l’ensemble des dispositions des traités, dès lors qu’une aide d’État qui, par une de ses modalités, viole des dispositions des traités, autres que l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne peut pas être déclarée compatible avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I‑6857, point 78 ; du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C‑204/97, Rec. p. I‑3175, point 41, et du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, Rec. p. I‑2577, point 50).

42      Il ressort également de la jurisprudence qu’une taxe ne rentre pas dans le champ d’application des dispositions du traité concernant les aides d’État à moins qu’elle constitue le mode de financement d’une mesure d’aide, de sorte qu’elle fait partie intégrante de cette mesure (arrêt de la Cour du 13 janvier 2005, Streekgewest, C‑174/02, Rec. p. I‑85, point 25) et constitue, de ce fait, une de ses modalités au sens de la jurisprudence citée au point précédent.

43      Pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide concernées en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide et influence directement l’importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur (arrêts de la Cour Streekgewest, point 42 supra, point 26, et du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, Rec. p. I‑10807, point 99).

44      Il ressort de cette jurisprudence que, d’une part, pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit nécessairement exister une disposition contraignante de droit national imposant l’affectation de la taxe au financement de l’aide. Il s’ensuit que, en l’absence d’une telle disposition, une taxe ne peut pas être considérée comme étant affectée à une mesure d’aide et ne constitue donc pas une de ses modalités. D’autre part, la seule circonstance de l’existence d’une telle disposition ne peut pas, à elle seule, constituer une condition suffisante pour établir qu’une taxe fasse partie intégrante d’une mesure d’aide. Lorsqu’une telle disposition de droit national existe, il faut examiner, par ailleurs, si le produit de la taxe influence directement l’importance de l’aide.

 Sur la première branche du premier moyen

45      La requérante soutient que c’est à tort que la Commission s’est arrêtée au seul constat de l’absence d’une disposition expresse d’une loi de finances affectant les nouvelles taxes au financement de l’aide en cause pour conclure qu’un lien d’affectation ne pouvait être établi en l’espèce. Si elle ne conteste pas l’absence d’une telle disposition expresse d’une loi de finances, elle estime qu’un lien d’affectation pouvait être établi sur la base d’autres indices, considérant, notamment, que la République française a volontairement omis d’adopter une telle disposition afin d’éviter que lesdites taxes soient considérées comme faisant partie intégrante de l’aide. Elle soutient également que le lien d’affectation entre une taxe et une mesure d’aide doit être appréhendé comme une notion du droit de l’Union. Or, selon elle, le fait d’exiger que l’existence d’un lien d’affectation contraignant soit établie en vertu de la réglementation nationale pertinente aurait pour conséquence que la notion du lien d’affectation serait dépendante des différents droits nationaux.

46      S’agissant, tout d’abord, de l’argument tiré de la prise en compte de la réglementation nationale pertinente pour l’appréciation de l’existence d’un lien d’affectation entre une taxe et une mesure d’aide, il y a lieu de relever que cette exigence ressort clairement de la jurisprudence (voir point 43 ci-dessus).

47      En tout état de cause, contrairement aux allégations de la requérante, exiger que l’affectation d’une taxe à une mesure d’aide soit établie en vertu de la réglementation nationale pertinente ne signifie nullement que la notion du lien d’affectation dépend à chaque fois du droit national concerné. En effet, d’une part, la notion du lien d’affectation contraignant est une notion du droit de l’Union établie par la jurisprudence et, d’autre part, l’existence d’un tel lien est un critère uniforme, applicable indistinctement à tous les États membres pour établir si une taxe peut être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide.

48      Il s’ensuit que la Commission a, à juste titre, considéré que l’existence d’un lien d’affectation entre les nouvelles taxes et l’aide en cause devait être établie en vertu de la réglementation nationale pertinente.

49      Il y a lieu d’observer, ensuite, que, ainsi que le relève le gouvernement français, conformément à la réglementation française et, plus précisément, à l’article 6 de la loi organique n° 2001-692, l’ensemble des recettes assurant l’exécution de l’ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique, intitulé budget général. En outre, selon l’article 2 de la même loi organique n° 2001‑692, les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu’à raison des missions de service public confiées à celui‑ci et sous respect de certaines conditions. Une telle condition est prévue à l’article 36 de la loi organique n° 2001‑692 selon lequel l’affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d’une ressource établie au profit de l’État ne peut résulter que d’une disposition expresse d’une loi de finances.

50      Il y a, dès lors, lieu de constater, à l’instar de la Commission, que, en vertu de la réglementation française, pour qu’une taxe puisse être affectée au financement d’une aide, cette affectation doit être expressément prévue par une disposition d’une loi de finances.

51      Dans la décision attaquée, la Commission a affirmé qu’une disposition expresse d’une loi de finances affectant les nouvelles taxes au financement de l’aide en cause n’avait pas été adoptée, ce que la requérante ne conteste pas. Elle a également affirmé que la République française s’est engagée à l’informer en cas de modification de ce régime. Ainsi que l’a relevé le gouvernement français lors de l’audience, aucune disposition de cette sorte n’avait été adoptée jusqu’à ce jour.

52      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer, à l’instar de la Commission, que, en vertu de la réglementation française, les nouvelles taxes n’étaient pas, en l’absence d’une disposition expresse d’une loi de finances à cet égard, nécessairement affectées au financement de l’aide accordée à France Télévisions.

53      Cette appréciation n’est remise en cause par aucun des arguments avancés par la requérante. En effet, celle-ci ne conteste pas qu’un lien d’affectation contraignant entre les nouvelles taxes et l’aide en cause doit être établi afin de pouvoir considérer qu’elles font partie intégrante de l’aide. Elle considère, toutefois, que l’absence d’une disposition expresse d’une loi de finances affectant lesdites taxes au financement de l’aide n’exclut pas qu’un lien d’affectation contraignant puisse être établi sur la base d’autres textes et éléments de contexte. Selon elle, l’existence d’un tel lien ressortirait, en l’espèce, de plusieurs éléments du contexte du processus d’élaboration de la réforme audiovisuelle témoignant que les nouvelles taxes ont été introduites afin de créer un équilibre aboutissant à un solde budgétaire nul pour l’État.

54      Premièrement, la requérante invoque la loi n° 2009-258 comme élément de contexte du processus d’élaboration de la réforme audiovisuelle témoignant que les nouvelles taxes ont été introduites afin de créer un équilibre aboutissant à un solde budgétaire nul pour l’État, dans la mesure où ladite loi contient à la fois des dispositions ayant trait à l’aide et des dispositions instituant les nouvelles taxes, ce qui ferait ressortir l’existence d’un lien d’affectation. Deuxièmement, l’existence d’un tel lien ressortirait de l’exposé des motifs du projet de loi « relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision » ayant été déposé le 22 octobre 2008 à la présidence de l’Assemblée nationale, selon lequel l’objectif de l’institution des nouvelles taxes était d’assurer un financement pérenne et de respecter le principe d’équité entre les différents acteurs économiques du secteur audiovisuel. Troisièmement, un lien d’affectation contraignant serait établi en vertu de l’article 75 de la loi n° 2009‑258 qui prévoit qu’un comité de suivi est chargé de s’assurer de l’adéquation des nouvelles taxes avec les besoins de financement de France Télévisions. Quatrièmement, un lien d’affectation ressortirait du rapport annexé à la loi n° 2009-135, du 9 février 2009, de programmation des finances publiques (JORF du 11 février 2009, p. 2346) qui prévoit que, même si la suppression de la publicité sera compensée aux organismes concernés par une subvention du budget général, l’effet sur le solde de l’État sera nul, compte tenu de la création des nouvelles taxes. Cinquièmement, la requérante évoque des discours tenus au Parlement français ou par le président de la République française établissant, selon elle, un lien entre la création des nouvelles taxes et le financement de France Télévisions.

55      À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ressort de ces textes et éléments de contexte qu’une certaine relation existe entre les taxes et l’aide concernées. En effet, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, tant la création des nouvelles taxes que la compensation en cause accordée à France Télévisions, toutes introduites en même temps par la loi n° 2009‑258, trouvent leur origine dans la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publique. Il n’est, d’ailleurs, pas contesté que la création des nouvelles taxes avait pour objectif d’assurer la pérennité du financement de l’audiovisuel public dans son ensemble, dont la mesure litigieuse ne constitue qu’une partie.

56      Or, l’existence d’une certaine relation entre les nouvelles taxes et le financement de la mesure d’aide en cause ne signifie nullement que celles-ci étaient affectées de manière contraignante au financement de ladite mesure.

57      En effet, il ressort de la jurisprudence que, en l’absence d’un lien contraignant, en vertu de la réglementation nationale, affectant nécessairement le produit d’une taxe au financement d’une aide, le fait que la taxe sert, entre autres, au financement de l’aide ne signifie pas que le produit de la taxe est nécessairement affecté à celle-ci, dès lors qu’il peut être réparti entre différentes affectations à l’appréciation discrétionnaire des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 janvier 2005, Pape, C‑175/02, Rec. p. I‑127, point 16, et du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a., C‑266/04 à C‑270/04, C‑276/04 et C‑321/04 à C‑325/04, Rec. p. I‑9481, point 55).

58      En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 49 ci-dessus, conformément à la réglementation française, en l’absence d’une disposition expresse d’une loi de finances affectant les nouvelles taxes à l’aide en cause, leur produit est retracé au budget général de l’État, de sorte qu’il peut être affecté à différentes dépenses, autres que la mesure d’aide en cause. Il s’ensuit que le fait que les nouvelles taxes ont été introduites afin de couvrir le financement de l’audiovisuel public en général n’est pas susceptible, à lui seul et sans l’existence d’un lien d’affectation contraignant à cet égard conformément aux exigences de la réglementation nationale, de démontrer l’existence d’une affectation des nouvelles taxes au financement de l’aide en cause. Cette circonstance distingue nettement le cas d’espèce de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Régie Networks, point 43 supra, invoqué par la requérante lors de l’audience, de sorte que la solution retenue par la Cour dans cet arrêt n’est pas transposable en l’espèce.

59      L’argument de la requérante selon lequel un tel lien d’affectation contraignant pourrait ressortir d’autres textes et éléments de contexte ne saurait être accueilli.

60      En effet, celle-ci n’explique nullement comment ces textes et éléments de contexte seraient susceptibles d’obliger les autorités compétentes d’affecter le produit des nouvelles taxes au financement de la subvention litigieuse en faveur de France Télévisions, étant donné qu’une telle affectation constituerait une violation de la réglementation nationale qui interdit expressément l’affectation d’une taxe établie au profit de l’État français à une autre personne morale par un moyen autre qu’une disposition expresse d’une loi de finances (voir point 49 ci-dessus).

61      En tout état de cause, même à supposer que, contrairement à l’interdiction expresse de la réglementation nationale à cet égard, un lien d’affectation contraignant entre les nouvelles taxes et l’aide en cause ait pu être établi en vertu d’un texte autre qu’une disposition expresse d’une loi de finances, il convient de relever que les textes juridiques et éléments de contexte invoqués par la requérante ne sont pas de nature à établir l’existence d’un tel lien. En effet, d’une part, aucun des textes juridiques invoqués par la requérante ne prévoit une affectation contraignante des nouvelles taxes à l’aide en cause et, d’autre part, les éléments de contexte invoqués ne sont que des textes préparatoires ou déclarations d’ordre politique sans aucune force contraignante.

62      Il s’ensuit que la requérante ne saurait valablement fonder son argument de l’existence d’un lien d’affectation contraignant entre les nouvelles taxes et l’aide en cause sur ces textes et éléments de contexte.

63      Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’arrêt de la Cour du 7 septembre 2006, Laboratoires Boiron (C‑526/04, Rec. p. I‑7529) invoqué à cet égard par la requérante. Selon elle, il ressortirait de cet arrêt que l’intention du législateur revête une importance déterminante afin d’établir l’existence d’un lien d’affectation entre une taxe et une mesure d’aide, sans que l’existence d’une disposition expresse de droit national à cet égard ne soit nécessaire.

64      Or, les considérations de la Cour dans l’arrêt Laboratoires Boiron, point 63 supra, ne sont pas transposables à la présente affaire. En effet, ledit arrêt portait sur la question de savoir si le non-assujettissement de certains opérateurs à une taxe sur les ventes directes comportait une surcompensation au profit de ceux-ci et constituait, donc, en tant que tel, une aide illégale en leur faveur (voir point 28 dudit arrêt). Dans un tel cas, la prise en compte de l’intention du législateur peut effectivement revêtir une importance certaine afin de pouvoir établir si ce non-assujettissement à la taxe constituait l’objectif principal de sa création (voir point 35 dudit arrêt). En revanche, il n’en va pas de même pour l’examen de l’existence d’un lien d’affectation d’une taxe à une mesure d’aide, celle-ci devant être établie de manière objective en vertu de la réglementation nationale.

65      Il ressort de ce qui précède qu’aucun des arguments de la requérante ne permet de remettre en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle, en l’absence d’une disposition expresse d’une loi de finances à cet égard, un lien d’affectation contraignant entre les nouvelles taxes et l’aide accordée à France Télévisions ne pouvait être établi en vertu de la réglementation nationale.

66      La première branche du premier moyen doit donc être rejetée.

 Sur la seconde branche du premier moyen

67      La requérante fait valoir qu’il existe une « affectation économique » résultant d’une corrélation financière entre le produit des nouvelles taxes et le financement de l’aide en cause. Cette corrélation ressortirait, d’une part, du fait que le rendement attendu des nouvelles taxes pour l’année 2009 correspondait à la subvention accordée à France Télévisions pour cette même année et, d’autre part, des adaptations apportées au taux desdites taxes. Ainsi, une diminution du montant de l’aide accordée à France Télévisions pour l’année 2009 aurait eu pour conséquence une révision à la baisse du taux d’une des nouvelles taxes, et plus précisément de la taxe sur les messages publicitaires. Le taux de ladite taxe aurait été diminué à nouveau en 2010 eu égard à l’évolution de la situation financière de France Télévisions.

68      Ainsi qu’il a été relevé au point 40 ci-dessus, par la seconde branche du premier moyen, la requérante vise, en substance, à contester l’appréciation de la Commission, telle qu’exposée au considérant 121 de la décision attaquée, selon laquelle l’absence d’un lien d’affectation contraignant entre les nouvelles taxes et l’aide en cause ressortait également du fait que le montant de l’aide était calculé, conformément à la réglementation nationale, en fonction des coûts nets de service public de France Télévisions et non des recettes desdites taxes.

69      À cet égard, il doit être rappelé que l’existence d’un lien d’affectation contraignant en vertu de la réglementation nationale est une condition nécessaire exigée par la jurisprudence afin de pouvoir considérer qu’une taxe soit affectée à une mesure d’aide (voir points 43 et 44 ci-dessus). Ainsi, en l’espèce, après avoir conclu, à juste titre, comme il ressort de l’examen de la première branche (voir points 46 à 65 ci-dessus), qu’un tel lien n’existait pas en vertu de la réglementation nationale, la Commission était en droit de conclure, pour cette seule raison, que les nouvelles taxes ne pouvaient pas être considérées comme faisant partie intégrante de l’aide en cause et, partant, de les exclure de l’examen de compatibilité de celle-ci avec le marché intérieur.

70      Dans ce cadre, les considérations de la Commission comprises dans le considérant 121 de la décision attaquée ne constituent qu’un motif évoqué à titre surabondant. Les arguments avancés par la requérante à l’encontre desdites considérations doivent donc être rejetés comme inopérants.

71      En tout état de cause, les arguments de la requérante selon lesquels une corrélation financière existerait entre le produit des nouvelles taxes et le montant de l’aide concernée ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle il ressort de la réglementation nationale que le montant de l’aide est déterminé en fonction des coûts nets de service public de France Télévisions et non des recettes desdites taxes.

72      En effet, force est de constater que, dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, la requérante se borne à invoquer divers éléments de contexte ainsi que des indices factuels établissant, selon elle, l’existence d’une corrélation entre le produit des nouvelles taxes et le montant de l’aide en cause.

73      Or, une telle argumentation, qui n’est fondée que sur des éléments de contexte et des indices factuels, n’est pas de nature à infirmer l’appréciation de la Commission qui s’appuie sur un texte juridique contraignant, à savoir, la disposition de l’article 53 (III) de la loi n° 86‑1067 amendée (voir point 35 ci-dessus), laquelle prévoit expressément que le montant de l’aide sera calculé en fonction des coûts nets de service public de France Télévisions et, donc, indépendamment du produit des nouvelles taxes.

74      En outre, il convient de relever que la Commission, ayant constaté que le montant de l’aide était ainsi déterminé, n’avait pas à examiner si une corrélation financière, au sens que la requérante prête à cette expression, pouvait éventuellement exister entre les taxes et l’aide, d’autant plus que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, elle n’avait pas été, en tout état de cause, en mesure d’effectuer un tel examen, dès lors que celle-ci portait sur une mesure d’aide qui n’était pas encore mise en exécution.

75      Quoi qu’il en soit, il y a lieu de constater qu’aucun des arguments avancés par la requérante dans ce contexte ne saurait convaincre.

76      S’agissant, premièrement, de la prétendue correspondance du rendement attendu des nouvelles taxes pour l’année 2009 à la subvention accordée à France Télévisions pour cette même année, il suffit de relever que ledit argument concerne l’année 2009, qui ne fait pas l’objet du mécanisme pluriannuel de financement de France Télévisions visé par la décision attaquée et portant sur les années 2010 et au-delà.

77      S’agissant, deuxièmement, de l’argument selon lequel la corrélation financière entre les nouvelles taxes et le financement de l’aide en cause ressortirait des adaptations apportées au taux desdites taxes, il convient de constater que, même à supposer qu’il existe une certaine corrélation, cette circonstance n’est pas susceptible d’infirmer le fait que, en vertu de la réglementation nationale pertinente (voir point 35 ci-dessus), le calcul du montant de la subvention accordée à France Télévisions est effectué sur la base du montant des coûts nets de service public. En tout état de cause, ledit argument de la requérante est infirmé du fait que, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 121, in fine, de la décision attaquée et l’a rappelé le gouvernement français, une modification du taux de la taxe sur les messages publicitaires, prévue par la loi n° 2009‑1674, du 30 décembre 2009, de finances rectificative pour 2009 (JORF du 31 décembre 2009, p. 22940), n’a eu aucune incidence sur le montant de la subvention annuelle accordée à France Télévisions. L’absence d’une corrélation financière entre les nouvelles taxes et le financement de l’aide en cause ressort, d’ailleurs, clairement du tableau présenté par le gouvernement français dans son mémoire en intervention, les données duquel n’ont pas été contestées par la requérante.

78      S’agissant, troisièmement, de l’argument de la requérante selon lequel le montant de l’aide n’évolue pas en fonction des coûts nets de service public de France Télévisions, mais en fonction de l’évolution des recettes publicitaires qui subsistent, il convient de relever que, ainsi qu’il a été affirmé dans la décision attaquée (voir considérant 100), la détermination du montant de l’aide se fait en fonction des coûts de la mission de service public, minoré des recettes commerciales qui subsisteront après la diminution progressive puis la disparition des messages publicitaires. Or, les recettes publicitaires de France Télévisions faisant partie de ses recettes commerciales, leur montant peut avoir un impact sur le montant des coûts nets de service public sur la base desquels est calculé le montant de l’aide. Cela ne signifie pas pour autant que ce dernier n’est pas déterminé en fonction des coûts nets de service public comme allégué par la requérante.

79      Il ressort de ce qui précède que les éléments avancés par la requérante ne permettent pas de considérer que le montant de l’aide en cause est déterminé en fonction d’éléments autres que celui retenu par la décision attaquée, à savoir les prévisions des coûts nets de service public de France Télévisions, et donc indépendamment du produit des nouvelles taxes.

80      Il convient donc de rejeter la seconde branche du premier moyen.

81      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant qu’aucun lien d’affectation contraignant ne pouvait être établi, en vertu de la réglementation nationale, entre les nouvelles taxes et l’aide accordée à France Télévisions. Il s’ensuit que, en l’absence d’un tel lien, c’est à juste titre que la Commission a considéré que lesdites taxes ne faisaient pas partie intégrante de l’aide et ne constituaient, dès lors, pas une de ses modalités. Partant, la Commission était en droit d’exclure lesdites taxes de l’examen de compatibilité de l’aide avec le marché intérieur.

82      Le premier moyen doit donc être rejeté dans sa totalité.

 Sur le troisième moyen, tiré de la non‑ prise en compte du fait que, en raison des nouvelles taxes, le mécanisme de financement de France Télévisions était contraire aux articles 49, 56 et 110 TFUE ainsi qu’à des règles du droit dérivé

83      La requérante fait valoir qu’une aide qui, par certaines de ses modalités, viole des dispositions du TFUE, autres que l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ou des dispositions du droit dérivé ne saurait être déclarée compatible avec le marché intérieur. Or, en l’espèce, la Commission, dans l’appréciation de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur, aurait omis de prendre en compte le fait que les nouvelles taxes sont contraires aux dispositions, premièrement, de l’article 110 TFUE, deuxièmement, des articles 49 et 56 TFUE et, troisièmement, de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (JO L 108, p. 21).

84      La Commission et les intervenants contestent les arguments de la requérante.

85      À cet égard, il doit être relevé que le troisième moyen repose sur la prémisse que les nouvelles taxes constituent une des modalités de la mesure d’aide en cause.

86      Or, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’examen du premier moyen (voir points 35 à 82 ci-dessus), dès lors que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant qu’aucun lien d’affectation contraignant ne pouvait être établi, en vertu de la réglementation nationale, entre les nouvelles taxes et l’aide accordée à France Télévisions, elle a estimé, à bon droit, que les nouvelles taxes ne pouvaient pas être considérées comme faisant partie intégrante de la mesure d’aide en cause. Par conséquent, les nouvelles taxes ne constituaient pas des modalités de la mesure d’aide en cause et, dès lors, la Commission n’avait pas à apprécier leur compatibilité avec le droit de l’Union dans le cadre de son examen de ladite mesure.

87      En revanche, ainsi que la Commission l’a souligné au considérant 123 de la décision attaquée, cette appréciation est sans préjudice de la compatibilité desdites taxes, en tant que mesures distinctes, avec le droit de l’Union. En effet, ainsi que le relève la Commission, celle-ci a engagé une procédure de manquement à l’encontre de la République française concernant la compatibilité d’une des deux nouvelles taxes, à savoir la taxe sur les communications électroniques, avec l’article 12 de la directive 2002/20.

88      Partant, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur en n’examinant pas, dans le cadre de la procédure en cause, la compatibilité des nouvelles taxes avec les dispositions du traité et du droit dérivé invoquées par la requérante.

89      Il convient, dès lors, de rejeter le troisième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré du risque de surcompensation lié au mécanisme de financement de France Télévisions

90      Le deuxième moyen de la requérante comporte deux branches. Par la première branche, la requérante énonce qu’elle vise à contester le montant estimé des « coûts nets supplémentaires » de service public de France Télévisions. Elle assortit cette première branche d’une demande de production de documents en tant que mesure d’organisation de la procédure. Par la seconde branche, la requérante critique l’analyse de la Commission en ce que cette dernière, dans l’examen de la compatibilité de la mesure d’aide en cause avec le marché intérieur à la lumière de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, n’a pas pris en compte l’efficacité économique de France Télévisions dans l’exécution de sa mission de service public.

 Sur la première branche du deuxième moyen

91      La requérante entend contester le montant estimé des « coûts nets supplémentaires » de service public de France Télévisions, à savoir les coûts nets de service public résultant de la suppression de la publicité dans les chaînes de France Télévisions à la suite de la réforme de l’audiovisuel public (voir point 3 ci-dessus), « afin de faire respecter le principe de proportionnalité et de s’assurer de l’absence de surcompensation ».

92      Dans la requête, la requérante avance qu’elle ne dispose pas de documents nécessaires lui permettant d’apprécier la légalité des conclusions auxquelles a abouti la Commission à cet égard, et demande, dès lors, en tant que mesure d’organisation de la procédure, la production des documents sur lesquels la Commission a fondé son appréciation. Il s’agirait, d’une part, de la version confidentielle de la décision attaquée et, notamment, du tableau figurant à son considérant 29 portant sur la prévision des recettes et coûts de service public de France Télévisions pour les années 2010 à 2012, sur laquelle la Commission se serait fondée pour apprécier le caractère proportionnel du financement de service public de France Télévisions (voir point 18 ci-dessus), et, d’autre part, des rapports annuels concernant France Télévisions, sur lesquels la Commission se serait fondée pour apprécier le caractère transparent dudit financement (voir point 19 ci-dessus).

93      La Commission, le gouvernement français et France Télévisions, premièrement, considèrent que cette première branche ne remplit pas les conditions de précision requises et est, dès lors, irrecevable, deuxièmement, s’opposent à la demande de production des documents et, troisièmement, affirment que c’est à juste titre que la Commission a conclu, dans la décision attaquée, à l’absence, en l’espèce, d’un risque de surcompensation.

94      À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, aux termes de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

95      Ainsi, conformément à une jurisprudence constante, les indications de la requête doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense ou au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels il se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du Tribunal du 19 avril 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑49/09, non publié au Recueil, point 90, et la jurisprudence citée).

96      Par ailleurs, la partie requérante doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68, et du 10 septembre 2008, Italie/Commission, T‑181/06, non publié au Recueil, point 139).

97      En l’espèce, il y a lieu de constater que, bien que la requérante entende contester le montant estimé des coûts nets de service public de France Télévisions afin de remettre en cause l’appréciation de la Commission sur le caractère proportionnel du financement de service public et l’absence de risque de surcompensation, elle n’identifie pas les aspects de l’appréciation de la Commission visés et n’avance aucun grief ou argument qui pourrait constituer une contestation circonstanciée de l’appréciation de la Commission à cet égard.

98      Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence susmentionnée, cette seule énonciation, non assortie du moindre grief ou argument, ne répond pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, en ce qu’elle ne permet pas, d’une part, à la Commission de se défendre et, d’autre part, au Tribunal de comprendre ce qui est contesté pour en apprécier la légalité.

99      Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’affirmation de la requérante selon laquelle il ressortirait du mémoire en défense que la Commission a compris que l’objectif envisagé par la première branche du deuxième moyen était de faire respecter le principe de proportionnalité et de s’assurer de l’absence de surcompensation. En effet, même à supposer que la Commission ait compris que l’objectif de cette branche était celui invoqué par la requérante, cette circonstance ne saurait être suffisante pour satisfaire aux exigences de précision posées par la jurisprudence susmentionnée (voir points 95 et 96 ci-dessus). Il convient de rappeler à cet égard qu’il n’appartient pas au Tribunal de procéder par voie de conjectures quant aux raisonnements et aux considérations précises, tant factuelles que juridiques, de nature à sous-tendre les contestations du recours (arrêts du Tribunal du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/OEDT, T‑63/06, point 80, et du 15 mars 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑236/09, non encore publié au Recueil, point 115). Ainsi, la requérante aurait dû expliquer en quoi l’appréciation de la Commission au regard du caractère proportionnel du financement du service public de France Télévisions aurait violé le principe de proportionnalité et en quoi son appréciation sur l’absence de risque de surcompensation serait erronée.

100    Or, une telle explication fait totalement défaut dans les écrits de la requérante. En effet, dans la requête, celle-ci ne fait qu’affirmer qu’elle ne dispose pas des documents nécessaires afin de pouvoir remettre en cause les conclusions de la Commission. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal sur la recevabilité de la première branche du deuxième moyen, la requérante a, en outre, fait valoir que les passages pertinents de la décision attaquée manquaient de clarté de sorte qu’elle ne pouvait pas comprendre le raisonnement de la Commission afin de pouvoir formuler un grief à l’égard desdites conclusions.

101    Il ressort de cette argumentation que la requérante soutient, en substance, qu’elle n’était pas en mesure de formuler un grief à l’encontre des conclusions concernées de la Commission du fait que, d’une part, elle ne disposait pas des documents indispensables à cette fin et, d’autre part, la décision attaquée n’était pas suffisamment motivée à cet égard.

102    En premier lieu, s’agissant de l’impossibilité alléguée de la requérante de formuler un grief du fait de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, cet argument a été présenté pour la première fois lors de l’audience.

103    Sans qu’il y eut lieu de déterminer si cet argument constitue un moyen nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, il convient d’examiner la motivation de la décision attaquée à cet égard, étant donné que le défaut ou l’insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles au sens de l’article 263 TFUE et constitue un moyen d’ordre public qui peut être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du Tribunal du 19 septembre 2006, Lucchini/Commission, T‑166/01, Rec. p. II‑2875, point 144, et la jurisprudence citée).

104    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du Tribunal du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, Rec. p. II‑471, point 155, et la jurisprudence citée).

105    Il convient d’observer que, dans la décision attaquée, en ce qui concerne l’existence d’un risque de surcompensation, la Commission a, dans un premier temps, considéré que le mode de calcul de la subvention annuelle attribuée à France Télévisions apparaissait comme proportionnel au sens de la communication sur la radiodiffusion (considérant 101), vu que, premièrement, selon les affirmations de la République française, le montant de ladite subvention serait déterminé, avant chaque exercice, en fonction des coûts nets de service public de France Télévisions (considérant 96), deuxièmement, ces affirmations étaient corroborées par les prévisions indicatives des ressources publiques, recettes et coûts de service public de France Télévisions pour les années 2010 à 2012 (considérants 97 et 98) et, troisièmement, ce mode de calcul était cohérent avec l’engagement de la République française pour que les ressources publiques allouées à France Télévisions n’excèdent pas le coût net d’exécution de service public à sa charge (considérant 100).

106    La Commission a considéré, dans un second temps, que le financement public de la mission de service public de France Télévisions avait un caractère suffisamment transparent (considérant 111), vu que, premièrement, les mécanismes de contrôle établis par les dispositions françaises pertinentes étaient conformes aux exigences de transparence au sens de la communication sur la radiodiffusion, ainsi que l’aurait jugé le Tribunal dans le cadre de précédentes affaires (considérants 104 à 106), deuxièmement, l’efficacité de ces mécanismes ressortait également des rapports annuels concernant France Télévisions, certifiés par des commissaires aux comptes, lesquels concluaient à l’absence d’une surcompensation (considérant 108) et, troisièmement, la République française avait entrepris des engagements afin de prévenir tout risque de surcompensation (considérant 110).

107    Enfin, la Commission a relevé que la République française s’était également engagée à lui fournir un rapport annuel jusqu’en 2013, date à laquelle la réforme de l’audiovisuel public aurait été achevée, ce qui permettrait à la Commission de vérifier et de suivre de près la mise en œuvre de la réforme et des engagements assumés par celle-ci (considérants 116 et 117).

108    Il y a lieu de constater que la motivation de la décision attaquée, ainsi que rappelée ci-dessus, fait ressortir, de manière claire et compréhensible, le raisonnement de la Commission ayant fondé son appréciation selon laquelle il n’existait pas, en l’espèce, un risque de surcompensation.

109    Il s’ensuit que, contrairement aux allégations de la requérante, la décision attaquée est suffisamment motivée en ce qui concerne les considérations portant sur l’absence d’un risque de surcompensation et que, par conséquent, celle-ci ne saurait valablement soutenir qu’elle était empêchée, pour cette raison, de formuler un grief à cet égard.

110    En second lieu, la requérante fait valoir qu’elle ne pouvait pas formuler un tel grief du fait qu’elle ne disposait pas des documents sur lesquels la Commission avait fondé ses considérations. Selon elle, ces documents seraient indispensables à cette fin, sauf à lui faire supporter une charge de la preuve de la surcompensation impossible ou excessivement difficile. Dans ces conditions, la production desdits documents s’imposerait, selon elle, ainsi qu’il ressortirait du point 55 de l’arrêt Laboratoires Boiron, point 63 supra.

111    À cet égard, il doit être relevé qu’il ressort dudit arrêt de la Cour que, lorsqu’un juge constate que le fait de faire supporter à un requérant la charge de la preuve de l’existence d’une surcompensation est susceptible de rendre impossible ou excessivement difficile l’administration d’une telle preuve, du fait notamment que celle-ci porte sur des données dont le requérant ne peut disposer, il doit, notamment, ordonner la production des documents requis à cette fin. Or, cela n’est pas le cas en l’espèce. En effet, la requérante n’indique nullement les raisons pour lesquelles il lui était totalement impossible de formuler le moindre grief ou argument au regard des considérations de la Commission quant à l’absence d’un risque de surcompensation sur la base des données qu’elle avait en sa disposition, d’autant plus que, comme il a déjà été relevé, lesdites considérations était motivées à suffisance (voir point 109 ci-dessus). Ainsi, d’une part, la requérante n’explique nullement pourquoi elle n’était pas en mesure de formuler un grief sur la base des prévisions des recettes et coûts de service public figurant dans le tableau du considérant 29 de la décision attaquée sous forme de fourchettes, étant donné que, comme il est précisé dans la décision attaquée (considérant 98), il ne s’agissait, même dans la version confidentielle dudit tableau, que de données indicatives. D’autre part, s’agissant des rapports annuels, il doit être observé que, ainsi que l’a relevé lors de l’audience le gouvernement français, sans être contredit par la requérante, cette dernière n’a pas demandé, comme elle le pouvait, avant l’introduction du présent recours, la production de ces rapports en utilisant la procédure interne prévue à cette fin.

112    Il s’ensuit que l’argument de la requérante selon lequel elle n’était pas en mesure de formuler un grief concernant les considérations de la Commission sur l’absence d’un risque de surcompensation du fait qu’elle ne disposait pas des documents sur lesquels la Commission a fondé ses considérations ne saurait être retenu.

113    Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que la requérante n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle n’était pas en mesure de formuler un grief dans le cadre de la première branche du deuxième moyen. Il s’ensuit que, au vu de la jurisprudence susmentionnée aux points 95 et 96, cette branche doit être déclarée irrecevable.

114    C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner la demande d’organisation de la procédure contenue dans cette branche.

115    À cet égard, il doit être rappelé que, conformément à la jurisprudence, il incombe à celui qui fait une allégation devant le juge de l’Union d’apporter des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir sa véracité ou sa vraisemblance (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, Rec. p. I‑1611, point 113, et du Tribunal du 25 septembre 2002, Ajour e.a./Commission, T‑201/00 et T‑384/00, RecFP p. I‑A‑167 et II‑885, point 74).

116    Dans ce contexte, il convient de considérer que l’implication du juge de l’Union dans la recherche des éléments de preuve au bénéfice d’un requérant dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure doit se limiter à des cas exceptionnels dans lesquels ce dernier en a effectivement besoin pour étayer son argumentation (voir, en ce sens, arrêt Ajour e.a./Commission, point 115 supra, point 75, et ordonnance du Tribunal du 4 février 2005, Aguar Fernandez e.a./Commission, T‑20/04, non publiée au Recueil, point 36).

117    S’agissant, plus précisément, d’une demande de production de documents, il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante, la partie qui fait une telle demande doit fournir au Tribunal au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité des documents demandés pour les besoins de l’instance afin de permettre au Tribunal de déterminer s’il est utile au bon déroulement de la procédure d’ordonner la production de certains documents (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 93, et du 28 juillet 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑474/09 P à C‑476/09 P, non publié au Recueil, point 92 ; arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, points 30 et 31).

118    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 117 ci-dessus, la production de documents peut être ordonnée si elle est utile pour qu’un requérant puisse étayer son argumentation. Il s’ensuit que, afin que le juge de l’Union puisse faire droit à une telle demande, l’existence d’une argumentation au regard de laquelle celui-ci pourra examiner l’utilité de la production des documents concernés est un élément prérequis. En l’absence totale d’une telle argumentation, le juge ne disposera pas des éléments indispensables pour évaluer cette utilité.

119    Or, ainsi qu’il a été relevé plus haut, la première branche du deuxième moyen est irrecevable en raison de l’absence totale et non justifiée d’argumentation de la part de la requérante. Dans ces conditions, le Tribunal n’est pas en mesure de vérifier s’il est utile d’ordonner la production des documents demandés concernant cette branche, dès lors que la requérante ne présente aucun argument au regard duquel il serait possible pour le Tribunal d’évaluer une telle utilité.

120    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de production de documents.

121    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, M6 et TF1/Commission (T‑568/08 et T‑573/08, Rec. p. II‑3397), cité par la requérante. Dans cette affaire, une des requérantes, M6, a affirmé, pour la première fois à l’audience, qu’elle n’avait pas contesté les montants des coûts estimés par la Commission dans la décision en cause dans ladite affaire du fait qu’elle n’en avait pas eu connaissance. À cet égard, au point 77 dudit arrêt, le Tribunal a considéré que, si M6 avait l’intention de contester lesdits montants, elle aurait pu initier sa contestation en l’assortissant d’une demande de production de documents. Or, cette considération ne peut pas être interprétée en ce sens qu’une requérante est dégagée de son obligation de formuler un moyen respectant les conditions de recevabilité de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, comme elles sont précisées par la jurisprudence susmentionnée (voir points 95 et 96 ci-dessus). En effet, ce qui ressort du point 77 dudit arrêt est qu’une requérante peut, d’une part, initier sa contestation et, d’autre part, accompagner celle-ci d’une demande de production de documents. En revanche, il ne ressort nullement de ces affirmations qu’une requérante peut avancer une contestation qui ne respecte pas lesdites conditions de recevabilité.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen

122    Dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, la requérante, en faisant référence au point 188 des conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt de la Cour du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner (C‑475/99, Rec. p. I‑8089, I‑8094), estime que l’objectif de l’article 106, paragraphe 2, TFUE est de fournir de manière efficace des services d’intérêt économique général. Dans ce cadre, elle considère que l’examen de compatibilité d’une mesure d’aide avec le marché intérieur conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE doit porter également sur la condition de l’efficacité économique de l’entreprise bénéficiaire de l’aide dans la fourniture du service public. Or, en l’espèce, la Commission aurait fait une interprétation erronée de l’article 106, paragraphe 2, TFUE en ce que, dans le cadre de son analyse sur la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur, elle n’aurait pas pris en compte l’efficacité économique de France Télévisions dans l’exécution de sa mission de service public. Selon la requérante, une compensation qui ne viserait pas strictement à rémunérer l’exercice des missions de service public, mais à effacer les effets d’une mauvaise gestion, renforcerait la position de France Télévisions sur le marché et fausserait ainsi la concurrence dans un sens contraire à l’intérêt de l’Union.

123    La Commission et les intervenants contestent les arguments de la requérante.

124    Il doit, tout d’abord, être rappelé que, conformément à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, pour qu’une intervention étatique puisse être qualifiée d’aide d’État, elle doit être considérée comme un avantage consenti à l’entreprise bénéficiaire.

125    À cet égard, sont considérées comme des aides les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui sont à considérer comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec. p. I‑7747, ci-après l’« arrêt Altmark », point 84, et la jurisprudence citée).

126    Or, dans la mesure où une intervention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur font concurrence, une telle intervention ne tombe pas sous le coup de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt Altmark, point 125 supra, point 87).

127    Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, quatre conditions doivent, selon l’arrêt Altmark, point 125 supra (points 88 à 93), être réunies (ci-après, les « critères Altmark »). Premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

128    Si tous les critères Altmark sont remplis, une compensation d’un service public ne peut être qualifiée d’aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et échappe, dès lors, au contrôle sur les aides d’État. En revanche, une intervention étatique qui ne répond pas à un ou plusieurs desdits critères doit être considérée comme une aide d’État.

129    À cet égard, il convient de souligner que les quatre critères Altmark ont pour seul objet la qualification d’une mesure d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ainsi, le test effectué sur la base de ces critères ne saurait être confondu avec le test de l’article 106, paragraphe 2, TFUE qui permet d’établir si une mesure de compensation d’un service d’intérêt économique général, qui constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, peut être considérée comme compatible avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts TF1/Commission, point 104 supra, point 140, et M6 et TF1/Commission, point 121 supra, points 128, 129 et 131).

130    Par ailleurs, s’agissant plus précisément de l’efficacité économique d’une entreprise chargée d’un service public dans l’exécution de ce service, il y a lieu de constater que, si celle-ci est un élément à prendre en compte pour la qualification d’une compensation de service public d’aide d’État conformément au quatrième critère Altmark, elle est sans pertinence pour l’appréciation de la compatibilité d’une telle compensation avec le marché intérieur à la lumière de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

131    En effet, en permettant, sous certaines conditions, des dérogations aux règles générales du traité, l’article 106, paragraphe 2, TFUE vise à concilier l’intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises, notamment du secteur public, en tant qu’instrument de politique économique ou sociale, avec l’intérêt de l’Union au respect des règles de concurrence et à la préservation de l’unité du marché intérieur (voir arrêt M6 et TF1/Commission, point 121 supra, point 137, et la jurisprudence citée). Ce que l’article 106, paragraphe 2, TFUE vise, par l’appréciation de la proportionnalité de l’aide, à prévenir, c’est que l’opérateur chargé du service public bénéficie d’un financement dépassant les coûts nets du service public (arrêt M6 et TF1/Commission, point 121 supra, point 140).

132    Dans ce cadre, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire, pour que les conditions d’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE soient remplies, que l’équilibre financier ou la viabilité économique de l’entreprise chargée de la gestion d’un service public soit menacé. Il suffit que, en l’absence des droits litigieux, il soit fait échec à l’accomplissement des missions particulières imparties à l’entreprise, telles qu’elles sont précisées par les obligations et contraintes pesant sur elle, ou que le maintien de ces droits soit nécessaire pour permettre à leur titulaire d’accomplir les missions de service public qui lui ont été imparties dans des conditions économiquement acceptables (voir arrêt M6 et TF1/Commission, point 121 supra, point 138, et la jurisprudence citée).

133    En outre, la Commission, en l’absence – comme en l’espèce – d’une réglementation harmonisée en la matière, n’est pas habilitée à se prononcer sur l’étendue des missions de service public incombant à l’exploitant public, à savoir le niveau des coûts liés à ce service, ni sur l’opportunité des choix politiques pris, à cet égard, par les autorités nationales, ni sur l’efficacité économique de l’exploitant public (voir arrêts du Tribunal M6 et TF1/Commission, point 121 supra, point 139, et la jurisprudence citée, et du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, non encore publié au Recueil, point 294).

134    Il s’ensuit que la question de savoir si une entreprise chargée du service public de la radiodiffusion pourrait, par le biais d’une organisation plus efficace, remplir ses obligations de service public à un moindre coût est dénuée de pertinence pour l’appréciation de la compatibilité du financement étatique de ce service au regard des règles du traité en matière d’aides d’État (voir, en ce sens, arrêts M6 et TF1/Commission, point 121 supra, point 140, et CBI/Commission, point 133 supra, point 293).

135    En l’espèce, la Commission a considéré que la compensation de service public en cause constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Cette conclusion était fondée, notamment, sur l’appréciation selon laquelle ladite compensation ne satisfaisait pas cumulativement aux quatre critères Altmark. À cet égard, la Commission s’est précisément référée au quatrième critère Altmark lequel, selon elle, n’était pas rempli en l’espèce.

136    Ainsi qu’il a été relevé aux points 15 à 19 ci-dessus, après avoir conclu à la qualification de la mesure litigieuse d’aide d’État, la Commission a examiné si celle-ci pouvait être déclarée compatible avec le marché intérieur à la lumière de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Son examen à cet égard a été effectué sur la base des principes énoncés dans ce dernier article, ainsi qu’ils sont présentés dans la communication de la Commission sur la radiodiffusion.

137    C’est cette appréciation qui est visée par la seconde branche du deuxième moyen, la requérante estimant que la Commission aurait dû prendre également en compte, dans son examen de compatibilité de la mesure d’aide en cause avec le marché intérieur, l’efficacité économique de France Télévisions dans l’accomplissement de sa mission de service public.

138    Or, ainsi qu’il ressort de l’analyse effectuée aux points 129 à 134 ci-dessus, l’efficacité économique d’une entreprise dans l’accomplissement de sa mission de service public ne peut être utilement invoquée pour contester l’appréciation de la Commission quant à la compatibilité avec le marché intérieur d’une aide d’État lui étant destinée.

139    Il s’ensuit que, en l’espèce, la Commission, en n’examinant pas, dans le cadre de son appréciation de la compatibilité de la mesure d’aide en cause avec le marché intérieur à la lumière de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, l’efficacité économique de France Télévisions dans l’exercice de sa mission de service public, n’a pas commis d’erreur.

140    Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen.

141    En effet, la requérante considère que l’efficacité économique d’une entreprise chargée d’un service public dans l’exécution de ce service, élément qui doit être pris en compte pour l’appréciation du quatrième critère Altmark (voir point 130 ci-dessus), aurait dû être également prise en compte pour l’appréciation de la compatibilité de la compensation dudit service avec le marché intérieur, à la lumière de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

142    En premier lieu, la requérante invoque, à cet égard, l’arrêt du Tribunal du 6 octobre 2009, FAB/Commission (T‑8/06, non publié au Recueil, ci-après l’« arrêt FAB »). Il ressortirait, selon elle, de cet arrêt que la dérogation prévue à l’article 106, paragraphe 2, TFUE ne peut pas s’appliquer si les critères Altmark ne sont pas remplis.

143    Or, il convient de constater que c’est à tort que la requérante s’appuie, dans ce contexte, sur l’arrêt FAB, point 142 supra. En effet, ainsi que le Tribunal l’a précisé dans un arrêt récent du 7 novembre 2012 (arrêt CBI/Commission, point 133 supra, point 295) pour rejeter un argument similaire, l’arrêt FAB, point 142 supra, concerne la qualification de subventions d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et non les conditions de leur compatibilité avec le marché intérieur au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

144    Par ailleurs, il doit être observé que l’argument que la requérante cherche à tirer de l’arrêt FAB, point 142 supra, conduit à une impasse logique. En effet, son raisonnement à cet égard implique que, pour qu’une aide puisse être déclarée compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, tous les critères Altmark doivent être respectés. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir points 127 et 128 ci-dessus), une mesure qui répond à tous les critères Altmark ne constitue pas, selon la jurisprudence, une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, par conséquent, la question de compatibilité avec le marché intérieur à la lumière de l’article 106, paragraphe 2, TFUE ne se poserait même pas.

145    Il s’ensuit de ce qui précède que l’argument que la requérante cherche à tirer de l’arrêt FAB, point 142 supra, doit être écarté.

146    En deuxième lieu, la requérante soutient qu’il ressort de l’arrêt Ambulanz Glöckner, point 122 supra, que la Commission peut déclarer manifestement disproportionnée et donc incompatible avec le marché intérieur une aide accordée à un service général si inefficace qu’il n’était pas en mesure de satisfaire la demande.

147    Dans le cadre de cet arrêt, la Cour a considéré qu’une disposition nationale, selon laquelle l’autorisation nécessaire pour fournir des services de transport en ambulance est refusée par l’autorité compétente lorsque son utilisation est susceptible de préjudicier au fonctionnement et à la rentabilité du service d’aide médicale d’urgence, dont la gestion a été confiée à certaines organisations sanitaires, était de nature à conférer à ces dernières un droit spécial ou exclusif au sens de l’article 90, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 106, paragraphe 1, TFUE). Une telle circonstance pourrait, selon la Cour, constituer un abus de position dominante conformément à l’article 86 du traité CE (devenu article 102 TFUE). Toutefois, elle pourrait être justifiée, au regard de l’article 90, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 106, paragraphe 2, TFUE), pour autant qu’elle ne fait pas obstacle à l’octroi d’une autorisation à des opérateurs indépendants dans le cas où il est établi que les organisations sanitaires chargées de la gestion du service d’aide médicale d’urgence ne sont manifestement pas en mesure de satisfaire la demande dans le domaine des services de transport médical d’urgence et de transport de malades.

148    Il convient donc de considérer que cet arrêt, qui invoque l’article 90, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 106, paragraphe 2, TFUE), afin d’apprécier si certaines circonstances sont constitutives d’un abus de position dominante au sens de l’article 86 du traité CE (devenu article 102 TFUE), concerne une problématique totalement différente de celle en cause en l’espèce.

149    En tout état de cause, il convient de préciser que, dans le cadre de l’arrêt Ambulanz Glöckner, point 122 supra, la Cour se réfère, au point 62, à l’éventuelle inefficacité manifeste des organisations chargées d’un service d’intérêt économique général de satisfaire en permanence la demande. Or, force est de constater que, en l’espèce, la requérante se borne à soutenir, sans, au demeurant, étayer ses allégations, que France Télévisions est inefficace économiquement au regard de ses coûts. En revanche, elle n’allègue pas et, encore moins, ne démontre pas que France Télévisions est tellement inefficace qu’elle n’est manifestement pas en mesure de satisfaire la demande dans le domaine de service public de radiodiffusion.

150    Il s’ensuit que l’argument que la requérante tire dudit arrêt de la Cour doit être rejeté.

151    En troisième et dernier lieu, la requérante fait valoir que l’exigence d’efficacité économique dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur ressort de la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 23 mars 2011, relative à la réforme des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État applicables aux services d’intérêt économique général [COM(2011) 146 final].

152    À cet égard, il suffit de relever que cette communication n’est qu’un document de discussion relatif à la réforme des règles sur les services d’intérêt économique général, lequel expose certaines observations de lege ferenda, ne pouvant être considérées comme l’interprétation des règles de droit actuelles (arrêt CBI/Commission, point 133 supra, point 296).

153    En tout état de cause, le contenu d’un document tel que la communication du 23 mars 2011 ne saurait remettre en cause les principes établis par la jurisprudence (voir points 130 à 134 ci-dessus), selon lesquels la question de l’efficacité économique d’une entreprise chargée d’une mission de service public par rapport à l’accomplissement de ce service est dénuée de pertinence pour l’appréciation de la compatibilité du financement étatique de ce service au regard des règles du traité en matière d’aides d’État.

154    L’argument de la requérante à cet égard doit, par conséquent, être rejeté.

155    Partant, il y a lieu de conclure que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission, en ne prenant pas en compte, dans la décision attaquée, l’efficacité économique de France Télévisions dans l’exécution de sa mission de service public lors de l’examen de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur, n’a commis aucune erreur de droit.

156    Il convient, dès lors, de rejeter la seconde branche du deuxième moyen.

157    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

158    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

159    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à ses propres dépens ainsi qu’à ceux exposés par la Commission et France Télévisions, intervenue au soutien de la Commission, conformément aux conclusions de celles-ci.

160    Le Royaume d’Espagne et la République française, intervenus au soutien de la Commission, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Télévision française 1 (TF1) est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et France Télévisions.

3)      Le Royaume d’Espagne et la République française supporteront, chacun, leurs propres dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 octobre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation erronée du lien d’affectation entre les nouvelles taxes et le financement de France Télévisions

Observations liminaires

Sur la première branche du premier moyen

Sur la seconde branche du premier moyen

Sur le troisième moyen, tiré de la non‑ prise en compte du fait que, en raison des nouvelles taxes, le mécanisme de financement de France Télévisions était contraire aux articles 49, 56 et 110 TFUE ainsi qu’à des règles du droit dérivé

Sur le deuxième moyen, tiré du risque de surcompensation lié au mécanisme de financement de France Télévisions

Sur la première branche du deuxième moyen

Sur la seconde branche du deuxième moyen

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.