Language of document : ECLI:EU:T:2017:869

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

5 décembre 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative FRee STyLe – Motif absolu de refus – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] – Article 76 du règlement n° 207/2009 (devenu article 95 du règlement 2017/1001) – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑212/16,

El Corte Inglés, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me J. L. Rivas Zurdo, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Bonne, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Elho Business & Sport Vertriebs GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me E. Warnke, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 12 février 2016 (affaire R 377/2015-1), relative à une procédure de nullité entre Elho Business & Sport et El Corte Inglés,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius (rapporteur) et U. Öberg, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 mai 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 6 octobre 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 2 octobre 2016,

vul’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 octobre 2011, la requérante, El Corte Inglés, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 14, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; à l’exception des montres » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 210/2011, du 7 novembre 2011 et la marque a été enregistrée le 21 septembre 2012.

5        Le 13 juin 2014, l’intervenante, Elho Business & Sport Vertriebs GmbH, a déposé une demande en nullité contre cette marque au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 2017/1001]. Les motifs invoqués étaient ceux visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), dudit règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 2017/1001].

6        Par décision du 12 décembre 2014, la division d’annulation de l’EUIPO a rejeté la demande en nullité dans son intégralité en considérant que la marque contestée n’était pas descriptive des produits pour lesquels elle avait été enregistrée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

7        Le 11 février 2015, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 12 février 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a accueilli le recours et déclaré la nullité de la marque contestée au motif que celle-ci présentait un caractère descriptif à l’égard de tous les produits pour lesquels elle avait été enregistrée.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

10      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens tirés, le premier, d’une violation de l’article 76 du règlement n° 207/2009 (devenu article 95 du règlement 2017/1001), le deuxième, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 et, le troisième, de la violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

12      Par son deuxième moyen, la requérante fait, en substance, grief à la chambre de recours d’avoir, à tort, conclu que la marque contestée présentait un caractère descriptif à l’égard des produits pour lesquels elle avait été enregistrée.

13      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 énonce que le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

14      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise, en l’espèce, à la requérante, en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette dernière disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31, et du 19 avril 2016, Spirig Pharma/EUIPO (Daylong), T‑261/15, non publié, EU:T:2016:220, point 17].

15      En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative (arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 19 avril 2016, Daylong, T‑261/15, non publié, EU:T:2016:220, point 18).

16      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 19 avril 2016, Daylong, T‑261/15, non publié, EU:T:2016:220, point 19 et jurisprudence citée).

17      Pour qu’une marque constituée d’un néologisme ou d’un mot résultant d’une combinaison d’éléments soit considérée comme descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il ne suffit pas qu’un éventuel caractère descriptif soit constaté pour chacun de ces éléments. Un tel caractère doit également être constaté pour le néologisme ou le mot lui-même [arrêts du 12 janvier 2005, Wieland-Werke/OHMI (SnTEM, SnPUR, SnMIX), T‑367/02 à T‑369/02, EU:T:2005:3, point 31, et du 19 avril 2016, Daylong, T‑261/15, non publié, EU:T:2016:220, point 20 ; voir également, par analogie, arrêt du 12 février 2004, Campina Melkunie, C‑265/00, EU:C:2004:87, point 37].

18      Une marque constituée d’un néologisme ou d’un mot composé d’éléments dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sauf s’il existe un écart perceptible entre le néologisme ou le mot et la simple somme des éléments qui le composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme ou le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu’il prime la somme desdits éléments. À cet égard, l’analyse des termes en cause au vu des règles lexicales et grammaticales appropriées est également pertinente (voir arrêt du 19 avril 2016, Daylong, T‑261/15, non publié, EU:T:2016:220, point 21 et jurisprudence citée).

19      Il convient également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services visés [arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 38, et du 19 avril 2016, Daylong, T‑261/15, non publié, EU:T:2016:220, point 22].

20      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

21      S’agissant du public pertinent en l’espèce, il y a lieu de relever tout d’abord, ainsi que l’a souligné la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée, que les produits visés par la marque contestée relèvent du secteur de la mode au sens large et sont destinés aux consommateurs moyens normalement informés et raisonnablement attentifs ainsi qu’aux professionnels de la mode.

22      Il convient également de constater, à l’instar de la chambre de recours, que le public pertinent est composé de consommateurs anglophones de l’Union, dès lors que la marque contestée est composée de deux termes ayant une signification en anglais.

23      Il convient ensuite d’examiner s’il existe, du point de vue du public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret entre une des significations potentielles de la marque contestée et les produits pour lesquels elle a été enregistrée.

24      La requérante fait valoir que la marque contestée est une marque figurative « caractéristique » de couleur orange comprenant l’élément verbal « free style » écrit en lettres majuscules et minuscules et que celle-ci ne peut, par conséquent, être considérée comme exclusivement composée d’éléments descriptifs. Elle précise en outre que ni la composition, en l’occurrence, une sorte de figure carrée ou rectangulaire, ni la superposition des mots « free » et « style », ni le mélange des lettres majuscules et minuscules, ni la couleur orange ne sont descriptifs d’un des produits visés. Elle allègue enfin que, ainsi que l’a affirmé la division d’annulation, les mots « free » et « style », en eux-mêmes et sans autre précision, ne font référence, en tant que tels, à rien de particulier, mis à part leur sens littéral, à savoir un style qui est libre, une liberté de choix ou une improvisation appliquée à un domaine déterminé, généralement le sport ou l’art.

25      En premier lieu, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la marque contestée est composée de deux mots, « free » et « style », placés l’un au-dessus de l’autre, dans une police de caractère qui combine des majuscules et des minuscules, de couleur orange et qui forment une sorte de carré.

26      En deuxième lieu, s’agissant du mot « free », il est notoire que ce terme est courant en anglais et désigne, pour le public anglophone, lorsqu’il est utilisé comme adjectif, une manière d’agir librement, sans contraintes ni entraves.

27      En troisième lieu, s’agissant du mot « style », il s’agit également d’un mot anglais extrêmement courant qui sera associé par le public anglophone à une forme d’apparence, de tendance en rapport avec la mode et les accessoires dans ce domaine.

28      En quatrième lieu, la combinaison des mots « free » et « style » est, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, conforme aux règles lexicales et grammaticales de l’anglais, qui associe un adjectif et un substantif, et est immédiatement compréhensible pour le public anglophone qui la comprendra comme désignant un concept spécifique, à savoir le concept de décontraction.

29      S’agissant tout d’abord des produits compris dans la classe 14 qui incluent des bijoux et autres métaux précieux, la chambre de recours a estimé que la marque contestée serait immédiatement perçue par les consommateurs comme désignant un style décontracté, une tendance qui n’est liée à aucune règle dominante de la mode. Ainsi, en ce qui concerne la mode, les accessoires de mode et les autres produits dans ce domaine, l’expression « free style » renverrait à un « aspect » ou à un « style » particuliers. De même, selon la chambre de recours, en ce qui concerne les « métaux précieux » et les « pierres précieuses », les consommateurs penseront qu’ils sont fabriqués ou traités d’une manière qui ne correspond pas aux méthodes conventionnelles ou pour donner un aspect « décontracté » à des articles qui correspondent à une mode ou à un style affranchi de toutes conventions.

30      Partant, la chambre de recours a conclu que la marque contestée était descriptive pour tous les produits compris dans la classe 14.

31      S’agissant des produits compris dans la classe 14, il y a lieu de constater que la marque contestée renvoie à l’idée que ceux-ci sont fabriqués ou conçus dans un style particulier qui ne répond pas aux règles conventionnelles de la mode et peuvent être portés pour donner un aspect décontracté ou spontané à la personne qui les utilise.

32      Par conséquent, il convient de valider la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, s’agissant des produits de bijouterie et de joaillerie, la marque contestée sera immédiatement perçue comme descriptive.

33      S’agissant ensuite des produits compris dans la classe 18, la chambre de recours a considéré que le public pertinent comprendrait immédiatement que les produits en cuir et imitations du cuir font partie d’un style décontracté, d’une tendance qui n’est liée à aucune règle dominante de la mode. De même, selon la chambre de recours, en ce qui concerne les « cuir » et les « imitations du cuir », les consommateurs penseront qu’ils sont fabriqués ou traités d’une manière qui ne correspond pas aux méthodes conventionnelles ou pour donner un aspect « décontracté » à des articles qui correspondent à une mode ou à un style affranchi de toutes conventions. Enfin, la chambre de recours a estimé que la marque contestée pouvait désigner des produits plus résistants et plus confortables destinés à être utilisés pour le sport voire conçus pour être utilisés dans le cadre de sports « freestyle ».

34      Partant, la chambre de recours a conclu que la marque contestée était descriptive pour tous les produits compris dans la classe 18.

35      S’agissant des produits compris dans la classe 18, force est de constater que la marque contestée sera immédiatement associée dans l’esprit du public à des articles en cuir ou en imitations du cuir fabriqués dans un style spécifique pour donner un style décontracté ou affranchi des règles dominantes de la mode à la personne qui les utilise.

36      Par conséquent, il y a lieu de valider la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, s’agissant des produits en cuir et imitations du cuir, la marque contestée sera immédiatement perçue comme descriptive.

37      S’agissant enfin des produits compris dans la classe 25, la chambre de recours a considéré que la marque serait immédiatement perçue par les consommateurs comme désignant un style spécifique, un style décontracté, une tendance qui n’est liée à aucune règle prédominante de la mode. En outre, la chambre de recours a estimé que la marque contestée serait comprise comme désignant des vêtements, des chaussures, des articles de chapellerie confortables et résistants qui pourraient être utilisés pour des sports de type « free style ».

38      Partant, la chambre de recours a conclu que la marque contestée était descriptive pour tous les produits compris dans la classe 25.

39      S’agissant de ces derniers produits, les mêmes considérations que celles qui ont été formulées pour les produits compris dans les classes 14 et 18 prévalent.

40      En effet, il y a lieu de constater que la marque contestée fait référence à l’idée que les produits compris dans la classe 25 sont fabriqués ou conçus dans un style particulier qui correspond à un style décontracté et que ceux-ci peuvent, le cas échéant, être utilisés dans des sports comportant une variante « free style ».

41      Par conséquent, il convient de valider la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, s’agissant des vêtements, des chaussures et de la chapellerie, la marque contestée sera immédiatement perçue comme descriptive.

42      Ces conclusions de la chambre de recours en ce qui concerne les produits compris dans les classes 14, 18 et 25 ne sauraient être remises en cause par les arguments de la requérante.

43      Premièrement, la requérante fait valoir que le graphisme de la marque contestée, à savoir une « sorte de figure géométrique carrée », la superposition des mots, la combinaison des lettres majuscules et minuscules et la couleur orange, dominent très nettement l’impression d’ensemble produite par la marque et lui confèrent un caractère distinctif.

44      À cet égard, même à supposer que le graphisme de la marque contestée, qui consiste en deux mots de couleur orange combinant des lettres majuscules et minuscules placés l’un au-dessus de l’autre et formant une sorte de carré, ne puisse être considéré comme secondaire, force est de constater qu’un tel graphisme ne saurait détourner l’attention du public pertinent du message descriptif délivré par ladite marque résultant de la combinaison des mots « free » et « style ».

45      Dès lors, ce premier argument n’est pas susceptible de prospérer.

46      Deuxièmement, la requérante soutient qu’il existe un très large éventail d’activités comportant une variante « freestyle » de sorte que les mots « free » et « style » seraient trop vagues pour que le consommateur puisse établir un lien entre ces deux mots et les produits en cause.

47      Ce deuxième argument doit être également écarté, dans la mesure où la marque contestée évoque des produits et des accessoires de mode qui sont utilisés par les consommateurs pour ajouter un aspect supplémentaire à un style particulier, à savoir un style branché, non conventionnel, n’obéissant pas aux règles ou aux canons traditionnels de la mode.

48      À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire que les signes et indications composant une marque visée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 soient effectivement utilisés à des fins descriptives des produits qu’ils couvrent. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins [voir arrêt du 6 novembre 2007, RheinfelsQuellen H. Hövelmann/OHMI (VOM URSPRUNG HER VOLLKOMMEN), T‑28/06, EU:T:2007:330, point 28 et jurisprudence citée].

49      Troisièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les mots « free » et « style » n’appartiennent pas au vocabulaire espagnol et ne peuvent donc pas revêtir un caractère descriptif, il y a lieu d’écarter cet argument dès lors que l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 précise que le paragraphe 1 du même article relatif aux motifs absolus de refus est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union. Par conséquent, il suffit que les mots « free » et « style » aient été considérés comme descriptifs dans d’autres États membres que l’Espagne.

50      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la marque contestée était descriptive pour les produits compris dans les classes 14, 18 et 25 au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

51      Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 76 du règlement n° 207/2009

52      Par son premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir, à tort, pris en considération plusieurs documents qui auraient été produits pour la première fois devant elle par l’intervenante, alors qu’elle aurait dû les déclarer irrecevables.

53      En vertu de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (devenu article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.

54      Il découle du libellé de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation, en application des dispositions du règlement n° 207/2009, et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits [arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 42, et du 29 septembre 2011, New Yorker SHK Jeans/OHMI – Vallis K.-Vallis A. (FISHBONE), T‑415/09, non publié, EU:T:2011:550, points 23 et 24].

55      En précisant que ce dernier « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de telles preuves, ladite disposition investit en effet l’EUIPO d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 43).

56      S’agissant de l’exercice de ce pouvoir d’appréciation de l’EUIPO aux fins de la prise en compte éventuelle de preuves produites tardivement, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé qu’une telle prise en compte par l’EUIPO était, en particulier, susceptible de se justifier lorsque celui-ci considère que, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 44).

57      En l’espèce, il ressort du point 12 de la décision attaquée que des éléments de preuve ont été produits par l’intervenante pour la première fois devant la chambre de recours. Ces nouveaux éléments, qui consistaient en des extraits de dictionnaires et de pages Internet directement accessibles au public dans plusieurs langues, étayaient, selon l’intervenante, les documents produits devant la division d’annulation et présentaient des vêtements, des chaussures, des articles de chapellerie et des produits en cuir, y compris des sacs et des produits de joaillerie et de bijouterie, accompagnés de la dénomination « freestyle » composée par un seul mot, à la différence de la marque contestée.

58      À cet égard, force est de constater que, d’une part, il ne ressort pas de la décision attaquée que la chambre de recours aurait effectivement tenu compte des éléments de preuve produits pour la première fois devant elle et que, d’autre part, l’examen de la décision attaquée dans le cadre du deuxième moyen a démontré qu’il n’était pas nécessaire de recourir à ces éléments pour pouvoir conclure au caractère descriptif de la marque contestée s’agissant des produits désignés dans les classes 14, 18 et 25.

59      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

60      La requérante soutient que sa marque coexiste avec d’autres marques de l’Union européenne et enregistrées auprès d’autres États membres incluant ou constituées directement des mots « free » et « style » qui, bien qu’identiques, sont considérées comme distinctives et que la décision attaquée constitue une violation du principe d’égalité de traitement.

61      L’intervenante et l’EUIPO contestent les arguments de la requérante.

62      À cet égard, il y a lieu de relever que, si la requérante se prévaut de l’existence d’autres marques de l’Union européenne et enregistrées auprès d’autres États membres composées des mots « free » et « style », nombre de ces marques antérieures ne couvrent pas les mêmes classes de produits de sorte que la plupart de ces marques désignent des produits à l’égard desquels il n’existe pas de similitude.

63      À supposer même que certaines de ces marques antérieures concernent des produits de classes similaires, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement précité, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique antérieure des chambres de recours [arrêts du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47, et du 22 octobre 2015, Hewlett Packard Development Company/OHMI (ELITEPAD), T‑470/14, non publié, EU:T:2015:795, point 33].

64      Certes, il ressort de la jurisprudence que l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 74). Toutefois, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande ou qui conteste l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 75 à 77).

65      En l’espèce, la chambre de recours a conclu, sur la base d’un examen complet et en tenant compte de la perception du public anglophone pertinent, que la marque demandée était descriptive et, par conséquent, non distinctive des produits en cause. Cette constatation suffit à elle seule pour retenir que l’enregistrement de la marque contestée en tant que marque de l’Union européenne se heurte, en ce qui concerne les produits en cause, au motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

66      Il s’ensuit que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer la conclusion à laquelle a abouti la chambre de recours dans la décision attaquée, des décisions antérieures de l’EUIPO (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 78 et 79).

67      Partant, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme non fondé ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

69      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      El Corte Inglés, SA, est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 décembre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.