Language of document : ECLI:EU:C:2007:623

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

23 octobre 2007 (*)

«Manquement d’État – Article 56 CE – Dispositions législatives relatives à la société anonyme Volkswagen»

Dans l’affaire C-112/05,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 4 mars 2005,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. F. Benyon et G. Braun, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. M. Lumma et A. Dittrich, en qualité d’agents, assistés de Me H. Wissel, Rechtsanwalt,

partie défenderesse,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann (rapporteur), C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts et L. Bay Larsen, présidents de chambre, M. J. N. Cunha Rodrigues, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann, J. Makarczyk, E. Levits, A. Ó Caoimh et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 décembre 2006,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 février 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que les articles 2, paragraphe 1, ainsi que 4, paragraphes 1 et 3, de la loi du 21 juillet 1960, relative au transfert au secteur privé des parts de la société à responsabilité limitée Volkswagenwerk (Gesetz über die Überführung der Anteilsrechte an der Volkswagenwerk Gesellschaft mit beschränkter Haftung in private Hand, BGBl. 1960 I, p. 585, et BGBl. 1960 III, p. 641-1-1), dans sa version applicable au présent litige (ci-après la «loi VW»), enfreignent les articles 43 CE et 56 CE.

 Le cadre juridique

 La loi sur les sociétés anonymes

2        L’article 134, paragraphe 1, de la loi sur les sociétés anonymes (Aktiengesetz), du 6 septembre 1965 (BGBl. 1965 I, p. 1089), ci-après la «loi sur les sociétés anonymes»), tel que modifié par la loi sur le contrôle et la transparence dans le secteur des entreprises (Gesetz zur Kontrolle und Transparenz im Unternehmensbereich), du 27 avril 1998 (BGBl. 1998 I, p. 786), dispose:

«Le droit de vote est fonction du montant nominal des actions ou, s’il s’agit d’actions de quotité (‘Stückaktien’), de leur nombre. Dans le cas de sociétés non cotées, les statuts peuvent, lorsqu’un actionnaire détient plusieurs actions, limiter le droit de vote par la fixation d’un plafond absolu ou progressif. […]»

3        L’article 101, paragraphe 2, de la loi sur les sociétés anonymes prévoit:

«Le droit de désigner des représentants au conseil de surveillance doit être prévu dans les statuts et ne peut être accordé qu’à certains actionnaires ou aux titulaires de certaines actions. Dans ce dernier cas, le droit de représentation n’est accordé que si les actions sont nominatives et si leur transfert est soumis à l’approbation de la société. Les parts des actionnaires disposant de ce droit ne constituent pas une catégorie particulière. Au total, les droits de représentation accordés ne doivent pas dépasser un tiers du nombre de représentants des actionnaires au conseil de surveillance prévu par la loi ou les statuts. L’article 4, paragraphe 1, de la [loi VW] demeure inchangé.»

 La loi VW

4        L’article 1er, paragraphe 1, de la loi VW indique que la société à responsabilité limitée Volkswagenwerk est transformée en une société anonyme (ci-après «Volkswagen»).

5        L’article 2 de la loi VW, relatif au droit de vote et aux limitations de ce droit, dispose à son paragraphe 1:

«Le droit de vote d’un actionnaire titulaire d’actions dont le montant nominal dépasse un cinquième du capital social est limité au nombre de voix que confère un montant d’actions nominal égal au cinquième du capital social.»

6        L’article 3 de la même loi, qui concerne la représentation pour l’exercice du droit de vote, prévoit à son paragraphe 5:

«Nul ne peut, lors de l’assemblée générale, exercer de droit de vote correspondant à un montant d’actions supérieur au cinquième du capital social.»

7        L’article 4 de ladite loi, intitulé «Statuts de la société», est libellé comme suit:

«1.      La République fédérale d’Allemagne et le Land de Basse-Saxe sont autorisés à désigner chacun deux membres du conseil de surveillance pour autant qu’ils possèdent des actions de la société.

[…]

3.      Les décisions de l’assemblée générale qui nécessitent en vertu de la loi sur les sociétés anonymes une majorité d’au moins trois quarts du capital social représenté lors de leur adoption requièrent une majorité de plus des quatre cinquièmes du capital social représenté lors de cette adoption.»

 La procédure précontentieuse

8        Après avoir mis la République fédérale d’Allemagne en demeure de lui présenter ses observations au sujet des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 1 et 3, de la loi VW, la Commission a, le 1er avril 2004, émis un avis motivé indiquant que ces dispositions nationales constituent des restrictions à la libre circulation des capitaux et à la liberté d’établissement garanties respectivement par les articles 56 CE et 43 CE. Ledit État membre n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans le délai prescrit, la Commission a introduit le présent recours, à l’appui duquel elle soutient que le maintien en vigueur desdites dispositions viole les articles 56 CE et 43 CE.

 Sur le recours

9        La Commission fait valoir, en substance, que les dispositions en cause de la loi VW, en ce que, en premier lieu, elles limitent, par dérogation au droit commun, le droit de vote de tout actionnaire à 20 % du capital social de Volkswagen, en deuxième lieu, elles exigent une majorité de plus de 80 % du capital représenté pour les décisions de l’assemblée générale qui ne requièrent, selon le droit commun, qu’une majorité de 75 % et, en troisième lieu, elles permettent, par dérogation au droit commun, à l’État fédéral et au Land de Basse-Saxe de désigner chacun deux représentants au conseil de surveillance de ladite société, sont de nature à dissuader les investissements directs et, dès lors, constituent des restrictions à la libre circulation des capitaux au sens de l’article 56 CE.

10      La Commission ne fournit aucune argumentation particulière afin d’établir une violation de l’article 43 CE.

11      La République fédérale d’Allemagne conteste le bien-fondé du moyen tiré, par la Commission, de la violation de l’article 56 CE.

12      Observant que la Commission ne s’exprime pas du tout sur le moyen tiré de la violation de l’article 43 CE, la République fédérale d’Allemagne en déduit qu’il est devenu sans objet.

 Sur la violation de l’article 43 CE

13      Conformément à une jurisprudence constante, relèvent du champ d’application matériel des dispositions du traité CE relatives à la liberté d’établissement les dispositions nationales qui trouvent à s’appliquer à la détention par un ressortissant de l’État membre concerné, dans le capital d’une société établie dans un autre État membre, d’une participation lui permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions de cette société et d’en déterminer les activités (voir, notamment, arrêts du 13 avril 2000, Baars, C‑251/98, Rec. p. I-2787, point 22; du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C‑196/04, Rec. p. I-7995, point 31, et du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C‑524/04, non encore publié au Recueil, point 27).

14      En l’espèce, il ressort du dossier, notamment de l’argumentation présentée en défense par la République fédérale d’Allemagne, que les dispositions de la loi VW en cause dans le cadre du présent recours visent, à tout le moins en partie, la situation d’une éventuelle prise de contrôle de Volkswagen par un actionnaire dont l’objectif serait d’exercer une influence dominante sur l’entreprise.

15      Toutefois, force est de constater que, ni dans sa requête ni, en outre, dans son mémoire en réplique ou lors de l’audience, la Commission n’a invoqué une argumentation spécifique au soutien d’une éventuelle restriction à la liberté d’établissement.

16      En conséquence, il convient de rejeter le recours pour autant qu’il est fondé sur une violation de l’article 43 CE.

 Sur la violation de l’article 56 CE

17      Selon une jurisprudence constante, l’article 56, paragraphe 1, CE interdit de façon générale les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres (voir, notamment, arrêt du 28 septembre 2006, Commission/Pays-Bas, C‑282/04 et C‑283/04, Rec. p. I‑9141, point 18 et jurisprudence citée).

18      En l’absence, dans le traité, de définition de la notion de «mouvements de capitaux» au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE, la Cour a précédemment reconnu une valeur indicative à la nomenclature annexée à la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5). Constituent dès lors des mouvements de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE notamment les investissements directs, à savoir, ainsi qu’il ressort de cette nomenclature et des notes explicatives qui s’y rapportent, les investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l’exercice d’une activité économique (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑446/04, Rec. p. I‑11753, points 179 à 181, et du 24 mai 2007, Holböck, C‑157/05, non encore publié au Recueil, points 33 et 34). S’agissant de participations dans des entreprises nouvelles ou existantes, ainsi que le confirment ces notes explicatives, l’objectif de créer ou de maintenir des liens économiques durables présuppose que les actions détenues par l’actionnaire donnent à celui-ci soit en vertu des dispositions de la législation nationale sur les sociétés par actions, soit autrement, la possibilité de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle (voir arrêts précités Test Claimants in the FII Group Litigation, point 182, et Holböck, point 35; voir également arrêts du 4 juin 2002, Commission/Portugal, C‑367/98, Rec. p. I-4731, point 38; Commission/France, C‑483/99, Rec. p. I-4781, point 37; Commission/Belgique, C‑503/99, Rec. p. I‑4809, point 38; du 13 mai 2003, Commission/Espagne, C‑463/00, Rec. p. I‑4581, point 53; Commission/Royaume-Uni, C‑98/01, Rec. p. I‑4641, point 40; du 2 juin 2005, Commission/Italie, C‑174/04, Rec. p. I-4933, point 28, ainsi que Commission/Pays-Bas, précité, point 19).

19      S’agissant de cette forme d’investissements, la Cour a précisé que doivent être qualifiées de «restrictions» au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE des mesures nationales qui sont susceptibles d’empêcher ou de limiter l’acquisition d’actions dans les entreprises concernées ou qui sont susceptibles de dissuader les investisseurs des autres États membres d’investir dans le capital de celles-ci (voir arrêts précités Commission/Portugal, point 45; Commission/France, point 41; Commission/Espagne, point 61; Commission/Royaume-Uni, point 47; Commission/Italie, points 30 et 31, ainsi que Commission/Pays-Bas, point 20).

20      En l’espèce, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, en substance, que la loi VW ne constitue pas une mesure nationale au sens de la jurisprudence mentionnée aux trois points qui précèdent. Elle ajoute que les dispositions attaquées de cette loi, prises isolément ou ensemble, ne constituent pas non plus des restrictions au sens de ladite jurisprudence.

21      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments invoqués par la Commission au soutien de son moyen tiré de la violation de l’article 56 CE.

 Sur l’existence d’une mesure nationale

 Argumentation des parties

22      La République fédérale d’Allemagne rappelle que la loi VW repose sur un compromis qui a été conclu en 1959 entre les personnes et les groupes qui, au cours des années 50, avaient fait valoir des droits sur la société à responsabilité limitée Volkswagenwerk. À cette époque, tant les syndicats et les salariés que l’État fédéral et le Land de Basse-Saxe se prévalaient de droits sur cette entreprise. Dans le cadre de ce compromis, les salariés et les syndicats, en contrepartie de leur renonciation à revendiquer un droit de propriété sur celle-ci, auraient obtenu l’assurance d’être protégés vis-à-vis d’un grand actionnaire qui dominerait seul ladite société.

23      La République fédérale d’Allemagne explique que ce compromis s’est tout d’abord concrétisé par la conclusion, le 12 novembre 1959, d’un contrat («Staatsvertrag») entre l’État fédéral et le Land de Basse-Saxe, puis par l’adoption, sur le fondement de ce contrat, de la loi du 9 mai 1960, portant réglementation de la situation juridique de la société à responsabilité limitée Volkswagenwerk (Gesetz über die Regelung der Rechtsverhältnisse bei der Volkswagenwerk Gesellschaft mit beschränkter Haftung, BGBl. 1960 I, p. 301), suivie de l’adoption, le 6 juillet 1960, des statuts de Volkswagen et, enfin, de la loi VW, qui a repris les règles déjà inscrites dans ces statuts.

24      Selon ledit État membre, la loi VW, lorsqu’elle a créé la société anonyme Volkswagen et procédé à sa privatisation, n’a fait qu’exprimer la volonté des actionnaires ainsi que de toutes les autres personnes et de tous les autres groupes ayant fait valoir des droits de nature privée sur cette entreprise. Au regard de la libre circulation des capitaux, cette loi devrait donc être assimilée à une convention entre porteurs de parts. En vertu de l’adage pacta sunt servanda, ce compromis conserverait toute sa valeur aujourd’hui.

25      La Commission estime que ces considérations historiques sont dénuées de pertinence. Les reproches qu’elle adresse à la République fédérale d’Allemagne ne porteraient pas sur les motifs de l’activité législative que cet État membre a déployée en 1960, mais concerneraient son inaction actuelle sur le plan législatif dans la mesure où la loi VW contrevient, depuis longtemps, aux exigences de la libre circulation des capitaux.

 Appréciation de la Cour

26      À supposer que, comme le fait valoir la République fédérale d’Allemagne, la loi VW se borne à reproduire un accord qui devrait être qualifié de contrat de droit privé, force est de constater que le fait que cet accord a fait l’objet d’une loi suffit à le considérer, au regard de la libre circulation des capitaux, comme une mesure nationale.

27      En effet, l’exercice de la compétence législative par les autorités nationales dûment habilitées à cet effet constitue la manifestation par excellence du pouvoir étatique.

28      Il importe au surplus de constater que les dispositions de la loi en cause ne peuvent plus être modifiées par la seule volonté des parties à l’accord initial, mais que tout amendement nécessite le vote d’une nouvelle loi, conformément aux procédures de droit constitutionnel de la République fédérale d’Allemagne.

29      Dans ces conditions, l’argument de cette dernière, selon lequel la loi VW ne constituerait pas une mesure nationale au regard de la libre circulation des capitaux, doit être rejeté.

 Sur l’existence de restrictions

30      Eu égard à l’argumentation des parties concernant les deux premiers griefs ainsi qu’aux effets cumulés qu’engendrent les deux dispositions de la loi VW mises en cause dans le cadre de ces griefs, il convient d’examiner conjointement ces derniers.

 Sur les premier et deuxième griefs, tirés du plafonnement des droits de vote à 20 % et de la fixation de la minorité de blocage à 20 %

–        Argumentation des parties

31      En ce qui concerne, en premier lieu, le plafonnement des droits de vote de tout actionnaire à 20 % du capital social de Volkswagen, prévu à l’article 2, paragraphe 1, de la loi VW, la Commission soutient que cette règle contredit l’exigence de corrélation entre la participation audit capital et les droits de vote afférents à celle-ci. En admettant que le plafonnement des droits de vote soit un instrument courant du droit des sociétés, également utilisé dans d’autres États membres, la différence serait considérable selon que l’État offre la possibilité d’introduire un tel instrument dans les statuts d’une société, comme c’est le cas en droit allemand pour les sociétés anonymes non cotées en bourse, ou qu’il adopte, en tant que législateur, une disposition à cet effet pour une seule entreprise et, en définitive, à son propre profit, comme cela est le cas de l’article 2, paragraphe 1, de la loi VW.

32      La République fédérale d’Allemagne rappelle que, lors de la constitution de Volkswagen, le plafonnement des droits de vote avait été fixé à 0,01 % pour tous les actionnaires, à l’exception de l’État fédéral et du Land de Basse-Saxe qui pouvaient exercer leurs droits au prorata de leur participation de 20 % chacun. Toutefois, au cours de l’année 1970, ce statut dérogatoire en faveur de ces deux derniers acteurs a été aboli et le plafonnement des droits de vote a été relevé à 20 % pour s’appliquer de manière indistincte à l’ensemble des actionnaires. La République fédérale d’Allemagne souligne que, depuis lors, la disposition en cause de la loi VW est indistinctement applicable à tous les actionnaires de Volkswagen. Le cadre juridique se distinguerait à cet égard de ceux qui étaient en cause dans la jurisprudence à laquelle se réfère la Commission pour établir, en l’espèce, l’existence de restrictions à la libre circulation des capitaux (arrêts précités Commission/Portugal, points 36 et 44; Commission/France, points 35 et 40; Commission/Belgique, point 36; Commission/Espagne, points 51 et 56; Commission/Royaume-Uni, points 38 et 43, et Commission/Italie, point 26). Cette jurisprudence aurait concerné, en effet, des droits spéciaux établis au profit de l’État. Selon la République fédérale d’Allemagne, une éventuelle extension du domaine protégé de la libre circulation des capitaux au-delà des droits spéciaux de l’État étendrait à l’infini le champ d’application de cette liberté.

33      Contestant la thèse selon laquelle il devrait exister une corrélation entre la participation au capital d’une société et les droits de vote des actionnaires de celle-ci, ledit État membre soutient que le législateur national est libre de légiférer dans le domaine du droit national des sociétés et de prévoir des règles applicables à certains groupes d’entreprises, voire à une seule entreprise, dès lors qu’aucune entrave ne résulte d’une telle législation.

34      S’agissant, en deuxième lieu, de la fixation d’une minorité de blocage à 20 %, la Commission fait valoir que, en exigeant une majorité de plus de 80 % du capital représenté pour les décisions de l’assemblée générale qui ne requièrent, selon le droit commun des sociétés, qu’une majorité d’au moins 75 %, l’article 4, paragraphe 3, de la loi VW permet au Land de Basse-Saxe, eu égard à la participation de l’ordre de 20 % qu’il possède depuis la privatisation de Volkswagen, de bloquer ce type de décisions. Selon la Commission, l’exigence d’un seuil plus élevé de 80 % a été conçue, nonobstant son aspect formellement non discriminatoire, au bénéfice exclusif de la puissance publique.

35      La Commission reconnaît que la loi sur les sociétés anonymes autorise la fixation de pourcentages supérieurs à 75 % pour l’adoption des décisions visées, mais souligne qu’il s’agit d’une liberté laissée aux actionnaires qui peuvent décider d’en faire usage ou non. En revanche, le seuil de 80 % requis par l’article 4, paragraphe 3, de la loi VW aurait été imposé aux actionnaires de Volkswagen par le législateur, afin de se ménager à lui-même, en tant que principal actionnaire à l’époque, une minorité de blocage.

36      À titre liminaire, la République fédérale d’Allemagne souligne que, à l’instar de la disposition relative au plafonnement des droits de vote à 20 %, la disposition en cause de la loi VW est indistinctement applicable à tous les actionnaires de Volkswagen. Elle estime donc que la disposition en cause, en ce qu’elle ne confère pas un droit spécial à l’État, ne constitue pas une restriction à la libre circulation des capitaux.

37      La République fédérale d’Allemagne ajoute qu’aucune limite relative à la fixation d’une minorité de blocage n’est prévue par la loi sur les sociétés anonymes ni par la réglementation communautaire en la matière. La situation du Land de Basse-Saxe, en ce qui concerne sa capacité à constituer une minorité de blocage, correspondrait à la situation normale d’un actionnaire de son importance. Ledit État membre souligne à cet égard que si le Land de Basse-Saxe détient actuellement une participation d’environ 20 % dans le capital de Volkswagen, cette participation résulte d’investissements réalisés sur le marché en tant qu’investisseur privé.

–        Appréciation de la Cour

38      Comme l’a fait observer la République fédérale d’Allemagne, le plafonnement des droits de vote est un instrument connu du droit des sociétés.

39      Il est d’ailleurs constant entre les parties que, si l’article 134, paragraphe 1, première phrase, de la loi sur les sociétés anonymes pose le principe de la proportionnalité du droit de vote à la quotité du capital, la deuxième phrase dudit article autorise une limitation des droits de vote dans certains cas.

40      Toutefois, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, il existe une différence entre une faculté ouverte à des actionnaires, qui sont libres de décider s’ils souhaitent ou non en faire usage, et une obligation spécifique imposée aux actionnaires par la voie législative, sans leur ouvrir la possibilité d’y déroger.

41      Au surplus, les parties s’accordent à reconnaître que, dans sa version issue de la loi relative au contrôle et à la transparence dans le domaine des entreprises, l’article 134, paragraphe 1, première phrase, de la loi sur les sociétés anonymes a supprimé la possibilité d’introduire une limitation des droits de vote dans les statuts des sociétés cotées en bourse. Ainsi que la Commission l’a fait valoir, sans être contredite sur ce point par le gouvernement allemand, dès lors que Volkswagen est une société cotée en bourse, un plafonnement des droits de vote ne pourrait donc normalement pas être introduit dans ses statuts.

42      La République fédérale d’Allemagne soutient que la limitation prévue à l’article 2, paragraphe 1, de la loi VW, en ce qu’elle est indistinctement applicable à tous les actionnaires, peut s’analyser à la fois comme un désavantage et comme un avantage. À la restriction des droits de vote que subit un actionnaire détenant plus de 20 % du capital social correspondrait une protection contre l’influence d’autres éventuels actionnaires détenant des participations importantes et, ainsi, la garantie de pouvoir participer de manière effective à la gestion de la société.

43      Avant de porter une appréciation sur cet argument, il convient d’examiner les effets dudit plafonnement des droits de vote en corrélation avec l’exigence, prévue à l’article 4, paragraphe 3, de la loi VW, d’une majorité de plus de 80 % du capital social pour l’adoption de certaines décisions de l’assemblée générale des actionnaires de Volkswagen.

44      Ainsi que la Commission l’a fait valoir, sans être contredite sur ce point par la République fédérale d’Allemagne, il s’agit des décisions, telles qu’une modification des statuts, du capital ou des structures financières de la société, pour lesquelles la loi sur les sociétés anonymes fixe la majorité requise à 75 % au minimum du capital social.

45      Certes, comme l’a fait observer la République fédérale d’Allemagne, le pourcentage de 75 % du capital social prévu par la loi sur les sociétés anonymes peut être augmenté et fixé à un taux supérieur par les statuts de la société. Toutefois, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, il s’agit là d’une faculté dont les actionnaires sont libres de décider s’ils souhaitent ou non en faire usage. En revanche, la fixation du seuil de majorité requis par l’article 4, paragraphe 3, de la loi VW à plus de 80 % dudit capital résulte non de la volonté des actionnaires, mais, ainsi qu’il a été jugé au point 29 du présent arrêt, d’une mesure nationale.

46      Cette exigence dérogatoire au droit commun, imposée par la voie d’une législation spécifique, confère ainsi à tout actionnaire détenant 20 % du capital social la possibilité de disposer d’une minorité de blocage.

47      Il est vrai que cette possibilité est, comme l’a souligné la République fédérale d’Allemagne, indistinctement applicable. À l’instar du plafonnement des droits de vote, elle peut agir aussi bien en faveur qu’au détriment de tout actionnaire de la société.

48      Cependant, il ressort du dossier que, lors de l’adoption de la loi VW, en 1960, l’État fédéral et le Land de Basse-Saxe étaient les deux principaux actionnaires de Volkswagen, société nouvellement privatisée, dont ils détenaient chacun 20 % du capital.

49      Selon les informations fournies à la Cour, si l’État fédéral a choisi de se séparer de sa participation dans le capital de Volkswagen, le Land de Basse-Saxe, pour sa part, maintient encore une participation de l’ordre de 20 %.

50      L’article 4, paragraphe 3, de la loi VW crée ainsi un instrument qui permet aux acteurs publics de se réserver, avec un investissement plus réduit que ne l’exigerait le droit commun des sociétés, une minorité de blocage leur permettant de s’opposer à des décisions importantes.

51      En plafonnant les droits de vote à la même hauteur de 20 %, l’article 2, paragraphe 1, de la loi VW complète un cadre juridique qui donne auxdits acteurs publics la possibilité d’exercer, avec un tel investissement plus réduit, une influence substantielle.

52      Cette situation, en ce qu’elle limite la possibilité des autres actionnaires de participer à la société en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directs avec celle-ci permettant une participation effective à sa gestion ou à son contrôle, est susceptible de dissuader des investisseurs directs d’autres États membres.

53      Cette constatation ne saurait être remise en cause par l’argument invoqué par la République fédérale d’Allemagne selon lequel les actions de Volkswagen figurent parmi les actions les plus achetées en Europe, dont un grand nombre se trouveraient entre les mains d’investisseurs d’autres États membres.

54      En effet, ainsi que le fait valoir la Commission, les restrictions à la libre circulation des capitaux qui font l’objet du présent recours visent les investissements directs dans le capital de Volkswagen, plutôt que les investissements de portefeuille, lesquels sont effectués dans la seule intention de réaliser un placement financier (voir arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 19) et ne sont pas visés par le présent recours. S’agissant des investisseurs directs, force est de constater que les articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphe 3, de la loi VW, dans la mesure où ils créent un instrument susceptible de limiter leur possibilité de participer à la société en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directs avec celle-ci permettant une participation effective à sa gestion ou à son contrôle, réduisent l’intérêt de l’acquisition d’une participation dans le capital de Volkswagen.

55      Ce constat n’est pas affecté par la présence, au sein de l’actionnariat de Volkswagen, d’un nombre d’investisseurs directs qui, selon la République fédérale d’Allemagne, serait analogue à celui présent dans l’actionnariat d’autres grandes entreprises. En effet, cette circonstance n’est pas de nature à infirmer que, en raison des dispositions en cause de la loi VW, des investisseurs directs d’autres États membres, actuels ou potentiels, ont pu être dissuadés d’acquérir une participation dans le capital de cette société afin de participer à celle-ci en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directs avec elle permettant une participation effective à sa gestion ou à son contrôle, alors qu’ils étaient en droit de bénéficier du principe de la libre circulation des capitaux et de la protection que celui-ci institue à leur profit.

56      Il y a donc lieu de constater que la combinaison des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphe 3, de la loi VW constitue une restriction aux mouvements de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE.

 Sur le troisième grief, tiré du droit de désignation de deux représentants au conseil de surveillance de Volkswagen

–        Argumentation des parties

57      La Commission relève que l’article 4, paragraphe 1, de la loi VW, qui permet à l’État fédéral et au Land de Basse-Saxe de désigner chacun deux représentants au conseil de surveillance de Volkswagen, pour autant qu’ils sont actionnaires de celle-ci, déroge à la règle prévue à l’article 101, paragraphe 2, de la loi sur les sociétés anonymes, selon lequel un tel droit ne peut être institué que dans les statuts et ne peut concerner qu’un tiers des membres du conseil de surveillance nommés par les actionnaires, soit trois représentants dans le cas de Volkswagen. Selon la Commission, ledit article 4, paragraphe 1, en ce qu’il restreint la possibilité pour les autres actionnaires de participer effectivement à la gestion et au contrôle de cette société, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux.

58      La République fédérale d’Allemagne fait valoir que le conseil de surveillance n’est qu’un organe de contrôle et non un organe décisionnel. Il ajoute que le nombre de représentants au conseil de surveillance de Volkswagen est proportionnel à la participation au capital de cette dernière et que, à cet égard, la représentation du Land de Basse-Saxe est inférieure à la part détenue par celui-ci dans ce capital. Il soutient que l’article 4, paragraphe 1, de la loi VW n’a au demeurant pas de pertinence pratique pour les décisions en matière d’investissements.

–        Appréciation de la Cour

59      En application de l’article 4, paragraphe 1, de la loi VW, l’État fédéral et le Land de Basse-Saxe ont la possibilité, pour autant qu’ils sont actionnaires de Volkswagen, de désigner chacun deux représentants en qualité de membres du conseil de surveillance de celle-ci, soit un total de quatre personnes.

60      Une telle possibilité constitue une dérogation au droit commun des sociétés. En effet, celui-ci limite les droits de représentation accordés à certains actionnaires à un tiers du nombre de représentants des actionnaires au conseil de surveillance. Dans le cas de Volkswagen où, ainsi que le fait valoir la Commission sans être contredite sur ce point, le conseil de surveillance compte 20 membres, dont 10 désignés par les actionnaires, le nombre de représentants pouvant être désignés par l’État fédéral et le Land de Basse-Saxe, selon le droit commun des sociétés, ne pourrait être que de 3 au maximum.

61      Il s’agit donc d’un droit spécifique, dérogatoire au droit commun des sociétés prévu au seul bénéfice des acteurs publics par une mesure législative nationale.

62      Le droit de désignation conféré à l’État fédéral et au Land de Basse-Saxe leur donne ainsi la possibilité de participer de manière plus importante à l’activité du conseil de surveillance que leur qualité d’actionnaires ne leur permettrait normalement.

63      Même si, ainsi que l’a observé la République fédérale d’Allemagne, le droit de représentation dudit Land n’est pas disproportionné par rapport à la participation qu’il détient actuellement dans le capital de Volkswagen, il n’en reste pas moins que tant ce Land que l’État fédéral disposent du droit de désigner deux représentants au conseil de surveillance de Volkswagen dès lors qu’ils possèdent des actions de celle-ci, indépendamment de l’ampleur de leur participation.

64      L’article 4, paragraphe 1, de la loi VW crée ainsi un instrument qui donne aux acteurs publics la possibilité d’exercer une influence allant au-delà de leurs investissements. Corrélativement, l’influence des autres actionnaires peut se trouver réduite en deçà de leurs propres investissements.

65      Le fait que le conseil de surveillance est, ainsi que le soutient la République fédérale d’Allemagne, non pas un organe décisionnel, mais un simple organe de contrôle, n’est pas de nature à mettre en cause la position et l’influence des acteurs publics concernés. En effet, si le droit des sociétés allemand assigne pour mission au conseil de surveillance de contrôler la gestion de la société ainsi que de rendre compte de cette gestion aux actionnaires, il octroie à cet organe, aux fins de l’exercice de cette mission, des compétences importantes, telles que la nomination et la révocation des membres du directoire. Au surplus, ainsi que l’a rappelé la Commission, l’approbation du conseil de surveillance est nécessaire pour un certain nombre d’opérations parmi lesquelles, outre l’établissement et le transfert d’installations de production, figurent la création de succursales, l’achat et la vente de biens fonciers, les investissements et le rachat d’autres entreprises.

66      En limitant la possibilité des autres actionnaires de participer à la société en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directs avec celle-ci permettant une participation effective à sa gestion ou à son contrôle, l’article 4, paragraphe 1, de la loi VW est susceptible de dissuader les investisseurs directs d’autres États membres d’investir dans le capital de cette société.

67      Pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 53 à 55 du présent arrêt, cette constatation ne saurait être infirmée par l’argument invoqué par la République fédérale d’Allemagne selon lequel il existerait sur les marchés financiers internationaux un vif intérêt des investisseurs pour les actions de Volkswagen.

68      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’article 4, paragraphe 1, de la loi VW constitue une restriction aux mouvements de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE.

69      La question de savoir si l’État fédéral et le Land de Basse-Saxe font usage ou non du droit que leur ouvre cet article 4, paragraphe 1, est dépourvue de toute pertinence. En effet, il suffit à cet égard de constater que le droit spécifique et dérogatoire au droit commun conféré à ces acteurs publics de nommer des représentants au conseil de surveillance de Volkswagen subsiste dans l’ordre juridique allemand.

 Sur une éventuelle justification des restrictions

 Argumentation des parties

70      À titre subsidiaire, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que les dispositions de la loi VW critiquées par la Commission sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général. En effet, cette loi, qui s’inscrit dans un contexte historique particulier, aurait institué un «juste équilibre des pouvoirs» afin de tenir compte des intérêts des salariés de Volkswagen et de protéger les actionnaires minoritaires de celle-ci. Ladite loi poursuivrait de la sorte un objectif de politique sociale et régionale ainsi qu’un objectif économique qui se combineraient à des objectifs de politique industrielle.

71      Pour la Commission, qui conteste la pertinence de ces considérations historiques, la loi VW ne répond pas à l’intérêt général, les raisons invoquées par la République fédérale d’Allemagne ne valant pas pour toute entreprise exerçant une activité sur le territoire de cet État membre, mais vise à satisfaire des objectifs de politique économique, qui ne sauraient justifier des restrictions à la libre circulation des capitaux (arrêt Commission/Portugal, précité, points 49 et 52).

 Appréciation de la Cour

72      La libre circulation des capitaux peut être limitée par des mesures nationales justifiées par les raisons mentionnées à l’article 58 CE ou par des raisons impérieuses d’intérêt général, pour autant qu’il n’existe pas de mesure communautaire d’harmonisation prévoyant des mesures nécessaires pour assurer la protection de ces intérêts (voir arrêts précités Commission/Portugal, point 49; Commission/France, point 45; Commission/Belgique, point 45; Commission/Espagne, point 68; Commission/Italie, point 35, ainsi que Commission/Pays-Bas, point 32).

73      À défaut d’une telle harmonisation communautaire, il appartient, en principe, aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de tels intérêts légitimes ainsi que de la manière dont ce niveau doit être atteint. Ils ne peuvent cependant le faire que dans les limites tracées par le traité et, en particulier, dans le respect du principe de proportionnalité, qui exige que les mesures adoptées soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (voir arrêts précités Commission/Portugal, point 49; Commission/France, point 45; Commission/Belgique, point 45; Commission/Espagne, point 68; Commission/Italie, point 35, ainsi que Commission/Pays-Bas, point 33).

74      S’agissant de la protection des intérêts des travailleurs, invoquée par la République fédérale d’Allemagne pour justifier les dispositions litigieuses de la loi VW, il y a lieu de constater que cet État membre n’a pas été en mesure d’expliquer, au-delà de considérations générales sur la nécessité d’une protection à l’égard d’un grand actionnaire qui dominerait seul la société, la raison pour laquelle le maintien, dans le capital de Volkswagen, d’une position renforcée et inamovible au profit d’acteurs publics serait approprié et nécessaire à la satisfaction de l’objectif de protection des travailleurs de cette société.

75      En outre, s’agissant du droit de désigner des représentants au conseil de surveillance, force est de constater que, en vertu de la législation allemande, les travailleurs disposent, eux-mêmes, d’une représentation au sein de cet organe.

76      Par conséquent, la justification tirée par ledit État membre de la protection des travailleurs ne saurait être retenue.

77      Il en va de même de la justification que la République fédérale d’Allemagne prétend tirer de la protection des actionnaires minoritaires. Si cette volonté de protéger ces derniers peut également constituer un intérêt légitime et justifier, dans le respect des principes rappelés aux points 72 et 73 du présent arrêt, une intervention législative, même si cette dernière est susceptible, par ailleurs, de constituer une restriction à la libre circulation des capitaux, force est de constater que, en l’espèce, une telle volonté ne saurait justifier les dispositions litigieuses de la loi VW.

78      Il convient de rappeler, à cet égard, que lesdites dispositions constituent un cadre juridique donnant à l’État fédéral et au Land de Basse-Saxe la possibilité d’exercer une influence plus importante que celle qui serait normalement liée à leur investissement. Or, la République fédérale d’Allemagne n’a pas démontré pour quelles raisons le maintien d’une telle position au bénéfice de ces acteurs publics serait nécessaire ou approprié pour protéger les intérêts généraux des actionnaires minoritaires.

79      En effet, il ne peut être exclu que, dans certaines circonstances particulières, les acteurs publics en cause utilisent leur position afin de défendre des intérêts généraux éventuellement contraires aux intérêts économiques de la société concernée et, par conséquent, contraires aux intérêts des autres actionnaires de celle-ci.

80      Enfin, dans la mesure où la République fédérale d’Allemagne fait valoir que l’activité d’une entreprise aussi importante que Volkswagen peut avoir une incidence sur l’intérêt général telle qu’elle justifie l’existence de garanties légales allant au-delà des contrôles prévus par le droit commun des sociétés, force est de constater que, à supposer que cette thèse soit fondée, ledit État membre n’a pas expliqué, en dehors de considérations générales sur le risque que des actionnaires fassent prévaloir leurs intérêts personnels sur ceux des travailleurs, les raisons pour lesquelles les dispositions de la loi VW critiquées par la Commission sont appropriées et nécessaires pour préserver les emplois que génère l’activité de Volkswagen.

81      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, les griefs invoqués par la Commission et tirés d’une violation de l’article 56, paragraphe 1, CE doivent être accueillis.

82      En conséquence, il convient de constater que, en maintenant en vigueur l’article 4, paragraphe 1, ainsi que l’article 2, paragraphe 1, en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, de la loi VW, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56, paragraphe 1, CE.

 Sur les dépens

83       Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne et celle-ci ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

1)      En maintenant en vigueur l’article 4, paragraphe 1, ainsi que l’article 2, paragraphe 1, en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, de la loi du 21 juillet 1960, relative au transfert au secteur privé des parts de la société à responsabilité limitée Volkswagenwerk (Gesetz über die Überführung der Anteilsrechte an der Volkswagenwerk Gesellschaft mit beschränkter Haftung in private Hand), dans sa version applicable au présent litige, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56, paragraphe 1, CE.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.