Language of document : ECLI:EU:C:2012:72

Affaire C‑17/10

Toshiba Corporation e.a.

contre

Úřad pro ochranu hospodářské soutěže

(demande de décision préjudicielle,
introduite par le Krajský soud v Brně)

«Concurrence — Entente, sur le territoire d’un État membre, ayant débuté avant l’adhésion de cet État à l’Union européenne — Entente de portée internationale exerçant des effets sur le territoire de l’Union et de l’Espace économique européen — Articles 81 CE et 53 de l’accord EEE — Poursuites et sanction de l’infraction pour la période précédant la date d’adhésion et celle suivant cette date — Amendes — Délimitation des compétences de la Commission et de celles des autorités nationales de concurrence — Infliction des amendes par la Commission et par l’autorité nationale de concurrence — Principe ne bis in idem — Règlement (CE) no 1/2003 — Articles 3, paragraphe 1, et 11, paragraphe 6 — Conséquences de l’adhésion d’un nouvel État membre à l’Union»

Sommaire de l’arrêt

1.        Actes des institutions — Application dans le temps — Rétroactivité d’une règle de fond — Conditions — Rétroactivité de l’article 81 CE et de l’article 3 du règlement no 1/2003 — Absence

(Art. 81 CE; règlement du Conseil no 1/2003, art. 3, § 1)

2.        Concurrence — Répartition des compétences entre la Commission et les autorités nationales de concurrence — Ouverture par la Commission d’une procédure à l’encontre d’une entente — Dessaisissement de l’autorité nationale de concurrence de sa compétence pour sanctionner, par application du droit national de la concurrence, les effets anticoncurrentiels produits par ladite entente sur le territoire de l’État membre au cours de périodes antérieures à l’adhésion de ce dernier à l’Union européenne — Absence

(Règlement du Conseil no 1/2003, art. 3, § 1, et 11, § 6)

3.        Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction et imposant des amendes à des entreprises ayant participé à une entente — Décision postérieure de l’autorité de concurrence d’un État membre imposant des amendes auxdites entreprises pour sanctionner les effets produits par cette entente sur le territoire de cet État avant son adhésion à l’Union européenne — Absence d’identité entre les effets de l’entente réprimés par les deux décisions précitées — Violation du principe ne bis in idem — Absence

1.        L’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 CE et 82 CE, contient, tout comme l’article 81 CE, des règles matérielles destinées à l’appréciation d’accords d’entreprises par les autorités de concurrence et qui constituent donc des règles de fond du droit de l’Union. De telles règles de fond ne sauraient en principe faire l’objet d’une application rétroactive, indépendamment des effets favorables ou défavorables qu’une telle application pourrait avoir pour les intéressés. En effet, le principe de sécurité juridique exige que toute situation de fait soit normalement, et sauf indication expresse contraire, appréciée à la lumière des règles de droit qui en sont contemporaines. Les règles de fond du droit de l’Union doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leurs finalités ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué. Toutefois, ni le libellé, ni la finalité, non plus que l’économie de l’article 81 CE, de l’article 3 du règlement no 1/2003 et de l’acte d’adhésion ne comportent d’indications claires qui iraient dans le sens d’une application rétroactive de ces deux dispositions.

Il en résulte que les dispositions de l’article 81 CE et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 doivent être interprétées en ce sens que, dans le cadre d’une procédure engagée après le 1er mai 2004, elles ne sont pas applicables à une entente qui a produit des effets, sur le territoire d’un État membre ayant adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004, au cours de périodes antérieures à cette date.

(cf. points 49-52, 67, disp. 1)

2.        L’ouverture par la Commission européenne d’une procédure, au titre du chapitre III du règlement no 1/2003, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 CE et 82 CE, à l’encontre d’une entente, ne dessaisit pas, en vertu de l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, du même règlement, l’autorité de concurrence de l’État membre concerné de sa compétence pour sanctionner, par application du droit national de la concurrence, les effets anticoncurrentiels produits par cette entente sur le territoire dudit État membre au cours de périodes antérieures à l’adhésion de ce dernier à l’Union européenne.

(cf. point 92, disp. 2)

3.        Dans les affaires relevant du droit de la concurrence, le principe ne bis in idem doit être respecté dans les procédures tendant à l’infliction d’amendes. L’application de ce principe est soumise à la triple condition d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé. Ainsi, ce principe interdit qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours.

Il s’ensuit que le principe ne bis in idem ne fait pas obstacle à ce que les entreprises ayant participé à une entente soient condamnées à des amendes par l’autorité nationale de concurrence de l’État membre concerné, aux fins de sanctionner les effets produits par cette entente sur le territoire de ce dernier avant qu’il n’adhère à l’Union européenne, dès lors que les amendes infligées aux membres de cette entente par une décision de la Commission européenne prise avant l’adoption de la décision de ladite autorité nationale de concurrence n’avaient pas pour objet de réprimer lesdits effets.

(cf. points 94, 97, 103, disp. 2)