Language of document : ECLI:EU:C:2012:565

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 13 septembre 2012 (1)

Affaire C‑547/10 P

Confédération suisse

contre

Commission

«Pourvoi – Recours en annulation – Confédération suisse – Recevabilité – Qualité pour agir – Examen d’office – Accord CE‑Suisse sur le transport aérien – Objectifs de ce dernier – Échange de droits de trafic – Règlement (CEE) no 2408/92 – Accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires – Articles 8 et 9 – Champ d’application – Pouvoirs de contrôle de la Commission – Exercice des droits de trafic – Décision 2004/12/CE – Mesures allemandes concernant les approches de l’aéroport de Zurich – Principes inhérents à la libre prestation des services – Principe de non‑discrimination – Proportionnalité»





I –    Introduction

1.        La Confédération suisse demande, par son pourvoi, l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 septembre 2010, Suisse/Commission (2) (ci‑après l’«arrêt attaqué»). Le Tribunal a rejeté le recours de la Confédération suisse tendant à l’annulation de la décision 2004/12/CE (3) relative à l’application de l’article 18, paragraphe 2, première phrase, de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif au transport aérien (4) (ci‑après l’«accord sur le transport aérien») et du règlement (CEE) no 2408/92 (5). Par cette décision, la Commission européenne a considéré que la République fédérale d’Allemagne pouvait continuer à appliquer les mesures nationales faisant l’objet de la décision en cause, qui visaient à établir des procédures pour les atterrissages et les décollages à l’aéroport de Zurich (Suisse).

2.        La présente affaire possède un caractère inédit à plus d’un titre. D’une part, elle concerne le premier recours en annulation introduit par la Confédération suisse devant les juridictions de l’Union. Cette affaire offre donc à la Cour l’opportunité de se prononcer sur la question de savoir si les États tiers ayant un rapport juridique particulier avec l’Union européenne peuvent introduire des recours en annulation devant les juridictions de l’Union et, dans l’affirmative, à quelles conditions. Il s’agit là d’une question qui est restée sans réponse, dans la présente affaire, car ni la Cour (6) ni le Tribunal n’ont pris position sur le statut procédural de la Confédération suisse.

3.        D’autre part, cette affaire offre à la Cour la possibilité d’interpréter les dispositions de l’accord sur le transport aérien et celles du règlement relatif à l’accès ainsi que de se prononcer sur l’articulation entre ces instruments. En effet, les questions soulevées par le pourvoi de la Confédération suisse portent, en substance, sur les champs d’application respectifs des articles 8 et 9 du règlement relatif à l’accès ainsi que sur les pouvoirs de contrôle que la Commission tire dudit règlement. Ainsi, la présente affaire invite également la Cour à interpréter les règles matérielles prévues auxdites dispositions en rapport avec les principes de la libre prestation des services, de non‑discrimination et de proportionnalité dans le contexte particulier de l’accord sur le transport aérien.

II – Le cadre juridique

A –    L’accord sur le transport aérien

4.        L’article 1er de l’accord sur le transport aérien est ainsi rédigé:

«1.      Le présent accord fixe des règles auxquelles doivent se conformer les parties contractantes dans le domaine de l’aviation civile. Ces dispositions s’appliquent sans préjudice de celles fixées par le traité CE […], ainsi que de la législation communautaire pertinente énumérée dans l’annexe du présent accord.

2.       Aux fins du présent accord, les dispositions contenues dans celui‑ci ainsi que dans les règlements et directives figurant à l’annexe s’appliquent dans les conditions définies ci‑après. Pour autant qu’elles soient identiques en substance aux règles correspondantes du traité instituant la Communauté européenne et aux actes adoptés en application de ce traité, ces dispositions sont interprétées, aux fins de leur mise en œuvre et application, conformément aux décisions et arrêts de la Cour […] et de la Commission […] rendus avant la date de signature du présent accord. Les décisions et arrêts rendus après la date de signature de l’accord seront communiqués à la Confédération suisse. À la demande d’une des parties contractantes, les conséquences de ces décisions et arrêts ultérieurs seront déterminées par le Comité mixte en vue d’assurer le bon fonctionnement du présent accord.»

5.        L’article 2 dudit accord prévoit que les dispositions de l’accord et de son annexe s’appliquent pour autant qu’elles concernent le transport aérien ou des objets directement liés au transport aérien, tel que mentionné dans l’annexe du présent accord.

6.        Conformément à l’article 3 de ce même accord, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite dans le domaine d’application dudit accord.

7.        L’article 15, paragraphe 1, de cet accord prévoit, sous réserve du règlement relatif à l’accès, l’octroi de droits de trafic aux transporteurs communautaires et suisses entre tout point en Suisse et tout point dans la Communauté.

8.        L’article 18, paragraphe 2, dudit accord prévoit:

«Dans les cas susceptibles de concerner les services aériens devant être autorisés aux termes du chapitre 3 du présent accord, les institutions communautaires disposent des pouvoirs qui leur sont conférés en vertu des règlements et directives dont l’application est expressément confirmée dans l’annexe du présent accord. […]»

9.        Selon l’article 19, paragraphe 2, du même accord, les autorités suisses sont pleinement informées et bénéficient de la possibilité de présenter leurs observations avant qu’une décision définitive soit prise lorsque les institutions communautaires agissent en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés par le présent accord sur des sujets présentant de l’intérêt pour la Confédération suisse et qui concernent les autorités ou des entreprises suisses.

10.      En vertu de l’article 20 de l’accord sur le transport aérien, toutes les questions concernant la validité des décisions prises par les institutions de la Communauté sur la base de leurs compétences aux termes de cet accord relèvent de la compétence exclusive de la Cour.

11.      Aux termes de l’annexe dudit accord, dans tous les cas où les actes énumérés dans ladite annexe mentionnent les États membres de la Communauté européenne ou l’exigence d’un lien de rattachement avec ceux‑ci, ces mentions sont réputées, aux fins de l’accord, renvoyer également à la Confédération suisse ou à l’exigence d’un lien identique de rattachement avec celle‑ci. Cette annexe vise, entre autres, le règlement relatif à l’accès.

B –    Le règlement relatif à l’accès

12.      L’article 2, sous f), du règlement relatif à l’accès définit le droit de trafic, aux fins de ce même règlement, comme étant «le droit d’un transporteur aérien de transporter des passagers, du fret et/ou du courrier sur une liaison aérienne desservant deux aéroports communautaires».

13.      L’article 3, paragraphe 1, de ce règlement dispose:

«Sous réserve du présent règlement, les transporteurs aériens communautaires sont autorisés par le ou les États membres concernés à exercer des droits de trafic sur des liaisons intracommunautaires.»

14.      Aux termes de l’article 8 dudit règlement:

«[…]

2.      L’exercice des droits de trafic est soumis aux règles d’exploitation communautaires, nationales, régionales ou locales publiées concernant la sécurité, la protection de l’environnement et la répartition des créneaux horaires.

3.      La Commission, à la demande d’un État membre ou de sa propre initiative, examine l’application des paragraphes 1 et 2 et, dans un délai d’un mois à partir de la date de réception de la demande et après consultation du comité visé à l’article 11, décide si l’État membre peut continuer à appliquer la mesure. La Commission communique sa décision au Conseil et aux États membres.

[…]»

15.      L’article 9 du règlement dispose:

«1.      Lorsqu’il existe des problèmes graves de congestion et/ou en matière d’environnement, l’État membre responsable peut, sous réserve du présent article, imposer des conditions, limiter ou refuser l’exercice des droits de trafic, notamment lorsque d’autres modes de transport peuvent fournir un service satisfaisant.

2.      Les mesures prises par un État membre conformément au paragraphe 1:

–        ne comportent pas de discrimination fondée sur la nationalité ou l’identité des transporteurs aériens,

[…]

–        ne sont pas plus restrictives que nécessaires pour résoudre les problèmes.

3.      Lorsqu’un État membre estime que les mesures visées au paragraphe 1 sont nécessaires, il en informe, au moins trois mois avant leur application, les autres États membres et la Commission en fournissant une justification adéquate pour ces mesures. […]

4.      À la demande d’un État membre ou de sa propre initiative, la Commission examine les mesures visées au paragraphe 1. […]»

III – Les antécédents du litige

16.      L’aéroport de Zurich est situé à Kloten, au nord‑est de la ville de Zurich et à environ 15 kilomètres au sud‑est de la frontière entre la Suisse et l’Allemagne. Compte tenu de la proximité de la frontière allemande, tous les vols atterrissant à Zurich en provenance du nord ou du nord‑ouest doivent utiliser l’espace aérien allemand lors de leur atterrissage.

17.      À l’origine, l’utilisation de l’espace aérien allemand pour approcher et pour quitter l’aéroport de Zurich était régie par un accord bilatéral du 17 septembre 1984 entre la Confédération suisse et la République fédérale d’Allemagne. Toutefois, à la suite de problèmes de mise en œuvre dudit accord, la République fédérale d’Allemagne a dénoncé ce dernier le 22 mars 2000, avec effet au 31 mai 2001. Le 18 octobre 2001, les deux pays ont signé un nouvel accord, qui n’a pas été ratifié.

18.      Le 15 janvier 2003, les autorités fédérales allemandes de l’aviation ont publié le 213e règlement d’application de la réglementation allemande en matière de trafic aérien établissant des procédures pour les atterrissages et décollages aux instruments à l’aéroport de Zurich (ci‑après «le règlement d’application»). Celui‑ci prévoyait un certain nombre de mesures limitant les possibilités d’approche de l’aéroport de Zurich à compter du 18 janvier 2003. Le 4 avril 2003, les autorités fédérales allemandes ont publié le premier règlement modifiant ledit règlement d’application, modification entrée en vigueur le 17 avril 2003.

19.      Les mesures prévues par la République fédérale d’Allemagne visaient en substance à empêcher, dans des conditions météorologiques normales, le survol à basse altitude du territoire allemand près de la frontière suisse entre 21 heures et 7 heures les jours ouvrables, et entre 20 heures et 9 heures les week‑ends et les jours fériés, afin de réduire le bruit auquel la population locale était exposée. En conséquence, les deux approches d’atterrissage par le nord, qui constituaient précédemment les approches principalement utilisées par les avions atterrissant à l’aéroport de Zurich, n’étaient plus possibles pendant ces heures.

20.      Par ailleurs, le règlement d’application comprenait deux autres mesures destinées à réduire les nuisances sonores aux alentours de la frontière entre l’Allemagne et la Suisse. Premièrement, concernant l’approche de l’aéroport par l’est, il établissait certaines altitudes minimales de vol à respecter pendant les heures susmentionnées. Deuxièmement, il prévoyait que le décollage en direction du nord devait être effectué de façon à respecter, lors de l’entrée sur le territoire allemand, des altitudes minimales de vol prescrites en fonction du moment du décollage. Aux heures susmentionnées, il fallait donc pour l’appareil se dérouter avant la frontière allemande pour entrer sur le territoire allemand en respectant l’altitude minimale fixée par le règlement d’application.

21.      Le 10 juin 2003, la Confédération suisse a introduit une demande auprès de la Commission tendant à faire constater que la République fédérale d’Allemagne ne pouvait pas continuer à appliquer le règlement d’application, tel que modifié par le premier règlement modificatif du 4 avril 2003, et que la République fédérale d’Allemagne devait suspendre l’application dudit règlement jusqu’à ce que la Commission ait pris une décision.

22.      À la suite de plusieurs échanges de courrier avec les autorités suisses et allemandes, la Commission a adressé, le 14 octobre 2003, une communication des griefs à ces autorités en invitant celles‑ci à lui faire part de leurs observations. Ensuite, après un échange d’observations, par lettre du 27 octobre 2003, la Commission a communiqué un projet de décision sur lequel la Confédération suisse a pu présenter ses observations lors de la séance du comité consultatif «Accès au marché (transport aérien)» du 4 novembre 2003.

23.      Le 5 décembre 2003, la Commission a arrêté la décision litigieuse. L’article 1er de cette décision dispose que la République fédérale d’Allemagne peut continuer à appliquer le règlement d’application, modifié par le premier règlement modificatif du 4 avril 2003. Conformément à l’article 2 de ladite décision, la République fédérale d’Allemagne est seule destinataire de celle‑ci.

IV – La procédure devant le Tribunal, l’arrêt attaqué et la procédure devant la Cour

24.      Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 février 2004, la Confédération suisse a introduit un recours en annulation visant à obtenir l’annulation de la décision litigieuse. Par ordonnance du président de la Cour du 21 juillet 2004, la République fédérale d’Allemagne a été admise à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission dans le cadre de cette procédure.

25.      Par l’ordonnance Suisse/Commission, précitée, la Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal, après avoir constaté la compétence du Tribunal aux fins de statuer sur le recours formé par la Confédération suisse, que ce soit dans l’hypothèse où la Confédération suisse devrait être assimilée à un État membre au sens de l’article 230, deuxième alinéa, CE, ou dans l’hypothèse où elle devrait être assimilée à une personne morale au sens du quatrième alinéa de ce même article (7).

26.      À la suite du transfert de l’affaire devant le Tribunal, ce dernier a admis la demande d’intervention du Landkreis Waldshut au soutien des conclusions de la Commission par ordonnance du 7 juillet 2006 (8).

27.      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours introduit par la Confédération suisse sans toutefois se prononcer sur la recevabilité de ce dernier, en constatant au point 55 dudit arrêt que, «dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité du présent recours dès lors qu’il doit, en tout état de cause, être rejeté comme non fondé» (9).

28.      En ce qui concerne le fond, le Tribunal a jugé qu’il ne saurait être reproché à la Commission

–        d’avoir considéré que les mesures allemandes en cause ne relevaient pas du champ d’application de l’article 9, paragraphe 1, du règlement relatif à l’accès;

–        de ne pas avoir pris en compte les droits de l’exploitant de l’aéroport de Zurich et des riverains de cet aéroport, lors de l’examen de ces mesures, dans le contexte de l’accord sur le transport aérien et en vertu de l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement, et

–        d’avoir décidé que lesdites mesures respectaient les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

29.      Par son pourvoi, déposé au greffe de la Cour le 23 novembre 2010, la Confédération suisse demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, d’annuler la décision litigieuse et de condamner la Commission aux dépens. À titre subsidiaire, elle demande que l’affaire soit renvoyée au Tribunal et que la décision relative aux dépens soit réservée.

30.      En revanche, la Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Confédération suisse aux dépens de l’instance. Le Landkreis Waldshut tout comme le gouvernement allemand formulent, en substance, les mêmes demandes. Le Landkreis Waldshut demande par ailleurs, à titre subsidiaire, à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de rejeter comme irrecevable le recours de la Confédération suisse.

31.      La Confédération suisse, le Landkreis Waldshut, le gouvernement allemand et la Commission étaient représentés lors de l’audience qui s’est tenue le 26 avril 2012.

V –    Analyse

A –    Sur les caractéristiques de l’accord sur le transport aérien

32.      Il convient d’emblée de rappeler que la Cour a eu plusieurs occasions pour interpréter un autre accord bilatéral conclu entre la Communauté européenne et la Confédération suisse, notamment celui portant sur la libre circulation des personnes (10). Les principes énoncés par la jurisprudence portant sur l’interprétation dudit accord bilatéral sont également utiles dans la présente affaire.

33.      Dans cette jurisprudence, la Cour a relevé que les accords CE‑Suisse, dont relève l’accord sur le transport aérien, avaient été signés postérieurement au rejet par la Confédération suisse de l’accord sur l’Espace économique européen (11) et que, par conséquent, cette dernière n’avait pas souscrit au projet d’un ensemble économique intégré avec un marché unique, fondé sur des règles communes entre ses membres, mais avait préféré la voie d’arrangements bilatéraux avec l’Union et ses États membres, dans des domaines précis (12).

34.      Pour cette raison, la Cour a conclu que la Confédération suisse n’avait pas adhéré au marché intérieur et que, par conséquent, l’interprétation donnée aux dispositions du droit de l’Union concernant ce marché ne pouvait être automatiquement transposée à l’interprétation de l’accord, sauf dispositions expresses à cet effet contenues dans l’accord lui‑même (13).

35.      S’agissant de l’interprétation de l’accord sur le transport aérien, il importe de souligner qu’il s’agit là d’un traité international conclu par la Communauté européenne avec un pays tiers, qui doit être interprété non seulement en fonction des termes dans lesquels il est rédigé, mais également à la lumière de ses objectifs (14).

36.      Comme dans le cas de l’accord sur la libre circulation des personnes, toutes les libertés du marché unique ne sont pas visées par l’accord sur le transport aérien et la perspective d’une adhésion à l’Union y est absente. Il y a donc lieu d’interpréter ledit accord comme un accord international classique, c’est‑à‑dire sur la base du texte et des objectifs de l’accord, ainsi que le prévoit la convention de Vienne, étant précisé toutefois que seule la jurisprudence antérieure à la signature de l’accord doit être prise en compte dans l’interprétation des dispositions du droit dérivé applicables dans le cadre de cet accord en vertu de son article 1er, paragraphe 2.

37.      Vu le caractère inédit de cette affaire, j’analyserai, avant d’examiner les moyens soulevés par la Confédération suisse au soutien de son pourvoi, la recevabilité du recours en annulation introduit par cette dernière. Il s’agit notamment de la question de savoir quel est le statut procédural de la Confédération suisse dans le cadre de la présente affaire et, plus précisément, de déterminer si cette dernière doit être assimilée à un État membre ou à une personne morale au sens de la disposition pertinente du droit primaire applicable ratione temporis, à savoir l’article 230, quatrième alinéa, CE (15).

B –    Sur la recevabilité du recours en annulation introduit par la Confédération suisse

1.      La recevabilité du pourvoi incident du Landkreis Waldshut

38.      Dans la présente affaire, le Landkreis Waldshut soulève, à titre subsidiaire par son pourvoi incident, l’exception d’irrecevabilité du recours en annulation introduit par la Confédération suisse pour absence de qualité pour agir de cette dernière. La recevabilité d’une telle demande a été contestée par la Confédération suisse au titre de l’article 117, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

39.      Il convient de relever que, de la même manière que pour un pourvoi principal, l’existence d’un intérêt à agir d’un requérant suppose que le pourvoi incident soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (16). Or, dans la présente affaire, le Landkreis Waldshut a obtenu gain de cause en première instance. Le non‑examen de la part du Tribunal de la recevabilité du recours en annulation de la Confédération suisse est donc resté sans conséquence sur les droits de la partie intervenante.

40.      Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’une partie intervenante n’a pas qualité pour soulever une exception d’irrecevabilité non formulée dans les conclusions de la partie défenderesse (17). La Commission, partie défenderesse en première instance, ne s’étant pas prévalue de l’irrecevabilité du recours de la Confédération suisse et s’étant, tout au contraire, limitée à demander que le pourvoi soit rejeté sur le fond, je considère que le Landkreis Waldshut n’avait pas qualité pour soulever l’exception d’irrecevabilité en cause, raison pour laquelle la Cour n’est pas tenue d’examiner les moyens invoqués par celui‑ci à cet égard.

2.      La nécessité d’examiner d’office la qualité pour agir

41.      L’article 230 CE a été entendu comme encadrant strictement la recevabilité des recours en annulation (18). En effet, la qualité pour agir – comme toute autre fin de non recevoir d’ordre public – est une condition de procédure qui, si elle n’est pas satisfaite, entraîne l’incompétence de la juridiction pour connaître du fond du litige (19).

42.      Il importe de souligner que, conformément à l’article 92, paragraphe 2, du règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, statuer d’office sur les fins de non recevoir d’ordre public. La contestation portant sur la qualité pour agir du requérant étant un moyen d’ordre public tiré de la méconnaissance des conditions de recevabilité posées à l’article 230 CE, la Cour, saisie d’un pourvoi au titre de l’article 56 de son statut, peut, et même doit, se prononcer sur ce moyen (20).

43.      Dans la présente affaire, le Tribunal s’est appuyé sur la jurisprudence dite «Boehringer» pour justifier son approche consistant à ne pas se prononcer sur la question de la recevabilité du recours en annulation, sans toutefois aucunement indiquer pourquoi il convenait d’appliquer cette jurisprudence dans le cas d’espèce (21).

44.      Cette approche, qui élude l’examen de la recevabilité des recours en annulation, appelle les observations suivantes de ma part.

45.      La possibilité de statuer d’office à tout moment sur les fins de non recevoir d’ordre public au titre de l’article 92, paragraphe 2, du règlement de procédure ne saurait conduire, selon moi, à la conclusion que le juge de l’Union peut arbitrairement s’abstenir de statuer. Seule l’existence de circonstances exceptionnelles peut justifier une telle approche (22).

46.      Je voudrais souligner que, lorsque le juge rejette le recours sur le fond même si une partie soulève une exception d’irrecevabilité, ce procédé inverse l’ordre de l’examen naturel des voies de recours (23). C’est pourquoi une telle méthode devrait ne constituer qu’une exception limitée à l’application de la règle générale selon laquelle l’examen de la recevabilité du recours précède celui du fond.

47.      Or, une telle exception ne saurait être interprétée que de manière stricte. En effet, pour des raisons de sécurité juridique, de bonne administration de la justice et d’égalité entre les parties à la procédure, je considère qu’un tel inversement – et a fortiori le non‑examen d’une fin de non recevoir qui est d’ordre public – ne peut être justifié que dans des situations strictement circonscrites et sur le fondement de critères aussi bien pertinents que transparents et dont la mise en œuvre doit être motivée dans chaque cas d’espèce.

48.      Comme on le sait, deux groupes de raisons sont invoquées dans la jurisprudence pour éluder l’examen de la recevabilité d’un recours en annulation, celle liée à l’économie de procédure et celle tenant à la bonne administration de la justice (24).

49.      Lorsque la recevabilité du recours en annulation suscite des interrogations, l’économie de procédure, qui participe à la célérité de la justice, ne me paraît pas, en règle générale, constituer une raison suffisante pour justifier l’absence d’examen d’une fin de non recevoir d’ordre public. Au contraire, la prise en compte du principe de l’économie de procédure devrait, en toute logique, conduire à privilégier en premier lieu un examen de la recevabilité avant de se prononcer sur le fond, sauf s’il s’agit d’un recours manifestement non fondé.

50.      J’admets que, lorsque le juge statue sur le fond, son arrêt peut, certes, assurer une sécurité juridique accrue du point de vue des autorités nationales et du citoyen européen et prévenir des litiges futurs. Cependant, la bonne administration de la justice ne saurait se limiter au fond des questions de droit, mais vaut également, et pour les mêmes raisons, pour les questions d’ordre procédural et en particulier pour les questions de recevabilité.

51.      En effet, un argument sérieux justifiant l’examen de la recevabilité est précisément lié aux principes de bonne administration de la justice et d’économie de procédure. Afin d’assurer le respect de ces principes, il est en effet nécessaire de fixer les parties le plus tôt possible sur leur qualité pour agir. Cet argument me paraît encore plus pertinent par rapport à une catégorie spécifique de requérants, à savoir les États tiers ayant conclu des accords avec l’Union et dont l’intérêt à attaquer des décisions des institutions de l’Union peut se présenter fréquemment (25).

52.      À mon avis, les règles procédurales, ainsi interprétées en suivant une approche visant à garantir la protection juridictionnelle effective, occupent une place primordiale dans l’organisation et le déroulement réguliers d’un procès. Le respect de celles‑ci assure un traitement équitable des parties et l’impartialité de la procédure (26). En tout état de cause, les conditions de recevabilité qui sont d’ordre public doivent être appliquées de manière limpide afin d’éviter toute impression selon laquelle la qualité pour agir est une condition de recevabilité qui ne serait pas requise d’une manière systématique à l’égard de tout justiciable.

53.      J’estime que la simple constatation du Tribunal selon laquelle, «dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité du présent recours» ne satisfait pas à des critères de transparence et de motivation (27). Il en est ainsi à plus forte raison au vu de l’ordonnance Suisse/Commission, précitée, par laquelle l’affaire a été transférée devant le Tribunal et aux termes de laquelle la question est explicitement soulevée par la Cour.

54.      Étant donné le silence du Tribunal à ce sujet, les doutes émis concernant la qualité pour agir de la Confédération suisse et le fait que la question qui se pose aujourd’hui pour la Confédération suisse est une question qui ne manquera pas de se poser pour d’autres États tiers ayant conclu des accords avec l’Union, je considère que la qualité pour agir de la Confédération suisse devrait faire l’objet d’un examen dans la présente affaire (28).

3.      Les conditions de recevabilité applicables à l’égard de la Confédération suisse dans le cadre de la présente affaire

a)      Sur l’assimilation de la Confédération suisse à un État membre aux fins de l’article 230, deuxième alinéa, CE

55.      La Confédération suisse soutient, à titre principal, qu’elle possède la qualité pour agir en tant que signataire de l’accord sur le transport aérien. Elle considère que cette qualité est la conséquence logique de l’article 20 dudit accord qui prévoit la compétence exclusive de la Cour pour examiner la validité des décisions prises par les institutions communautaires sur la base de leurs compétences aux termes de cet accord. Ces décisions comprennent également celles prises dans le cadre de l’application de l’accord sur le transport aérien et qui, de ce fait, lient la Confédération suisse.

56.      Cependant, je ne partage pas cette position. Pour parvenir à une telle conclusion, il est nécessaire de rappeler, d’une part, la jurisprudence de la Cour en la matière et, d’autre part, le contexte particulier de l’accord sur le transport aérien.

57.      Il est constant que les États membres bénéficient, en vertu de l’article 230, deuxième alinéa, CE, d’une situation privilégiée dans la mesure où ils n’ont à démontrer ni leur intérêt à agir ni leur qualité pour agir s’agissant de tous les actes susceptibles de recours. Ce privilège a toujours fait l’objet d’une interprétation restrictive.

58.      Comme la Cour l’a dit, admettre le contraire conduirait à porter atteinte à l’équilibre institutionnel prévu par les traités, qui déterminent notamment les conditions dans lesquelles les États membres, c’est‑à‑dire les États parties aux traités institutifs et aux traités d’adhésion, participent au fonctionnement des institutions de l’Union. L’Union ne peut donc comprendre un nombre d’États membres supérieur à celui des États entre lesquels elle est instituée (29).

59.      J’en conclus que la voie bilatérale de la coopération choisie par la Confédération suisse ne saurait mettre cet État sur un pied d’égalité avec les États membres en ce qui concerne le statut procédural desdits États et, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence relative à l’accord sur la libre circulation des personnes susmentionné, ne peut aboutir à une situation où cette voie «à la carte» correspondrait aux avantages procurés par l’adhésion à l’Union.

60.      De surcroît, la teneur de l’accord sur le transport aérien ne corrobore pas non plus l’interprétation selon laquelle le principe de l’assimilation s’étendrait aux privilèges procéduraux des États membres prévus par les traités. En effet, ledit accord ne contient pas de disposition concernant l’assimilation de la Confédération suisse aux États membres aux fins du droit de l’Union sur le plan général. Au contraire, ainsi qu’il ressort de l’annexe de l’accord, une telle assimilation ne vaut qu’aux fins de l’accord et pour l’application des règlements et directives énumérés dans ladite annexe, et non pas pour l’application générale du droit primaire de l’Union.

61.      À cet égard, je rappelle que, aux termes de cette annexe, dans tous les cas où les actes énumérés dans ladite annexe font référence aux États membres ou exigent un lien de rattachement avec ceux‑ci, ces mentions renvoient également à la Confédération suisse. Il me faut insister sur le fait que ladite assimilation ne peut s’étendre à l’application d’un statut procédural privilégié comparable à celui des États membres en vertu de l’article 230, deuxième alinéa, CE (30).

62.      Cette interprétation est confortée non seulement par le fait que l’accord ne contient pas de disposition expresse en ce sens, mais également par l’objectif dudit accord, énoncé en son article 1er. Je rappelle que, aux termes de ce dernier, l’accord a pour vocation de fixer les règles auxquelles doivent se conformer les parties contractantes dans le domaine de l’aviation civile. Ce même article précise que les dispositions de l’accord s’appliquent sans préjudice de celles fixées par le traité CE. Ces dispositions comprennent notamment celles portant sur les conditions de recevabilité des recours en annulation, auxquelles appartiennent les conditions privilégiées applicables aux États membres en vertu de l’article 230, deuxième alinéa, CE.

63.      Une interprétation inverse, qui irait au‑delà du libellé dudit accord, et ce d’une manière expressément interdite par la jurisprudence de la Cour susvisée, aurait pour conséquence d’accorder à la Confédération suisse la qualité pour agir pour contester toute décision prise par les institutions de l’Union entrant dans le champ d’application matériel de l’accord sur le transport aérien. En outre, une telle solution serait contraire au libellé même de l’accord sur le transport aérien et notamment à l’article 1er, paragraphe 1, de l’accord qui vise à garantir l’autonomie décisionnelle de l’Union. Il en est ainsi également à l’égard de l’article 1er, paragraphe 2, de ce même accord, qui ouvre la possibilité pour les parties contractantes de saisir le Comité mixte, et de l’article 19, paragraphe 2, de l’accord, aux termes duquel la Confédération suisse doit être pleinement informée des agissements des institutions communautaires présentant un intérêt pour elle.

64.      Le fait d’être partie contractante à l’accord sur le transport aérien ne suffit donc pas pour fonder la qualité pour agir de la Confédération suisse et l’assimilation de cette dernière à un État membre au sens de l’article 230, deuxième alinéa, CE.

b)      Sur la qualité pour agir de la Confédération suisse au titre de l’article 230, quatrième alinéa, CE

i)      Le statut de partie contractante en tant que justification de la qualité pour agir

65.      Pour justifier sa qualité pour agir en application de l’article 230, quatrième alinéa, CE, la Confédération suisse devrait être directement (31) et individuellement (32) concernée par la décision litigieuse de la Commission dont le destinataire est la République fédérale d’Allemagne.

66.      L’article 20 de l’accord sur le transport aérien accorde à la Cour la compétence exclusive pour statuer sur la validité des décisions prises par les institutions communautaires sur la base de leurs compétences aux termes dudit accord.

67.      Dans la présente affaire, il s’agit d’un recours en annulation introduit par la Confédération suisse à l’encontre d’une décision prise par la Commission qui était fondée sur les articles 15 et 18, paragraphe 2, de l’accord sur le transport aérien et l’article 8, paragraphe 3, du règlement relatif à l’accès. Il s’agit donc d’une décision au sens de l’article 20 de l’accord sur le transport aérien.

68.      Le rôle de la Confédération suisse dans la procédure administrative devant la Commission est déterminé par l’article 19, paragraphe 2, de l’accord. Cette disposition précise que, lorsque des décisions présentant un intérêt pour la Confédération suisse et qui concernent les autorités ou des entreprises suisses sont prises par les institutions communautaires, les autorités suisses sont pleinement informées et bénéficient de la possibilité de présenter leurs observations avant qu’une décision définitive soit prise. Ce n’est qu’une fois la décision prise que l’article 20 devient applicable, qui désigne la Cour comme compétente pour examiner la validité de la décision de la Commission.

69.      C’est précisément le cas de la décision litigieuse attaquée par la Confédération suisse. En effet, la décision litigieuse a une incidence sur la Confédération suisse elle‑même, eu égard à l’objet des articles 8 et 9 du règlement relatif à l’accès pour l’application desquels la Confédération suisse est, conformément à l’annexe de l’accord sur le transport aérien, assimilée à un État membre.

70.      Toutefois, l’article 20 de l’accord ne régit pas les conditions de recevabilité des recours en annulation introduits devant la Cour. En l’absence d’une disposition expresse en ce sens, lesdites conditions sont déterminées en application des dispositions pertinentes du traité CE, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de l’accord.

71.      Il ne suffit donc pas que la Confédération suisse se plaigne de la violation des chapitres 2 et 3 de l’accord pour accéder au prétoire de la Cour. La qualité pour agir éventuelle de la Confédération suisse, aux fins d’introduire le présent recours en annulation devant le Tribunal à l’encontre de la décision litigieuse de la Commission dont elle n’est pas destinataire, doit ainsi être examinée au regard de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

ii)    L’affectation directe et individuelle de la Confédération suisse

72.      L’article 230, quatrième alinéa, CE revêt une importance particulière aux fins de garantir une protection juridictionnelle adéquate à toutes les personnes, physiques ou morales qui sont directement et individuellement concernées par les actes des institutions communautaires dont elles ne sont pas les destinataires.

73.      Il est de jurisprudence constante que la qualité pour agir doit être reconnue en fonction de ce seul objectif et que le recours en annulation doit donc être ouvert à tous ceux qui remplissent les conditions objectives prévues, c’est‑à‑dire jouir de la capacité juridique requise pour agir et être directement et individuellement concerné par la décision attaquée (33).

74.      En ce qui concerne la première condition de l’affectation directe, je rappelle qu’une double exigence y est attachée, à savoir celle qui requiert, d’une part, que la décision attaquée ait des effets directs sur la situation juridique du requérant et, d’autre part, que cette dernière ne doive laisser aucune marge d’appréciation au destinataire de la décision (34).

75.      S’agissant du premier critère du lien direct tenant à la modification de la situation juridique du requérant, il découle de la décision litigieuse que, en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement relatif à l’accès, la République fédérale d’Allemagne peut continuer à appliquer les mesures en cause. La décision litigieuse de la Commission, qui lie les autres États membres ainsi que la Confédération suisse, confirme ainsi l’admissibilité de ces mesures et, de ce fait, a un effet direct sur la situation juridique desdits États. En ce qui concerne le second critère du lien direct afférent à l’absence de marge de manœuvre, je constate que celui‑ci est difficilement applicable au cas de figure de l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement. Cela dit, du point de vue de l’application du règlement, la position de la Commission est définitive. Cette prise de position confirme une situation qui affecte directement la Confédération suisse (35). Les deux conditions de l’affectation directe sont donc réunies.

76.      S’agissant ensuite de l’affectation individuelle, en qualité d’État partie à l’accord, la Confédération suisse pourrait voir sa situation juridique affectée par une éventuelle violation de l’accord (36). Cependant, comme je l’ai indiqué auparavant, la violation alléguée de l’accord n’est pas suffisante aux fins de saisir la Cour sur le fondement de l’article 20 de l’accord. Néanmoins, je considère que la Confédération suisse est individuellement concernée par la décision litigieuse de la Commission.

77.      Premièrement, la participation à la procédure de décision de la part du requérant non destinataire de la décision litigieuse forme un élément important lors de l’examen de l’éventuelle affectation individuelle (37). La Confédération suisse a non seulement été à l’origine de la plainte ayant donné lieu à l’ouverture de la procédure d’examen au sens de l’article 8, paragraphe 3, du règlement d’accès, mais a également été entendue en ses observations pendant cette procédure, conformément à l’article 19, paragraphe 2, de l’accord sur le transport aérien.

78.       Deuxièmement, les décisions prises au titre des articles 8 et 9 du règlement relatif à l’accès ne peuvent avoir pour destinataire qu’un État membre (38). Au titre de l’article 8, paragraphe 3, du règlement relatif à l’accès, tout État membre peut saisir la Commission et cette dernière communique sa décision à tous les autres États membres. Dans le contexte de la procédure prévue à l’article 9, paragraphe 3, du même règlement, l’implication de tous les États membres est encore plus évidente car l’État membre qui prévoit de prendre des mesures est tenu d’en informer non seulement la Commission, mais également les autres États membres. Je souligne que, compte tenu de la teneur de l’annexe de l’accord prévoyant l’assimilation de la Confédération suisse aux États membres dans les cas où le règlement relatif à l’accès fait référence auxdits États, la Confédération suisse est assimilée à ces derniers aux fin de l’application des articles 8 et 9 dudit règlement.

79.      Je précise qu’il ressort clairement des articles 8 et 9 dudit règlement que la gestion de l’exercice de droits de trafic intéresse non seulement l’État ayant pris la mesure ainsi que les États concernés par l’exploitation d’une liaison aérienne (39) au sens du règlement relatif à l’accès, mais aussi l’ensemble des États membres. Ce règlement consacre l’accès aux services de transport aérien, raison pour laquelle tout État membre – et, par le biais de l’accord sur le transport aérien, la Confédération suisse – est intéressé par l’application des règles qui sont susceptibles de restreindre l’exercice des droits de trafic au sens du règlement relatif à l’accès.

80.      En conséquence, dans les procédures visées aux articles 8 et 9 dudit règlement, les étapes suivantes concernent tout État membre, statut auquel la Confédération suisse est assimilée. Il s’agit notamment de la possibilité de saisir la Commission et de la réception de la notification concernant la décision de cette dernière. En effet, les articles susvisés donnent à la Commission la compétence pour prendre des décisions qui lient tous les États membres et, par extension, la Confédération suisse.

81.      En l’espèce, la décision litigieuse atteint donc la position juridique de la Confédération suisse en raison de ses qualités en tant que partie contractante de l’accord sur le transport aérien et de ce fait, conjointement avec l’objet matériel de la décision litigieuse, la caractérise par rapport à toute autre personne.

82.      J’en conclus que, dans les circonstances particulières de la présente affaire, compte tenu notamment du contexte spécifique de l’accord sur le transport aérien et des articles 8 et 9 du règlement relatif à l’accès, la Confédération suisse est directement et individuellement concernée par la décision litigieuse au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

83.      La Confédération suisse est donc recevable à demander l’annulation de la décision litigieuse.

C –    Sur les moyens du pourvoi invoqués par la Confédération suisse

1.      Observations liminaires

84.      Au soutien de son pourvoi, la Confédération suisse soulève six moyens tirés de la violation de dispositions de procédure ainsi que de fond. Plus précisément, il s’agit de moyens tirés d’une interprétation erronée de l’article 9, paragraphe 1, du règlement relatif à l’accès, de l’obligation de motivation pesant sur la Commission et de l’article 8, paragraphe 3, du règlement relatif à l’accès, ainsi que d’une violation des principes de la libre prestation de services, de proportionnalité et de non‑discrimination, et des règles relatives à la charge de la preuve.

85.      Étant donné le chevauchement des moyens du pourvoi, je les traiterai, après quelques remarques liminaires, en analysant, d’abord, les champs d’application respectifs des articles 8 et 9 du règlement relatif à l’accès et, ensuite, les pouvoirs de contrôle de la Commission découlant de l’article 8 du règlement relatif à l’accès. Enfin, j’aborderai les prétentions de la Confédération suisse relatives à la méconnaissance des règles relatives à la charge de la preuve de la part du Tribunal.

86.      L’accord sur le transport aérien forme le contexte particulier de la présente affaire. Même si, dans le secteur aérien, l’intégration de la Confédération suisse au marché intérieur de l’Union est plus profonde que dans les secteurs visés par les six autres actes du paquet d’accords conclus avec la Confédération suisse (40), il n’en reste pas moins que, sans disposition expresse en ce sens dans l’accord en cause, l’objectif de garantir la libre prestation des services y reste absent et que son objectif se limite à fixer les règles applicables à l’aviation civile et notamment, en ce qui concerne la présente affaire, à un échange des droits de trafic dans les conditions définies par ledit accord (41).

87.      Cependant, s’agissant de l’interprétation du droit dérivé dans le contexte de l’accord, je ne considère pas qu’il faille interpréter les dispositions du droit dérivé mentionnées dans l’annexe de cet instrument d’une manière différente de celle retenue dans les situations purement internes à l’Union. Néanmoins, une telle approche transposée à l’interprétation des dispositions matérielles du droit dérivé ne peut être acceptée dans le cas où l’interprétation de ces dernières découle d’une jurisprudence intervenue postérieurement à la signature de l’accord sur le transport aérien et portant sur les principes généraux de droit de l’Union, voire sur les dispositions du droit primaire.

2.      Les champs d’application des articles 8 et 9 du règlement relatif à l’accès

88.      Les premier et deuxième moyens du pourvoi concernent l’interprétation de l’article 9 du règlement relatif à l’accès. La Confédération suisse prétend, en substance, que le Tribunal a interprété et appliqué d’une manière erronée l’article 9 du règlement relatif à l’accès et que, ce faisant, il a également interprété et appliqué de manière erronée l’obligation de motivation pesant sur la Commission.

89.      Je ne partage pas cet avis, compte tenu des champs d’application respectifs des articles 8 et 9 du règlement relatif à l’accès.

90.      S’agissant du premier moyen du pourvoi, tiré d’une application erronée de l’article 9, paragraphe 1, dudit règlement, il convient de rappeler, à l’instar du Tribunal, que, conformément à l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement, l’exercice des droits de trafic, au sens de l’article 2, sous f), de ce même règlement, est soumis aux règles d’exploitation nationales concernant la sécurité, la protection de l’environnement et la répartition des créneaux horaires.

91.      Ensuite, s’agissant du champ d’application de l’article 9 du règlement relatif à l’accès, il vise, comme le fait observer à juste titre le Tribunal, une catégorie plus particulière de règles d’exploitation applicables à l’exercice des droits de trafic, à savoir les règles d’exploitation qui imposent des conditions, limitent ou refusent l’exercice des droits de trafic. Les mesures visées par l’article 9 du règlement relatif à l’accès incluent donc uniquement celles comportant une interdiction, au moins conditionnelle ou partielle, de l’exercice des droits de trafic.

92.      Les arguments de la Confédération suisse concernant la qualification des mesures allemandes en cause comme étant des restrictions visées à l’article 9 du règlement relatif à l’accès ne sauraient convaincre.

93.      Dans la présente affaire, le Tribunal a exposé clairement les raisons pour lesquelles les mesures allemandes en cause n’impliquent nullement, pendant leur période d’application, une quelconque interdiction de passage à travers l’espace aérien allemand des vols au départ ou à destination de l’aéroport de Zurich.

94.      Le Tribunal relève, à cet égard, que ces mesures se bornent, en substance, à empêcher pendant des périodes fixes le survol à basse altitude de la partie du territoire allemand proche de la frontière suisse, tout en permettant le survol de ce même territoire à une altitude plus élevée. Elles impliquent donc en substance une simple modification de la trajectoire des vols concernés, sans limiter l’exercice des droits de trafic au sens de l’article 9 du règlement relatif à l’accès.

95.      De surcroît, le Tribunal a constaté d’une manière claire que l’existence des règles d’exploitation qui sont relatives notamment à la protection de l’environnement, dont le respect est requis aux fins de l’autorisation de l’exercice des droits de trafic au sens du règlement relatif à l’accès, n’équivaut pas à l’imposition d’une condition ou d’une limitation, au sens de l’article 9, paragraphe 1, dudit règlement, pour l’exercice de ces droits. Si tel était le cas, l’article 8, paragraphe 2, du règlement serait en effet complètement privé de sens car, dans une telle hypothèse, toute règle d’exploitation entrerait dans le champ d’application de l’article 9 dudit règlement.

96.      Eu égard à ces considérations, il convient de rejeter le premier moyen du pourvoi.

97.       De même, il convient de rejeter le deuxième moyen de pourvoi, tiré d’une interprétation erronée de l’obligation de motivation qui pèse sur la Commission au titre de l’article 253 CE. À cet égard, il suffit de relever qu’il est de jurisprudence constante que la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et qu’une décision de la Commission doit faire apparaître de façon claire le raisonnement de celle‑ci, de manière à permettre aux intéressés de connaître la justification de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Pour satisfaire à cette obligation, il n’est pas nécessaire d’exposer tous les motifs envisageables ni de spécifier et apprécier en détail tous les faits (42).

98.      Il ressort clairement de l’arrêt attaqué que le Tribunal a pu, sur le fondement des raisons avancées dans la décision litigieuse, exercer son contrôle. En effet, comme l’a constaté le Tribunal, cette décision fait clairement apparaître les raisons, tant matérielles que procédurales, pour lesquelles la Commission considère que les mesures allemandes en cause doivent être examinées sous l’angle de l’article 8 du règlement relatif à l’accès, et non pas de l’article 9 du même règlement (43).

99.      L’argument de la Confédération suisse tiré, d’une part, de la substitution de motifs en cours d’instance de la part de la Commission et, d’autre part, d’une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, dans la mesure où ce dernier n’a pas accueilli l’argumentation de la Confédération suisse relative à la substitution de motifs par la Commission, ne saurait non plus convaincre. En effet, la notion de substitution de motifs ne peut être comprise comme incluant toute réaction de la Commission aux arguments de la partie adverse devant le Tribunal étant donné que, comme le Tribunal le reconnaît à bon droit, la décision litigieuse fait déjà clairement apparaître les raisons pour lesquelles la Commission considère que les mesures allemandes en cause n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 9, paragraphe 1, du règlement relatif à l’accès.

3.      Les pouvoirs de contrôle de la Commission au titre du règlement relatif à l’accès

100. Les troisième, quatrième et sixième moyens du pourvoi concernent, en substance, l’interprétation et l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement relatif à l’accès dans le cadre de l’accord sur le transport aérien. Le sixième moyen, qui porte sur un aspect précis de l’examen de la proportionnalité des mesures allemandes en cause, est tributaire du sort du quatrième moyen auquel il fait référence pour l’essentiel. En conséquence, si le quatrième moyen est rejeté, comme je le propose, il doit en aller de même pour le sixième moyen.

101. Les arguments de la Confédération suisse selon lesquels le Tribunal aurait commis une erreur de droit lors de l’interprétation et l’application de l’article 8 du règlement relatif à l’accès ne sauraient convaincre. Au contraire, ces trois moyens du pourvoi reposent sur une prémisse erronée en ce qui concerne les compétences que la Commission tire du règlement relatif à l’accès dans le cadre de l’accord sur le transport aérien.

a)      Sur l’articulation entre l’accord sur le transport aérien et le règlement relatif à l’accès

102. Il convient de rappeler d’emblée que les pouvoirs de la Commission qui découlent de l’article 8, paragraphe 3, du règlement relatif à l’accès s’agissant de son examen des mesures allemandes dans le contexte de l’accord sur le transport aérien doivent être interprétés en restant fidèle aux textes et aux objectifs des instruments en cause.

103. L’accord sur le transport aérien vise à assurer l’échange des droits de trafic entre les transporteurs aériens communautaires et suisses dans les conditions définies par ce même instrument. Il ressort en particulier de l’article 15, paragraphe 1, de cet accord que ce dernier vise à octroyer des droits de trafic non pas absolus, mais sous réserve du règlement relatif à l’accès. Ledit règlement, quant à lui, tend à permettre l’accès des transporteurs aériens aux liaisons des services aériens réguliers intracommunautaires. En d’autres termes, il régit l’octroi de droits de trafic à des entreprises aériennes. 

104. Toutefois, l’octroi des droits de trafic au sens de ce règlement est soumis à des conditions, et notamment à celles résultant de son article 8, paragraphe 2. Ainsi, l’exercice des droits de trafic, octroyés au titre dudit règlement, dépend notamment des règles d’exploitation nationales concernant la sécurité, la protection de l’environnement et la répartition des créneaux horaires.

105. Les dispositions de l’accord sur le transport aérien ne peuvent élargir, comme l’a constaté à bon droit le Tribunal, le champ d’application du règlement relatif à l’accès lorsqu’il s’applique aux relations entre les parties à cet accord. En d’autres termes, ledit règlement n’a pas vocation à s’appliquer aux situations régies par ledit accord qui ne relèvent pas du champ d’application dudit règlement dans un contexte purement communautaire (44).

106. La teneur de l’article 2 de l’accord sur le transport aérien ne change rien à ce sujet. Certes, cet article prévoit que les dispositions contenues dans l’annexe de cet accord s’appliquent pour autant qu’elles concernent le transport aérien ou des objets directement liés au transport aérien. Toutefois, ainsi que l’a fait observer le Tribunal dans l’arrêt attaqué, cette disposition détermine et délimite uniquement le champ d’application des dispositions énumérées dans ladite annexe, en excluant une application de ces dispositions dans le cadre de l’accord à des cas qui ne concernent ni le transport aérien ni des objets directement liés à celui‑ci. Cette limitation n’affecte aucunement, contrairement aux prétentions de la Confédération suisse, le champ d’application matériel du règlement relatif à l’accès, qui ne régit que l’octroi de droits de trafic aux transporteurs aériens (45).

107. C’est pourquoi les pouvoirs de contrôle de la Commission qui découlent dudit règlement sont limités, dans le cadre de l’examen effectué au titre des articles 18, paragraphe 2, de l’accord sur le transport aérien – qui limite par ailleurs les pouvoirs de la Commission dans le cadre de l’accord aux cas susceptibles de concerner les services aériens – et 8, paragraphe 3, du règlement relatif à l’accès, à l’examen qui porte sur les implications des mesures sur l’exercice des droits de trafic.

108. La Commission est appelée, plus précisément, à vérifier que de telles mesures ont été prises pour des raisons afférentes à la sécurité, la protection de l’environnement et la répartition des créneaux horaires et qu’elles s’appliquent, en ce qui concerne l’exercice des droits de trafic, d’une manière non discriminatoire à l’égard des transporteurs aériens. Les intérêts de l’exploitant de l’aéroport et ceux des riverains ne sont donc pas pris en compte dans l’examen des mesures allemandes effectué en vertu des articles 18, paragraphe 2, de l’accord sur le transport aérien et 8, paragraphe 3, du règlement relatif à l’accès.

b)      Sur les principes inhérents à la libre prestation des services

109. Par le troisième moyen du pourvoi, la Confédération suisse reproche au Tribunal d’avoir interprété d’une manière erronée l’article 8, paragraphe 3, du règlement relatif à l’accès en omettant de vérifier la conformité de la décision litigieuse avec les principes de la libre prestation des services et de la proportionnalité.

110. Les critères d’examen auxquels la Confédération suisse fait référence dans ce moyen de pourvoi, et notamment ceux fondés sur les principes généraux de la libre prestation des services et de proportionnalité, ont été établis dans un contexte communautaire (46). L’accord sur le transport aérien ne faisant pas expressément référence à ces principes, la Commission n’était pas tenue de prendre en compte ces principes lors de l’examen des mesures litigieuses dans le présent contexte, en l’absence de fondement correspondant dans l’accord sur le transport aérien.

111. Comme il a déjà été souligné à maintes reprises, la conclusion de l’accord sur le transport aérien ne conduit pas à une application automatique du droit communautaire dans sa globalité à l’égard de la Confédération suisse. Au contraire, en optant pour la voie des accords bilatéraux, la Confédération suisse a sciemment choisi un chemin qui ne permet pas une participation au marché intérieur qui soit aussi étendue que celle basée sur l’adhésion à l’Union ou à l’Espace économique européen. Le libellé dudit accord, et notamment celui de ses articles 1er et 3, démontre clairement que l’objectif de celui‑ci n’a pas été d’appliquer en ce domaine ni la libre prestation de services, telle que prévue par les articles 49 CE et 51 CE, à l’égard de la Confédération suisse, ni le principe de proportionnalité. Il s’ensuit que rien n’oblige la Commission à vérifier si les mesures allemandes en cause sont conformes aux principes généraux de la libre prestation de services et, en particulier, de proportionnalité.

112. En l’occurrence, le Tribunal n’a pas explicitement pris position sur la question de savoir si lesdits principes s’appliquent dans le cadre de la présente affaire ou non. Il s’est toutefois livré à un examen de la décision litigieuse sous cet angle et a jugé que les mesures en cause ne violaient aucunement lesdits principes.

113. Ces principes n’étant toutefois pas applicables dans le cadre de l’examen des mesures allemandes en cause, le moyen du pourvoi dirigé contre les motifs de l’arrêt attaqué portant sur la prétendue violation de la libre prestation des services ne saurait entraîner l’annulation de ce dernier (47).

114. Eu égard à ces éléments, il convient de rejeter le troisième moyen du pourvoi comme étant inopérant.

c)      Sur le principe de non‑discrimination

115. S’agissant du quatrième moyen du pourvoi, par lequel la Confédération suisse reproche au Tribunal une violation du principe de non‑discrimination, il convient de relever que la limitation des pouvoirs de contrôle n’affecte pas l’examen des mesures allemandes du point de vue du principe de non‑discrimination. Cela résulte de la lecture combinée des articles 1er, paragraphe 2, et 3 de l’accord sur le transport aérien qui interdit expressément toute discrimination exercée en raison de la nationalité. Toutefois, comme je l’ai déjà exposé auparavant, les pouvoirs de contrôle de la Commission ne s’étendent pas à la prise en compte des intérêts des riverains suisses de l’aéroport de Zurich et de l’exploitant de celui‑ci.

116.  En ce qui concerne l’application du principe de non‑discrimination à l’égard des transporteurs aériens, et notamment de la compagnie Swiss qui utilise l’aéroport de Zurich comme un aéroport pivot (48), j’estime qu’aucune erreur de droit ne saurait être reprochée au Tribunal dans ce contexte.

117. Le Tribunal a d’abord rappelé que, selon une jurisprudence constante, le principe de non‑discrimination interdit non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, ou le siège en ce qui concerne les sociétés, mais également toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (49).

118. En se fondant sur la jurisprudence susvisée, il a ensuite relevé que, quand bien même les mesures allemandes en cause aboutiraient au même résultat qu’une discrimination fondée sur la nationalité à l’égard des transporteurs aériens suisses, dont notamment la Swiss, du fait que cette dernière utilise l’aéroport de Zurich en tant que plaque tournante, encore faudrait‑il que lesdites mesures ne soient pas justifiées par des circonstances objectives et ne soient pas proportionnées à l’objectif qu’elles poursuivent.

119. Le Tribunal s’est ensuite livré à une appréciation des faits et a jugé, s’agissant du premier critère, relatif à l’objectif légitime des mesures litigieuses, qu’il existait, dans le cas d’espèce, des circonstances objectives justifiant l’adoption du règlement d’application, notamment celles tenant à la réduction de nuisance sonore dans une région touristique de l’Allemagne, au sens de la jurisprudence mentionnée.

120. S’agissant du second critère, relatif au caractère proportionné des mesures concernée, le Tribunal a d’abord examiné, d’une manière détaillée, les éléments de preuves présentés devant lui. Il a notamment observé que les États membres étaient en droit d’adopter des mesures visant à réduire la nuisance sonore en deçà des valeurs limites prescrites et que, compte tenu de son absence d’autorité sur l’utilisation de l’aéroport de Zurich, la République fédérale d’Allemagne ne disposait pas d’autres moyens pour obtenir l’objectif poursuivi. Cette analyse l’a conduit à conclure que, faute d’une preuve démontrant l’existence ou même l’éventualité d’inconvénients majeurs pour l’aéroport de Zurich ou de mesures moins onéreuses qui permettraient d’atteindre l’objectif de réduction de nuisance sonore visé par le règlement d’application, les mesures allemandes en cause devaient être considérées comme proportionnées à l’objectif poursuivi.

121. Je rappelle qu’une telle appréciation ne constitue pas, sous réserve de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (50). Il importe, par ailleurs, de relever qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (51).

122. En l’occurrence, au regard des arguments présentés par la Confédération suisse, par lesquels elle se contente, en substance, de contester l’appréciation des faits opérée par le Tribunal, il n’apparaît pas de manière manifeste que les constatations effectuées par le Tribunal contiennent des inexactitudes de nature à engager le contrôle de la Cour.

123. Du reste, j’estime qu’une conclusion inverse aurait pour conséquence que toute règle d’exploitation ayant pour objectif de garantir la sécurité, la protection de l’environnement ou la répartition des créneaux horaires serait automatiquement discriminatoire dans la mesure où de telles mesures touchent plus souvent les transporteurs aériens qui utilisent l’aéroport concerné en tant qu’aéroport pivot. Une telle interprétation du principe de non‑discrimination priverait l’article 8, paragraphe 2, du règlement relatif à l’accès de son effet utile.

124. Eu égard à ces considérations, il convient de rejeter le quatrième moyen du pourvoi.

125. Enfin, le sixième moyen du pourvoi porte sur un aspect précis de l’examen entrepris par le Tribunal concernant la proportionnalité des mesures allemandes en cause. Par ce moyen, la Confédération suisse reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en excluant l’existence éventuelle de mesures moins onéreuses. Compte tenu de mon analyse concernant le quatrième moyen du pourvoi et de ma proposition de le rejeter, je considère que le sixième moyen n’est pas non plus de nature à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué et que, en conséquence, il y a lieu d’écarter ce moyen comme étant inopérant.

4.      Les règles relatives à la charge de la preuve

126. Par son cinquième moyen de pourvoi, tiré d’une interprétation arbitraire des règles relatives à la charge de la preuve, la Confédération suisse ne fait que réitérer, une fois de plus, son argumentation relative à l’erreur de droit qu’aurait prétendument commise le Tribunal lors de l’examen de la proportionnalité des mesures allemandes en cause au regard du principe de non‑discrimination. En conséquence, eu égard à la réponse apportée au quatrième moyen, je considère que l’argumentation de la Confédération suisse pourrait être écartée d’emblée.

127. En tout état de cause, il incombe à la personne qui veut faire valoir un droit en justice de prouver les faits sur lesquels elle fonde sa prétention. Par conséquent, j’estime que le Tribunal a correctement appliqué les règles régissant la charge de la preuve en considérant qu’il incombait à la Confédération suisse de prouver que le règlement d’application ne constituait pas une mesure nécessaire et proportionnée aux fins des objectifs poursuivis par celui‑ci. À défaut d’une telle preuve, le Tribunal s’est livré à une appréciation des faits qui l’a conduit à constater que l’existence de mesures moins onéreuses n’a pas été prouvée.

128. Or, dès lors qu’aucune dénaturation de nature à engager le contrôle de la Cour n’a été démontrée par la Confédération suisse, il convient de rejeter le cinquième moyen de pourvoi.

VI – Conclusion

129. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de:

–        rejeter le pourvoi formé par la Confédération suisse,

–        condamner la Confédération suisse à supporter ses propres dépens et ceux exposé par la Commission, et

–        ordonner à la République fédérale d’Allemagne et au Landkreis Waldshut de supporter leurs propres dépens.


1 –      Langue originale: le français.


2 –      T‑319/05, Rec. p. II‑4265.


3 –      Décision de la Commission du 5 décembre 2003 relative à l’application de l’article 18, paragraphe 2, première phrase, de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif au transport aérien et du règlement (CEE) no 2408/92 du Conseil (JO 2004, L 4, p. 13, ci‑après la «décision litigieuse»).


4 –      L’accord a été signé le 21 juin 1999 à Luxembourg et approuvé au nom de la Communauté par la décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission concernant l’accord de coopération scientifique et technologique, du 4 avril 2002, relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO L 114, p. 1). Les sept accords portent sur la libre circulation des personnes, le transport aérien, le transport des marchandises et de voyageurs par rail et par route, les échanges de produits agricoles, la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité, certains aspects relatifs aux marchés publics ainsi que la coopération scientifique et technologique.


5 –      Règlement du Conseil du 23 juillet 1992 concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (JO L 240, p. 8, ci‑après le «règlement relatif à l’accès»).


6 –      Ordonnance du 14 juillet 2005, Suisse/Commission (C‑70/04) par laquelle l’affaire a été transférée au Tribunal.


7 –      Points 20 à 22 de ladite ordonnance. La Cour n’a cependant pas pris position sur la qualification de la Confédération suisse en tant que requérant ni n’a d’ailleurs expressément exclu la consécration d’un régime particulier pour la Confédération suisse en tant que requérant dans le cadre d’un recours en annulation portant sur une mesure prise en vertu de l’accord sur le transport aérien.


8 –      Ordonnance Suisse/Commission (T‑319/05, Rec. p. II‑2073).


9 –      Une telle approche est, selon le Tribunal, possible en vertu des arrêts cités à la suite de cette affirmation. Il s’agit notamment des arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer (C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52), et du 23 mars 2004, France/Commission (C‑233/02, Rec. p. I‑2759, point 26).


10 –      Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999 (JO 2002, L 114, p. 6). Cet accord fait partie du paquet des sept accords visés à la note 4 des présentes conclusions.


11 –      JO 1994, L 1, p. 3.


12 –      Arrêts du 12 novembre 2009, Grimme (C‑351/08, Rec. p. I‑10777, point 27), et du 11 février 2010, Fokus Invest (C‑541/08, Rec. p. I‑1025, point 27), ainsi que points 41 et suiv. de mes conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 juillet 2010, Hengartner et Gasser (C‑70/09, Rec. p. I‑7229).


13 –      Voir, en ce sens, arrêts précités Grimme (points 27 et 29 ainsi que jurisprudence citée); Fokus Invest (point 28), ainsi que Hengartner et Gasser (points 41 et 42).


14 –      L’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331) précise à cet égard qu’un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, et à la lumière de son objet et de son but. Voir, notamment, arrêt du 2 mars 1999, Eddline El‑Yassini (C‑416/96, Rec. p. I‑1209, point 47).


15 –      Du fait que la décision litigieuse de la Commission a été prise avant la date d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il convient d’examiner les conditions de la recevabilité du recours telles qu’elles étaient en vigueur à la date de ladite décision, donc en application de l’article 230 CE. Il convient de relever que, à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la référence à la notion de décision a été supprimée de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Elle a été remplacée par une distinction entre les actes dont les requérants sont destinataires et les autres actes qui doivent les concerner directement et individuellement. En outre, le nouveau texte a supprimé, pour les actes réglementaires qui ne comportent pas de mesures d’exécution, l’exigence que les particuliers soient concernés individuellement en se bornant à exiger qu’ils soient concernés directement par de telles décisions. Voir arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission (T‑262/10, Rec. p. II‑7697, points 17 et suiv.).


16 –      Arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a. (C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, Rec. p. I‑9291, point 33).


17 –      Arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a. (C‑341/06 P et C‑342/06 P, Rec. p. I‑4777, point 67 et jurisprudence citée).


18 –      S’agissant de la manière stricte dont la Cour interprète les conditions que doit satisfaire une personne morale aux fins de l’introduction d’un recours en annulation, voir arrêt du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 44).


19 –      Voir, en ce sens, point 31 des conclusions de l’avocat général Ruiz‑Jarabo Colomer dans l’affaire Conseil/Boehringer, précitée.


20 –      Arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission (C‑298/00 P, Rec. p. I‑4087, point 35 et jurisprudence citée); du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission (C‑362/06 P Rec. p. I‑2903, point 22 et jurisprudence citée), ainsi que ordonnance du 15 avril 2010, Makhteshim‑Agan Holding e.a./Commission (C‑517/08 P, points 53 à 54). Voir également arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 23 et jurisprudence citée).


21 –      Je rappelle que, dans l’arrêt Conseil/Boehringer, précité, la Cour a jugé, en statuant sur un pourvoi contre un arrêt du Tribunal relatif à un recours contre une directive, qu’il appartenait au Tribunal d’apprécier, si une bonne administration de la justice justifiait, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter au fond le recours dans cette affaire sans statuer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil. Voir en particulier point 52 dudit arrêt. En revanche, dans la deuxième affaire mentionnée au point 55 de l’arrêt du Tribunal, à savoir arrêt France/Commission, précité, la Cour a uniquement constaté que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y avait pas lieu de statuer sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission, car le recours introduit par la République française devait, en tout état de cause, être rejeté au fond. Voir en particulier point 26 de ce dernier arrêt.


22 –      Pour un exemple de telles circonstances, voir points 27 et suiv. des conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 octobre 2007, Pologne/Conseil (C‑273/04 P, Rec. p. I‑8925). Dans cette affaire, l’avocat général Poiares Maduro a conclu à la recevabilité du recours sur la base d’une interprétation flexible de l’exception d’irrecevabilité soulevée relative au délai de recours. Cette approche était fondée sur les exigences impératives du principe de la protection juridictionnelle effective.


23 –      Cette approche est également utilisée lorsqu’il s’agit de statuer sur des fins de non recevoir d’ordre public, telles que la qualité pour agir, le délai de recours ou la détermination des actes attaquables. Voir, en ce sens, arrêts précités Conseil/Boehringer (points 50 à 52); Pologne/Conseil (points 27 à 33), et France/Commission (point 26). Comme la Cour, le Tribunal ainsi que le Tribunal de la fonction publique n’hésitent pas à statuer directement sur le fond sans s’attarder à se prononcer sur la recevabilité du recours dès lors que ce dernier peut être aisément rejeté comme non fondé. Voir, entre autres, arrêt du 22 mai 2007, Mebrom/Commission (T‑216/05, Rec. P. II‑1507, point 60). S’agissant du Tribunal de la fonction publique, voir, à titre d’exemple, arrêt du 20 janvier 2009, Klein/Commission (F-32/08, RecFP p. I‑A‑1‑5 et II‑A‑1‑13, points 20 et 21 ainsi que jurisprudence citée).


24 – En ce qui concerne le critère lié à la bonne administration de la justice, voir notamment arrêt Conseil/Boehringer, précité (point 52). Voir également arrêt du 22 novembre 2007, Cofradía de pescadores «San Pedro» de Bermeo e.a./Conseil (C‑6/06 P, points 20 à 22). Pour les circonstances dans lesquelles le non‑examen d’une exception d’irrecevabilité a été justifié par les exigences liées à l’économie de procédure, voir notamment arrêt du Tribunal du 10 septembre 2010, Gualtieri/Commission (T‑284/06, points 22 et 45). Le Tribunal de la fonction publique a pu réunir ces deux fondements, notamment dans l’arrêt du 8 avril 2008, Bordini/Commission (F‑134/06, RecFP p. I‑A‑1‑87 et II‑A‑1‑435, points 56 et 57).


25 –      S’agissant de la possibilité pour les États tiers de présenter des observations, il convient d’ajouter que, conformément à l’article 23, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les États tiers peuvent, dans le contexte des accords conclus entre le Conseil et un ou plusieurs États tiers, présenter des mémoires ou des observations écrites lorsque la Cour est saisie d’une question préjudicielle concernant le domaine d’application d’un tel accord.


26 –      Points 27 et suiv. des conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire Pologne/Conseil, précitée.


27 –      Même si le Tribunal n’a pas statué sur la recevabilité du recours de la Confédération suisse, il a toutefois constaté, au point 21 de l’ordonnance Suisse/Commission, précitée, par laquelle la demande de l’intervention du Landkreis Waldshut à été admise sur le fondement de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour, que la Confédération suisse n’était pas un État membre. J’en déduis qu’il a donc implicitement considéré que la Confédération suisse doit être assimilée à une personne morale au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.


28 –      J’ajouterai que, en cas de réponse négative à cette question, la Confédération suisse ne sera pas dépourvue de moyens aux fins de protéger ses intérêts, car elle peut mettre à profit le mécanisme diplomatique du Comité mixte prévu à l’article 21 dudit accord.


29 –      Ordonnances du 21 mars 1997, Région wallonne/Commission (C‑95/97, Rec. p. I‑1787, point 6), et du 1er octobre 1997, Regione Toscana/Commission (C‑180/97, Rec. p. I‑5245, point 6). Voir également points 44 à 54 des conclusions de l’avocat général Ruiz‑Jarabo Colomer dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission (C‑417/04 P, Rec. p. I‑3881), ainsi que arrêt dans cette même affaire (point 21).


30 –      Voir, par analogie, arrêt du 22 novembre 2001, Nederlandse Antillen/Conseil (C‑452/98, Rec. p. I‑8973, point 50), et point 66 des conclusions de l’avocat général Léger dans cette même affaire.


31 –      Arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission (C‑445/07 P et C‑455/07 P, Rec. p. I‑7993, point 45 et jurisprudence citée). L’affectation directe requiert que la mesure en cause produise directement des effets sur la situation juridique de l’intéressé et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle‑ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires.


32 –      La portée de l’affectation individuelle a été définie par la Cour dans l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197), dont il ressort qu’une personne physique ou morale, autre que le destinataire de la décision attaquée, ne saurait prétendre être concernée individuellement que si la décision litigieuse l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne. Voir, entre autres, arrêt du 9 juin 2011, Comitato «Venezia vuole vivere» e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, Rec. p. I‑4727, point 52).


33 –      Voir point 41 des conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire Pologne/Conseil, précitée. Une entité publique peut également engager un tel recours, mais celle‑ci doit alors respecter lesdites conditions de recevabilité. S’agissant de la jurisprudence relative aux pays et territoires d’outre‑mer, régions et communautés autonomes, voir, à titre d’exemple, arrêts du 29 juin 1993, Gibraltar/Conseil (C‑298/89, Rec. p. I‑3605, points 14 et suiv.); Nederlandse Antillen/Conseil, précité (point 51), et Regione Siciliana/Commission, précité (points 21 et 24). Voir également ordonnance du président du Tribunal du 7 juillet 2004, Região autónoma dos Açores/Conseil (T‑37/04 R, Rec. p. II‑2153, point 112).


34 –      Voir, notamment, arrêt du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission (C‑15/06 P, Rec. p. I‑2591, point 31 et jurisprudence citée).


35 –      J’ajouterai que le critère de l’absence de marge de manœuvre s’adapte difficilement à une situation où, en vertu d’une décision de la Commission, un État membre peut continuer à appliquer des mesures telles que celles en cause dans la présente affaire sans toutefois être obligé de le faire. Une telle autorisation peut néanmoins affecter la situation juridique d’un tiers dont l’intérêt serait la constatation que les mesures en cause ne sont pas admissibles.


36 –      Il est constant que l’intérêt général d’une région ne saurait, à lui seul, suffire pour qu’elle soit considérée comme étant individuellement concernée. Voir ordonnances du Tribunal du 12 mars 2007, Regione Friuli‑Venezia Giulia/Commission (T‑417/04, Rec. p. II‑641, point 61 et jurisprudence citée), ainsi que du 23 octobre 1998, Regione Puglia/Commission et Espagne (T‑609/97, Rec. p. II‑4051, point 21 et jurisprudence citée).


37 –      Voir, par analogie, dans le contexte des aides d’État, arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission (C‑260/05 P, Rec. p. I‑10005, point 56 et jurisprudence citée).


38 –      Voir, a contrario, ordonnance Regione Puglia/Commission et Espagne, précitée (points 19 à 21).


39 –      Aux termes de l’article 2, sous h), dudit règlement, les États membres concernés sont ceux entre lesquels est exploitée une liaison aérienne.


40 –      Sur la qualification de l’accord sur le transport aérien en tant qu’accord d’intégration, voir Haldimann, U., «Grundzüge des Abkommens über den Luftverkehr», Felder, D. et Kaddous, C. (éd.), Accords bilatéraux Suisse‑UE, Bilaterale Abkommen Schweiz‑EU, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 443 à 461.


41 –      Toutefois, conformément à l’article 15, paragraphe 2, de l’accord, les droits de trafic sont octroyés progressivement aux transporteurs aériens suisses. L’accord garantit également aux transporteurs communautaires et suisses la liberté d’établissement dans ce domaine particulier en vertu de l’article 4 de l’accord. Pour de plus amples détails, voir Kaddous, C. «Les accords sectoriels dans le système des relations extérieures de l’Union européenne», op. cit., p. 81 et 82.


42 –      Voir, entre autres, arrêt du 9 septembre 2004, Espagne/Commission (C‑304/01, Rec. p. I‑7655, point 50 et jurisprudence citée).


43 –      J’ajouterai qu’il en est d’autant plus ainsi dans le cas d’espèce étant donné que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation est réduite lorsque l’intéressé a pu participer à la procédure administrative précédant la prise de l’acte attaqué et a eu l’occasion de s’exprimer. Voir en ce sens, entre autres, arrêt du 11 septembre 2003, Autriche/Conseil (C‑445/00, Rec. p. I‑8549, points 49 et 50).


44 –      De surcroît, je relève que la problématique particulière relative au bruit est régie par la directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mars 2002, relative à l’établissement de règles et procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté (JO L 85, p. 40), et la directive 2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 juin 2002, relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement (JO L 189, p. 12).


45 –      La seule extension du champ d’application du règlement relatif à l’accès dans le contexte de l’accord est celle résultant de l’assimilation de la Confédération suisse aux États membres et des transporteurs aériens y ayant leur siège aux transporteurs communautaires.


46 –      Les décisions de la Commission auxquelles la Confédération suisse renvoie sont la décision 98/523/CE, du 22 juillet 1998, relative à une procédure d’application du règlement (CEE) no 2408/92 du Conseil (JO L 233, p. 25), et la décision 94/290/CE, du 27 avril 1994, relative à une procédure d’application du règlement (CEE) no 2408/92 du Conseil (JO L 127, p. 22). Voir, par ailleurs, arrêt du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter/Commission (T‑260/94, Rec. p. II‑997) concernant cette dernière décision. Étant donné le cadre purement communautaire desdites décisions, la Commission était tenue de prendre en compte le droit communautaire primaire et les principes généraux du droit communautaire dans l’examen des mesures en cause. En ce qui concerne la jurisprudence de la Cour, et notamment l’arrêt du 18 janvier 2001, Italie/Commission (C‑361/98, Rec. p. I‑385), il convient d’observer que ledit arrêt est intervenu après la signature de l’accord. Il s’ensuit que cet arrêt ne peut fournir d’orientations pour l’interprétation de l’accord sauf s’il a été notifié et examiné au sein du Comité mixte prévu à l’article 21, paragraphe 1, de l’accord sur le transport aérien.


47 –      Voir, notamment, arrêt du 18 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 148 et jurisprudence citée), et du 29 mars 2012, Commission/Pologne (C‑504/09 P, point 90 et jurisprudence citée).


48 –      Il s’agit d’une exploitation de réseaux étoile qui est caractérisée par le fait que les transporteurs aériens utilisent un aéroport comme une plate‑forme de correspondance et qui est devenue un modèle opérationnel courant parmi les transporteurs aériens.


49 –      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a mentionné les arrêts du 13 juillet 1993, Commerzbank (C‑330/91, Rec. p. I‑4017, point 14); du 19 mars 2002, Commission/Italie (C‑224/00, Rec. p. I‑2965, point 15), et du 27 octobre 2009, ČEZ (C‑115/08,Rec. p. I‑10265, point 92).


50 –      Voir, notamment, arrêt du 6 avril 2006, General Motors/Commission (C‑551/03 P, Rec. p. I‑3173, point 51). Voir également arrêt du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission (C‑90/09 P, Rec. p. I‑1, point 72 et jurisprudence citée).


51 –      Voir, notamment, arrêt du 19 juillet 2012, Kaimer e.a./Commission (C‑264/11 P, point 24 et jurisprudence citée).