Language of document : ECLI:EU:C:2012:828

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

19 décembre 2012 (*)

«Pourvoi – Concurrence – Entente – Marché néerlandais de la bière – Décision de la Commission constatant une infraction à l’article 81 CE – Amendes – Durée de la procédure administrative – Niveau de l’amende»

Dans l’affaire C‑445/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 août 2011,

Bavaria NV, établie à Lieshout (Pays-Bas), représentée par Mes O. Brouwer, P. Schepens et N. Al-Ani, advocaten,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. P. Van Nuffel et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents, assistés de Me M. Slotboom, advocaat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), faisant fonction de président de la septième chambre, MM. G. Arestis et J. Malenovský, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 septembre 2012,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Bavaria NV (ci-après «Bavaria») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 juin 2011, Bavaria/Commission (T‑235/07, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel ce dernier a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation partielle de la décision C(2007) 1697 de la Commission, du 18 avril 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/B/37.766 – Marché néerlandais de la bière), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2008, C 122, p. 1, ci-après la «décision litigieuse»), et, d’autre part, à la réduction de l’amende infligée aux termes de cette décision.

 Le cadre juridique

2        L’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit que la Commission des Communautés européennes peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, notamment, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 CE. Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent. L’article 23, paragraphe 3, de ce règlement prévoit que, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

3        La communication de la Commission intitulée «Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l’article 65 paragraphe 5 [CECA]» (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices de 1998»), applicable à la date de l’adoption de la décision litigieuse, énonce dans son préambule:

«Les principes posés par les [...] lignes directrices [de 1998] devraient permettre d’assurer la transparence et le caractère objectif des décisions de la Commission tant à l’égard des entreprises qu’à l’égard de la Cour de justice, tout en affirmant la marge discrétionnaire laissée par le législateur à la Commission pour la fixation des amendes dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires global des entreprises. Cette marge devra toutefois s’exprimer dans une ligne politique cohérente et non discriminatoire adaptée aux objectifs poursuivis dans la répression des infractions aux règles de concurrence.

La nouvelle méthodologie applicable pour le montant de l’amende [...] repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent des majorations pour tenir compte de circonstances aggravantes et des diminutions pour rendre compte de circonstances atténuantes.»

 Les antécédents du litige

4        Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé le cadre factuel à l’origine du litige qui lui était soumis dans les termes suivants:

«1      La requérante, [Bavaria], est une société dont l’activité est consacrée à la production et à la commercialisation de la bière et de boissons rafraîchissantes non alcoolisées.

2      Elle est un des quatre principaux acteurs du marché néerlandais de la bière. Les autres brasseurs prépondérants sur ce marché sont, premièrement, le groupe Heineken (ci-après ‘Heineken’), dont la direction est à la charge de la société Heineken NV et la production à celle de la société filiale Heineken Nederland BV, deuxièmement, le groupe InBev (ci-après ‘InBev’), qui, avant 2004, était connu sous le nom d’Interbrew et dont la direction incombe à la société InBev NV et la production à la société filiale InBev Nederland NV, et, troisièmement, le groupe Grolsch (ci-après ‘Grolsch’), dont la direction est à la charge de la société Koninklijke Grolsch NV.

3      La requérante et les trois autres brasseurs principaux de ce marché vendent leur bière au client final, notamment par deux canaux de distribution. Ainsi, il convient de distinguer, d’une part, le circuit des établissements ‘horeca’, c’est-à-dire les hôtels, les restaurants et les cafés, où la consommation s’effectue sur place, et, d’autre part, le circuit ‘food’ des supermarchés et des magasins de vins et de spiritueux, où l’achat de bière est destiné à la consommation à domicile. Ce dernier secteur comporte, également, le segment de la bière vendue sous marque de distributeur. Parmi les quatre brasseurs concernés, uniquement InBev et Bavaria sont actifs dans ce segment.

4      Ces quatre brasseurs sont membres de la Centraal Brouwerij Kantoor (ci-après la ‘CBK’). Celle-ci est une organisation fédératrice qui, selon ses statuts, représente les intérêts de ses membres et est composée d’une assemblée générale et de diverses commissions, telles que la commission chargée des questions ‘horeca’ et la commission financière, devenue le comité directeur. Pour les réunions qui ont lieu au sein de la CBK, son secrétariat établit des convocations et des procès-verbaux officiels numérotés de manière continue et envoyés aux membres participants.

 Procédure administrative

5      Par lettres du 28 janvier 2000 ainsi que des 3, 25 et 29 février 2000, InBev a fourni une série de déclarations relatives à des informations sur des pratiques commerciales restrictives sur le marché néerlandais de la bière. Ces déclarations ont été effectuées lors d’une enquête menée par la Commission [...], notamment en 1999, sur des pratiques d’entente et sur un éventuel abus de position dominante sur le marché belge de la bière. Conjointement à ces déclarations, InBev a introduit une demande de clémence conformément à la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4 [...]).

6      Les 22 et 23 mars 2000, à la suite des déclarations d’InBev, des inspections ont été effectuées par la Commission dans les locaux de la requérante et des autres entreprises concernées. Par ailleurs, d’autres demandes de renseignements supplémentaires ont été envoyées à la requérante de 2001 à 2005.

7      Le 30 août 2005, la Commission a envoyé une communication des griefs à la requérante et aux autres entreprises concernées. Par lettre du 24 novembre 2005, la requérante a fourni ses observations écrites sur cette communication. Aucune des parties concernées n’a sollicité d’audition.

8      Par lettres des 7 mars et 8 mai 2006, des documents supplémentaires ont été portés à la connaissance de la requérante par la Commission. Il s’agissait, notamment, des demandes de renseignements adressées à InBev et des réponses qui leur étaient données ainsi que d’une note interne provenant d’Heineken.

9      Le 18 avril 2007, la Commission a adopté la décision [litigieuse], laquelle a été notifiée à la requérante par lettre du 24 avril 2007.

 Décision [litigieuse]

 Infraction en cause

10      L’article 1er de la décision [litigieuse] dispose que la requérante et les sociétés InBev NV, InBev Nederland, Heineken NV, Heineken Nederland et Koninklijke Grolsch ont participé, durant la période comprise entre le 27 février 1996 et le 3 novembre 1999, à une infraction unique et continue à l’article 81, paragraphe 1, CE, consistant en un ensemble d’accords et/ou de pratiques concertées ayant pour objet de restreindre la concurrence dans le marché commun.

11      L’infraction a consisté, premièrement, en la coordination des prix et des hausses de prix de la bière aux Pays-Bas, à la fois dans le secteur ‘horeca’ et dans le secteur de la consommation à domicile, y compris en ce qui concerne la bière vendue sous marque de distributeur, deuxièmement, en la coordination occasionnelle d’autres conditions commerciales offertes aux clients individuels dans le secteur ‘horeca’ aux Pays-Bas, telles que les prêts aux établissements, et, troisièmement, en la coordination occasionnelle sur la répartition de la clientèle, à la fois dans le secteur ‘horeca’ et dans le secteur de la consommation à domicile aux Pays-Bas (article 1er et considérants 257 et 258 de la décision [litigieuse]).

12      Les comportements anticoncurrentiels des brasseurs ont eu lieu, selon la [décision litigieuse], lors d’un cycle de réunions multilatérales officieuses qui rassemblaient régulièrement les quatre principaux acteurs du marché néerlandais de la bière ainsi que lors de rencontres bilatérales complémentaires impliquant les mêmes brasseurs selon diverses combinaisons. Selon la [décision litigieuse], ces rencontres ont eu lieu secrètement, de propos délibéré, les participants sachant qu’elles n’étaient pas autorisées (considérants 257 à 260 de la décision [litigieuse]).

13      Ainsi, en premier lieu, une série de réunions multilatérales dénommées ‘Catherijne overleg’ (concertation Catherijne) ou ‘agendacommissie’ (commission de l’ordre du jour) s’est tenue entre le 27 février 1996 et le 3 novembre 1999. La décision [litigieuse] établit que ces réunions, axées sur le secteur ‘horeca’, mais pouvant porter également sur le secteur de la consommation à domicile, ont eu essentiellement pour objet de coordonner les prix et les hausses des prix de la bière, de discuter de la limitation du montant de ristournes et de la répartition de la clientèle ainsi que de se concerter sur certaines autres conditions commerciales. Les prix de la bière vendue sous marque de distributeur auraient été également discutés au cours de ces réunions (considérants 85 et 90, 98, 115 à 127 et 247 à 252 de la décision [litigieuse]).

14      En second lieu, en ce qui concerne les contacts bilatéraux entre les brasseurs, la décision [litigieuse] indique que, le 12 mai 1997, InBev et la requérante se sont réunies et ont discuté de l’augmentation des prix de la bière vendue sous marque de distributeur (considérant 104 de la décision [litigieuse]). Par ailleurs, selon la Commission, Heineken et la requérante se sont rencontrées en 1998 afin de discuter des restrictions concernant des points de vente dans le secteur ‘horeca’ (considérant 189 de la décision [litigieuse]). La Commission indique que des contacts bilatéraux ont également eu lieu en juillet 1999 entre Heineken et Grolsch à propos de compensations accordées à des clients dans le secteur de la consommation à domicile qui effectuaient des réductions temporaires de prix (considérants 212 et 213 de la décision [litigieuse]).

15      Enfin, selon la décision [litigieuse], des contacts bilatéraux et des échanges d’informations consacrés à des discussions générales relatives au prix de la bière ainsi qu’à des discussions ayant davantage trait aux marques de distributeur ont eu lieu en 1997 entre InBev et la requérante. Les contacts bilatéraux, sous forme d’échanges d’informations, consacrés aux marques de distributeur auraient également impliqué des brasseurs belges aux mois de juin et de juillet 1998 (considérants 105, 222 à 229 et 232 à 236 de la décision [litigieuse]).

 Amende infligée à la requérante

16      L’article 3, sous c), de la décision [litigieuse] inflige à la requérante une amende de 22 850 000 euros.

17      Aux fins du calcul du montant de cette amende, la Commission a fait application de l’article 23, paragraphe 2, du [règlement n° 1/2003], et de la méthodologie exposée dans les [lignes directrices de 1998] (considérants 436 et 442 de la décision [litigieuse]). Conformément à cette méthodologie, la détermination de l’amende imposée à la requérante a été effectuée sur la base de la gravité et de la durée de l’infraction (considérant 437 de la décision [litigieuse]).

18      En particulier, l’infraction a été qualifiée de ‘très grave’ dans la mesure où elle a essentiellement consisté en la coordination régulière des prix, des hausses de prix et d’autres conditions commerciales et en la répartition de la clientèle (considérant 440 de la décision [litigieuse]). La Commission a également pris en compte le caractère secret et délibéré des comportements anticoncurrentiels ainsi que le fait que l’ensemble du territoire des Pays-Bas et l’ensemble du marché de la bière, à savoir tant le secteur ‘horeca’ que le secteur de la consommation à domicile, ont été affectés par l’infraction (considérants 453 et 455 de la décision [litigieuse]). En outre, la Commission a précisé que l’effet réel sur le marché néerlandais des comportements anticoncurrentiels n’a pas été pris en compte en l’espèce dès lors qu’il était impossible à mesurer (considérant 452 de la décision [litigieuse]).

19      Par ailleurs, la Commission a appliqué un traitement différencié à la requérante afin de tenir compte de sa capacité économique réelle et de son poids individuel dans les comportements infractionnels constatés. À cette fin, la Commission a utilisé les chiffres de vente de bière réalisés par la requérante aux Pays-Bas en 1998, c’est-à-dire la dernière année civile complète de l’infraction. Sur cette base, la requérante a été classée dans la troisième et dernière catégorie, correspondant au montant de départ de 17 millions d’euros (considérants 462 et 464 de la décision [litigieuse]).

20      En outre, la requérante ayant pris part à l’infraction du 27 février 1996 au 3 novembre 1999, à savoir pendant une période de 3 ans et 8 mois, ce montant de départ a été majoré de 35 % (considérants 465 et 469 de la décision [litigieuse]). Le montant de base a donc été établi à 22 950 000 euros (considérant 470 de la décision [litigieuse]).

22      Enfin, la Commission a accordé une réduction de 100 000 euros du montant de l’amende, dans la mesure où elle a admis que, en l’espèce, la longueur de la procédure administrative avait été déraisonnable (considérants 495 à 499 de la décision [litigieuse])».

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2007, Bavaria a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision litigieuse.

6        Par arrêt du 16 juin 2011, le Tribunal a annulé l’article 1er de cette décision pour autant que la Commission y a constaté que Bavaria avait participé à une infraction consistant en la coordination occasionnelle de conditions commerciales, autres que des prix, offertes aux consommateurs individuels dans le secteur ‘horeca’ aux Pays-Bas.

7        En outre, le Tribunal a considéré que la réduction forfaitaire, accordée par la Commission, du montant de l’amende à concurrence de 100 000 euros ne tenait aucunement compte du montant de celle-ci, laquelle s’élevait, avant réduction, à 22 950 000 euros, et, partant, ne constituait pas une réduction de la sanction susceptible de redresser de manière adéquate la violation résultant du dépassement du délai raisonnable de la procédure administrative. Compte tenu des circonstances de l’espèce, le Tribunal, exerçant son pouvoir de pleine juridiction, a estimé que, afin d’accorder à Bavaria une satisfaction équitable en raison de la durée excessive de la procédure, la réduction en cause devait être portée à 5 % du montant de l’amende.

8        Dans ces conditions, le Tribunal a fixé le montant de l’amende infligée à Bavaria à 20 712 375 euros. Il a rejeté le recours pour le surplus.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

9        Bavaria demande à la Cour:

–        d’annuler les points 202 à 212, 252 à 255, 288 à 290, 292 à 295, 306, 307 et 335 de l’arrêt attaqué;

–        de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ou d’annuler totalement ou partiellement la décision litigieuse, et

–        de condamner la Commission aux dépens des deux instances.

10      La Commission demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi, et

–        de condamner Bavaria aux dépens.

 Sur le pourvoi

11      Bavaria avance cinq moyens à l’appui de son pourvoi.

 Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation erronée du droit de l’Union, d’une violation du principe de sécurité juridique et d’une incohérence du raisonnement en ce qui concerne la détermination de la date de début de l’infraction (points 202 à 212 de l’arrêt attaqué)

 Argumentation des parties

12      Bavaria estime que, en constatant que la date de début de l’infraction pouvait être établie au 27 février 1996, le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit.

13      Bavaria relève que le Tribunal a considéré, aux points 203 et 204 de l’arrêt attaqué, que la réunion du 27 février 1996 avait fait partie d’une série de réunions périodiques et que ces dernières avaient pour objet d’échanger des informations et de se concerter en vue de restreindre la concurrence. Le Tribunal aurait cependant affirmé, audit point 204, qu’un faisceau d’indices permettait d’établir, sous réserve de la preuve contraire, que les réunions en cause revêtaient un tel objet, même en l’absence de preuve suffisante quant au contenu de certaines d’entre elles.

14      Bavaria souligne que le Tribunal a méconnu le fait que la Commission n’avait pas démontré que l’objet de la réunion du 27 février 1996 visait à restreindre la concurrence. Les discussions tenues à cette occasion n’auraient donc pas fait partie de l’infraction et ne sauraient être considérées comme la date de début de cette dernière. À cet égard, la requérante aurait démontré que les notes manuscrites établies lors de la réunion du 27 février 1996 prouvaient l’objet légitime de celle-ci.

15      Bavaria ajoute que, par le biais du premier moyen, il n’est pas demandé à la Cour de constater ou d’apprécier des faits, ledit moyen ayant trait à une interprétation inexacte du droit de l’Union.

16      Bavaria soutient aussi que le Tribunal, aux points 79 et 208 de l’arrêt attaqué, a fait preuve d’incohérence dans son raisonnement pour déterminer la date de début de l’infraction en constatant, d’une part, que la déclaration d’InBev ne pouvait suffire à démontrer l’existence d’une infraction et en affirmant, d’autre part, que ladite déclaration, sans être étayée par d’autres preuves, suffisait à établir cette date.

17      La Commission fait valoir que, dans la mesure où Bavaria invite la Cour à apprécier la valeur des éléments de preuve retenus par le Tribunal pour déterminer la date de début de l’infraction et le caractère anticoncurrentiel du contenu de la réunion du 27 février 1996, le moyen est irrecevable.

18      La Commission estime, à titre subsidiaire, que le premier moyen n’est pas fondé. En effet, le Tribunal n’aurait commis aucune erreur en droit dans ses appréciations en ce qui concerne la relation entre l’infraction commise et la réunion du 27 février 1996.

19      La Commission conteste, enfin, l’argument tiré d’une incohérence dans le raisonnement de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la date de début de l’infraction. Le Tribunal n’aurait nullement considéré que ladite date a pu être déterminée exclusivement sur la base de la déclaration d’InBev.

 Appréciation de la Cour

20      Il y a lieu de relever d’emblée que, bien qu’elle invoque une interprétation erronée du droit de l’Union, une violation du principe de sécurité juridique ainsi qu’une incohérence de raisonnement, Bavaria cherche, en substance, à démontrer que le Tribunal a considéré à tort que la Commission était fondée à arrêter la date de début de l’infraction au 27 février 1996.

21      Ainsi et nonobstant le libellé de l’argumentation formulée, il convient d’observer, en premier lieu, que l’objet du moyen porte sur le bien-fondé des appréciations du Tribunal quant à la détermination du commencement de l’infraction reprochée à la requérante.

22      Or, lesdites appréciations revêtent manifestement une nature factuelle.

23      Il importe de rappeler, à cet égard, qu’il résulte des articles 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu dudit article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, Rec. p. I‑3173, point 51, et du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, non encore publié au Recueil, point 179).

24      La Cour a également souligné que l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir arrêts du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 85, ainsi que ThyssenKrupp Nirosta/Commission, précité, point 180).

25      Par conséquent, les appréciations factuelles du Tribunal relatives à la détermination de la date de début de l’infraction ne sauraient faire l’objet d’un contrôle par la Cour dans le cadre du présent pourvoi.

26      En revanche, et conformément à la jurisprudence évoquée au point 24 du présent arrêt, il appartient à la Cour de vérifier si Bavaria a démontré une dénaturation des éléments de preuve examinés par le Tribunal à ce sujet.

27      S’agissant des caractéristiques d’une telle démonstration, la Cour a jugé que, lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour et 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de cette dernière, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation (voir arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 16 et jurisprudence citée).

28      En outre, il est de jurisprudence constante qu’une dénaturation d’éléments de preuve doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, non encore publié au Recueil, point 59 et jurisprudence citée).

29      Dans le cadre du présent pourvoi, il incombe, dès lors, à Bavaria d’établir que le Tribunal, en décidant, en fait, que la réunion du 27 février 1996 devait être retenue comme la date de début de l’infraction, étant donné que ladite réunion s’était inscrite dans un cycle de concertations dont le caractère anticoncurrentiel était établi à suffisance de droit, a dénaturé les éléments de preuve tendant à établir ces faits.

30      Il y a lieu d’observer à cet égard que le Tribunal, aux points 203 et 204 ainsi qu’aux points 206 à 208 de l’arrêt attaqué, a exposé que, en vue d’arrêter la date de début de l’infraction, la Commission s’était fondée non seulement sur des éléments de preuve relatifs à la réunion du 27 février 1996 elle-même, mais également sur d’autres circonstances pertinentes.

31      En effet, le Tribunal, aux points 209 et 211 de cet arrêt, a constaté non seulement que Bavaria était représentée à la réunion du 27 février 1996 et qu’elle a été impliquée dès 1994 dans d’autres réunions avec les entreprises ayant fait l’objet de la procédure d’infraction, mais également que, s’agissant d’une réunion s’inscrivant dans un système de réunions régulières dont le contenu anticoncurrentiel avait été démontré à suffisance de droit, la constatation de la date de début de l’infraction ne pouvait être remise en cause par l’argumentation de Bavaria tirée de l’insuffisance de la preuve concrète quant au contenu de la réunion du 27 février 1996.

32      En outre, le Tribunal, au point 128 de l’arrêt attaqué, a indiqué que de nombreux indices corroboraient la constatation selon laquelle des représentants des sociétés Heineken, Grolsch, Interbrew et Bavaria se rassemblaient régulièrement dans le cadre d’un cycle de réunions informelles, celle du 27 février 1996 s’étant inscrite dans ce cycle.

33      Eu égard à l’ensemble de ces appréciations du Tribunal, force est de constater que l’argumentation présentée par Bavaria ne comporte aucun élément susceptible de révéler une dénaturation des faits ou des éléments de preuve par le Tribunal en ce qui concerne la date de début de l’infraction.

34      Bavaria cherche en réalité à démontrer que le Tribunal aurait dû apprécier lesdits éléments factuels de manière différente et lui reproche de ne pas avoir conclu dans un autre sens.

35      En ce qui concerne, en second lieu, la prétendue incohérence de raisonnement que Bavaria reproche au Tribunal, il importe de constater que ce dernier, au point 79 de l’arrêt attaqué, a rappelé que la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve.

36      Le Tribunal a, dès lors, relevé, au point 80 de cet arrêt, que la déclaration d’InBev ne pouvait suffire, à elle seule, à établir l’existence de l’infraction, mais devait être corroborée par d’autres éléments de preuve. Le Tribunal a cependant considéré, au point 81 dudit arrêt, que le degré de corroboration requis en l’espèce était moindre, aussi bien en termes de précision qu’en termes d’intensité, du fait de la fiabilité de la déclaration de ladite société, qu’il ne le serait si cette dernière n’était pas particulièrement crédible, cela n’étant toutefois pas le cas.

37      Ainsi, le Tribunal, aux points 209 et 211 de l’arrêt attaqué, a pu conclure à bon droit que la Commission était fondée à constater que Bavaria était impliquée dans l’infraction en cause au moins à partir du 27 février 1996.

38      Il s’ensuit que, contrairement à l’argumentation avancée par Bavaria, aucune contradiction n’existe entre, d’une part, la considération du Tribunal, figurant au point 80 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la déclaration d’InBev ne suffisait pas, à elle seule, pour établir l’existence de l’infraction et, d’autre part, l’affirmation faite par le Tribunal, au point 208 dudit arrêt, quant à la valeur probante significative de ladite déclaration.

39      Dans ces conditions, le grief de la requérante tiré d’une prétendue incohérence de motivation doit être écarté.

40      Partant, le premier moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation, le Tribunal ayant conclu que la situation ayant fait l’objet de la décision litigieuse ne pouvait pas être comparée avec une décision antérieure de la Commission concernant le secteur de la bière (points 292 à 295 de l’arrêt attaqué)

 Argumentation des parties

41      Bavaria fait valoir que, en concluant que la situation ayant fait l’objet de la décision litigieuse ne pouvait pas être comparée avec l’affaire concernant la décision 2003/569/CE de la Commission, du 5 décembre 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire IV/37.614/F3 PO/Interbrew et Alken-Maes) (JO L 200, p. 1, ci-après la «décision relative au marché belge de la bière»), le Tribunal a enfreint le principe d’égalité de traitement.

42      De l’avis de Bavaria, la lecture des décisions intervenues dans les affaires concernant le marché belge et le marché néerlandais de la bière démontrerait que ces affaires sont comparables. Le Tribunal aurait de surcroît admis, au point 290 de l’arrêt attaqué, que des décisions concernant d’autres affaires peuvent revêtir un caractère indicatif, aux fins de l’existence éventuelle d’une discrimination.

43      Bavaria considère également que le Tribunal a enfreint son obligation de motivation à cet égard. Au point 294 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait indiqué qu’une comparaison des amendes imposées aux destinataires des deux décisions risquait de dénaturer les fonctions spécifiques que remplissent les différentes étapes de calcul d’une amende. En s’appuyant sur ce raisonnement, le Tribunal aurait conclu à tort, au point 295 de l’arrêt attaqué, que, s’agissant du niveau des amendes imposées, la situation de Bavaria ne pouvait être comparée avec celle des entreprises concernées par une décision antérieure.

44      Bavaria précise que ce deuxième moyen est recevable, car il n’invite pas la Cour à constater à nouveau des faits, ni à les apprécier.

45      La Commission estime, en revanche, que le moyen est irrecevable. En effet, Bavaria invoquerait, par rapport à la procédure en première instance, un certain nombre d’éléments de comparaison entre la décision litigieuse et la décision relative au marché belge de la bière qu’elle n’avait pas soulevés en première instance.

46      La Commission observe que Bavaria ne reproche dès lors pas au Tribunal des erreurs d’analyse des éléments de preuve qui ont été soumis à son appréciation. La requérante se bornerait à faire grief au Tribunal de ne pas avoir constaté une violation du principe d’égalité de traitement sur la base de nouvelles analogies existant entre la situation ayant donné lieu à la décision litigieuse et celle concernant la décision relative au marché belge de la bière.

47      À titre subsidiaire, la Commission soutient que le deuxième moyen n’est pas fondé. En effet, le Tribunal n’aurait nullement violé le principe d’égalité de traitement en concluant, au point 295 de l’arrêt attaqué, que la situation de Bavaria ne pouvait être comparée à celle des entreprises ayant fait l’objet de la décision relative au marché belge de la bière.

48      La Commission ajoute que, à supposer même que les situations ayant conduit à la décision litigieuse et à la décision relative au marché belge de la bière soient comparables, elle pouvait s’écarter, en vertu de son pouvoir d’appréciation dans le domaine considéré, du niveau des amendes infligées lors d’une décision antérieure, afin d’assurer la mise en œuvre de la politique de l’Union en matière de concurrence.

 Appréciation de la Cour

49      En ce qui concerne l’objection d’irrecevabilité soulevée par la Commission à l’encontre du deuxième moyen, selon laquelle la requérante inviterait la Cour à se prononcer sur le bien-fondé d’appréciations factuelles effectuées par le Tribunal, il y a lieu d’observer qu’il ressort de l’argumentation de Bavaria que cette dernière ne met nullement en cause les éléments factuels qui sous-tendent la comparaison entre la décision litigieuse et la décision relative au marché belge de la bière, mais vise l’appréciation juridique de ces éléments de comparaison et la conclusion du Tribunal selon laquelle la situation de la requérante ne pouvait être comparée à celle des entreprises concernées par une décision antérieure de la Commission dans le domaine de la concurrence.

50      Or, cette appréciation, qui n’est pas de nature factuelle, est soumise au contrôle de la Cour dans le cadre du présent pourvoi.

51      En effet, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent de nouveau être discutés au cours d’un pourvoi (voir arrêts du 23 avril 2009, AEPI/Commission, C‑425/07 P, Rec. p. I‑3205, point 24, et du 29 juillet 2010, Grèce/Commission, C‑54/09 P, Rec. p. I‑7537, point 43).

52      Le deuxième moyen est donc recevable.

53      Quant au fond dudit moyen, il convient de relever, tout d’abord, que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes en cas de violation des règles de l’Union en matière de concurrence. Cette méthode comporte différents éléments de flexibilité permettant à cette institution d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003 (voir arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I‑7191, point 112 et jurisprudence citée).

54      Il résulte également d’une jurisprudence constante de la Cour que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique pour les amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ont un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (voir arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 233 et jurisprudence citée).

55      Ainsi, le fait que la Commission a, dans le passé, pour certains types d’infraction, infligé des amendes d’un niveau déterminé ne saurait l’empêcher de relever ce niveau, dans les limites du règlement n° 1/2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de l’Union dans le domaine de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 169 et jurisprudence citée).

56      Tenant compte de cette jurisprudence, le Tribunal, au point 293 de l’arrêt attaqué, a souligné à juste titre que, dans le cadre de ses attributions en la matière, la Commission est notamment appelée à apprécier la gravité des infractions en fonction de nombreux éléments qui ne procèdent pas d’une liste contraignante ou exhaustive de critères à prendre en compte et que, en outre, elle n’est pas tenue d’appliquer une formule mathématique précise, qu’il s’agisse du montant total de l’amende infligée ou de sa décomposition en différents éléments.

57      Ensuite , s’il est vrai que, dans toute affaire relevant de l’application du droit de la concurrence de l’Union, un certain nombre de paramètres sont normalement pertinents, à savoir, notamment, la détermination des marchés, des produits ou des services en cause, le nombre des pays affectés ainsi que la taille des entreprises et des périodes concernées, la Commission, dans la mise en œuvre de sa politique en ladite matière, ne saurait être tenue de se fonder sur des comparaisons systématiques de ces paramètres.

58      En effet, chaque entente est forcément caractérisée par de nombreuses circonstances particulières, notamment les caractéristiques des agissements anticoncurrentiels, leur gravité et leurs répercussions économiques, si bien qu’une argumentation cherchant à établir une violation du principe d’égalité de traitement ne saurait se limiter à des comparaisons générales et à des affirmations de similitudes entre différentes ententes.

59      En particulier, pour ce qui est de la gravité des infractions au droit de l’Union relatif à la concurrence, il résulte d’une jurisprudence constante que celle-ci doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, le rôle joué par chaque entreprise dans une entente, le profit qu’elle a pu tirer de cette pratique, la taille de l’entreprise, la valeur des marchandises ou des services concernés, le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l’Union ainsi que la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (voir, en ce sens, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, points 241 et 242, ainsi que du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 54).

60      Dans ces conditions et eu égard à la jurisprudence citée ci-dessus, c’est à bon droit que le Tribunal, au point 294 de l’arrêt attaqué, a jugé que la comparaison directe des amendes imposées aux destinataires des deux décisions relatives à des infractions distinctes risquait de dénaturer les fonctions spécifiques que remplissent les différentes étapes du calcul d’une amende, dans la mesure où les montants finaux des amendes reflètent des circonstances spécifiques particulières à chaque entente ainsi que les évaluations propres au cas d’espèce.

61      Le Tribunal, au point 295 de l’arrêt attaqué, a donc considéré que la situation de Bavaria ne pouvait être comparée à celle des entreprises concernées par une décision antérieure de la Commission concernant une autre entente dans le secteur de la bière.

62      Sur la base de cette constatation, le Tribunal a pu, à bon droit, au point 296 de l’arrêt attaqué, décider que le principe d’égalité de traitement n’avait pas été violé par la Commission.

63      Enfin, et s’agissant du grief concernant un défaut de motivation, les considérations figurant aux points 290 à 295 de l’arrêt attaqué énoncent à suffisance de droit les raisons pour lesquelles une violation du principe d’égalité de traitement ne pouvait être constatée par le Tribunal.

64      Le deuxième moyen doit, dès lors, être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, du principe de non-rétroactivité des sanctions ainsi que des principes de légalité et de proportionnalité en raison de l’application d’une politique de sanctions plus sévère définie en 2005 suite à la durée déraisonnablement longue de la procédure administrative (points 288 à 290 et 335 de l’arrêt attaqué)

 Argumentation des parties

65      Bavaria fait valoir que, en concluant que la Commission pouvait lui appliquer une politique de sanctions plus sévère, le Tribunal a enfreint un certain nombre de principes juridiques. En effet, si la Commission avait clôturé l’affaire dans un délai raisonnable, à savoir avant 2005, elle n’aurait pas appliqué la politique de sanctions plus sévère, définie après cette date, par rapport à d’autres affaires précédentes.

66      Bavaria souligne que cette argumentation n’invite pas la Cour à se prononcer sur les faits soumis au Tribunal ni à apprécier la valeur des preuves y relatives. En revanche, le troisième moyen soulèverait la question de savoir si le Tribunal était fondé à juger que la politique des amendes renforcée pouvait être appliquée en l’espèce, nonobstant le fait que cette application résulte entièrement de la durée disproportionnée de la procédure administrative.

67      La Commission considère que, dans la mesure où le moyen invite la Cour à procéder à une appréciation des éléments de preuve soumis au Tribunal et n’indique pas le point sur lequel ce dernier aurait commis une erreur de droit en appréciant lesdits éléments, il doit être rejeté comme étant irrecevable.

68      Quant à la violation alléguée du principe d’égalité de traitement, la Commission estime que Bavaria s’appuie sur une présomption que le Tribunal n’a pas retenue à l’appui de sa décision, à savoir que la Commission aurait imposé, dans la décision litigieuse, une amende plus élevée que si la procédure administrative avait été terminée plus tôt. Or, le Tribunal se serait borné à constater que la Commission a reconnu avoir relevé le niveau général des amendes vers 2005, mais n’aurait pas constaté que cela impliquait, dans le cas de Bavaria, que celle-ci se serait vu infliger une amende moins élevée si la décision avait été prise plus tôt.

69      En ce qui concerne la prétendue violation des principes de légalité et de proportionnalité, la Commission estime que Bavaria n’avance pas d’arguments juridiques à l’appui de ces griefs. Enfin, contrairement à ce que soutient Bavaria, le principe de non-rétroactivité des peines ne serait pas violé lorsque la Commission augmente le niveau des amendes à la suite d’un renforcement de sa politique de sanctions dans le domaine du droit de la concurrence.

 Appréciation de la Cour

70      En ce qui concerne la recevabilité du présent moyen, il y a lieu d’observer que Bavaria fonde son argumentation sur quatre principes généraux de droit pour tenter d’établir que la Commission aurait infligé une amende moindre que celle fixée dans la décision litigieuse si la procédure administrative avait été clôturée plus tôt.

71      À cet égard, et contrairement à ce qu’affirme la Commission, il convient d’observer que la requérante demande à la Cour non pas de se livrer à une nouvelle appréciation des faits soumis au Tribunal, mais d’examiner les conséquences juridiques susceptibles de découler de la durée excessive de la procédure administrative, cette circonstance étant d’ailleurs reconnue par la Commission.

72      Le troisième moyen est donc recevable.

73      Quant au fond du moyen, en ce qui concerne la méthode de calcul des amendes pour des infractions aux règles de la concurrence, il y a tout d’abord lieu de rappeler, ainsi que cela a été souligné au point 53 du présent arrêt, que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dans ce domaine.

74      La Cour a également jugé que les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende pour violation des règles du droit de la concurrence doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d’élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé et que cela vaut non seulement lorsque la Commission procède à un relèvement du niveau du montant des amendes en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, mais également si ce relèvement s’opère par l’application, à des cas d’espèce, de règles de conduite ayant une portée générale (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, points 229 et 230).

75      Par conséquent, Bavaria, dès lors qu’elle faisait l’objet d’une procédure administrative, au cours de laquelle des amendes étaient susceptibles d’être imposées, devait raisonnablement s’attendre à ce que la Commission oriente sa politique de sanctions vers un relèvement du niveau des amendes, cela indépendamment de la durée de la procédure.

76      Il est, en outre, constant que la Commission, dans la décision litigieuse, s’est fondée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes dans la version de la communication de 1998 et non pas sur des lignes directrices applicables à partir de 2005.

77      Quant à la durée de la procédure administrative en matière de politique de la concurrence, il résulte d’une jurisprudence constante que l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite de ladite procédure constitue un principe général du droit de l’Union, dont les juridictions de l’Union assurent le respect (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 167 à 171, ainsi que du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, Rec. p. I‑8831, point 40).

78      S’agissant de l’incidence de la procédure administrative au regard de la situation de Bavaria, il y a lieu de souligner le fait que le dépassement du délai raisonnable, constaté par le Tribunal au point 324 de l’arrêt attaqué, a été dûment pris en compte par ce dernier.

79      Par la suite, le Tribunal a examiné, aux points 325 à 335 de l’arrêt attaqué, l’incidence de cette circonstance sur la légalité de la décision litigieuse. Il a conclu, au point 336 de l’arrêt attaqué, que le dépassement du délai raisonnable n’était pas de nature à affecter la légalité de ladite décision.

80      En revanche, le Tribunal, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, a accordé, au point 343 de l’arrêt attaqué, une satisfaction équitable en raison de la durée excessive de la procédure, à savoir une réduction de 5 % du montant de l’amende.

81      Dans ces conditions, Bavaria ne saurait se prévaloir de la même circonstance afin de mettre en cause la fixation du montant de base de l’amende.

82      Partant, le troisième moyen doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en raison de la prise en compte des accises dans le chiffre d’affaires pour le calcul du montant de base de l’amende (points 306 et 307 de l’arrêt attaqué)

 Argumentation des parties

83      Bavaria estime, d’une part, que, en confirmant que la Commission était fondée à intégrer les accises au chiffre d’affaires en vue de déterminer le montant de base pour le calcul de l’amende, le Tribunal a enfreint le principe de proportionnalité. Les accises sur la bière seraient imposées par les pouvoirs publics et ne donneraient aucune indication du poids économique réel d’une entreprise sur le marché. D’autre part, l’utilisation du chiffre d’affaires, accises comprises, conduirait à une inégalité de traitement, étant donné que la prise en compte de ces accises dans les secteurs qui y sont soumis engendrerait un montant de base supérieur à celui des secteurs qui sont exempts d’accises.

84      Bavaria souligne que le quatrième moyen porte sur l’interprétation et l’application des principes invoqués. En outre, il ne s’agirait pas d’une répétition ou d’une reproduction littérale des moyens avancés devant le Tribunal.

85      La Commission fait valoir, en revanche, que le moyen est irrecevable. En effet, Bavaria inviterait la Cour à constater une violation du principe de proportionnalité en se bornant à réitérer les arguments invoqués devant le Tribunal. Elle n’exposerait nullement en quoi, selon elle, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

86      La Commission soutient que, dans la mesure où Bavaria affirme que le recours au chiffre d’affaires incluant les droits d’accises conduit à une «inégalité en droit», dès lors qu’il entraîne un montant de base plus élevé dans des secteurs assujettis aux droits d’accises par rapport à des secteurs non assujettis, la requérante n’a pas invoqué une telle prétendue inégalité en première instance.

87      La Commission estime, à titre subsidiaire, que le quatrième moyen n’est pas fondé. En effet, Bavaria n’expliquerait pas en quoi la prise en compte de son chiffre d’affaires incluant les droits d’accises lors du calcul du montant de base de l’amende est disproportionnée.

88      De l’avis de la Commission, le grief de l’inégalité de traitement par rapport à des entreprises appartenant à d’autres secteurs devrait être également écarté puisque le chiffre d’affaires incluant les droits d’accises n’aurait joué de rôle que comme élément d’appréciation relatif au poids économique respectif des entreprises participant à l’entente.

 Appréciation de la Cour

89      Quant à la détermination du montant de base de l’amende, le Tribunal, aux points 306 et 307 de l’arrêt attaqué, a jugé que l’utilisation d’un chiffre d’affaires incluant les droits d’accises à cette fin, dans la mesure où le calcul implique la pondération des poids relatifs des autres participants à l’entente sur ce marché, n’était pas constitutive d’une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

90      Afin de répondre au moyen dirigé à l’encontre de ces considérations du Tribunal, il convient de relever, en premier lieu, que l’argumentation tirée d’une violation du principe de proportionnalité a été présentée, d’une part, devant le Tribunal, au point 169 de la requête et au point 67 de la réplique en première instance et, d’autre part, devant la Cour, aux points 63, première phrase, et 65 du pourvoi.

91      Il importe toutefois d’observer que l’argumentation présentée devant la Cour ne comporte pas d’éléments susceptibles de la distinguer de celle avancée devant le Tribunal.

92      En effet, Bavaria se limite à réitérer devant la Cour son interprétation du principe de proportionnalité quant à la prise en compte des accises dans le cadre du calcul du montant de base de l’amende.

93      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément aux articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour et 169, paragraphe 2, du règlement de procédure, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de la décision du Tribunal dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, en ce sens, arrêts AEPI/Commission, précité, point 25, et du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C‑401/09 P, non encore publié au Recueil, point 55).

94      Ainsi, un pourvoi qui se limite à réitérer ou à reproduire littéralement des moyens et des arguments invoqués devant le Tribunal, et qui lui-même n’indique pas de manière précise l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, ne répond pas aux conditions qui découlent des articles 256, paragraphe 1, TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour et 169, paragraphe 2, du règlement de procédure. Un tel pourvoi ne constitue en réalité rien d’autre qu’une demande de réexamen du recours formé en première instance devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, points 34 et 35).

95      Il ressort de l’examen de l’argumentation formulée par Bavaria tant en première instance que devant la Cour que le présent moyen constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 51 et jurisprudence citée).

96      L’argumentation de la requérante tirée d’une violation du principe de proportionnalité en raison de la prise en compte des accises aux fins de calcul du montant de base de l’amende est donc irrecevable.

97      En second lieu, s’agissant de l’argumentation figurant à la quatrième phrase du point 63 de la requête ainsi qu’aux points 33, 35 et 36 de la réplique déposées devant la Cour, selon laquelle cette prise en compte des accises impliquerait une «inégalité en droit», il convient de constater qu’elle n’a pas été invoquée devant le Tribunal.

98      Or, il convient de relever que des moyens nouveaux ne peuvent pas être présentés lors du pourvoi, ainsi qu’il découle de l’article 170, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement de procédure (voir arrêts du 19 juin 1992, V./Parlement, C‑18/91 P, Rec. p. I‑3997, point 21, et du 23 novembre 2000, British Steel/Commission, C‑1/98 P, Rec. p. I‑10349, point 47).

99      En effet, selon une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc, en principe, limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui (voir arrêts du 26 octobre 2006, Koninklijke Coöperatie Cosun/Commission, C‑68/05 P, Rec. p. I‑10367, point 96, ainsi que du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, Rec. p. I‑13355, point 113 et jurisprudence citée).

100    Une partie ne saurait donc modifier l’objet du litige en soulevant pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle aurait pu avancer devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (voir arrêt du 19 juillet 2012, Kaimer e.a./Commission, C‑264/11 P, point 65 et jurisprudence citée).

101    L’argumentation de Bavaria tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement à cause de la prise en compte des accises aux fins de calcul du montant de base de l’amende doit donc être également écartée comme étant irrecevable.

102    Il découle, dès lors, des considérations qui précèdent que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du droit à une bonne administration, l’accès aux indications apportées à la communication des griefs par les autres parties à la procédure et en particulier, l’accès à la réponse de la société InBev ayant été refusé (points 252 à 255 de l’arrêt attaqué)

 Argumentation des parties

103    Bavaria relève que le Tribunal a considéré, aux points 250 et 251 de l’arrêt attaqué, qu’il appartenait à la requérante de fournir un premier indice de l’utilité, pour sa défense, des indications fournies par InBev. Or, la réponse de cette dernière à la communication des griefs aurait contenu des indices à décharge et l’accès à cette réponse aurait pu avoir une influence sur le déroulement de la procédure ainsi que sur le contenu de la décision litigieuse.

104    Bavaria souligne que le critère qui aurait dû être appliqué par le Tribunal est celui de savoir si la divulgation desdites indications aurait pu faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent dans l’hypothèse où elle aurait pu y avoir accès.

105    Bavaria précise que le cinquième moyen est recevable, dans la mesure où il ne procède pas d’un simple rappel d’arguments soulevés en première instance. En effet, ledit moyen serait tiré d’une violation des droits de la défense et du principe de bonne administration, le Tribunal ayant refusé à Bavaria l’accès au document en question.

106    La Commission soutient, en revanche, que le moyen est irrecevable, car il se limite exclusivement à l’appréciation de la réponse d’InBev à la communication des griefs. Ainsi, Bavaria contesterait les appréciations de fait du Tribunal figurant aux points 252 à 254 de l’arrêt attaqué. Ces dernières ne pourraient toutefois plus être mises en cause dans le cadre du pourvoi.

107    La Commission souligne que, en réitérant devant la Cour, sur la base des mêmes documents qu’en première instance, les arguments qu’elle a soulevés devant le Tribunal, sans préciser en quoi ce dernier aurait commis une erreur de droit, Bavaria demande en réalité à la Cour d’apprécier les éléments de fait soumis au Tribunal, ce qui n’est pas en son pouvoir de faire.

108    La Commission fait observer que Bavaria reconnaît que les indications relatives aux prétendus éléments de preuve à décharge figurant dans la réponse d’InBev à la communication des griefs ont été soumises au Tribunal dans le cadre de la procédure en première instance et que ce dernier ne les a pas considérées comme constituant un indice à décharge.

109    À titre subsidiaire, la Commission estime que le cinquième moyen n’est pas fondé dans la mesure où, en première instance, Bavaria n’a pas donné d’indication sur l’utilité, pour sa défense, de la réponse d’InBev à la communication des griefs. Dans ces conditions, le principe de bonne administration n’aurait pas non plus été violé par le Tribunal.

 Appréciation de la Cour

110    Il y a lieu d’observer d’emblée que le moyen se réfère aux points 252 à 255 de l’arrêt attaqué. Ces points portent sur la question générale de savoir si la Commission devait rendre accessible à Bavaria les réponses données par les autres parties concernées à la communication des griefs.

111    Il ressort du point 232 de l’arrêt attaqué que, en première instance, Bavaria faisait grief à la Commission de lui avoir refusé l’accès aux réponses à la communication des griefs des autres parties concernées par la procédure en affectant de ce fait ses droits de défense.

112    Toutefois, l’argumentation de Bavaria au soutien du présent moyen devant la Cour se focalise sur un élément particulier desdites indications, à savoir la réponse d’InBev à ladite communication.

113    En effet, s’il est vrai que l’intitulé du cinquième moyen se réfère «aux réponses apportées [...] par les autres parties», l’argumentation soumise à la Cour, ainsi qu’il ressort des points 68, 69, 74 et 75 de la requête de pourvoi, porte spécifiquement sur la réponse fournie par InBev à la communication des griefs.

114    Il convient cependant de relever que la réponse d’InBev n’est nullement évoquée dans les points de l’arrêt attaqué à l’encontre desquels le cinquième moyen est dirigé.

115    En outre, s’agissant de l’accès à la réponse d’InBev à la communication des griefs, il importe d’observer que Bavaria, contrairement à ce qu’elle laisse entendre, se trouve en possession de cette déclaration.

116    En effet, Bavaria, au point 74 de sa requête, fait état de ce qu’InBev avait signalé, dans sa réponse à la communication des griefs, «des interprétations alternatives qui ne peuvent pas être raisonnablement exclues et qui risquent donc de menacer à un stade ultérieur la légalité de la décision». Bavaria affirme en outre, audit point de sa requête, que l’avocat d’InBev avait écrit, à propos de la réponse de celle-ci à la communication des griefs, que «[l]’intention de [ses] clients n’était aucunement de minimiser leur rôle dans les faits invoqués ni de contester l’existence ou la durée de l’infraction».

117    Par conséquent, l’argumentation de Bavaria selon laquelle l’accès à cette réponse aurait pu avoir une influence sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission est inopérante.

118    En tout état de cause, à supposer même que Bavaria n’aurait eu accès à la déclaration litigieuse qu’après la décision de la Commission, il y a lieu de constater que l’éventuelle pertinence de cette déclaration, qui, d’ailleurs, est de nature ambiguë, ainsi que de nombreux autres éléments factuels ont été pris en compte par le Tribunal.

119    À cet égard, le Tribunal a souligné, aux points 250 et 251 de l’arrêt attaqué, qu’il appartient à une entreprise qui souhaite obtenir un document à décharge ne faisant pas partie du dossier d’instruction proprement dit, tel que visé aux points 243 et 244 de cet arrêt, non seulement de fournir un premier indice de l’utilité, pour sa défense, de ce document, mais également d’indiquer notamment les éléments à décharge potentiels ou de fournir un indice accréditant leur existence et, partant, leur utilité pour les besoins de l’instance.

120    Le Tribunal a considéré, aux points 252 et 253 de l’arrêt attaqué, que le seul fait, pour Bavaria, de faire valoir que les réponses des autres entreprises concernées par la procédure lui auraient permis d’invoquer d’autres éléments à décharge appuyant la conclusion selon laquelle les brasseurs ne se sont jamais concertés sur le marché néerlandais de la bière ne suffisait pas pour considérer ces arguments comme des éléments à décharge.

121    Le Tribunal a dès lors conclu, au point 254 de l’arrêt attaqué, que Bavaria n’avait pas indiqué de potentiels nouveaux éléments à charge ou à décharge que pourraient comporter les réponses apportées dans le cadre de la communication des griefs.

122    Il découle de ce qui précède que le présent moyen de Bavaria met en cause les appréciations de fait effectuées par le Tribunal aux points 252 à 254 de l’arrêt attaqué.

123    En effet, la pertinence éventuelle et la valeur probante de prétendus éléments à décharge revêtent manifestement une nature factuelle, si bien qu’elles ne sont pas soumises, comme telles, au contrôle de la Cour (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, points 330 et 331).

124    Enfin, et à titre surabondant, il importe d’ajouter que le Tribunal, aux points 46 à 77 de l’arrêt attaqué, a pris en compte de manière détaillée un grand nombre d’indications données par InBev au cours de l’année 2000. Il ressort en particulier des points 64 et suivants de l’arrêt attaqué que, parmi ces nombreuses indications, figurent notamment des passages qui, selon Bavaria elle-même, auraient comporté des éléments à décharge.

125    Dans ces conditions, Bavaria ne saurait faire valoir que le Tribunal aurait mal apprécié lesdits éléments factuels.

126    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le cinquième moyen doit être rejeté.

127    Aucun des cinq moyens invoqués par Bavaria au soutien de son pourvoi n’étant susceptible d’être accueilli, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.

 Sur les dépens

128    Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Bavaria ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à sa condamnation, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Bavaria NV est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.