Language of document : ECLI:EU:T:2006:278

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

27 septembre 2006 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative emergia – Marque communautaire verbale antérieure EMERGEA – Risque de confusion – Refus d’enregistrement – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑172/04,

Telefónica, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me A. Sirimarco, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Laporta Insa, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

David Branch, demeurant à Reading (Royaume-Uni), représenté initialement par Me C. Berenguer Marsal, puis par Mes I. M. Barroso Sánchez-Lafuente et M. C. Trullols Durán, avocats,

ayant pour objet un recours en annulation contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 12 mars 2004 (affaire R 676/2002‑1), relative à une procédure d’opposition entre David Branch et Telefónica, SA,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. R. García-Valdecasas, président, J. D. Cooke et Mme V. Trstenjak, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 mars 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 juin 2000, Telefónica SA a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif, comportant les couleurs orange, blanche, verte et noire, suivant :

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3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 38 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques et optiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs, programmes d’ordinateur, écrans (d’ordinateur et de télévision), claviers (informatique), souris (informatique), cd-rom, appareils de téléphonie, transmetteurs et récepteurs d’image et de son, centrales téléphoniques ; téléphones ; répétiteurs téléphoniques ; répondeurs automatiques ; extincteurs », relevant de la classe 9 ;

–        « Services de télécommunications, services de communications via des réseaux informatiques », relevant de la classe 38 ;

–        « Services de programmation d’ordinateurs ; élaboration, actualisation et location de logiciels pour ordinateurs ; ingénierie et conseil en informatique, étude et réalisation de projets techniques, travaux d’ingénierie ; rapports techniques d’experts », relevant de la classe 42.

4        Le 22 janvier 2001, la demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires. Dans sa demande, la requérante se prévalait des deux marques espagnoles figuratives emergia, demandées le 6 avril 2000 pour distinguer des produits et des services relevant respectivement des classes 9 et 38 de l’arrangement de Nice.

5        Le 18 avril 2001, M. David Branch (ci-après l’« intervenant ») a formé une opposition, sur la base de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée. L’opposition était fondée sur l’existence de la marque communautaire verbale antérieure EMERGEA, enregistrée le 13 juillet 1999, pour les produits et services suivants :

–        « Jouets, jeux de salon », relevant de la classe 28 ;

–        « Assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières », relevant de la classe 36 ;

–        « Service télématique via des réseaux nationaux et internationaux et communication par des terminaux d’ordinateur », relevant de la classe 38.

6        Le 21 mai 2001, la marque figurative emergia a été enregistrée en Espagne pour distinguer des « services de télécommunications, services de communications par terminaux d’ordinateur, services de communications par réseaux informatiques », relevant de la classe 38.

7        Par décision du 7 juin 2002, la division d’opposition de l’OHMI a fait partiellement droit à l’opposition en ce qu’elle visait les « services de télécommunications, services de communication via des réseaux informatiques », relevant de la classe 38. En revanche, elle a rejeté l’opposition en ce qu’elle visait les produits de la classe 9 et les services de la classe 42, étant donné que lesdits produits et services n’étaient pas, selon elle, semblables aux services couverts par la marque antérieure.

8        Le 2 août 2002, la requérante a introduit un recours auprès de l’OHMI, au titre de l’article 58 du règlement n° 40/94. Elle a alors limité le libellé des services relevant de la classe 38 pour lesquels l’enregistrement de la marque était demandé aux « services de télécommunications et d’images via des réseaux de câble sous-marin pour la transmission électronique de la voix, de données et de vidéo ».

9        Par décision du 12 mars 2004 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 16 mars 2004, la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a retenu l’existence d’un risque de confusion entre les deux marques, en raison notamment du degré élevé de similitude des services et de la forte similitude phonétique entre les deux signes.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2004, la requérante a introduit le présent recours.

11      Dans sa requête, la requérante précise que, dans l’hypothèse où l’OHMI contesterait les faits sur lesquels son recours est fondé, elle offrirait alors d’apporter les éléments de preuve suivants sur la base de l’article 44, paragraphe l, du règlement de procédure du Tribunal :

–        la preuve par expertise de la spécialité des services de transmission électronique de la voix, des données et de la vidéo par réseaux câblés sous-marins ;

–        la preuve documentaire consistant à demander à l’Oficina Española de Patentes y Marcas (Office espagnol des brevets et des marques, ci-après l’« Office espagnol »), et à l’United States Patents and Trademarks Office (Office américain des brevets et des marques) de produire les attestations relatives à l’enregistrement des marques nationales espagnole et américaine emergia, pour des services relevant de la classe 38, mentionnées dans la requête.

12      L’OHMI et l’intervenant ont déposé leur mémoire au greffe du Tribunal, respectivement, le 15 et le 14 septembre 2004.

13      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2004, la requérante a demandé, conformément à l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’autorisation de déposer un mémoire en réplique.

14      Le 11 novembre 2004, le Tribunal (première chambre) a décidé qu’il n’était pas nécessaire de procéder à un deuxième échange de mémoires.

15      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Il a rejeté la proposition de la requérante d’apporter la preuve par expertise de la spécialité des services de transmission électronique de la voix, des données et de la vidéo par réseaux câblés sous-marins couverts par la marque demandée et il a invité la requérante à communiquer les documents étayant l’authenticité des enregistrements des marques nationales espagnole et américaine emergia pour des services relevant de la classe 38.

16      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 9 mars 2006, la requérante a fourni une copie de l’attestation et du titre d’enregistrement des marques nationales espagnole et américaine emergia déposées pour des services relevant de la classe 38. À cette occasion, elle a ajouté que l’Office espagnol avait procédé, le 1er février 2006, à l’inscription, dans ses registres, de la marque espagnole emergia pour des produits relevant de la classe 9, le Tribunal Superior de Madrid ayant donné droit, par un arrêt du 28 juillet 2005, à cette demande d’enregistrement, alors que l’Office espagnol l’avait refusée pour incompatibilité avec les marques espagnoles antérieures EMERGIA SOLUCIONES INTERACTIVAS (classe 42) et PENTA 3 EMERGIS (classe 9).

17      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 29 mars 2006.

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        constater l’absence de risque de confusion entre la marque demandée, pour les services relevant de la classe 38, et la marque communautaire EMERGEA ;

–        ordonner l’enregistrement de la marque demandée pour lesdits services ;

–        condamner l’OHMI et toute partie intervenante aux dépens.

19      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer le refus d’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner la partie requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité des chefs de conclusions de la requérante et de l’intervenant

21      Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal, en substance, d’adresser à l’OHMI l’injonction d’enregistrer la marque demandée pour ses services relevant de la classe 38.

22      Selon une jurisprudence constante, les conditions de recevabilité d’un recours étant d’ordre public, le Tribunal peut les examiner d’office (arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 19, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Stott/Commission, T‑99/95, Rec. p. II‑2227, point 22).

23      Conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser une injonction à l’OHMI. Il incombe, en effet, à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du Tribunal [arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33 ; du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 12 ; du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 22, et du 21 avril 2005, Ampafrance/OHMI – Johnson & Johnson (monBeBé), T‑164/03, Rec. p. II‑1401, point 24].

24      Le troisième chef de conclusions de la requérante est donc irrecevable.

25      Il en va de même pour le deuxième chef de conclusions de l’intervenant, par lequel ce dernier demande au Tribunal de confirmer le refus d’enregistrement.

26      En revanche, le premier chef de conclusions de la requérante, visant à l’annulation de la décision attaquée, comme le dernier, concernant les dépens, sont recevables.

27      S’agissant du deuxième chef de conclusions de la requérante, par lequel elle demande au Tribunal de constater l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit, force est de reconnaître que ce chef de conclusions, au regard de la teneur du premier chef de conclusions, tout en étant recevable, est surabondant. Il ne sera donc pas examiné par le Tribunal.

 Sur la recevabilité d’éléments de preuve non produits devant l’OHMI

 Arguments des parties

28      La requérante fait valoir qu’elle a présenté aux États-Unis une demande d’enregistrement de la marque emergia, le 19 juin 2000, et que cette marque a été enregistrée pour des services relevant de la classe 38 par l’Office américain des brevets et des marques, le 2 mars 2004. À titre de preuve, la requérante produit une copie du certificat d’enregistrement de cette marque, qu’elle produira de nouveau le 9 mars 2006, accompagnée d’une attestation d’authenticité de l’Office américain des brevets et des marques, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal. Selon la requérante, l’enregistrement de sa marque aux États-Unis confirme sa thèse selon laquelle il n’existerait pas de risque de confusion, étant donné que la marque antérieure EMERGEA est également enregistrée dans ce pays.

29      Afin d’expliquer pourquoi cet argument et les documents qui l’étayent n’ont pas pu être invoqués antérieurement devant l’OHMI, la requérante relève que la décision d’enregistrement de la marque aux États-Unis a été adoptée le 2 mars 2004, soit dix jours seulement avant l’adoption de la décision attaquée. Pour la requérante, l’enregistrement de sa marque aux États-Unis s’analyse comme un fait nouveau, qu’elle peut, au titre du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, soulever à ce stade de la procédure.

30      L’OHMI relève que l’argument de la requérante pris du fait que l’enregistrement de la marque emergia aux États-Unis pour des services relevant de la classe 38 permettrait de démontrer l’absence de risque de confusion est avancé pour la première fois dans la requête devant le Tribunal. Selon l’OHMI, cet argument ainsi que les documents qui l’étayent ne peuvent pas être pris en considération par le Tribunal, étant donné qu’ils n’ont pas été présentés devant la chambre de recours et que le Tribunal n’a pas pour fonction de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de preuves présentées pour la première fois devant lui, mais de vérifier la légalité de la décision de la chambre de recours au sens de l’article 63 du règlement n° 40/94.

31      Lors de l’audience, l’OHMI a également indiqué que la requérante ne pouvait pas prétendre que l’enregistrement de sa marque aux États-Unis le 2 mars 2004 constituait un fait nouveau, étant donné que ce fait, ou, à tout le moins, la demande d’enregistrement effectuée le 19 juin 2000, aurait dû être invoqué devant la chambre de recours à l’appui d’une demande de suspension de la procédure.

32      Dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal (voir ci-dessus point 15), la requérante fait également valoir que l’Office espagnol a procédé, le 1er février 2006, à l’inscription dans ses registres de la marque espagnole emergia pour des produits relevant de la classe 9, après que le Tribunal superior de Madrid avait donné droit, par un arrêt du 28 juillet 2005, à la demande d’enregistrement de la requérante que l’Office espagnol avait refusée pour incompatibilité avec des marques espagnoles antérieures.

33      Lors de l’audience, l’OHMI a déclaré que les arguments qu’il faisait valoir concernant l’enregistrement de la marque américaine emergia pour des services relevant de la classe 38 valaient également concernant l’enregistrement de la marque espagnole emergia pour des produits relevant de la classe 9.

 Appréciation du Tribunal

34      Il y a lieu de rappeler, d’abord, qu’il ressort d’une lecture combinée des paragraphes 2 et 3 de l’article 63 du règlement n° 40/94 que l’annulation, aussi bien que la réformation, d’une décision des chambres de recours n’est possible que si celle-ci est entachée d’une illégalité de fond ou de forme. Ensuite, en vertu d’une jurisprudence constante, la légalité d’un acte communautaire doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existants à la date où l’acte a été adopté. Dès lors, la légalité d’une décision de la chambre de recours ne saurait être remise en cause par l’invocation de faits nouveaux devant le Tribunal que s’il était démontré que la chambre de recours devait, d’office, prendre en compte ces faits lors de la procédure administrative avant d’adopter toute décision en l’espèce [arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, eCopy/OHMI (ECOPY), T‑247/01, Rec. p. II‑5301, point 46, et du 26 novembre 2003, HERON Robotunits/OHMI (ROBOTUNITS), T‑222/02, Rec. p. II‑4995, points 50 et 51].

35      En l’espèce, c’est dans la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2004 que la requérante fait état pour la première fois, à l’appui de son argumentation sur l’absence de risque de confusion, de la demande d’enregistrement de la marque emergia présentée aux États-Unis le 19 juin 2000 et de l’enregistrement de cette marque pour des services relevant de la classe 38 par l’Office américain des brevets et des marques, le 2 mars 2004. Il est constant que ces faits et les documents correspondants, antérieurs à la date d’adoption de la décision attaquée, à savoir le 12 mars 2004, n’ont pas été invoqués lors de la procédure administrative devant l’OHMI.

36      Ainsi, lorsque la première chambre de recours de l’OHMI s’est prononcée, le 12 mars 2004, sur le recours introduit par la requérante à l’encontre de la décision de la division d’opposition, elle ne disposait pas de la moindre information sur l’existence d’une procédure d’enregistrement en cours aux États-Unis et sur son résultat.

37      En conséquence, il ne saurait être reproché à ladite chambre de recours de n’avoir pas tenu compte d’informations dont elle ignorait l’existence dans son évaluation du risque de confusion.

38      Le Tribunal ne peut donc pas prendre en considération les éléments de fait relatifs à l’enregistrement de la marque américaine emergia pour des services relevant de la classe 38, qui renvoient à des circonstances factuelles inconnues de l’OHMI, pour contrôler la légalité de la décision de la chambre de recours en vertu de l’article 63 du règlement n° 40/94.

39      Le même raisonnement doit être suivi en ce qui concerne l’enregistrement de la marque espagnole emergia pour des produits relevant de la classe 9, effectué par l’Office espagnol des brevets et des marques le 1er février 2006, à la suite de l’arrêt du Tribunal Superior de Madrid du 28 juillet 2005, qui a fait droit au recours introduit par la requérante à l’encontre de la décision de l’Office espagnol, lequel avait refusé l’enregistrement pour incompatibilité avec des marques espagnoles antérieures.

40      En effet, tant l’enregistrement de cette marque en Espagne que l’arrêt du Tribunal Superior de Madrid étaient inconnus de la première chambre de recours de l’OHMI quand elle a adopté la décision attaquée, le 12 mars 2004. Elle ne pouvait, par suite, prendre de telles informations en compte dans son évaluation du risque de confusion.

41      Le Tribunal ne peut donc pas prendre en considération les éléments de fait relatifs à l’enregistrement de la marque espagnole emergia pour des produits relevant de la classe 9 qui renvoient à des circonstances factuelles postérieures à la date à laquelle la décision attaquée a été adoptée, pour contrôler la légalité de la décision de la chambre de recours en vertu de l’article 63 du règlement n° 40/64.

 Sur le fond

 Arguments des parties

42      La requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Ce moyen s’articule en quatre branches : différences visuelles entre les signes ; différences des services concernés ; spécialisation du public ciblé ; enregistrement des marques emergia en Espagne.

43      En premier lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré l’élément graphique de la marque emergia, à savoir un rectangle beaucoup plus grand que la dénomination y figurant, d’une couleur orange particulière comportant un dessin fantaisiste noir et vert, comme secondaire, alors que le consommateur conférerait une importance capitale aux éléments graphiques, symboliques et chromatiques et qu’un signe composé de la couleur orange posséderait un caractère distinctif important, malgré l’opinion contraire de l’intervenant, dans le secteur des télécommunications. Elle relève que, dans les décisions de la division d’opposition n° 819/2001, du 29 mars 2001, n° 879/2003, du 15 avril 2003, n° 1238/2003, du 12 juin 2003 et n° 362/2004, du 20 février 2004, il a été considéré que l’utilisation d’éléments figuratifs et de couleurs déterminées donnait une impression globale permettant de différencier les marques figuratives des marques verbales et les marques figuratives entre elles. Elle cite également l’arrêt du Tribunal du 3 mars 2004, Mühlens/OHMI – Zirh International (ZIRH) (T‑355/02, Rec. p. II‑791, points 44 à 55), selon lequel les différences visuelles et conceptuelles entre la marque communautaire verbale ZIHR et la marque communautaire figurative SIR seraient suffisantes pour qu’il n’existe pas de risque de confusion, malgré les similitudes phonétiques susceptibles d’exister dans certaines langues officielles des États membres. À l’audience, la requérante a également fait référence, notamment, à l’arrêt de la Cour du 23 mars 2006, Mühlens/OHMI (C‑206/04 P, non encore publié au Recueil, point 35).

44      En deuxième lieu, la requérante expose que, si les services visés par les deux marques concernées relèvent tous deux de la classe 38, ils ne sont pas nécessairement analogues. Les services couverts par la marque antérieure EMERGEA (service télématique via des réseaux nationaux et internationaux et communication par des terminaux d’ordinateurs) désigneraient une large et vague énumération de services de télécommunications qui ne seraient généralement pas fournis par des personnes physiques, mais par de grandes entreprises multinationales, étant donné qu’ils requerraient d’importants investissements économiques, un vaste réseau de distribution et des prestations logistiques étendues, alors que les services désignés par la marque demandée emergia (services de télécommunications par réseaux câblés sous-marins pour la transmission électronique de la voix, des données et de la vidéo) seraient limités à un service de télécommunications très précis et spécifique, offert par un nombre réduit de grandes entreprises présentes au niveau mondial et faisant preuve d’une solvabilité économique importante, étant donné que le câblage sous-marin requerrait l’emploi de machines et d’outillages des plus sophistiqués et d’un personnel hautement qualifié, ce qui impliquerait des coûts très élevés.

45      En troisième lieu, la requérante, après avoir rappelé que le niveau d’attention du public varie en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause, avance que les services de télécommunications désignés par la marque demandée emergia, en raison de la technicité et du coût financier des services de télécommunications, ne seraient achetés que par des experts en communications par câbles sous-marins. Ce public serait avisé, attentif, qualifié et, de par sa formation et sa connaissance du secteur, agirait avec un niveau d’attention élevé lors de l’acquisition de ces services. À l’audience, la requérante a expliqué que ses clients étaient essentiellement des villes et a admis qu’ils pouvaient également être des entreprises.

46      Enfin, l’absence de risque de confusion serait confirmée par l’enregistrement en Espagne de la marque figurative emergia, le 21 mai 2001, pour distinguer des « services de télécommunications, services de communications par terminaux d’ordinateur, services de communications par réseaux informatiques », relevant de la classe 38, malgré la préexistence de la marque communautaire verbale EMERGEA. L’intervenant n’aurait d’ailleurs pas formé opposition dans cette procédure.

47      En premier lieu, l’OHMI rappelle que, s’agissant de la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, l’appréciation globale du risque de confusion doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ces marques, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 25).

48      L’élément dominant de la marque demandée serait l’élément verbal, le consommateur fixant son attention sur le mot, élément qu’il est capable de reconnaître et d’interpréter facilement, et non sur les éléments graphiques, qui sont des éléments abstraits. En outre, les éléments graphiques du signe contesté ne seraient pas particulièrement distinctifs. D’une part, même sans considérer que la couleur orange présente un caractère distinctif faible dans le secteur des télécommunications, l’utilisation d’un fond coloré serait habituelle dans l’usage des marques ; en effet, il serait très probable que le consommateur considère le fond coloré comme un élément décoratif de la publicité ou de l’emballage. D’autre part, le dessin fantaisiste – un petit cercle incomplet – jouerait un rôle très secondaire dans la perception du signe, du fait qu’il s’agit d’un signe abstrait et en raison de sa taille relativement petite.

49      Si, lors de l’appréciation visuelle de l’ensemble des signes en conflit, la présence d’éléments figuratifs dans la marque demandée, tels que le fond, la typographie et le petit cercle, ne permettrait pas d’affirmer l’existence d’une similitude visuelle très importante, il existerait une certaine similitude entre les deux signes, puisque l’élément verbal « emergia » serait l’élément dominant et qu’il serait identique à l’élément verbal « emergea », seul le troisième « e » étant remplacé par un « i ». En effet, le consommateur moyen n’aurait que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques et devrait se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire ; cette différence n’aurait ainsi pas assez d’incidence pour écarter toute similitude.

50      S’agissant des quatre décisions citées par la requérante, dans lesquelles, selon cette dernière, l’OHMI accorde de l’importance à l’élément graphique, seule la décision de la division d’opposition n° 1238/2003 comporterait la comparaison d’une marque verbale avec une marque figurative ; or, dans cette affaire, les différences entre les lettres auraient constitué un facteur décisif dans la comparaison visuelle.

51      D’un point de vue phonétique, l’OHMI constate que les signes EMERGEA et emergia comprennent le même nombre de lettres, dont six en commun et dans le même ordre, le même nombre de syllabes et présentent une structure identique. La seule différence résiderait dans le remplacement de la sixième lettre « e » par la lettre « i », lettres qui se prononceraient de façon similaire dans de nombreuses langues des États membres. Par conséquent, il existerait une grande ressemblance phonétique entre les signes.

52      D’un point de vue conceptuel, l’OHMI fait remarquer que les deux mots sont dénués de sens dans la majorité de ces États.

53      Comme l’aurait retenu la chambre de recours, en vertu du principe d’interdépendance entre les différents facteurs, l’identité, ci-après exposée, entre les services compenserait en l’espèce les éventuelles différences visuelles dans l’appréciation globale du risque de confusion.

54      En deuxième lieu, l’OHMI considère que les services concernés sont identiques, ou très semblables. Ainsi, les services protégés par la marque antérieure consisteraient, d’une part, en la transmission via des réseaux nationaux et internationaux d’informations informatisées grâce à l’utilisation de techniques de télécommunication et d’informatique et, d’autre part, en la transmission de signaux via des ordinateurs. Les services couverts par la marque demandée consisteraient en un système de communication télégraphique, téléphonique ou radiotélégraphique destiné à transmettre des informations via des réseaux de câble sous-marin. L’OHMI souligne, par ailleurs, que la marque communautaire ne protège pas les câbles sous-marins proprement dits (les câbles coaxiaux, en fibre optique, électriques, etc. relèveraient de la classe 9) ni l’installation, l’entretien ou la réparation desdits câbles sous-marins (services relevant de la classe 37).

55      L’OHMI fait l’analyse suivante des descriptions des marques en conflit :

–        les marques en cause couvrent toutes les deux des services de transmission, les expressions et mots utilisés dans les deux descriptions étant synonymes : « service télématique » et « communication » pour la marque antérieure ; « télécommunications » pour la marque demandée ;

–        les services des marques en conflit sont des services d’informations informatisées : la marque antérieure utilise le mot « télématique », qui signifie information informatisée ; la marque demandée utilise l’expression « transmission électronique de la voix, de données et d’images » ; or, les mots « informatisée » et « électronique » renvoient au même concept ;

–        les services sont proposés via des « réseaux nationaux et internationaux » pour la marque antérieure et via un « réseau de câble sous-marin » pour la marque demandée ; or, un « réseau de câble sous-marin » est toujours un « réseau national ou international ». Par conséquent, les services visés par la marque demandée sont compris dans la liste des services protégés par la marque antérieure.

56      L’OHMI expose, de plus, que l’argument tenant à la capacité économique du titulaire de la marque ne saurait être pertinent, car le titulaire de la marque ne serait pas nécessairement la personne qui va l’utiliser, la marque pouvant être vendue ou faire l’objet d’une licence.

57      En troisième lieu, l’OHMI considère que le public concerné est toute personne transmettant des informations d’un point géographique à un autre (par exemple via Internet), donc le consommateur moyen non spécialisé.

58      Enfin, les enregistrements déjà réalisés dans certains États membres constitueraient un élément qui ne serait pas déterminant dans l’analyse de la demande d’enregistrement d’une marque communautaire et qui ne pourrait donc qu’être pris en considération. En effet, le régime communautaire des marques serait un système autonome, constitué par un ensemble d’objectifs et de règles qui lui sont spécifiques, et autosuffisant, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, points 46 et 47]. Quant à l’absence d’opposition de l’intervenant à l’enregistrement de la marque emergia en Espagne pour des services relevant de la classe 38, elle ne pourrait donner lieu à aucune déduction, car il s’agirait d’un droit et non d’une obligation et il serait toujours possible de demander la nullité desdits enregistrements.

59      L’intervenant, qui déclare partager en tous points les arguments développés par l’OHMI, a indiqué à l’audience que la raison pour laquelle il n’avait pas formé opposition à cet enregistrement tenait au fait qu’il attendait que le présent arrêt soit prononcé et que l’utilisation de cette marque était, pour le moment, limitée à certaines villes.

 Appréciation du Tribunal

60      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

61      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 17 ; arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 23, confirmé par l’ordonnance de la Cour du 28 avril 2004, Matratzen Concord/OHMI, C‑3/03 P, Rec. p. I‑3657].

62      En outre, la perception que le consommateur moyen a des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [arrêts SABEL, précité, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25 ; arrêt du Tribunal du 6 juillet 2004, Grupo El Prado Cervera/OHMI – Héritiers Debuschewitz (CHUFAFIT), T‑117/02, Rec. p. II‑2073, point 44].

63      Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

64      Enfin, il ressort de la jurisprudence que l’appréciation globale du risque de confusion, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée].

65      En l’espèce, le public visé par les services proposés par la marque de l’intervenant est le consommateur moyen des États membres.

66      Quant au public visé par les services proposés par la marque de la requérante, celle-ci conteste la décision de la chambre de recours selon laquelle il s’agit également du consommateur moyen des États membres. Il convient dès lors, afin d’identifier ce public, d’examiner les produits visés par cette marque et les comparer à ceux de la marque de l’intervenant :

–        emergia : « services de télécommunications et d’images via des réseaux de câble sous-marin pour la transmission électronique de la voix, de données et de vidéo » ;

–        EMERGEA : « service télématique via des réseaux nationaux et internationaux et communication par des terminaux d’ordinateur ».

67      Ainsi, comme l’expose l’OHMI dans son analyse terme par terme des descriptions des services des marques en conflit, il s’agit, dans les deux cas, de services de transmission d’informations informatisées. L’OHMI relève également, à juste titre, que la marque communautaire demandée ne vise pas à protéger les câbles sous-marins proprement dits, les câbles relevant non pas de la catégorie des services, mais des produits, à savoir précisément de la classe 9, ni l’installation, l’entretien ou la réparation desdits câbles sous-marins, services relevant de la classe 37.

68      Les services de la marque emergia et ceux de la marque EMERGEA sont ainsi très similaires, et ne peuvent par conséquent viser que le même public, à savoir le consommateur moyen des États membres.

69      Certes, l’intervenant ne conteste pas l’affirmation de la requérante selon laquelle les services proposés sous la marque emergia sont actuellement utilisés par des villes. Mais, d’abord, cette dernière a admis lors de l’audience que les services visés par cette marque pouvaient également intéresser, par exemple, des entreprises. En outre, il ne ressort nullement de la description de ces services que ceux-ci s’adresseraient uniquement à des professionnels. Or, l’appréciation du risque de confusion suppose de s’attacher à la description faite lors de la demande d’enregistrement d’une marque.

70      En ce qui concerne l’argument de la requérante relatif à la solidité économique du titulaire de la marque, il convient de souligner que l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ne s’intéresse pas à cet aspect des choses et, comme le relève à juste titre l’OHMI, la marque peut faire l’objet d’une licence ou d’une cession.

71      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, une marque complexe, verbale et figurative, ne peut être considérée comme présentant une similitude avec une autre marque identique ou présentant une similitude avec un des composants de la marque complexe que si celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que les autres composants de cette marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêts du Tribunal MATRATZEN, précité, point 33 ; du 11 mai 2005, Grupo Sada/OHMI – Sadia (GRUPO SADA), T‑31/03, Rec. p. II‑1667, point 49 ; du 25 mai 2005, Creative Technology/OHMI – Vila Ortiz (PC WORKS), T‑352/02, Rec. p. II‑1745, point 34, et du 22 février 2006, Nestlé/OHMI – Quick (QUICKY), T‑74/04, non publié au Recueil, point 47].

72      Il existe un risque de confusion lorsque cette marque complexe est constituée, outre son aspect figuratif singulier, d’un élément verbal identique ou similaire à celui constituant la marque antérieure et que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, cet élément verbal ne peut pas être considéré comme subsidiaire par rapport à l’autre composant du signe [arrêts du Tribunal du 20 avril 2005, Faber Chimica/OHMI – Nabersa (Faber), T‑211/03, Rec. p. II‑1297, point 38, et QUICKY, précité, point 48].

73      En l’espèce, il convient d’analyser la similitude visuelle entre les éléments verbaux « emergea » et « emergia », puis, au cas où une telle similitude serait constatée, de vérifier si l’élément graphique ou figuratif additionnel, propre à la marque demandée, est susceptible de constituer un élément de différenciation suffisant pour écarter l’existence d’une similitude visuelle des signes en conflit aux yeux du public de référence (arrêt QUICKY, précité, point 49). En d’autres termes, il est nécessaire de déterminer si, d’un point de vue visuel, un rectangle de couleur orange comportant un dessin fantaisiste noir et vert constitue l’élément dominant de la marque demandée, c’est-à-dire domine à lui seul l’image que le public pertinent garde en mémoire, ou si, au contraire, il est un élément distinctif d’intensité égale ou inférieure à l’élément verbal constitué par le mot « emergea ».

74      Les éléments verbaux « emergea » et « emergia » présentent incontestablement une similitude sur le plan visuel, puisqu’ils sont constitués, à une exception près, des mêmes lettres, dans le même ordre. En ce qui concerne l’importance qu’il convient d’accorder à l’élément figuratif comme élément de différenciation des deux signes en conflit, celui-ci ne saurait constituer l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque demandée, au point que l’élément verbal « emergia » en deviendrait négligeable. En effet, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant son nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque (arrêt QUICKY, précité, point 50).

75      En ce qui concerne l’analyse phonétique, ainsi que la chambre de recours le relève aux points 30 et 31 de la décision attaquée, les prononciations des deux signes sont très similaires parce que les cinq premières lettres sont identiques et dans le même ordre (« e-m-e-r-g ») et que les voyelles « e » et « i » ont une prononciation très similaire dans de nombreuses langues des États membres, si bien qu’il existe une correspondance presque totale dans la fin des deux mots. Il en résulte une quasi-correspondance entre les deux mots.

76      Sur le plan conceptuel, les deux termes sont dénués de sens dans la majorité des États membres.

77      La requérante relève que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ZIHR, précité, point 43, le Tribunal a jugé les différences visuelles et conceptuelles entre la marque communautaire verbale ZIHR et la marque communautaire figurative SIR suffisantes pour qu’il n’existe pas de risque de confusion, malgré les similitudes phonétiques susceptibles d’exister dans certaines langues officielles des États membres.

78      Or, il convient de souligner que cet arrêt indique que les similitudes phonétiques peuvent être neutralisées par les différences conceptuelles séparant les marques en question. Une telle neutralisation requiert qu’au moins une des marques en cause ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement (arrêts BASS, précité, point 54, et ZIRH, précité, point 49).

79      Alors que le Tribunal a considéré que l’élément verbal « sir » revêt une signification pour le consommateur moyen des États membres, les termes « emergea » et « emergia », comme il vient d’être indiqué, n’ont aucune signification dans la majorité des États membres.

80      Quant aux arguments pris de l’enregistrement en Espagne de la marque figurative emergia pour la classe 38, il convient de rappeler que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (arrêt electronica, précité, point 47). Par conséquent, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente [arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, non encore publié au Recueil, point 70]. Dès lors, le juge communautaire n’est pas lié par une décision prise dans un État membre admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêts du Tribunal du 7 février 2002, Mag Instrument/OHMI (Forme de lampes de poche), T‑88/00, Rec. p. II‑467, point 41, et du 24 novembre 2004, Henkel/OHMI (Forme d’un flacon blanc et transparent), T‑393/02, Rec. p. II‑4115, point 45].

81      Enfin, en ce qui concerne la prétendue pratique décisionnelle divergente de l’OHMI, il y a lieu de rappeler que la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base du règlement n° 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de l’OHMI (arrêt CHUFAFIT, précité, point 57, et la jurisprudence citée).

82      Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 entre la marque demandée et la marque antérieure EMERGEA.

83      Il y a lieu, dès lors, de rejeter le moyen unique tiré d’une violation de cette disposition et, par voie de conséquence, le présent recours.

 Sur les dépens 

84      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par la partie intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)               Le recours est rejeté.

2)               La requérante est condamnée aux dépens.

García-Valdecasas

 

Cooke Trstenjak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2006.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

R. García-Valdecasas


* Langue de procédure : l’espagnol.