Language of document : ECLI:EU:C:2017:780

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

19 octobre 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive 2001/23/CE – Article 1er, paragraphe 1 – Transferts d’entreprise ou d’établissement – Maintien des droits des travailleurs – Obligation de reprise des travailleurs par le cessionnaire – Prestation de services de gardiennage et de sécurité exécutée par une entreprise – Appel d’offres – Attribution du marché à une autre entreprise – Absence de reprise du personnel – Disposition nationale excluant de la “notion de transfert d’entreprise ou d’établissement” la perte d’un client par un opérateur à la suite de l’attribution d’un marché de services à un autre opérateur »

Dans l’affaire C‑200/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême, Portugal), par décision du 4 avril 2016, parvenue à la Cour le 12 avril 2016, dans la procédure

Securitas - Serviços e Tecnologia de Segurança SA

contre

ICTS Portugal – Consultadoria de Aviação Comercial SA,

Arthur George Resendes e.a.

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. A. Borg Barthet (rapporteur), faisant fonction de président de chambre, Mme M. Berger et M. F. Biltgen, juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour ICTS Portugal – Consultadoria de Aviação Comercial SA, par Me A.L. Santos, advogado,

–        pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes, M. Figueiredo et L. C. Oliveira, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. França et M. Kellerbauer, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (JO 2001, L 82, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Securitas – Serviços e Tecnologia de Segurança SA (ci-après « Securitas ») à ICTS Portugal – Consultadoria de Aviação Comercial SA (ci-après « ICTS ») ainsi qu’à M. Arthur George Resendes et à seize autres personnes, en leur qualité d’anciens salariés d’ICTS au sujet du refus de Securitas de reconnaître que les relations de travail existant entre ces salariés et ICTS ont été transférées à Securitas par la voie d’un transfert d’établissement.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le considérant 3 de la directive 2001/23 est ainsi libellé :

« Des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise en particulier pour assurer le maintien de leurs droits. »

4        Le considérant 8 de cette directive énonce :

« La sécurité et la transparence juridiques ont requis une clarification de la notion de transfert à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice. Cette clarification n’a pas modifié le champ d’application de la directive 77/187/CEE telle qu’elle a été interprétée par la Cour de justice. »

5        L’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2001/23 dispose :

« a)      La présente directive est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.

b)      Sous réserve du point a) et des dispositions suivantes du présent article, est considéré comme transfert, au sens de la présente directive, celui d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire. »

6        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2001/23 :

« Les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire. »

 Le droit portugais

 Le code du travail

7        Aux termes de l’article 285 du codigo do trabalho (code du travail), approuvé par la loi n° 7/2009, du 12 février 2009 :

« 1.      En cas de transfert, à quelque titre que ce soit, de la propriété d’une entreprise, ou d’un établissement ou encore d’une partie de l’entreprise ou de l’établissement constituant une entité économique, sont transmis au cessionnaire, la qualité d’employeur dans les contrats de travail des travailleurs concernés, ainsi que la responsabilité pour le paiement des amendes infligées en cas de contravention au code du travail.

2.      Le cédant répond solidairement des obligations déjà nées à la date du transfert, pendant l’année qui suit celui-ci.

3.      Les dispositions des paragraphes précédents sont également applicables au transfert, à la cession ou à la reprise en gestion directe de l’activité de l’entreprise, de l’établissement ou de l’entité économique, et, en cas de cession ou de reprise en gestion directe de l’activité, est solidairement responsable celui qui a exercé précédemment l’exploitation.

4.      Les dispositions des paragraphes précédents ne sont pas applicables dans le cas du travailleur qui, avant le transfert, a été transféré par le cédant à un autre établissement ou entité économique, conformément aux dispositions de l’article 194, en le maintenant à son service, à l’exception de ce qui concerne la responsabilité du cessionnaire en matière de paiement des amendes infligée en cas de contravention au droit du travail.

5.      Est considéré comme une entité économique, l’ensemble des moyens organisés dans le but d’exercer une activité économique, principale ou accessoire.

6.      Constitue une contravention aggravée, la violation du paragraphe premier et du paragraphe 3, première partie. »

 La convention collective

8        La clause n° 13 du contrat collectif de travail conclu en 2011 entre l’Associação de Empresas de Segurança Privada (association des entreprises de sécurité privée), l’Associação Nacional das Empresas de Segurança (association nationale des entreprises de sécurité) et, notamment, le Sindicato dos Trabalhadores dos Serviços de Portaria, Vigilância, Limpeza, Domésticas e Actividades Diversas (syndicat des travailleurs des services de gardiennage, de contrôle, de nettoyage, du personnel de maison et d’activités diverses), publié au Boletim do Trabalho e Emprego (bulletin du travail et de l’emploi) n° 17/2011 prévoit :

« 1.      En cas de transfert, à quelque titre que ce soit, de la propriété d’une entreprise, ou d’un établissement ou encore d’une partie de l’entreprise ou de l’établissement constituant une entité économique, est transmise au cessionnaire, la qualité d’employeur dans les contrats de travail des travailleurs concernés.

2.      Ne relève pas de la notion de transfert d’entreprise ou d’établissement, la perte d’un client par un opérateur à la suite de l’attribution d’un marché de services à un autre opérateur. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        M. Resendes et seize autres personnes, en leur qualité de salariés d’ICTS, ont, jusqu’au 14 juillet 2013, exercé des fonctions de gardiennage dans les installations (marina, port, quai) de Portos dos Açores SA situées à Ponta Delgada (Portugal), en vertu d’un contrat conclu entre cette dernière et ICTS.

10      Ils étaient notamment chargés de contrôler les entrées et les sorties de personnes et de marchandises, au moyen de dispositifs de vidéosurveillance, selon des modalités qui leur étaient précisées par ICTS. Leur employeur leur fournissait également des tenues d’identification ainsi que des équipements radiophoniques.

11      Le 17 janvier 2013, Portos dos Açores a lancé un appel d’offres pour la prestation de services de gardiennage et de sécurité préventive dans ses installations de Ponta Delgada. Le 17 avril 2013, ce marché a été attribué à Securitas.

12      Les salariés d’ICTS soutiennent, devant la juridiction de renvoi, que, le 17 juin 2013, ICTS leur a indiqué par écrit que, à la suite de l’attribution dudit marché à Securitas, avec effet à partir du 15 juillet suivant, leurs contrats de travail allaient être, à compter de cette date, transférés à cette dernière.

13      Le 14 juillet 2013, un salarié d’ICTS a, après avoir reçu de son employeur des instructions en ce sens, remis à un employé de Securitas les équipements radiophoniques utilisés par les salariés d’ICTS dans les installations de Portos dos Açores. Securitas a ensuite remis ces équipements à Portos dos Açores.

14      Securitas a commencé à exécuter sa prestation de services de gardiennage et de sécurité le 15 juillet 2013. Elle a fourni aux agents de sécurité affectés à l’exécution de celle-ci des équipements radiophoniques lui appartenant ainsi que des tenues vestimentaires identiques comportant le logo de l’entreprise.

15      Securitas a également informé M. Resendes et les seize autres personnes concernées qu’ils ne faisaient pas partie de son personnel et que leur employeur demeurait ICTS. En conséquence, ceux-ci ont intenté devant le Tribunal do Trabalho de Ponta Delgada (tribunal du travail de Ponta Delgada, Portugal) des recours à l’encontre de Securitas et d’ICTS tendant à ce que Securitas, ou à titre subsidiaire ICTS, soit condamnée à reconnaître qu’ils font partie de son personnel et qu’elle leur paye leurs salaires ainsi que les intérêts de retard depuis le 15 juillet 2013 ou, pour trois d’entre eux, une indemnité pour licenciement abusif.

16      Cette juridiction a accueilli ces recours. Elle a estimé qu’il y avait eu transfert d’établissement entre les deux sociétés et que les contrats de travail des anciens salariés d’ICTS avaient été transférés à Securitas. En conséquence, elle a qualifié le licenciement de ces derniers par Securitas d’« abusif », et a condamné cette société à réintégrer la plupart des personnes concernées ainsi qu’à leur verser diverses créances salariales et indemnités.

17      Securitas a interjeté appel de ce jugement devant le Tribunal da Relação de Lisboa (cour d’appel de Lisbonne, Portugal), qui a confirmé le jugement rendu en première instance.

18      Securitas a, de ce fait, introduit un recours en révision exceptionnel devant le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême, Portugal). Cette juridiction s’interroge, en substance, sur le point de savoir si la substitution de Securitas à ICTS, pour l’activité de gardiennage et de sécurité exercée dans les installations de Portos dos Açores, et ce à la suite de l’attribution à Securitas d’un marché de services, relève de la notion de « transfert d’entreprise [ou] d’établissement », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/23.

19      Dans ces conditions, le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La situation dans la présente affaire correspond-elle à celle dans laquelle est réalisé un transfert d’entreprise ou d’établissement, l’entreprise de [...] ICTS devant être regardée comme ayant été transférée à [...] Securitas à la suite d’un appel d’offres, remporté par [...] Securitas, concernant des services de gardiennage et de sécurité sur le port de Ponta Delgada, île de São Miguel, Açores (Portugal)[. S’agit-il en l’espèce] d’un transfert d’une entité économique, au sens de l’article 1er de la directive 2001/23 ?

2)      La situation dans cette affaire correspond-elle simplement à celle dans laquelle des entreprises concurrentes se succèdent à la suite de l’attribution d’un marché de prestation de services à l’entreprise ayant remporté [l’appel d’offres relatif à ce marché], et ne relève donc pas de la notion de “transfert d’entreprise [ou] d’établissement”, au sens de [cette] directive?

3)      La clause n° 13, paragraphe 2, du contrat collectif de travail conclu entre l’association des entreprises de sécurité privée, l’association nationale des entreprises de sécurité, le syndicat des travailleurs des services de gardiennage, de contrôle, de nettoyage, du personnel de maison et d’activités diverses et d’autres associations syndicales est-elle contraire au droit de l’Union concernant la définition du transfert d’entreprise ou d’établissement résultant de la directive 2001/23, dès lors que cette clause dispose que “ne relève pas de la notion de transfert d’entreprise ou d’établissement, la perte d’un client par un opérateur à la suite de l’attribution d’un marché de services à un autre opérateur” ? »

20      Par ordonnance du président de la Cour du 24 mai 2016, la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre la présente affaire à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour a été rejetée.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

21      Par ses deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/23 doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « transfert d’entreprise [ou] d’établissement », au sens de cette disposition, une situation dans laquelle un donneur d’ordre a résilié le contrat de prestation de services de surveillance et de gardiennage de ses installations conclu avec une entreprise, puis a conclu, aux fins de l’exécution de cette prestation, un nouveau contrat avec une autre entreprise, qui refuse de reprendre les salariés de la première.

22      Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, sous a), la directive 2001/23 est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.

23      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, le champ d’application de la directive 2001/23 s’étend à toutes les hypothèses de changement, dans le cadre de relations contractuelles, de la personne physique ou morale responsable de l’exploitation de l’entreprise, qui contracte les obligations d’employeur vis-à-vis des employés de l’entreprise. Ainsi, pour que la directive 2001/23 s’applique, il n’est pas nécessaire qu’il existe des relations contractuelles directes entre le cédant et le cessionnaire, la cession pouvant s’effectuer par l’intermédiaire d’un tiers (voir, notamment, arrêts du 7 mars 1996, Merckx et Neuhuys, C‑171/94 et C‑172/94, EU:C:1996:87, points 28 et 30, ainsi que du 20 novembre 2003, Abler e.a., C‑340/01, EU:C:2003:629, point 39).

24      Il s’ensuit que l’absence de lien contractuel entre les deux entreprises auxquelles a été successivement confiée la gestion de la surveillance et du gardiennage d’installations portuaires est sans incidence sur la question de savoir si la directive 2001/23 est applicable ou non à une situation telle que celle en cause au principal.

25      Il convient en outre de rappeler que, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2001/23, l’applicabilité de cette directive est également subordonnée à la condition que le transfert porte sur « une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle‑ci soit essentielle ou accessoire ».

26      Afin de déterminer si cette condition est effectivement remplie, il y a lieu de prendre en considération l’ensemble des circonstances de fait qui caractérisent l’opération en cause, au nombre desquelles figurent notamment le type d’entreprise ou d’établissement dont il s’agit, le transfert ou non d’actifs corporels, tels que les bâtiments et les biens mobiliers, la valeur des actifs incorporels au moment du transfert, la reprise ou non de l’essentiel des effectifs par le nouveau chef d’entreprise, le transfert ou non de la clientèle, ainsi que le degré de similarité des activités exercées avant et après le transfert et la durée d’une éventuelle suspension de ces activités. Ces éléments doivent être appréciés dans le cadre d’une évaluation d’ensemble des circonstances de l’espèce et ne sauraient, de ce fait, être pris isolément (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual et Algeposa Terminales Ferroviarios, C‑509/14, EU:C:2015:781, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

27      En particulier, la Cour a considéré que le juge national, dans son appréciation des circonstances de fait qui caractérisent l’opération en cause, doit notamment tenir compte du type d’entreprise ou d’établissement dont il s’agit (arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual et Algeposa Terminales Ferroviarios, C‑509/14, EU:C:2015:781, point 33).

28      Il en résulte que l’importance respective à accorder aux différents critères de l’existence d’un transfert, au sens de la directive 2001/23, varie nécessairement en fonction de l’activité exercée, voire des méthodes de production ou d’exploitation utilisées dans l’entreprise, dans l’établissement ou dans la partie d’établissement en cause (arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual et Algeposa Terminales Ferroviarios, C‑509/14, EU:C:2015:781, point 34).

29      La Cour a ainsi jugé que, dans un secteur où l’activité repose essentiellement sur la main‑d’œuvre, l’identité d’une entité économique ne peut être maintenue si l’essentiel des effectifs de cette entité n’est pas repris par le présumé cessionnaire (arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual et Algeposa Terminales Ferroviarios, C‑509/14, EU:C:2015:781, point 35).

30      Lorsque, en revanche, l’activité repose essentiellement sur des équipements, le fait que les anciens salariés d’une entreprise ne soient pas repris par le nouvel entrepreneur pour l’exercice de cette activité, comme tel est le cas dans l’affaire au principal, ne suffit pas à exclure l’existence d’un transfert d’une entité économique maintenant son identité, au sens de la directive 2001/23. Une interprétation différente irait, en effet, à l’encontre de l’objet principal de ladite directive, qui est de maintenir, même contre la volonté du cessionnaire, les contrats de travail des salariés du cédant (arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual et Algeposa Terminales Ferroviarios, C‑509/14, EU:C:2015:781, point 41).

31      En conséquence, il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier, à la lumière des considérations qui précèdent et en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui caractérisent l’opération en cause au principal, si cette dernière doit être regardée comme un transfert d’entreprise, au sens de la directive 2001/23.

32      À cette fin, il lui appartiendra, notamment, de vérifier si ICTS a transmis à Securitas, directement ou indirectement, des équipements ou des biens corporels ou incorporels, aux fins de l’exercice de l’activité de gardiennage et de sécurité dans les installations en cause.

33      Ladite juridiction devra vérifier, en outre, si de tels éléments ont été mis à la disposition d’ICTS et de Securitas par Portos dos Açores. À cet égard, il convient en effet de rappeler que la circonstance que les éléments corporels indispensables à l’exercice de l’activité en cause au principal et repris par le nouvel entrepreneur n’appartenaient pas à son prédécesseur, mais étaient simplement mis à disposition par le donneur d’ordre ne saurait conduire à exclure l’existence d’un transfert d’entreprise ou d’établissement, au sens de la directive 2001/23 (arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual et Algeposa Terminales Ferroviarios, C‑509/14, EU:C:2015:781, points 38 ainsi que 39). Toutefois, seuls les équipements qui sont effectivement utilisés pour fournir les services de gardiennage, à l’exclusion des installations faisant l’objet de ces services, doivent, le cas échéant, être pris en compte aux fins d’établir l’existence d’un transfert d’une entité maintenant son identité, au sens de la directive 2001/23 (arrêt du 29 juillet 2010, UGT-FSP, C‑151/09, EU:C:2010:452, point 31).

34      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deux premières questions que l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/23 doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « transfert d’entreprise [ou] d’établissement », au sens de cette disposition, une situation dans laquelle un donneur d’ordre a résilié le contrat de prestation de services de surveillance et de gardiennage de ses installations conclu avec une entreprise, puis a conclu, aux fins de l’exécution de cette prestation, un nouveau contrat avec une autre entreprise, qui refuse de reprendre les salariés de la première, lorsque les équipements indispensables à l’exercice de ladite prestation ont été repris par la seconde entreprise.

 Sur la troisième question

35      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que ne relève pas de la notion de « transfert d’entreprise [ou] d’établissement », au sens de cet article 1er, paragraphe 1, la perte d’un client par un opérateur à la suite de l’attribution d’un marché de services à un autre opérateur.

36      À cet égard, la Cour a déjà jugé que la simple perte d’un marché de service au profit d’un concurrent ne saurait, par elle-même, révéler l’existence d’un transfert d’entreprise ou d’établissement, au sens de la directive 2001/23 (arrêt du 11 mars 1997, Süzen, C‑13/95, EU:C:1997:141, point 16). Toutefois, une disposition nationale qui exclut de manière générale du champ d’application de cette notion la perte d’un client par un opérateur à la suite de l’attribution d’un marché de services à un autre opérateur ne permet pas de prendre en considération l’ensemble des circonstances de fait qui caractérisent l’opération en cause.

37      Dès lors, compte tenu, d’une part, de la jurisprudence constante de la Cour, rappelée aux points 26 et 27 du présent arrêt et, d’autre part, de l’objectif de la directive 2001/23 qui, ainsi que cela découle du considérant 3 de celle-ci, est de protéger les travailleurs en assurant le maintien de leurs droits en cas de changement de chef d’entreprise, il y a lieu de considérer que l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une telle disposition nationale.

38      Dans ces conditions, il convient de répondre à la troisième question que l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que ne relève pas du champ d’application de la notion de « transfert d’entreprise [ou] d’établissement », au sens de cet article 1er, paragraphe 1, la perte d’un client par un opérateur à la suite de l’attribution d’un marché de services à un autre opérateur.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « transfert d’entreprise [ou] d’établissement », au sens de cette disposition, une situation dans laquelle un donneur d’ordre a résilié le contrat de prestation de services de surveillance et de gardiennage de ses installations conclu avec une entreprise, puis a conclu, aux fins de l’exécution de cette prestation, un nouveau contrat avec une autre entreprise, qui refuse de reprendre les salariés de la première, lorsque les équipements indispensables à l’exercice de ladite prestation ont été repris par la seconde entreprise.

2)      L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que ne relève pas de la notion de « transfert d’entreprise [ou] d’établissement », au sens de cet article 1er, paragraphe 1, la perte d’un client par un opérateur à la suite de l’attribution d’un marché de services à un autre opérateur.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.