Language of document : ECLI:EU:T:2013:480

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 septembre 2013 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Demande visant à obtenir accès à certains passages confidentiels de la décision finale de la Commission concernant une entente – Refus d’accès – Obligation de motivation – Obligation de procéder à un examen concret et individuel – Exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête – Intérêt public supérieur – Coopération loyale »

Dans l’affaire T‑380/08,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes C. Wissels, M. de Mol et M. de Ree, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. A. Bouquet et Mme P. Costa de Oliveira, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 30 juin 2008 refusant l’accès à certains passages confidentiels de la décision C (2006) 4090 final [affaire COMP/F/38.456 – Bitume (Pays-Bas)],

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, S. Soldevila Fragoso (rapporteur) et G. Berardis, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 décembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 En fait

1        Le 13 septembre 2006, la Commission des Communautés européennes a adopté la décision C (2006) 4090 final [affaire COMP/F/38.456 – Bitume (Pays‑Bas)] (ci‑après la « décision bitume »), relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE]. Une version de cette décision, expurgée de certains passages que la Commission a considérés comme étant confidentiels (ci‑après la « version publique de la décision bitume »), a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 28 juillet 2007 (JO L 196, p. 40). Dans la décision bitume, la Commission a constaté que plusieurs entreprises avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE en participant à une entente sur le marché du bitume routier aux Pays-Bas et a infligé à ces entreprises des amendes dont le montant total s’élevait à 266,717 millions d’euros.

2        Le 7 mars 2008, le Royaume des Pays-Bas a présenté auprès de la Commission une demande d’accès à la version complète de la décision bitume (ci‑après la « version confidentielle de la décision bitume ») en vertu du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).

3        Par lettre du 27 mars 2008, la Commission a rejeté la demande initiale d’accès à la version confidentielle de la décision bitume.

4        Le 17 avril 2008, le Royaume des Pays-Bas a présenté, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, une demande confirmative tendant à ce que la Commission révise sa position (ci‑après la « demande confirmative »). Il a indiqué que, ayant subi un préjudice par suite des agissements des entreprises visées par la décision bitume, il avait l’intention de demander à celles-ci une réparation devant les juridictions nationales. Le Royaume des Pays-Bas a observé qu’il serait utile, à cet égard, de prendre connaissance des informations contenues dans la version confidentielle de la décision bitume, mais qui avaient été supprimées dans la version publique de cette décision. À cette fin, le Royaume des Pays-Bas a indiqué certains passages spécifiques de la décision bitume relatifs :

–        à la nature et à l’échelle de l’infraction (considérants 4 à 6 de la décision bitume) ;

–        à l’organisation et au fonctionnement du cartel (considérants 48 à 86 et 350 à 354 de la décision bitume) ;

–        au rôle de certaines entreprises en tant qu’instigateur ou chef de file de l’entente (considérants 342 à 347 de la décision bitume) ;

–        aux accords de prix fixés au sein de l’entente (considérants 87 à 126 de la décision bitume) ;

–        aux différences entre le niveau de prix du bitume aux Pays-Bas et dans les pays frontaliers (considérants 150, 174, 314 de la décision bitume) ;

–        à l’intérêt des constructeurs routiers à voir augmenter les prix du bitume (considérants 149 et 151 de la décision bitume) ;

–        aux parts de marché et aux chiffres d’affaires relatifs aux ventes de bitume aux Pays-Bas des participants de l’entente (considérants 7 à 29 et 321 de la décision bitume) ;

–        enfin, aux noms des personnes physiques représentant les participants aux réunions de l’entente (considérants 187, 205, 236, 252, 265, 268, 273, 279, 286, 291, 293 et 298 de la décision bitume).

5        Par lettre du 30 juin 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a rejeté la demande confirmative.

6        En ce qui concerne les informations visées au point 4, premier tiret, ci‑dessus, la Commission a indiqué que les versions publique et confidentielle de la décision bitume étaient identiques.

7        S’agissant des informations visées au point 4, deuxième à huitième tiret, ci‑dessus, la Commission a indiqué, d’une part, qu’elles étaient couvertes par les exceptions au droit d’accès aux documents prévues par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, relatives à la protection, respectivement, des intérêts commerciaux des personnes physiques ou morales et des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union européenne. D’autre part, elle a indiqué que, conformément à l’article 4, paragraphe 2, in fine, dudit règlement, ces exceptions devaient être écartées si un intérêt public supérieur justifiait la divulgation des informations demandées. Toutefois, elle a considéré que la demande confirmative ne contenait pas d’arguments susceptibles de démontrer l’existence d’un tel intérêt, dans la mesure où celui invoqué par le Royaume des Pays-Bas, tiré de l’utilité de la version confidentielle de la décision bitume pour préparer un éventuel recours en responsabilité à l’encontre des entreprises concernées par cette décision, était de nature privée et non publique.

8        S’agissant des informations visées au point 4, huitième tiret, ci‑dessus, la Commission a considéré qu’elles étaient également couvertes, outre par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du même règlement, relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu.

9        Enfin, la Commission a considéré que, les informations visées au point 4, deuxième à huitième tiret, ci-dessus étant entièrement couvertes par les exceptions mentionnées précédemment, une divulgation partielle de ces informations, au titre de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, n’était pas possible.

10      En août 2009, la Commission a publié une nouvelle version publique de la décision bitume, comportant un nombre moins important de passages non divulgués (ci-après la « nouvelle version publique de la décision bitume »).

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 septembre 2008, le Royaume des Pays-Bas a introduit le présent recours.

12      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 2 juin 2010, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, Rec. p. I‑5885), ainsi que jusqu’à la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 25 janvier 2011, Basell Polyolefine/Commission (T‑399/07, non publiée au Recueil). La procédure a repris le 25 janvier 2011.

13      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

14      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 décembre 2012.

15      À la fin de ladite audience, le Tribunal a posé une question aux parties portant sur la détermination précise de l’objet du litige eu égard à la nouvelle version publique de la décision bitume.

16      Par leurs observations écrites déposées au greffe du Tribunal, respectivement le 24 janvier et le 8 février 2013, le Royaume des Pays-Bas et la Commission ont répondu à la question posée par le Tribunal.

17      Dans ses observations, le Royaume des Pays-Bas a indiqué que sa demande d’accès avait désormais pour objet tous les passages qui restaient confidentiels dans la nouvelle version publique de la décision bitume. À cet égard, il a identifié certains passages de cette décision relatifs :

–        à la nature et à l’échelle de l’infraction (notes en bas de page nos 7 à 12 de la décision bitume) ;

–        à l’organisation et au fonctionnement de l’entente (considérants 50, 53 à 57, 59, 62, 64 à 66, 69 à 74, 77, 78, 80, 82 à 86 et notes en bas de page nos 130, 132 à 134, 137 à 140, 143 à 148, 150 à 157, 160 à 187, 189 à 192, 194 à 198, 200 à 204, 206 à 212, 215 à 229, 231 à 239, 519 à 521 de la décision bitume) ;

–        au rôle de certaines entreprises en tant qu’instigateur ou chef de file de l’entente (considérants 342 à 345 et notes en bas de page nos 505, 507 à 513, 515 à 518 de la décision bitume) ;

–        aux accords de prix conclus au sein de l’entente (considérants 88 à 98, 102 à 118, 120 à 125 et notes en bas de page nos 240 à 251, 253, 254, 256 à 268, 270, 272 à 322 de la décision bitume) ;

–        aux différences entre le niveau de prix du bitume aux Pays-Bas et dans les pays frontaliers (notes en bas de page nos 372 à 376 de la décision bitume) ;

–        à l’intérêt des constructeurs routiers à voir augmenter les prix du bitume (notes en bas de page nos 341 à 346 de la décision bitume) ;

–        aux parts de marché et aux chiffres d’affaires relatifs aux ventes de bitume aux Pays-Bas des participants à l’entente (considérants 8 à 16, 18 à 23, 29 et notes en bas de page nos 16, 18, 21, 29 à 32, 35 à 37, 41, 43 à 45, 47, 49, 52, 53, 56, 59, 60, 70, 73, 77 à 81 de la décision bitume) ;

–        aux noms des personnes physiques représentant les participants aux réunions de l’entente (considérants 187, 236, 252, 265, 268, 273, 279, 286, 291, 293, 298 de la décision bitume) ;

–        et, enfin, à d’« autres informations demandées » (considérants 30, 34, 35, 37, 42, 45, 154, 175 à 177, 179, 187, 236, 252, 265, 268, 273, 279, 286, 291, 293, 298, 302, 317, 319, 321, 342 à 347, 372, 378, 380, 382 à 386, 389 à 391, 394, 397 et notes en bas de page nos 82, 84 à 87, 89 à 100, 102 à 119, 121, 122, 124, 126, 341, 350 à 352, 379 à 381, 385, 386, 390 à 393, 395, 419, 420, 422, 423, 430, 433, 435 à 437, 441, 447, 450, 453 à 458, 465 à 469, 472 à 474, 480 à 483, 522, 528, 541, 547, 549 et annexe 1 de la décision bitume).

18      Le Royaume des Pays-Bas a souligné que les « autres informations demandées » faisaient également partie de sa demande d’accès même si elles n’étaient pas spécifiquement indiquées dans la demande confirmative. En effet, la demande confirmative aurait concerné l’intégralité de la décision bitume. Enfin, le Royaume des Pays-Bas a précisé que l’objet du litige ne visait pas les informations confidentielles obtenues par la Commission en vertu de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication sur la clémence »).

19      Pour sa part, la Commission a souligné dans ses observations l’incohérence et l’imprécision de la position du Royaume des Pays-Bas quant à la détermination des informations dont la demande de divulgation faisait l’objet du litige. À cet égard, elle a fait valoir qu’il n’apparaissait pas clairement dans les demandes initiale et confirmative que le Royaume des Pays-Bas sollicitait l’accès à des informations autres que celles spécifiées dans ces demandes.

20      Par la suite, les parties ont été convoquées à participer à une nouvelle audience, fixée au 29 avril 2013, à laquelle elles ont toutefois renoncé. La procédure orale a donc été clôturée le 17 avril 2013.

21      Le Royaume des Pays-Bas conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée pour autant qu’elle concerne tous les passages de la décision bitume qui sont encore confidentiels, à l’exception de ceux qui contiennent des informations obtenues en vertu de la communication sur la clémence ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume des Pays-Bas aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

23      Après l’adoption de la décision attaquée et le dépôt du mémoire en duplique, la Commission a publié la nouvelle version publique de la décision bitume. Celle-ci contient moins d’informations non divulguées que la version publique ayant fait l’objet du débat initial entre les parties, devant la Commission tout d’abord et devant le Tribunal ensuite, dans le cadre des mémoires des parties. Lors de l’audience, le Tribunal a estimé nécessaire de demander aux parties de préciser l’objet du litige à la suite de cette nouvelle version publique de la décision bitume. Le Royaume des Pays-Bas a répondu à cette demande dans ses observations du 24 janvier 2013 dans lesquelles il a identifié les passages dont il demandait désormais la divulgation en supprimant de sa demande les passages qui figuraient désormais dans la nouvelle version publique de la décision bitume. En outre, le Royaume des Pays-Bas a indiqué que les informations obtenues en vertu de la communication sur la clémence étaient exclues de sa demande d’accès (voir point 1 ci‑dessus).

24      Il convient de considérer que la demande d’annulation de la décision attaquée doit être analysée en fonction des précisions formulées par le Royaume des Pays-Bas dans ses observations du 24 janvier 2013.

 Sur le fond

25      Les arguments présentés par le Royaume des Pays-Bas à l’appui de son recours peuvent être regroupés en sept moyens. Les premier et deuxième moyens sont tirés, respectivement, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, ainsi que de l’obligation de motivation, en ce que la Commission a considéré que les informations visées au point 17, deuxième à huitième tiret, ci‑dessus (ci‑après les « informations litigieuses ») étaient couvertes par les exceptions au droit d’accès aux documents prévues par lesdites dispositions et qu’elle n’a pas expliqué la raison pour laquelle les notes en bas de page nos 7 à 12 de la décision bitume (point 17, premier tiret, ci‑dessus) n’avaient pas été communiquées. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 1049/2001, en ce qu’un intérêt public supérieur justifierait la divulgation des informations litigieuses. Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du même règlement, en ce que la Commission a considéré que l’information visée au point 17, huitième tiret, ci‑dessus était couverte par l’exception tirée de la protection de l’intégrité de l’individu. Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, ainsi que du principe de proportionnalité, en ce que la Commission n’a pas accordé un accès partiel aux informations litigieuses. Le sixième moyen est tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, en ce que l’application des exceptions visées par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001 n’était plus justifiée, eu égard à la période à laquelle se rapportaient les informations litigieuses. Enfin, le septième moyen est tiré de la violation de l’article 10 CE, au regard du principe de proportionnalité, en ce que la Commission n’a pas échangé ces informations avec le Royaume des Pays-Bas.

 Observations liminaires

26      Il convient de relever qu’une institution de l’Union peut prendre en compte de manière cumulative plusieurs motifs de refus visés à l’article 4 du règlement no 1049/2001 aux fins d’apprécier une demande d’accès à des documents qu’elle détient (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, points 113 et 114).

27      Or, comme il a été indiqué au point 7 ci-dessus, la Commission a considéré que les informations litigieuses étaient à la fois couvertes par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, relative à la protection des intérêts commerciaux, et par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du même règlement, relative à la protection des objectifs des activités d’enquête, d’inspection et d’audit des institutions de l’Union. Dès lors, afin de parvenir à démontrer que la décision attaquée est entachée d’une erreur susceptible de justifier son annulation par rapport à ces informations, le Royaume des Pays-Bas doit établir soit, dans le cadre des premier et deuxième moyens, que la Commission a commis une erreur en considérant qu’elle pouvait refuser leur accès en vertu de chacune de ces exceptions, soit, dans le cadre des troisième et cinquième à septième moyens, qu’un intérêt public supérieur, le temps écoulé ou l’obligation de la Commission de respecter l’article 10 CE ou le principe de proportionnalité justifiaient en tout état de cause leur divulgation, à tout le moins partielle, ou leur échange avec le Royaume des Pays-Bas.

28      Enfin, comme il a été indiqué au point 8 ci‑dessus, la Commission a considéré que les informations visées tant au point 4, huitième tiret, qu’au point 17, huitième tiret, ci‑dessus étaient également couvertes par l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu. Partant, afin de parvenir à démontrer que la décision attaquée est entachée d’une erreur susceptible de justifier son annulation s’agissant des informations en cause, le Royaume des Pays-Bas doit soit démontrer cumulativement que les premier, deuxième et quatrième moyens sont fondés, soit démontrer que l’un des troisième et cinquième à septième moyens est fondé.

29      Il convient d’examiner d’abord les premier et deuxième moyens ensemble.

 Sur les premier et deuxième moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, ainsi que de l’obligation de motivation, en ce que la Commission a considéré que les informations litigieuses étaient couvertes par les exceptions au droit d’accès aux documents prévues par ces dispositions et n’a pas expliqué la raison pour laquelle les notes en bas de page nos 7 à 12 de la décision bitume n’avaient pas été communiquées

30      La présente affaire concerne les rapports entre le règlement no 1049/2001 et une autre réglementation, à savoir le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 1, p. 1), qui régit un domaine spécifique du droit de l’Union. Ces deux règlements ont des objectifs différents. Le premier vise à assurer la plus grande transparence possible du processus décisionnel des autorités publiques, ainsi que des informations qui fondent leurs décisions. Il vise donc à faciliter au maximum l’exercice du droit d’accès aux documents des institutions ainsi qu’à promouvoir de bonnes pratiques administratives. Le second vise à assurer le respect du secret professionnel dans les procédures de répression des infractions au droit de la concurrence de l’Union (voir, par analogie, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, point 109).

31      Contrairement à l’affirmation du Royaume des Pays-Bas selon laquelle il ressort de l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 que, en cas de contradiction entre ce règlement et une autre règle du droit de l’Union, les dispositions dudit règlement prévalent, il y a lieu de relever que le règlement no 1049/2001 et le règlement no 1/2003 ne comportent pas de disposition prévoyant expressément la primauté de l’un sur l’autre. Dès lors, il convient d’assurer une application de chacun de ces règlements qui soit compatible avec celle de l’autre et en permette ainsi une application cohérente. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence de la Cour, même si le règlement no 1049/2001 vise à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible, ce droit est toutefois soumis, à la lumière du régime d’exceptions prévues à l’article 4 de ce règlement, à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (voir, par analogie, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, points 110 et 111).

32      Certes, le droit de consulter le dossier administratif dans le cadre d’une procédure visant à l’application de l’article 81 CE et le droit d’accès aux documents des institutions, en vertu du règlement no 1049/2001, se distinguent juridiquement, mais il n’en demeure pas moins qu’ils conduisent à une situation comparable d’un point de vue fonctionnel. En effet, indépendamment de la base juridique sur laquelle il est accordé, l’accès au dossier permet aux intéressés d’obtenir les observations et les documents présentés à la Commission (voir, par analogie, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, point 120).

33      En l’espèce, il y a lieu de considérer que les informations litigieuses relèvent d’une activité d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. En effet, ces informations ont été réunies par la Commission dans le cadre d’une enquête relative à l’application de l’article 81 CE, dont le but était de rassembler des informations et des preuves suffisantes pour réprimer des pratiques concrètes contraires à cette disposition.

34      En outre, eu égard à l’objectif d’une procédure visant à l’application de l’article 81 CE, qui consiste à vérifier si une ou plusieurs entreprises se sont engagées dans le cadre de comportements collusoires susceptibles d’affecter de manière significative la concurrence, la Commission recueille dans le cadre d’une telle procédure des informations commerciales sensibles, relatives aux stratégies commerciales des entreprises impliquées, aux montants de leurs ventes, à leurs parts de marché ou à leurs relations commerciales, de sorte que l’accès aux documents d’une telle procédure peut porter atteinte à la protection des intérêts commerciaux desdites entreprises. Dès lors, les exceptions relatives à la protection des intérêts commerciaux et à celle des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union sont, en l’espèce, étroitement liées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, point 115).

35      Certes, pour justifier le refus d’accès à un document, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité ou d’un intérêt mentionnés à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, l’institution concernée devant également expliquer comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à cet article. Toutefois, il est loisible à cette institution de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, point 116, et la jurisprudence citée).

36      En ce qui concerne les procédures de contrôle des aides d’État ainsi que les procédures en matière de contrôle des opérations de concentration entre entreprises, la Cour a considéré que de telles présomptions générales pouvaient résulter, respectivement, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), et du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (version rectifiée JO 1990, L 257, p. 13), qui réglementent spécifiquement les matières des aides étatiques et des opérations de concentration entre entreprises et qui contiennent des dispositions concernant l’accès à des informations et à des documents obtenus dans le cadre des procédures d’enquête et de contrôle relatives à une aide ou à une concentration entre entreprises (voir, en ce sens, arrêts Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 1 supra, points 55 à 57, et Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, points 117 et 118).

37      Or, il y a lieu de considérer que de telles présomptions générales sont également applicables, en ce qui concerne les procédures d’application de l’article 81 CE, en raison du fait que la réglementation qui régit cette procédure prévoit aussi des règles strictes quant au traitement des informations obtenues ou établies dans le cadre d’une telle procédure (voir, par analogie, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, point 118).

38      En effet, l’article 27, paragraphe 2, et l’article 28, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, ainsi que les articles 8 et 15 du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18), réglementent de manière restrictive l’usage des informations dans le cadre de la procédure relative à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 CE et 82 CE, en limitant l’accès au dossier aux parties auxquelles la Commission a adressé une communication des griefs et, éventuellement, aux plaignants, sous réserve de l’intérêt légitime des entreprises impliquées à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués, et en exigeant que les informations concernées ne soient utilisées qu’aux fins auxquelles elles ont été recueillies, et que les informations, qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, ne soient pas divulguées.

39      Dans ces conditions, d’une part, un accès généralisé, sur la base du règlement no 1049/2001, aux documents échangés, dans le cadre d’une procédure d’application de l’article 81 CE, entre la Commission et les parties concernées par cette procédure ou les tiers serait de nature à mettre en péril l’équilibre que le législateur de l’Union a voulu assurer, dans le règlement no 1/2003, entre l’obligation pour les entreprises concernées de communiquer à la Commission des informations commerciales éventuellement sensibles et la garantie de protection renforcée s’attachant, au titre du secret professionnel et du secret des affaires, aux informations ainsi transmises à la Commission (voir, par analogie, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, point 121).

40      D’autre part, si les personnes autres que celles habilitées à accéder au dossier par la réglementation relative à la procédure d’application de l’article 81 CE étaient en mesure d’obtenir l’accès aux documents se rapportant à une telle procédure sur le fondement du règlement no 1049/2001, le régime institué par cette réglementation serait mis en cause (voir, par analogie, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, point 122).

41      Par ailleurs, il convient de considérer, en ce qui concerne les informations réunies par la Commission dans le cadre des procédures d’application de l’article 81 CE, en vertu de la communication sur la clémence, que la divulgation de ces informations pourrait dissuader les demandeurs de clémence potentiels de faire des déclarations en vertu de cette communication. En effet, ils pourraient se retrouver dans une position moins favorable que celle d’autres entreprises ayant participé à l’entente et n’ayant pas collaboré à l’enquête ou ayant collaboré moins intensément.

42      Par conséquent, aux fins de l’interprétation des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, il y a lieu de reconnaître l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents recueillis par la Commission dans le cadre d’une procédure d’application de l’article 81 CE porterait, en principe, atteinte tant à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union qu’à celle des intérêts commerciaux des entreprises impliquées dans une telle procédure (voir, par analogie, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, point 123).

43      Compte tenu de la nature des intérêts protégés dans le cadre d’une procédure d’application de l’article 81 CE, force est de considérer que la conclusion tirée au point précédent s’impose indépendamment de la question de savoir si la demande d’accès concerne une procédure déjà clôturée ou une procédure pendante. En effet, la publication des informations sensibles concernant les activités économiques des entreprises impliquées est susceptible de porter atteinte à leurs intérêts commerciaux, indépendamment de l’existence d’une procédure d’application de l’article 81 CE en cours. En outre, la perspective d’une telle publication après la clôture de cette procédure risquerait de nuire à la disponibilité des entreprises à collaborer lorsqu’une telle procédure est pendante (voir, par analogie, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, point 124).

44      Il importe d’ailleurs de souligner que, aux termes de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, les exceptions concernant les intérêts commerciaux ou les documents sensibles peuvent s’appliquer pendant une période de trente ans, voire au-delà de cette période si nécessaire (arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, point 125).

45      Enfin, la présomption générale susvisée n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un document donné dont la divulgation est demandée n’est pas couvert par cette présomption ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ce document en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 (arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 2 supra, point 126).

46      C’est à la lumière de ce qui précède qu’il convient d’examiner les griefs invoqués en substance par le Royaume des Pays-Bas dans le cadre des présents moyens.

47      En premier lieu, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que la notion d’intérêts commerciaux au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 ne couvre que des intérêts commerciaux licites et légitimes, ce qui exclurait les intérêts commerciaux des participants à une entente ainsi que celui de ne pas faire l’objet d’une action en dommages et intérêts pour violation du droit de l’Union. Le Royaume des Pays-Bas ajoute que, en tout état de cause, dans ces conditions, d’une part, les intérêts de l’organisation de l’entente ne relèveraient pas de la protection des intérêts commerciaux et, d’autre part, aucun risque réel d’atteinte à des intérêts commerciaux n’existerait en l’espèce, dès lors que tous les fournisseurs de bitume participaient à l’entente et que la concurrence, en ce qui concerne ce marché, n’aurait pas été réelle pendant la durée de l’infraction en cause.

48      Sur ce point, il convient de relever, tout d’abord, que, comme la Commission le fait valoir à juste titre, ni le règlement no 1049/2001 ni le règlement no 1/2003 ne disposent que la participation d’une entreprise à une infraction aux règles de concurrence empêche la Commission d’invoquer la protection des intérêts commerciaux de cette entreprise pour refuser l’accès à des informations et des documents relatifs à l’infraction concernée.

49      Bien au contraire, le fait que l’article 28, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003 prévoit que les informations réunies en application des articles 17 à 22 dudit règlement ne peuvent être utilisées qu’aux fins auxquelles elles ont été recueillies et que la Commission et les autorités de concurrence des États membres, leurs fonctionnaires, agents et les autres personnes travaillant sous la supervision de ces autorités, ainsi que les agents et fonctionnaires d’autres autorités des États membres sont tenus de ne pas divulguer les informations qu’ils ont recueillies ou échangées en application dudit règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, montre que, en principe, les informations relatives à l’infraction en cause peuvent, voire doivent, être considérées comme confidentielles.

50      Cette conclusion se voit par ailleurs confirmée par le fait que le droit d’accès au dossier de la Commission des entreprises destinataires d’une communication des griefs est, en vertu de l’article 27, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, limité par l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués et ne s’étend pas aux informations de nature confidentielle. Cela signifie que le législateur de l’Union a décidé d’octroyer une certaine protection aux intérêts commerciaux des entreprises faisant l’objet d’une procédure en matière d’application de l’article 81 CE, de même que de l’article 82 CE, et ce même dans la situation où cet intérêt pourrait être partiellement en conflit avec les droits de la défense de ces entreprises.

51      Ensuite, il y a certes lieu de relever que, comme le Royaume des Pays-Bas le fait valoir, le Tribunal a considéré que l’intérêt d’une entreprise, à laquelle la Commission a infligé une amende pour violation du droit de la concurrence, à ce que les détails du comportement infractionnel qui lui est reproché ne soient pas divulgués au public ne mérite aucune protection particulière, compte tenu de l’intérêt du public de connaître le plus amplement possible les motifs de toute action de la Commission, de l’intérêt des opérateurs économiques de savoir quels sont les comportements susceptibles de les exposer à des sanctions et de l’intérêt des personnes lésées par l’infraction d’en connaître les détails afin de pouvoir faire valoir, le cas échéant, leurs droits à l’encontre des entreprises sanctionnées et vu la possibilité dont dispose cette entreprise de soumettre une telle décision à un contrôle juridictionnel (arrêt du Tribunal du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, Rec. p. II‑4225, point 72).

52      Toutefois, le Tribunal a également souligné la nécessité de respecter la réputation et la dignité des entreprises concernées tant que celles-ci n’avaient pas été condamnées définitivement et a donc considéré que, dans certaines situations, les constatations de la Commission relatives à une infraction commise par une entreprise devaient être considérées comme étant confidentielles vis-à-vis du public et, partant, comme étant couvertes, par nature, par le secret professionnel (arrêt Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, point 5 supra, point 78). Or, il y a lieu de relever que, lorsque la demande d’accès aux informations litigieuses a été formulée, plusieurs procédures juridictionnelles relatives à des recours en annulation à l’encontre de la décision bitume étaient en cours devant le Tribunal (affaires ayant donné lieu à l’ordonnance du Tribunal du 4 juillet 2008, Wegenbouwmaatschappij J. Heijmans/Commission, T‑358/06, non publiée au Recueil ; aux arrêts du Tribunal du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06 ; Total/Commission, T‑344/06 ; Nynäs Petroleum et Nynas Belgium/Commission, T‑347/06 ; Total Nederland/Commission, T‑348/06 ; Dura Vermeer Groep/Commission, T‑351/06 ; Dura Vermeer Infra/Commission, T‑352/06 ; Vermeer Infrastructuur/Commission, T‑353/06 ; BAM NBM Wegenbouw et HBG Civiel/Commission, T‑354/06 ; Koninklijke BAM Groep/Commission, T‑355/06 ; Koninklijke Volker Wessels Stevin/Commission, T‑356/06 ; Koninklijke Wegenbouw Stevin/Commission, T‑357/06 ; Heijmans Infrastructuur/Commission, T‑359/06 ; Heijmans/Commission, T‑360/06 ; Ballast Nedam/Commission, T‑361/06 ; Ballast Nedam Infra/Commission, T‑362/06, et Kuwait Petroleum e.a./Commission, T‑370/06), les entreprises visées par cette décision ne pouvant pas être considérées comme étant condamnées définitivement.

53      Par ailleurs, au regard de la jurisprudence visée au point 5 ci‑dessus, il n’y a pas lieu de considérer que toute information relative aux détails d’un comportement infractionnel devrait être considérée comme n’étant pas de nature confidentielle vis-à-vis du public. Cette jurisprudence doit être interprétée au regard des objectifs légitimes de la Commission de divulguer et d’utiliser des informations nécessaires pour apporter la preuve d’une infraction, conformément à la dernière phrase de l’article 27, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, ainsi que des intérêts du public de comprendre les motifs ayant amené la Commission à adopter sa décision. Ces intérêts comprennent ceux des opérateurs économiques et des victimes éventuelles de l’infraction de connaître, respectivement, les comportements que la Commission a considérés comme étant interdits et les détails nécessaires pour demander une réparation devant le juge national aux entreprises responsables.

54      Or, en l’espèce, le Royaume des Pays-Bas ne fait pas valoir que la version publique de la décision bitume ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a adopté cette décision. Le Royaume des Pays-Bas n’allègue pas non plus que les opérateurs économiques ne seraient pas en mesure de déterminer, à partir de la lecture de cette version, le comportement que les entreprises concernées par la décision bitume ont mis en œuvre en violation des règles de concurrence de l’Union et qui a donné lieu à l’imposition de sanctions.

55      Quant aux intérêts des victimes éventuelles de l’infraction visée par la décision bitume, la version publique de celle-ci permet d’identifier les entreprises responsables, la nature et la durée de l’infraction, ainsi qu’un grand nombre d’éléments permettant de comprendre l’essentiel de son fonctionnement. La lecture de cette version permet donc aux personnes s’estimant lésées par l’entente de saisir le juge national compétent.

56      À cet égard, il y a lieu de signaler qu’une règle selon laquelle tout document relevant d’une procédure en matière de concurrence devrait être communiqué à un demandeur au seul motif que ce dernier envisage d’introduire une action en réparation ne serait pas nécessaire aux fins d’assurer une protection effective du droit à réparation dont bénéficie ledit demandeur, dans la mesure où il est peu probable que l’action en réparation doive se fonder sur l’intégralité des éléments figurant dans le dossier afférent à cette procédure. Ensuite, cette règle pourrait conduire à la violation d’autres droits que le droit de l’Union confère, notamment, aux entreprises concernées, tels que le droit à la protection du secret professionnel ou du secret des affaires, ou aux particuliers concernés, tels que le droit à la protection des données personnelles. Enfin, un tel accès généralisé serait également susceptible de porter préjudice à des intérêts publics, tels que l’efficacité de la politique de répression des violations du droit de la concurrence, en ce qu’il pourrait dissuader les personnes impliquées dans une violation des articles 81 CE et 82 CE de coopérer avec les autorités de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juin 2011, Pfleiderer C‑360/09, Rec. p. I‑5161, point 27).

57      Enfin, il y a lieu de rappeler que la décision bitume n’était pas définitive lors de l’adoption de la décision attaquée, alors que le grief du Royaume des Pays-Bas est fondé, en substance, sur l’existence d’une infraction confirmée qui justifierait, de la part des entreprises concernées, la perte de tout intérêt commercial digne de protection en ce qui concerne cette infraction.

58      Il découle de ce qui précède que le présent grief doit être rejeté.

59      En deuxième lieu, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que sa demande d’accès à la version confidentielle de la décision bitume ne concernait pas les documents sur lesquels celle-ci était fondée, mais uniquement les passages confidentiels rédigés par la Commission elle‑même à partir de ces documents. Selon le Royaume des Pays-Bas, les passages ne pouvant pas être considérés comme étant des informations fournies par une partie spécifique ou encore les informations relatives au fonctionnement de l’entente ne devraient pas bénéficier de l’exception relative à la protection des activités d’enquête.

60      À cet égard, il convient de relever tout d’abord que, comme la Commission le fait valoir en substance, le fait que la demande d’accès du Royaume des Pays-Bas ne concerne pas les documents réunis par la Commission au cours de son enquête, mais certains passages de la décision bitume rédigés sur la base de ces documents, n’exclut pas l’application à ces passages de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, relative à la protection des objectifs des activités d’enquête. En effet, cette disposition serait privée de tout effet utile si son application était circonscrite aux documents réunis dans le cadre d’une enquête effectuée par une institution de l’Union et ne pouvait pas être utilisée pour refuser l’accès aux parties des documents rédigés subséquemment par cette institution et contenant les informations provenant des documents protégés.

61      Ensuite, il y a lieu de rejeter l’allégation du Royaume des Pays-Bas selon laquelle les informations relatives au fonctionnement de l’entente ne devraient pas bénéficier de l’exception relative à la protection des activités d’enquête, compte tenu, d’une part, du fait que cette allégation n’est nullement étayée et, d’autre part, des développements contenus aux points 4 à 56 ci‑dessus.

62      Le présent grief doit, partant, être rejeté.

63      En troisième lieu, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que l’exception relative à la protection des activités d’enquête s’applique uniquement pendant la période où l’enquête est en cours, alors que sa demande d’accès a été formulée après l’adoption de la décision bitume.

64      Ce grief ne saurait être retenu, compte tenu des observations effectuées au point 4 ci‑dessus. Par ailleurs, comme la Commission le fait valoir à juste titre, l’enquête ayant abouti à l’adoption de la décision bitume ne pouvait pas être considérée comme étant définitivement close lors de l’adoption de la décision attaquée, dans la mesure où, comme il a été indiqué au point 5 ci-dessus, plusieurs procédures juridictionnelles devant le Tribunal étaient en cours lorsque la demande d’accès aux informations litigieuses a été formulée. Dès lors, la Commission aurait pu, en fonction de l’issue de ces procédures juridictionnelles, être amenée à reprendre ses activités aux fins de l’adoption éventuelle d’une nouvelle décision relative aux infractions à l’article 81 CE visées par la décision bitume.

65      Le présent grief doit donc être également rejeté.

66      En quatrième lieu, le Royaume des Pays-Bas fait valoir, en substance, que, en appliquant à toutes les informations litigieuses aussi bien l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, relative à la protection des intérêts commerciaux, que celle prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret du règlement no 1049/2001, relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union la Commission n’a pas motivé spécifiquement le caractère confidentiel de chacune des informations en cause, alors qu’elles étaient distinctes. Selon le Royaume des Pays-Bas, la Commission aurait dû, conformément à la jurisprudence, indiquer précisément, à la suite d’une analyse individuelle, la nature de chaque information dont la divulgation a été refusée, ainsi que les raisons du refus.

67      À cet égard, il y a lieu de relever que les informations litigieuses ont été réunies dans le cadre de l’enquête de la Commission ayant abouti à l’adoption de la décision bitume, laquelle, comme il a été indiqué au point 6 ci‑dessus, ne pouvait pas être considérée comme étant définitivement close lors de l’adoption de la décision attaquée. Ces informations portent sur des détails de l’organisation et du fonctionnement de l’entente visée par la décision bitume, sur l’implication concrète des entreprises ayant participé à cette infraction à l’article 81 CE ainsi que sur l’implication personnelle des employés de celles‑ci et, enfin, sur les conditions des marchés concernés. La lecture de la version publique de la décision bitume montre que la décision de la Commission de maintenir ces informations confidentielles ressort d’une analyse individuelle de celles-ci. En effet, les informations considérées comme confidentielles dans cette version ont été occultées de manière ponctuelle dans le texte de celle-ci. Or, la version publique de la décision bitume permet de comprendre avec un niveau de précision suffisant les motifs ayant amené la Commission à refuser la divulgation des informations occultées.

68      Dans ce contexte, eu égard à ce qui a été indiqué aux points 3 à 45 ci‑dessus, la Commission pouvait considérer que les informations litigieuses étaient couvertes par la présomption générale selon laquelle la divulgation des documents recueillis par la Commission dans le cadre d’une procédure d’application de l’article 81 CE porterait, en principe, atteinte tant à la protection des objectifs des activités d’enquête qu’à celle des intérêts commerciaux des entreprises impliquées dans une telle procédure.

69      La motivation de la décision attaquée, qui repose en substance sur une telle présomption, comme les parties l’admettent, doit, partant, être considérée comme suffisante.

70      Le présent grief doit, dès lors, être rejeté.

71      Enfin, en cinquième lieu, le Royaume des Pays-Bas fait valoir que la Commission n’a pas motivé le refus d’accès aux notes en bas de page nos 7 à 12, rattachées aux considérants 4 à 6 de la décision bitume, et donc aux informations visées au point 17, premier tiret, ci‑dessus.

72      À cet égard, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas indiqué les motifs pour lesquels ces notes en bas de page n’ont pas été divulguées. Toutefois, comme la Commission le fait valoir à juste titre, même si la demande confirmative visait les considérants 4 à 6 de la version confidentielle de la décision bitume, auxquels ces notes en bas de page étaient rattachées, elle ne mentionnait pas lesdites notes en bas de page. Or, lorsque, dans la demande confirmative, le Royaume des Pays-Bas a considéré que des notes en bas de pages relatives à un passage de la décision bitume devaient être divulguées, il les a mentionnées expressément. Ainsi, il a demandé spécifiquement à avoir accès aux notes en bas de page nos 340, 341, 343, 344, 345 à 349, 371 à 376, 489 et 519 à 521 de la décision bitume. Il y a donc lieu de considérer que la Commission pouvait comprendre, à la lecture de la demande confirmative, que celle-ci ne portait pas sur les notes en bas de page nos 7 à 12 de la décision bitume, de sorte que la décision attaquée ne devait pas contenir nécessairement une motivation quant au choix de ne pas divulguer ces notes en bas de page.

73      Le présent grief doit, partant, être également rejeté.

74      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que les premier et deuxième moyens doivent être rejetés.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 1049/2001, en ce qu’un intérêt public supérieur justifierait la divulgation des informations litigieuses

75      Il ressort de l’article 4, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 1049/2001, que les institutions de l’Union ne refusent pas l’accès à un document, lorsque sa divulgation est justifiée par un intérêt public supérieur, même si celle-ci pourrait porter atteinte, comme en l’espèce, à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée ou à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union.

76      Comme il a été indiqué au point 7 ci‑dessus, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que la demande confirmative ne contenait pas d’arguments susceptibles de démontrer l’existence d’un tel intérêt public supérieur, dans la mesure où l’argument invoqué par le Royaume des Pays-Bas à cet égard, tiré de l’utilité de la version confidentielle de la décision bitume pour préparer une action en responsabilité à l’encontre des entreprises concernées par cette décision, était de nature privée.

77      Le Royaume des Pays-Bas fait valoir que cette conclusion est erronée. Il soutient que les actions civiles jouent un rôle important dans l’application des articles 81 CE et 82 CE et rappelle qu’il n’est pas une partie privée, mais un État membre qui, chargé de gérer le Trésor public néerlandais et de servir les intérêts financiers de l’État, s’efforce d’obtenir réparation des pertes subies. Enfin, la voie de l’action privée en dommages et intérêts serait la seule possibilité qui s’offre au Royaume des Pays-Bas afin de faire respecter le droit de l’Union dans l’ordre juridique interne dans le cadre de l’exécution du devoir de collaboration lui incombant au titre de l’article 10 CE.

78      La Commission conteste ces arguments.

79      Il y a lieu de relever que toute personne est en droit de demander réparation du préjudice que lui aurait causé un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence (arrêts de la Cour du 20 septembre 2001, Courage et Crehan, C‑453/99, Rec. p. I‑6297, points 24 et 26 ; du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., C‑295/04 à C‑298/04, Rec. p. I‑6619, points 59 et 61, et Pfleiderer, point 5 supra, point 28). Un tel droit renforce, en effet, le caractère opérationnel des règles de concurrence de l’Union et est de nature à décourager les accords ou les pratiques, souvent dissimulés, susceptibles de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Dans cette perspective, les actions en dommages et intérêts, devant les juridictions nationales, sont susceptibles de contribuer substantiellement au maintien d’une concurrence effective dans l’Union (arrêts Courage et Crehan, précité, point 27, et Pfleiderer, point 5 supra, point 29).

80      Toutefois, il ressort de la jurisprudence, d’une part, que la question de savoir si une personne a besoin d’un document pour préparer un recours d’annulation relève de l’examen de ce recours et, d’autre part, que même à supposer que ce besoin soit avéré, cela n’est pas pris en considération pour apprécier la balance des intérêts visée par l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 en ce qui concerne une demande d’accès au document (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec. p. II‑1429, point 55).

81      Il y a lieu de considérer que la jurisprudence citée au point précédent est également applicable en ce qui concerne les demandes d’accès aux documents et informations effectuées en vertu du règlement no 1049/2001, lesquels documents et informations pourraient s’avérer utiles en vue d’une action en dommages et intérêts.

82      En effet, d’une part, il appartient au juge national compétent saisi d’une action en dommages et intérêts d’arbitrer les mécanismes de production de preuves et de documents appropriés, en vertu du droit applicable, afin de résoudre le litige.

83      Dans ce contexte, le juge national peut demander à la Commission la collaboration qu’il estime utile, y compris en ce qui concerne la production d’informations et de documents. Ainsi, aux termes de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, dans les procédures d’application de l’article 81 CE ou 82 CE, les juridictions des États membres peuvent demander à la Commission de leur communiquer des informations en sa possession ou un avis au sujet de questions relatives à l’application des règles de concurrence de l’Union.

84      D’autre part, l’intérêt tiré de la possibilité d’obtenir une réparation pour un dommage subi du fait d’une infraction au droit de la concurrence de l’Union doit être considéré comme un intérêt privé, ainsi que la Commission l’a indiqué dans la décision attaquée, malgré l’importance de la contribution éventuelle des actions en dommages et intérêts au maintien d’une concurrence effective dans l’Union. À cet égard, il convient d’observer que l’intérêt public à ce que le droit de la concurrence soit appliqué à l’entente concernant le marché du bitume routier aux Pays-Bas a déjà été poursuivi par la Commission lorsqu’elle a adopté la décision bitume à cette fin.

85      Cette conclusion ne saurait être infirmée en raison du fait que le Royaume des Pays-Bas est un État membre.

86      En effet, c’est le Royaume des Pays-Bas lui-même qui a choisi de demander à avoir accès aux informations litigieuses en vertu du règlement no 1049/2001. Or, ce règlement confère, aux termes de son article 2, paragraphe 1, un droit d’accès aux documents des institutions à tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre, sans pour autant établir des règles différenciées en ce qui concerne l’accès selon la nature de ces demandeurs.

87      Il convient donc de rejeter le présent moyen.

88      Dans la mesure où, d’une part, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que les informations visées au point 17, huitième tiret, ci‑dessus, étaient couvertes par les exceptions au droit d’accès aux documents visées par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, relatives, respectivement, à la protection des intérêts commerciaux des entreprises et à la protection des activités d’enquête, et, d’autre part, les trois moyens précédents, dans le cadre desquels la requérante a fait valoir en substance que l’application de ces exceptions en l’espèce était entachée d’erreurs, ont été rejetés, il n’est pas besoin d’examiner le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, en ce que la Commission a considéré que l’information visée au point 17, huitième tiret, ci-dessus était couverte par l’exception tirée de la protection de l’intégrité de l’individu.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, ainsi que du principe de proportionnalité, en ce que la Commission n’a pas accordé un accès partiel aux informations litigieuses

89      Le Royaume des Pays-Bas soutient que, à supposer que certains éléments de la décision bitume relèvent effectivement des exceptions au droit d’accès, les autres parties de ladite décision devraient néanmoins être divulguées en vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001. Par ailleurs, en vertu du principe de proportionnalité, la Commission aurait dû examiner s’il existait des mesures moins lourdes que le rejet de la demande d’accès. L’utilisation de fourchettes concernant la valeur des ventes et des parts de marché, par exemple, aurait permis la divulgation d’une partie des informations demandées.

90      La Commission conteste les arguments du Royaume des Pays-Bas.

91      Conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions visées audit article, les autres parties du document sont divulguées. Selon la jurisprudence de la Cour, l’examen de l’accès partiel à un document des institutions de l’Union doit être réalisé au regard du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala, C‑353/99 P, Rec. p. I‑9565, points 27 et 28).

92      Il résulte des termes mêmes de la disposition visée au point précédent qu’une institution est tenue d’examiner s’il convient d’accorder un accès partiel aux documents visés par une demande d’accès en limitant un refus éventuel aux seules données couvertes par les exceptions visées par l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001. L’institution doit accorder un tel accès partiel si le but poursuivi par cette institution, lorsqu’elle refuse l’accès au document, peut être atteint dans l’hypothèse où cette institution se limiterait à occulter les passages qui peuvent porter atteinte à l’intérêt public protégé (arrêt du Tribunal du 25 avril 2007, WWF European Policy Programme/Conseil, T‑264/04, Rec. p. II‑911, point 50, et voir, en ce sens, arrêt Conseil/Hautala, point 9 supra, point 29).

93      Or, il y a lieu de relever, d’une part, que, en l’espèce, en publiant la version publique de la décision bitume, la Commission a précisément accordé un accès partiel à cette décision, refusant l’accès ultérieurement demandé par le Royaume des Pays-Bas aux seules parties de la décision bitume que, tel qu’il ressort de l’ensemble d’observations effectuées ci‑dessus, elle pouvait à bon droit considérer comme étant couvertes par les exceptions visées par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, relatives à la protection, respectivement, des intérêts commerciaux des personnes physiques ou morales et des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union.

94      D’autre part, il y a lieu de considérer que l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 n’exige pas, contrairement à ce que le Royaume des Pays-Bas fait valoir en substance, que les institutions de l’Union saisies d’une demande d’accès à des documents remplacent les parties des documents dont la divulgation est légitimement refusée, en vertu des exceptions prévues par ce règlement, par des fourchettes lorsqu’il s’agit de données chiffrées.

95      Il convient donc de rejeter le présent moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, en ce que l’application des exceptions visées par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001 n’était plus justifiée, eu égard de la période à laquelle se rapportaient les informations litigieuses

96      L’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001 dispose :

« Les exceptions visées aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. Les exceptions peuvent s’appliquer pendant une période maximale de trente ans. Dans le cas de documents relevant des exceptions concernant la vie privée ou les intérêts commerciaux et de documents sensibles, les exceptions peuvent, si nécessaire, continuer de s’appliquer au-delà de cette période. »

97      Le Royaume des Pays-Bas fait valoir que la Commission n’a pas examiné si l’application des exceptions prévues par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001 était toujours justifiée eu égard à l’ancienneté des informations litigieuses, qui dateraient de six à quatorze ans et auraient trait à des agissements prohibés et n’ayant, a priori, plus lieu aujourd’hui.

98      La Commission conteste l’argument du Royaume des Pays-Bas.

99      À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001 et ainsi qu’il a été souligné par la jurisprudence (voir point 4 ci‑dessus), les exceptions visées par cette disposition peuvent s’appliquer pendant une période de 30 ans, voire au-delà de cette période si nécessaire, en ce qui concerne notamment l’exception tirée de la protection des intérêts commerciaux.

100    En l’espèce, une partie des informations litigieuses a été obtenue à partir de documents qui peuvent remonter au début des années 1990. Toutefois, toutes ces informations ont une ancienneté inférieure à 30 ans et font partie d’une décision de la Commission adoptée moins de deux ans avant l’introduction du présent recours. Par ailleurs, comme il a été indiqué au point 6 ci‑dessus, l’enquête ayant abouti à l’adoption de la décision bitume ne pouvait pas être considérée comme étant définitivement close lors de l’adoption de la décision attaquée. Enfin, le Royaume des Pays-Bas ne conteste pas de façon motivée l’affirmation de la Commission selon laquelle les marchés concernés par la décision bitume aux Pays-Bas étaient caractérisés par une grande stabilité. Dès lors, des informations, même relativement anciennes, pouvaient conserver une importance commerciale.

101    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’article 10 CE, au regard du principe de proportionnalité

102    Selon le Royaume des Pays-Bas, l’application du règlement no 1049/2001 ne doit pas être contraire au droit primaire, ni aux principes généraux du droit de l’Union. En vertu de l’article 10 CE, les États membres et les institutions auraient des devoirs réciproques de coopération loyale. Le principe de proportionnalité jouerait dans ce cas un rôle, car l’article 10 CE laisserait subsister la possibilité d’échanger des informations, un tel procédé allant moins loin que la divulgation, mais pouvant néanmoins concerner des informations qui n’ont pas été portées à la connaissance du public.

103    Selon la Commission, le Royaume des Pays-Bas a explicitement et exclusivement fondé sa demande d’accès à la décision bitume sur le règlement no 1049/2001 et n’a pas présenté une demande d’informations dans le cadre de l’article 10 CE. En ce qui concerne le bien‑fondé de la décision attaquée, il s’agirait uniquement de déterminer si la Commission a correctement appliqué les dispositions du règlement no 1049/2001. Ce moyen serait donc irrecevable.

104    À supposer que ce moyen soit recevable, en l’espèce, il ne s’agirait pas, selon la Commission, d’informations dont le Royaume des Pays-Bas a besoin pour remplir ses obligations découlant du droit de l’Union, mais d’informations que cet État souhaite obtenir afin de préparer une action privée en dommages et intérêts devant le juge civil. L’article 10 CE ne devrait donc pas autoriser l’accès à ces informations. Si la demande de dommages et intérêts au niveau national est considérée comme contribuant à la mise en œuvre des articles 81 CE et 82 CE, dans ce cas la Commission considère que la confidentialité des informations sollicitées ne pourrait être garantie et que cette demande pourrait donc être rejetée.

105    L’article 10 CE dispose :

« Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de [l’Union]. Ils facilitent à celle-ci l’accomplissement de sa mission.

Ils s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité. »

106    Cet article pose une obligation de coopération loyale s’appliquant tant aux États membres qu’aux institutions de l’Union. Ceux-ci doivent rechercher à établir un dialogue constructif facilitant notamment la mise œuvre du droit de l’Union dans le cadre de la répartition des compétences établie par les traités.

107    Toutefois, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du présent moyen, il y a lieu de relever que, comme il a été indiqué au point 8 ci‑dessus, le Royaume des Pays-Bas a fait le choix de présenter une demande d’accès aux passages confidentiels de la décision bitume dans le cadre du règlement no 1049/2001. Le choix de cette procédure lie tant le Royaume des Pays-Bas que la Commission, les deux parties étant obligées de se soumettre aux contraintes posées par ce règlement. La Commission ne pouvait donc se soustraire ni à la procédure ni aux possibilités d’exception au droit d’accès prévues par ledit règlement du simple fait que la demande était présentée par un État membre. En effet, le règlement no 1049/2001 ne confère aucun statut particulier à un État membre demandeur d’accès, qui doit donc se soumettre aux mêmes limites prévues par le règlement que les autres demandeurs. L’application automatique de l’obligation de coopération loyale dans ce contexte aboutirait à accorder aux États membres un statut particulier qui n’a pas été envisagé par le législateur de l’Union lors de la rédaction des divers actes législatifs en cause.

108    Le moyen tiré de la violation de l’article 10 CE doit donc être rejeté et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

109    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume des Pays-Bas ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Kanninen

Soldevila Fragoso

Berardis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


En fait

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur l’objet du litige

Sur le fond

Observations liminaires

Sur les premier et deuxième moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, ainsi que de l’obligation de motivation, en ce que la Commission a considéré que les informations litigieuses étaient couvertes par les exceptions au droit d’accès aux documents prévues par ces dispositions et n’a pas expliqué la raison pour laquelle les notes en bas de page nos 7 à 12 de la décision bitume n’avaient pas été communiquées

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 1049/2001, en ce qu’un intérêt public supérieur justifierait la divulgation des informations litigieuses

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, ainsi que du principe de proportionnalité, en ce que la Commission n’a pas accordé un accès partiel aux informations litigieuses

Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, en ce que l’application des exceptions visées par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001 n’était plus justifiée, eu égard de la période à laquelle se rapportaient les informations litigieuses

Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’article 10 CE, au regard du principe de proportionnalité

Sur les dépens


* Langue de procédure : le néerlandais.