Language of document : ECLI:EU:C:2014:26

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

23 janvier 2014 (*)

«Assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs – Directives 72/166/CEE, 84/5/CEE, 90/232/CEE et 2009/103/CEE – Accident de la circulation – Préjudice immatériel – Indemnisation – Dispositions nationales instituant des modalités de calcul propres aux accidents de la circulation, moins favorables aux victimes que celles prévues par le régime commun de la responsabilité civile – Compatibilité avec ces directives»

Dans l’affaire C‑371/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Tivoli (Italie), par décision du 20 juin 2012, parvenue à la Cour le 3 août 2012, dans la procédure

Enrico Petillo,

Carlo Petillo

contre

Unipol Assicurazioni SpA,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis, J.‑C. Bonichot et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour Unipol Assicurazioni SpA, par Mes A. Frignani et G. Ponzanelli, avvocati,

–        pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze ainsi que par Mmes J. Kemper et F. Wannek, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mme L. Pnevmatikou, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement espagnol, par Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. M. Santoro, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement letton, par M. I. Kalniņš et Mme I. Ņesterova, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement lituanien, par M. D. Kriaučiūnas ainsi que par Mmes R. Janeckaitė et A. Svinkūnaitė, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme E. Montaguti et M. K.‑P. Wojcik, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 octobre 2013,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO L 103 p. 1, ci-après la «première directive»), de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO 1984, L 8, p. 17), telle que modifiée par la directive 2005/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005 (JO L 149, p. 14, ci-après la «deuxième directive»), de la troisième directive 90/232/CEE du Conseil, du 14 mai 1990, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile et résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO L 129, p. 33), telle que modifiée par la directive 2005/14 (ci-après la «troisième directive»), et de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO L 263, p. 11).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MM. Enrico et Carlo Petillo à Unipol Assicurazioni SpA (ci-après «Unipol»), au sujet de l’indemnisation par cette dernière, au titre de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, du préjudice subi par M. Enrico Petillo du fait d’un accident de la circulation.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 1er de la première directive énonce:

«Au sens de la présente directive, il faut entendre par:

[...]

2.      personne lésée: toute personne ayant droit à la réparation du dommage causé par des véhicules;

[...]»

4        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive:

«Chaque État membre prend toutes les mesures utiles [...] pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance. Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre de ces mesures.»

5        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la deuxième directive dispose:

«1.      L’assurance visée à l’article 3, paragraphe 1, de la [première directive] couvre obligatoirement les dommages matériels et les dommages corporels.

2.      Sans préjudice de montants de garantie supérieurs éventuellement prescrits par les États membres, chaque État membre exige que les montants pour lesquels cette assurance est obligatoire s’élèvent au minimum:

a)      pour les dommages corporels, à un montant minimal de couverture de 1 million EUR par victime ou de 5 millions EUR par sinistre, quel que soit le nombre de victimes;

b)      pour les dommages matériels, à 1 million EUR par sinistre, quel que soit le nombre de victimes.

Si nécessaire, les États membres peuvent établir une période transitoire d’un maximum de cinq ans à compter de la date de mise en œuvre de la directive [2005/14], au cours de laquelle les montants minimaux de couverture sont adaptés aux montants prévus dans le présent paragraphe.

Les États membres qui établissent une telle période transitoire en informent la Commission et indiquent la durée de cette période.

Dans les trente mois de la date de mise en œuvre de la directive [2005/14], les États membres augmentent les montants de garantie afin qu’ils atteignent au moins la moitié des niveaux prévus dans le présent paragraphe.»

6        L’article 1er de la troisième directive prévoit, notamment, que «l’assurance visée à l’article 3 paragraphe 1 de la [première directive] couvre la responsabilité des dommages corporels de tous les passagers autres que le conducteur résultant de la circulation d’un véhicule».

7        L’article 1er bis de la troisième directive dispose:

«L’assurance visée à l’article 3, paragraphe 1, de la [première directive] couvre les dommages corporels et matériels subis par les piétons, les cyclistes et les autres usagers de la route non motorisés qui, à la suite d’un accident impliquant un véhicule automoteur, ont droit à une indemnisation conformément au droit civil national. Le présent article ne préjuge ni la responsabilité civile ni le montant de l’indemnisation.»

8        Selon l’article 30 de la directive 2009/103, cette dernière est entrée en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne qui a eu lieu le 7 octobre 2009.

 Le droit italien

9        L’article 139 du décret législatif no 209, du 7 septembre 2005, instituant le code des assurances privées (supplément ordinaire à la GURI no 239, du 13 octobre 2005), tel que modifié par le décret ministériel du 17 juin 2011 (GURI no 147, du 27 juin 2011, ci-après le «code des assurances privées»), prévoit:

«1.      La réparation du préjudice corporel découlant de lésions de faible gravité causées par des accidents de la circulation des véhicules à moteur et des véhicules nautiques est effectuée selon les critères et les mesures suivants:

a)      au titre du préjudice corporel permanent, il est prévu pour les séquelles égales ou inférieures à [9 %] un montant progressant de manière plus que proportionnelle par rapport à chaque point de pourcentage d’invalidité; ce montant est calculé par application du coefficient y relatif à chaque point de pourcentage d’invalidité, selon la corrélation indiquée au paragraphe 6. Le montant ainsi déterminé est réduit en fonction de l’avancement en âge de la personne à raison de [0,5 %] pour chaque année d’âge à partir de la onzième année d’âge. La valeur du premier point est fixée à [759,04 euros];

b)      au titre du préjudice corporel temporaire, il est prévu un montant de [44,28 euros] par jour d’incapacité totale; en cas d’incapacité temporaire inférieure à [100 %], le montant correspond au pourcentage d’incapacité reconnu pour chaque jour.

2.      Aux fins du paragraphe 1, on entend par préjudice corporel l’atteinte temporaire ou permanente à l’intégrité psychique et/ou physique de la personne susceptible d’une appréciation médico-légale qui a une incidence négative sur les activités quotidiennes et les aspects existentiels et relationnels de la vie de la victime, indépendamment de répercussions éventuelles sur sa capacité à se procurer des revenus. […]

3.      Le montant du préjudice corporel établi au sens du paragraphe 1 peut être augmenté par le juge dans une proportion qui ne doit pas excéder un cinquième et moyennant une appréciation équitable et motivée de la situation subjective de la victime.

4.      Par décret du président de la République, ayant fait l’objet d’une délibération du Conseil des ministres, sur proposition du ministre de la Santé, en concertation avec le ministre du Travail et des Politiques sociales, le ministre de la Justice et le ministre des Activités productrices, il sera pourvu à l’établissement d’un barème spécifique des atteintes à l’intégrité psychique et/ou physique comprises entre un et neuf points d’invalidité.

5.      Les montants indiqués au paragraphe 1 seront mis à jour annuellement par décret du ministre des activités productrices, en fonction des variations de l’indice national des prix à la consommation pour les familles des ouvriers et des employés attestées par l’Istituto nazionale di statistica (ISTAT).

6.      Aux fins du calcul du montant visé au paragraphe 1, point a), il est appliqué, pour un point de pourcentage d’invalidité égal à 1, un coefficient multiplicateur de 1,0, pour un point de pourcentage d’invalidité égal à 2, un coefficient multiplicateur de 1,1, pour un point de pourcentage d’invalidité égal à 3, un coefficient multiplicateur de 1,2, pour un point de pourcentage d’invalidité égal à 4, un coefficient multiplicateur de 1,3, pour un point de pourcentage d’invalidité égal à 5, un coefficient multiplicateur de 1,5, pour un point de pourcentage d’invalidité égal à 6, un coefficient multiplicateur de 1,7, pour un point de pourcentage d’invalidité égal à 7, un coefficient multiplicateur de 1,9, pour un point de pourcentage d’invalidité égal à 8, un coefficient multiplicateur de 2,1, et pour un point de pourcentage d’invalidité égal à 9, un coefficient multiplicateur de 2,3.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

10      Il ressort de la décision de renvoi que, le 21 septembre 2007, le véhicule conduit par M. Mauro Recchioni a heurté, par l’arrière, la voiture appartenant à M. Carlo Petillo, laquelle était conduite par M. Enrico Petillo. Il en est résulté, pour ce dernier, des lésions corporelles.

11      MM. Petillo ont assigné Unipol, l’assureur de M. Recchioni, devant le Tribunale di Tivoli afin de faire constater la responsabilité exclusive de M. Recchioni dans la survenance dudit accident et de faire condamner Unipol au paiement d’une somme de 3 350 euros au titre du préjudice patrimonial subi, en sus du montant de 6 700 euros déjà versé, ainsi que d’une somme totale de 14 155,37 euros au titre du préjudice extrapatrimonial subi par M. Enrico Petillo, en lieu et place du montant de 2 700 euros déjà versé.

12      Selon la juridiction de renvoi, le droit italien prévoit, à l’article 2043 du code civil pour les préjudices patrimoniaux et à l’article 2059 de ce code pour les préjudices extrapatrimoniaux, un droit à la réparation intégrale du préjudice résultant d’un quasi-délit.

13      Selon une jurisprudence constante des juridictions italiennes, le préjudice extrapatrimonial serait composé d’un préjudice corporel, résultant de l’atteinte à l’intégrité psychique et/ou physique, d’un préjudice moral, résultant de la souffrance morale causée par cette atteinte, et de préjudices résiduels découlant, notamment, d’entraves aux activités normales et quotidiennes, voire à un accomplissement personnel supérieur à la moyenne.

14      La Corte costituzionale aurait déclaré, dans un arrêt de 2003, que le préjudice extrapatrimonial présente une structure unitaire et ne se divise pas en catégories ou rubriques. Toutefois, la jurisprudence continuerait à distinguer les composantes identifiées au point précédent du présent arrêt. En outre, l’ordre juridique italien laisserait au juge le soin d’évaluer ce préjudice.

15      Or, dans le but de limiter les coûts des services d’assurance, le législateur italien aurait prévu, à l’article 139 du code des assurances privées, un régime spécifique de détermination des sommes à verser au titre des préjudices extrapatrimoniaux subis par les victimes d’accidents de la circulation routière ou d’accidents de navigation. Ce régime prévoirait des restrictions par rapport aux critères d’évaluation appliqués aux autres litiges et une limitation de la possibilité pour le juge de majorer, en fonction du cas d’espèce, le montant de l’indemnisation à un cinquième du montant de la somme déterminée sur la base de l’article 139 du code des assurances privées.

16      La juridiction de renvoi précise que, si le préjudice extrapatrimonial subi par M. Enrico Petillo avait eu une cause autre qu’un accident de la circulation routière, il aurait été évalué comme suit, en vertu de la législation et de la jurisprudence italiennes applicables:

–        préjudice corporel de 4 % causé à une personne âgée de 21 ans au moment du sinistre: 5 407,55 euros;

–        invalidité temporaire totale de 10 jours, invalidité temporaire partielle de 50 % pendant 20 jours et de 25 % pendant 10 jours: 2 250,00 euros, et

–        préjudice moral, égal à un tiers du préjudice corporel: 2 252,00 euros,

soit un montant total de 10 210,00 euros au titre du préjudice extrapatrimonial, en sus du montant de 445,00 euros dû au titre des frais médicaux.

17      Or, étant donné que le préjudice en cause résulte d’un accident de la circulation routière, la somme à verser en application de l’article 139 du code des assurances privées devrait être évaluée comme suit:

a)      préjudice corporel de 4 % causé à une personne âgée de 21 ans au moment du sinistre: 3 729,92 euros, et

b)      invalidité temporaire totale de 10 jours, invalidité temporaire partielle de 50 % pendant 20 jours et de 25 % pendant 10 jours: 996,00 euros,

soit un montant total de 4 725,00 euros au titre du préjudice extrapatrimonial, en sus du montant de 445,00 euros dû au titre des frais médicaux. En effet, la réparation du préjudice moral serait exclue dans la mesure où elle n’est pas prévue par le code des assurances privées, même si, à cet égard, un courant jurisprudentiel plus favorable aux victimes tendrait à se développer.

18      Les montants déterminés par application des divers modes de calcul feraient ainsi apparaître, à préjudice égal, une différence de 5 485,00 euros. En outre, l’article 139 du code des assurances privées ne conférerait au juge aucune possibilité d’adapter son évaluation au cas d’espèce, dès lors qu’il serait tenu de procéder à un simple calcul qui limiterait son pouvoir de juger en équité.

19      En se référant notamment à l’arrêt de la Cour AELE du 20 juin 2008, Celina Nguyen/The Norwegian State (E‑8/07, EFTA Court Report 2008, p. 224), le Tribunale di Tivoli nourrit des doutes quant à la compatibilité avec les première, deuxième et troisième directives ainsi qu’avec la directive 2009/103 d’une législation nationale qui, pour la réparation d’un préjudice découlant d’un accident de la circulation routière, n’exclut pas l’assurance du préjudice extrapatrimonial, mais ne permet pas la réparation du préjudice moral et limite l’indemnisation de l’atteinte à l’intégrité psychique et/ou physique, par rapport à ce qui est admis en matière d’indemnisation en vertu de la jurisprudence constante des juridictions nationales.

20      En particulier, la juridiction de renvoi estime que l’article 139 du code des assurances privées ne respecte pas le principe de la réparation intégrale du préjudice extrapatrimonial, dont la prise en compte ne devrait aucunement être limitée en fonction de la nature de l’événement qui est à l’origine de l’atteinte à l’intégrité corporelle.

21      Dans ces circonstances, le Tribunale di Tivoli a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«À la lumière des [première, deuxième et troisième directives] et [de la directive] 2009/103/CE, qui régissent l’assurance obligatoire en matière de responsabilité civile découlant de la circulation des véhicules automoteurs, est-il permis au législateur interne d’un État membre de prévoir, par le biais de critères d’évaluation légaux contraignants qui ne s’appliquent qu’aux sinistres routiers, une limitation de fait (du point de vue quantitatif) de la responsabilité au titre des préjudices extrapatrimoniaux pris en charge par les personnes (les compagnies d’assurances) qui sont tenues en vertu de ces mêmes directives de garantir une assurance obligatoire des préjudices causés par la circulation des véhicules?»

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

22      La recevabilité de la demande de décision préjudicielle est contestée par Unipol et par le gouvernement italien. Selon eux, la juridiction de renvoi n’explique pas en quoi l’interprétation sollicitée des règles du droit de l’Union serait utile à la solution du litige au principal. En outre, la décision de renvoi ne contiendrait pas d’explications quant au choix des dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est demandée non plus que sur le lien existant entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal.

23      À cet égard, il suffit de constater qu’il ressort de l’exposé du cadre factuel et juridique figurant dans la décision de renvoi, tel qu’il a été complété par la réponse à la demande d’éclaircissements adressée à la juridiction de renvoi par la Cour en application de l’article 101 de son règlement de procédure, ainsi que de l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à saisir la Cour de la présente question préjudicielle que la réponse à cette question s’avère utile à la solution du litige porté devant elle et que, par suite, cette question est recevable.

 Sur la question préjudicielle

24      À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi que l’ont fait valoir à bon droit les gouvernements allemand et espagnol, eu égard à la date de l’accident à l’origine du litige au principal, la directive 2009/103 n’est pas applicable ratione temporis aux faits au principal. En outre, la troisième directive ne trouve pas à s’appliquer ratione materiae à ce litige, dès lors que MM. Petillo ne présentent aucune des caractéristiques des victimes particulièrement vulnérables visées par celle-ci. La question préjudicielle doit donc être comprise comme tendant uniquement à l’interprétation des première et deuxième directives.

25      Dès lors, il convient de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3, paragraphe 1, de la première directive et 1er, paragraphes 1 et 2, de la deuxième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale telle que celle en cause au principal, qui prévoit un régime particulier d’indemnisation des préjudices immatériels résultant de lésions corporelles de faible gravité causées par les accidents de la circulation routière limitant l’indemnisation de ces préjudices par rapport à ce qui est admis en matière d’indemnisation de préjudices identiques résultant de causes autres que ces accidents.

26      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les préambules des première et deuxième directives font ressortir que celles-ci tendent, d’une part, à assurer la libre circulation tant des véhicules automoteurs stationnant habituellement sur le territoire de l’Union que des personnes qui sont à leur bord et, d’autre part, à garantir que les victimes des accidents causés par ces véhicules automoteurs bénéficieront d’un traitement comparable, quel que soit le point du territoire de l’Union où l’accident s’est produit (arrêt du 23 octobre 2012, Marques Almeida, C‑300/10, point 26 et jurisprudence citée).

27      La première directive, telle que précisée et complétée par, notamment, la deuxième directive, impose donc aux États membres de garantir que la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs ayant leur stationnement habituel sur leur territoire soit couverte par une assurance et précise, notamment, les types de dommages que cette assurance doit couvrir (arrêt du 24 octobre 2013, Haasová, C‑22/12, point 38).

28      Il convient, cependant, de rappeler que l’obligation de couverture par l’assurance de la responsabilité civile des dommages causés aux tiers du fait des véhicules automoteurs est distincte de l’étendue de l’indemnisation de ces dommages au titre de la responsabilité civile de l’assuré. En effet, alors que la première est définie et garantie par la réglementation de l’Union, la seconde est régie, essentiellement, par le droit national (arrêt du 24 octobre 2013, Drozdovs, C‑277/12, point 30).

29      À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’il ressort de l’objet, notamment, des première et deuxième directives, ainsi que de leur libellé, que celles-ci ne visent pas à harmoniser les régimes de responsabilité civile des États membres et que, en l’état actuel du droit de l’Union, ces derniers restent libres de déterminer le régime de responsabilité civile applicable aux sinistres résultant de la circulation des véhicules automoteurs (arrêt Marques Almeida, précité, point 29 et jurisprudence citée).

30      Par conséquent, et eu égard notamment à l’article 1er, point 2, de la première directive, en l’état actuel du droit de l’Union, les États membres restent, en principe, libres de déterminer, dans le cadre de leurs régimes de responsabilité civile, en particulier, les dommages causés par des véhicules automoteurs qui doivent être réparés, l’étendue de l’indemnisation de ces dommages et les personnes ayant droit à ladite réparation (arrêts précités Haasová, point 41, et Drozdovs, point 32).

31      Toutefois, la Cour a souligné que les États membres sont tenus de garantir que la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs applicable selon leur droit national soit couverte par une assurance conforme aux dispositions, notamment, des première et deuxième directives (arrêt Marques Almeida, précité, point 30 et jurisprudence citée).

32      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que les États membres doivent exercer leurs compétences en ce domaine dans le respect du droit de l’Union et que les dispositions nationales qui régissent l’indemnisation des sinistres résultant de la circulation des véhicules automoteurs ne peuvent priver, notamment, les première et deuxième directives de leur effet utile (arrêt Marques Almeida, précité, point 31 et jurisprudence citée).

33      Il s’ensuit que la liberté dont disposent les États membres pour déterminer les dommages couverts ainsi que les modalités de l’assurance obligatoire a été restreinte par, notamment, la deuxième directive, en ce qu’elle a rendu obligatoire la couverture de certains dommages à concurrence de montants minimaux déterminés. Figurent notamment parmi ces dommages dont la couverture est obligatoire les dommages corporels, ainsi que le précise l’article 1er, paragraphe 1, de la deuxième directive (arrêts précités Haasová, point 46, et Drozdovs, point 37).

34      Or, relève de la notion de dommages corporels tout préjudice, dans la mesure où son indemnisation est prévue au titre de la responsabilité civile de l’assuré par le droit national applicable au litige, résultant d’une atteinte à l’intégrité de la personne, ce qui comprend les souffrances tant physiques que psychologiques (arrêts précités Haasová, point 47, et Drozdovs, point 38).

35      Par conséquent, au nombre des dommages qui doivent être réparés conformément, notamment, aux première et deuxième directives figurent les préjudices immatériels dont l’indemnisation est prévue au titre de la responsabilité civile de l’assuré par le droit national applicable au litige (arrêts précités Haasová, point 50, et Drozdovs, point 41).

36      En l’occurrence, en premier lieu, il ressort du dossier soumis à la Cour que, à l’instar des circonstances ayant donné lieu à l’arrêt Marques Almeida, précité, la réglementation nationale en cause au principal vise à déterminer l’étendue du droit de la victime à une indemnisation au titre de la responsabilité civile de l’assuré et ne limite pas la couverture de l’assurance de la responsabilité civile.

37      En effet, selon l’exposé du droit italien effectué par la juridiction de renvoi, ce dernier prévoit, d’une part, à l’article 2059 du code civil le fondement du droit à la réparation des préjudices immatériels qui résultent des accidents de la circulation routière et, d’autre part, à l’article 139 du code des assurances privées les modalités de détermination de l’étendue du droit à indemnisation, s’agissant du préjudice corporel découlant de lésions de faible gravité causées, notamment, par de tels accidents.

38      En outre, en réponse à la demande d’éclaircissements qui lui a été adressée par la Cour en application de l’article 101 de son règlement de procédure, la juridiction de renvoi a précisé, ce que le gouvernement italien a confirmé lors de l’audience devant la Cour, que, selon le droit italien, la responsabilité civile de l’assuré au titre de préjudices immatériels subis par des personnes en raison d’un accident de la circulation ne peut excéder les montants couverts, en vertu de l’article 139 du code des assurances privées, par l’assurance obligatoire.

39      Ainsi, il convient de considérer, d’une part, que cette réglementation nationale relève du droit national matériel de la responsabilité civile auquel renvoient les première et deuxième directives (voir, par analogie, arrêt Haasová, précité, point 58) et, d’autre part, qu’elle n’est pas de nature à limiter la couverture de la responsabilité civile encourue par un assuré (voir, par analogie, arrêt Marques Almeida, précité, point 35).

40      Il convient d’ajouter que, s’agissant de la couverture obligatoire, par l’assurance visée à l’article 3, paragraphe 1, de la première directive, des dommages matériels et corporels, aucun élément du dossier ne tend à indiquer que la réglementation nationale concernée ne prévoit pas des montants conformes au minimum fixé à l’article 1er de la deuxième directive.

41      En second lieu, il convient de vérifier si cette réglementation nationale a pour effet d’exclure d’office ou de limiter de manière disproportionnée le droit de la victime à une indemnisation par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs.

42      À cet égard, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 69 à 74 ainsi que 82 et 83 des conclusions, il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 30 à 32 du présent arrêt que les première et deuxième directives n’imposent pas aux États membres le choix d’un régime particulier pour déterminer l’étendue du droit de la victime à une indemnisation au titre de la responsabilité civile de l’assuré.

43      Ainsi, ces directives ne s’opposent, en principe, ni à une législation nationale imposant aux juridictions nationales des critères contraignants pour la détermination des préjudices immatériels à indemniser ni à des régimes spécifiques adaptés aux particularités des accidents de la circulation, même si de tels régime comportent, pour certains préjudices immatériels, un mode de détermination de l’étendue du droit à indemnisation moins favorable à la victime que celui applicable au droit à indemnisation des victimes d’accidents autres que ceux de la circulation automobile.

44      En particulier, la circonstance que, pour l’évaluation du montant de l’indemnisation du préjudice immatériel résultant de lésions de faible gravité, des éléments du calcul applicable en matière d’indemnisation des victimes d’accidents autres que ceux de la circulation automobile soient omis ou limités n’affecte pas la compatibilité avec les directives susmentionnées d’une telle législation nationale, dès lors que cette dernière n’a pas pour effet d’exclure d’office ou de limiter de manière disproportionnée le droit de la victime à bénéficier d’une indemnisation (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2011, Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, C‑409/09, Rec. p. I‑4955, point 29, et Marques Almeida, précité, point 32).

45      Or, en l’occurrence, le dossier soumis à la Cour ne comporte aucun élément de nature à révéler l’existence d’une telle exclusion d’office ou d’une telle limitation disproportionnée. En effet, il ressort dudit dossier, tout d’abord, qu’une indemnisation est accordée, ensuite, que le mode de calcul plus restrictif prévu aux fins de cette indemnisation n’est applicable qu’aux préjudices résultant de lésions corporelles de faible gravité et, enfin, que le montant résultant de ce calcul est proportionné, notamment, à la gravité des lésions subies et à la durée de l’invalidité occasionnée. De plus, ce régime permet au juge d’adapter le montant de l’indemnisation à accorder, en l’assortissant d’une majoration pouvant atteindre un cinquième du montant calculé.

46      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que, en l’occurrence, la garantie, prévue par le droit de l’Union, que la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, déterminée selon le droit national applicable, soit couverte par une assurance conforme, notamment, aux première et deuxième directives, n’est pas affectée (voir, en ce sens, arrêt Marques Almeida, précité, point 38 et jurisprudence citée).

47      Il s’ensuit qu’il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 3, paragraphe 1, de la première directive et 1er, paragraphes 1 et 2, de la deuxième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale telle que celle en cause au principal, qui prévoit un régime particulier d’indemnisation des préjudices immatériels résultant de lésions corporelles de faible gravité causées par les accidents de la circulation routière limitant l’indemnisation de ces préjudices par rapport à ce qui est admis en matière réparation de préjudices identiques résultant de causes autres que ces accidents.

 Sur les dépens

48      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

Les articles 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité, et 1er, paragraphes 1 et 2, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, telle que modifiée par la directive 2005/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale telle que celle en cause au principal, qui prévoit un régime particulier d’indemnisation des préjudices immatériels résultant de lésions corporelles de faible gravité causées par les accidents de la circulation routière limitant l’indemnisation de ces préjudices par rapport à ce qui est admis en matière de réparation de préjudices identiques résultant de causes autres que ces accidents.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.