Language of document : ECLI:EU:C:2013:400

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 13 juin 2013 (1)

Affaire C‑170/12

Peter Pinckney

contre

KDG Mediatech AG

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (France)]

«Irrecevabilité – Absence de rapport entre les questions préjudicielles et la réalité ou l’objet du litige au principal – Compétence judiciaire en matière civile et commerciale – Règlement (CE) nº 44/2001 – Article 5, point 3 – Compétence spéciale en matière délictuelle ou quasi délictuelle – Critères pour déterminer le lieu du fait dommageable – Atteinte aux droits patrimoniaux d’un auteur – Directive 2001/29/CE – Articles 2 à 4 – Pressage de CD – Offre en ligne de CD – Mise en ligne de contenus sous forme dématérialisée»





I –    Introduction

1.        La Cour de cassation (France) a saisi la Cour de deux questions préjudicielles à l’occasion d’une action en responsabilité opposant M. Pinckney, résident français qui prétend être, entre autres, l’auteur d’œuvres musicales, à KDG Mediatech AG (ci‑après «Mediatech»), société établie en Autriche, fondée sur la contrefaçon alléguée desdites œuvres par cette dernière.

2.        La présente affaire aurait pu conduire la Cour à se prononcer sur les conditions auxquelles les juridictions d’un État membre sont compétentes ratione loci pour connaître d’un litige né d’une atteinte alléguée aux droits d’un auteur commise par l’intermédiaire d’Internet sur le fondement de l’article 5, point 3, du règlement (CE) nº 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (2).

3.        La juridiction de renvoi s’interroge en effet sur le critère de rattachement pertinent en présence d’une atteinte transfrontalière aux droits patrimoniaux d’un auteur résultant soit de la mise en ligne de contenus dématérialisés, soit de la vente en ligne d’un support matériel reproduisant lesdits contenus. La Cour de cassation justifie son renvoi préjudiciel par la différence qui existerait entre le litige dont elle est saisie et les hypothèses envisagées par la Cour dans les arrêts L’Oréal e.a. (3) ainsi que eDate Advertising et e.a. (4).

4.        Néanmoins, eu égard à la description des faits par le juge a quo, et en raison de la qualification du fondement juridique de l’action en responsabilité introduite par M. Pinckney à laquelle il me semble indispensable de procéder, les questions préjudicielles me paraissent être dénuées de pertinence pour la solution du litige au principal et, partant, devoir être déclarées irrecevables. Ce n’est donc qu’à titre subsidiaire que je présenterai quelques observations sur le fond de l’affaire.

II – Le cadre juridique

A –    Le règlement nº 44/2001 (5)

5.        Le considérant 12 du règlement nº 44/2001 énonce que «[l]e for du domicile du défendeur doit être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice».

6.        L’article 2, paragraphe 1, dudit règlement, qui appartient à la section 1 du chapitre II intitulée «Dispositions générales», prévoit que «[s]ous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.»

7.        L’article 5, point 3, de ce même règlement, qui fait partie de la section 2 du chapitre II intitulée «Compétences spéciales», prévoit qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre, «en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire» (6).

B –    La directive 2001/29/CE

8.        L’article 2 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (7), intitulé «Droit de reproduction», dispose, en substance, que les États membres prévoient, entre autres, pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie, de leurs œuvres.

9.        L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, intitulé «Droit de communication d’œuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d’autres objets protégés», dispose que «[l]es États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement». Le paragraphe 3 de cet article précise que «[l]es droits visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont pas épuisés par un acte de communication au public, ou de mise à la disposition du public, au sens du présent article».

10.      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la même directive, intitulé «Droit de distribution»: «[l]es États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l’original de leurs œuvres ou de copies de celles‑ci». En outre, le paragraphe 2 dudit article dispose que «[l]e droit de distribution dans la Communauté relatif à l’original ou à des copies d’une œuvre n’est épuisé qu’en cas de première vente ou premier autre transfert de propriété dans la Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement».

III – Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

11.      À la lumière de la demande de décision préjudicielle et des observations des parties, les faits et le litige au principal peuvent être résumés comme suit.

12.      M. Pinckney, qui réside à Toulouse (France), prétend être l’auteur, le compositeur et l’interprète de douze chansons enregistrées sur un disque vinyle dans les années 1970. Il a découvert que lesdites chansons ont été reproduites sans son autorisation sur des disques compacts (ci‑après «CD») pressés par Mediatech en Autriche, où cette dernière est domiciliée. Ces CD ont ensuite été commercialisés par deux sociétés britanniques sur différents sites Internet accessibles, notamment, depuis le domicile toulousain de M. Pinckney.

13.      M. Pinckney a assigné Mediatech devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins d’obtenir réparation du préjudice que celui‑ci estime avoir subi du fait d’une atteinte à ses droits d’auteur. Par une ordonnance du 14 février 2008, le juge de la mise en état dudit tribunal s’est estimé compétent pour connaître de cette demande, nonobstant l’exception d’incompétence territoriale soulevée par Mediatech.

14.      Mediatech ayant interjeté appel de ce jugement, la cour d’appel de Toulouse a écarté la compétence des juridictions françaises, aux motifs que le lieu du domicile du défendeur était l’Autriche et que le lieu de réalisation du dommage ne pouvait se situer en France.

15.      M. Pinckney a alors formé un pourvoi aux fins de cassation de cet arrêt en invoquant la violation de l’article 5, point 3, du règlement nº 44/2001. C’est dans ce contexte que, par une décision du 5 avril 2012, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 5, point 3, du règlement [nº 44/2001], doit‑il être interprété en ce sens qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet,

–        la personne qui s’estime lésée a la faculté d’introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été, à l’effet d’obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie,

ou

–        il faut, en outre, que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet État membre, ou bien qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé?

2)      La [première question] doit‑elle recevoir la même réponse lorsque l’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur résulte non pas de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé, mais, comme en l’espèce, de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant ce contenu?»

16.      La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 11 avril 2012. Des observations écrites ont été fournies par M. Pinckney, par les gouvernements français, grec, autrichien et polonais, ainsi que par la Commission européenne. Il n’a pas été tenu d’audience.

IV – Analyse

A –    Sur la recevabilité

17.      J’aborderai les deux motifs d’irrecevabilité pertinents en l’espèce en tenant compte, d’une part, du caractère exceptionnel des décisions d’irrecevabilité en matière de renvois préjudiciels, qui découle du principe fondamental de bonne coopération avec les juridictions nationales et, d’autre part, de la nécessité pour ces dernières de permettre à la Cour de se prononcer sur l’interprétation sollicitée des dispositions du droit de l’Union à la lumière et pour les besoins du litige au principal.

18.      En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que les questions préjudicielles posées par les juridictions nationales bénéficient d’une présomption de pertinence (8) et, à cet égard, que leur rejet «n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, ou encore lorsque le problème est de nature hypothétique ou que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées» (9). Or, tel me paraît être le cas dans la présente affaire.

1.      L’insuffisante description du contexte factuel de l’affaire

19.      Le premier motif d’irrecevabilité, qui n’a certes été soulevé par aucune des parties à la procédure, mais qui peut être relevé d’office (10), a trait à l’impossibilité pour la Cour de répondre aux questions posées compte tenu de l’insuffisante description du contexte factuel de l’affaire par la juridiction de renvoi. La présente demande de décision préjudicielle ne contient aucun élément concernant, notamment, la nature des relations existant entre la société autrichienne et les sociétés britanniques, les éventuelles actions parallèles de M. Pinckney contre lesdites sociétés, l’activité des sites en question, ou le procédé technique de mise en ligne des contenus protégés visé à la première question.

20.      Les lacunes de la décision de renvoi rendent plus difficile la tâche de la Cour consistant à apporter une réponse aussi utile que possible aux questions déférées, telle qu’éclairée par les faits de la cause. Néanmoins, il me semble que la Cour n’est pas dans l’impossibilité de procéder à l’interprétation qui lui est demandée de l’article 5, point 3, du règlement nº 44/2001, car elle dispose, ainsi que le requiert la jurisprudence, de suffisamment d’éléments pour déterminer la portée des questions posées (11), en l’occurrence, la définition du point de rattachement pertinent en présence d’une atteinte aux droits d’auteur. La demande de décision préjudicielle n’est donc pas irrecevable de ce chef.

2.      L’absence de pertinence des questions déférées pour la solution du litige au principal

21.      Le second motif d’irrecevabilité, qui a été soulevé par le gouvernement autrichien et par la Commission, concerne l’utilité de la réponse de la Cour pour la solution du litige au principal, eu égard à l’absence de rapport apparent entre les questions déférées et le litige dont est saisie la juridiction de renvoi.

22.      La Cour a itérativement jugé qu’il n’y a pas lieu de répondre aux questions préjudicielles lorsque l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a pas vocation à éclairer la solution du litige au principal, en particulier en ce que l’objet de ce contentieux est différent de l’objet des questions déférées (12).

23.      De ce point de vue, la particularité de cette affaire tient à ce que cet aspect de la recevabilité ne peut pas être envisagé directement mais suppose d’examiner au préalable le système de protection des droits d’auteur dans l’Union européenne. En effet, lorsqu’elle est saisie d’une action en contrefaçon de droits d’auteur sur le fondement de l’article 5, point 3, du règlement nº 44/2001, une juridiction nationale doit d’abord qualifier les activités alléguées au regard des notions autonomes contenues dans la directive 2001/29 (13), afin de localiser l’un des éléments de la responsabilité alléguée sur le territoire de l’État membre où elle siège pour, le cas échéant, confirmer sa compétence (14).

24.      C’est pourquoi, à l’instar de la Commission, je considère qu’il y a lieu d’envisager les différents droits exclusifs d’auteur pertinents dans cette affaire de manière distincte et ce, nonobstant le libellé général des questions préjudicielles, lesquelles font référence de manière indifférenciée aux «droits patrimoniaux d’auteur». Une fois cette qualification opérée, l’absence de rapport entre les questions déférées et le litige au principal apparaîtra plus clairement.

a)      La qualification des actes de contrefaçon allégués par rapport aux droits exclusifs d’auteur prévus par la directive 2001/29

25.      En premier lieu, il ne fait selon moi aucun doute que la copie alléguée sous forme de CD des œuvres concernées, prétendument commise par Mediatech, relève du droit exclusif de reproduction au sens de l’article 2 de la directive 2001/29. À ce titre, je précise que les atteintes au droit de reproduction revêtent en principe une dimension strictement territoriale. Dans la présente affaire, en ce qui concerne le pressage des CD, ce territoire est l’Autriche. Même si l’auteur de la reproduction non autorisée communiquait ou distribuait également les contenus en question à l’étranger, soit lui‑même, soit par l’intermédiaire d’un complice, l’extraterritorialité en résultant serait une conséquence des actes de communication ou de distribution ultérieurs, et non pas de l’acte de reproduction lui‑même.

26.      Pour ce qui est, en deuxième lieu, de l’offre en ligne desdits CD par les sociétés britanniques qui est alléguée, je suis d’avis qu’elle entre dans le champ d’application du droit exclusif de distribution prévu à l’article 4 de la directive 2001/29. En effet, une telle offre en ligne a pour objectif de transférer la propriété du support matériel d’un contenu protégé par un droit d’auteur (15). Cette qualification ne me semble pas devoir être différente selon que ladite offre a lieu dans un magasin ou sur Internet.

27.      La difficulté est donc surtout, en troisième lieu, de déterminer de quels droits exclusifs relève la mise en ligne de contenus protégés par le droit d’auteur sous forme dématérialisée, qui fait l’objet de la première question préjudicielle. À ce titre, le procédé technique en question, non identifié par la juridiction de renvoi, pourrait consister en une transmission en flux continu («streaming»), en un téléchargement de fichiers stockés sur un serveur central, ou en un partage de fichiers de pair à pair («peer to peer»).

28.      Il me semble que l’intention du législateur, exprimée au considérant 23 de la directive 2001/29, était que l’ensemble de ces procédés entre dans le champ d’application de la notion de «communication au public» au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, lequel vise en particulier «toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement» (16). En outre, dans l’arrêt ITV Broadcasting e.a. (17), la Cour a récemment jugé que la retransmission d’œuvres incluses dans une radiodiffusion télévisuelle terrestre effectuée par un organisme autre que le radiodiffuseur original au moyen d’un flux Internet mis à disposition des abonnés qui peuvent recevoir cette retransmission en se connectant au serveur de celui‑ci («live streaming») relève de la notion de «communication au public».

29.      La mise en ligne des chansons sous forme dématérialisée pourrait également, le cas échéant, relever du domaine du droit exclusif de reproduction au sens de l’article 2 de la directive 2001/29, qui vise la reproduction «provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit» (18). En particulier, la Cour a précisé que cette notion est susceptible de s’appliquer à la reproduction, fût‑elle temporaire et partielle, par la mise en mémoire informatique d’un extrait d’une œuvre protégée (19). Si la mise en ligne des chansons à laquelle fait référence la juridiction de renvoi devait constituer un acte de reproduction, il me semble qu’il serait localisé au lieu de la mise en ligne («upload») (20).

30.      Il s’ensuit que les trois droits d’auteur exclusifs transversaux consacrés par la directive 2001/29 sont pertinents dans l’affaire au principal, de sorte que le fondement des actions contre chacun des contrefacteurs présumés est distinct et que la localisation des actes susceptibles de leur être imputés varie en fonction du droit concerné.

b)      Les conséquences sur la pertinence des questions préjudicielles

31.      Le gouvernement autrichien conteste la recevabilité de l’ensemble de la demande de décision préjudicielle sur le fondement de l’absence de rapport entre les questions déférées et le litige au principal, tandis que la Commission semble en faveur d’une recevabilité partielle, puisqu’elle distingue la question de l’atteinte au droit de reproduction de M. Pinckney, qu’il y aurait lieu d’examiner, de celle de l’atteinte à son droit de distribution, qui serait irrecevable.

32.      Concernant l’atteinte alléguée au droit de reproduction dont se prévaut M. Pinckney, j’ai déjà expliqué que les actes d’offre en ligne de CD ou de mise en ligne de contenus sous forme dématérialisée, qui font seuls l’objet des questions déférées à la Cour, relèvent respectivement du droit de distribution et du droit de communication (21). Par conséquent, je considère qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’examen, non demandé par la juridiction de renvoi, des critères de définition du lieu du fait dommageable au titre de l’atteinte au droit de reproduction, quand bien même ce dernier semble être le seul droit exclusif que Mediatech aurait pu enfreindre.

33.      Concernant l’atteinte alléguée aux droits de distribution et de communication, je considère, compte tenu des éléments dont dispose la Cour, que nous sommes en présence d’une affaire dans laquelle l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

34.      En effet, la première question préjudicielle part de l’hypothèse qu’un contenu dématérialisé a été mis en ligne, ainsi que le souligne le gouvernement autrichien. Or, il ressort tant de l’exposé sommaire du contexte factuel figurant dans la demande de décision préjudicielle que d’une lecture a contrario du libellé de la seconde question (22) que ce cas de figure ne correspond pas aux faits ayant donné lieu au litige dont est saisi le juge de renvoi. Selon une jurisprudence maintes fois réitérée, il n’y a donc pas lieu de répondre à cette première question (23).

35.      La réponse que la Cour pourrait apporter à la seconde question préjudicielle ne serait pas non plus utile à la juridiction de renvoi, dès lors que cette dernière est saisie non pas d’une action relative à la distribution en ligne de CD à partir d’un site Internet, mais d’une action relative à la reproduction d’œuvres résultant du pressage de CD en Autriche.

36.      En effet, il n’est pas contesté que l’offre en ligne des CD qui fait l’objet de la seconde question préjudicielle a eu lieu à l’initiative de sociétés britanniques, qui ne sont pas parties au litige au principal (24). En réalité, le dossier dont dispose la Cour ne comporte aucun élément permettant de déterminer si et dans quelle mesure l’unique défendeur au principal, Mediatech, aurait directement ou indirectement participé à ces actes de distribution ou de communication par Internet.

37.      À cet égard, je remarque que la réponse que la Cour pourrait apporter aux questions déférées ne serait utile à la juridiction de renvoi que si l’article 5, point 3, du règlement nº 44/2001 permettait d’attraire le responsable présumé d’un acte allégué de contrefaçon devant une juridiction siégeant dans un État membre dans lequel il n’est pas domicilié au motif qu’un autre acte allégué de contrefaçon commis par un tiers non défendeur à l’action aurait produit son effet dommageable dans cet État membre et que l’acte du défendeur aurait été une condition de possibilité des actes subséquents dudit tiers.

38.      Or, la Cour a récemment jugé qu’une telle compétence, fondée sur l’acte illicite présumé d’un tiers non défendeur, ne saurait être établie au lieu du fait générateur commis par ce tiers pour connaître d’une action dirigée contre un auteur présumé qui n’y a pas lui‑même agi (25). Une telle compétence dérivée ne me semble pas davantage exister au lieu de matérialisation d’un dommage résultant des actes allégués de tiers non défendeurs dans une configuration telle que celle en cause au principal, puisque la localisation du dommage résultant d’une atteinte au droit de reproduction de M. Pinckney me semble différente de celle du dommage résultant d’une atteinte à ses droits de distribution ou de communication.

39.      Dès lors que la question de la définition du lieu du fait dommageable au sens de l’article 5, point 3, du règlement nº 44/2001 en cas de diffusion transfrontalière par le biais d’Internet de supports matériels ou de contenus immatériels reproduisant les œuvres protégées ne serait pertinente que dans le cadre d’une action à l’encontre des auteurs présumés desdits actes, les deux questions préjudicielles ne répondent pas, selon moi, à un besoin objectif pour la solution du litige au principal (26).

40.      Par conséquent, je propose à la Cour de déclarer que la demande de décision préjudicielle présentée par la Cour de cassation est irrecevable.

B –    Propos subsidiaires sur le fond

41.      Comme je propose à la Cour de rejeter la demande de décision préjudicielle en tant qu’elle est intégralement irrecevable, ce n’est qu’à titre subsidiaire que j’examinerai la définition du «lieu où le fait dommageable s’est produit» pour les besoins de l’article 5, point 3, du règlement nº 44/2001.

42.      À cet égard, j’observe que, depuis l’introduction de sa demande par la juridiction de renvoi, la Cour a eu l’occasion de se prononcer sur des questions similaires à celles qui font l’objet de la présente procédure dans d’autres domaines de la propriété intellectuelle, à savoir le droit des marques (27) et, incidemment, le droit sui generis sur les bases de données (28). Si les lignes directrices de la jurisprudence en cette matière se dégagent sans doute plus clairement aujourd’hui, les précisions qui pourraient être données par la Cour concernant la localisation d’une violation de droits d’auteur par Internet aux fins de déterminer la compétence judiciaire n’en demeurent pas moins attendues (29).

43.      Compte tenu de certaines observations contradictoires soumises à la Cour (30), il me semble utile de rappeler la portée du principe de territorialité qui caractérise cette matière avant d’en tirer des conséquences concrètes concernant la compétence judiciaire en cas d’atteinte transfrontalière complexe aux droits d’un auteur impliquant Internet, comme dans les hypothèses visées par la juridiction de renvoi.

1.      Sur la portée du principe de territorialité du droit d’auteur

44.      Le principe de territorialité du droit d’auteur est la clef de voûte de l’articulation entre les 27 régimes nationaux différents qui ont vocation à protéger parallèlement une même œuvre dans l’Union (31).

45.      Ce principe, qui innerve tout le droit de la propriété intellectuelle, se décline sous la triple dimension de la compétence judiciaire, de la loi applicable et du droit matériel. Ainsi qu’il ressort de l’arrêt Football Dataco e.a., précité, il existe en cette matière un lien étroit entre chacun de ces aspects (32).

46.      Concernant la compétence judiciaire, je considère comme point de départ que le principe de territorialité implique que les tribunaux d’un État membre ne peuvent connaître des infractions aux droits d’auteur que si et dans la mesure où le territoire sur lequel siège leur juridiction est concerné. Ce lien entre territoire et compétence judiciaire est cependant susceptible d’être rompu lorsque ladite juridiction est investie d’une compétence pour l’intégralité de l’affaire, indépendamment de la localisation des éléments du litige, par exemple lorsque sa compétence est fondée sur l’article 2 du règlement nº 44/2001 (33).

47.      S’agissant du conflit de lois, l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 864/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) (34), consacre l’application exclusive et indérogeable de la «loi du pays pour lequel la protection est revendiquée» à une obligation non contractuelle résultant d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle qui n’a pas une nature «communautaire à caractère unitaire» (35). Cette règle, qui repose sur un rattachement subjectif laissant, dans un premier temps, le choix de la loi applicable au demandeur, signifie que celui qui prétend que l’un de ses droits d’auteur a été lésé doit se placer sous la protection d’une législation nationale, car il n’existe pas de droit d’auteur en dehors d’une telle législation (36). À cet égard, ladite règle de conflit constitue moins une conséquence du principe de territorialité que l’une des manifestations de son existence.

48.      C’est donc sur le plan du droit matériel que l’idée de territorialité déploie tout son effet. Sous cet angle, elle signifie que la protection d’une œuvre par le droit d’auteur est dépendante d’une législation nationale, tant du point de vue de la reconnaissance de celui‑ci, qui est subordonnée au respect des conditions prévues par la législation en question, que du point de vue de son étendue, qui est limitée au territoire concerné (37). En d’autres termes, le droit d’auteur est soumis, pour son existence comme pour ses effets, aux frontières d’un ordre juridique (38). C’est à ce stade du raisonnement que doit être déterminé le champ d’application territorial de la protection prévue par le droit d’auteur de l’État membre dont la protection est revendiquée (39).

49.      Il me paraît incontestable que le système de protection de la propriété intellectuelle, et du droit d’auteur en particulier, demeure, en l’état actuel du droit de l’Union (40), fondamentalement dominé par ce principe de territorialité. Toutefois, la jurisprudence récente de la Cour a atténué certains effets négatifs de la territorialité du droit d’auteur afin de l’adapter à la réalité quotidienne de la diffusion transfrontalière d’œuvres protégées, et ce concernant aussi bien les critères de compétence judiciaire (41) que les conditions d’existence d’une atteinte à différents droits de propriété intellectuelle au plan matériel (42).

50.      Par conséquent, à défaut d’intervention législative en ce sens (43), je suis d’avis que les atteintes aux droits d’auteur qui ont la particularité d’avoir été commises par l’intermédiaire d’Internet impliquent non pas une révolution de l’approche classiquement territoriale de cette catégorie de droits, mais plutôt une nouvelle définition de la manière dont le lien entre un comportement virtuel et un territoire donné se manifeste (44).

2.      Sur les juridictions compétentes pour connaître d’une atteinte alléguée à différents droits exclusifs d’auteur par l’intermédiaire d’Internet

a)      Sur le cadre de l’analyse

51.      Il résulte d’une lecture combinée des articles 2 et 5, point 3, du règlement nº 44/2001 qu’en matière d’actions engagées sur le fondement de la responsabilité délictuelle, le demandeur dispose d’une option lui permettant de saisir soit la juridiction de l’État dans le ressort duquel est situé le domicile du défendeur, soit les juridictions dans le ressort desquelles est situé «le lieu où le fait dommageable s’est produit» ou «risque de se produire».

52.      Selon une jurisprudence constante, le second chef de compétence se subdivise en deux branches, à savoir, d’une part, «le lieu de la matérialisation du dommage» et, d’autre part, «le lieu de l’évènement causal qui est à l’origine du dommage, de sorte que le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant le tribunal de l’un ou l’autre de ces deux lieux» (45). Il convient d’envisager successivement l’un et l’autre de ces points de rattachement dans la configuration en cause au principal.

b)      Sur la localisation d’une atteinte au droit de reproduction

53.      J’ai indiqué précédemment que la violation du droit de reproduction d’un auteur ne revêt en principe aucun caractère transfrontalier, car le lieu du fait générateur et celui de la réalisation du dommage sont identiques. En effet, le préjudice résultant de l’atteinte à un droit de reproduction est entièrement réalisé du seul fait de l’accomplissement de l’acte de reproduction et survient donc dans le même lieu que ce dernier (46).

54.      Il s’ensuit que seules les juridictions autrichiennes ou britanniques sont en principe compétentes pour connaître des conséquences juridiques respectivement du pressage des CD en Autriche, ou de la mise en ligne hypothétique des chansons au Royaume‑Uni, moyennant l’enregistrement d’une copie sur un serveur hôte connecté à Internet (47), et des dommages qui leur sont consécutifs.

c)      Sur la localisation d’une atteinte aux droits de distribution ou de communication

55.      Au contraire, la violation des droits de distribution et de communication est susceptible d’introduire un élément d’extranéité aboutissant à une dislocation des différents éléments de la responsabilité alléguée et, par conséquent, à une disjonction des différents points de rattachement aux fins d’application de l’article 5, point 3, du règlement nº 44/2001. En effet, le préjudice résultant d’atteintes aux droits de distribution ou de communication suppose un destinataire ou un public potentiels, susceptibles de se trouver dans un lieu différent dudit acte.

56.      Or, en présence d’une atteinte transfrontalière aux droits d’auteur par le biais d’Internet, la détermination du «lieu du fait dommageable» ne me semble pas devoir obéir à des principes fondamentalement différents selon qu’est en cause la violation de l’un ou l’autre de ces droits (48). À l’instar des parties à la procédure devant la Cour, j’estime donc qu’il y aurait lieu, si elles étaient recevables, d’apporter une réponse identique aux deux questions déférées.

i)      Le lieu de l’évènement causal

57.      En ce qui concerne le lieu de l’évènement causal, qui confère compétence à la juridiction saisie pour l’ensemble du dommage subi (49), je considère qu’il convient d’adopter en matière de droits d’auteur la même approche que celle retenue par la Cour dans l’arrêt Wintersteiger, précité, dans le domaine du droit des marques (50), consistant à attribuer compétence aux juridictions du lieu d’établissement des contrefacteurs présumés en tant que lieu où l’offre en ligne des CD – pour l’acte de distribution – ou bien la mise en ligne des chansons («upload») – pour l’acte de communication – a été décidée.

58.      Dans un cas comme dans l’autre, ce critère conduit, dans la présente affaire, à désigner les juridictions britanniques du lieu d’établissement des sociétés en question, et ne présente donc qu’un intérêt limité pour le demandeur par rapport à la règle de compétence générale issue de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001.

ii)    Le lieu de matérialisation du dommage

59.      Compte tenu de l’ubiquité de la diffusion d’œuvres musicales contrefaites par le biais d’Internet, c’est à propos de la localisation du lieu de matérialisation du dommage résultant d’actes de communication ou de distribution en ligne que se manifeste l’essentiel des difficultés. À cet égard, la multiplicité des interprétations proposées à la Cour dans le cadre de la présente procédure (51) reflète les solutions divergentes retenues par les juridictions des États membres (52) et les nombreuses propositions doctrinales faites en la matière (53).

60.      Il me semble cependant que les principes de résolution de ces difficultés se dégagent dorénavant assez nettement des développements récents de la jurisprudence de la Cour.

61.      S’agissant du droit matériel, la Cour s’est prononcée à plusieurs reprises sur les critères de localisation de la violation de différents droits de propriété intellectuelle par le biais d’Internet aux fins de délimiter le champ territorial du droit dont la protection était demandée en fonction de la réalité du lien existant entre l’atteinte alléguée aux droits de propriété intellectuelle et le territoire en question. Dans ces arrêts, la Cour a systématiquement privilégié un critère tiré de la direction de l’activité du site en question vers le public de l’Union ou d’un État membre, respectivement (54). Elle a récemment précisé la teneur de ce critère en indiquant que l’activité du site devait révéler «l’intention de son auteur de cibler les personnes situées sur ce territoire» (55). J’observe que cette condition de ciblage s’applique indépendamment du support matériel ou immatériel de la violation alléguée (56).

62.      S’agissant de la compétence judiciaire, la Cour n’a pas encore été amenée à statuer directement sur les critères de localisation du lieu de matérialisation du dommage aux fins de désigner la juridiction compétente en cas de violation alléguée d’un droit de propriété intellectuelle non soumis à enregistrement par le biais d’Internet (57). Or, il va de soi que les solutions retenues par la Cour au plan du droit substantiel ne sauraient être transposées automatiquement aux règles de détermination de la compétence judiciaire.

63.      Néanmoins, de telles solutions pourraient utilement inspirer l’interprétation de l’article 5, point 3, du règlement nº 44/2001, dès lors qu’il y a un intérêt particulier à le faire. Or, il me semble ressortir de l’arrêt Football Dataco e.a., précité, une recherche de cohérence dans la jurisprudence de la Cour, qui se traduit par l’alignement des critères de localisation aux fins de désigner la juridiction compétente sur ceux définis aux fins de délimiter le champ territorial d’un régime national de protection du droit sui generis sur les bases de données. En effet, interrogée sur la localisation d’un acte d’envoi de données, indépendamment, selon l’avocat général Cruz Villalón, de la question de la compétence juridictionnelle, la Cour, après avoir rappelé les dispositions pertinentes du règlement nº 44/2001, a considéré que «la question de la localisation des actes d’envoi en cause au principal, dont Football Dataco e.a. prétendent qu’ils ont porté préjudice à l’investissement substantiel consacré à la constitution de la base de données Football live, est susceptible d’influer sur celle de la compétence de la juridiction de renvoi» (58).

64.      En l’occurrence, s’agissant d’une atteinte alléguée à certains droits exclusifs d’auteur par l’intermédiaire d’Internet, il me semble que l’approche de la localisation développée par la Cour au plan substantiel dans les arrêts susmentionnés pourrait également être suivie pour déterminer le lieu de matérialisation du dommage aux fins d’application de l’article 5, point 3, du règlement nº 44/2001. Cette analyse me paraît en effet confortée par la nature propre du préjudice résultant d’une atteinte aux droits de distribution et de communication au sens de la directive 2001/29. Celui‑ci s’analysant en un manque à gagner au titre de la diffusion non autorisée des œuvres, il me semblerait approprié de privilégier un for qui serait désigné à l’issue d’une analyse de la direction de l’activité vers un public donné par le site Internet en question, approche qualifiée par la doctrine de «théorie de la focalisation» (59). Le for ainsi désigné ne disposerait que d’une compétence limitée aux dommages survenus sur le territoire (60) intentionnellement ciblé par l’auteur présumé de la violation (61).

65.      Aussi, je propose à la Cour de confirmer cette orientation et de l’étendre aux droits d’auteur, ayant déjà souligné qu’il résulte du principe de territorialité un lien particulier entre l’étendue du champ d’application territorial de la législation nationale applicable et celle de la compétence judiciaire, bien que ces deux aspects demeurent distincts et irréductibles l’un à l’autre (62).

66.      Pour la mise en œuvre d’un tel rattachement, la Cour pourrait s’inspirer des critères non limitatifs dégagés dans l’arrêt Pammer et Hotel Alpenhof (63), étant précisé que lesdits critères me semblent devoir être appliqués par les juridictions nationales avec une certaine souplesse, tenant compte, notamment, de la nature de l’activité en cause.

67.      Une autre précision s’impose quant à la nécessité d’adapter la portée du chef de compétence issu de l’article 5, point 3, du règlement nº 44/2001 aux dommages subis par l’intermédiaire d’Internet. En principe, les règles de compétence énoncées à l’article 5 de ce règlement conduisent à désigner un tribunal précis, spécialement compétent, et non l’ensemble des juridictions d’un État membre (64). Cependant, dès lors que le point de rattachement retenu est la direction de l’activité du site Internet, je considère qu’il convient d’interpréter l’article 5, point 3, dudit règlement en ce sens qu’il attribue compétence à chacune des juridictions de l’État membre dont le public est ciblé (65), à condition que celles‑ci disposent, en vertu des règles de procédure nationales, d’une compétence ratione materiae pour le contentieux relatif aux droits d’auteur. Au demeurant, une telle compétence ne saurait exister que sous réserve de règles nationales particulières réservant le contentieux relatif aux dommages plurilocalisés à certains tribunaux, par exemple ceux de la capitale nationale.

68.      Je précise que le critère de l’accessibilité, qui consiste à considérer qu’un dommage potentiel survient dans tous les lieux depuis lesquels le site en question peut être consulté, me semble devoir être écarté. En effet, un tel point de rattachement encouragerait le forum shopping, à rebours de la jurisprudence de la Cour, qui a constamment tenté d’endiguer ce risque dans son interprétation du règlement nº 44/2001. J’observe d’ailleurs que le critère du lieu où la protection est demandée, mis en avant par M. Pinckney, aboutirait à la même dispersion du litige que celui de l’accessibilité, compte tenu du caractère automatique de la protection du droit d’auteur dans l’ordre juridique de l’ensemble des États membres. Je suis opposé à une telle multiplication des fors compétents pour des raisons tenant tant au principe de territorialité qu’aux objectifs de prévisibilité et de bonne administration de la justice dudit règlement (66).

69.      M. Pinckney propose une alternative consistant à étendre le critère du lieu du centre des intérêts de la victime issu de l’arrêt eDate Advertising et Martinez, précité, aux atteintes aux droits patrimoniaux d’auteur commises sur Internet, ce qui permettrait une concentration de la résolution du litige en attribuant compétence aux juridictions de ce lieu pour l’intégralité du dommage. Il me semble que ce choix contribuerait à généraliser la compétence du forum actoris. Une telle interprétation risquerait de priver d’effet utile l’article 2 du règlement nº 44/2001, et de dénaturer l’intention du législateur exprimée dans l’exigence d’un lien étroit entre le litige et le for spécial de l’article 5, point 3, de ce règlement.

70.      En effet, le préjudice immatériel potentiel résultant d’une atteinte à la réputation ou à la vie privée d’un individu est, en règle générale, plus intense au lieu où celui‑ci dispose du centre de ses intérêts, élément qui rejaillit naturellement sur les règles de compétence. Au contraire, «cette appréciation […] ne saurait valoir également pour la détermination de la compétence judiciaire en ce qui concerne les atteintes aux droits de la propriété intellectuelle» (67). En effet, le préjudice matériel résultant de l’atteinte à l’un des droits d’auteur exclusifs susmentionnés n’entretient pas de lien nécessaire avec la localisation du centre des intérêts de l’auteur, mais plutôt avec celle de son public (68).

71.      Par conséquent, à titre subsidiaire, si la Cour devait déclarer la demande de décision préjudicielle recevable, je propose de répondre de manière conjointe aux questions préjudicielles que l’article 5, point 3, du règlement nº 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’en cas de litige relatif à une atteinte alléguée au droit exclusif de distribution par l’offre en ligne de supports matériels reproduisant un contenu protégé par le droit d’auteur ou au droit exclusif de communication par la mise en ligne de contenus dématérialisés, la personne qui s’estime lésée peut saisir soit le tribunal du lieu d’établissement des personnes ayant procédé à l’offre en ligne des disques compacts (CD) ou à la mise en ligne des contenus en vue de demander la réparation de son entier dommage, soit les juridictions de l’État membre vers lequel le site en question dirige son activité en vue de demander la réparation du dommage subi sur ce territoire.

V –    Conclusion

72.      Par conséquent, je propose à la Cour de déclarer que la demande de décision préjudicielle présentée par la Cour de cassation est irrecevable.

73.      À titre subsidiaire, si la Cour devait déclarer la demande de décision préjudicielle recevable, je propose de répondre de manière conjointe aux questions préjudicielles posées par la Cour de cassation de la manière suivante:

L’article 5, point 3, du règlement (CE) nº 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’en cas de litige relatif à une atteinte alléguée au droit exclusif de distribution par l’offre en ligne de supports matériels reproduisant un contenu protégé par le droit d’auteur ou au droit exclusif de communication par la mise en ligne de contenus dématérialisés, la personne qui s’estime lésée peut saisir soit le tribunal du lieu d’établissement des personnes ayant procédé à l’offre en ligne des disques compacts (CD) ou à la mise en ligne des contenus en vue de demander la réparation de son entier dommage, soit les juridictions de l’État membre vers lequel le site en question dirige son activité en vue de demander la réparation du dommage subi sur ce territoire.


1 – Langue originale: le français.


2 – JO 2001, L 12, p. 1.


3 – Arrêt du 12 juillet 2011 (C‑324/09, Rec. p. I‑6011).


4 – Arrêt du 25 octobre 2011 (C‑509/09 et C‑161/10, Rec. p. I‑10269).


5 – J’observe qu’aucun changement substantiel n’a été apporté aux dispositions pertinentes à l’occasion de la révision du règlement nº 44/2001 par le règlement (UE) nº 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 351, p. 1).


6 – La jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 5, point 3, de la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968 (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention, vaut également pour l’interprétation des dispositions équivalentes du règlement nº 44/2001, ainsi que l’a rappelé la Cour dans l’arrêt du 25 octobre 2012, Folien Fischer et Fofitec (C‑133/11, points 31 et 32).


7 – JO L 167, p. 10. Compte tenu du libellé des questions préjudicielles, qui ne font référence qu’aux droits d’auteur, les dispositions relatives aux droits voisins n’ont pas été reproduites, et ce bien que M. Pinckney soit susceptible de bénéficier de la protection prévue par certaines d’entre elles en sa qualité alléguée d’interprète des œuvres musicales.


8 – Voir, notamment, arrêt du 15 septembre 2011, Unió de Pagesos de Catalunya (C‑197/10, Rec. p. I‑8495, point 17 et jurisprudence citée).


9 – Voir, notamment, arrêt du 24 avril 2012, Kamberaj (C‑571/10, point 42 et jurisprudence citée).


10 – Dès lors qu’il incombe à la Cour, comme à toute juridiction, de vérifier sa propre compétence, arrêt du 9 décembre 2010, Fluxys (C‑241/09, Rec. p. I‑12773, point 31 et jurisprudence citée).


11 – Voir, notamment, arrêt du 17 juillet 2008, Raccanelli (C‑94/07, Rec. p. I‑5939, point 29).


12 – Voir, notamment, arrêt du 9 novembre 2010, Volker und Markus Schecke et Eifert (C‑92/09 et C‑93/09, Rec. p. I‑11063, points 40 à 42 et jurisprudence citée).


13 – Voir, notamment, arrêt du 21 juin 2012, Donner (C‑5/11, point 25).


14 – Voir, en ce sens, Fawcett, J., et Torremans, P., Intellectual Property and Private International Law, Oxford University Press, 2011, p. 561, nº 10.86, et p. 564, nº 10.95.


15 – Cette qualification est confortée par le considérant 29 de la directive 2001/29, qui oppose les services en ligne aux supports physiques, lui‑même fondé sur la «Déclaration commune concernant les articles 6 et 7» du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT) adopté à Genève, le 20 décembre 1996, approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 2000/278/CE du Conseil, du 16 mars 2000 (JO L 89, p. 6).


16 – Au contraire, le raisonnement de la Cour dans l’arrêt du 3 juillet 2012, UsedSoft (C‑128/11), ne me semble pas transposable à la présente affaire. Dans cet arrêt, la Cour a considéré qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre le téléchargement de la copie d’un programme d’ordinateur à partir d’un site Internet et sa livraison sur CD‑ROM, l’un et l’autre de ces procédés relevant de la notion de «distribution» au sens de l’article 4 de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur (JO L 111, p. 16). Cependant, la Cour avait insisté sur la spécificité de cette solution dans le contexte de cette directive, lex specialis par rapport à la directive 2001/29 qui est pertinente dans la présente affaire (points 51, 56 et 60 dudit arrêt).


17 – Arrêt du 7 mars 2013 (C‑607/11).


18 – Selon l’article 9, paragraphe 3, de la convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, signée à Berne le 9 septembre 1886, dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979 (ci-après la «convention de Berne»), «tout enregistrement sonore ou visuel est considéré comme une reproduction». Toutefois, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29 exempte les actes de reproduction provisoires «qui sont transitoires ou accessoires et constituent une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique», «qui n’ont pas de signification économique indépendante», sous une condition tenant à leur finalité, qui doit être «une transmission dans un réseau entre tiers par un intermédiaire» ou «une utilisation licite».


19 – Arrêt du 16 juillet 2009, Infopaq International (C‑5/08, Rec. p. I‑6569, point 51).


20 – Voir, en ce sens, Magnus, U., et Mankowski, P., European Commentaries on Private International Law, Brussels I Regulation, 2e éd., Sellier, Munich, 2012, nº 226, p. 250. Internet permet la circulation des contenus au‑delà des frontières, mais l’acte de transfert des fichiers lui‑même peut être localisé. Dans l’hypothèse visée par la juridiction de renvoi, l’acte de reproduction est de nature «technique», en ce sens qu’il n’existe qu’au service d’un autre acte, en l’occurrence un acte de communication susceptible d’être couvert par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29.


21 – Si la mise en ligne de contenus dématérialisés est en théorie susceptible de nécessiter la production d’une copie digitale et de relever également du droit de reproduction, dans la mesure où cette reproduction n’est pas couverte par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29, ainsi que je l’ai expliqué au point 29 des présentes conclusions, je n’examinerai pas cet aspect plus avant, compte tenu de son caractère purement hypothétique par rapport aux questions déférées.


22 – Laquelle oppose la mise en ligne d’un contenu dématérialisé au cas, «comme en l’espèce, de l’offre en ligne d’un support matériel» (souligné par mes soins).


23 – Voir notamment, arrêts du 15 juin 2006, Acereda Herrera (C‑466/04, Rec. p. I‑5341, point 51), et du 2 avril 2009, Elshani (C‑459/07, Rec. p. I‑2759, point 44).


24 – J’ajoute qu’il ressort du pourvoi de M. Pinckney annexé à la demande de décision préjudicielle que ce dernier ne s’est pas prévalu devant les juridictions françaises de la complicité de la société autrichienne dans les activités des sociétés britanniques.


25 – Arrêt du 16 mai 2013, Melzer (C‑228/11).


26 – Selon la formule de la Cour dans l’arrêt du 17 mai 1994, Corsica Ferries (C‑18/93, Rec. p. I‑1783, point 14 et jurisprudence citée). Voir notamment, par analogie, arrêts Volker und Markus Schecke et Eifert, précité (points 41 et 42); du 16 octobre 2008, Kirtruna et Vigano (C‑313/07, Rec. p. I‑7907, points 30 et 31), ainsi que du 1er octobre 2009, Woningstichting Sint Servatius (C‑567/07, Rec. p. I‑9021, points 45 et 46).


27 – Arrêt du 19 avril 2012, Wintersteiger (C‑523/10).


28 – Au sens du chapitre III de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données (JO L 77, p. 20), dans l’arrêt du 18 octobre 2012, Football Dataco e.a. (C‑173/11).


29 – Voir, illustrant la multiplicité des interprétations de la jurisprudence de la Cour, Ancel, M.‑E., «Quel juge en matière de contrefaçon?», dans Nourissat, C., et Treppoz, É. (éd.), Droit international privé et propriété intellectuelle, Lamy, 2010, p. 173; Treppoz, É., «Droit européen de la propriété intellectuelle», RTDE 47 (4), octobre-décembre 2011, p. 847; Azzi, T., commentaire de l’arrêt Cass. Civ. 1ère, 12 juillet 2012, nº 11‑15.165, Journal du droit international (Clunet), nº 1, janvier 2013, 2, nos 22 et suiv.


30 – Le gouvernement polonais fait référence au caractère universel de la protection du droit d’auteur dans l’Union, tandis que M. Pinckney et la Commission soulignent que le principe de territorialité domine cette matière.


31 – Et ce, malgré l’harmonisation de certains de ses aspects par les sept directives de portée sectorielle ou générale adoptées dans l’Union en cette matière depuis 1991. Voir, à ce sujet, le point 3 des conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Amazon.com International Sales e.a. (C‑521/11), pendante devant la Cour.


32 – Dans cet arrêt, la Cour, saisie d’une question relative à la localisation d’un acte de «réutilisation» au sens de l’article 7 de la directive 96/9, a estimé nécessaire de raisonner conjointement sur les plans matériel et du droit international privé.


33 – Selon moi, une telle compétence générale existe bien en matière de propriété intellectuelle, ainsi que le suggère le point 30 de l’arrêt Wintersteiger, précité, selon lequel «la limitation territoriale de la protection d’une marque nationale n’est pas de nature à exclure la compétence internationale des juridictions autres que celles de l’État membre dans lequel ladite marque est enregistrée».


34 – JO L 199, p. 40.


35 – Cette solution, «universellement consacrée» d’après le considérant 26 dudit règlement, est conforme à celle prévue à l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Berne.


36 – Huber, P., et Illmer, M., Rome II Regulation, Sellier, Munich, 2011, article 8, paragraphes 29 à 31 et 34, p. 241.


37 – Voir notamment, en matière de droits d’auteur, arrêt du 14 juillet 2005, Lagardère Active Broadcast (C‑192/04, Rec. p. I‑7199, point 46). Il convient d’ajouter qu’il existe des régimes régionaux de droits de propriété intellectuelle, tels que les marques communautaire et du Benelux.


38 – Étant précisé qu’il résulte de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Berne que les œuvres et les auteurs étrangers jouissent de la même protection que les nationaux.


39 – Voir, par analogie, arrêt Football Dataco e.a., précité (point 28).


40 – La Commission étudie actuellement la faisabilité d’une révision du droit d’auteur de l’Union s’agissant, notamment, de la territorialité [COM(2012) 789 final].


41 – Arrêts précités Wintersteiger ainsi que Football Dataco e.a..


42 – Voir, concernant une atteinte au droit exclusif de distribution dans le cadre d’opérations de vente à distance transfrontalières, arrêt Donner, précité, ainsi que, concernant l’atteinte en ligne à des marques nationales et communautaires, arrêt L’Oréal e.a., précité.


43 – Voir, en matière de radiodiffusion par câble et satellite, laquelle pose en principe les mêmes difficultés de localisation qu’Internet, le point de rattachement unique adopté par le législateur communautaire afin de centraliser la loi applicable, le contrôle et l’exercice des droits d’auteur y afférents dans un État [article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble (JO L 248, p. 15)].


44 – Ainsi, en matière d’atteinte aux droits de la personnalité, la Cour a adapté les critères dégagés dans l’arrêt du 7 mars 1995, Shevill e.a. (C‑68/93, Rec. p. I‑415), aux spécificités de la diffusion par Internet dans l’arrêt eDate Advertising et Martinez, précité.


45 – Cette option est acquise depuis l’arrêt du 30 novembre 1976, Bier (21/76, Rec. p. 1735, point 19), et a été reprise maintes fois, notamment, dans l’arrêt Folien Fischer et Fofitec, précité (points 39 et 40).


46 – Étant rappelé qu’il résulte des arrêts du 19 septembre 1995, Marinari (C‑364/93, Rec. p. I‑2719, point 15), et du 10 juin 2004, Kronhofer (C‑168/02, Rec. p. I‑6009, point 20), que le lieu du «centre du patrimoine de la victime», dans lequel sont in fine ressenties les conséquences de tout préjudice économique, ne constitue pas le lieu de matérialisation du dommage.


47 – À supposer que le procédé technique employé suppose bien une reproduction.


48 – Fawcett, J., et Torremans, P., op. cit., p. 575, nº 10.157.


49 – Ceci résulte du point 25 de l’arrêt Shevill e.a., précité, et a été confirmé dans l’arrêt Wintersteiger, précité, malgré le principe de territorialité en matière d’atteinte au droit des marques (point 30).


50 – Point 37 dudit arrêt.


51 – Les parties à la procédure devant la Cour ont presque toutes proposé un point de rattachement différent, M. Pinckney ayant à lui seul suggéré trois définitions alternatives de celui‑ci.


52 – Voir notamment, en faveur d’une compétence à raison de la seule accessibilité du site Internet par l’intermédiaire duquel il est porté atteinte au droit d’auteur, en Suède, la décision du Svea hovrätt du 4 février 2008 (RH 2008:4); contra, en Allemagne, la décision du Oberlandesgericht Köln (30.10.2007, GRUR‑RR 2008, 71) exigeant une direction intentionnelle de l’activité du site Internet, Pour une présentation des solutions retenues aux États‑Unis, voir Hörnle, J., «The jurisdictional challenge of the Internet», dans Edwards, L., Law and the Internet, Hart Publishing, Oxford, 2009, p. 143.


53 – Le droit international privé relatif à la propriété intellectuelle, et au droit d’auteur en particulier, suscite un grand intérêt doctrinal depuis une quinzaine d’années, lequel s’est concrétisé par l’élaboration de méthodes différentes de résolution du conflit de juridictions. Voir notamment, sur les chefs de compétence alternatifs au domicile du défendeur, les principes CLIP du groupe européen de l’Institut Max Planck sur le conflit de lois en matière de propriété intellectuelle (articles 2:202 et 2:203) ainsi que les principes sur la compétence internationale, le droit applicable et les jugements dans les causes civiles transnationales en matière de propriété intellectuelle adoptés par l’American Law Institute (ALI) (article 204), évoqués, notamment, par Metzger, A., «Jurisdiction in Cases Concerning Intellectual Property Infringements on the Internet», dans Leible, S., et Ohly, A., Intellectual Property and Private International Law, Mohr Siebeck, Tübingen, 2009, p. 251.


54 – Voir, concernant des marques nationales et communautaires, arrêt L’Oréal e.a., précité (point 65); concernant une atteinte alléguée au droit exclusif de distribution d’un auteur, arrêt Donner, précité (point 27), ainsi que, à propos de la violation du droit sui generis sur une base de données, arrêt Football Dataco e.a., précité (point 39).


55 – Arrêt Football Dataco e.a., précité (point 39).


56 – Dès lors que l’arrêt Donner, précité, avait trait à des opérations de ventes transfrontalières de mobilier, tandis que les arrêts précités L’Oréal e.a. ainsi que Football Dataco e.a. concernaient des activités en ligne.


57 – Pour des raisons évidentes tenant au caractère automatique de la protection du droit d’auteur, le critère du lieu d’enregistrement comme lieu de matérialisation du dommage dégagé par la Cour pour les atteintes aux marques nationales par l’intermédiaire d’Internet dans l’arrêt Wintersteiger, précité, ne saurait être appliqué aux violations de droits d’auteur.


58 – Point 2 des conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Football Dataco e.a., précité, ainsi que point 30 dudit arrêt.


59 – Sur laquelle, voir, également, points 49 à 55 des conclusions que j’ai présentées dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juin 2011, Stichting de Thuiskopie (C‑462/09, Rec. p. I‑5331).


60 – L’étendue de la compétence des juridictions du lieu de matérialisation du dommage est limitée aux dommages survenus sur le territoire de l’État membre en question (arrêt Shevill e.a., précité, points 28 et 30).


61 – Critère défini au point 39 de l’arrêt Football Dataco e.a., précité.


62 – Pour des analyses doctrinales soulignant l’intérêt d’une approche conjointe de ces aspects, voir, notamment, Gaudemet‑Tallon, H., «Droit international privé de la contrefaçon: aspects actuels», Recueil Dalloz, 2008, p. 725, paragraphe 8; Vivant, M., Lamy Droit du Numérique, Lamy, 2012, nº 2383, et Azzi, T., op. cit., paragraphe 24.


63 – Arrêt du 7 décembre 2010 (C‑585/08 et C‑144/09, Rec. p. I‑12527, points 78 à 89). Critères tels qu’appliqués, notamment, aux points 40 à 43 de l’arrêt Football Dataco e.a., précité.


64 – À l’exception de l’article 5, point 6, de ce règlement. Voir, en ce sens, point 34 de mes conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Melzer, précité.


65 – Par hypothèse, la direction de l’activité du site a plus fréquemment lieu vers le public d’un État que vers celui du ressort d’une juridiction en particulier.


66 – Voir, pour une critique d’un tel rattachement, Lopez‑Tarruella, A., «The International Dimension of Google Activities: Private International Law and the Need of Legal Certainty», Google and the Law, Springer, La Haye, 2012, p. 329.


67 – Arrêt Wintersteiger, précité (point 24).


68 – Voir, également, point 20 des conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Wintersteiger, précité.