Language of document : ECLI:EU:C:2016:259

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 14 avril 2016 (1)

Affaire C‑115/15

Secretary of State for the Home Department

contre

NA

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Cour d’appel [Angleterre et pays de Galles] [division civile], Royaume-Uni)]

« Renvoi préjudiciel – Articles 20 TFUE et 21 TFUE – Article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 – Divorce – Maintien du droit de séjour du ressortissant d’un État tiers ayant la garde des enfants mineurs qui possèdent la nationalité d’un autre État membre de l’Union européenne – Article 12, premier alinéa, du règlement no 1612/68 »





I –    Introduction

1.        La question au centre de la présente affaire est celle de savoir si un ressortissant d’un pays tiers, qui séjournait dans un État membre avec un citoyen de l’Union européenne, en tant que conjoint de ce dernier, peut lui-même continuer à séjourner dans cet État alors que le citoyen de l’Union a définitivement quitté l’État en question et que la procédure de divorce a été introduite postérieurement à son départ.

2.        La Cour a déjà eu l’occasion d’aborder cette question dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476). Toutefois, à la différence de cette première affaire, le départ du conjoint et le divorce consécutif à celui-ci prennent place dans un contexte de violence domestique. Or, si l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (2), appréhende cette hypothèse, la Cour n’a pas encore eu l’occasion de l’interpréter.

3.        La présence, sur le territoire du pays d’accueil, de deux enfants issus de l’union entre un citoyen de l’Union et le ressortissant d’un État tiers donnera également à la Cour l’occasion de préciser les critères d’appréciation du test de la « privation de l’essentiel des droits » issu de la jurisprudence initiée par l’arrêt Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124).

II – Le cadre juridique

A –    Le traité FUE

4.        L’article 20 TFUE précise qu’une citoyenneté de l’Union est instituée et que toute personne qui a la nationalité d’un État membre en bénéficie. En vertu du paragraphe 2 de cet article, les citoyens de l’Union ont, notamment, « le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ». Conformément à l’article 20, paragraphe 2, second alinéa, TFUE, ce droit s’exerce « dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci ».

5.        L’article 21 TFUE précise néanmoins que, si tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, ce droit s’exerce « sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application ».

B –    La directive 2004/38

6.        Selon le considérant 15 de la directive 2004/38, « [i]l convient d’offrir une protection juridique aux membres de la famille en cas de décès du citoyen de l’Union, de divorce, d’annulation du mariage ou de cessation de partenariat enregistré. Dans le respect de la vie familiale et de la dignité humaine, et sous certaines conditions pour éviter les abus, il est donc nécessaire de prendre des mesures pour veiller à ce que, dans de telles hypothèses, les membres de la famille qui séjournent déjà sur le territoire de l’État membre d’accueil conservent leur droit de séjour sur une base exclusivement individuelle ».

7.        L’article 7 de la directive 2004/38 réglemente le séjour de plus de trois mois dans ces termes :

« 1.      Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

a)      s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil ; ou

b)      s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil ; […]

[...]

2.      Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c).

[...] »

8.        Conformément à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 :

« Sans préjudice du deuxième alinéa, le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture d’un partenariat enregistré tel que visé à l’article 2, point 2 b), n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre :

a)      lorsque le mariage ou le partenariat enregistré a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce ou d’annulation ou la rupture, dont un an au moins dans l’État membre d’accueil ; ou

b)      lorsque la garde des enfants du citoyen de l’Union a été confiée au conjoint ou au partenaire qui n’a pas la nationalité d’un État membre, par accord entre les conjoints ou entre les partenaires, tels que visés à l’article 2, point 2 b), ou par décision de justice ; ou

c)      lorsque des situations particulièrement difficiles l’exigent, par exemple le fait d’avoir été victime de violence domestique lorsque le mariage ou le partenariat enregistré subsistait encore ; ou

d)      lorsque le conjoint ou le partenaire qui n’a pas la nationalité d’un État membre bénéficie, par accord entre les époux ou entre les partenaires, tels que visés à l’article 2, point 2 b), ou par décision de justice, d’un droit de visite à l’enfant mineur, à condition que le juge ait estimé que les visites devaient avoir lieu dans l’État membre et aussi longtemps qu’elles sont jugées nécessaires.

Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, le droit de séjour des intéressés reste soumis à l’obligation de pouvoir démontrer qu’ils sont travailleurs salariés ou non ou qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant la durée de leur séjour, et qu’ils sont entièrement couverts par une assurance maladie dans l’État membre d’accueil, ou qu’ils sont membres de la famille, déjà constituée dans l’État membre d’accueil, d’une personne répondant à ces exigences. Les ressources suffisantes sont celles prévues à l’article 8, paragraphe 4.

Les membres de la famille susvisés conservent leur droit de séjour exclusivement à titre personnel. »

9.        L’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 prévoit, enfin, que les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son territoire. Conformément au paragraphe 2 du même article, la règle « s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil ».

C –    Le règlement (CEE) no 1612/68

10.      Selon l’article 12, premier alinéa, du règlement (CEE) no 1612/68 du conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (3), « [l]es enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire ».

III – Les faits du litige au principal

11.      NA est une ressortissante pakistanaise. En septembre 2003, elle a épousé KA à Karachi (Pakistan). Après s’être rendu et avoir résidé en Allemagne, celui-ci a obtenu la nationalité allemande.

12.      En mars 2004, le couple a déménagé au Royaume-Uni et le 7 novembre 2005, NA s’est vu délivrer un permis de séjour valable jusqu’au 21 septembre 2009.

13.      Leurs relations se sont, toutefois, dégradées au point que NA fut victime de plusieurs actes de violence domestique. À la suite d’une agression sur la personne de NA (alors qu’elle était enceinte de plus de cinq mois), KA a quitté le domicile conjugal en octobre 2006. En décembre 2006, il a quitté définitivement le Royaume-Uni pour retourner au Pakistan.

14.      Lorsqu’il résidait au Royaume-Uni, KA était un travailleur soit salarié soit non salarié. Le 5 décembre 2006, il a demandé aux autorités britanniques d’annuler le permis de séjour de NA au motif qu’il s’était établi de façon permanente au Pakistan. Il a demandé à être informé lorsque le permis serait annulé.

15.      Il a prétendu avoir divorcé de NA au moyen d’un talaq (4) prononcé à Karachi le 13 mars 2007. En septembre 2008, c’est NA qui a introduit une procédure de divorce au Royaume-Uni. Le jugement définitif de divorce a été rendu le 4 août 2009 et NA a obtenu la garde des deux filles du couple.

16.      MA est née le 14 novembre 2005 et IA est née le 3 février 2007. Elles sont toutes les deux de nationalité allemande et sont scolarisées au Royaume-Uni depuis, respectivement, les mois de janvier 2009 et de septembre 2010.

17.      NA a présenté une demande visant à obtenir un titre de séjour permanent au Royaume-Uni, ce qui lui a été refusé.

18.      NA a formé un recours contre ce refus. La juridiction de première instance a rejeté le recours. Cependant, le 22 février 2013, la juridiction de deuxième instance, l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile)] a réformé le premier jugement.

19.      Cette juridiction a, tout d’abord, confirmé que NA ne bénéficiait pas du maintien de son droit de séjour sur la base de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 au motif que, à la date du divorce, KA n’exerçait plus, dans cet État membre, ses droits tirés des traités.

20.      En revanche, elle a, ensuite, estimé qu’elle bénéficiait d’un droit de séjour en vertu, d’une part, de l’article 20 TFUE, en application des principes énoncés dans l’arrêt Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124), et, d’autre part, de l’article 12 du règlement no 1612/68.

21.      Enfin, compte tenu qu’il n’a pas été contesté que le refus d’un droit de séjour au Royaume-Uni à l’encontre de NA contraindrait ses enfants, MA et IA, à quitter cet État membre avec elle puisque celle-ci en a la garde exclusive, l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile)], en estimant que l’éloignement envisagé de MA et d’IA du Royaume-Uni violerait leurs droits tirés de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), a accueilli le recours formé par NA au titre de cette disposition.

22.      NA a interjeté appel de ce jugement en ce qui concerne le refus du droit de séjour fondé sur l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38. Les autorités britanniques ont également fait appel du jugement en ce qui concerne le droit de séjour de NA, fondé, d’une part, sur l’article 20 TFUE et, d’autre part, sur l’article 12 du règlement no 1612/68. Les développements du jugement relatifs à l’article 8 de la CEDH n’ont, en revanche, fait l’objet d’aucune contestation.

23.      C’est dans ce contexte que, dans deux arrêts rendus, respectivement, les 17 juillet 2014 et 25 février 2015, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour quatre questions préjudicielles.

IV – La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

24.      Par décision du 25 février 2015, parvenue à la Cour le 6 mars 2015, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] a donc posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le ressortissant d’un pays tiers, ex-conjoint d’un citoyen de l’Union, doit-il être en mesure de montrer que son ancien conjoint exerçait les droits tirés des traités dans l’État membre d’accueil au moment du divorce afin de conserver un droit de séjour au titre de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 ?

2)      Un citoyen de l’Union bénéficie-t-il en droit de l’Union d’un droit de séjour dans un État membre d’accueil au titre des articles 20 TFUE et 21 TFUE lorsque le seul État de l’Union dans lequel ce citoyen est en droit de résider est l’État dont il a la nationalité, mais qu’il a été judiciairement constaté par une juridiction compétente que son éloignement de l’État membre d’accueil vers l’État dont il a la nationalité se ferait en violation des droits qu’il tire de l’article 8 de la CEDH et de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la “Charte”) ?

3)      Si le citoyen de l’Union concerné [à la deuxième question] est un enfant, le parent ayant la garde exclusive de cet enfant dispose-t-il d’un droit dérivé de séjour dans l’État membre d’accueil dans l’hypothèse dans laquelle l’enfant devrait accompagner le parent lors de l’éloignement de celui-ci de l’État membre d’accueil ?

4)      Un enfant a-t-il le droit de résider dans l’État membre d’accueil conformément à l’article 12 du règlement no 1612/68 (à présent article 10 du règlement [(UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO L 141, p. 1)]) si le citoyen de l’Union parent de l’enfant, qui a travaillé dans l’État membre d’accueil, a cessé de résider dans cet État membre d’accueil avant que l’enfant n’y commence sa scolarité ? »

25.      Des observations écrites ont été déposées par NA, Aire Centre, les gouvernements du Royaume-Uni, danois, néerlandais et polonais ainsi que par la Commission européenne. NA, Aire Centre, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission se sont, en outre, exprimés lors de l’audience qui s’est tenue le 18 février 2016.

V –    Analyse

A –    Sur le caractère prétendument hypothétique des questions préjudicielles

26.      Selon le gouvernement du Royaume-Uni, les deuxième et troisième questions posées par la juridiction de renvoi seraient de nature hypothétique et sans pertinence pour le litige puisque NA et ses enfants se sont déjà vu reconnaître un droit de séjour au Royaume-Uni sur la base de l’article 8 de la CEDH. Selon le gouvernement néerlandais, ce constat rendrait hypothétique l’ensemble des questions posées.

27.      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales telle que prévue à l’article 267 TFUE, c’est au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, qu’il appartient d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire pendante devant lui, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (5).

28.      Conformément à cette jurisprudence, « les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence » (6).

29.      Or, en l’espèce, il n’apparaît pas de manière manifeste que le problème à l’origine des questions posées soit purement hypothétique.

30.      En effet, il ne peut être exclu que les réponses qu’apportera la Cour aux différentes questions qui lui sont posées déterminent si NA a le droit de bénéficier de certaines prestations de sécurité sociale et de prestations non contributives qui lui sont actuellement refusées en raison de la limitation des droits conférés par un droit de séjour fondé sur l’article 8 de la CEDH (7). Un droit de séjour fondé directement sur le droit de l’Union serait, à tout le moins, susceptible de conférer à NA un niveau de sécurité juridique accru (8).

31.      Dans ces conditions, j’invite la Cour à considérer recevables les questions posées par la juridiction de renvoi.

B –    Observations liminaires sur l’article 16 de la directive 2004/38

32.      La juridiction de renvoi a limité ses questions à l’interprétation des articles 20 TFUE et 21 TFUE, de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 et de l’article 12 du règlement no 1612/68.

33.      Toutefois, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser – notamment dans une affaire relative au droit de séjour d’un ressortissant d’État tiers ascendant direct de citoyens de l’Union en bas âge – que cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que la Cour fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions (9).

34.      En l’espèce, la Commission s’est interrogée, dans ses observations écrites, sur la possibilité pour NA de se voir reconnaître un droit de séjour permanent sur la base de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38 et ce depuis le mois de mars de l’année 2009.

35.      En effet, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, le membre de la famille d’un citoyen de l’Union, qui n’a pas la nationalité d’un État membre, bénéficie de la reconnaissance d’un droit de séjour de plus de trois mois lorsqu’il accompagne ou rejoint dans l’État membre d’accueil ledit citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfait aux conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, sous a) à c), de la directive 2004/38 (10).

36.      Ensuite, conformément à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38, si le séjour se prolonge légalement pendant « une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil », le membre de la famille dudit citoyen de l’Union, qui n’a pas la nationalité d’un État membre, acquiert un droit de séjour permanent sur ce même territoire.

37.      Or, en l’espèce, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que NA est arrivée sur le territoire du Royaume-Uni avec KA, son époux, citoyen de l’Union, en mars 2004. Il n’est, par ailleurs, pas contesté que, jusqu’à son départ en décembre 2006, KA était un travailleur salarié ou non salarié. NA pouvait donc prétendre, jusqu’à cette date, à un droit de séjour sur la base de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38.

38.      Par la suite, il est également avéré que NA avait la garde exclusive de ses deux enfants (dont l’un des deux est né avant que KA ne quitte le domicile conjugal), lesquels sont citoyens de l’Union, puisqu’ils sont des ressortissants allemands.

39.      Sur la base des principes dégagés par la Cour dans l’arrêt Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639), le droit de séjour dérivé de NA s’est donc poursuivi de façon ininterrompue par le prisme de ses enfants (11). En effet, selon la Cour, les conditions prévues par la directive 2004/38 pour qu’un enfant, citoyen de l’Union, bénéficie d’un droit de séjour sur le territoire d’un État membre dont il n’a pas la nationalité sont remplies à condition que quelqu’un (pas nécessairement l’enfant lui-même, mais, en l’espèce, l’un de ses parents) puisse garantir qu’il satisfait aux exigences financières et autres conditions requises pour qu’un citoyen de l’Union sans activité puisse bénéficier d’un droit de séjour dans un autre État membre (12).

40.      Selon la Cour, dans ces conditions, l’article 20 TFUE et la directive 2004/38 « confèrent [...] au ressortissant mineur en bas âge d’un État membre qui est couvert par une assurance-maladie appropriée et qui est à la charge d’un parent, lui-même ressortissant d’un État tiers, dont les ressources sont suffisantes pour que le premier ne devienne pas une charge pour les finances publiques de l’État membre d’accueil, un droit de séjour à durée indéterminée sur le territoire de ce dernier État. Dans un tel cas, ces mêmes dispositions permettent au parent qui a effectivement la garde de ce ressortissant de séjourner avec celui-ci dans l’État membre d’accueil » (13).

41.      Il semble ressortir des explications données par le représentant de NA, lors de l’audience du 18 février 2016, que les conditions de « ressources suffisantes » ne soient pas présentes en l’espèce. C’est, toutefois, à la juridiction nationale qu’il incombe de vérifier si ces conditions étaient remplies entre le moment où le mari a quitté le Royaume-Uni et le mois de mars 2009, date à laquelle NA aurait été résidente depuis cinq ans au Royaume-Uni. Si la juridiction de renvoi devait constater l’existence d’une période ininterrompue de « séjour légal » de cinq ans dans le chef de NA, celle-ci aurait alors, à ce moment-là, acquis un droit de séjour permanent en vertu de l’article 16 de la directive 2004/38.

42.      Certes, à la différence des situations factuelles ayant donné lieu aux arrêts Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639) et Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645), le droit de séjour dérivé de NA ne se rattacherait éventuellement pas au droit de séjour d’un seul et même citoyen de l’Union (son enfant). Il aurait débuté par le biais du droit de séjour de son époux pour se poursuivre, ensuite, par le biais de celui de ses enfants.

43.      À cet égard, il est exact que l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38 s’applique aux « membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement avec le citoyen de l’Union » (14), ce qui pourrait impliquer que le droit dérivé invoqué doit émaner de la même personne.

44.      Cependant, la succession dans le temps de différents facteurs de rattachement à la citoyenneté de l’Union – qui plus est au sein de la même unité familiale – ne me paraît pas de nature à remettre en cause, à elle seule, la réalité d’un séjour légal pendant une période ininterrompue de cinq ans. Or, il s’agit bien là de la condition essentielle imposée à l’article 16 pour bénéficier d’un droit de séjour permanent.

45.      Ne serait-il pas, en effet, paradoxal de ne pas exiger du ressortissant d’un État tiers qu’il maintienne une cohabitation (15), voire « une effective communauté de vie conjugale » (16) avec le citoyen de l’Union, mais de refuser que la liaison avec la citoyenneté de l’Union – clé d’ouverture au droit de séjour – se poursuive de manière ininterrompue par l’intermédiaire d’une autre personne, en l’occurrence son ou ses enfants ?

46.      Une lecture littérale de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38 me semblerait, par conséquent, excessivement rigoriste alors même que, selon la Cour, le contexte et les finalités poursuivies par la directive 2004/38 empêchent d’interpréter ses dispositions d’une façon restrictive (17).

47.      En outre, j’ajouterai à titre surabondant que, dans le cas de l’affaire au principal, à condition pour NA d’avoir disposé des ressources suffisantes pour que sa fille aînée ne devienne pas une charge pour les finances publiques de l’État membre d’accueil, la période de cinq années me semble également remplie depuis le mois de novembre de l’année 2010, MA étant née le 14 novembre 2005.

C –    Sur la première question préjudicielle

48.      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si le ressortissant d’un État tiers, ex-conjoint d’un citoyen de l’Union, doit être en mesure de montrer que son ancien conjoint exerçait ses droits tirés des traités dans l’État membre d’accueil au moment du divorce pour pouvoir conserver un droit de séjour au titre de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38.

49.      L’article 13 de la directive 2004/38 régit le maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré (ci-après « en cas de divorce »).

50.      À ce jour, cette disposition n’a fait l’objet que d’une seule demande de décision préjudicielle (18). L’hypothèse était celle visée à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38. En effet, il s’agissait de déterminer si le ressortissant d’un État tiers, divorcé d’un citoyen de l’Union, dont le mariage avait duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce, dont un an au moins dans l’État membre d’accueil, pouvait bénéficier du maintien du droit de séjour dans cet État membre alors que le conjoint citoyen de l’Union avait quitté cet État avant le divorce.

51.      Dans son arrêt, la Cour a estimé que « le droit de séjour du conjoint du citoyen de l’Union, ressortissant d’un pays tiers, peut seulement être maintenu, sur le fondement de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, si l’État membre où réside ce ressortissant est “l’État membre d’accueil”, au sens de l’article 2, point 3, de la directive 2004/38, à la date du début de la procédure judiciaire » (19).

52.      Dans l’affaire au principal, la Cour devra cette fois se pencher sur la situation visée à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, c’est-à-dire sur la possibilité de maintenir le séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre en cas de divorce « lorsque des situations particulièrement difficiles l’exigent, par exemple le fait d’avoir été victime de violence domestique ».

53.      Dans cette situation, le conjoint citoyen de l’Union d’un ressortissant d’un État tiers doit-il avoir séjourné dans l’État membre d’accueil jusqu’à la date de la décision judiciaire de divorce afin que le ressortissant d’un État tiers puisse se prévaloir du maintien de son droit de séjour ?

1.      Le cadre interprétatif issu de l’arrêt Singh e.a.

54.      Dans l’arrêt Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476), la Cour a jugé qu’une demande de divorce postérieure au départ du conjoint citoyen de l’Union ne peut avoir pour effet de faire renaître le droit de séjour du conjoint ressortissant d’un État tiers « dès lors que l’article 13 de la directive 2004/38 évoque seulement le “maintien” d’un droit de séjour existant » (20).

55.      À partir d’une lecture combinée des articles 12 et 13 de la directive 2004/38, elle a considéré que le droit de séjour dérivé du ressortissant d’un pays tiers prend fin lorsque son conjoint, citoyen de l’Union, quitte l’État membre où ils résident aux fins de s’installer dans un autre État membre ou dans un pays tiers (21).

56.      Elle a, toutefois, estimé que le droit de séjour du conjoint du citoyen de l’Union, ressortissant d’un pays tiers, peut être maintenu, sur le fondement de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, si l’État membre où réside ce ressortissant est l’« État membre d’accueil », au sens de l’article 2, point 3, de la directive 2004/38, à la date du début de la procédure judiciaire (22).

57.      Ces trois points de l’arrêt Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476) permettent de comprendre la logique qui prévaut à l’interprétation de l’article 13 de la directive 2004/38.

58.      Le principe est la disparition du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre lorsque le citoyen de l’Union auquel est attaché le droit de séjour quitte le territoire de l’État membre d’accueil. Toutefois, certains événements susceptibles de survenir dans le cadre d’une procédure de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré permettent de maintenir le droit de séjour des membres de la famille.

59.      En effet, comme l’arrêt Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476) le démontre, ce sont non pas le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture du partenariat enregistré en tant que tels qui maintiennent le droit de séjour des membres de la famille, mais les hypothèses spécifiques détaillées à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2004/38.

60.      Je relève, à cet égard, que la Commission, dans les commentaires relatifs à l’article 13 de la proposition ayant conduit à l’adoption de la directive 2004/38, présentait déjà les différentes hypothèses énoncées comme des « conditions alternatives » (23), c’est-à-dire qu’une seule suffit à déclencher le maintien du droit de séjour.

61.      Par conséquent, les hypothèses visées à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2004/38 doivent être appréhendées comme autant d’éléments déclencheurs du maintien du droit de séjour du ressortissant d’un État tiers, conjoint d’un citoyen de l’Union.

62.      Si ledit conjoint quitte l’État membre d’accueil avant que l’un de ces éléments ne se produise, l’article 13 ne peut avoir pour effet de « maintenir » le droit de séjour, celui-ci ayant en réalité déjà disparu. En revanche, dans le cas où le départ visé à l’article 12, paragraphe 3, s’est produit après l’un des événements – et non le prononcé du divorce stricto sensu – qui déclenche le maintien du droit de séjour en vertu de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, le départ ultérieur du citoyen de l’Union n’a aucune incidence.

2.      L’hypothèse des « situations particulièrement difficiles » visée à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38

63.      Selon une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (24).

64.      Le texte de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 ne permet pas, à lui seul, de donner une réponse utile à la première question préjudicielle.

65.      Je relève néanmoins que, contrairement aux autres hypothèses visées par ledit premier alinéa, c’est un passé révolu qui est utilisé pour définir la situation factuelle déclenchant le maintien du droit de séjour.

66.      En effet, l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 s’applique à la violence domestique « lorsque le mariage ou le partenariat enregistré subsistait encore ». Il y a donc, nécessairement, un décalage temporel entre la violence domestique, élément déclencheur de la disposition, et le divorce.

67.      Par ailleurs, plusieurs éléments nous permettent de définir l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union.

68.      D’une part, le considérant 15 de la directive 2004/38 fait expressément référence à la nécessité « d’offrir une protection juridique aux membres de la famille en cas [...] de divorce, d’annulation du mariage ou de cessation de partenariat enregistré ».

69.      D’autre part, les explications de la Commission relatives à la proposition qui a conduit à l’adoption de l’article 13 de la directive 2004/38 précisent que « cette disposition vise à offrir une certaine protection juridique à ces personnes dont le droit de séjour est lié au lien familial représenté par le mariage et qui pourraient subir, pour ce fait, un chantage au divorce » (25).

70.      Or, un tel risque de « chantage au divorce » ou au refus du divorce me semble particulièrement présent dans un contexte de violences domestiques. En effet, la perte du droit de séjour dérivé, dans le chef du conjoint ressortissant d’un État tiers, en cas de départ du citoyen de l’Union, pourrait être utilisée comme moyen de pression pour s’opposer au divorce alors que de telles circonstances sont déjà de nature à entraîner un affaiblissement psychologique chez la victime et, en tout état de cause, une crainte à l’égard de l’auteur des violences.

71.      L’exigence d’une présence effective du conjoint citoyen de l’Union sur le territoire de l’État membre d’accueil jusqu’au divorce, ou, à tout le moins, jusqu’à l’introduction de la procédure judiciaire de divorce, serait également de nature à compromettre l’application dudit article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 au vu du risque de sanction pénale attachée à des comportements constitutifs de violence domestique.

72.      En effet, il ne peut être exclu que l’auteur de tels faits cherche à quitter le territoire sur lesquels les faits ont été commis afin d’échapper à une éventuelle condamnation, privant de facto le ressortissant d’un État tiers de son droit de séjour dérivé. Or, l’introduction d’une procédure de divorce en raison de violences domestiques serait susceptible de conduire, simultanément, à la dénonciation des faits auprès des autorités judiciaires.

73.      Une interprétation de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 qui imposerait au ressortissant d’un État tiers de démontrer que son ancien conjoint exerçait les droits tirés des traités dans l’État membre d’accueil au moment du divorce pour pouvoir conserver un droit de séjour irait donc, manifestement, à l’encontre de l’objectif de protection juridique poursuivi par ladite disposition.

74.      Enfin, comme je l’ai déjà rappelé précédemment, « [c]ompte tenu du contexte et des finalités poursuivies par la directive 2004/38, les dispositions de cette directive ne sauraient être interprétées de façon restrictive et ne doivent pas, en tout état de cause, être privées de leur effet utile » (26).

75.      Or, une interprétation imposant la présence du conjoint citoyen de l’Union sur le territoire de l’État membre d’accueil jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce serait non seulement restrictive, mais priverait, en outre, la disposition de son effet utile, lequel consiste à transformer le droit de séjour dérivé d’un membre de la famille d’un citoyen de l’Union en droit de séjour personnel dans des circonstances particulières qui méritent d’être protégées.

76.      En effet, si le fait d’être victime d’un acte de violence domestique a été considéré, par le législateur de l’Union, comme un motif justifiant la transformation d’un droit dérivé en droit individuel, la reconnaissance d’un tel droit ne peut être soumise à la seule volonté de l’auteur des faits de rester sur le territoire de l’État membre d’accueil.

3.      Conclusion intermédiaire

77.      Même lus de façon combinée, les articles 12 et 13 de la directive 2004/38 n’autorisent pas l’appréhension du divorce, de l’annulation du mariage ou de la rupture du partenariat enregistré, en tant que tels, comme éléments déclencheurs du maintien du droit de séjour.

78.      Ces situations précises, énoncées dans l’intitulé de l’article 13 de la directive 2004/38, constituent uniquement un cadre dans lequel l’un des évènements énoncés au paragraphe 2 dudit article peuvent survenir et, ce faisant, entraîner le maintien du droit de séjour du conjoint ressortissant d’un État tiers si, et seulement si, le citoyen de l’Union est toujours présent sur le territoire de l’État membre d’accueil à ce moment-là.

79.      En ce qui concerne plus précisément l’hypothèse des violences domestiques visée à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, l’interprétation téléologique de cette disposition conduit à retenir la survenance des violences domestiques comme élément déclencheur du maintien du droit de séjour du ressortissant d’un État tiers, conjoint d’un citoyen de l’Union.

80.      Toute autre interprétation priverait l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 de son effet utile, à savoir assurer une protection juridique à la victime de l’acte de violence, alors même que l’interprétation proposée respecte, par ailleurs, le libellé de la disposition litigieuse.

81.      Enfin, le risque d’abus évoqué au considérant 15 de la directive 2004/38 est suffisamment écarté par l’obligation faite à l’article 13, paragraphe 2, deuxième alinéa, en vertu duquel le droit de séjour des personnes visées au premier alinéa « reste soumis à l’obligation de pouvoir démontrer qu’ils sont travailleurs salariés ou non ou qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant la durée de leur séjour, et qu’ils sont entièrement couverts par une assurance maladie dans l’État membre d’accueil, ou qu’ils sont membres de la famille, déjà constituée dans l’État membre d’accueil, d’une personne répondant à ces exigences ».

82.      Au terme de cette analyse, je propose donc de répondre à la première question préjudicielle posée que, dans l’hypothèse où le divorce est consécutif à des violences domestiques, l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 n’exige pas que le citoyen de l’Union, conjoint du ressortissant d’un État tiers, séjourne lui-même sur le territoire de l’État membre d’accueil conformément à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, au moment du divorce, pour que ce ressortissant d’un État tiers puisse conserver un droit de séjour personnel au titre de cette disposition.

D –    Sur les deuxième et troisième questions préjudicielles

83.      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 20 TFUE et/ou l’article 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre refuse à un citoyen de l’Union un droit de séjour sur son territoire lorsqu’il a été constaté par une juridiction compétente que son éloignement vers l’État membre dont il a la nationalité se ferait en violation de l’article 8 de la CEDH et de l’article 7 de la Charte.

84.      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi envisage la même situation mais dans le chef d’un ressortissant d’un État tiers qui serait le parent ayant la garde exclusive du citoyen de l’Union.

85.      Ces questions ont été traitées conjointement par l’ensemble des parties ayant déposé des observations écrites, à l’exception du gouvernement du Royaume-Uni. Je considère également que ces deux questions peuvent être analysées ensemble à la lumière de l’arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645).

86.      En effet, l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt visait une situation comparable puisqu’elle concernait des enfants citoyens de l’Union, nés dans un État membre dont ils n’avaient pas la nationalité, d’un père citoyen de l’Union et d’une mère ressortissante d’un État tiers. Or, dans son arrêt, la Cour a choisi d’aborder prioritairement la question au regard de l’article 21 TFUE, alors que seul l’article 20 TFUE avait été invoqué par la juridiction de renvoi (27).

1.      L’enseignement de l’arrêt Alokpa et Moudoulou relatif à l’article 21 TFUE

87.      Dans l’arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645), la Cour a rappelé que, dans le cadre d’une situation dans laquelle un citoyen de l’Union était né dans l’État membre d’accueil et n’avait pas fait usage du droit à la libre circulation, les termes « dispose de ressources suffisantes », qui figurent à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 et qui conditionnent la légalité d’un séjour de plus de trois mois, « devaient être interprétés en ce sens qu’il suffit que les citoyens de l’Union aient la disposition de telles ressources, sans que cette disposition comporte la moindre exigence quant à la provenance de celles-ci, ces dernières pouvant être fournies, notamment, par le ressortissant d’un État tiers, parent des citoyens en bas âge concernés » (28).

88.      Il découle de ce constat une jurisprudence constante selon laquelle, « si l’article 21 TFUE et la directive 2004/38 confèrent un droit de séjour dans l’État membre d’accueil au ressortissant mineur en bas âge d’un autre État membre qui remplit les conditions fixées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive, ces mêmes dispositions permettent au parent qui a effectivement la garde de ce ressortissant de séjourner avec celui-ci dans l’État membre d’accueil » (29).

89.      En effet, « le refus de permettre au parent, ressortissant d’un État membre ou d’un État tiers, qui a effectivement la garde d’un citoyen de l’Union mineur, de séjourner avec ce citoyen dans l’État membre d’accueil priverait de tout effet utile le droit de séjour de celui-ci, étant donné que la jouissance du droit de séjour par un enfant en bas âge implique nécessairement que cet enfant ait le droit d’être accompagné par la personne assurant effectivement sa garde et, dès lors, que cette personne soit en mesure de résider avec lui dans l’État membre d’accueil pendant ce séjour » (30).

90.      La situation factuelle du litige au principal étant semblable, je ne perçois pas de raison de s’écarter de cette jurisprudence constante et de la conséquence selon laquelle il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les enfants de NA remplissent les conditions fixées à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38 et bénéficient, dès lors, d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil sur le fondement de l’article 21 TFUE (31).

91.      Il s’agit donc, « [e]n particulier, [de] vérifier si lesdits enfants disposent, par eux-mêmes ou par l’intermédiaire de leur mère, de ressources suffisantes et d’une assurance maladie complète, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 » (32).

92.      Dans le cas contraire, la Cour a jugé que l’article 21 TFUE ne s’opposait pas à ce qu’un droit de séjour soit refusé au ressortissant d’un État tiers, alors même que celui-ci a la garde exclusive d’enfants en bas âge, citoyens de l’Union, qui séjournent avec lui sur le territoire d’un État membre dont ils n’ont pas la nationalité (33).

93.      L’application éventuelle de l’article 7 de la Charte (et/ou de l’article 8 de la CEDH) ne me paraît pas avoir d’incidence sur ce raisonnement en ce qu’il porte spécifiquement sur le droit à la libre circulation, lequel est garanti par l’article 21 TFUE « sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application », tel l’article 7 de la directive 2004/38 (34).

2.      L’enseignement de l’arrêt Alokpa et Moudoulou relatif à l’article 20 TFUE

94.      Si l’article 21 TFUE ne permet pas, sans condition, de fonder le droit de séjour du ressortissant d’un État tiers qui a la garde exclusive d’enfants mineurs citoyens de l’Union, la Cour a reconnu à l’article 20 TFUE une portée autonome.

95.      En effet, dans l’arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645), la Cour a expressément indiqué que la juridiction nationale devait, sur la base de l’article 20 TFUE, « encore vérifier si un tel droit de séjour serait néanmoins susceptible de lui être accordé, à titre exceptionnel, sous peine de méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dont jouissent les enfants [du ressortissant d’un État tiers qui en a la garde exclusive], étant donné que, comme conséquence d’un tel refus, ces enfants se verraient dans l’obligation, en fait, de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, en les privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par ledit statut » (35).

96.      Il s’agit là, en réalité, du substrat de la jurisprudence initiée par l’arrêt Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124), telle qu’elle a été confirmée et précisée dans plusieurs arrêts ultérieurs (36).

97.      Il résulte de cette jurisprudence qu’un droit de séjour doit être accordé sur la base de l’article 20 TFUE en faveur d’un ressortissant d’un État tiers, parent d’un citoyen de l’Union, à la condition que le refus dudit droit de séjour prive ce citoyen de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union en le contraignant à quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble.

98.      Le critère d’appréciation de la « privation de l’essentiel des droits » est, depuis l’arrêt Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734) clairement établi (37). La question qui se pose est celle de son appréciation : l’obligation de quitter le territoire de l’Union doit-elle être appréhendée juridiquement ou in concreto, au regard des faits ?

3.      Les critères d’appréciation de l’obligation de quitter le territoire de l’Union dans son ensemble

99.      En tant que ressortissantes allemandes, les deux enfants de NA ont, de toute évidence, le droit de vivre en Allemagne. Par conséquent, si elles devaient quitter le territoire du Royaume-Uni pour se rendre en Allemagne, leur mère aurait un droit de séjour dérivé dans ce dernier État, conformément aux principes dégagés dans l’arrêt Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124) (38).

100. En effet, à défaut, MA et IA seraient contraintes de quitter le territoire de l’Union pour suivre leur mère, vraisemblablement au Pakistan, ce qui les priverait de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par leur statut de citoyennes de l’Union.

101. Une situation comparable était à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645).

102. Dans cette affaire, Mme Alokpa alléguait que, si les autorités luxembourgeoises lui refusaient un droit de séjour alors qu’elle résidait sur le territoire de cet État membre avec ses enfants, de nationalité française, elle serait dans l’impossibilité de se rendre et de séjourner en France avec eux et serait donc obligée de retourner au Togo.

103. Selon l’avocat général Mengozzi, il convenait « donc de vérifier si l’exécution d’une telle décision aurait pour effet, au sens de la jurisprudence Ruiz Zambrano ainsi que Dereci e.a., d’obliger, en fait, les citoyens de l’Union de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, en les privant de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par leur statut » (39).

104. Or, dans son arrêt subséquent, la Cour a constaté, en accord avec l’appréciation de l’avocat général Mengozzi, que « Mme Alokpa, en sa qualité de mère de Jarel et d’Eja Moudoulou et en tant que personne exerçant seule la garde effective de ces derniers depuis leur naissance, pourrait bénéficier d’un droit dérivé à les accompagner et à séjourner avec eux sur le territoire français » (40).

105. La Cour en a déduit que, « en principe, le refus des autorités luxembourgeoises d’accorder un droit de séjour à Mme Alokpa ne saurait avoir comme conséquence d’obliger les enfants de celle-ci à quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble » (41). Elle a, cependant, dans le même point, précisé que c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient « toutefois [...] de vérifier si, au vu de toutes les circonstances du litige au principal, tel est effectivement le cas » (42).

106. Cette dernière précision me paraît essentielle. Elle n’a de sens que si l’appréciation du test de la « privation de l’essentiel des droits » n’est pas qu’une question juridique.

107. En effet, la possibilité juridique – c’est-à-dire théorique – pour les enfants citoyens de l’Union et le parent ressortissant d’un État tiers, qui en a la garde exclusive, de résider sur le territoire de l’État membre dont les enfants sont des ressortissants a été reconnue par la Cour.

108. Or, la Cour confie, expressément, à la juridiction nationale le soin de vérifier si, « au vu de toutes les circonstances du litige au principal » (43), le refus de l’État membre d’accueil d’accorder un droit de séjour au parent ressortissant d’un État tiers ne saurait avoir comme conséquence d’obliger ses enfants à quitter le territoire pris dans son ensemble.

109. Il résulte de cette précision que, d’une part, les circonstances à prendre en considération sont, nécessairement, factuelles (44) et que, d’autre part, elles sont susceptibles de mettre en échec la possibilité théorique de ne pas devoir quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble. En d’autres termes, le principe dégagé dans l’arrêt Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124) pourrait être « réactivé » à l’égard de l’État dont les enfants ont la nationalité (45).

110. Cet examen factuel du test de la « privation de l’essentiel des droits » est conforme à la logique qui doit prévaloir dans l’appréhension de la citoyenneté de l’Union.

111. En effet, le statut de citoyen de l’Union a, selon l’affirmation constante de la Cour, vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres (46). Il ne peut, dès lors, s’agir d’une coquille vide. Comme l’a récemment souligné l’avocat général Szpunar, « [a]ffirmer aux ressortissants des États membres qu’ils sont citoyens de l’Union crée des attentes tout en définissant des droits et des devoirs » (47).

112. Or, si le droit de circuler et de s’établir est expressément cité comme un droit du citoyen de l’Union aux articles 20 TFUE et 21 TFUE, ainsi qu’à l’article 45 de la Charte, il ne saurait être dénié audit citoyen le fait d’avoir, éventuellement, créé dans un autre État membre que le sien une attache réelle et durable plus significative ou substantielle que dans l’État membre dont il a la nationalité.

113. Le droit de l’Union n’est susceptible de donner chair au concept de citoyenneté de l’Union qu’à la condition de lier sa protection à l’attache à un lieu, au fait d’être ancré sur un territoire et d’être intégré à la vie non seulement administrative et économique du pays d’accueil mais également à sa vie sociale et culturelle (48).

114. En d’autres termes, la possibilité qu’un ressortissant d’un État tiers et ses enfants, citoyens de l’Union, puissent se rendre dans l’État membre de la nationalité de ceux-ci ne peut être uniquement soutenu dans l’abstrait (49).

115. Or, en l’espèce, il semble avéré que les enfants de NA, bien que de nationalité allemande, n’ont aucun lien avec cet État membre sur le territoire duquel elles n’ont jamais vécu et dont elles ne connaissent pas la langue. Nées et scolarisées au Royaume-Uni, c’est dans cet État membre qu’elles ont construit leur citoyenneté.

116. La Commission constate elle-même, dans ses observations écrites, que, si les filles de NA bénéficient, « en tant que ressortissantes allemandes, d’un droit de séjour inconditionnel en Allemagne, il est également constant que l’on ne peut raisonnablement attendre d’elles ni de leur mère qu’elles vivent dans ce pays et, sur cette base, les juridictions nationales ont considéré qu’elles ne pouvaient être éloignées du Royaume-Uni vers l’Allemagne sans qu’il y ait violation de la CEDH » (50).

117. J’estime donc que, si ces informations devaient être confirmées par la juridiction de renvoi, il lui appartiendrait de reconnaître à MA et à IA un droit de séjour au Royaume-Uni sur la base de l’article 20 TFUE, NA obtenant elle-même, par ricochet, un droit de séjour dérivé. En effet, refuser ce droit aux enfants de NA les priverait de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union. Or, selon l’arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645), l’article 20 TFUE s’oppose à une telle conséquence (51).

4.      Sur l’incidence de l’article 7 de la Charte et de l’article 8 de la CEDH

118. Dans sa deuxième question, la juridiction de renvoi rappelle qu’il a été judiciairement constaté que l’éloignement des citoyens de l’Union, en l’occurrence les enfants, de l’État membre d’accueil vers l’État membre dont ils ont la nationalité se ferait en violation des droits qu’ils tirent de l’article 8 de la CEDH et de l’article 7 de la Charte.

119. Une telle constatation est-elle de nature à avoir une incidence sur la réponse à apporter à cette question ?

120. L’incidence de l’article 7 de la Charte et de l’article 8 de la CEDH sur l’application de l’article 20 TFUE s’est déjà posée à la Cour. Dans l’arrêt Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734), elle y a répondu en considérant que, « si la juridiction de renvoi considère, à la lumière des circonstances des litiges au principal, que la situation des requérants au principal relève du droit de l’Union, elle devra examiner si le refus du droit de séjour porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale prévue à l’article 7 de la Charte. En revanche, si elle considère que ladite situation ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, elle devra faire un tel examen à la lumière de l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH » (52).

121. Cette conclusion m’interpelle. En effet, dans l’arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645), la Cour n’hésite pas à juger que « les articles 20 et 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un pays tiers un droit de séjour sur son territoire, alors que ce ressortissant a à sa charge exclusive des enfants en bas âge, citoyens de l’Union, qui séjournent avec lui dans cet État membre depuis leur naissance, sans qu’ils possèdent la nationalité de ce même État et aient fait usage de leur droit de libre circulation, pour autant que ces citoyens de l’Union ne remplissent pas les conditions fixées par la directive 2004/38 ou qu’un tel refus ne prive pas lesdits citoyens de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union » (53).

122. Si une disposition du traité ne s’oppose pas à ce qu’un État membre refuse un droit de séjour sous réserve de respecter certaines conditions, c’est que, par hypothèse, nous nous situons dans le champ d’application de cette disposition (54). Dans le cas contraire, la Cour devrait se déclarer incompétente pour répondre à la question posée.

123. Il m’apparaît donc certain que les questions liées à l’application de l’article 20 TFUE et l’incidence de la citoyenneté de l’Union sur le droit de séjour entrent dans le champ d’application du droit de l’Union (55).

124. Par conséquent, si la juridiction de renvoi a considéré que l’expulsion d’un citoyen de l’Union porterait atteinte à l’article 7 de la Charte (ou à l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH puisque leur contenu est équivalent), cette appréciation doit entrer en ligne de compte dans l’application de l’article 20 TFUE et dans l’appréciation du test de la« privation de l’essentiel des droits ».

125. L’intégration de l’article 7 de la Charte dans la réflexion du juge national relative à l’application de l’article 20 TFUE ne me paraît pas, par ailleurs, de nature à entraîner une extension du champ d’application du droit de l’Union, extension qui serait contraire à l’article 51, paragraphe 2, de la Charte.

126. En effet, c’est la citoyenneté européenne consacrée à l’article 20 TFUE qui déclenche la protection des droits fondamentaux – et plus particulièrement, en l’espèce, l’article 7 de la Charte – et non l’inverse (56).

5.      Conclusion intermédiaire

127. Au vu des considérations qui précèdent, je propose de répondre aux deuxième et troisième questions posées par la juridiction de renvoi que les articles 20 TFUE et 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un pays tiers un droit de séjour sur son territoire, alors que ce ressortissant a à sa charge exclusive des enfants, citoyens de l’Union, qui séjournent avec lui dans cet État membre depuis leur naissance, sans qu’ils possèdent la nationalité de ce même État et aient fait usage de leur droit de libre circulation, pour autant que ces citoyens de l’Union remplissent les conditions fixées par la directive 2004/38 ou, à défaut, qu’un tel refus prive, en fait, lesdits citoyens de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce. S’il a été judiciairement considéré que l’expulsion des citoyens de l’Union concernés porterait atteinte à l’article 7 de la Charte ou à l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, la juridiction nationale doit en tenir compte.

E –    Sur la quatrième question préjudicielle

128. Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12 du règlement no 1612/68 doit être interprété en ce sens qu’un enfant, ainsi que, par voie de conséquence, le parent qui en a la garde, bénéficie d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, lorsque le parent qui est citoyen de l’Union et qui a travaillé dans cet État membre a cessé d’y résider avant que l’enfant n’y commence sa scolarité.

129. La jurisprudence de la Cour nous permet de répondre par l’affirmative à cette question.

130. En effet, selon la Cour, « [l]e droit reconnu par l’article 12 du règlement no 1612/68 à l’enfant d’un travailleur migrant de poursuivre, dans les meilleures conditions, sa scolarité dans l’État membre d’accueil implique nécessairement que ledit enfant ait le droit d’être accompagné par la personne assurant effectivement sa garde et, dès lors, que cette personne soit en mesure de résider avec lui dans ledit État membre pendant ses études. Refuser l’octroi d’une autorisation de séjour au parent qui garde effectivement l’enfant exerçant son droit de poursuivre sa scolarité dans l’État membre d’accueil porterait atteinte à ce droit » (57).

131. Les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui travaille ou a travaillé dans l’État membre d’accueil et le parent qui a effectivement la garde de ceux-ci peuvent donc se prévaloir, dans ce dernier État, d’un droit de séjour sur le seul fondement de l’article 12, premier alinéa, du règlement no 1612/68 (58).

132. Dans l’arrêt Teixeira (C‑480/08, EU:C:2010:83), la Cour a rappelé que « l’article 12 du règlement no 1612/68 vise particulièrement à assurer que les enfants d’un travailleur ressortissant d’un État membre puissent, même si celui-ci n’exerce plus une activité salariée dans l’État membre d’accueil, entreprendre et, le cas échéant, terminer leur scolarité dans ce dernier État » (59).

133. Elle a également précisé que, « [s]elon une jurisprudence bien établie, l’article 12 du règlement no 1612/68 exige uniquement que l’enfant ait vécu avec ses parents ou avec l’un d’eux dans un État membre pendant que l’un de ses parents au moins y résidait en qualité de travailleur (arrêts [Brown (197/86, EU:C:1988:323)], point 30, et Gaal [(C‑7/94, EU:C:1995:118)], point 27) » (60).

134. De façon plus claire encore, la Cour a jugé que « [l]e droit pour l’enfant de séjourner dans cet État pour y suivre des études, conformément à l’article 12 du règlement no 1612/68, et, par voie de conséquence, le droit de séjour du parent qui en assure effectivement la garde ne sauraient donc être soumis à la condition que l’un des parents de l’enfant ait exercé, à la date à laquelle ce dernier a commencé ses études, une activité professionnelle en tant que travailleur migrant dans l’État membre d’accueil » (61).

135. Dans l’arrêt Ibrahim et Secretary of State for the Home Department, la Cour a encore indiqué, dans une hypothèse où l’un des enfants concernés avait commencé sa scolarité après que le parent ancien travailleur migrant eut quitté l’État membre d’accueil, que « le droit à l’égalité de traitement en ce qui concerne l’accès à l’enseignement n’est pas limité aux enfants des travailleurs migrants. Il s’applique également aux enfants des anciens travailleurs migrants » (62).

136. Il ressort donc incontestablement de cette jurisprudence que l’article 12 du règlement no 1612/68 doit être interprété en ce sens qu’un enfant, ainsi que, par voie de conséquence, le parent qui en a la garde, bénéficie d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, lorsque le parent qui est citoyen de l’Union et qui a travaillé dans cet État membre a cessé d’y résider avant que l’enfant n’y commence sa scolarité.

137. Cette interprétation de l’article 12 du règlement no 1612/68 est, par ailleurs, conforme au principe selon lequel cette disposition « ne saurait être interprété[e] de façon restrictive […] et ne doit, en tout état de cause, pas être privé[e] de son effet utile » (63).

138. J’ajouterai, à toutes fins utiles, qu’il découle des faits à l’origine de l’arrêt Alarape et Tijani (C‑529/11, EU:C:2013:290) que les principes rappelés précédemment s’appliquent également aux ressortissants d’États tiers, ascendants de citoyens de l’Union.

VI – Conclusion

139. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)] de la manière suivante :

1)      Dans l’hypothèse où le divorce est consécutif à des violences domestiques, l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, n’exige pas que le citoyen de l’Union européenne, conjoint du ressortissant d’un État tiers, séjourne lui-même sur le territoire de l’État membre d’accueil conformément à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, au moment du divorce, pour que ce ressortissant d’un État tiers puisse conserver un droit de séjour personnel au titre de cette disposition.

2)      Les articles 20 TFUE et 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un pays tiers un droit de séjour sur son territoire, alors que ce ressortissant a à sa charge exclusive des enfants, citoyens de l’Union, qui séjournent avec lui dans cet État membre depuis leur naissance, sans qu’ils possèdent la nationalité de ce même État et aient fait usage de leur droit de libre circulation, pour autant que ces citoyens de l’Union remplissent les conditions fixées par la directive 2004/38 ou, à défaut, qu’un tel refus prive, en fait, lesdits citoyens de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce. S’il a été judiciairement considéré que l’expulsion des citoyens de l’Union concernés porterait atteinte à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou à l’article 8, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, la juridiction nationale doit en tenir compte.

3)      L’article 12 du règlement (CEE) no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, doit être interprété en ce sens qu’un enfant, ainsi que, par voie de conséquence, le parent qui en a la garde, bénéficie d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, lorsque le parent qui est citoyen de l’Union et qui a travaillé dans cet État membre a cessé d’y résider avant que l’enfant n’y commence sa scolarité.


1 – Langue originale : le français.


2 –      JO L 158, p. 77, ainsi que rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34.


3 –      JO L 257, p. 2.


4 – Il s’agit d’une forme de divorce unilatérale qui est légale en droit pakistanais, mais non reconnue au Royaume-Uni.


5 – Voir, en ce sens, arrêt Trespa International (C‑248/07, EU:C:2008:607, point 32).


6 – Arrêt Wojciechowski (C‑408/14, EU:C:2015:591, point 32). Voir également, parmi de nombreux arrêts, arrêts Pujante Rivera (C‑422/14, EU:C:2015:743, point 20 et jurisprudence citée), ainsi que Trespa International (C‑248/07, EU:C:2008:607, point 33).


7 – Voir, en ce sens, les observations écrites déposées par NA (point 7).


8 – Voir, en ce sens, les observations écrites déposées par Aire Centre (point 3).


9 – Voir en ce sens, notamment, arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 20).


10 – C’est-à-dire être travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil ou disposer, pour lui et les membres de sa famille, des ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil et d’une assurance maladie complète dans ce même État ou encore y suivre des études à titre principal (à condition de remplir les mêmes exigences de ressources et de couverture médicale que celles précitées).


11 – Arrêt Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, points 45 à 47). Voir également, arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 29).


12 – Voir en ce sens, notamment, arrêts Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, points 28 et 30, ainsi que points 41 et 47) et arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 27).


13 – Arrêt Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 47). C’est moi qui souligne.


14 – C’est moi qui souligne.


15 – Voir, en ce sens, arrêts Diatta (267/83, EU:C:1985:67, points 20 et 22), ainsi que Iida (C‑40/11, EU:C:2012:691, point 58).


16 – Voir, en ce sens, arrêt Ogieriakhi (C‑244/13, EU:C:2014:2068, points 36, 38 et 47).


17 –      Voir, en ce sens, arrêt Metock e.a. (C‑127/08, EU:C:2008:449, point 84).


18 – Arrêt Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476).


19 – Arrêt Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476, point 61). C’est moi qui souligne.


20 –      Point 67.


21 –      Arrêt Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476, point 62).


22 –      Arrêt Singh e.a. (C‑218/14, EU:C:2015:476, point 61).


23 –      Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres [COM(2001) 257 final, JO C 270 E, p. 150]. C’est moi qui souligne.


24 –      Voir, notamment, arrêts Yaesu Europe (C‑433/08, EU:C:2009:750, point 24) ; Brain Products (C‑219/11, EU:C:2012:742, point 13) ; Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:862, point 34), ainsi que Lanigan (C‑237/15 PPU, EU:C:2015:474, point 35).


25 –      Proposition de directive COM(2001) 257 final.


26 – Arrêt Metock e.a. (C‑127/08, EU:C:2008:449, point 84).


27 – Arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, points 20, 21 et 32).


28 – Arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 27), lequel renvoie aux points 28 et 30 de l’arrêt Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639).


29 – Arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 29), lequel renvoie aux points 46 et 47 de l’arrêt Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639).


30 – Arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 28 et jurisprudence citée).


31 – Voir, en ce sens, arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 30 et jurisprudence citée).


32 – Arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 30 et jurisprudence citée).


33 – Arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 31 et dispositif).


34 – L’avocat général Mengozzi s’était également interrogé sur la possibilité que les dispositions de la Charte puissent assouplir, voire ignorer, les conditions de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38 en vue d’assurer le respect de la vie familiale consacré à l’article 7 de la Charte (conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Alokpa et Moudoulou, C‑86/12, EU:C:2013:197, point 34). Sa conclusion était semblable à la mienne puisqu’il considérait qu’« [u]ne telle hypothèse parai[ssai]t toutefois difficilement envisageable dans la mesure où elle conduirait à faire abstraction des limites posées par l’article 21 TFUE au droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres » (point 35), l’avocat général Mengozzi renvoyant, à cet égard, aux conditions posées par la directive 2004/38.


35 – Arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 33).


36 –      Voir arrêts McCarthy (C‑434/09, EU:C:2011:277, point 47) ; Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, points 64, 66 et 67) ; Iida (C‑40/11, EU:C:2012:691, point 71) ; Ymeraga e.a. (C‑87/12, EU:C:2013:291, point 36), ainsi que Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 32). Voir, également, l’analyse de l’évolution de cette jurisprudence dans les conclusions de l’avocat général Szpunar dans les affaires Rendón Marín et CS (C‑165/14 et C‑304/14, EU:C:2016:75).


37 –      Voir, notamment, Nic Shuibhne, N., « (Some of) The Kids Are All Right », CML Rev., 2012 (49), p. 349 à 380, spéc. p. 362 ; Lenaerts, K., « The concept of EU citizenship in the case law of the European Court of Justice », ERA Forum, 2013, p. 569 à 583.


38 – Voir, en ce sens, arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, points 34 et 35).


39 –      Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:197, point 52).


40 – Arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 34).


41 – Arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 35). C’est moi qui souligne.


42 – Arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 35). C’est moi qui souligne.


43 – Arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 35). C’est moi qui souligne.


44 – Dans l’arrêt Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734), la Cour avait, déjà, laissé à la juridiction nationale le soin de déterminer si le refus d’accorder un droit de séjour au ressortissant d’un État tiers n’entraînait pas la privation de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union aux membres de sa famille. En réponse à certaines critiques formulées par une partie de la doctrine à cet égard, Koen Lenaerts répond que la question de savoir si, en forçant M. Dereci à quitter l’Autriche, ses enfants seraient obligés de le suivre est « clearly a factual question » (Lenaerts, K., « The concept of EU citizenship in the case law of the European Court of Justice », ERA Forum, 2013, p. 569 à 583, spécialement p. 575, note en bas de page 32). Nous ne pouvons qu’approuver ce constat.


45 – L’expression est empruntée à Anne Rigaux (Rigaux, A., « Regroupement familial », Europe, décembre 2013, commentaire 499).


46 – Voir, notamment, arrêts Grzelczyk (C‑184/99, EU:C:2001:458, point 31) ; D’Hoop (C‑224/98, EU:C:2002:432, point 28) ; Baumbast et R (C‑413/99, EU:C:2002:493, point 82) ; Garcia Avello (C‑148/02, EU:C:2003:539, point 22) ; Orfanopoulos et Oliveri (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262, point 65) ; Pusa (C‑224/02, EU:C:2004:273, point 16) ; Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639, point 25) ; Bidar (C‑209/03, EU:C:2005:169, point 31) ; Commission/Autriche (C‑147/03, EU:C:2005:427, point 45) ; Schempp (C‑403/03, EU:C:2005:446, point 15) ; Espagne/Royaume-Uni (C‑145/04, EU:C:2006:543, point 74) ; Commission/Pays-Bas (C‑50/06, EU:C:2007:325, point 32) ; Huber (C‑524/06, EU:C:2008:724, point 69) ; Rottmann (C‑135/08, EU:C:2010:104) ; Prinz et Seeberger (C‑523/11 et C‑585/11, EU:C:2013:524, point 24), ainsi que Martens (C‑359/13, EU:C:2015:118, point 21).


47 – Conclusions de l’avocat général Szpunar dans les affaires Rendón Marín et CS (C‑165/14 et C‑304/14, EU:C:2016:75, point 117).


48 – À ce propos, voir Azoulai, L., « Le sujet des libertés de circuler », in Dubout, É., et Maitrot de la Motte, A., L’unité des libertés de circulation –In varietate concordia ?, Bruylant, 2013, p. 385 à 411, spéc. p. 408.


49 – L’expression est empruntée à l’avocat général Szpunar (voir ses conclusions dans les affaires Rendón Marín et CS, C‑165/14 et C‑304/14, EU:C:2016:75, note en bas de page 109).


50 – Voir point 36 des observations écrites de la Commission.


51 – Voir, en ce sens, arrêt Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645, point 36 et dispositif).


52 – Point 72.


53 – Point 36 et dispositif.


54 – Voir, en ce sens, Carlier, J.‑Y., « La libre circulation des personnes dans l’Union européenne », Journal de droit européen, 2014, p. 167 à 175, spéc. p. 174. Telle est également l’interprétation défendue par l’avocat général Sharpston dans les affaires O. e.a. (C‑456/12 et C‑457/12, EU:C:2013:837). En effet, selon l’avocat général Sharpston, « il convient d’examiner une situation juridique au travers du prisme de la Charte si et seulement si une disposition du droit de l’Union impose une obligation positive ou négative à l’État membre (que cette obligation découle des traités ou du droit dérivé de l’Union) » (point 61). Or, tel est bien le cas, en l’espèce, avec l’article 20 TFUE puisque celui subordonne la possibilité pour les États membres de refuser un droit de séjour à certaines conditions.


55 – Telle est également la conclusion à laquelle aboutit l’avocat général Szpunar dans ses conclusions dans les affaires Rendón Marín et CS (C‑165/14 et C‑304/14, EU:C:2016:75, points 119 et 120), lequel se dit « convaincu » que des situations qui s’inscrivent dans le cadre de la jurisprudence initiée par les arrêts Zhu et Chen (C‑200/02, EU:C:2004:639) ; Rottmann (C‑135/08, EU:C:2010:104), ainsi que Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124) relèvent du champ d’application du droit de l’Union. En effet, l’avocat général Szpunar part du constat que les ressortissants des États membres bénéficient du statut de citoyen de l’Union. « Partant, en tant que citoyen de l’Union, ces enfants ont le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’Union, et toute limitation de ce droit relève du champ d’application du droit de l’Union » (point 120).


56 –      Voir, en ce sens, Kochenov, D., « The Right to Have What Rights ? EU Citizenship in Need of Clarification », European Law Journal, vol. 19, 2013, p. 502 à 516, spéc. p. 511. Voir, également, conclusions de l’avocat général Sharpston dans les affaires O. e.a. (C‑456/12 et C‑457/12, EU:C:2013:837, points 62 et 63).


57 – Arrêt Baumbast et R (C‑413/99, EU:C:2002:493, point 73). Voir, également, arrêt Teixeira (C‑480/08, EU:C:2010:83, point 39).


58 – Voir, en ce sens, arrêts Ibrahim et Secretary of State for the Home Department (C‑310/08, EU:C:2010:80, point 59) ; Teixeira (C‑480/08, EU:C:2010:83, point 36), ainsi que Alarape et Tijani (C‑529/11, EU:C:2013:290, point 26).


59 – Arrêt Teixeira (C‑480/08, EU:C:2010:83, point 51). C’est moi qui souligne. La Cour renvoie au point 69 de l’arrêt Baumbast et R (C‑413/99, EU:C:2002:493).


60 – Arrêt Teixeira (C‑480/08, EU:C:2010:83, point 52).


61 –      Arrêt Teixeira (C‑480/08, EU:C:2010:83, point 74). C’est moi qui souligne.


62 –      Arrêt Ibrahim et Secretary of State for the Home Department (C‑310/08, EU:C:2010:80, point 39). C’est moi qui souligne.


63 –      Arrêt Baumbast et R (C‑413/99, EU:C:2002:493, point 73).