Language of document : ECLI:EU:T:2016:689

Affaire T720/14

Arkady Romanovich Rotenberg

contre

Conseil de l’Union européenne

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’Ukraine – Gel des fonds – Restrictions en matière d’admission aux territoires des États membres – Personne physique soutenant activement ou mettant en œuvre des actions compromettant ou menaçant l’Ukraine – Personne physique tirant avantage des décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée – Droits de la défense – Obligation de motivation – Erreurs manifestes d’appréciation – Droit de propriété – Liberté d’entreprise – Droit au respect de la vie privée – Proportionnalité »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (neuvième chambre) du 30 novembre 2016

1.      Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds – Obligation de communiquer la motivation à l’intéressé en même temps que l’adoption de l’acte lui faisant grief ou aussitôt après – Régularisation d’un défaut de motivation au cours de la procédure contentieuse – Inadmissibilité

(Art. 296 TFUE ; décisions du Conseil 2014/145/PESC et 2014/508/PESC ; règlements du Conseil no 269/2014 et no 826/2014)

2.      Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds – Obligation de communiquer la motivation à l’intéressé en même temps que l’adoption de l’acte lui faisant grief ou aussitôt après – Limites – Sûreté de l’Union et des États membres ou conduite de leurs relations internationales – Décision s’inscrivant dans un contexte connu de l’intéressé lui permettant de comprendre la portée de la mesure prise à son égard – Admissibilité d’une motivation sommaire

(Art. 296 TFUE ; décisions du Conseil 2014/145/PESC et 2014/508/PESC ; règlements du Conseil no 269/2014 et no 826/2014)

3.      Recours en annulation – Moyens – Défaut ou insuffisance de motivation – Moyen distinct de celui portant sur la légalité au fond

(Art. 263 TFUE et 296 TFUE)

4.      Union européenne – Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Portée du contrôle – Preuve du bien-fondé de la mesure – Obligation de l’autorité compétente de l’Union d’établir, en cas de contestation, le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre des personnes ou des entités concernées

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47 ; décisions du Conseil 2014/145/PESC et 2014/508/PESC ; règlements du Conseil no 269/2014 et no 826/2014)

5.      Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Critères d’adoption des mesures restrictives – Apport d’un soutien matériel ou financier actif aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’est de l’Ukraine – Avantage tiré de ces décideurs – Notion – Nécessité d’établir un lien entre les avantages obtenus et l’annexion de la Crimée ou la déstabilisation de l’est de l’Ukraine – Absence

(Décisions du Conseil 2014/145/PESC et 2014/508/PESC ; règlements du Conseil no 269/2014 et no 826/2014)

6.      Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Critères d’adoption des mesures restrictives – Personnes responsables d’actions ou de politiques compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Notion – Propriétaire de la société responsable de la construction d’un pont entre la Russie et la Crimée – Responsable d’une campagne destinée à persuader les enfants de Crimée de leur citoyenneté russe – Inclusion

(Décisions du Conseil 2014/145/PESC, 2015/432/PESC, 2015/1524/PESC et 2016/359/PESC ; règlements du Conseil no 269/2014, no 2015/427, no 2015/1514, no 2016/353)

7.      Droit de l’Union européenne – Principes – Droits de la défense – Droit d’être entendu – Droit à un recours équitable et à une protection juridictionnelle effective – Gel des fonds de certaines personnes et entités au regard de la situation en Ukraine – Absence de communication des éléments à charge et absence d’audition desdites personnes et entités – Admissibilité – Décision subséquente ayant maintenu le nom du requérant dans la liste des personnes visées par ces mesures – Violation du droit d’être entendu – Absence

[Art. 6, § 1, TUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 41, § 2, a), et 47 ; décisions du Conseil 2014/145/PESC, 2015/432/PESC, 2015/1524/PESC et 2016/359/PESC ; règlements du Conseil no 269/2014, no 2015/427, no 2015/1514, no 2016/353]

8.      Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds de certaines personnes et entités au regard de la situation en Ukraine – Restriction au droit au respect de la vie privée et familiale, au droit de propriété et à la liberté d’entreprise – Violation du principe de proportionnalité – Absence

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 7, 16 et 17 ; décisions du Conseil 2015/432/PESC, 2015/1524/PESC et 2016/359/PESC ; règlements du Conseil no 427/2015, no 1514/2015 et no 353/2016)

1.      Voir le texte de la décision.

(voir point 47)

2.      Voir le texte de la décision.

(voir points 48, 49)

3.      Voir le texte de la décision.

(voir point 58)

4.      Voir le texte de la décision.

(voir points 70-72, 116)

5.      Dans le cadre d’un recours visant à l’annulation partielle de certaines mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales dont les actions compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, introduit par une personne physique considérée, par le Conseil, comme une personne apportant un soutien matériel ou financier actif aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’est de l’Ukraine, ou tirant avantage de ces décideurs, ce critère d’inscription de ladite personne sur les listes des personnes et entités visées par les mesures restrictives n’exige pas que les personnes ou entités concernées tirent personnellement avantage de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’est de l’Ukraine. Il suffit qu’elles tirent avantage d’un des « décideurs russes » responsables de ces événements, sans qu’il soit nécessaire d’établir un lien entre les avantages dont bénéficient les personnes désignées et l’annexion de la Crimée ou la déstabilisation de l’est de l’Ukraine.

Par ailleurs, pour que ledit critère puisse s’appliquer, il est nécessaire que les décideurs russes à l’origine des avantages dont bénéficient les personnes visées aient déjà à tout le moins entamé la préparation de l’annexion de la Crimée et la déstabilisation de l’est de l’Ukraine. C’est lorsque cette condition est remplie qu’il doit être considéré que les bénéficiaires desdits avantages ne peuvent pas ignorer l’implication de ces décideurs dans cette préparation et peuvent s’attendre à ce que leurs ressources, obtenues au moins en partie grâce auxdits avantages, soient visées par des mesures restrictives, dans le but d’empêcher qu’ils puissent apporter un soutien aux décideurs en question.

En revanche, si ledit critère pouvait s’appliquer même lorsque la condition susmentionnée n’était pas satisfaite, il serait porté atteinte au principe de sécurité juridique.

(voir points 87, 91, 92)

6.      Dans le cadre d’un recours visant à l’annulation partielle de certaines mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales dont les actions compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, introduit par le propriétaire de la société qui s’est vu attribuer un marché public en vue de la construction d’un pont entre la Russie et la République autonome de Crimée annexée illégalement, étant donné que le pont permettra un accès direct à la Crimée depuis la Russie et facilitera ainsi les échanges entre la Russie et la Crimée, non seulement dans le domaine des biens et des services, mais également du point de vue militaire, le Conseil pouvait à juste titre considérer que, au vu de l’évolution politique et militaire dans la région, qui a été marquée par les actions de la Russie ayant conduit à la tenue d’un prétendu référendum sur le statut de la Crimée, puis à la reconnaissance par la Russie des résultats de ce référendum et à l’annexion illégale de la Crimée, la construction du pont en cause consoliderait l’intégration de la Crimée dans la Russie, en compromettant davantage l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

Par ailleurs, le projet, mis en place, notamment par la personne précitée, à la suite d’ordres émanant du président de la Russie et dans le cadre de l’alignement de la Crimée sur les normes scolaires russes, consistant en une campagne de relations publiques qui est destinée à persuader les enfants de Crimée qu’ils sont de citoyens russes vivant en Russie, soutient la politique du gouvernement russe visant à intégrer la Crimée dans la Russie et contribue partant à compromettre davantage l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

(voir points 118, 121, 128, 129)

7.      Voir le texte de la décision.

(voir points 143-146, 150-159, 161, 162)

8.      Voir le texte de la décision.

(voir points 166-186)