Language of document : ECLI:EU:C:2007:69

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

30 janvier 2007 (*)

«Manquement d’État – Libre circulation des travailleurs – Libre prestation des services – Libre circulation des capitaux – Liberté d’établissement – Impôt sur le revenu – Prévoyance vieillesse – Souscription auprès d’une institution de retraite établie dans un autre État membre – Législation fiscale – Limitation de la déductibilité ou omission du revenu imposable des cotisations versées dans le cadre d’un plan de retraite – Raisons impérieuses d’intérêt général – Efficacité des contrôles fiscaux – Cohérence du système fiscal – Symétrie du système fiscal – Convention fiscale préventive de la double imposition»

Dans l’affaire C-150/04,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 23 mars 2004,

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mme S. Tams, puis par MM. R. Lyal et H. Støvlbæk, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Danemark, représenté par M. J. Molde, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume de Suède, représenté par M. A. Kruse, en qualité d’agent,

partie intervenante,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts, P. Kūris (rapporteur) et E. Juhász, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann, J. Makarczyk, G. Arestis, A. Borg Barthet et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 31 janvier 2006,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 1er juin 2006,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en adoptant et en maintenant en vigueur un régime d’assurances vie et de retraite prévoyant que le droit de déduire et le droit d’omettre les cotisations ne sont accordés que pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des institutions de retraite établies au Danemark, alors qu’aucun allégement fiscal de cette nature n’est accordé pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des institutions de retraite établies dans d’autres États membres (ci‑après la «réglementation en cause»), le Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 43 CE, 49 CE et 56 CE.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

2        Le champ d’application de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15), telle que modifiée par la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992 (JO L 76, p. 1, ci-après la «directive 77/799»), s’étend désormais aux impôts indirects.

3        Le premier considérant de la directive 77/799 dispose:

«considérant que la pratique de la fraude et de l’évasion fiscales par-delà les frontières des États membres conduit à des pertes budgétaires et à des entorses au principe de la justice fiscale et qu’elle est susceptible de provoquer des distorsions dans les mouvements de capitaux et dans les conditions de concurrence, qu’elle affecte donc le fonctionnement du marché commun».

4        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/799 prévoit:

«Les autorités compétentes des États membres échangent, conformément à la présente directive, toutes les informations susceptibles de leur permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune [...]»

5        L’article 8 de cette directive précise:

«1.      La présente directive n’impose pas l’obligation de faire effectuer des recherches ou de transmettre des informations lorsque la législation ou la pratique administrative de l’État membre qui devrait fournir les informations n’autorisent l’autorité compétente ni à effectuer ces recherches ni à recueillir ou à utiliser ces informations pour les propres besoins de cet État.

2.      La transmission d’informations peut être refusée dans le cas où elle conduirait à divulguer un secret commercial, industriel ou professionnel ou un procédé commercial, ou une information dont la divulgation serait contraire à l’ordre public.

3.      L’autorité compétente d’un État membre peut refuser la transmission d’informations lorsque l’État intéressé n’est pas en mesure de fournir une transmission d’informations équivalentes pour des raisons de fait ou de droit.»

6        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5), dispose:

«Les États membres suppriment les restrictions aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les États membres, sans préjudice des dispositions figurant ci-après. Pour faciliter l’application de la présente directive, les mouvements de capitaux sont classés selon la nomenclature établie à l’annexe I.»

7        La partie X de l’annexe I de la directive 88/361 relative aux transferts en exécution de contrats d’assurances précise:

«A. Primes et prestations au titre de l’assurance vie

[...]

2)      Contrats conclus par des compagnies d’assurance vie étrangères avec des résidents

[…]»

 La réglementation nationale

8        La réglementation danoise, codifiée par la loi n° 816 relative notamment à l’imposition des plans de retraite (bekendtgørelse af lov om beskatningen af pensionsordninger m.v.), du 30 septembre 2003 (Lovtidende 2003 A, p. 5522, ci‑après la «loi sur l’imposition des retraites»), contient des dispositions relatives à l’imposition des plans de retraite, dont les assurances vie (ci‑après les «plans de retraite»). Elle distingue deux catégories de plans de retraite, chacune recevant un traitement fiscal différent. La première catégorie de plans de retraite relève de la section I de cette loi et son titulaire bénéficie d’avantages fiscaux. La seconde catégorie est réglementée par la section II A de ladite loi et son titulaire ne bénéficie d’aucun avantage fiscal.

9        En ce qui concerne la première catégorie de plans de retraite, la loi sur l’imposition des retraites prévoit, en substance, la déductibilité ou l’omission des cotisations versées dans le cadre d’un plan de retraite visé à la section I de cette loi, qu’il s’agisse de cotisations relatives à des plans souscrits dans le cadre d’une relation de travail ou de cotisations relatives à des plans privés souscrits en dehors du cadre d’une relation de travail.

10      Les prestations perçues au titre d’un plan de retraite visé à la section I de la loi sur l’imposition des retraites sont imposées au niveau du bénéficiaire. Les prestations versées à l’échéance au titre d’un plan de retraite avec versements périodiques, les prestations servies à l’échéance au titre d’un plan de retraite avec versement d’un capital et les prestations servies par anticipation sont imposées à des taux différents.

11      Afin de bénéficier des avantages fiscaux prévus à la section I de la loi sur l’imposition des retraites, le plan de retraite doit remplir certaines conditions qui portent, notamment, sur l’âge de la retraite, sur les bénéficiaires autorisés et sur la nature des prestations. Des exigences sont en outre formulées en ce qui concerne l’institution de retraite auprès de laquelle le plan est souscrit. Les plans de retraite doivent être souscrits auprès d’entreprises d’assurance vie, de caisses de retraite ou d’établissements financiers.

12      Les entreprises d’assurance vie doivent:

–        être établies au Danemark, ou

–        exercer leur activité d’assurance vie au Danemark au moyen d’un établissement stable et être autorisées par l’autorité de surveillance du secteur financier à y exercer l’activité d’assurance vie, ou

–        exercer l’activité d’assurance vie au Danemark au moyen d’une succursale et être autorisées dans un autre État membre de l’Union européenne.

13      Les caisses de retraite doivent:

–        relever de la loi codifiée n° 148 sur la surveillance des caisses de retraite d’entreprise (bekendtgørelse af lov om tilsyn med firmapensionskasser), du 7 mars 2003 (Lovtidende 2003 A, p. 953), qui suppose qu’elles soient établies au Danemark, ou

–        relever de la loi n° 453 relative aux activités financières (lov n° 453 om finansiel virksomhed), du 10 juin 2003 (Lovtidende 2003 A, p. 2822), qui vise certaines caisses de retraite établies au Danemark ainsi que les caisses de retraite étrangères qui exercent leur activité au Danemark au moyen d’une succursale après avoir été autorisées dans un autre État membre de l’Union européenne.

14      Les établissements financiers doivent:

–        être autorisés par l’autorité de surveillance du secteur financier à exercer leur activité au Danemark, ce qui suppose qu’ils sont établis dans cet État membre, ou

–        être un établissement de crédit exerçant ses activités au Danemark au moyen d’une succursale après avoir été autorisé dans un autre État membre de l’Union européenne.

15      En ce qui concerne la seconde catégorie de plans de retraite, la section II A de la loi sur l’imposition des retraites, intitulée «Plans de retraite, assurances et autres soumis à l’impôt sur le revenu», contient des dispositions relatives aux plans de retraite qui ne remplissent pas les conditions requises pour relever de la section I de cette loi ainsi qu’aux plans de retraite pour lesquels l’assuré a renoncé à l’imposition conformément à cette même section I.

16      Ladite section II A comprend les articles 53 A ainsi que 53 B et porte, notamment, sur les plans de retraite souscrits auprès d’institutions de retraite étrangères.

17      L’article 53 A de la loi sur l’imposition des retraites dispose:

«1.      Les dispositions des paragraphes 2 à 5 sont applicables aux cas suivants:

1)       assurance vie non soumise aux dispositions du chapitre 1;

2)       assurance vie satisfaisant aux conditions du chapitre 1, mais pour laquelle le titulaire de l’assurance a, au moment de la souscription, renoncé à une imposition conformément aux dispositions de la section I;

3)       plan de retraite souscrit auprès d’une caisse de retraite, non soumis aux dispositions du chapitre 1;

4)       plan de retraite souscrit auprès d’une caisse de retraite, satisfaisant aux conditions du chapitre 1, mais pour lequel l’ayant droit a, au moment de la souscription, renoncé à une imposition conformément aux dispositions de la section I, ainsi que

5)       assurance maladie et accident dont l’assuré est le titulaire.

2.      Les primes ou cotisations pour les plans de retraite et autres assurances énumérés au paragraphe 1 ne sont pas déductibles lors du calcul du revenu imposable. Lors du calcul du revenu imposable d’un salarié, les primes ou cotisations versées par l’employeur ou par un employeur précédent sont prises en compte. [...]

3.      Lors du calcul du revenu imposable, le rendement des plans d’assurance vie et de retraite visés au paragraphe 1 est pris en compte […]

[...]

5.      Les prestations au titre de plans de retraite ou autres assurances mentionnés au paragraphe 1 ne sont pas prises en compte lors du calcul du revenu imposable.»

18      L’article 53 B de la même loi dispose:

«1.      Nonobstant l’article 53 A, les dispositions des paragraphes 4, 5 et 6 sont applicables aux assurances vie mentionnées à l’article 53 A, paragraphe 1, point 1, aux plans de retraite souscrits auprès d’une caisse de retraite mentionnés à l’article 53 A, paragraphe 1, point 3, et aux assurances maladie et accident mentionnées à l’article 53 A, paragraphe 1, point 5, si les conditions des paragraphes 2 et 3 sont remplies. Il en va de même des plans de retraite étrangers souscrits auprès d’établissements financiers.

2.      Le plan de retraite ou autres assurances mentionnés au paragraphe 1 doivent avoir été souscrits alors que le preneur d’assurance ou l’ayant droit à la retraite n’était pas assujetti à l’impôt en vertu de l’article 1er de la loi relative à la retenue de l’impôt à la source ou qu’il était assujetti à l’impôt en vertu de l’article 1er de la loi relative à la retenue de l’impôt à la source, mais était résident d’un pays étranger, des îles Féroé ou du Groenland, au sens des dispositions d’une convention contre la double imposition.

3.      L’ensemble des cotisations au plan de retraite ou autres assurances mentionnés au paragraphe 1, versées au cours de la période pendant laquelle le preneur d’assurance ou l’ayant droit à la retraite n’était pas assujetti à l’impôt ou résident au Danemark, doivent avoir été déduites du revenu positif imposable conformément à la législation fiscale de l’État dans lequel le preneur d’assurance ou l’ayant droit était assujetti à l’impôt ou résident au moment du versement des cotisations ou avoir été versées par un employeur de telle sorte que, conformément à la législation fiscale de l’État dans lequel le preneur d’assurance ou l’ayant droit était assujetti à l’impôt ou résident au moment du versement des cotisations, elles n’aient pas été prises en compte lors du calcul du revenu imposable de l’intéressé.

4.      En ce qui concerne les primes et cotisations à des plans de retraite ou autres mentionnés au paragraphe 1, l’article 53 A, paragraphe 2, est applicable.

5.      Lors du calcul du revenu imposable, le rendement des plans de retraite ou autres mentionnés au paragraphe 1, notamment les intérêts et participations aux bénéfices, n’est pas pris en compte.

6.      Les prestations au titre de plans de retraite et autres assurances mentionnés au paragraphe 1 entrent dans le calcul du revenu imposable. [...] Les prestations n’entrent pas dans le calcul du revenu imposable si elles constituent la contrepartie de cotisations qui ont été versées par le preneur d’assurance ou l’ayant droit au cours de la période postérieure à la date à laquelle l’intéressé est devenu assujetti à l’impôt ou résident au Danemark, et qui n’ont pas pu être déduites lors du calcul du revenu imposable conformément au paragraphe 4 et à l’article 53 A, paragraphe 2.»

19      Eu égard aux considérations qui précèdent et aux explications fournies à la Cour, il peut être déduit de la réglementation en cause, premièrement, que les cotisations à des plans de retraite visés à la section II A de la loi sur l’imposition des retraites ne bénéficient ni de la déductibilité ni du droit d’omission.

20      Deuxièmement, le rendement courant de l’épargne retraite est imposé en tant que revenu du capital conformément à l’article 53 A, paragraphe 3, de la loi sur l’imposition des retraites. Si le plan de retraite relève de l’article 53 B de cette loi, le rendement courant n’est toutefois pas imposable.

21      Troisièmement, les prestations servies au titre des plans de retraite visés à l’article 53 A de la loi sur l’imposition des retraites sont exonérées. Les prestations servies au titre des plans de retraite visés à l’article 53 B de cette loi sont imposées en tant que revenu personnel si le preneur d’assurance a pu déduire ou omettre ses cotisations.

22      Quatrièmement, ledit article 53 B vise les plans de retraite souscrits à l’étranger par des personnes qui, au moment de la souscription, ne résidaient pas au Danemark. Si l’assuré s’établit dans cet État membre et y est toujours résident au moment du versement de la retraite, les prestations servies sont imposées dans cet État. Cet article confère, au Danemark, la base juridique nécessaire pour imposer les prestations versées au titre des plans de retraite étrangers dans les cas où cet État membre a le droit de percevoir l’impôt en tant qu’État de résidence en vertu d’une convention contre la double imposition.

 Les conventions fiscales préventives de la double imposition

 Imposition des prestations servies par des régimes de prévoyance vieillesse en vertu des conventions contre la double imposition conclues par le Royaume de Danemark

23      L’article 18 du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune, réalisé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (ci‑après la «convention OCDE»), énonce, en substance, que les pensions privées sont en principe imposables dans l’État de résidence du bénéficiaire.

24      Le Royaume de Danemark a conclu des conventions visant à éviter la double imposition avec de nombreux États. Ces conventions suivent les principes de la convention OCDE et consacrent, notamment, le droit d’imposer les prestations servies par des régimes de retraite privés.

25      Des dispositions correspondant à l’article 18 de la convention OCDE figurent dans les conventions conclues entre, d’une part, le Royaume de Danemark et, d’autre part, la République française (convention du 8 février 1957, article 13), la République d’Autriche (convention du 23 octobre 1961, telle que modifiée par le protocole du 19 octobre 1970, article 15), le Grand-Duché de Luxembourg (convention du 17 novembre 1980, article 18), le Royaume des Pays-Bas (convention du 1er juillet 1996, article 18), le Royaume d’Espagne (convention du 3 juillet 1972, telle que modifiée par le protocole du 17 mars 1999, article 18, paragraphe 1). Une disposition analogue à celles précitées figure dans la convention conclue avec la Confédération suisse (convention du 23 novembre 1973, article 18).

 Déductibilité des cotisations à des régimes de prévoyance vieillesse étrangers en vertu des conventions contre la double imposition conclues par le Royaume de Danemark

26      Certaines des conventions contre la double imposition conclues par le Royaume de Danemark permettent aux preneurs d’assurance résidant dans un État contractant de déduire des revenus imposables dans cet État les cotisations afférentes à des plans de retraite souscrits dans l’autre État contractant.

27      Il s’agit des conventions conclues avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (convention du 11 novembre 1980, telle que modifiée par le protocole du 13 octobre 1996, article 28, paragraphe 3), le Royaume des Pays‑Bas (convention du 1er juillet 1996, article 5, paragraphe 5) et le Royaume de Suède (accord additionnel du 29 octobre 2003 à la convention du 23 septembre 1996, article 19, paragraphes 1 à 3). Une disposition correspondante figure dans la convention conclue avec la Confédération suisse (convention du 23 novembre 1973, article 25, paragraphe 4).

 La procédure précontentieuse

28      Dans ses lettres de mise en demeure des 5 avril 1991 et 31 juillet 1992 ainsi que dans sa lettre de mise en demeure complémentaire du 11 avril 2000, la Commission a attiré l’attention des autorités danoises sur l’incompatibilité de certaines dispositions nationales relatives à la déductibilité ou à l’omission des cotisations pour des plans de retraite lors du calcul du revenu imposable avec les articles 39 CE, 43 CE, 49 CE et 56 CE.

29      À la suite des réponses du gouvernement danois des 12 mars et 22 décembre 1992 ainsi que du 29 juin 2000, puis, après avoir entendu les autorités danoises lors de réunions, les 4 novembre 1997 et 14 janvier 2000, la Commission a, le 5 février 2003, adressé à ce gouvernement un avis motivé dans lequel elle concluait que, en maintenant la réglementation en cause, le Royaume de Danemark avait manqué aux obligations lui incombant en vertu desdits articles.

30      Le 15 avril 2003, dans sa réponse à l’avis motivé de la Commission, le gouvernement danois a reconnu que cette réglementation était susceptible d’entraver la libre prestation de services, la libre circulation des travailleurs et la liberté d’établissement, mais il prétendait qu’elle ne constituerait pas un obstacle à la libre circulation des capitaux.

31      Le gouvernement danois considère, cependant, que les restrictions auxdites libertés sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général tenant à la nécessité de garantir la cohérence du système fiscal national. Selon ce gouvernement, les dispositions nationales relatives à l’imposition des retraites seraient symétriques, puisqu’il existerait un lien direct entre la déductibilité ou l’omission des cotisations et l’imposition des prestations versées.

32      Estimant que les explications données par le Royaume de Danemark en réponse audit avis motivé n’étaient pas satisfaisantes, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

33      Par ordonnance du président de la Cour du 19 novembre 2004, le Royaume de Suède a été admis à intervenir à l’appui des conclusions du Royaume de Danemark.

 Sur le recours

 Sur les entraves aux libertés

34      À titre liminaire, il convient de rappeler que, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle‑ci dans le respect du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 11 août 1995, Wielockx, C‑80/94, Rec. p. I‑2493, point 16; du 6 juin 2000, Verkooijen, C‑35/98, Rec. p. I‑4071, point 32, ainsi que du 26 juin 2003, Skandia et Ramstedt, C‑422/01, Rec. p. I‑6817, point 25).

35      Il convient d’examiner si, comme le fait valoir la Commission, la réglementation en cause entrave la libre prestation des services, la libre circulation des travailleurs et des capitaux ainsi que la liberté d’établissement. Le gouvernement danois ne conteste que l’existence d’une entrave à la libre circulation des capitaux.

36      En effet, selon ce gouvernement, la réglementation en cause n’emporterait aucune limitation directe des transactions transfrontalières relatives aux capitaux versés à des institutions de retraite étrangères ou payés par celles-ci. Il ne s’agirait que de limitations indirectes résultant des entraves que cette réglementation pourrait exercer sur la libre prestation des services, la libre circulation des travailleurs et la liberté d’établissement.

37      À cet égard, il a lieu, premièrement, de rappeler que les prestations de services en matière d’assurances constituent des services au sens de l’article 50 CE et que l’article 49 CE s’oppose à l’application de toute réglementation nationale qui, sans justification objective, entrave la possibilité pour un prestataire de services d’exercer effectivement cette liberté (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 1998, Safir, C‑118/96, Rec. p. I‑1897, point 22; du 3 octobre 2002, Danner, C‑136/00, Rec. p. I‑8147, points 25 à 27, ainsi que Skandia et Ramstedt, précité, points 22 à 24).

38      Dans l’optique d’un marché unique, et pour permettre de réaliser les objectifs de celui-ci, l’article 49 CE s’oppose également à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre (voir arrêt Safir, précité, point 23).

39      En l’espèce, pour que les institutions de retraite établies dans d’autres États membres puissent offrir sur le marché danois leurs services assortis des mêmes avantages fiscaux que ceux proposés par les institutions de retraite établies au Danemark, elles doivent détenir une succursale ou un établissement stable dans cet État membre.

40      S’agissant de l’article 49 CE, il y a lieu de distinguer deux catégories de situations dans lesquelles une telle condition est susceptible d’exercer un effet dissuasif. D’une part, les prestataires de services sont dissuadés de venir s’établir au Danemark en raison des coûts y afférents. Une telle situation constitue en elle-même une négation de cette liberté (voir, en ce sens, arrêts du 15 janvier 2002, Commission/Italie, C‑439/99, Rec. p. I-305, point 30, et du 11 mars 2004, Commission/France, C‑496/01, Rec. p. I‑2351, point 65). D’autre part, les destinataires desdits services sont dissuadés de souscrire un plan de retraite avec des institutions de retraite établies dans un autre État membre, compte tenu de l’importance que revêt, lors de la souscription d’un tel plan, la possibilité d’obtenir des allégements fiscaux à ce titre (voir arrêt Danner, précité, point 31).

41      Deuxièmement, en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs, il convient de relever que les travailleurs salariés ayant exercé une activité professionnelle dans un État membre autre que le Royaume de Danemark et qui, par la suite, occupent un emploi dans ce dernier État membre, ou y sont à la recherche d’un emploi, ont normalement souscrit leurs plans de retraite auprès d’institutions établies dans le premier État. Il s’ensuit que les dispositions en cause risquent de jouer en particulier au détriment de ces travailleurs qui, en règle générale, sont des ressortissants d’autres États membres (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann, C‑204/90, Rec. p. I‑249, point 9, et Commission/Belgique, C‑300/90, Rec. p. I‑305, point 7).

42      Or, en l’espèce, l’octroi d’un droit à déduction ou d’omission des cotisations, à la condition de souscrire un plan de retraite auprès d’une institution de retraite établie au Danemark, est de nature, par les démarches et les charges qu’elle entraîne, à dissuader l’assuré de transférer sa résidence au Danemark et, partant, constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs.

43      Troisièmement, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, il convient de considérer que la réglementation en cause entrave également la liberté d’établissement au Danemark des travailleurs indépendants originaires d’un autre État membre.

44      En effet, en n’octroyant aucun droit de déduction ou d’omission pour les cotisations versées à des institutions de retraite établies dans d’autres États membres, la réglementation en cause est susceptible de dissuader lesdits travailleurs indépendants de s’établir au Danemark.

45      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la réglementation en cause constitue une entrave à la libre prestation des services, à la libre circulation des travailleurs ainsi qu’à la liberté d’établissement.

46      Il résulte, toutefois, d’une jurisprudence bien établie que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité CE peuvent néanmoins être admises à condition qu’elles poursuivent un objectif d’intérêt général, qu’elles soient propres à garantir la réalisation de celui-ci et qu’elles n’aillent pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif qu’elles poursuivent (voir arrêt du 7 septembre 2006, N, C‑470/04, non encore publié au Recueil, point 40).

47      Par conséquent, il y a lieu d’examiner si les entraves constatées peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général tenant, d’une part, comme le soutient le gouvernement danois, à l’objectif d’assurer la cohérence du système fiscal national et, d’autre part, comme le soutient le gouvernement suédois, à l’objectif d’assurer l’efficacité des contrôles fiscaux ainsi que, comme cela a été soutenu notamment à l’audience, à celui de prévenir le risque d’évasion fiscale.

 Sur les justifications invoquées

 En ce qui concerne l’efficacité des contrôles fiscaux et la prévention de l’évasion fiscale

–       Argumentation des parties

48      Selon la Commission, d’autres moyens contenus dans la directive 77/799, tels que l’exigence pesant sur le contribuable de fournir les preuves nécessaires pour apprécier si les conditions de déductibilité ou d’omission des cotisations sont remplies, suffiraient à assurer l’efficacité du contrôle fiscal. Cette directive, comme la directive 76/308/CEE du Conseil, du 15 mars 1976, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances résultant d’opérations faisant partie du système de financement du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, ainsi que de prélèvements agricoles et de droits de douane (JO L 73, p. 18), telle que modifiée par la directive 2001/44/CE du Conseil, du 15 juin 2001 (JO L 175, p. 17), garantirait le recouvrement des impôts sur le revenu dans d’autres États membres.

49      Lors de l’audience, le gouvernement danois a fait valoir que, si le champ d’application de la directive 76/308, telle que modifiée par la directive 2001/44, a été étendu, en 2001, aux impôts directs, aucune obligation nouvelle n’est imposée aux institutions de retraite étrangères pour retenir l’impôt dû par les contribuables résidents dans l’État membre concerné. De ce fait, les conditions sur la base desquelles la Cour a rendu l’arrêt Bachmann, précité, demeurent valables.

50      Selon le gouvernement suédois, l’efficacité de la directive 77/799 serait limitée par le fait que ce sont les droits nationaux des États membres qui déterminent les informations dont ils peuvent disposer et qu’ils sont tenus de transmettre en application de cette directive. En particulier, ainsi qu’il ressort de l’article 8 de ladite directive, un État membre ne serait pas tenu de fournir une information qui lui a été demandée lorsque sa législation lui interdit de procéder à des recherches, de collecter ou d’utiliser de telles informations pour ses besoins propres ou lorsqu’il invoque une réglementation sur la confidentialité.

–       Appréciation de la Cour

51      La Cour a jugé que la lutte contre l’évasion fiscale (voir arrêts du 16 juillet 1998, ICI, C‑264/96, Rec. p. I‑4695, point 26; du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C‑397/98 et C‑410/98, Rec. p. I‑1727, point 57, ainsi que du 15 juillet 2004, Lenz, C‑315/02, Rec. p. I‑7063, point 27), et l’efficacité des contrôles fiscaux (voir arrêts du 21 novembre 2002, X et Y, C‑436/00, Rec. p. I‑10829, point 51, ainsi que du 4 mars 2004, Commission/France, C‑334/02, Rec. p. I‑2229, points 31 et 32), constituent des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des réglementations de nature à restreindre les libertés fondamentales garanties par le traité (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C‑386/04, non encore publié au Recueil, point 32).

52      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la directive 77/799 peut être invoquée par un État membre afin d’obtenir, de la part des autorités compétentes d’un autre État membre, toutes les informations susceptibles de lui permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu (voir arrêt du 28 octobre 1999, Vestergaard, C‑55/98, Rec. p. I‑7641, point 26), ou toutes les informations qu’il juge nécessaires pour apprécier le montant exact de l’impôt sur le revenu dû par un redevable en fonction de la législation qu’il applique (voir, en ce sens, arrêt Wielockx, précité, point 26).

53      Il y a lieu de constater, en l’espèce, que les autorités danoises peuvent contrôler si des cotisations ont été effectivement versées par un contribuable à une institution établie dans un autre État membre. En effet, aux termes de l’article 11 C, paragraphes 1 et 3, de la loi codifiée n° 726 relative au contrôle fiscal (bekendtgørelse af skattekontrolloven), du 13 août 2001(Lovtidende 2001 A, p. 4620), les personnes qui ont souscrit un plan de retraite à l’étranger et qui sont pleinement imposables au Danemark sont tenues d’informer l’administration fiscale à son sujet.

54      Quant à la circonstance que l’article 8, paragraphe 1, de la directive 77/799 n’impose pas la collaboration des autorités fiscales des États membres lorsque les conditions qu’énonce cette disposition se trouvent réunies, elle ne saurait justifier l’absence de déductibilité ou d’omission des cotisations versées dans le cadre d’un plan de retraite. En effet, rien n’empêcherait les autorités fiscales danoises d’exiger de l’intéressé les preuves qu’elles jugent nécessaires et, le cas échéant, de refuser la déduction ou l’omission si ces preuves ne sont pas fournies (voir, en ce sens, arrêts précités Bachmann, points 18 et 20, ainsi que Commission/Belgique, points 11 et 13).

55      Il s’ensuit que les difficultés liées à l’échange d’informations au regard de la directive 77/799, en ce que cette dernière ne permettrait pas de vérifier efficacement si les plans de retraite étrangers remplissent les conditions auxquelles la réglementation en cause subordonne la déductibilité ou l’omission, ne justifient pas les entraves constatées au point 45 du présent arrêt.

56      Quant à l’efficacité du contrôle de l’imposition des retraites versées à des preneurs d’assurance résidant au Danemark, force est de constater, également, qu’elle peut être assurée par des moyens moins restrictifs de la libre prestation des services que la réglementation en cause, notamment par l’obligation de produire des justificatifs par les redevables à l’occasion de demandes de déduction ou d’omission.

57      En effet, il convient de relever que, avant de recevoir une pension servie par un régime géré par une institution de retraite étrangère, le redevable aura normalement demandé la déduction ou l’omission des cotisations y afférentes. Les demandes de déduction ou d’omission et les éléments justificatifs fournis par les redevables à l’occasion de telles demandes constitueront à cet égard une source utile de renseignements sur les pensions qui seront servies ultérieurement à ces derniers.

58      Il convient, par ailleurs, de souligner que la seule circonstance qu’un contribuable verse des cotisations dans le cadre d’un plan de retraite conclu avec une institution établie en dehors du Danemark ne saurait fonder une présomption générale d’évasion fiscale et justifier une mesure fiscale portant atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentale garantie par le traité (voir, en ce sens, arrêts du 26 septembre 2000, Commission/Belgique, C‑478/98, Rec. p. I‑7587, point 45, et du 4 mars 2004, Commission/France, précité, point 27).

59      Au regard de tout ce qui précède, les entraves résultant de la réglementation en cause ne sauraient être justifiées par l’efficacité des contrôles fiscaux et la prévention de l’évasion fiscale.

 En ce qui concerne la cohérence du système fiscal

–       Argumentation des parties

60      S’agissant de l’existence de la cohérence du système fiscal, la Commission considère que cette cohérence serait satisfaite si deux conditions étaient remplies. D’une part, il devrait exister un lien direct entre la déduction ou l’omission des cotisations et l’imposition des prestations et, d’autre part, la réglementation en cause devrait prévoir la possibilité d’accorder la déductibilité ou l’omission des cotisations versées à un régime de retraite d’un autre État membre, sauf si l’État de résidence ne peut pas imposer les prestations servies par ce régime.

61      Selon le gouvernement danois, tant que la réglementation en cause exclut l’imposition des prestations versées si les cotisations n’ont pas été déductibles ou omises, il serait conforme au traité de limiter ou d’exclure les possibilités de déduire ou d’omettre les cotisations versées à des institutions de retraite établies dans d’autres États membres. Les règles danoises seraient symétriques en ce qu’elles n’imposeraient pas les prestations versées quand elles n’accordent pas de droit à déduction ou d’omission pour les cotisations versées, mais qu’elles imposeraient ces mêmes prestations quand elles accordent un droit à déduction ou d’omission desdites cotisations. La cohérence du système fiscal serait également assurée au niveau d’un seul et même contribuable.

62      S’agissant de la nécessité d’assurer la cohérence du système fiscal, la Commission considère que tous les plans de retraite souscrits auprès d’institutions de retraite établies dans d’autres États membres devraient bénéficier des mêmes avantages fiscaux que ceux souscrits au Danemark. La prise en compte de la nécessité d’assurer la cohérence du système fiscal ne saurait être pertinente que dans les cas où le Royaume de Danemark n’aurait pas le droit d’imposer les prestations versées. Elle ajoute que cet État membre ne perdrait le droit d’imposer de telles prestations versées au preneur d’assurance qui réside sur son territoire, que le plan de retraite ait été souscrit sur son territoire ou à l’étranger, que si ce preneur d’assurance transférait sa résidence dans un autre État membre.

63      Selon le gouvernement danois, l’incertitude de voir l’impôt acquitté sur les prestations versées par les institutions de retraite étrangères serait l’élément déterminant qui justifierait la nécessité d’assurer la cohérence du système fiscal. En effet, à l’occasion d’un changement de résidence de l’assuré, les autorités de l’État membre concerné ignoreraient, au jour du versement des cotisations, si cet assuré émigrera et donc si, en application d’une convention contre la double imposition, l’impôt sera acquitté non pas dans l’État membre où les cotisations ont été versées et les déductions ou omissions accordées, mais dans le nouvel État de résidence.

64      Le gouvernement suédois précise que la cohérence du système fiscal implique que les autorités fiscales n’admettent la déductibilité ou l’omission des cotisations aux plans de retraite des revenus imposables que si elles ont la certitude que le capital versé par l’institution de retraite à l’expiration du plan de retraite sera effectivement imposé.

–       Appréciation de la Cour

65      Il y a lieu d’examiner, d’emblée, l’argument du gouvernement danois selon lequel la Commission, en soutenant que la nécessité d’assurer la cohérence du système fiscal ne pourrait être invoquée que dans les cas où le Royaume de Danemark ne pourrait plus imposer les prestations servies par les institutions de retraite étrangères, c’est-à-dire dans les cas où les preneurs d’assurance renonceraient à leur résidence au Danemark, aurait avancé un argument qui ne figure pas dans la lettre de mise en demeure ni dans l’avis motivé.

66      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure en manquement, la phase précontentieuse a pour objectif de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission (voir arrêt du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, Rec. p. I‑3331, point 33).

67      En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’avis motivé de la Commission et le recours doivent être fondés sur des griefs identiques sans toutefois aller jusqu’à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2004, Commission/Grèce, C‑417/02, Rec. p. I‑7973, point 17).

68      En l’espèce, en ne produisant qu’un argument destiné à appuyer l’un des griefs formulés dans l’avis motivé tendant à démontrer que la cohérence du système fiscal n’est pas suffisante pour justifier les entraves aux libertés susmentionnées, la Commission n’a pas formulé un grief nouveau et n’a pas non plus méconnu le respect des droits de la défense du gouvernement danois.

69      Il s’ensuit que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le gouvernement danois doit être rejetée.

70      Au titre de la justification tirée de la cohérence du système fiscal, il est constant que la nécessité de préserver une telle cohérence exige l’existence d’un lien direct entre un avantage fiscal et un désavantage corrélatif (voir arrêts du 28 janvier 1992, Commission/Belgique, précité, point 14, et du 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson, C‑484/93, Rec. p. I‑3955, point 18, ainsi que arrêts précités ICI, point 29; Vestergaard, point 24; du 26 septembre 2000, Commission/Belgique, point 35, ainsi que X et Y, point 52).

71      À cet égard, il y a lieu de constater que le facteur susceptible de porter atteinte à la cohérence du système fiscal danois réside dans la survenance d’un transfert de résidence de l’intéressé entre le moment du paiement des cotisations à un plan de retraite et celui du versement des prestations correspondantes, et non pas tant dans le fait que l’institution de retraite soit située dans un autre État membre.

72      En effet, lorsqu’un résident danois, ayant souscrit un plan de retraite auprès d’une institution établie au Danemark, bénéficie d’avantages fiscaux sur les cotisations versées dans le cadre de ce plan, puis, transfère, avant l’échéance du versement des prestations, sa résidence dans un autre État membre, le Royaume de Danemark se voit privé du pouvoir de taxer les prestations correspondant aux cotisations déduites ou omises, du moins lorsqu’il a conclu avec l’État membre dans lequel est transférée la résidence de l’intéressé une convention contre la double imposition calquée sur la convention OCDE. Cette conséquence n’est cependant, en pareille hypothèse, pas imputable au fait que l’institution de retraite serait établie à l’étranger.

73      Inversement, rien n’empêche le Royaume de Danemark d’exercer son pouvoir de taxation sur des prestations versées par une institution de retraite établie dans un autre État membre à un contribuable résidant toujours au Danemark au moment de ce versement, en contrepartie de cotisations dont il aurait admis la déduction ou l’omission. Ce n’est que dans l’hypothèse où ce contribuable aurait transféré, avant l’échéance du versement des prestations, sa résidence dans un État membre autre que le Royaume de Danemark pourrait rencontrer des difficultés à taxer les prestations versées et que, ainsi, une atteinte serait portée à la cohérence du système fiscal danois en matière de taxation des retraites privées.

74      Il s’ensuit que, en refusant, d’une manière générale, d’accorder un avantage fiscal aux cotisations versées à une institution de retraite établie dans un autre État membre, la réglementation en cause ne peut pas être justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du système fiscal.

75      Il résulte de ce qui précède que la réglementation en cause ne saurait être justifiée ni par des considérations tirées de l’efficacité des contrôles fiscaux et de la lutte contre l’évasion fiscale ni par la nécessité de garantir la cohérence du système fiscal.

76      Les dispositions du traité relatives à la libre prestation des services, à la libre circulation des travailleurs et à la liberté d’établissement s’opposant à la réglementation en cause, il n’est pas nécessaire d’examiner séparément cette réglementation à la lumière de l’article 56 CE concernant la libre circulation des capitaux (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2006, Commission/Portugal, C‑345/05, non encore publié au Recueil, point 45).

77      Par conséquent, il y a lieu de constater que, en adoptant et en maintenant en vigueur un régime d’assurances vie et de retraite prévoyant que le droit de déduire et le droit d’omettre les cotisations ne sont accordés que pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des institutions de retraite établies au Danemark, alors qu’aucun allégement fiscal de cette nature n’est accordé pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des institutions de retraite établies dans d’autres États membres, le Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 43 CE et 49 CE.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Danemark et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. Conformément au paragraphe 4, premier alinéa, du même article, le Royaume de Suède, qui est intervenu au litige, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

1)      En adoptant et en maintenant en vigueur un régime d’assurances vie et de retraite prévoyant que le droit de déduire et le droit d’omettre les cotisations ne sont accordés que pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des institutions de retraite établies au Danemark, alors qu’aucun allégement fiscal de cette nature n’est accordé pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des institutions de retraite établies dans d’autres États membres, le Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 43 CE et 49 CE.

2)      Le Royaume de Danemark est condamné aux dépens.

3)      Le Royaume de Suède supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le danois.