Language of document : ECLI:EU:T:2012:275

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

5 juin 2012 (*)

« Concurrence — Ententes — Marché des méthacrylates — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE — Participation à un volet de l’infraction — Droits de la défense — Amendes — Obligation de motivation — Gravité de l’infraction — Effet dissuasif — Égalité de traitement — Proportionnalité — Principe de bonne administration — Coopération durant la procédure administrative — Durée de la procédure — Délai raisonnable »

Dans l’affaire T‑214/06,

Imperial Chemical Industries Ltd, anciennement Imperial Chemical Industries plc, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée initialement par M. D. Anderson, QC, Mes H. Rosenblatt, B. Lebrun, avocats, M. W. Turner, Mme S. Berwick et M. T. Soames, solicitors, puis par Mes R. Wesseling et C. Swaak, et enfin par Mes Wesseling, Swaak et F. ten Have, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. V. Bottka, I. Chatzigiannis et F. Amato, puis par MM. Bottka, Chatzigiannis et F. Arbault, et enfin par MM. Bottka et J. Bourke, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 2, sous c), de la décision C (2006) 2098 final de la Commission, du 31 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F/38.645 — Méthacrylates), ou, subsidiairement, de réduction du montant de l’amende infligée en vertu de cette disposition,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par décision C (2006) 2098 final de la Commission, du 31 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F/38.645 — Méthacrylates) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a notamment constaté qu’un certain nombre d’entreprises avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant, au cours de diverses périodes comprises entre le 23 janvier 1997 et le 12 septembre 2002, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels dans le secteur des méthacrylates, couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE (article 1er de la décision attaquée).

2        Selon la décision attaquée, il s’agissait d’une infraction unique et continue, portant sur les trois produits en polyméthacrylate de méthyle (ci-après le « PMMA ») suivants : les composants de moulage, les plaques massives et les plaques sanitaires. Il ressort de la décision attaquée que ces trois produits en PMMA sont distincts tant sur le plan physique que sur le plan chimique et ont des utilisations différentes, mais peuvent être considérés comme constituant un seul et même groupe de produits homogène du fait de leur matière première commune, le méthacrylate de méthyle (ci-après le « MMA ») (considérants 4 à 8 de la décision attaquée).

3        Selon la décision attaquée, l’infraction en cause a consisté en des discussions sur les prix ainsi qu’en la conclusion, la mise en œuvre et la surveillance d’accords sur les prix prévoyant soit des augmentations, soit, à tout le moins, une stabilisation du niveau de prix existant, en l’examen de la répercussion du coût des services supplémentaires sur les acheteurs, en l’échange d’informations commercialement importantes et confidentielles sur les marchés et/ou les entreprises, de même qu’en la participation à des réunions régulières et d’autres contacts destinés à faciliter l’infraction (article 1er et considérants 1 à 3 de la décision attaquée).

4        La décision attaquée a été adressée à Degussa AG, à Röhm GmbH & Co. KG, à Para-Chemie GmbH (ci-après dénommées ensemble « Degussa »), à Total SA, à Elf Aquitaine SA, à Arkema SA (anciennement Atofina SA), à Altuglas International SA, à Altumax Europe SAS (ci-après dénommées ensemble « Atofina »), à Lucite International Ltd, à Lucite International UK Ltd (ci-après dénommées ensemble « Lucite »), à Quinn Barlo Ltd, à Quinn Plastics NV, à Quinn Plastics GmbH (ci-après dénommées ensemble « Barlo ») ainsi qu’à la requérante, Imperial Chemical Industries Ltd (anciennement Imperial Chemical Industries plc).

5        La requérante est la société mère du groupe Imperial Chemical Industries et producteur de spécialités chimiques. Depuis 1990, la production ou la vente des produits visés dans la décision attaquée au sein du groupe ont été confiées à ICI Acrylics, unité commerciale distincte, mais non constituée en société. Par contrat conclu le 3 octobre 1999, les activités et actifs d’ICI Acrylics ont été vendus à Ineos Acrylics UK Parent Co.2 Ltd et Ineos Acrylics UK Trader Ltd, devenues ultérieurement, respectivement, Lucite International Holdings Ltd et Lucite International UK Ltd.

6        L’enquête qui a abouti à l’adoption de la décision attaquée a été engagée à la suite de l’introduction par Degussa, le 20 décembre 2002, d’une demande d’immunité au titre de la communication de la Commission du 19 février 2002 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération »).

7        Les 25 et 26 mars 2003, la Commission a procédé à des inspections dans les locaux d’Atofina, de Barlo, de Degussa et de Lucite.

8        Le 3 avril et le 11 juillet 2003 respectivement, Atofina et Lucite ont présenté une demande d’immunité ou de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération (considérant 66 de la décision attaquée).

9        Par lettre du 8 mai 2003, la Commission a répondu à la question posée par Lucite de savoir si cette dernière devait contacter la requérante et lui donner accès à ses employés et à ses documents afin de lui permettre de préparer sa défense.

10      Le 29 juillet 2004, la Commission a adressé à plusieurs entreprises, dont la requérante, une demande de renseignements, conformément à l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1). Il s’agissait de la première mesure d’instruction adressée à la requérante dans le cadre de l’enquête.

11      Le 18 octobre 2004, la requérante a présenté une demande de réduction du montant de l’amende conformément à la communication sur la coopération. Le 11 août 2005, la Commission l’a informée que sa demande était rejetée.

12      Le 17 août 2005, la Commission a adopté une communication des griefs concernant une infraction unique et continue relative au MMA, aux composants de moulage en PMMA, aux plaques massives en PMMA et aux plaques sanitaires en PMMA et l’a adressée, notamment, à la requérante et à Lucite. Estimant que la vente d’ICI Acrylics à Ineos (devenue Lucite) avait eu lieu le 1er octobre 1999, la Commission a retenu le 30 septembre 1999 en tant que date de la fin de l’infraction imputée à la requérante.

13      La réponse de la requérante à la communication des griefs date du 4 novembre 2005.

14      Une audition s’est tenue les 15 et 16 décembre 2005.

15      Par lettre du 10 février 2006, en réponse à une demande de la Commission, Lucite a fourni des clarifications relatives à la date d’achat d’ICI Acrylics.

16      Par lettre du 13 février 2006, la Commission a transmis la lettre visée au point 15 ci-dessus à la requérante, afin qu’elle puisse présenter ses observations.

17      Par lettre du 17 février 2006, la requérante a déposé ses observations.

18      Le 31 mai 2006, la Commission a adopté la décision attaquée. Dans celle-ci, la Commission a abandonné certains des griefs retenus dans la communication des griefs et, notamment, les griefs retenus à l’encontre de l’ensemble des sociétés concernées en ce qui concerne le volet de l’infraction relatif au MMA (considérant 93 de la décision attaquée).

19      L’article 1er, sous i), de la décision attaquée dispose que la requérante a participé à l’infraction décrite aux points 2 et 3 ci-dessus au cours de la période allant du 23 janvier 1997 au 1er novembre 1999.

20      La Commission a estimé, en particulier, que la requérante constituait la personne morale dont faisait partie, à l’époque des faits, l’unité commerciale qui avait commis l’infraction en cause, à savoir ICI Acrylics. Par conséquent, la Commission a constaté que la requérante devait être considérée comme une entreprise, aux fins de l’application de l’article 81 CE, participant aux comportements collusoires en cause, et que la décision attaquée devait donc lui être adressée (considérants 288 à 290 de la décision attaquée).

21      S’agissant de la date de la fin de la période infractionnelle imputée à la requérante, la Commission a énoncé que, au vu de la réponse de Lucite à la communication des griefs, elle retenait la date du 2 novembre 1999, à laquelle le transfert de propriété d’ICI Acrylics avait eu lieu, pour départager les responsabilités entre la requérante et Lucite (considérant 291 de la décision attaquée). Par conséquent, elle a retenu le 1er novembre 1999 en tant que date de la fin de l’infraction imputée à la requérante, tout en précisant que cette modification par rapport à la communication des griefs n’avait pas d’incidence sur le montant de l’amende (considérant 292 de la décision attaquée).

22      L’article 2, sous c), de la décision attaquée inflige à la requérante une amende de 91 406 250 euros.

23      S’agissant du calcul du montant de l’amende, en premier lieu, la Commission a examiné la gravité de l’infraction et a constaté, d’abord, que, au regard de la nature de l’infraction et du fait qu’elle couvrait l’ensemble du territoire de l’EEE, il s’agissait d’une infraction très grave au sens des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices ») (considérants 319 à 331 de la décision attaquée).

24      Ensuite, elle a estimé que, dans la catégorie des infractions très graves, il était possible d’appliquer aux entreprises un traitement différencié de manière à tenir compte de la capacité économique réelle des contrevenants à porter un préjudice important à la concurrence. À cet effet, elle a constaté qu’en l’espèce les entreprises concernées « [pouvaient] être subdivisées en [trois] catégories en fonction de leur poids relatif dans le chiffre d’affaires réalisé en vendant les produits en PMMA pour lesquels elles [avaient] participé à l’entente », en prenant comme référence le chiffre d’affaires dégagé par ces produits en 2000 dans l’EEE. La Commission a placé la requérante et Lucite dans la deuxième catégorie, au regard du chiffre d’affaires de Lucite dégagé par les trois produits en PMMA concernés en 2000 (105,98 millions d’euros), et elle a fixé les montants de départ de leurs amendes à 32,5 millions d’euros (considérants 332 à 336 de la décision attaquée).

25      Par ailleurs, la Commission a énoncé que, dans la catégorie des infractions très graves, l’échelle des amendes susceptibles d’être infligées permettait également de fixer le montant des amendes à un niveau garantissant qu’elles auront un effet dissuasif suffisant, compte tenu de la taille et de la puissance économique de chaque entreprise. Compte tenu du chiffre d’affaires total de la requérante en 2005 (8,49 milliards d’euros), la Commission a appliqué un facteur multiplicateur de 1,5 au montant de départ de son amende, ce qui a porté ledit montant à 48,75 millions d’euros.

26      En deuxième lieu, la Commission a examiné la durée de l’infraction et a constaté que, étant donné que la requérante avait participé à l’infraction pendant deux ans et neuf mois, le montant de départ de son amende devait être majoré de 25 %. Ainsi, le montant de base de l’amende calculé pour la requérante s’est élevé à 60 937 500 euros (considérants 351 à 354 de la décision attaquée).

27      En troisième lieu, la Commission a examiné l’existence éventuelle de circonstances aggravantes ou atténuantes. En ce qui concerne la requérante, la Commission a constaté que, compte tenu de l’existence de deux décisions antérieures dont celle-ci était destinataire, cette dernière avait récidivé en commettant une infraction de même type et a décidé de majorer le montant de base de l’amende de celle-ci de 50 % (considérants 355 à 369 de la décision attaquée). En outre, la Commission a rejeté les circonstances atténuantes avancées par la requérante. Par conséquent, le montant de son amende a été fixé à 91 406 250 euros, le montant ne dépassant pas le seuil de 10 % de son chiffre d’affaires, fixé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 (considérants 372 à 398 de la décision attaquée).

28      En dernier lieu, la Commission a procédé à l’application de la communication sur la coopération, en rappelant que la demande de la requérante au titre de ladite communication avait été rejetée. S’agissant des autres entreprises ayant présenté une demande à ce titre, la Commission a accordé, d’une part, une immunité totale d’amendes à Degussa et d’autre part, des réductions du montant des amendes à Atofina et à Lucite.

29      Compte tenu du rejet de la demande de la requérante, le montant final de l’amende qui lui a été infligée a donc été fixé à 91 406 250 euros.

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 août 2006, la requérante a introduit le présent recours.

31      La procédure écrite a été close le 11 avril 2007.

32      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé, le 15 septembre 2011, d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, d’inviter les parties à répondre à des questions. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 novembre 2011. Lors de l’audience, la requérante a remis à la Commission et au Tribunal certains documents visant à étayer la plaidoirie. La Commission a émis une objection à l’égard de la production de l’un de ces documents et le Tribunal a décidé de ne pas le verser au dossier. Les autres documents ont été versés au dossier, la Commission n’ayant émis aucune objection à leur égard.

34      En outre, lors de l’audience, le Tribunal a invité la Commission à produire deux documents qu’elle avait invoqués lors de sa plaidoirie. La Commission ayant déféré à cette demande dans le délai imparti, le Tribunal a invité la requérante à déposer ses observations éventuelles sur lesdits documents. Ces observations ont été déposées dans le délai imparti.

35      La procédure orale a été close le 15 décembre 2011.

36      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 2, sous c), de la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, modifier l’article 2, sous c), de la décision attaquée afin de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

38      Dans la requête, la requérante a invoqué cinq moyens à l’appui du recours. Le premier moyen est tiré de l’insuffisance des éléments de preuve de l’infraction en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA. Le deuxième moyen est tiré de l’absence de motivation du « montant de base » de l’amende. Le troisième moyen est tiré du manquement de la Commission à son obligation de répartir le « montant de base » entre la requérante et Lucite. Le quatrième moyen est tiré du caractère inapproprié de la majoration du montant de départ de l’amende à titre dissuasif. Le cinquième moyen est tiré du refus injustifié d’accorder une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération avec la Commission. En outre, lors de l’audience, la requérante a soulevé un sixième moyen, tiré de la durée excessive de la procédure.

 Sur le premier moyen, tiré de l’insuffisance des éléments de preuve de la participation de la requérante à l’infraction en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA

39      Dans le cadre du présent moyen, la requérante prétend que son implication dans l’infraction en ce qui concerne un des produits visés dans la décision attaquée, à savoir les composants de moulage en PMMA, n’a pas été établie.

40      Ainsi qu’il ressort clairement des conclusions formulées dans la requête (voir point 36 ci-dessus), et comme la requérante l’a également confirmé dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, nonobstant les arguments formulés dans le cadre du présent moyen, la requérante ne demande pas l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée dans la mesure où il la tient pour responsable de l’infraction en question. Le présent moyen est, en revanche, invoqué à l’appui de sa demande visant à la réduction du montant de l’amende infligée à l’article 2 de la décision attaquée. La requérante considère, en effet, que le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs de l’entente doit être pris en considération lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et de la détermination du montant de l’amende. À son avis, le montant de l’amende devrait donc être réduit de manière à refléter la proportion représentée par les composants de moulage en PMMA dans la valeur ou le volume globaux des trois produits concernés (selon la requérante, respectivement, 44 ou 36 %).

41      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 1er de la décision attaquée tient la requérante pour responsable d’un « ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des méthacrylates ». Lue à la lumière des motifs de ladite décision, et notamment de ses considérants 2 et 222 à 225 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 1258, et la jurisprudence citée), cette disposition tient la requérante pour responsable de la participation, dans la période concernée, à une infraction unique et continue en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA, les plaques massives en PMMA et les plaques sanitaires en PMMA.

42      C’est en fonction de la gravité d’une telle infraction que le montant de l’amende infligée à la requérante a été déterminé. En particulier, il ressort du considérant 333 de la décision attaquée que, dans le cadre de la détermination du montant de départ de l’amende de la requérante, la Commission a tenu compte du chiffre d’affaires qu’elle avait réalisé en vendant les produits en PMMA pour lesquels elle avait participé à l’entente, et donc, selon la Commission, tous les produits susmentionnés.

43      Il y a donc lieu de constater que, même si la requérante ne conclut pas à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée (voir point 40 ci-dessus), le présent moyen, à le supposer fondé, serait de nature à entraîner la réduction du montant de son amende et, plus spécifiquement, du montant de départ de celle-ci. En effet, ainsi que la requérante le rappelle, le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente doit être pris en considération lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l’amende (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 90, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 86). Selon la jurisprudence, cette appréciation doit se faire au stade de la fixation du montant de départ spécifique de l’amende (arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, IMI e.a./Commission, T‑18/05, Rec. p. II‑1769, point 164).

44      À l’appui de sa demande, la requérante fait valoir, en substance, que, en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA au cours de la période pendant laquelle elle était propriétaire d’ICI Acrylics, la Commission s’est fondée exclusivement sur les déclarations non étayées d’une entreprise ayant formulé une demande d’immunité ou de réduction du montant de l’amende et sur le fait que des réunions avaient eu lieu. Selon la requérante, ces éléments ne satisfont pas au « standard de preuve » requis par la jurisprudence.

45      À son avis, seules les preuves relatives à une réunion qui s’est tenue le 26 octobre 1999, visée au considérant 124 de la décision attaquée, pourraient, le cas échéant, satisfaire audit « standard », puisque la Commission s’appuie sur deux entreprises ayant formulé une demande au titre de la communication sur la coopération ainsi que sur un document contemporain de ladite réunion. Elle avance, toutefois, que cette réunion ne peut pas être invoquée à son égard, sous peine de porter atteinte à ses droits de la défense. En effet, dans la communication des griefs, laquelle retenait le 30 septembre 1999 en tant que date de la fin de l’infraction imputée à la requérante (voir considérant 291 de la décision attaquée), cette réunion aurait été invoquée par la Commission à l’encontre d’un autre participant à l’infraction, à savoir Lucite. Par conséquent, la requérante n’aurait pas eu la possibilité de se défendre utilement au sujet des allégations et des preuves relatives à cette réunion.

46      Il y a lieu de souligner que l’argument susvisé relatif à une violation des droits de la défense de la requérante est soulevé exclusivement afin de contester l’opposabilité à son égard de la réunion du 26 octobre 1999 et des preuves qui y sont relatives, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction qu’elle a commise. En particulier, la requérante ne demande pas l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle retient, en ce qui la concerne, une durée de l’infraction plus longue que celle établie dans la communication des griefs, en raison d’une prétendue violation de ses droits de la défense.

47      Il convient donc de relever que le constat éventuel d’une violation des droits de la défense de la requérante ne saurait avoir aucune conséquence pour la solution du présent litige s’il s’avérait que, même en faisant abstraction de la réunion du 26 octobre 1999, les preuves réunies par la Commission étaient suffisantes pour établir l’implication de la requérante dans le volet de l’infraction relatif aux composants de moulage en PMMA.

48      Dans ces conditions, pour des raisons d’économie de la procédure, il est opportun de procéder à l’examen du présent moyen sans tenir compte de la réunion susmentionnée.

49      À cet égard, il y a lieu de relever que, selon la décision attaquée, l’infraction unique et continue en cause consistait « en une série d’agissements pouvant être qualifiés d’accords ou de pratiques concertées, qui s’étendaient aux trois produits concernés et étaient révélateurs de l’exercice continu d’une certaine ligne de conduite ayant pour objet de restreindre la concurrence » (considérant 222 de la décision attaquée). Compte tenu des caractéristiques communes des accords anticoncurrentiels concernant les trois produits concernés, énumérées au considérant 223 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, « bien que [ces trois produits] présentent des caractéristiques différentes et puissent être considérés comme appartenant à des marchés de produit différents, il exist[ait] des liens suffisants pour lui permettre de conclure que les producteurs [desdits produits] avaient adhéré à un projet commun qui déterminait les lignes de leur action sur le marché et limitait leur comportement commercial respectif ». Selon la Commission, « [l]’infraction a consisté en un ensemble de comportements ayant un projet commun et un objectif économique unique, à savoir éviter l’évolution normale des prix des trois produits en PMMA dans l’EEE » (considérant 224 de la décision attaquée).

50      Parmi les « caractéristiques communes » visées au considérant 223 de la décision attaquée, la Commission a notamment retenu :

–        « un noyau dur, constitué des mêmes entreprises [à savoir] Atofina, ICI (puis Lucite) et Degussa » ;

–        le fait que ces trois principaux producteurs européens étaient « des producteurs totalement intégrés » et « très attenti[fs] aux retombées des accords anticoncurrentiels conclus pour chacun de ces produits [de sorte] que la conclusion d’une entente sur un seul de ces produits a automatiquement influé sur la structure des coûts et/ou les prix des autres produits » ;

–        le fait que « des réunions et des contacts étaient parfois consacrés à au moins deux des trois produits en PMMA », ce lien ressortissant « de nombreuses réunions portant tout aussi bien sur les PMMA-composants de moulage que sur les PMMA-plaques massives » ;

–        le fait qu’« un certain nombre de représentants des entreprises impliquées dans les accords anticoncurrentiels étaient responsables de plusieurs produits visés par l’enquête et étaient donc au courant, ou ne pouvaient pas manquer de l’être, de l’existence [de tels accords] couvrant plusieurs produits ». Dans ce contexte, la Commission a notamment mentionné « M. [D.], vice-président de Global Monomers et d’EAME chez ICI Acrylics, qui a[vait] aussi assisté à des réunions consacrées [aux composants de moulage en PMMA et aux plaques massives en PMMA] », dont plusieurs réunions se sont tenues dans la période infractionnelle imputable à la requérante ;

–        le fait que les mêmes mécanismes de fonctionnement de l’entente s’appliquaient aux trois produits concernés.

51      S’agissant spécifiquement de la collusion relative aux composants de moulage en PMMA dans la période considérée, il est constant entre les parties que, excepté la réunion du 26 octobre 1999 (voir point 48 ci-dessus), les constatations de la Commission reposent sur quatorze réunions, qui se seraient tenues entre le 23 janvier 1997 et l’été 1999 (voir considérants 110 à 123 de la décision attaquée). Par ailleurs, il est constant que la présence de la requérante est alléguée seulement en ce qui concerne dix de ces réunions et ne l’est donc pas en ce qui concerne les quatre réunions visées aux considérants 112, 114, 117 et 121 de la décision attaquée.

52      Il y a donc lieu d’examiner si les éléments de preuve réunis par la Commission étaient suffisants pour établir la participation de la requérante à ce volet de l’infraction.

53      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission doit établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction de l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58). Elle doit faire état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, point 43, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 55).

54      Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères en ce qui concerne chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 180, et la jurisprudence citée).

55      Les indices invoqués par la Commission dans la décision afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 185, et la jurisprudence citée).

56      Il convient également de tenir compte du fait que les activités anticoncurrentielles se déroulent de manière clandestine et, partant, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 43 supra, points 55 à 57).

57      Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 155 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 43 supra, point 96, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 43 supra, point 81).

58      S’agissant des arguments de la requérante concernant la valeur des déclarations faites dans le cadre des demandes au titre de la communication sur la coopération, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aucune disposition, ni aucun principe général du droit de l’Union européenne n’interdit à la Commission de se prévaloir à l’encontre d’une entreprise des déclarations d’autres entreprises incriminées (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 512). Les déclarations effectuées dans le cadre de la communication sur la coopération ne sauraient donc être considérées comme dépourvues de valeur probante de ce seul fait (arrêt Lafarge/Commission, point 53 supra, points 57 et 58).

59      Une certaine méfiance à l’égard des dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite est compréhensible, dès lors que ces participants pourraient minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et maximiser celle des autres. Néanmoins, compte tenu de la logique inhérente à la procédure prévue par la communication sur la coopération, le fait de demander le bénéfice de son application en vue d’obtenir une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération de l’entreprise et, partant, mettre en danger la possibilité pour celle-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération (arrêts du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 70, et Lafarge/Commission, point 53 supra, point 58).

60      En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 54 supra, points 211 et 212 ; du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 166, et Lafarge/Commission, point 53 supra, point 59).

61      Pour autant, selon une jurisprudence constante, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 54 supra, point 219 ; du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 285, et Lafarge/Commission, point 53 supra, point 293).

62      Aux fins d’examiner la valeur probante des déclarations des entreprises ayant formé une demande au titre de la communication sur la coopération, le Tribunal prend en compte notamment l’importance des indices concordants appuyant la pertinence de ces déclarations (voir, en ce sens, arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 54 supra, point 220, et Peróxidos Orgánicos/Commission, point 59 supra, point 70) et l’absence d’indices que celles-ci auraient eu tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et à maximiser celle des autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt Lafarge/Commission, point 53 supra, points 62 et 295).

63      S’agissant de la portée du contrôle juridictionnel en l’espèce, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal doit exercer de manière générale un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE se trouvent ou non réunies (voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec. p. II‑3383, point 62, et la jurisprudence citée).

64      En outre, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction, conformément au principe de la présomption d’innocence, lequel, en tant que principe général du droit de l’Union, s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir au prononcé d’amendes ou d’astreintes (arrêt Hüls/Commission, point 57 supra, points 149 et 150).

65      C’est dans le cadre de ces observations générales qu’il convient d’examiner les éléments de preuve réunis par la Commission en l’espèce.

66      À cet égard, il y a lieu de relever que, s’agissant des dix réunions visées au point 51 ci-dessus, la requérante ne conteste ni leur tenue entre les concurrents, ni sa présence à celles-ci et qu’elle n’allègue pas s’être publiquement distanciée de leur contenu. Par conséquent, afin de constater la responsabilité de la requérante, il suffit de vérifier si la Commission a établi à suffisance de droit que ces réunions avaient un objet manifestement anticoncurrentiel en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA (voir la jurisprudence visée au point 57 ci-dessus).

67      Il y a lieu de constater que la description desdites réunions repose principalement sur les déclarations de Degussa, le bénéficiaire de l’immunité d’amende. Or, celle-ci leur attribue clairement un contenu manifestement anticoncurrentiel en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA (voir considérants 110, 111, 113, 115, 116, 118 à 120 et 123), ce que la requérante ne conteste pas.

68      La requérante soutient, en revanche, d’une part, que ces déclarations ne constituent pas, en soi, une preuve suffisante de l’infraction et, d’autre part, qu’elles ne sont pas corroborées par d’autres éléments de preuve.

69      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence visée aux points 58 à 60 ci-dessus, les déclarations effectuées dans le cadre de la politique de clémence jouent un rôle important. Ces déclarations effectuées au nom d’entreprises ont une valeur probante non négligeable, dès lors qu’elles induisent des risques juridiques et économiques considérables (voir, également, arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Aalberts Industries e.a./Commission, T‑385/06, Rec. p. II‑1223, point 47). Il ressort néanmoins également de la jurisprudence visée aux points 59 et 61 ci-dessus que les déclarations faites par des entreprises inculpées dans le cadre de demandes formées au titre de la communication sur la coopération doivent être appréciées avec prudence et, lorsqu’elles sont contestées, en général, elles ne sauraient être considérées comme suffisamment probantes sans corroboration.

70      Toutefois, contrairement à ce que la requérante soutient, les déclarations de Degussa s’agissant de l’existence des discussions anticoncurrentielles relatives aux composants de moulage en PMMA dans la période considérée sont suffisamment corroborées par d’autres éléments de preuve.

71      En premier lieu, il y a lieu d’insister sur le fait que Degussa n’a pas été l’unique source d’information de la Commission. En effet, la description de la réunion du 11 mai 1999 (considérant 122 de la décision attaquée) repose sur une déclaration de Lucite. Même si Degussa, n’ayant pas été présente à cette réunion, ne l’a pas mentionnée dans sa propre déclaration, la déclaration de Lucite corrobore néanmoins l’allégation de Degussa quant à l’existence d’une entente concernant les composants de moulage en PMMA pendant la période considérée et l’implication de la requérante dans celle-ci.

72      En second lieu, il convient de relever que, pour la majeure partie de ces réunions, la Commission a réuni des éléments de preuve (tels que des mentions d’agenda, des notes de frais), attestant de la tenue de la réunion ou de la présence des personnes concernées à celle-ci. Même si, comme la requérante le soutient à juste titre, le seul fait qu’une réunion se soit tenue entre les concurrents ne suffit pas à établir son caractère anticoncurrentiel, il y a lieu de considérer, néanmoins, qu’il s’agit d’éléments qui étayent, dans une certaine mesure, les déclarations de Degussa.

73      En troisième lieu, dans sa demande du 11 juillet 2003, formée au titre de la communication sur la coopération, Lucite a fait des déclarations qui confirment, de manière générale, l’existence d’une entente alléguée dans la décision d’inspection, y compris en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA, et la participation de la requérante à celle-ci.

74      S’il s’agit, certes, d’affirmations générales, elles vont néanmoins dans le sens des allégations de Degussa. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les actifs faisant l’objet de l’infraction, y compris les documents et le personnel, ont été transférés de la requérante à Lucite, de sorte que les déclarations de cette dernière au sujet de l’implication de la requérante dans l’infraction sont particulièrement pertinentes.

75      En quatrième lieu, dans sa demande formée au titre de la communication sur la coopération, Atofina a reconnu avoir pris part à une entente au moins à partir du 23 janvier 1997, y compris en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA. Du reste, les sociétés composant l’entreprise Atofina (Arkema, Altuglas et Altumax, d’une part, et Total et Elf Aquitaine, d’autre part) n’ont pas contesté l’existence d’une telle entente dans le cadre de leurs recours respectifs à l’encontre de la décision attaquée (affaires T‑206/06 et T‑217/06).

76      Certes, dans une communication d’Atofina du 10 juin 2003, la première réunion anticoncurrentielle au sujet des composants de moulage en PMMA, pour laquelle celle-ci mentionne la présence d’ICI Acrylics, est la réunion du 26 octobre 1999. Toutefois, il y a lieu de souligner que, dans cette communication, Atofina affirme clairement l’existence des contacts anticoncurrentiels au sujet des composants de moulage en PMMA dans la période allant de 1998 à 2001. Par conséquent, cette déclaration corrobore également les déclarations de Degussa en ce sens.

77      En cinquième lieu, il convient de souligner que, selon la décision attaquée, au moins sept des dix réunions analysées concernaient à la fois les composants de moulage en PMMA et les plaques massives en PMMA (voir considérants 110, 111, 115, 116 et 118 à 120 de la décision attaquée) et que la requérante ne conteste pas le caractère anticoncurrentiel de ces réunions en ce qui concerne ce deuxième produit. Il s’agit d’un élément qui renforce également la crédibilité des déclarations de Degussa en ce qui concerne la description de ces réunions anticoncurrentielles.

78      En sixième lieu, à certaines des réunions visées au point 77 ci-dessus, y compris la réunion du 23 janvier 1997, qui est retenue comme date de départ de l’infraction, participait M. D., qui avait un rang élevé au sein d’ICI Acrylics et qui était responsable à la fois pour les composants de moulage en PMMA et les plaques massives en PMMA. Étant donné que la requérante ne conteste pas le caractère anticoncurrentiel de ces réunions en ce qui concerne ce deuxième produit, ni l’appréciation de la Commission selon laquelle les entreprises concernées étaient « très attentives aux retombées des accords anticoncurrentiels conclus pour chacun de ces produits » (voir considérant 223 de la décision attaquée et point 50, deuxième tiret, ci-dessus), il s’agit d’un indice que les composants de moulage en PMMA ont également été couverts au cours de ces réunions.

79      Au vu de ces éléments, il y a lieu de constater que, pris ensemble, ils constituent un faisceau d’indices suffisamment concordants pour corroborer les déclarations de Degussa en ce qui concerne l’existence d’une entente portant sur les composants de moulage en PMMA pendant la période considérée et la participation de la requérante à celle-ci.

80      Les arguments soulevés par la requérante quant à la pertinence des déclarations de Degussa ne sont pas de nature à affecter cette conclusion.

81      En effet, contrairement à ce que la requérante avance, les déclarations de Degussa ne peuvent pas être écartées au seul motif qu’il s’agit de déclarations formulées dans une demande d’immunité, faites par des conseils de l’entreprise (voir notamment points 59 et 60 ci-dessus). En outre, même si, dans la décision attaquée, la Commission a effectivement dû abandonner certains griefs fondés sur les déclarations de Degussa (tels que notamment l’ensemble des griefs relatifs au MMA, la matière première pour la production des PMMA), il n’en reste pas moins que ses allégations se sont avérées globalement fondées, ainsi qu’il ressort de ce qui précède. La preuve en est, notamment, que trois autres entreprises, à savoir la requérante, Atofina et Lucite, ont déposé leurs demandes au titre de la communication sur la coopération en ce qui concerne l’entente alléguée par Degussa. Par ailleurs, à l’exception de la requérante dans le cadre du présent moyen, aucune de ces entreprises n’a contesté l’existence de l’infraction dans le cadre de son recours à l’encontre de la décision attaquée (affaires T‑206/06, T‑217/06 et T‑216/06). En particulier, la requérante elle-même a implicitement confirmé la pertinence de la demande d’immunité de Degussa, dès lors qu’elle a reconnu sa participation à l’entente en ce qui concerne les plaques massives en PMMA et les plaques sanitaires en PMMA.

82      Les déclarations de Degussa étant suffisamment corroborées, contrairement à ce que la requérante allègue, sa thèse, selon laquelle le volet de l’infraction relatif aux composants de moulage en PMMA ne pouvait pas être pris en compte pour l’appréciation de la gravité de son infraction aux fins de la détermination du montant de l’amende, ne peut pas être retenue.

83      Au demeurant, il y a lieu de relever également que c’est à tort que la requérante soutient, en substance, que la qualification de l’infraction en cause d’infraction unique et continue portant sur les trois produits en PMMA, dont les composants de moulage (voir point 49 ci-dessus), ne peut avoir de conséquence pour l’analyse du présent moyen.

84      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon la jurisprudence, une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 43 supra, point 81). Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 43 supra, point 258, et la jurisprudence citée), même s’il est établi que l’entreprise concernée n’a participé directement qu’à un ou à plusieurs éléments constitutifs de l’infraction (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 161, et la jurisprudence citée).

85      Selon la jurisprudence de la Cour, afin d’établir la participation d’une entreprise à un tel accord unique, la Commission doit prouver que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 43 supra, point 87, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 43 supra, point 83).

86      Dans ces circonstances, afin de tenir la requérante pour responsable de l’intégralité de l’infraction unique et de fixer le montant de l’amende en conséquence, il aurait suffi à la Commission d’établir que la requérante avait su ou aurait dû savoir que, en participant à une entente concernant les plaques massives en PMMA et les plaques sanitaires en PMMA, elle s’intégrait dans une entente globale portant sur trois produits en PMMA (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, Sigma Tecnologie/Commission, T‑28/99, Rec. p. II‑1845, point 45, et Bolloré e.a./Commission, point 60 supra, point 209).

87      Or, les éléments analysés ci-dessus sont largement suffisants à cette fin.

88      En particulier, il y a lieu de rappeler que l’existence des contacts anticoncurrentiels au sujet des composants de moulage en PMMA dans la période considérée ressort des déclarations de trois entreprises, à savoir Degussa, Lucite et Atofina.

89      Par ailleurs, la requérante ne conteste pas sa responsabilité pour l’infraction commise, au cours de la même période, en ce qui concerne les plaques massives en PMMA et les plaques sanitaires en PMMA. De même, elle ne conteste pas l’existence, en tant que telle, d’une infraction unique. En particulier, nonobstant quelques arguments fragmentaires dans la réplique, la requérante ne tente même pas de remettre en cause les motifs, rappelés aux points 49 et 50 ci-dessus, qui ont conduit la Commission à retenir l’existence d’une infraction unique.

90      Ainsi, la requérante ne remet pas en cause, notamment, les constatations de la Commission selon lesquelles son représentant présent à des réunions anticoncurrentielles (se limitant, selon elle, à d’autres produits) était responsable pour plusieurs produits visés par l’enquête et « était donc au courant, ou ne pouvait pas manquer de l’être » de l’existence de tels accords couvrant plusieurs produits. De même, elle ne conteste pas l’affirmation de la Commission selon laquelle elle était un producteur « totalement intégré » et « très attenti[f] aux retombées des accords anticoncurrentiels conclus pour chacun de ces produits » (voir point 50 ci-dessus, deuxième et quatrième tirets).

91      Or, même à supposer que les éléments réunis par la Commission n’aient pas été suffisants pour établir l’implication directe de la requérante dans le volet de l’entente relatif aux composants de moulage en PMMA, ils sont largement suffisants, à tout le moins, pour démontrer l’existence des contacts anticoncurrentiels au sujet de ce produit dans la période considérée et que l’infraction unique portait également sur ledit produit. Cela ressort notamment des déclarations concordantes de trois entreprises, à savoir Degussa, Lucite et Atofina.

92      Ces considérations suffisent à démontrer, à tout le moins, que la requérante avait su ou aurait dû savoir que, en participant à une entente concernant les plaques massives en PMMA et les plaques sanitaires en PMMA, elle s’intégrait dans une entente globale portant sur trois produits en PMMA.

93      Or, dans une telle hypothèse, sa responsabilité pour l’intégralité de l’infraction unique pouvait être prise en compte pour l’appréciation de la gravité de l’infraction aux fins de la détermination du montant de l’amende, de sorte que la demande visant à la réduction de celle-ci, sur cette base, doit être rejetée.

94      Enfin, il ressort de tout ce qui précède que la violation alléguée des droits de la défense de la requérante en ce qui concerne la réunion du 26 octobre 1999 n’entraînerait aucune conséquence pratique pour l’appréciation du présent moyen et le grief de la requérante sur ce point doit donc être rejeté comme étant inopérant.

95      Partant, le premier moyen doit être rejeté, en tant qu’il vise à étayer, d’une part, la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée et, d’autre part, la demande de réduction du montant de l’amende au titre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne le « montant de base » de l’amende

96      La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir expliqué les modalités de l’établissement du montant de départ de l’amende (32,5 millions d’euros), fixé au considérant 336 de la décision attaquée, et de l’empêcher, ainsi que le Tribunal, d’examiner la décision attaquée en ce qui concerne le « paramètre le plus important » de la détermination du montant de l’amende. En effet, la Commission se serait contentée de fournir les raisons pour lesquelles elle a qualifié l’infraction de très grave et de répartir les entreprises en trois catégories en fonction de leurs dimensions relatives. Toutefois, elle n’aurait pas expliqué comment elle a abouti aux montants attribués à chacune de ces catégories, ni pourquoi le montant fixé pour la requérante dépassait sensiblement le seuil de 20 millions fixé par les lignes directrices pour les infractions très graves. Ainsi, la Commission aurait manqué à l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l’article 253 CE.

97      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les exigences de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation sont remplies, en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende infligée en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C‑248/98 P, Rec. p. I‑9641, point 42 ; Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, point 73, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 463).

98      En l’espèce, la requérante admet elle-même que, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué, d’une part, les motifs pour lesquels elle a qualifié l’infraction de très grave et, d’autre part, les motifs pour lesquels elle a décidé de répartir les entreprises concernées en trois catégories et de différencier les montants de départ de l’amende attribués à chacune des catégories.

99      Par ailleurs, l’examen des considérants 319 à 336 de la décision attaquée permet de constater que la Commission a effectivement fourni une motivation suffisante à cet égard. En particulier, il ressort clairement de la décision attaquée que le montant de départ est fondé notamment sur la nature de l’infraction, établie compte tenu de ses caractéristiques principales exposées au point 4.2 de la décision attaquée (voir considérant 320 de la décision attaquée) sur la taille du marché géographique en cause, à savoir le territoire de l’EEE (voir considérant 330 de la décision attaquée), et sur l’application d’un traitement différencié aux entreprises concernées, afin de tenir compte de leur capacité économique réelle à porter un préjudice important à la concurrence, appréciée au regard des chiffres d’affaires dégagés par la vente de produits en PMMA, pour lesquels elles avaient participé à l’entente en cause (voir considérants 332 à 334 de la décision attaquée). Dans ce dernier contexte, la Commission a également mentionné la taille de l’ensemble du marché des produits en PMMA en 2000 et en 2002, exprimée en volume et en valeur (voir considérant 333 de la décision attaquée). Dans ces conditions, l’allégation de la requérante, selon laquelle la Commission n’aurait pas exposé en quoi la gravité de l’infraction imputée à la requérante justifiait l’imposition d’un tel montant de départ, manque en fait.

100    Pour autant que la requérante critique l’absence d’une justification spécifique pour le montant de 32,5 millions d’euros, attribué aux entreprises classées comme elle dans la deuxième catégorie, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les exigences de l’obligation de motivation n’imposent pas à la Commission d’indiquer, dans sa décision, les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes (arrêts Sarrió/Commission, point 97 supra, point 80, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 97 supra, point 464). Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue, au titre de l’article 253 CE, de justifier davantage le choix du montant de 32,5 millions d’euros en tant que montant de départ de l’amende fixé pour la requérante (voir également, en ce sens, arrêt Microsoft/Commission, point 41 supra, point 1361).

101    Quant à l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la jurisprudence visée au point 100 ci-dessus ne serait pas applicable en l’espèce, compte tenu du niveau du montant de départ de l’amende, il suffit de relever que ladite jurisprudence a également été appliquée dans une affaire dans laquelle la Commission avait fixé un montant de départ de loin supérieur à celui de l’espèce (arrêt Microsoft/Commission, point 41 supra, point 1361). De même, l’allégation de la requérante selon laquelle le montant de départ de son amende dépasserait « sensiblement » le seuil de 20 millions d’euros fixé pour les infractions très graves n’est pas de nature à modifier l’appréciation au point 100 ci-dessus. Au demeurant, il y a lieu de rappeler que ledit seuil constitue seulement un montant minimal prévu par les lignes directrices pour de telles infractions, celles-ci stipulant que les « montants envisageables » sont « au-delà de 20 millions d’[euros] ».

102    Partant, le deuxième moyen doit être rejeté en tant qu’il vise à étayer la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée. Par ailleurs, les éléments avancés dans le cadre dudit moyen ne permettent pas, non plus, de justifier la réduction du montant de l’amende au titre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal.

 Sur le troisième moyen, tiré du manquement de la Commission à son obligation de répartir le « montant de base » entre la requérante et Lucite

103    La requérante souligne qu’elle-même et Lucite ont été consécutivement participantes à l’infraction présumée en tant que propriétaires successifs d’un seul et unique ensemble d’actifs faisant l’objet de l’infraction et qu’elles ont donc contribué à une « seule gravité » de l’infraction. Par conséquent, selon la requérante, le montant de l’amende correspondant à cette « seule gravité » aurait dû être réparti entre elles pour éviter de prendre en compte deux fois l’« incidence véritable du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence », paramètre pertinent pour la détermination de la gravité de l’infraction selon les lignes directrices. Or, le montant de l’amende aurait été calculé comme si la requérante et Lucite avaient chacune exercé une incidence distincte et simultanée sur la concurrence. Cette méthode de calcul aurait entraîné une amende — pour une infraction unique — d’un montant considérablement supérieur, seulement parce qu’une entreprise avait changé de propriétaire, et non en raison d’un quelconque préjudice supplémentaire à la concurrence ou d’une quelconque erreur commise par la requérante. Ainsi, la Commission aurait violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

104    À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, de rejeter l’argumentation de la Commission selon laquelle le présent moyen est irrecevable. En effet, ce moyen est invoqué à l’appui des conclusions visées au point 36 ci-dessus et, à le supposer fondé, il aboutirait à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante. Ainsi, contrairement à ce que la Commission soutient, la requérante conteste le montant de sa propre amende, et non celui de l’amende infligée à un tiers.

105    Ensuite, il y a lieu de relever que, si l’intitulé du présent moyen fait référence au « montant de base » de l’amende, il ressort clairement des écritures de la requérante qu’il concerne seulement l’« élément gravité de l’amende », à savoir, plus précisément, le montant de départ de l’amende de 32,5 millions d’euros, établi au considérant 336 de la décision attaquée. Pour le surplus, la requérante ne conteste pas, dans le cadre du présent moyen, les appréciations de la Commission visées aux points 24 et 26 ci-dessus.

106    Il convient donc d’examiner si, comme la requérante le soutient, la Commission était tenue de répartir un tel montant de départ de l’amende entre la requérante et Lucite.

107    Il y a lieu de rappeler que, selon la décision attaquée, la requérante et Lucite ont participé à l’infraction avec les mêmes actifs que ceux d’ICI Acrylics, l’entité qui a été transférée de la première entreprise à la seconde le 2 novembre 1999, soit approximativement au milieu de la période infractionnelle. Cette date a, d’ailleurs, constitué une date de « départage » des responsabilités de la requérante et de Lucite pour l’infraction (voir point 21 ci-dessus). En outre, dans le cadre de l’application du traitement différencié à ces deux entreprises, la Commission a tenu compte du même chiffre d’affaires dégagé par Lucite en 2000. Sur cette base, elle a fixé les montants de départ de leurs amendes à 32,5 millions d’euros chacun (voir considérants 334 et 336 de la décision attaquée).

108    Dans ces conditions, il peut être raisonnablement supposé que si ICI Acrylics n’avait pas changé de propriétaire, l’application de la même méthodologie de calcul du montant de l’amende aurait conduit la Commission à fixer un seul montant de départ de l’amende de 32,5 millions d’euros qu’elle aurait attribué à un tel propriétaire unique. Par conséquent, l’allégation de la requérante, selon laquelle la cession d’ICI Acrylics a, en tant que telle, influé sur le montant global des amendes imposées dans la décision attaquée, apparaît fondée.

109    Pour autant, la thèse de la requérante, selon laquelle la Commission aurait dû agir différemment et répartir le montant de départ entre les deux entreprises concernées, doit être rejetée.

110    En premier lieu, cette thèse repose, en substance, sur la prémisse que l’appréciation de la gravité de l’infraction devrait être strictement corrélée à l’« incidence sur la concurrence » ou au « préjudice » à celle-ci et que, par conséquent, la requérante et Lucite, en tant que propriétaires successifs d’ICI Acrylics, ont contribué à une « seule gravité » de l’infraction. Sur ce point, la requérante s’appuie sur le libellé des lignes directrices, selon lesquelles l’appréciation de la gravité de l’infraction devrait tenir compte de l’« impact réel […] du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence ».

111    Cette prémisse est toutefois erronée.

112    En effet, selon une jurisprudence constante, l’effet d’une pratique anticoncurrentielle n’est pas, en soi, le critère déterminant dans l’appréciation du montant adéquat de l’amende (arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 118, et du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 96). La gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes (voir arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 241 et 242, et la jurisprudence citée) et, par exemple, des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs aux effets d’une infraction, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves (voir arrêts Thyssen Stahl/Commission, précité, point 118, et Prym et Prym Consumer/Commission, précité, point 96, et la jurisprudence citée).

113    En outre, la requérante fait une lecture incomplète des lignes directrices. En effet, selon le point 1 A de celles-ci, « [l]’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné ». En application de ces critères, « [l]es infractions seront […] classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves ». S’agissant des infractions très graves, les lignes directrices précisent notamment qu’il « s’agira pour l’essentiel de restrictions horizontales du type ‘cartel de prix’ » et que les montants de départ envisageables sont « au-delà de 20 millions d’[euros] ». En outre, les lignes directrices prévoient que, « [à] l’intérieur de chacune de ces catégories […] l’échelle des sanctions retenues permettra de différencier le traitement qu’il convient d’appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises ».

114    Les lignes directrices mettent donc clairement l’accent sur la nature de l’infraction en tant qu’élément déterminant pour l’appréciation de la gravité de celle-ci, dans le contexte de l’établissement du montant de départ de l’amende (voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 91). Quant à l’incidence concrète de l’infraction, les lignes directrices prévoient le critère de l’« impact concret sur le marché », lequel concerne l’infraction dans son ensemble et non les effets du comportement propre à chaque entreprise (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 novembre 2009, Carbone-Lorraine/Commission, C‑554/08 P, non publié au Recueil, points 21 et 24), tout en précisant qu’il sera pris en compte seulement lorsqu’il est mesurable.

115    Par ailleurs, dans la décision attaquée, la Commission a estimé qu’il « n’[était] pas possible de mesurer l’impact concret sur le marché de l’EEE » de l’infraction litigieuse et a donc affirmé qu’elle ne se fondait « pas spécifiquement sur un impact particulier [de l’infraction sur le marché] » (considérant 321 de la décision attaquée), dans le cadre de la détermination du montant de l’amende. C’est donc sur la base de son appréciation de la nature de l’infraction, au regard de ses caractéristiques principales exposées au point 4.2 de la décision attaquée (voir considérant 320 de la décision attaquée) et de la taille du marché géographique en cause (voir considérant 330 de la décision attaquée), qu’elle a conclu qu’il s’agissait en l’espèce d’une infraction très grave.

116    Cette approche, qui, par ailleurs, n’est pas contestée par la requérante, est conforme à la jurisprudence constante, selon laquelle les ententes horizontales de prix ou de répartition de marchés peuvent être qualifiées d’infractions très graves sur le seul fondement de leur nature propre, sans que la Commission soit tenue, notamment, de démontrer un impact concret de l’infraction sur le marché (arrêts de la Cour Prym et Prym Consumer/Commission, point 112 supra, point 75, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 103).

117    Quant au critère de l’« impact réel du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence », invoqué par la requérante, celui-ci est mentionné à l’avant-dernier alinéa du point 1 A des lignes directrices qui prévoit que, « [d]ans le cas d’infractions impliquant plusieurs entreprises (type ‘cartel’), il pourra convenir de pondérer, dans certains cas, les montants déterminés à l’intérieur de chacune des trois catégories […] afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature ». Partant, il s’agit seulement d’un critère facultatif qui permet de moduler le montant de départ de l’amende, dans le cas d’infractions impliquant plusieurs entreprises et non d’un critère déterminant dans l’établissement dudit montant. Par ailleurs, ce critère concerne non pas la quantification des effets anticoncurrentiels du comportement propre à chacune des entreprises participant à une infraction donnée, mais la prise en compte, aux fins de la détermination du montant de départ de l’amende, des différences objectives qui peuvent exister entre elles, telles que, notamment, une disparité considérable de leur dimension.

118    Il s’ensuit que, même à supposer que le changement de propriétaire d’ICI Acrylics n’ait entraîné aucun préjudice supplémentaire à la concurrence, comme la requérante l’allègue, cette circonstance ne permettrait pas de conclure que la requérante et Lucite ont contribué à une « seule gravité » de l’infraction et que le montant de départ de l’amende aurait donc dû être reparti entre elles.

119    En second lieu, la thèse de la requérante quant à la nécessité de la répartition du montant de départ de l’amende entre elle-même et Lucite ne tient pas compte du fait que les considérations qui sont à la base de la détermination dudit montant (voir considérants 319 à 336 de la décision attaquée) lui sont pleinement applicables.

120    À cet égard, il y a lieu de souligner que, selon la décision attaquée, tant la requérante que Lucite ont commis l’infraction visée à l’article 1er de ladite décision. En effet, la requérante ne conteste pas sa responsabilité pour une telle infraction (voir point 40 ci-dessus). De même, elle ne conteste pas l’appréciation de la Commission selon laquelle elle devait être considérée, en tant que telle, « comme une entreprise aux fins de l’application de l’article 81 [CE] » (considérant 288 de la décision attaquée).

121    En outre, la requérante ne conteste ni l’appréciation de la gravité de l’infraction, effectuée par la Commission aux considérants 319 à 331 de la décision attaquée, ni son appréciation selon laquelle, dans le contexte de l’application du traitement différencié, le chiffre d’affaires réalisé par Lucite en vendant les produits en PMMA en 2000 constituait une indication adéquate pour ce qui est de la taille et de la puissance économique relatives d’ICI Acrylics sur le marché en cause (considérant 334 de la décision attaquée).

122    Dans ces conditions, l’argumentation de la requérante revient, en réalité, à exiger un traitement préférentiel en ce qui concerne le montant de départ de l’amende, par rapport aux autres destinataires de la décision attaquée, pour le simple motif qu’elle a cédé les actifs faisant l’objet de l’infraction.

123    Or, l’infraction qu’elle a commise n’est pas devenue moins grave de ce seul fait. La requérante s’est ainsi vu infliger exactement le même montant de base de l’amende que si, au lieu de céder ICI Acrylics à Lucite avec effet au 2 novembre 1999, elle s’était simplement retirée de l’infraction à la même date.

124    Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’elle soutient, nonobstant le fait qu’elle a participé à l’entente avec les mêmes actifs que Lucite ultérieurement, la requérante a commis une infraction dont la gravité justifiait l’imposition du montant de départ retenu à son égard par la Commission. Par conséquent, sa thèse selon laquelle ce montant de départ aurait dû être reparti entre elle-même et Lucite ne peut pas être retenue.

125    Les autres arguments de la requérante ne sont pas de nature à modifier cette conclusion.

126    Premièrement, la requérante fait valoir que la « répartition du paramètre ‘durée’ » de l’amende entre elle-même et Lucite n’est pas suffisante. En effet, selon la méthodologie des lignes directrices , ce serait le « paramètre ‘gravité’ » de l’amende qui aurait l’impact prépondérant sur le montant de base de l’amende, le montant de départ étant majoré de 10 % seulement pour chaque année de l’infraction. Ainsi, en l’absence d’une « relation linéaire » entre la durée de l’infraction et le montant de base de l’amende, même si le « paramètre ‘durée’ » a été « réparti » entre la requérante et Lucite, leurs montants de base combinés excéderaient celui qui aurait été calculé si ICI Acrylics avait gardé le même propriétaire.

127    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le montant de base de l’amende de la requérante a été déterminé en fonction de la durée de sa propre participation à l’infraction (voir point 26 ci-dessus). Ainsi, comme la Commission le souligne à juste titre, le « paramètre ‘durée’ » de l’amende a bien été « réparti » entre la requérante et Lucite.

128    Certes, ainsi que la requérante le soutient, les montants de base combinés de la requérante et de Lucite excèdent celui qui aurait été calculé si ICI Acrylics avait gardé le même propriétaire (voir point 108 ci-dessus). Force est toutefois de constater qu’il s’agit d’une simple conséquence de l’application de la méthodologie prévue par les lignes directrices, lesquelles reflètent la politique que la Commission comptait suivre dans le cadre de la fixation des amendes. Or, compte tenu de la marge d’appréciation dont la Commission dispose à cet égard (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 105 à 109), il lui était loisible d’établir une telle relation entre les critères de la gravité et de la durée de l’infraction.

129    Ainsi, le fait que le critère de la gravité de l’infraction a eu, en l’espèce, plus de poids dans la détermination du montant de base de l’amende que celui de la durée de l’infraction ne permet pas de valider la thèse de la requérante quant à la nécessité d’une « répartition de l’‘élément gravité’ » de l’amende entre elle-même et Lucite.

130    Au demeurant, une « relation linéaire » entre la durée de l’infraction et le montant de base de l’amende, à savoir la multiplication du montant de départ de l’amende par le nombre d’années de la participation d’une entreprise à l’infraction, aurait été établie en l’espèce au détriment de la requérante en conduisant à un montant de base plus élevé que celui qui lui a été infligé.

131    Deuxièmement, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante tirée de l’affirmation de la Commission, dans la communication des griefs, selon laquelle, « si l’entreprise qui a acquis les actifs continue à enfreindre l’article 81 [CE] et/ou l’article 53 de l’accord EEE, la responsabilité de l’infraction doit être partagée entre le vendeur et l’acquéreur des actifs faisant l’objet de l’infraction » (point 347 de la communication des griefs).

132    Contrairement à ce que la requérante laisse entendre, cette affirmation ne contient aucune précision quant à la question du départage éventuel de l’« élément gravité » de l’amende entre elle et Lucite. Ainsi qu’il résulte clairement des termes employés par la Commission et de son emplacement au point 5.6 de la communication des griefs, ladite affirmation concerne simplement le partage des responsabilités pour l’infraction entre le vendeur et l’acquéreur des actifs faisant l’objet de l’infraction dans le contexte de la détermination des destinataires de la communication des griefs. La même conclusion s’impose au regard du renvoi, dans une note en bas de page, au considérant 43 de la décision 89/190/CEE de la Commission, du 21 décembre 1988, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/31.865, PVC) (JO 1989 L 74, p. 1). Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a procédé à un tel départage des responsabilités pour l’infraction entre la requérante et Lucite (voir point 21 ci-dessus).

133    Troisièmement, la requérante fait valoir que, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la Commission a appliqué une méthode consistant à scinder le montant de l’amende conformément aux périodes de propriété d’une entité infractionnelle.

134    À cet égard, il suffit de rappeler que la pratique décisionnelle de la Commission ne sert pas de cadre juridique pour la fixation du montant des amendes en matière de concurrence, la Commission disposant dans ce domaine d’un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice duquel elle n’est pas liée par les appréciations qu’elle a portées antérieurement (voir arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 112 supra, point 98, et la jurisprudence citée).

135    En tout état de cause, la requérante ne remet pas en cause l’argument de la Commission selon lequel, à la différence de la présente affaire, dans les décisions qu’elle invoque, il s’agissait de la cession d’une filiale, dotée de la personnalité juridique. Or, il s’agit d’une différence factuelle fondamentale dans le contexte de la détermination du montant des amendes, dès lors que, en l’absence de personnalité juridique d’ICI Acrylics, aucune amende ne pouvait lui être infligée. Partant, la pratique décisionnelle de la Commission concernant le transfert d’une filiale au cours de la période infractionnelle ne saurait, en tout état de cause, être utilement invoquée par la requérante en l’espèce.

136    Enfin, il y a lieu de noter que, dans le cadre du présent moyen, la requérante mentionne également la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. Toutefois, elle n’avance pas d’arguments spécifiques à cet égard, autres que ceux analysés ci-dessus en ce qui concerne l’existence de la prétendue obligation pour la Commission de « répartir l’‘élément gravité’ », en raison de l’absence d’un préjudice supplémentaire à la concurrence résultant de la cession. Par conséquent, ces arguments doivent également être rejetés.

137    Partant, le troisième moyen doit être rejeté en tant qu’il vise à étayer la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée. Par ailleurs, les éléments avancés dans le cadre dudit moyen ne permettent pas, non plus, de justifier la réduction du montant de l’amende au titre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal.

 Sur le quatrième moyen, tiré du caractère inapproprié de la majoration du montant de départ de l’amende au titre de l’effet dissuasif

138    Le présent moyen est divisé en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir que, dans la détermination de la majoration du montant de départ de l’amende au titre de l’effet dissuasif, la Commission a méconnu sa capacité financière effective. Dans le cadre de la seconde branche, la requérante soutient, à titre subsidiaire, que la Commission a violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

 Sur la première branche du moyen, tirée de la méconnaissance par la Commission de la capacité financière effective de la requérante

139    La requérante prétend que la majoration de 50 % du montant de départ de l’amende au titre de l’effet suffisamment dissuasif méconnaît sa capacité financière réelle effective. Ainsi qu’elle l’aurait démontré lors de l’enquête, celle-ci ne serait pas reflétée adéquatement par son chiffre d’affaires, sur lequel la Commission s’est fondée pour fixer la majoration. À son avis, le critère du chiffre d’affaires est pertinent, en tant qu’« indication » ou « approximation » de la puissance économique d’une entreprise, mais pas suffisant lorsque l’entreprise concernée présente d’autres éléments de preuve relatifs à sa puissance économique. Par conséquent, la majoration en question devrait être supprimée.

140    À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, au considérant 337 de la décision attaquée, la Commission a énoncé que, dans la catégorie des infractions très graves, l’échelle des amendes susceptibles d’être infligées permettait également de fixer le montant des amendes à un niveau garantissant qu’elles auraient un effet dissuasif suffisant « compte tenu de la taille et de la puissance économique de chaque entreprise ». Pour apprécier la taille et la puissance économique de la requérante, la Commission a tenu compte de son chiffre d’affaires mondial en 2005, dernier exercice précédant celui durant lequel a été adoptée la décision attaquée (8,49 milliards d’euros) et a décidé d’appliquer un facteur multiplicateur de 1,5 à son amende (voir considérants 349 et 350 de la décision attaquée).

141    Dans ce contexte, en réponse aux arguments de la requérante au sujet de l’utilisation du chiffre d’affaires pour apprécier sa capacité économique, la Commission a énoncé que le critère du chiffre d’affaires donnait une indication raisonnable et utile de la capacité et de la puissance économique d’une entreprise et qu’elle avait appliqué ce critère en l’espèce à toutes les entreprises concernées de manière égale (considérant 347 de la décision attaquée).

142    Ensuite, s’agissant de la notion de dissuasion, il y a lieu de rappeler qu’elle constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le calcul du montant de l’amende. Il est en effet de jurisprudence constante que les amendes infligées en raison de violations de l’article 81 CE et prévues à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ont pour objet de punir les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union. Ainsi, la Commission, lorsqu’elle calcule le montant de l’amende, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l’entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, Rec. p. I‑5859, point 16, et la jurisprudence citée).

143    La prise en considération de la taille et des ressources globales de l’entreprise en cause afin d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende réside dans l’impact recherché sur ladite entreprise, la sanction ne devant pas être négligeable au regard, notamment, de la capacité financière de celle-ci (arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 104). Ainsi, il a été jugé notamment que l’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d’une amende ne peut être valablement atteint qu’en considération de la situation de l’entreprise au jour où l’amende est infligée (arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 278).

144    En l’espèce, la requérante ne conteste pas la possibilité même pour la Commission de tenir compte de la taille et de la puissance économique de l’entreprise afin de moduler le montant de l’amende. Toutefois, elle conteste la pertinence du critère du chiffre d’affaires dans l’appréciation de sa propre taille et de sa puissance économique.

145    À cet égard, il y a lieu de relever que la Cour considère de façon constante que le chiffre d’affaires global de l’entreprise constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 112 supra, point 243, et la jurisprudence citée). Partant, il a déjà été jugé qu’il était loisible à la Commission, en vue de la détermination du montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif, de tenir compte du chiffre d’affaires total de l’entreprise en cause (arrêts de la Cour Showa Denko/Commission, point 142 supra, points 15 à 18, et du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission et Conseil, C‑266/06 P, non publié au Recueil, point 120 ; arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 96).

146    Ainsi, alors même que la jurisprudence reconnaît explicitement que le chiffre d’affaires global de l’entreprise constitue une « indication » de la taille de celle-ci et de sa puissance économique qui peut être « imparfaite » et « approximative », elle valide, en même temps, l’utilisation de ce critère dans le contexte de la détermination de la majoration de l’amende au titre de l’effet dissuasif. Cette solution a le mérite incontestable de permettre à la Commission de recourir, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, à un critère objectif et de l’appliquer indistinctement à toutes les entreprises concernées.

147    Il s’ensuit que l’allégation selon laquelle le chiffre d’affaire d’une entreprise ne refléterait qu’imparfaitement ou approximativement la puissance économique de celle-ci ne suffit pas, en tant que telle, pour écarter la pertinence de ce critère dans le contexte de la détermination de la majoration du montant de l’amende au titre de l’effet dissuasif.

148    Certes, ainsi que la requérante le soutient, en substance, il ne faut pas perdre de vue l’objectif poursuivi par l’imposition de ladite majoration, à savoir la modulation de l’amende de telle sorte qu’elle ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l’entreprise en question (voir point 143 ci-dessus et arrêts du Tribunal Degussa/Commission, point 143 supra, point 283, et du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑881, point 379).

149    Toutefois, les éléments avancés par la requérante ne permettent pas d’établir que son chiffre d’affaires pris en compte par la Commission donnait une vision à ce point trompeuse de sa capacité financière que ledit objectif ait été méconnu en l’espèce.

150    Tout d’abord, il y a lieu de relever que la requérante ne fournit aucun élément concret à l’appui des arguments et des chiffres qu’elle avance, la requête ne renvoyant sur ce point à aucun document.

151    Ensuite, force est de constater que la requérante se borne à invoquer, dans la requête, l’existence d’un passif au titre des retraites, qui serait plus important que sa dimension le donnerait à penser, ainsi que d’un endettement imputable au financement d’une acquisition intervenue en 1997, sans pour autant expliquer de façon circonstanciée en quoi concrètement l’existence de ces passifs affecterait la pertinence de son chiffre d’affaires en 2005, pris en compte par la Commission.

152    Or, il y a lieu de noter, ainsi que la Commission le fait remarquer à juste titre, qu’il s’agit d’éléments qui concernent plusieurs années, et qui ne constituent donc pas nécessairement un indicateur fiable de la puissance économique de l’entreprise au moment de l’adoption de la décision attaquée, et qui, au demeurant ont, en principe, un impact inévitable sur le chiffre d’affaires de l’entreprise. Par ailleurs, la requérante affirme elle-même dans la requête que l’endettement en cause « avait un impact sur ses activités ». De même, la requérante n’a pas remis en cause l’argument de la Commission selon lequel les passifs en question se répercutaient nécessairement sur son chiffre d’affaires.

153    De surcroît, il y a lieu de souligner que la requérante n’explique pas dans quelle mesure le critère du chiffre d’affaires ne refléterait pas adéquatement sa capacité financière, en raison des éléments qu’elle avance. Elle se borne à demander la suppression pure et simple de la majoration appliquée par la Commission. Il y a lieu toutefois de constater que cela placerait la requérante dans la même situation que Barlo et Lucite, qui ne se sont vu appliquer aucune majoration au titre de l’effet dissuasif. Or, les chiffres d’affaires de ces deux entreprises représentaient, en 2005, respectivement environ 4 et 13 % du chiffre d’affaires de la requérante (voir considérants 36 et 46 de la décision attaquée). En l’absence d’éléments de preuve convaincants, la thèse selon laquelle le chiffre d’affaires de la requérante serait à ce point trompeur quant à sa capacité financière ne peut pas être acceptée.

154    Il s’ensuit que la requérante n’a pas invalidé l’appréciation de la Commission selon laquelle son chiffre d’affaires donnait une « indication raisonnable et utile de sa capacité et puissance économique » (considérant 347 de la décision attaquée). Par conséquent, contrairement à ce que la requérante avance, la Commission a pu se fonder sur ledit chiffre d’affaires pour déterminer la majoration appropriée (voir notamment points 146 et 147 ci-dessus).

155    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante allègue que la Commission a omis d’examiner les éléments de preuve fournis lors de la procédure administrative quant à sa capacité financière, cet argument doit également être rejeté. D’une part, il s’agit d’une simple affirmation de la part de la requérante, qui n’est étayée par aucun élément concret, tel que l’indication des preuves qui auraient été ignorées par la Commission. D’autre part, et en tout état de cause, il ressort de la décision attaquée que la Commission a examiné les arguments de la requérante selon lesquels son chiffre d’affaires surévaluait sa capacité financière, tout en concluant que le chiffre d’affaires constituait une indication raisonnable et utile de sa capacité et de sa puissance économique (considérants 343 et 347 de la décision attaquée). Si la Commission n’a pas répondu en détail à chacun des arguments de la requérante, cette circonstance ne permet pas d’affirmer, en tant que telle, que ces arguments n’ont pas été examinés.

156    Enfin, la requérante soutient également que la nécessité de la majoration méritait d’autant plus d’être étayée en l’espèce que, ainsi qu’elle l’aurait démontré, aucun des véritables auteurs de l’infraction n’était employé par elle et n’occupait un poste de responsabilité en son sein, qu’aucun des membres de sa direction n’avait facilité l’exécution de l’infraction et que le montant de l’amende était déjà très élevé.

157    À cet égard, il suffit de rappeler que, aux considérants 337 à 350 de la décision attaquée, la Commission a procédé, dans le contexte de l’évaluation de la gravité de l’infraction, à une majoration du montant de départ de l’amende afin de lui garantir « un effet dissuasif suffisant, compte tenu de la taille et de la puissance économique de chaque entreprise » (considérant 337 de la décision attaquée). Cette étape du calcul du montant de l’amende découle de la nécessité d’adapter le montant de départ de manière que l’amende ait un caractère suffisamment dissuasif en considération des ressources globales de l’entreprise et de sa capacité à mobiliser les fonds nécessaires pour le paiement de l’amende. Par conséquent, les allégations de la requérante selon lesquelles aucun des véritables auteurs de l’infraction n’était employé par elle et n’occupait un poste de responsabilité en son sein et qu’aucun des membres de sa direction n’avait facilité l’exécution de l’infraction sont dépourvues de pertinence dans ce contexte et donc inopérantes.

158    Il y a donc lieu de conclure que les arguments avancés dans le cadre de la première branche du moyen ne sont pas de nature à remettre en cause la majoration appliquée à la requérante aux considérants 349 et 350 de la décision attaquée.

159    Partant, la première branche du moyen doit être rejetée en tant qu’elle vise à étayer la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée.

 Sur la seconde branche du moyen, tirée de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement

160    La requérante soutient que, même à supposer que la Commission ait été en droit d’infliger une majoration dissuasive fondée exclusivement sur le chiffre d’affaires, elle devait traiter les destinataires de la décision attaquée équitablement et de manière proportionnée. Or, la majoration imposée à la requérante serait proportionnellement plus élevée que celle d’Atofina et, partant, violerait les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

161    À cet égard, il y a lieu d’observer que, ainsi que la requérante le relève, le chiffre d’affaires pris en compte par la Commission dans le cas de la requérante (8,49 milliards d’euros) est effectivement seize fois moins important que celui d’Atofina (143 milliards d’euros), alors que la majoration appliquée à l’amende de la requérante (50 %) n’est que quatre fois moins importante que celle d’Atofina (200 %).

162    Toutefois, cette observation ne suffit pas pour remettre en question le niveau de la majoration imposée à la requérante, au regard des principes qu’elle invoque.

163    En premier lieu, cette différence par rapport au traitement réservé à une autre entreprise ne signifie pas, en tant que telle, que la majoration de la requérante n’est pas proportionnelle à l’objectif poursuivi, à savoir, selon le considérant 337 de la décision attaquée, fixer le montant de son amende à un niveau garantissant qu’elle aura un effet dissuasif suffisant compte tenu de sa taille et de sa puissance économique. Or, dans le cadre de la présente branche du moyen, la requérante ne soulève pas d’arguments à cet égard.

164    En tout état de cause, l’argument de la requérante, dans la mesure où il se focalise sur la situation d’Atofina, et à le supposer fondé, aboutirait à ce que la majoration de la requérante serait de l’ordre de 12,5 % seulement (majoration seize fois moins importante que celle de 200 % imposée à Atofina). Or, compte tenu de sa taille et de sa puissance économique, telle que reflétée par son chiffre d’affaires en 2005, une telle majoration serait insuffisante pour atteindre le but poursuivi.

165    En deuxième lieu, à supposer même que cette différence puisse être considérée comme une violation du principe d’égalité de traitement, il ne s’ensuivrait pas nécessairement que la requérante soit en droit d’obtenir une réduction de la majoration imposée.

166    Sur ce point, c’est à juste titre que la Commission relève que la requérante tente d’appliquer « à l’envers » la solution dégagée dans l’arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission (T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, points 244 à 249). Dans l’affaire qui a donné lieu à cet arrêt, le chiffre d’affaires de l’entreprise Showa Denko KK (ci‑après « SDK ») avait été deux fois supérieur à celui de l’entreprise VAW Aluminium AG (ci-après « VAW »). Or, la Commission avait imposé à SDK une majoration six fois plus importante (150 %) que celle imposée à VAW (25 %). C’est dans une telle situation que le Tribunal a décidé de remplacer la majoration imposée à SDK par une majoration de 50 %, donc deux fois plus importante que celle imposée à VAW.

167    Toutefois, cela ne signifie pas qu’une entreprise comme la requérante puisse invoquer à son profit une prétendue violation du principe d’égalité de traitement résultant du fait que la majoration imposée à une entreprise plus grande qu’elle n’est pas suffisamment élevée pour qu’il soit tenu compte de la différence de taille entre ces deux entreprises.

168    En troisième lieu, et en tout état de cause, le bien-fondé du niveau de la majoration imposée à la requérante, au regard des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, devrait être examiné, le cas échéant, non seulement par rapport à la majoration appliquée à Atofina, mais également par rapport à celles appliquées aux autres entreprises concernées.

169    En particulier, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, la solution retenue par le Tribunal dans le cadre de l’examen de la présente branche du moyen ne saurait avoir pour effet d’entraîner une inégalité de traitement entre les entreprises qui ont participé à l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Sarrió/Commission, point 97 supra, point 97, et du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 152).

170    Or, dans la requête, la requérante n’avance pas d’arguments en ce sens.

171    Au demeurant, il y a lieu de rappeler que, dans l’ordre croissant, les majorations appliquées dans la décision attaquée ont été les suivantes :

–        Barlo, avec un chiffre d’affaires de 310,85 millions d’euros (considérant 46 de la décision attaquée), ne s’est vu appliquer aucune majoration ;

–        Lucite, avec un chiffre d’affaires d’environ 1,14 milliard d’euros (considérant 36 de la décision attaquée), ne s’est vu appliquer aucune majoration ;

–        trois sociétés du groupe Total (Arkema, Altuglas et Altumax), avec un chiffre d’affaires de 5,71 milliards d’euros (considérant 14 de la décision attaquée), se sont vu appliquer une majoration « hypothétique » de 25 % (facteur multiplicateur 1,25), aux fins du calcul de la majoration pour la récidive, propre à ces trois sociétés (voir note en bas de page no 233 de la décision attaquée). Par ailleurs, statuant sur le recours introduit par ces sociétés à l’encontre de la décision attaquée, le Tribunal a réduit le montant de l’amende qui leur a été imposée, en recalculant son montant global sur la base de l’application de la majoration de 25 % au titre de l’effet dissuasif (arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Arkema France e.a./Commission, T‑217/06, Rec. p. II‑2593, points 339 et 340) ;

–        la requérante, avec un chiffre d’affaires en 2005 de 8,49 milliards d’euros, s’est vu appliquer une majoration de 50 % (facteur multiplicateur 1,5) ;

–        Degussa, avec un chiffre d’affaires de 11,75 milliards d’euros, s’est vu appliquer une majoration de 75 % (facteur multiplicateur 1,75) ;

–        Atofina (cinq sociétés du groupe Total) s’est vu appliquer une majoration de 200 % (facteur multiplicateur 3) sur la base du chiffre d’affaires de Total SA en 2005 de 143,168 milliards d’euros (considérants 349 et 350 de la décision attaquée).

172    Ainsi, il ressort clairement de la décision attaquée que le cas d’Atofina est un cas spécifique d’une entreprise qui avait un chiffre d’affaires de loin supérieur à celui de toutes les autres entreprises concernées. En revanche, l’approche de la Commission à l’égard des autres entreprises a été cohérente, celle-ci ayant fixé les majorations de 25, de 50 et de 75 % à l’égard des entreprises dont les chiffres d’affaires étaient, respectivement, de 5,71, de 8,49 et de 11,75 milliards d’euros.

173    Certes, la Commission n’a pas strictement suivi les ratios mathématiques et, en particulier, la différence relative dans le niveau de la majoration (en pourcentage) entre Arkema et la requérante (+ 100 %) est plus importante que celle de leurs chiffres d’affaires (+ 48 %), cet écart étant moindre en ce qui concerne la requérante et Degussa (+ 50 % pour la majoration et + 38 % pour les chiffres d’affaires).

174    Toutefois, cette dernière constatation ne suffit pas pour établir une violation des principes invoqués par la requérante. En effet, compte tenu de la marge d’appréciation dont la Commission dispose dans ce domaine et de l’objectif de dissuasion poursuivi par l’application des majorations en question, il ne saurait être exigé d’elle, au titre des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, d’assurer que les différences entre les niveaux de ces majorations traduisent strictement toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires (voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 145 supra, point 122). Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, alors que le chiffre d’affaires constitue un critère pertinent dans le cadre de la détermination du montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif, la fixation d’une amende appropriée ne saurait néanmoins être nécessairement le résultat d’un simple calcul arithmétique fondé sur le chiffre d’affaires (voir, en ce sens, arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, point 128 supra, point 121, et Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 145 supra, point 120).

175    Il s’ensuit que le traitement des entreprises se trouvant, au regard de leurs chiffres d’affaires, dans une situation plus comparable qu’Atofina à celle de la requérante, ne permet pas de constater une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité. En revanche, l’argumentation de la requérante, dans la mesure où elle demande un traitement proportionnel à celui d’Atofina exclusivement, à savoir, en substance, une majoration de l’ordre de 12,5 % (voir point 164 ci-dessus), si elle était acceptée, serait de nature à entraîner une inégalité de traitement par rapport aux autres entreprises concernées.

176    Dans ce contexte, il y a lieu d’insister également sur le fait que la requérante passe sous silence, notamment, le cas de Lucite. Or, il convient de rappeler que la requérante et Lucite ont commis l’infraction, successivement, avec les mêmes actifs, et que la Commission leur a attribué les mêmes montants de départ de l’amende, sur la base du même chiffre d’affaires en ce qui concerne les produits en PMMA. Partant, jusqu’alors, les montants des amendes de ces deux entreprises ont donc été calculés de la même manière, mais, contrairement à la requérante, Lucite ne s’est vu appliquer aucune majoration au titre de l’effet dissuasif. Toutefois, étant donné que son chiffre d’affaires était 7,5 fois moins important que celui de la requérante, il ne saurait être allégué que la majoration de 50 % imposée à la requérante est contraire aux principes invoqués.

177    Dans ces conditions, la seconde branche du moyen doit être rejetée en tant qu’elle vise à étayer la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée.

178    Par ailleurs, pour les motifs qui précèdent, les éléments avancés par la requérante dans le cadre du quatrième moyen ne permettent pas, non plus, de justifier la réduction du montant de l’amende, en ce qu’elle repose sur la majoration du montant de départ au titre de l’effet dissuasif, au titre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal. Partant, ce moyen doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur le cinquième moyen, tiré du refus injustifié d’accorder une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération avec la Commission

179    Le présent moyen est divisé en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante critique la Commission pour son refus de lui accorder une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération. Dans le cadre de la seconde branche, la requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que la Commission aurait dû, à tout le moins, reconnaître le mérite de sa coopération en dehors du champ d’application de ladite communication.

 Sur la première branche du moyen, concernant le refus d’accorder une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération

180    Cette branche du moyen repose, en substance, sur deux griefs. D’une part, la requérante reproche à la Commission d’avoir considéré à tort que les éléments qu’elle avait fournis n’apportaient aucune valeur ajoutée à son enquête. D’autre part, elle fait valoir que le retard qu’elle a pris pour fournir ces éléments par rapport aux autres entreprises concernées avait été causé par le comportement de la Commission.

–       Sur l’appréciation erronée de la valeur ajoutée des éléments contenus dans la demande au titre de la communication sur la coopération

181    À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et qu’elle peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l’enquête conduite par les services de cette institution. La Commission jouit, à cet égard, d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d’autres entreprises (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, points 81 et 88).

182    Pour justifier une réduction du montant de l’amende sur le fondement de la communication sur la coopération, les informations fournies doivent pouvoir être considérées comme démontrant une véritable coopération de sa part, étant entendu que l’objectif de réduction du montant de l’amende consiste à récompenser une entreprise pour une contribution lors de la procédure administrative qui a permis à la Commission de constater une infraction avec moins de difficulté (voir, en ce sens, arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 116 supra, point 305). Ainsi, le comportement d’une entreprise doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles de la concurrence de l’Union (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 54 supra, point 499, et la jurisprudence citée) et témoigner d’un véritable esprit de coopération (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 112 supra, points 395 et 396).

183    Eu égard à la raison d’être de la réduction, la Commission ne peut faire abstraction de l’utilité de l’information fournie, laquelle est nécessairement fonction des éléments de preuve déjà en sa possession (arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, Rec. p. II‑1443, point 221).

184    Par ailleurs, si la Commission est tenue de motiver les raisons pour lesquelles elle estime que des éléments fournis par des entreprises dans le cadre de la communication sur la coopération constituent une contribution justifiant ou non une réduction du montant de l’amende infligée, il incombe en revanche aux entreprises souhaitant contester la décision de la Commission à cet égard de démontrer que celle-ci, en l’absence de telles informations fournies volontairement par ces entreprises, n’aurait pas été en mesure de prouver l’essentiel de l’infraction et donc d’adopter une décision infligeant des amendes (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 116 supra, point 297).

185    Dans la communication sur la coopération, la Commission a précisé les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter.

186    En particulier, la Commission a énoncé que les entreprises qui ne remplissent pas les conditions leur permettant de bénéficier d’une immunité d’amendes peuvent toutefois bénéficier d’une réduction du montant de l’amende (point 20 de la communication sur la coopération). Selon le point 21 de ladite communication, afin de pouvoir prétendre à une telle réduction, « une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve ».

187    Par ailleurs, le point 22 de la communication sur la coopération précise :

« La notion de ‘valeur ajoutée’ vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature même et/ou leur niveau de précision, la capacité de la Commission d’établir les faits en question. Lors de cette appréciation, la Commission estimera généralement que les éléments de preuve écrits datant de la période à laquelle les faits se rapportent ont une valeur qualitative plus élevée que [celle d] es éléments de preuve établis ultérieurement. De même, les éléments de preuve se rattachant directement aux faits en question seront le plus souvent considérés comme qualitativement plus importants que ceux qui n’ont qu’un lien indirect avec ces derniers. »

188    Dans la décision attaquée, la Commission a relevé que la requérante avait sollicité l’application de la communication sur la coopération le 18 octobre 2004, après réception par la Commission des demandes au titre de ladite communication de Degussa (le 20 décembre 2002), d’Atofina (le 3 avril 2003) et de Lucite (le 11 juillet 2003) (considérant 416 de la décision attaquée). Le considérant 417 de la décision attaquée énonce que, en application de la communication sur la coopération, la Commission a examiné la contribution de la requérante dans l’ordre chronologique dans lequel les communications avaient été faites, afin de déterminer si elle apportait une valeur ajoutée significative au sens du point 21 de ladite communication. Sur la base de ces critères, la Commission a considéré que les éléments de preuve fournis par la requérante n’apportaient pas de valeur ajoutée significative au sens de la communication sur la coopération (considérant 417 de la décision attaquée).

189    En l’espèce, en premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a appliqué un critère juridique erroné pour rejeter sa demande de réduction du montant de l’amende, dans la mesure où, au considérant 419 de la décision attaquée, cette dernière énonce que les documents qu’elle a fournis ne lui ont pas permis « d’établir les faits ». Or, la requérante soutient que le critère correct, en application du point 21 de la communication sur la coopération, était celui du renforcement de la capacité de la Commission à établir les faits.

190    Cet argument manque en fait et doit être rejeté.

191    En effet, comme il a été relevé au point 188 ci-dessus, il ressort clairement des considérants 416 à 419 de la décision attaquée que la Commission a fait une bonne application de la disposition pertinente de la communication sur la coopération, à savoir du point 21 de celle-ci, en ayant recours au critère de la « valeur ajoutée significative » (voir point 188 ci-dessus). Par ailleurs, dans la lettre du 11 août 2005, informant la requérante du rejet de sa demande de réduction du montant de l’amende à ce titre, la Commission a affirmé que « les preuves fournies [par la requérante] n’apport[aient] pas de valeur ajoutée significative au sens des points 21 et 22 de la [communication sur la coopération] », celle-ci ayant ainsi mentionné le critère pertinent.

192    En second lieu, la requérante fait valoir, en substance, que les éléments qu’elle a fournis satisfont aux conditions posées aux points 21 et 22 de la communication sur la coopération.

193    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en application de la jurisprudence citée au point 184 ci-dessus, il incombe à la requérante de démontrer que lesdites conditions ont été remplies. Or, il convient d’insister sur le fait que, même si, dans la requête, la requérante fait référence, de manière générale et non étayée, aux efforts poussés qu’elle aurait entrepris pour coopérer avec la Commission, en évoquant « de nombreux jours de travail des spécialistes de la technologie de l’information » et « plus de mille heures d’examen par des conseils extérieurs » qui auraient conduit à la communication volontaire à la Commission de « 168 documents extraits des systèmes de sauvegarde et des serveurs », son argumentation développée dans le cadre du présent grief repose en réalité sur quelques documents contemporains de l’infraction cités aux considérants 101, 104, 115 et 156 de la décision attaquée. Elle soutient que ces documents ont renforcé la thèse de la Commission et l’ont aidée dans son enquête, puisqu’elle les cite dans la décision attaquée et qu’il s’agit de rares documents d’actualité dans le cadre de cette enquête. Par ailleurs, la communication sur la coopération accorderait une grande valeur à de tels documents d’actualité.

194    Toutefois, ces arguments ne permettent pas de remettre en question l’appréciation de la Commission.

195    Premièrement, s’agissant du courriel interne de la requérante cité au considérant 101 de la décision attaquée, il fait référence à un accord sur une hausse de prix pour le second trimestre de 1998 et à une augmentation de 5 % pour les plaques coulées à partir du 1er janvier 1999 sur le marché du Royaume-Uni (voir note en bas de page no 27 de la décision attaquée). De même, les documents cités au considérant 156 de la décision attaquée mentionnent une hausse de prix pour le second semestre de 1998. Toutefois, ainsi que la Commission le soutient, il ressort de la décision attaquée (voir, par exemple, considérants 155, 157 et 158 de la décision attaquée) que, avant la réception de ces documents, elle avait déjà connaissance des discussions sur les prix et des accords sur des hausses de prix au niveau européen pour le second semestre de 1998.

196    Certes, ainsi que la requérante le souligne, le document cité au considérant 101 de la décision attaquée a permis à la Commission d’exposer la manière dont les réunions anticoncurrentielles en question se déroulaient. De même, les documents cités au considérant 156 de la décision attaquée montrent comment les augmentations de prix étaient mises en œuvre. Toutefois, il s’agit seulement d’informations permettant de replacer dans leur contexte les augmentations de prix pour lesquelles la Commission disposait déjà de preuves suffisantes.

197    Deuxièmement, s’agissant des deux courriels internes de la requérante cités au considérant 104 et à la note en bas de page no 31 de la décision attaquée pour illustrer le fait que les hausses de prix n’ont pas toujours été mises en œuvre (voir note en bas de page no 31 de la décision attaquée), il y a lieu de relever que, avant la réception de ces documents, la Commission avait déjà eu connaissance de ce fait et disposait de preuves en ce sens, comme il ressort de plusieurs considérants de la décision attaquée (voir, par exemple, considérants 110, 120, 123, 125, 128, 129, 134, 140, 143, 148, 167 et 184 de la décision attaquée). Le fait, relevé par la requérante, qu’il s’agisse des seuls documents contemporains de l’infraction cités au point 4.2.3 de la décision attaquée, intitulé « Mise en œuvre et surveillance des accords sur le prix », n’est pas, en tant que tel, de nature à établir sa valeur ajoutée significative.

198    Troisièmement, s’agissant du compte rendu d’une réunion citée au considérant 115 de la décision attaquée, ce document confirme seulement qu’une réunion entre la requérante et Degussa a eu lieu à la date indiquée, les informations quant au caractère anticoncurrentiel de celle-ci ayant été fournies par Degussa. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans le cadre du présent recours, la requérante soutient précisément que ledit document attribue un caractère légitime à la réunion concernée et donc elle ne saurait valablement prétendre qu’il a eu une valeur ajoutée significative pour la Commission.

199    En outre, il y a lieu de souligner que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la Commission selon laquelle, au moment où elle a reçu les documents susvisés, elle disposait déjà de suffisamment de preuves déterminantes d’autres entreprises pour établir les faits. La requérante soutient, toutefois, que, conformément à la communication sur la coopération, la question n’est pas de savoir si la Commission avait déjà reçu « suffisamment de preuves » pour prouver le bien-fondé de sa thèse, mais de savoir si ses éléments de preuve « renforçaient » cette thèse. Or, de l’avis de la requérante, aussi solide qu’une thèse puisse être, elle peut toujours être renforcée par des éléments de preuve complémentaires ou meilleurs, et notamment par des documents d’actualité.

200    Cette argumentation ne saurait prospérer. En effet, elle signifie, en substance, que tout élément de preuve cité dans une décision en matière d’ententes, et a fortiori un document d’actualité, devrait être considéré comme apportant une « valeur ajoutée significative » au sens de la communication sur la coopération et justifiant donc une réduction du montant de l’amende. Or, un tel résultat serait incompatible avec la jurisprudence rappelée aux points 181 à 183 ci-dessus.

201    Ainsi, il a été jugé, par exemple, qu’une déclaration se limitant à corroborer, dans une certaine mesure, une déclaration dont la Commission disposait déjà ne facilitait pas la tâche de la Commission de manière significative et qu’elle ne saurait être suffisante pour justifier une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération (voir arrêt Gütermann et Zwicky/Commission, point 183 supra, point 222, et la jurisprudence citée). Il s’ensuit que le seul fait qu’un document présente une certaine utilité pour la Commission et qu’elle l’invoque donc dans sa décision ne permet pas de justifier une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération.

202    Par ailleurs, il y a lieu de relever que la requérante focalise son argumentation sur le libellé du point 22 de la communication sur la coopération, selon lequel il y a lieu de vérifier si les « éléments de preuve fournis renforcent […] la capacité de la Commission d’établir les faits en question ». Pour autant, il ressort clairement de ce point qu’il énonce la définition de la notion de « valeur ajoutée », alors que le critère pertinent pour apprécier l’opportunité d’une réduction du montant de l’amende, établi au point 21 de ladite communication, est celui de la « valeur ajoutée significative ». Or, la requérante ne tente même pas d’établir en quoi les documents qu’elle invoque auraient facilité la tâche de la Commission de manière « significative ».

203    Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi que la conclusion de la Commission rappelée au point 188 ci-dessus était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

204    Partant, le présent grief doit être rejeté.

–       Sur la responsabilité de la Commission dans le retard pris par la requérante pour fournir ses éléments par rapport aux autres entreprises concernées

205    La requérante reproche à la Commission d’avoir été à l’origine de la présentation tardive de sa demande au titre de la communication sur la coopération.

206    En premier lieu, elle fait valoir que la Commission a manqué à son obligation de l’informer de l’enquête pendant plus d’un an après en avoir informé tous les autres participants à l’entente.

207    Sur ce point, il convient de souligner que la requérante n’allègue aucune violation de ses droits de la défense résultant d’une information prétendument tardive au sujet de l’enquête. Elle soutient, en revanche, en substance, que ses chances d’obtenir une réduction du montant de l’amende au titre de sa coopération avec la Commission ont été compromises.

208    À cet égard, il convient de rappeler que la première mesure d’instruction adressée à la requérante dans le cadre de l’enquête, à savoir une demande de renseignements, date du 29 juillet 2004 (voir point 10 ci-dessus). Or, Degussa a introduit sa demande d’immunité le 20 décembre 2002 et les autres entreprises concernées (Atofina, Barlo, et Lucite) ont été nécessairement informées de l’enquête le 25 mars 2003, date à laquelle les inspections dans leurs locaux ont commencé (voir point 7 ci-dessus). Par ailleurs, le 3 avril et le 11 juillet 2003, Atofina et Lucite ont présenté leurs demandes respectives au titre de la communication sur la coopération, lesquelles ont abouti (voir points 8 et 28 ci-dessus).

209    Ainsi, la situation de la requérante se différencie de celle de tous les autres destinataires de la décision attaquée qui pouvaient prétendre à une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération, dès lors qu’elle a fait l’objet d’une première mesure d’instruction seize mois après ces entreprises. Or, ainsi qu’il ressort de ce qui précède (voir par exemple point 183 ci-dessus), le moment de l’introduction d’une demande au titre de ladite communication peut être déterminant en ce qui concerne les perspectives d’une réduction du montant de l’amende.

210    Toutefois, contrairement à ce que la requérante allègue, cette considération n’est pas de nature à invalider l’appréciation de l’utilité de sa coopération avec la Commission et à conduire à une réduction du montant de l’amende à ce titre.

211    D’une part, la requérante n’invoque aucune règle de droit qui serait la source d’une obligation de la Commission, à ce stade, de l’informer spécifiquement de l’enquête ou de procéder à des mesures d’instruction à son égard, afin notamment de lui permettre, en temps utile, de présenter une demande au titre de la communication sur la coopération.

212    Par ailleurs, lors de l’audience, la requérante a explicitement reconnu, en réponse à une question du Tribunal, d’une part, qu’il lui avait été possible, comme à toute autre entreprise concernée, de déposer une demande au titre de la communication sur la coopération au moment voulu et, d’autre part, que les éléments du dossier démontraient qu’elle aurait pu savoir, bien avant la première mesure d’instruction à son égard, que l’enquête dans le secteur des méthacrylates était en cours (voir également points 216 et 217 ci-après).

213    Au demeurant, il convient de rappeler notamment qu’il ressort clairement des articles 11 et 14 du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), en vigueur jusqu’au 30 avril 2004, et des articles 18 à 20 du règlement no 1/2003, applicable après cette date, que la Commission « peut » procéder à des mesures d’instruction, telles que des demandes de renseignements ou des inspections. Ainsi qu’elle le soutient, aucune disposition ne l’oblige à effectuer de telles mesures simultanément à l’égard de toutes les entreprises concernées.

214    En outre, en l’espèce, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a confirmé que, dès la réception d’une lettre de Lucite du 7 avril 2003, soit peu après les inspections du 25 mars 2003, elle était au courant de l’implication éventuelle de la requérante dans l’affaire. Elle a indiqué, toutefois, que, pour les besoins immédiats de l’enquête, elle n’avait pas jugé nécessaire de prendre contact avec la requérante à ce moment-là. En effet, étant donné que l’unité commerciale ayant commis l’infraction, ICI Acryclics, avait été cédée à Lucite, la Commission aurait supposé que c’était cette dernière entreprise qui était la mieux placée, à ce stade, pour répondre aux questions concernant l’entente, puisqu’elle avait accès aux documents et aux membres du personnel concernés.

215    Cette appréciation n’ayant pas été contestée par la requérante lors de l’audience, il apparaît donc que la décision de ne pas procéder à des mesures d’instruction auprès de la requérante avant le 29 juillet 2004 a été fondée sur des éléments objectifs.

216    D’autre part, et en tout état de cause, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a produit deux documents démontrant que l’existence de l’enquête en question avait été rendue publique par la Commission le 14 avril 2003 et par Lucite le 17 juin 2003, soit avant l’introduction par Lucite de sa demande au titre de la communication sur la coopération le 11 juillet 2003 et bien avant l’introduction de la demande de la requérante à cette fin le 18 octobre 2004.

217    Dans ces conditions, la requérante ne saurait prétendre que c’est le comportement de la Commission qui a été à l’origine du dépôt tardif de sa demande au titre de la communication sur la coopération. Par ailleurs, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a reconnu, au vu des documents susvisés, qu’elle aurait pu savoir qu’il y avait une enquête en cours. Elle a donc déclaré que ses griefs à l’égard de la Commission se concentraient désormais plutôt sur la façon dont cette dernière avait agi dans ses contacts avec Lucite (voir points 219 et suivants ci-après).

218    Il s’ensuit que l’argumentation tirée d’une information prétendument tardive sur l’existence de l’enquête doit être rejetée.

219    En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir informé Lucite qu’elle n’avait pas connaissance de l’enquête et d’avoir déconseillé à Lucite de l’en informer.

220    En outre, lors de l’audience, la requérante a soutenu que la façon dont la Commission avait agi dans ses contacts avec Lucite, notamment dans sa lettre du 8 mai 2003 adressée à cette entreprise, était constitutive d’une violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement. En effet, la Commission aurait informé Lucite que la requérante n’avait pas encore introduit de demande au titre de la communication sur la coopération et elle aurait donc rompu l’égalité entre les entreprises concernées, au regard de l’application de ladite communication. En se fondant sur la solution dégagée par le Tribunal dans l’arrêt Hoechst/Commission, point 148 supra, la requérante demande donc une réduction du montant de l’amende en raison de la violation des principes susmentionnés.

221    Sur ce point, il convient de relever, tout d’abord, que, dans ses écritures, la requérante n’a pas explicitement invoqué la violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement dans le présent contexte. Toutefois, elle a critiqué de façon abondante la façon dont la Commission avait agi dans ses contacts avec Lucite, en affirmant notamment que le comportement de la Commission avait été la cause de ce qu’elle « n’a[vait] pas été informée au sujet de l’enquête sur un pied d’égalité avec les autres participants à l’entente » et que la Commission s’était « immiscée dans la course [à son] détriment ». Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l’argumentation soulevée lors de l’audience constitue l’ampliation d’un moyen énoncé dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci et doit, dès lors, être déclaré recevable au titre de l’article 48 du règlement de procédure du Tribunal (voir, en ce sens, ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour du 13 novembre 2001, Dürbeck/Commission, C‑430/00 P, Rec. p. I‑8547, point 17 ; arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, points 278 et 279, et arrêt du Tribunal du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 156), ainsi que la requérante l’a soutenu lors de l’audience. Par ailleurs, ayant été invitée à formuler des observations sur ce point, la Commission n’a formulé aucune objection quant à la recevabilité de cette argumentation.

222    Ensuite, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans les cas où les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation afin d’être en mesure de remplir leurs fonctions, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T‑44/90, Rec. p. II‑1, point 86). Cette obligation procède du principe de bonne administration (voir, en ce sens, arrêts Volkswagen/Commission, point 53 supra, point 269, et Hoechst/Commission, point 148 supra, point 129).

223    S’agissant du principe d’égalité de traitement, la Commission ne saurait, dans le cadre de l’appréciation de la coopération fournie par des entreprises, méconnaître ce principe général du droit communautaire, qui, selon une jurisprudence constante, est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt Hoechst/Commission, point 148 supra, point 130, et la jurisprudence citée).

224    Il convient donc d’examiner le comportement de la Commission dans ses contacts avec Lucite au regard de ces principes.

225    L’argumentation de la requérante sur ce point repose sur un échange de communications entre la Commission et Lucite, lors de la procédure administrative.

226    Ainsi, par lettre du 7 avril 2003, soit peu après l’inspection du 25 mars 2003 et avant l’introduction de sa demande au titre de la communication sur la coopération, Lucite informait d’abord la Commission que la requérante avait été le propriétaire du « business under investigation » pendant la majeure partie de la période désignée dans la décision d’inspection du 17 mars 2003 et affirmait que sa responsabilité éventuelle pourrait seulement concerner la période à partir d’octobre 1999. Ensuite, Lucite a posé la question de savoir « si la Commission a[vait] noué des contacts avec ICI plc ou se propos[ait] de le faire dans le cadre de son enquête ». Elle précisait que, « [d]ans la négative, [elle] demande[rait] confirmation de la Commission en ce qui concerne le point de savoir si elle aurait la moindre objection à ce qu[’elle] prenne contact avec ICI PLC et, le moment venu, lui donne accès à ses employés et aux documents relatifs à ICI Acrylics dans le but de lui permettre de préparer sa défense ».

227    Par lettre du 8 mai 2003, le chef d’unité chargé de l’affaire a répondu ce qui suit :

« […] J’aimerais vous informer que nous ne prenons pas position sur la question de savoir si Lucite [prend] contact avec ICI plc. Je désire cependant attirer votre attention sur le fait qu’une immunité conditionnelle a déjà été accordée dans cette affaire et qu’en conséquence d’autres sociétés parties à la procédure ne peuvent demander la clémence qu’au titre de la communication [sur la coopération]. En outre, la clémence ne peut être accordée qu’à une seule entreprise particulière. Une demande conjointe de clémence par deux ou trois sociétés n’est donc pas possible […]»

228    Selon la requérante, la lettre susvisée de la Commission a informé Lucite que la requérante n’avait pas connaissance de l’enquête. En outre, elle avance que Lucite a cru voir dans la lettre et les échanges de vues oraux ultérieurs une mise en garde de la Commission contre une prise de contact avec la requérante.

229    À l’appui de cette interprétation, la requérante soulève également des écrits ultérieurs de Lucite, intervenus après le dépôt de la demande formée au titre de la communication sur la coopération par celle-ci, le 11 juillet 2003, et après que la requérante a été formellement informée par la Commission de l’existence de l’enquête, par la demande de renseignements du 29 juillet 2004 (voir point 10 ci-dessus).

230    Ainsi, dans un courriel du 12 août 2004 adressé à la requérante, l’avocat de Lucite a indiqué notamment : « Comme je l’ai mentionné lors de notre entretien, il y a eu des observations formulées au cours de l’enquête dont il ressort que la Commission ne tenait pas à ce que Lucite débatte de l’affaire avec ICI. »

231    De même, la requérante s’appuie sur un courriel du 3 septembre 2004, adressé par l’avocat de Lucite à l’administrateur de la Commission chargé de l’affaire, dans lequel celui-ci indiquait que « ICI a[vait] demandé à Lucite certains documents ainsi que son assistance, ce que Lucite n’[était] pas contractuellement tenue d’accorder ». Lucite précisait, en outre, qu’elle « [était] réticente à faire droit à de telles demandes sans la confirmation écrite de la position de la Commission, notamment à la lumière de [s]a demande […] visant à la réduction du montant de l’amende » et qu’il en était ainsi « en partie à cause de l’impression qu [’elle] a eu sur la base des conversations téléphoniques et contacts antérieurs avec la Commission en ce sens que cette dernière n’avait pas contacté ICI et ne souhaitait pas qu [’elle-même] le fasse (bien que la Commission ait formellement indiqué dans sa lettre du 8 mai 2003 qu’elle ne prenait pas position sur cette question) ».

232    Dans une lettre du 7 septembre 2004 adressée à Lucite, la Commission a indiqué qu’elle ne voyait pas d’objection à ce que Lucite donne accès à la requérante à son personnel et à sa documentation. En même temps, elle a contesté fermement avoir donné une quelconque instruction à Lucite relative aux contacts avec la requérante.

233    Enfin, en réaction à cette dernière lettre, dans une lettre du 7 septembre 2004 adressée à la Commission, Lucite a, tout d’abord, rappelé le contenu de la lettre de la Commission du 8 mai 2003 et indiqué ensuite ce qui suit :

« Au cours d’appels téléphoniques et d’échanges de communications écrits avec la Commission (que nous pouvons vous indiquer en détail si c’est nécessaire) il était clair pour Lucite que la Commission avait décidé de ne pas prendre contact avec ICI plc jusqu’à présent.

Compte tenu de ces facteurs et dans l’esprit d’une coopération complète et systématique dans le cadre de l’enquête de la Commission au titre de la communication [sur la coopération], Lucite a conclu — ce qui était, selon nous, une conclusion conforme au sens — que la Commission n’aurait pas accueilli favorablement une prise de contact de Lucite avec ICI plc dans le cadre de l’enquête en cause, bien que, comme vous le soulignez dans votre lettre d’aujourd’hui, la Commission n’ait émis aucune ‘instruction’ formelle sur cette question. »

234    Contrairement à ce que la requérante soutient (voir point 220 ci-dessus), les échanges susvisés, et notamment la lettre de la Commission du 8 mai 2003, ne permettent pas de constater que la Commission a agi en violation des principes de bonne administration ou d’égalité de traitement.

235    En particulier, il ressort clairement de ces échanges, ainsi que la Commission le soutient à juste titre, qu’elle n’a donné aucune instruction formelle à Lucite, s’agissant de l’opportunité de contacter la requérante au sujet de l’enquête. En effet, dans la lettre du 8 mai 2003, elle a explicitement affirmé qu’elle ne prenait pas position sur cette question. Par ailleurs, Lucite elle-même admet, dans ses écrits, que la Commission n’a pas émis une telle instruction et se réfère seulement à son « impression » selon laquelle la Commission « n’aurait pas accueilli favorablement une prise de contact [entre elle et] avec [la requérante] ».

236    Au demeurant, la référence générale faite par Lucite aux conversations téléphoniques ou autres contacts avec la Commission (voir points 231 et 233 ci-dessus) ne suffit pas à établir, compte tenu de la contestation de la Commission (voir point 232 ci-dessus) et en l’absence d’autres éléments de preuve, que de telles instructions lui aient effectivement été données.

237    De même, la Commission n’a pas indiqué à Lucite, contrairement à ce que la requérante avance, si elle avait déjà contactée cette dernière au sujet de l’enquête ou si la requérante avait déjà déposé une demande au titre de la communication sur la coopération.

238    Certes, le libellé de la lettre du 8 mai 2003 a pu être raisonnablement compris par Lucite en ce sens qu’il n’était pas dans son intérêt de prendre contact avec la requérante au sujet de l’enquête, afin de lui donner accès à ses employés et aux documents relatifs à ICI Acrylics dans le but de lui permettre de préparer sa défense. En effet, la Commission ne s’est pas bornée à affirmer qu’elle « ne prenait pas position » sur cette question, mais elle a poursuivi sa lettre en indiquant, en substance, les conditions dans lesquelles Lucite pouvait prétendre à une réduction du montant de l’amende, tout en soulignant que la clémence ne pouvait être accordée qu’à une seule entreprise particulière. Sur cette base, Lucite a également pu supposer que la requérante n’était pas, à ce stade, au courant de l’existence de l’enquête et n’avait pas déposé de demande de clémence.

239    Par ailleurs, les écrits ultérieurs de Lucite (voir points 230, 231 et 233 ci-dessus) confirment clairement que telle a été effectivement sa compréhension de la position de la Commission, exprimée dans sa lettre du 8 mai 2003.

240    Toutefois, ces considérations ne permettent pas de conclure à la violation des principes soulevés par la requérante.

241    En effet, la requérante ne remet pas en cause l’appréciation de la Commission, énoncée dans sa lettre du 8 mai 2003, selon laquelle la clémence ne pouvait être accordée qu’à une seule entreprise particulière et qu’une demande conjointe de clémence par deux sociétés n’était donc pas possible. Partant, il y a lieu de constater que, dans cette lettre, la Commission n’a fait qu’indiquer à Lucite les modalités d’application de la communication sur la coopération.

242    Or, au regard du libellé de ladite communication, Lucite devait elle-même se douter que la prise de contact avec la requérante était de nature, le cas échéant, à influer négativement sur ses chances d’obtenir une réduction du montant de l’amende. Cela émane, par ailleurs, de sa lettre du 7 avril 2003 (voir point 226 ci-dessus), où elle demande précisément la position de la Commission sur cette question. De même, au regard de la logique inhérente à la communication sur la coopération, qui incite chaque entreprise à coopérer avec le Commission avant les autres entreprises concernées, en analysant sa stratégie dans le cadre de l’enquête, Lucite devait, en tout état de cause, partir de l’hypothèse que la requérante était son concurrent potentiel dans la « course » pour la clémence.

243    Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu que, par les contacts susvisés avec Lucite, la Commission s’est « immiscée dans la course au détriment de [la requérante] », comme cette dernière le soutient (voir point 221 ci-dessus). En effet, Lucite pouvait, au regard de la communication sur la coopération, avoir raisonnablement connaissance des informations qui lui ont été transmises.

244    Ainsi, la décision de Lucite de ne pas contacter la requérante au sujet de l’enquête doit être considérée comme le résultat de la vision qu’elle-même avait de son propre intérêt au regard de la communication sur la coopération. Il ressort de ce qui précède que c’est seulement si la Commission avait explicitement autorisé Lucite à prendre contact avec la requérante, tout en lui garantissant que cela n’aurait pas d’impact sur ses chances en matière de coopération, que la décision de Lucite aurait pu être différente. Toutefois, la requérante n’allègue pas que la Commission était tenue de fournir à Lucite de telles assurances, au regard des principes de bonne administration et d’égalité de traitement qu’elle invoque ou, d’ailleurs, de la communication sur la coopération.

245    Ainsi, les circonstances de l’espèce se distinguent clairement de celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hoechst/Commission, point 148 supra, invoqué par la requérante, dans laquelle la violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement résultait des propos discriminant ouvertement la société concernée dans le cadre de l’application de la communication sur la coopération (voir, en ce sens, arrêt Hoechst/Commission, point 148 supra, point 136). Comme il résulte de ce qui précède, il n’est pas établi qu’une telle situation a eu lieu en l’espèce.

246    Partant, l’argumentation de la requérante tirée d’une violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement doit être rejetée.

247    En outre, la requérante ne saurait utilement invoquer le comportement de la Commission dans ses contacts avec Lucite afin de remettre en cause l’application, dans la décision attaquée, de la communication sur la coopération à son égard.

248    En effet, il y a lieu de relever, d’une part, que l’application de la communication sur la coopération repose sur une appréciation de l’utilité objective des éléments de preuve communiqués pour la découverte et pour l’établissement de l’infraction et, d’autre part, qu’elle vise à fournir une incitation aux membres des cartels de coopérer avec la Commission de façon spontanée. Or, la Commission ne peut pas être considérée comme responsable ni pour l’étendue limitée de la coopération de la requérante, ni pour son caractère tardif. Ces éléments sont en revanche imputables à la requérante elle-même, ainsi qu’il ressort du dossier, et, le cas échéant, à la situation factuelle objective dans laquelle elle se trouvait, du fait de la cession d’ICI Acrylics à Lucite. En particulier, il y a lieu de rappeler que la requérante reconnaît en l’espèce qu’elle aurait pu être au courant de l’enquête au moins à partir du 14 avril 2003 (voir points 212, 216 et 217 ci-dessus).

249    Par ailleurs, il n’est pas établi que la décision attaquée aurait eu un contenu différent sur ce point si la Commission s’était simplement limitée, dans sa lettre du 8 mai 2003, à ne pas prendre position sur la demande de Lucite. Il y a lieu de rappeler, en particulier, que la requérante ne remet pas en cause l’appréciation de la Commission énoncée dans sa lettre du 8 mai 2003, selon laquelle une demande conjointe à ce titre, par elle et Lucite, n’était pas, en tout état de cause, possible.

250    Il s’ensuit que la première branche du moyen doit être rejetée en tant qu’elle vise à étayer la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée.

 Sur la seconde branche du moyen, concernant le refus de reconnaître le mérite de la coopération de la requérante en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération

251    À titre subsidiaire, la requérante prétend avoir droit à une réduction du montant de l’amende en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération, au titre de la coopération volontaire importante dont elle a fait preuve au cours de l’enquête. La requérante estime qu’elle a apporté une coopération effective et utile, en fournissant des informations allant au-delà de ce que la Commission avait demandé en application de l’article 18 du règlement no 1/2003, tels que, notamment, des éléments à charge qui ont été cités dans la décision attaquée à son égard, s’agissant des plaques massives en PMMA..

252    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point 3, sixième tiret, des lignes directrices, la Commission a prévu une circonstance atténuante relative à la collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération.

253    En l’espèce, la Commission a constaté, au considérant 392 de la décision attaquée, qu’elle avait examiné, au titre de la disposition susvisée, si la coopération de l’une des entreprises concernées lui avait permis de constater l’existence de l’infraction avec moins de difficulté. Au considérant 393 de la décision attaquée, elle a énoncé que, eu égard à l’ampleur et à la valeur très limitée de leur coopération et à leur contestation des faits en dehors de cette coopération limitée, il n’existait aucune autre circonstance qui entraînait une réduction des montants des amendes en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération, laquelle, dans les affaires d’ententes secrètes, ne pourrait, en tout état de cause, qu’être de nature exceptionnelle.

254    Sur ce dernier point, la Commission a cité sa décision C (2005) 4012 final, du 20 octobre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (Affaire COMP/C.38.281/B.2 — Tabac brut — Italie), dans laquelle elle a retiré l’immunité conditionnelle accordée à une entreprise, au motif que celle-ci avait ultérieurement manqué à l’obligation de coopération à laquelle elle était tenue en vertu de la communication sur la coopération. La Commission a néanmoins accordé à cette entreprise une réduction du montant de l’amende au titre des circonstances atténuantes au sens des lignes directrices, afin de tenir compte de la contribution substantielle qu’elle avait apportée à son enquête.

255    Par ailleurs, s’agissant spécifiquement de la requérante, la Commission a également affirmé, au considérant 419 de la décision attaquée, qu’elle ne remplissait pas les conditions pour prétendre à une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération.

256    En premier lieu, la requérante soutient que l’appréciation de la Commission est erronée dans la mesure où elle a limité la possibilité de réduction du montant de l’amende en dehors de la communication sur la coopération à des « circonstances exceptionnelles » (considérant 393 de la décision attaquée).

257    Cet argument doit être rejeté.

258    En effet, l’application du point 3, sixième tiret, des lignes directrices ne saurait avoir pour conséquence de priver la communication sur la coopération de son effet utile. Or, il ressort clairement de ladite communication qu’elle définit le cadre permettant de récompenser, pour leur coopération à l’enquête de la Commission, les entreprises qui sont ou ont été parties à des ententes secrètes affectant l’Union. Il s’ensuit que les entreprises ne peuvent, en principe, obtenir une réduction du montant de l’amende au titre de leur coopération que lorsqu’elles satisfont aux conditions prévues par ladite communication.

259    Par ailleurs, il y a lieu de souligner que la requérante a bien déposé une demande au titre de la communication sur la coopération et que sa coopération relevait du champ d’application de celle-ci, mais qu’elle a été jugée insuffisante pour justifier l’octroi d’une réduction du montant de l’amende. La présente espèce se différencie donc nettement de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission (T‑224/00, Rec. p. II‑2597), invoqué par la requérante. En effet, dans cette dernière affaire, l’entreprise concernée a fourni à la Commission des informations relatives à des actes pour lesquels, en tout état de cause, elle n’aurait pas dû acquitter d’amende et qui donc, selon le Tribunal, ne relevaient pas du champ d’application de la communication sur la coopération. C’est dans ces circonstances que le Tribunal a estimé que ladite entreprise méritait néanmoins une réduction du montant de l’amende au titre du point 3, sixième tiret, des lignes directrices, eu égard au fait, notamment, que sa coopération avait permis à la Commission d’établir une durée plus longue de l’infraction (arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, précité, points 294 à 298, 306 et 311). Contrairement à ce que la requérante soutient, le Tribunal n’a donc pas admis dans cet arrêt que la coopération d’une entreprise peut être récompensée, même si elle ne satisfait pas au critère de la valeur ajoutée significative au sens de la communication sur la coopération.

260    En outre, il y a lieu de rejeter également l’argument de la requérante selon lequel, en substance, une réduction du montant de l’amende serait justifiée du seul fait qu’une entreprise communique des informations allant au-delà de celles dont la production peut être exigée par la Commission en vertu de l’article 18 du règlement no 1/2003, tels que notamment des éléments à charge.

261    Certes, il a été jugé que la collaboration d’une entreprise à l’enquête ne donne droit à aucune réduction du montant de l’amende lorsque cette collaboration n’a pas dépassé ce qui résultait des obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 18 du règlement no 1/2003 (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T‑12/89, Rec. p. II‑907, points 341 et 342, et Groupe Danone/Commission, point 61 supra, point 451). Toutefois, l’inverse n’est pas nécessairement vrai. En effet, même des éléments à charge peuvent être d’une utilité limitée pour la Commission, notamment par rapport aux contributions antérieures des autres entreprises. Or, l’utilité d’une information constitue l’élément déterminant dans le cadre de l’appréciation de la demande de réduction du montant de l’amende au titre de la coopération avec la Commission (voir la jurisprudence visée aux points 181 à 183 ci-dessus).

262    Il s’ensuit que c’est à bon droit que la Commission a estimé que l’application du point 3, sixième tiret, des lignes directrices devait être exceptionnelle.

263    En second lieu, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, le critère des « circonstances exceptionnelles » était satisfait en l’espèce. Elle précise qu’elle a déployé des efforts considérables afin de présenter des documents d’actualité, qui ont été cités ultérieurement dans la décision attaquée, et ce alors qu’elle avait vendu ICI Acrylics cinq ans avant le début de l’enquête, qu’elle n’avait eu connaissance d’aucun des faits en cause et qu’elle avait été écartée de l’enquête jusqu’à un stade tardif de celle-ci et qu’elle a été désavantagée dans le cadre de la procédure de coopération « sans raison légitime ».

264    À cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, la requérante n’a pas invalidé l’appréciation de la Commission selon laquelle, sur un total de 168 documents qu’elle lui avait transmis, certains n’étaient utiles que pour les informations générales, par exemple sur certains aspects de la mise en œuvre de l’entente, mais aucun n’a pas permis à la Commission d’établir les faits, compte tenu des informations déjà en sa possession (considérant 419 de la décision attaquée).

265    La réponse à la question de savoir si les circonstances de l’espèce sont « exceptionnelles » au point de justifier une réduction du montant de l’amende en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération ne saurait faire abstraction de la qualité et de l’utilité objective des informations transmises pour l’enquête (voir, en ce sens, la jurisprudence rappelée aux points 181 à 183 ci-dessus).

266    Or, il ressort de ce qui précède que l’utilité des informations fournies par la requérante était très limitée dès lors que, notamment, elles n’ont pas permis à la Commission d’établir l’existence, l’étendue ou la durée de l’infraction (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 259 supra, points 302 et 311).

267    Dans ces conditions, les éléments invoqués par la requérante et repris au point 263 ci-dessus ne sauraient justifier une réduction du montant de l’amende au titre de sa coopération avec la Commission. Au demeurant, il y a lieu de rappeler que c’est à tort que la requérante soutient que l’introduction tardive de sa demande au titre de la communication sur la coopération pouvait être imputée au comportement de la Commission (voir points 212, 216 et 217 ci-dessus).

268    Enfin, il y a lieu d’examiner l’argument de la requérante selon lequel, en refusant de prendre en compte sa coopération, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement, puisqu’elle aurait traité la requérante de la même manière que les participants à l’entente qui n’avaient pas coopéré, alors que ceux-ci n’étaient pas dans des situations analogues.

269    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation de la coopération fournie par des entreprises, la Commission ne saurait méconnaître le principe d’égalité de traitement (arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 259 supra, point 308, et la jurisprudence citée).

270    Ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil, C‑227/04 P, Rec. p. I‑6767, point 63, et la jurisprudence citée).

271    La requérante n’établit pas une violation de ce principe en l’espèce.

272    D’une part, la requérante ne remet pas en cause l’affirmation de la Commission selon laquelle elle l’a traité de la même façon que tous les autres participants à l’entente qui ont présenté une demande au titre de la communication sur la coopération, en évaluant les preuves fournies par chacun d’eux.

273    D’autre part, la requérante n’établit pas qu’elle se trouvait dans une situation différente de celle de Barlo, à savoir le seul destinataire de la décision attaquée qui n’a pas présenté une telle demande et qui, comme elle, n’a pas reçu de réduction du montant de l’amende au titre de la coopération avec la Commission. Au contraire, il ressort du dossier que, tout comme Barlo, la requérante n’avait pas fourni des informations dont l’utilité aurait justifié une réduction du montant de l’amende. Force est donc de constater qu’elle se trouvait dans une situation comparable à celle de Barlo, au regard de l’objectif poursuivi par la réduction du montant de l’amende à laquelle elle prétend dans le cadre du présent moyen, et qu’elle a reçu, à ce titre, le même traitement.

274    Au demeurant, et à toutes fins utiles, il ressort de l’arrêt du Tribunal du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission (T‑208/06, Rec. p. II‑7953, point 274), que Barlo a également coopéré, dans une certaine mesure, avec la Commission, sans que cette coopération ait justifié une réduction du montant de l’amende.

275    Il s’ensuit que la seconde branche du moyen doit être rejetée en tant qu’elle vise à étayer la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée.

276    Par ailleurs, pour les motifs qui précèdent, les éléments avancés par la requérante dans le cadre du cinquième moyen ne permettent pas de justifier une réduction du montant de l’amende au titre de sa coopération avec la Commission, dans l’exercice de la compétence de pleine juridiction du Tribunal.

277    Partant, au regard de ce qui précède, le cinquième moyen doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur le sixième moyen, soulevé lors de l’audience au titre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal, tiré de la durée excessive de la procédure

278    La requérante fait valoir que la durée des procédures administrative et juridictionnelle, dans son ensemble, excède le délai raisonnable, en violation de ses droits fondamentaux consacrés notamment à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Elle relève, en effet, que la première mesure adoptée à son égard dans le cadre de la présente affaire date du 29 juillet 2004 et que, au jour de l’audience, le 8 novembre 2011, elle attendait encore l’arrêt du Tribunal.

279    En outre, la requérante critique spécifiquement la durée de la procédure devant le Tribunal comprise entre la fin de la procédure écrite et la décision d’ouvrir la procédure orale. Elle affirme ne pas être au courant des circonstances pouvant justifier cette durée.

280    Par conséquent, en se fondant sur l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 53 supra, et sur les conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous les arrêts de la Cour du 25 octobre 2011, Solvay/Commission (C‑109/10 P, Rec. p. I‑10329), et Solvay/Commission (C‑110/10 P, Rec. p. I‑10439), la requérante soutient que la durée excessive de la procédure devrait conduire à la réduction du montant de l’amende qui lui a été imposée dans la décision attaquée.

281    La Commission soutient qu’il existe des circonstances pouvant justifier la durée de la procédure. En tout état de cause, elle insiste sur le fait que le présent moyen ne peut pas être dirigé contre la décision attaquée et que la durée de la procédure administrative ne peut pas être considérée comme excessive. Par ailleurs, elle relève l’absence de clarté des arguments de la requérante.

282    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

283    En tant que principe général de droit de l’Union, un tel droit est applicable dans le cadre d’un recours juridictionnel contre une décision de la Commission. Il a été, par ailleurs, réaffirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), lequel est afférant au principe de protection juridictionnelle effective (voir arrêt de la Cour du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt — Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, Rec. p. I‑6155, points 178 et 179, et la jurisprudence citée).

284    En outre, selon une jurisprudence constante, le principe du délai raisonnable est également applicable dans le cadre des procédures administratives en matière de politique de la concurrence devant la Commission (voir arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, point 35, et la jurisprudence citée). Il a été réaffirmé, en tant que tel, à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, selon lequel toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.

285    L’article 41, paragraphe 1, et l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne comportent ainsi deux énoncés d’un seul et même principe à caractère procédural, à savoir celui en vertu duquel les justiciables peuvent escompter l’adoption d’une décision dans un délai raisonnable.

286    En l’espèce, tout en faisant valoir la violation dudit principe, la requérante n’allègue pas que la durée de la procédure ait eu une quelconque incidence sur le contenu de la décision attaquée ou qu’elle puisse affecter la solution du présent litige. En particulier, elle n’allègue pas que ladite durée a eu un quelconque effet sur ses possibilités de défense, que ce soit lors de la procédure administrative ou lors de la procédure juridictionnelle. Elle ne demande pas non plus l’annulation de la décision attaquée en raison de la violation alléguée.

287    En revanche, la requérante demande au Tribunal de prendre en compte la durée excessive de la procédure aux fins de sa compétence de pleine juridiction et de réduire le montant de l’amende pour ce motif, à l’instar de la Cour dans l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 53 supra.

288    Il y a lieu de rappeler que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 53 supra, dont se prévaut la requérante, concernait un pourvoi dirigé contre un arrêt du Tribunal ayant, au titre de la compétence de pleine juridiction dont il dispose à cette fin, infligé à la partie requérante une amende pour infraction aux règles de la concurrence, compétence de pleine juridiction dont la Cour elle-même peut bénéficier lorsqu’elle annule un tel arrêt du Tribunal et statue sur le recours (arrêt de la Cour du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec. p. I‑6513, point 206).

289    Au point 33 de l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 53 supra, la Cour a rappelé à cet égard le droit de la partie requérante à un procès équitable dans un délai raisonnable et, notamment, à ce qu’il soit statué sur le bien-fondé des accusations de violation du droit de la concurrence portées à son égard par la Commission et des amendes qui lui ont été infligées (arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, point 288 supra, point 207).

290    Ayant constaté qu’un tel délai avait, dans cette affaire, été dépassé par le Tribunal, la Cour a jugé, pour des raisons d’économie de procédure et afin de garantir un remède immédiat et effectif contre une telle irrégularité de procédure, qu’une annulation et une réformation de l’arrêt du Tribunal limitées à la seule question de la fixation du montant de l’amende permettaient en l’espèce l’octroi de la satisfaction équitable requise (arrêts Baustahlgewebe/Commission, point 53 supra, points 47, 48 et 141, et FIAMM e.a./Conseil et Commission, point 288 supra, point 208).

291    Il y a lieu de constater que cette solution est applicable, par analogie, en l’espèce.

292    En effet, il doit être rappelé que le Tribunal dispose en l’espèce d’une compétence de pleine juridiction, en vertu de l’article 31 du règlement no 1/2003, en application de l’article 261 TFUE, et que, par ailleurs, il est saisi de conclusions de la requérante en ce sens.

293    Or, ainsi qu’il a déjà été jugé, ladite compétence de pleine juridiction l’habilite à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, en tenant compte de toutes les circonstances de fait, afin de modifier, par exemple, le montant de l’amende infligée (arrêts Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 97 supra, point 692 ; Prym et Prym Consumer/Commission, point 112 supra, point 86, et JFE Engineering e.a./Commission, point 54 supra, point 577).

294    Ainsi, dans l’hypothèse où une violation du principe du délai raisonnable devrait être constatée en l’espèce, y compris, le cas échéant, en raison de la durée de la procédure juridictionnelle devant le Tribunal, ce dernier serait en mesure, par réformation de la décision attaquée, de condamner la requérante au paiement d’un montant dont une satisfaction équitable du fait de la durée excessive de la procédure pourrait, le cas échéant, être retranchée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, point 288 supra, point 210).

295    Un tel exercice de la compétence de pleine juridiction s’imposerait notamment pour des raisons d’économie de procédure et afin de garantir un remède immédiat et effectif contre une telle violation du principe du délai raisonnable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 53 supra, point 48).

296    Il s’ensuit que le Tribunal est en l’espèce compétent pour statuer sur la demande expresse de la requérante visant à la réduction du montant de l’amende au titre de la durée excessive de la procédure, y compris dans la mesure où elle concerne la durée de la procédure devant celui-ci (voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mme Kokott, sous l’arrêt Solvay/Commission, C‑109/10 P, point 280 supra, points 243 et 275, et sous l’arrêt Solvay/Commission, C‑110/10 P, point 280 supra, et points 86 et 118).

297    Par ailleurs, il y a lieu d’insister sur le fait que le présent moyen a pour objet la durée globale de la procédure concernant la requérante, à savoir la durée combinée des procédures administrative et juridictionnelle. Dans ces conditions, même si ledit moyen n’a été soulevé que lors de l’audience, il ne saurait être considéré comme irrecevable pour cause de tardiveté, y compris dans la mesure où il concerne la durée de la procédure administrative. En effet, la durée globale de la procédure constitue un élément de fait nouveau, justifiant, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production dudit moyen en cours d’instance.

298    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la durée de la procédure critiquée par la requérante est comprise entre le 29 juillet 2004, date de la première mesure d’instruction adressée à la requérante dans le cadre de l’enquête menée par la Commission, et le 8 novembre 2011, date de l’audience dans la présente affaire. Elle est donc d’environ sept ans et quatre mois.

299    Le caractère raisonnable de ce délai doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement de l’intéressé et de celui des autorités compétentes (arrêts Baustahlgewebe/Commission, point 53 supra, point 29, et FIAMM e.a./Conseil et Commission, point 288 supra, point 212).

300    Il y a lieu de relever que cette durée globale critiquée par la requérante se divise en deux phases clairement distinctes, à savoir la procédure administrative devant la Commission et la procédure juridictionnelle devant le Tribunal.

301    En premier lieu, s’agissant de la procédure administrative, force est de relever que la requérante n’a pas expliqué en quoi sa durée pourrait, en tant que telle, être considérée comme excessive.

302    En tout état de cause, ladite durée en ce qui concerne la requérante (environ un an et dix mois, entre le 29 juillet 2004 et la date d’adoption de la décision attaquée, le 31 mai 2006) ne peut pas, dans les circonstances de l’espèce, être considérée comme excessive. Il suffit de relever, à cet égard, qu’il s’agissait d’une enquête impliquant un nombre élevé d’entreprises et nécessitant l’examen d’un nombre important de questions de fait et de droit. Par ailleurs, la description de la procédure de la Commission aux considérants 79 à 93 de la décision attaquée ne permet pas de déceler des périodes d’inactivité injustifiée.

303    En second lieu, il convient d’examiner la durée de la procédure juridictionnelle, au regard des circonstances pertinentes de l’espèce (voir point 299 ci-dessus).

304    S’agissant de l’enjeu de l’affaire pour la requérante, force est de constater que celle-ci n’avance aucun argument à ce sujet.

305    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que la requérante ne conclut pas en l’espèce à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée, dans la mesure où il la tient pour responsable de l’infraction à l’article 81 CE. Ainsi, la requérante n’a pas demandé à ce qu’il soit statué sur le bien-fondé des accusations portées à son égard par la Commission et l’affaire ne porte donc pas sur l’existence ou non d’une infraction aux règles de concurrence (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Baustahlgewebe/Commission, point 53 supra, points 30 et 33, et Der Grüne Punkt — Duales System Deutschland/Commission, point 283 supra, point 186).

306    Ainsi, le seul enjeu que la présente affaire pourrait présenter pour la requérante concerne l’amende qui lui a été infligée en vertu de la décision attaquée. Or, il y a lieu d’insister sur le fait que la requérante n’a présenté aucun argument permettant d’apprécier l’importance de cet enjeu pour elle.

307    Par ailleurs, même si, dans ses conclusions, la requérante demande l’annulation de l’article 2, sous c), de la décision attaquée (voir point 36 ci-dessus), force est de constater que les moyens invoqués à l’appui du présent recours, même à les supposer tous fondés, n’auraient pas été susceptibles d’entraîner la suppression pure et simple de l’amende, mais seulement une réduction du montant de celle-ci.

308    Il n’est donc pas établi que la présente affaire présente un enjeu important pour la requérante.

309    S’agissant du comportement de la requérante, celui-ci n’a pas contribué de manière significative à la durée de la procédure.

310    S’agissant du comportement des autorités compétentes et de la complexité de l’affaire, il y a lieu de constater que la durée de la période comprise entre la date de la fin de la procédure écrite le 11 avril 2007 et la date d’ouverture de la procédure orale le 15 septembre 2011 (environ quatre ans et cinq mois), critiquée par la requérante, est considérable.

311    Cette durée s’explique, néanmoins, par les circonstances et la complexité de l’affaire.

312    Ainsi, il y a lieu de rappeler que la Commission a conclu, dans la décision attaquée, que quatorze sociétés, constituant cinq entreprises au sens du droit de la concurrence, avaient violé l’article 81 CE par un ensemble d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels dans le secteur des méthacrylates (voir points 1 à 4 ci-dessus). Le recours de la requérante constitue l’un des cinq recours contre la décision attaquée, lesquels ont été introduits en deux langues de procédure différentes.

313    Ces recours soulevaient un nombre important de questions de fait et de droit, nécessitant une instruction approfondie par le Tribunal, qui s’est notamment traduite par des mesures d’organisation de la procédure adoptées dans chacune de ces affaires, ainsi que par la réouverture de la procédure orale dans une d’entre elles.

314    Par ailleurs, la connexité, par l’objet, de ces recours a nécessité leur examen, en partie, parallèle. Pour autant, à l’exception d’une connexité plus proche entre deux de ces recours (affaires T‑206/06 et T‑217/06), chacun de ces recours soulevait des questions de fait et de droit différentes, de sorte que les effets de synergie ont été limités. Cinq arrêts ont donc été rendus par le Tribunal, le présent étant le dernier de ce groupe, les autres étant les arrêts du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission (T‑206/06, non publié au Recueil), Arkema France e.a./Commission, point 171 supra, du 15 septembre 2011, Lucite International et Lucite International UK/Commission (T‑216/06, non publié au Recueil), et du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission (T‑208/06, Rec. p. II‑7953).

315    En outre, il y a lieu de relever que l’instruction approfondie de l’affaire a notamment permis le prononcé du présent arrêt dans un délai relativement bref après la clôture de la procédure orale le 15 décembre 2011, et ce en présence des contraintes linguistiques qui s’imposent au Tribunal en vertu du règlement de procédure.

316    Ainsi, la durée de l’ensemble de la procédure juridictionnelle s’est élevée à cinq ans et neuf mois.

317    Or, en l’absence de tout argument de la requérante concernant l’enjeu que l’affaire présenterait pour elle, et compte tenu des considérations énoncées aux points 305 à 308 ci-dessus dont il ressort que l’affaire n’appelait pas, de par sa nature ou de par son importance pour la requérante, une célérité particulière, cette durée n’est pas de nature, dans les circonstances de l’espèce, à justifier la réduction du montant de l’amende sollicitée.

318    Ce constat s’impose, a fortiori, s’agissant de la durée globale de la procédure administrative et juridictionnelle faisant l’objet du présent moyen (voir points 297 et 298 ci-dessus), laquelle, prise globalement, ne peut pas être considérée comme excessivement longue, compte tenu des circonstances examinées ci-dessus.

319    Partant, le présent moyen doit être rejeté, ainsi que le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

320    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Imperial Chemical Industries Ltd est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juin 2012.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de l’insuffisance des éléments de preuve de la participation de la requérante à l’infraction en ce qui concerne les composants de moulage en PMMA

Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne le « montant de base » de l’amende

Sur le troisième moyen, tiré du manquement de la Commission à son obligation de répartir le « montant de base » entre la requérante et Lucite

Sur le quatrième moyen, tiré du caractère inapproprié de la majoration du montant de départ de l’amende au titre de l’effet dissuasif

Sur la première branche du moyen, tirée de la méconnaissance par la Commission de la capacité financière effective de la requérante

Sur la seconde branche du moyen, tirée de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement

Sur le cinquième moyen, tiré du refus injustifié d’accorder une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération avec la Commission

Sur la première branche du moyen, concernant le refus d’accorder une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération

– Sur l’appréciation erronée de la valeur ajoutée des éléments contenus dans la demande au titre de la communication sur la coopération

– Sur la responsabilité de la Commission dans le retard pris par la requérante pour fournir ses éléments par rapport aux autres entreprises concernées

Sur la seconde branche du moyen, concernant le refus de reconnaître le mérite de la coopération de la requérante en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération

Sur le sixième moyen, soulevé lors de l’audience au titre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal, tiré de la durée excessive de la procédure

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.