Language of document : ECLI:EU:C:2006:67

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. Geelhoed

présentées le 26 janvier 2006 (1)

Affaires jointes C-295/04, C-296/04, C-297/04 et C-298/04

Vincenzo Manfredi

contre

Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA

et

Antonio Cannito

contre

Fondiaria Sai Assicurazioni SpA

et

Nicolò Tricarico

Pasqualina Murgolo

contre

Assitalia Assicurazioni SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Giudice di pace di Bitonto (Italie)]

«Interprétation de l’article 81 CE – Pratiques concertées entre des compagnies d’assurances italiennes et des compagnies d’assurances étrangères établies en Italie concernant des contrats d’assurance responsabilité civile obligatoire relative aux sinistres causés par des véhicules automobiles, navires et cyclomoteurs – Échange d’informations en vue de pouvoir augmenter les primes d’assurance responsabilité civile dans une mesure qui n’est pas justifiée par les conditions du marché»





I –    Introduction

1.        Les présentes affaires concernent quatre demandes de décision préjudicielle dans lesquelles le Giudice di pace di Bitonto (Italie) pose cinq questions sur l’interprétation de l’article 81 CE. Ces questions ont été posées à l’occasion de recours introduits à l’encontre d’un certain nombre de compagnies d’assurances, en vue d’obtenir le remboursement des primes excessives qui ont été versées. Ces recours ont été déposés après que l’autorité italienne de contrôle de la concurrence eut constaté que les compagnies d’assurances avaient adopté des comportements concurrentiels prohibés.

2.        Les questions ont été soulevées dans des litiges opposant M. Vincenzo Manfredi et Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA (affaire C-295/04), M. Antonio Cannito et Fondiaria Sai Assicurazioni SpA (affaire C-296/04), et M. Nicolò Tricarico et Mme Pasqualina Murgolo et Assitalia Assicurazioni SpA (ci‑après «Assitalia») (respectivement affaires C-297/04 et C-298/04).

II – Droit national applicable

3.        L’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 287 du 10 octobre 1990 (2), la loi italienne relative aux règles de protection de la concurrence et du marché (ci-après la «loi sur la protection de la concurrence»), interdit les ententes entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de limiter ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché national ou sur une partie de celui-ci.

4.        En vertu du paragraphe 1 dudit article 2 sont considérés comme des ententes les accords et/ou pratiques concertées entre entreprises, ainsi que les décisions, même adoptées au titre de dispositions statutaires ou réglementaires, de consortiums, d’associations d’entreprises et d’autres organismes similaires.

5.        Selon l’article 2, paragraphe 3, de la loi n° 287/90, les ententes interdites sont nulles de plein droit.

6.        L’article 33, paragraphe 1, de cette même loi précise que les recours en nullité et en indemnité, ainsi que les recours visant à obtenir l’adoption de mesures d’urgence en ce qui concerne les violations des dispositions visées aux titres I à IV, dont l’article 2, sont intentées devant la Corte d’appello territorialement compétente.

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

7.        Le juge de renvoi décrit comme suit le contexte des litiges au principal.

8.        Par décisions des 8 septembre 1999, 10 novembre 1999 et 3 février 2000, l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (autorité italienne de contrôle de la concurrence, ci-après l’«AGCM») a ouvert une procédure d’infraction de l’article 2 de la loi n° 287/90 à l’égard de différentes compagnies d’assurances, dont les trois compagnies défenderesses au principal. Il leur est reproché d’avoir mis sur pied une entente interdite ayant pour objet la vente liée de différents produits et l’échange d’informations entre entreprises concurrentes. La présente procédure porte uniquement sur ce dernier aspect.

9.        L’AGCM a constaté que, contrairement à ce qui s’est passé dans le reste de l’Europe, les primes des assurances responsabilité civile (RC) auto ont connu une augmentation anormale et exceptionnelle en Italie durant la période allant de 1994 à 1999. La demande portant sur ces assurances n’est pas élastique parce qu’il s’agit d’une assurance obligatoire. Les assurés qui sont confrontés à une augmentation des primes n’ont d’autre choix que d’abandonner leur véhicule ou de payer les primes plus élevées.

10.      L’AGCM a encore observé que le marché des polices d’assurance RC auto présente d’importantes barrières à l’entrée, qui ont surtout été érigées en raison de la nécessité de mettre sur pied un réseau efficace de distribution et un réseau de centres affectés à la liquidation des indemnisations pour les sinistres dans l’ensemble du pays.

11.      Il ressort par ailleurs de la documentation détaillée récoltée par l’AGCM que de nombreuses compagnies d’assurances qui proposent des assurances RC auto ont échangé, dans une mesure considérable, des informations sur tous les aspects de cette activité, à savoir les prix, les ristournes, les encaissements, les coûts des sinistres et de la distribution, etc.

12.      L’enquête a finalement débouché sur la décision du 28 juillet 2003 (3). Dans cette décision, l’AGCM a constaté que les compagnies d’assurances concernées avaient conclu un accord interdit, contraire aux règles sur les ententes, sur l’échange d’informations relatives au secteur des assurances, qui leur permettait de coordonner et de fixer les primes de l’assurance RC auto et d’imposer de façon cohérente aux usagers des augmentations des primes qui n’étaient pas justifiées par les conditions du marché et auxquelles les consommateurs ne pouvaient pas se soustraire.

13.      La décision de l’AGCM a été attaquée par les compagnies d’assurances. Cette décision a toutefois été confirmée par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio et par le Consiglio di Stato.

14.      Les requérants au principal ont introduit des recours devant le Giudice di pace di Bitonto contre les compagnies d’assurances concernées en demandant le remboursement des majorations de primes qu’ils ont dû payer en raison de l’entente interdite constatée par l’AGCM. D’après la décision de renvoi, la période pour laquelle les remboursements sont demandés au titre des dommages subis s’étend de 1997 à 2001.

15.      Les pièces versées au dossier révèlent que les primes étaient en moyenne de 20 % supérieures à celles qui auraient été appliquées en l’absence d’accord entre les compagnies d’assurances.

16.      Les compagnies d’assurances ont fait valoir au cours de la procédure nationale que le Giudice di pace di Bitonto était incompétent en vertu de l’article 33 de la loi sur la protection de la concurrence et que droit à la restitution et/ou à l’indemnisation du préjudice était prescrit.

17.      Étant donné que des compagnies d’assurances d’autres États membres opéraient aussi en Italie et qu’elles ont participé à l’accord constaté par l’AGCM, le juge de renvoi estime que l’accord litigieux méconnaît aussi l’article 81 CE. Ce type d’accord est donc nul en vertu de l’article 81, paragraphe 2, CE.

18.      Le juge de renvoi considère que tout tiers, dont le consommateur et l’utilisateur final d’un service, est en droit d’invoquer la nullité d’une entente interdite en vertu de l’article 81, paragraphe 1, CE et de demander à être indemnisé s’il existe un lien de causalité entre le préjudice subi et l’accord interdit.

19.      Dans ce cas, une disposition comme l’article 33 de la loi 287/90 est réputée contraire au droit communautaire. En effet, une procédure devant la Corte d’appello est plus longue et plus onéreuse qu’une procédure devant le Giudice di pace, ce qui serait susceptible d’affecter l’efficacité de l’article 81 CE.

20.      Le juge de renvoi a aussi des doutes sur le point de savoir si les délais de prescription auxquels sont soumis les recours en indemnité et le montant des indemnités à verser, tels qu’ils sont fixés par le droit national, sont compatibles avec l’article 81 CE.

21.      Dans ces circonstances, le Giudice di pace di Bitonto a décidé de poser les questions suivantes:

–        «L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il déclare nulle une entente ou une pratique concertée entre compagnies d’assurances consistant en un échange réciproque d’informations susceptible de permettre une augmentation des primes des polices d’assurance RC auto, qui n’est pas justifiée par les conditions du marché, compte tenu notamment de la participation à l’accord ou à la pratique concertée d’entreprises appartenant à différents États membres?» (4).

–        «L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une règle nationale ayant une teneur analogue à celle de l’article 33 de la loi italienne n° 287/90, d’après lequel la demande d’indemnisation pour violation des dispositions communautaires et nationales relatives aux ententes anticoncurrentielles doit aussi être formée par les tiers devant un juge autre que celui ordinairement compétent pour les demandes de même valeur, entraînant ainsi une augmentation sensible des coûts et des délais de jugement?» (5).

–        «L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il permet aux tiers titulaires d’un intérêt juridiquement pertinent de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique prohibée par cette disposition communautaire et de demander l’indemnisation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre l’entente ou la pratique concertée et le préjudice?» (6).

–        «L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il faut considérer que le délai de prescription de la demande d’indemnisation fondée sur cet article court à compter du jour où l’entente ou la pratique concertée a été mise en œuvre ou à compter du jour où l’entente ou la pratique concertée a pris fin?» (7).

–        «L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens que le juge national, lorsqu’il s’aperçoit que l’indemnisation pouvant être liquidée en vertu du droit national est en toute hypothèse inférieure à l’avantage économique tiré par l’entreprise auteur du préjudice qui participe à l’entente ou à la pratique concertée prohibée, doit aussi liquider d’office au tiers préjudicié les dommages et intérêts ayant un caractère de sanction, qui sont nécessaires pour rendre le préjudice indemnisable supérieur à l’avantage obtenu par l’entreprise, en vue de décourager la mise en œuvre d’ententes ou de pratiques concertées interdites par l’article 81 CE?» (8).

22.      Assitalia, les gouvernements italien, allemand et autrichien ainsi que la Commission des Communautés européennes ont déposé des observations écrites. Une audience a eu lieu le 11 novembre 2005. Assitalia et la Commission ont exposé leur point de vue de façon plus détaillée à cette occasion.

IV – Appréciation

A –    Recevabilité

23.      Assitalia a déclaré que les demandes de décision préjudicielle n’étaient pas recevables. La Commission nourrissait aussi des doutes sur ce point initialement, mais elle a changé d’avis durant l’audience. La Commission a fait observer que la décision de renvoi contenait peu d’informations, mais pas au point d’empêcher les autres parties de se forger une opinion sur les questions posées. Je partage ce point de vue. Les informations contenues dans la décision de renvoi, complétées par celles qui ont été fournies par les parties au principal, suffisent pour donner une réponse utile au juge de renvoi.

24.      Je rappelle une nouvelle fois à cet égard la jurisprudence constante, d’après laquelle la Cour est en principe tenue de statuer dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire et qu’elle peut uniquement refuser de le faire lorsqu’il n’existe aucun rapport entre l’interprétation demandée et la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsqu’elle ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre (9).

25.      De plus, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur la question de savoir si et dans quelle mesure le juge de renvoi a méconnu le principe dispositif, comme le soutient Assitalia (10).

B –    Questions préliminaires

26.      Je ferai tout d’abord quelques observations avant d’examiner les questions sur le fond.

27.      Comme les éléments exposés ci-dessous le révéleront, il est possible de répondre à la plupart des questions en se fondant sur la jurisprudence existante. Les questions posées sont néanmoins importantes, ne serait-ce que parce qu’une importance sans cesse croissante est accordée à l’application des règles de concurrence par la sphère privée (entreprises et particuliers), et ce certainement depuis l’adoption du règlement (CE) n° 1/2003 (11).

28.      Très vite déjà après l’entrée en vigueur du traité CEE, la Cour a constaté que les interdictions des articles 81 CE et 82 CE avaient un effet direct et que le juge national devait donc protéger les droits que les justiciables peuvent tirer de ces dispositions.

29.      En dépit de cette jurisprudence, l’application des règles de concurrence par la sphère privée se trouve toujours à un stade embryonnaire en Europe, du moins est-il clair qu’il n’a pas la portée bien connue dans d’autres ordres juridiques, notamment aux États-Unis, où 90 % environ des procédures en matière d’ententes sont engagées par des particuliers. Dans l’Union européenne, l’accent est traditionnellement mis sur l’application des règles de concurrence par les pouvoirs publics, tant par la Commission que par les autorités nationales.

30.      Il est possible que le nouveau régime du règlement n° 1/2003 élargisse le champ et les possibilités de l’application des règles de concurrence par la sphère privée à côté de celles relevant de la sphère publique. La Commission plaide en tout cas avec véhémence en ce sens. Différentes notes d’orientation, communications et allocutions soulignent les avantages de cette application et/ou son caractère souhaitable (12). L’un des avantages évoqués à cet égard, outre la sanction de nullité résultant de l’article 81, paragraphe 2, CE, est que les juges nationaux peuvent octroyer une indemnisation. De plus, un juge se doit de statuer dans un litige dont il est saisi et il doit protéger les droits individuels des particuliers. Les organes chargés de l’application des règles de concurrence dans la sphère publique interviennent en revanche dans l’intérêt public et poursuivent souvent certaines priorités, de sorte que chaque plainte n’est pas traitée sur le fond. Les actions civiles peuvent par ailleurs avoir un effet dissuasif à l’égard des contrevenants (potentiels) à l’interdiction d’ententes et contribuer de la sorte à l’application de cette interdiction ainsi qu’au développement d’une culture de la concurrence parmi les acteurs du marché.

31.      L’initiative des actions relevant du droit privé doit en premier lieu provenir de ceux dont les intérêts sont protégés par les règles de concurrence. Les consommateurs font notamment partie de ces personnes, comme dans la présente affaire au principal. Outre par un certain nombre de dispositions secondaires fixées par le droit communautaire, les actions elles‑mêmes sont régies par les règles de droit judiciaire et privé nationales (13). L’arrêt Courage et Crehan (14) est sans doute à l’origine d’une impulsion permettant d’accroître l’effectivité des articles 81 CE et 82 CE par des voies de droit civil. L’amélioration de l’application des règles de concurrence par la sphère privée pourra cependant varier d’un État membre à l’autre en fonction de la culture judiciaire, des restrictions mises à la qualité pour agir, des règles relatives à la charge de la preuve, de la possibilité d’action de groupes, etc. L’efficacité de l’application des règles est à l’évidence déterminée notamment par la possibilité d’avoir accès au juge national. Cet intérêt intervient aussi dans la présente affaire.

C –    La première question préjudicielle (dans les affaires C-295/04 à C-298/04)

32.      La première question revient à déterminer si les présentes ententes entre compagnies d’assurances constituent aussi une violation de l’article 81 CE, en plus d’une infraction à l’article 2 de la loi 287/90.

33.      Comme chacun le sait, les règles nationales et européennes de concurrence peuvent s’appliquer parallèlement et il est établi que le droit national en la matière ne peut méconnaître les dispositions communautaires. L’article 2 de la loi 287/90 interdit les ententes qui restreignent la concurrence sur le marché italien ou une partie de celui-ci. L’article 81 CE comporte la même interdiction à condition que les échanges intracommunautaires soient affectés. Le critère déterminant permettant de savoir si les règles européennes de concurrence s’appliquent ou non est donc l’«affectation des échanges entre États membres».

34.      Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour qu’il suffit d’établir que l’entente est susceptible d’avoir un tel effet. Il n’est pas nécessaire de prouver que l’entente a aussi affecté réellement les échanges commerciaux (15). Il ressort également de la jurisprudence que la condition de l’affectation du commerce entre États membres est remplie si un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait permettent d’envisager, avec un degré de probabilité suffisant, qu’une entente peut exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres (16). Il faut cependant que cette affectation soit sensible (17).

35.      La seule circonstance qu’un accord entre entreprises concerne uniquement les opérateurs situés dans un seul État membre ne signifie pas qu’il ne serait pas susceptible d’influencer les échanges intracommunautaires (18). Au contraire, elle peut être un indice sérieux que cette influence existe réellement. La Cour a en effet rappelé, à plusieurs reprises, qu’une entente s’étendant à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité (19).

36.      Se fondant sur différents facteurs qui, pris séparément, ne doivent pas en soi être déterminants, le juge de renvoi doit donc vérifier si la condition de l’affectation du commerce entre États membres est remplie. C’est uniquement s’il s’avère que cette condition n’est pas respectée que les comportements reprochés sont seulement soumis aux règles italiennes de concurrence.

37.      Le juge national a souligné, dans sa décision de renvoi, qu’un certain nombre de compagnies d’assurances originaires d’autres États membres participaient à l’entente prohibée. Le simple fait que l’on retrouve aussi des opérateurs étrangers parmi les participants est un élément important dans l’appréciation à porter, mais il n’est pas encore déterminant en soi pour pouvoir dire que, ce faisant, la condition de l’affectation du commerce entre États membres est remplie.

38.      Il ressort des pièces du dossier, notamment de celles déposées par Assitalia, que la quasi-totalité, à savoir 87 %, des compagnies opérant en Italie ont participé à l’entente interdite. Cette circonstance, examinée à la lumière de la jurisprudence précitée, est un indice sérieux montrant qu’il peut y avoir incidence sur les échanges intracommunautaires, certainement en combinaison avec le fait que des entreprises non italiennes ont aussi participé aux accords.

D –    La deuxième question préjudicielle (dans l’affaire C-298/04)

39.      En posant sa deuxième question, le juge de renvoi souhaite savoir si le droit européen s’oppose à une disposition nationale telle que celle de l’article 33, paragraphe 2, de la loi 287/90. En vertu de cette disposition, un recours en indemnité lié à une violation des règles de concurrence devrait en effet être intenté devant un juge autre que celui qui serait normalement compétent. Cette procédure, qui déroge aux règles normales de compétence, durerait plus longtemps et impliquerait des coûts plus élevés d’après le juge de renvoi. Cela pourrait avoir pour conséquence que les tiers soient découragés d’introduire des recours en indemnité.

40.      La Commission, Assitalia et le gouvernement italien soulignent qu’il appartient à l’État membre de désigner les juges compétents et de fixer les règles de procédure, à condition que les principes d’équivalence et d’effectivité soient respectés.

41.      La Commission fait d’abord observer que la lecture du juge renvoi est fondée sur une interprétation erronée de l’article 33, paragraphe 2, de la loi 287/90. Cet article précise uniquement que la Corte d’appello territorialement compétente dispose d’une compétence exclusive en matière d’actions en nullité, de recours en indemnité et de mesures provisoires fondés sur une violation de la loi 287/90. Les actions introduites au titre d’une violation des règles communautaires de concurrence seraient régies par les règles normales de compétence. Assitalia partage aussi cette opinion.

42.      Ces deux parties font valoir, fût-ce avec des arguments divergents, que le principe d’équivalence n’est pas méconnu et que la situation des intéressés est en substance meilleure dans le cadre d’actions de droit privé fondées sur une violation de l’article 81 CE. La Commission se fonde sur la supposition que les procédures devant la Corte d’appello dureraient en effet plus longtemps et seraient plus onéreuses. Assitalia souligne que, dans le cadre d’une action fondée sur l’article 81 CE, les intéressés peuvent disposer de deux degrés de juridiction (20).

43.      À l’audience, Assitalia a invoqué l’arrêt rendu le 4 février 2005 par la Corte suprema di cassazione (21). Cet arrêt confirme pour l’essentiel la thèse de la Commission.

44.      Dans un arrêt antérieur (22), cette juridiction avait interprété l’article 33, paragraphe 2, de la loi 287/90 en ce sens que les particuliers/consommateurs n’avaient pas qualité pour introduire des recours en indemnité fondés sur cette disposition devant la Corte d’appello. D’après l’arrêt cité au point 43, cette conception a toutefois été revue.

45.      Dans son arrêt du 4 février 2005, la Corte suprema di cassazione a dit pour droit que non seulement les entreprises, mais aussi les consommateurs peuvent introduire des recours en indemnité fondés sur une violation de la loi 287/90 devant la Corte d’appello.

46.      Cela signifierait qu’un particulier souhaitant aujourd’hui introduire un recours en indemnité au titre d’un préjudice subi à la suite d’une violation de la loi 287/90 doit se tourner vers la Corte d’appello qui, en vertu du droit italien, est le juge compétent pour connaître de ce recours.

47.      Quoi qu’il en soit, cette règle spécifique de compétence s’applique uniquement aux recours en indemnité formés en raison d’une violation des règles italiennes sur la protection de la concurrence. S’agissant des recours en indemnité fondés sur une violation des articles 81 CE ou 82 CE, il est établi, à défaut de disposition contraire, que le juge qui serait compétent en vertu des règles normales de compétence peut être saisi de ce litige.

48.      Je fais observer en passant que, depuis l’entrée en vigueur du règlement n° 1/2003, lorsque des instances nationales et donc aussi la Corte d’appello appliquent les règles nationales de concurrence, elles doivent aussi appliquer l’article 81 CE, du moins si la condition de l’«affectation du commerce» est remplie. On peut en déduire que cette instance est aussi compétente dans l’hypothèse où une action est aussi fondée sur une violation de l’article 81 CE. En théorie, le justiciable aurait un certain choix selon qu’il fonde son action uniquement sur une violation des règles communautaires de concurrence (cas dans lequel le Giudice di pace ou le Tribunale est compétent) ou sur ces règles et les règles nationales (cas dans lequel c’est la Corte d’appello qui doit être saisie, compte tenu de sa compétence exclusive pour statuer sur des recours en indemnité fondés sur une violation des règles nationales de concurrence).

49.      Cette situation n’a cependant pas d’incidence sur la réponse à la question posée. D’après une jurisprudence constante, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire, étant entendu que les principes d’équivalence et d’effectivité doivent être respectés (23).

50.      Le principe d’équivalence implique que les règles applicables aux recours fondés sur le droit communautaire ne peuvent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne. Cela ne semble pas être le cas parce qu’un recours en indemnité peut être formé soit devant le Giudice di pace (cas dans lequel on peut même peut-être parler de mesure favorable), soit devant la Corte d’appello (24) (cas dans lequel un recours fondé sur le droit européen est traité de la même façon qu’un recours introduit en vertu du droit national).

51.      Dans l’hypothèse où le Giudice di pace est le juge compétent pour connaître de recours en indemnité liés à une violation des règles communautaires de concurrence, comme cela semble être le cas, la question de la durée et des coûts éventuels de la procédure et donc celle de la méconnaissance éventuelle du principe d’effectivité n’interviennent pas. Je fais observer à titre surabondant que la durée et les coûts doivent être disproportionnés pour que l’exercice des droits accordés par l’ordre juridique communautaire soit affecté.

E –    La troisième question (deuxième question dans les affaires C‑295/04 à C‑297/04 et troisième question dans l’affaire C-298/04)

52.      Cette question porte sur le point de savoir si un tiers titulaire d’un intérêt juridiquement pertinent peut invoquer la nullité d’une entente et demander l’indemnisation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre l’entente ou la pratique concertée et le préjudice.

53.      La réponse à cette question peut être déduite de la jurisprudence existante. Je fais, à cet égard, une distinction entre les conséquences en droit civil qui découlent directement du traité (l’aspect relatif à la nullité) et les autres conséquences en droit civil (comme l’aspect lié à l’indemnisation).

54.      À côté de l’application des règles de concurrence par la sphère publique, celle qui relève de la sphère privée joue un rôle tout aussi important, du moins le pourrait-elle, compte tenu des conséquences en droit civil de la violation des articles 81 CE et 82 CE. Le juge national doit jouer un rôle dans ce cas. La Cour a déjà dit pour droit, voici plus de 30 ans, que les interdictions contenues aux articles 81 CE et 82 CE (de l’époque) engendrent dans les relations entre particuliers et pour les justiciables des droits que le juge national est tenu de sauvegarder (25). L’intérêt lié au respect de l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE est par ailleurs souligné par le fait que, en vertu de cette disposition, les accords ou décisions prohibés sont nuls de plein droit en application de l’article 81, paragraphe 2, CE (26). La Cour l’a rappelé dans une série d’arrêts et l’a même expliqué plus en détail (27). Cette nullité est absolue et peut être invoquée par quiconque.

55.      Il est par conséquent évident que cette partie de la question peut recevoir une réponse affirmative. Assitalia a déclaré à l’audience que l’on est en présence en l’espèce d’une pratique concertée et non d’un accord ou d’une décision. L’aspect lié à la nullité serait donc dépourvu de pertinence. Il en va sans doute ainsi, mais l’intérêt de cette question réside surtout dans les conséquences en droit civil pour les tiers des comportements interdits en vertu de l’article 81 CE. La nullité est l’une de ces conséquences et le recours en indemnité en est une autre.

56.      Contrairement au cas de la nullité, le traité est moins explicite sur cette dernière conséquence. Il faudra donc en principe se reporter au droit national. Un certain nombre de conditions secondaires y sont cependant liées. On peut les déduire de l’arrêt Courage et Crehan. La Cour s’est prononcée dans cet arrêt sur la possibilité d’obtenir une indemnisation. Elle déclare tout d’abord que: «En ce qui concerne la possibilité de demander réparation du dommage causé par un contrat ou un comportement susceptibles de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, il y a lieu de rappeler tout d’abord que, ainsi qu’il découle d’une jurisprudence constante, il incombe aux juridictions nationales chargées d’appliquer, dans le cadre de leurs compétences, les dispositions du droit communautaire d’assurer le plein effet de ces normes et de protéger les droits qu’elles confèrent aux particuliers (voir, notamment, arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77, Rec. p. 629, point 16, et du 19 juin 1990, Factortame e.a., C‑213/89, Rec. p. I-2433, point 19)» (28).

57.      La Cour déclare par la suite que «la pleine efficacité de l’article 85 du traité et, en particulier, l’effet utile de l’interdiction énoncée à son paragraphe 1 seraient mis en cause si toute personne ne pouvait demander réparation du dommage que lui aurait causé un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence» et ajoute que «un tel droit renforce, en effet, le caractère opérationnel des règles communautaires de concurrence et est de nature à décourager les accords ou pratiques, souvent dissimulés, susceptibles de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Dans cette perspective, les actions en dommages-intérêts devant les juridictions nationales sont susceptibles de contribuer substantiellement au maintien d’une concurrence effective dans la Communauté» (29).

58.      Il s’ensuit que l’on peut aussi répondre par l’affirmative à cette partie de la question.

F –    La quatrième question (troisième question dans les affaires C‑295/04 à C‑297/04 et quatrième question dans l’affaire C-298/04)

59.      Les délais de prescription des recours en indemnité sont au centre de cette question: le délai de prescription commence-t-il à courir à compter du jour où l’entente ou la pratique concertée a été mise en œuvre ou à compter du jour où elle a pris fin?

60.      Il faut tout d’abord observer qu’il n’existe aucune règle communautaire en la matière. Les seuls délais qui sont prévus sont fixés dans les règlements n° 1/2003 et (CEE) n° 2988/74 (30), mais ils s’appliquent uniquement dans le cadre de l’application des règles de concurrence par la Commission. Ils n’ont aucune incidence pour les recours en indemnité de droit civil dont est saisi le juge national.

61.      Ainsi, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, la réponse, à l’instar de la question précédente, est qu’il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice, étant entendu que les principes d’équivalence et d’effectivité doivent être respectés. Cela implique par conséquent que les délais de prescription de recours en indemnité fondés sur une violation des règles communautaires de concurrence ne peuvent pas être moins favorables que ceux de recours similaires de droit national et qu’ils ne peuvent en aucun cas être tels qu’ils rendent en pratique impossible l’exercice des droits que le juge national doit sauvegarder.

G –    La cinquième question (quatrième question dans les affaires C‑295/04 à C‑297/04 et cinquième question dans l’affaire C-298/04)

62.      Cette question évoque la possibilité d’accorder des dommages et intérêts ayant un caractère de sanction.

63.      Il faut aussi répondre à cette question à la lumière des principes d’équivalence et d’effectivité. C’est à la lumière de l’effectivité de l’article 81, paragraphe 1, CE que la Cour a déclaré que quiconque doit pouvoir réclamer une indemnisation lorsqu’il subit un préjudice en raison d’un acte qui restreint la concurrence. L’aménagement de ce droit (le juge devant être saisi, les règles de procédure, etc.) relève de l’ordre juridique national, à condition que les deux conditions précitées soient remplies (31).

64.      L’application des règles de concurrence par la sphère publique et celle relevant de la sphère privée coexistent et sont réciproquement indépendantes. Elles visent en principe des objectifs différents, mais peuvent se compléter. Les amendes qui peuvent être infligées par la Commission (ou par les autorités nationales compétentes en matière de concurrence) pour des violations de l’interdiction des ententes sont, d’une part, une punition et, de l’autre, une composante d’une politique plus générale visant à orienter le comportement des entreprises (32). L’idée est que l’amende infligée doit avoir un effet dissuasif ou préventif suffisant. Lorsqu’elle inflige des amendes, la Commission peut aussi tenir compte, en plus d’autres facteurs (qui ont pour effet d’aggraver ou d’atténuer l’amende), du bénéfice tiré ou de l’avantage financier  (33), cette opération est en premier lieu au service d’intérêts de droit public et elle est indépendante des éventuels recours en indemnité de droit civil et/ou du caractère souhaitable ou de l’effectivité de l’application des règles de concurrence par la sphère privée.

65.      En plus ou indépendamment d’une amende, un éventuel recours en indemnité de droit privé peut évidemment accroître cet effet dissuasif. Ainsi, la loi fédérale antitrust américaine prévoit la possibilité de réclamer des «treble damages». Il ne fait aucun doute que, compte tenu de la possibilité de réclamer le triple du préjudice subi, le montant susceptible d’être obtenu par un recours en indemnité est énorme. L’effet dissuasif qui peut en résulter est l’objectif poursuivi par le législateur fédéral américain.

66.      Il n’existe pas de dispositions de ce type en droit communautaire (34).

67.      Il n’existe, dans la quasi-totalité des États membres, aucune réglementation spécifique relative aux recours en indemnité à la suite de comportements interdits par les règles de concurrence. Ce sont, dans ces cas, les règles normales de l’ordre juridique national qui s’appliquent. Même les États membres qui prévoient explicitement la possibilité de recours en indemnité dans leur législation en matière de concurrence se limitent en général à désigner un juge spécifiquement compétent pour en connaître. Quelques États membres seulement prévoient aussi la possibilité d’infliger des sanctions punitives ou exemplaires dans le cadre des recours en indemnité (35). La République italienne ne fait pas partie de ces pays.

68.      La thèse majoritaire suivie dans la plupart des États membres est que le recours en indemnité sert en premier lieu à compenser le désavantage découlant de l’entente prohibée et non à procurer un avantage économique au préjudicié. Comme le gouvernement allemand l’a fait observer, le droit communautaire ne s’y oppose d’ailleurs pas (36).

69.      Du point de vue du droit communautaire, la réparation du préjudice subi en raison d’une violation du droit communautaire doit être adéquate au préjudice subi. En l’absence de dispositions communautaires en ce domaine, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les critères permettant de déterminer l’étendue de la réparation, étant entendu qu’ils ne peuvent être moins favorables que ceux concernant des réclamations ou actions semblables fondées sur le droit interne et que, en aucun cas, ils ne sauraient être aménagés de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile la réparation (37).

70.      Je n’estime pas qu’il soit nécessaire d’accorder une réparation plus élevée que le préjudice subi pour assurer l’effet utile de l’article 81, paragraphe 1, CE. Il est vrai que si, en vertu du droit national de la concurrence, des formes particulières de réparation peuvent être accordées, les intéressés doivent pouvoir y recourir si leurs recours sont fondés sur une violation des règles communautaires de concurrence.

V –    Conclusion

71.      À la lumière des éléments qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles:

«–      L’article 81 CE doit être interprété en ce sens qu’un accord ou une pratique concertée est interdit en vertu de cette disposition si la concurrence est restreinte et si un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait permettent d’envisager qu’il peut exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres. La circonstance que les comportements qui sont à l’origine du litige au principal portent sur l’ensemble du territoire d’un État membre et que la très grande majorité des compagnies d’assurances opérant dans ce pays ont participé au comportement restreignant la concurrence, ainsi que le fait que des compagnies étrangères étaient impliquées sont un indice montrant que l’on peut parler d’incidence sur les échanges entre États membres.

–        L’article 81 CE doit être interprété en ce sens qu’il permet aux tiers titulaires d’un intérêt juridiquement pertinent de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique prohibée par cette disposition et de demander l’indemnisation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre l’entente ou la pratique concertée et le préjudice.

–        En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes, de prévoir les délais de prescription applicables aux recours en indemnité et de fixer les critères permettant de déterminer l’étendue de la réparation, étant entendu que ces règles ne peuvent être moins favorables que celles concernant des actions semblables fondées sur le droit interne et que, en aucun cas, elles ne sauraient être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits accordés par l’ordre juridique communautaire.»


1 – Langue originale: le néerlandais.


2 – GURI n° 240, du 13 octobre 1990, ci-après la «loi n° 287/90».


3 – Décision n° 8546/2000, qui peut être consultée à l’adresse suivante: www.agcm.it.


4 – Il s’agit de la première question dans les affaires C-295/04 à C-298/04.


5 – Il s’agit de la deuxième question dans l’affaire C-298/04.


6 – Il s’agit de la deuxième question dans les affaires C-295/04 à C-297/04 et de la troisième question dans l’affaire C-298/04.


7 – Il s’agit de la troisième question dans les affaires C-295/04 à C-297/04 et de la quatrième question dans l’affaire C-298/04.


8 – Il s’agit de la quatrième question dans les affaires C-295/04 à C-297/04 et de la cinquième question dans l’affaire C-298/04.


9 – Voir, notamment, arrêt du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C-344/04, non encore publié au Recueil, point 24 et la jurisprudences citée).


10 – Assitalia a déclaré que le juge de renvoi a posé, de sa propre initiative, la question de l’applicabilité de l’article 81 CE et que les requérants au principal se fondent sur l’avis de l’AGCM pour étayer leurs recours en indemnité. Cette décision comporterait uniquement une violation du droit national de la concurrence. Le juge de renvoi aurait agi en méconnaissant l’article 112 du code de procédure civil italien.


11 – Règlement du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1).


12 – Voir, par exemple, le projet de communication de la Commission relatif au traitement par la Commission des plaintes déposées au titre des articles 81 et 82 du traité CE (JO 2004, C 101, p. 65). On trouvera des exemples d’allocutions à l’adresse www.eu.int/comm/competition/speeches, comme celle de l’actuel commissaire à la concurrence, Mme Neelie Kroes, «Damages Actions for Breaches of EU Competition Rules: Realities and Potentials», allocution 05/613, et de son prédécesseur, M. Mario Monti, allocution 04/403.


13 – En vue d’obtenir davantage d’informations sur les diverses différences et possibilités existant dans les États membres et d’analyser les restrictions, la Commission a fait réaliser une étude. Cette étude a été menée par le bureau Ashurst et s’intitule «Study on the conditions of claims for damages in case of infringement of EC competition rules» du 31 août 2004. Le rapport Ashurst et les rapports des États membres se trouvent sur le site Internet de la Commission. Cette dernière a aussi annoncé qu’elle avait l’intention de publier un Livre vert. Juste avant la lecture des présentes conclusions, la Commission a placé ce Livre vert sur son site web sous le titre «Actions en dommage et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante» [com(2005)672 final], ainsi que le document de travail [SEC(2005)1732] des services de la Commission, qui en fait partie.


14 – Arrêt du 20 septembre 2001 (C-453/99, Rec. p. I‑6297).


15 – Voir arrêt du 1er février 1978, Miller/Commission (19/77, Rec. p. 131, point 15).


16 – Voir, notamment, arrêts du 9 juillet 1969, Völk (5/69, Rec. p. 295, point 5); du 10 juillet 1980, Lancôme et Cosparfrance (99/79, Rec. p. 2511, point 23), et du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission (42/84, Rec. p. 2545, point 22).


17 – Voir, notamment, arrêts du 28 avril 1998, Javico (C-306/96, Rec. p. I-1983, point 16), et du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner (C-475/99, Rec. p. I-8089, point 48).


18 – Arrêt du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission (246/86, Rec. p. 2117).


19 – Arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a. (C‑309/99, Rec. p. I-1577, point 95 et la jurisprudence citée).


20 – On peut éventuellement objecter à cet argument que cela peut en fin de compte allonger aussi la procédure.


21 – www.eius.it, cliquer sur jurisprudenza, 2005, n° 2207.


22 – Arrêt du 9 décembre 2002, n° 17475.


23 – Voir arrêts du 16 décembre 1976, Rewe (33/76, Rec. p. 1989, point 5), et Courage et Crehan, précité à la note 14, point 29 et la jurisprudence citée.


24 – On peut déduire de la législation et de la doctrine italiennes que la Corte d’appello est compétente à titre exclusif pour connaître des recours fondés sur les règles italiennes de concurrence. Ceux qui trouvent leur origine dans une violation de l’article 81 CE sont soumis aux règles normales de compétence. Comme cela ressort du point 48, la Corte d’appello doit aussi appliquer les règles communautaires de concurrence en vertu du règlement n° 1/2003 si toutes les conditions sont remplies. Une différenciation des actions ne semble pas souhaitable pour des raisons pratiques. Cela pourrait par ailleurs provoquer une insécurité juridique et des conflits de compétence.


25 – Arrêt du 30 janvier 1974, BRT (127/73, Rec. p. 51, point 17).


26 – Je renvoie, à cet égard, à l’arrêt du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, Rec. p. I‑3055, points 36 et 39).


27 – Voir, à titre d’illustration, arrêts du 30 juin 1966, Société technique minière (56/65, Rec. p. 337); du 25 novembre 1971, Béguelin (22/71, Rec. p. 949, point 29), et du 6 février 1973, Brasserie de Haecht (48/72, Rec. p. 77, point 26). Pour une décision plus récente, voir arrêt Courage et Crehan, précité à la note 14.


28 – Arrêt précité à la note 14, point 25.


29 – Arrêt précité à la note 14, respectivement points 26 et 27.


30 – Règlement du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1).


31 – Arrêt Courage et Crehan, précité à la note 14, point 29.


32 – Voir arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 105 et 106).


33 – Voir arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité à la note 32, point 129; voir aussi lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l’article 65 paragraphe 5 du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3).


34 – L’une des options visées dans le Livre vert est la possibilité de «doubler les dommages et intérêts» pour les ententes horizontales.


35 – D’après le rapport Ashurst, il s’agit du Royaume-Uni, de l’Irlande et la République de Chypre.


36 – Voir arrêt Courage et Crehan, précité à la note 14, point 30.


37 – Voir, par analogie, arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, Rec. p. I‑1029, point 90).