Language of document : ECLI:EU:C:2017:1025

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

20 décembre 2017 (*)

« Procédure accélérée »

Dans l’affaire C‑619/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), par décision du 25 octobre 2017, parvenue à la Cour le 3 novembre 2017, dans la procédure

Ministerio de Defensa

contre

Ana de Diego Porras,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le juge rapporteur, M. A. Arabadjiev, et l’avocat général, Mme J. Kokott, entendus,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des clauses 4 et 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43)

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Ministerio de Defensa (ministère de la Défense, Espagne) à Mme Ana de Diego Porras au sujet de la qualification de la relation contractuelle liant les parties et du versement d’une indemnité à la suite de la résiliation de cette relation.

3        Mme de Diego Porras a été employée, à partir du mois de février 2003, sous le couvert de plusieurs contrats de travail de interinidad, en tant que secrétaire dans différentes sous-directions du ministère de la Défense. Le dernier contrat de travail de interinidad, conclu le 17 août 2005, visait à remplacer Mme Mayoral Fernández, dispensée à temps plein de ses obligations professionnelles pour l’exercice d’un mandat syndical.

4        Au cours de l’année 2012, la dispense de travail de Mme Mayoral Fernández a été révoquée.

5        Par courrier du 13 septembre 2012, Mme de Diego Porras a été convoquée pour signer la résiliation de son contrat de travail avec effet au 30 septembre 2012 afin de permettre la réintégration de Mme Mayoral Fernández à son poste de travail à partir du 1er octobre 2012.

6        Le 19 novembre 2012, Mme de Diego Porras a formé un recours devant le Juzgado de lo Social n° 1 de Madrid (tribunal de travail n° 1 de Madrid, Espagne) tendant à contester tant la légalité de son contrat de travail que les conditions de résiliation de celui-ci.

7        Déboutée par une décision du 10 septembre 2013, l’intéressée a interjeté appel de celle-ci devant le Tribunal Superior de Justicia de Madrid (Cour supérieure de justice de Madrid, Espagne), devant lequel elle a fait valoir que les contrats de travail de interinidad, dans le cadre desquels elle a été engagée, ont été conclus en violation de la loi et qu’il y avait lieu de les requalifier de « contrat de travail à durée indéterminée ». Par conséquent, la résiliation d’un tel contrat constituerait un licenciement abusif et impliquerait le versement d’une indemnité équivalant à 33 jours de salaire par année d’ancienneté.

8        Par une décision du 9 décembre 2014, parvenue à la Cour le 22 décembre 2014, le Tribunal Superior de Justicia de Madrid (Cour supérieure de justice de Madrid) a introduit une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE.

9        Dans cette décision, il a constaté, d’une part, que l’engagement de Mme de Diego Porras au moyen d’un contrat de travail de interinidad est conforme aux exigences résultant des dispositions nationales en vigueur et, d’autre part, que la cessation de la relation de travail qui liait l’intéressée au ministère de la Défense est légale.

10      Le Tribunal Superior de Justicia de Madrid (Cour supérieure de justice de Madrid) s’interrogeait, toutefois, sur le droit de Mme de Diego Porras de réclamer le versement d’une indemnité en raison de la résiliation de son contrat de travail. Cette juridiction a estimé qu’il existe, en droit espagnol, une différence de traitement dans les conditions d’emploi entre les travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée indéterminée et ceux ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée, dans la mesure où l’indemnité versée en cas de résiliation légale du contrat de travail est de 20 jours de salaire par année d’ancienneté pour les premiers, alors qu’elle s’élève à 12 jours de salaire par année de service seulement pour les seconds. Cette inégalité était, selon ladite juridiction, d’autant plus marquée en ce qui concerne les travailleurs engagés dans le cadre d’un contrat de travail de interinidad, auxquels la législation nationale ne reconnaît aucune indemnité lorsque ce contrat prend fin légalement.

11      Considérant qu’aucune raison objective ne justifiait une telle différence de traitement, le Tribunal Superior de Justicia de Madrid (Cour supérieure de justice de Madrid) a émis des doutes quant à la compatibilité des dispositions du droit espagnol pertinentes avec le principe de non-discrimination entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée énoncé à la clause 4 de l’accord-cadre, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour.

12      Cette juridiction a posé à la Cour quatre questions préjudicielles visant, en substance, à déterminer si ladite clause doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui refuse toute indemnité de résiliation du contrat de travail au travailleur engagé en vertu d’un contrat de travail de interinidad, alors qu’une telle indemnité est allouée, notamment, aux travailleurs employés en vertu d’un contrat de travail à durée indéterminée comparable.

13      Par l’arrêt du 14 septembre 2016, de Diego Porras (C‑596/14, EU:C:2016:683), la Cour a, en substance, répondu par l’affirmative à cette question.

14      Par un arrêt du 5 octobre 2016, le Tribunal Superior de Justicia de Madrid (Cour supérieure de justice de Madrid) a jugé, notamment, que tant l’engagement de Mme de Diego Porras au moyen d’un contrat de travail de interinidad que la cessation de la relation de travail qui la liait au ministère de la Défense sont conformes à la réglementation espagnole décrite au point 10 de la présente ordonnance, que cette réglementation est cependant discriminatoire et qu’il convient, en application de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 14 septembre 2016, de Diego Porras (C‑596/14, EU:C:2016:683), d’octroyer à l’intéressée une indemnité équivalant à 20 jours de salaire par année d’ancienneté qu’engendre, en vertu du droit espagnol, le licenciement pour des motifs économiques, techniques, d’organisation ou de production.

15      Le ministère de la Défense a formé un pourvoi contre ce premier arrêt devant le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne).

16      Cette juridiction souligne, notamment, que l’indemnité octroyée à l’occasion de la résiliation du contrat de travail à durée déterminée en raison de la survenance de la circonstance qui, conformément à ce contrat, met un terme à celui-ci n’a pas d’équivalent s’agissant des contrats de travail à durée déterminée, ceux-ci ne prenant pas fin en raison de l’échéance d’un terme ou de la réalisation d’une condition. Elle précise, en outre, que l’indemnité correspondant à 20 jours de salaire par année d’ancienneté, prévue en cas de licenciement pour des motifs objectifs, est octroyée au travailleur lorsque son contrat de travail, qu’il soit à durée indéterminée ou déterminée, est résilié pour de tels motifs.

17      La juridiction de renvoi considère, en outre, que la question soulevée dans l’affaire au principal trouve son origine dans le fait que le droit espagnol prévoit le versement aux travailleurs d’une indemnité équivalant à douze jours de salaire par année de service à l’occasion de la résiliation des contrats de travail à durée déterminée autres que le contrat de interinidad en raison de l’expiration du délai convenu ou de l’achèvement de la tâche ou du service faisant l’objet du contrat, alors qu’aucune indemnité n’est versée aux travailleurs employés en vertu d’un contrat de interinidad à l’occasion de la résiliation de celui-ci pour ces mêmes raisons.

18      Eu égard aux considérations qui précèdent, le Tribunal Supremo (Cour suprême) se demande si la clause 4 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens que la résiliation d’un contrat de travail à durée déterminée en raison de l’expiration du délai convenu ou de l’achèvement de la tâche ou du service faisant l’objet du contrat doit ouvrir droit à une indemnité qui, le cas échéant, est fixée de la même manière que celle octroyée à l’occasion de la résiliation des contrats de travail pour d’autres causes.

19      Cette juridiction relève, en outre, que l’indemnité équivalant à douze jours de salaire par année de service, octroyée à l’occasion de la résiliation des contrats de travail à durée déterminée autres que le contrat de interinidad en raison de l’expiration du délai convenu ou de l’achèvement de la tâche ou du service faisant l’objet du contrat, pourrait être considérée comme étant une mesure visant à prévenir, ou à sanctionner, les abus résultant de l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée au sens de la clause 5 de l’accord-cadre. Se poserait, dès lors, la question de savoir si une telle indemnité relève de cette disposition et, dans l’affirmative, si l’exclusion de cette indemnité est justifiée, s’agissant de l’arrivée à terme des contrats de interinidad.

20      Dans ces conditions, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour à titre préjudiciel. Il a également demandé à la Cour de soumettre l’affaire à une procédure accélérée, en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

21      Il résulte de cette disposition que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions dudit règlement de procédure.

22      À l’appui de sa demande, la juridiction de renvoi invoque, en particulier, le fait qu’un certain nombre de décisions rendues par les juridictions espagnoles, concernant un nombre important de travailleurs, ont donné lieu à des solutions divergentes dans le contexte de litiges dans lesquels ont été soulevées des questions juridiques analogues à celles soulevées dans l’affaire au principal. Cette juridiction invoque également le besoin d’unifier la jurisprudence espagnole relative à ces questions.

23      Il y a lieu de constater que les raisons invoquées par la juridiction de renvoi ne sont pas de nature à établir que les conditions définies à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure sont remplies dans le cadre de la présente affaire.

24      En effet, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le nombre important de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par la décision qu’une juridiction de renvoi doit rendre après avoir saisi la Cour à titre préjudiciel n’est pas susceptible, en tant que tel, de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une procédure accélérée (ordonnances du président de la Cour du 27 juin 2016, S., C‑283/16, non publiée, EU:C:2016:482, point 12 ; du 14 juillet 2017, Ibrahim e.a., C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17, non publiée, EU:C:2017:561, point 17, ainsi que du 19 septembre 2017, Magamadov, C‑438/17, non publiée, EU:C:2017:723, point 15).

25      S’agissant du besoin d’unifier la jurisprudence espagnole divergente, en statuant en priorité sur la présente affaire, eu égard notamment au fait, relevé par la juridiction de renvoi, que différentes juridictions espagnoles ont posé à la Cour des questions préjudicielles relatives, en substance, aux mêmes situations juridiques que celle invoquée dans l’affaire au principal, plus particulièrement dans les affaires C-574/16, C-677/16 ainsi que C-212/17, il suffit de constater que, en tout état de cause, l’octroi du bénéfice de la procédure accélérée serait dépourvu d’effet utile en l’espèce, dès lors que l’audience commune de plaidoiries dans les affaires C-574/16 et C‑677/16 a été tenue le 8 novembre 2017, soit cinq jours seulement après le dépôt de la demande de décision préjudicielle dans la présente affaire au greffe de la Cour, et que la lecture des conclusions de Mme l’avocat général dans ces affaires a été fixée au 20 décembre 2017.

26      Il résulte de ce qui précède que la demande de la juridiction de renvoi tendant à ce que l’affaire C-619/17 soit soumise à une procédure accélérée ne saurait être accueillie.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

La demande du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) tendant à ce que l’affaire C-619/17 soit soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour est rejetée.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.