Language of document : ECLI:EU:C:2012:109

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

1er mars 2012 (*)

«Manquement d’État – Aides d’État – Fonds de réserve exonéré d’impôts – Incompatibilité avec le marché commun – Récupération – Inexécution»

Dans l’affaire C‑354/10,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, introduit le 13 juillet 2010,

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou et B. Stromsky, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par MM. P. Mylonopoulos et K. Boskovits, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. U. Lõhmus, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 décembre 2011,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’adoptant pas, dans le délai prescrit, toutes les mesures nécessaires en vue de la récupération, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2008/723/CE de la Commission, du 18 juillet 2007, relative à l’aide d’État C 37/05 (ex NN 11/04) accordée par la Grèce – Fonds de réserve exonéré d’impôts (JO 2008, L 244, p. 11), des aides jugées illégales et incompatibles avec le marché commun, à l’exception de celles visées aux articles 1er, paragraphe 2, ainsi que 2 et 3 de cette décision, et, en tout état de cause, en omettant d’informer suffisamment la Commission des mesures adoptées conformément à l’article 1er de ladite décision, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 à 6 de cette même décision et du traité FUE.

 Le cadre juridique

 Le règlement de procédure de la Cour

2        Aux termes de l’article 29, paragraphe 2, sous a), du règlement de procédure de la Cour:

«La langue de procédure est choisie par le requérant, sous réserve des dispositions ci-après:

a)      si le défendeur est un État membre ou une personne physique ou morale ressortissant d’un État membre, la langue de procédure est la langue officielle de cet État;

[...]»

3        L’article 29, paragraphe 3, de ce règlement dispose:

«La langue de procédure est notamment employée dans les mémoires et plaidoiries des parties, y compris les pièces et documents annexés, ainsi que les procès-verbaux et décisions de la Cour.

Toute pièce et tout document produits ou annexés et rédigés dans une langue autre que la langue de procédure sont accompagnés d’une traduction dans la langue de procédure.

Toutefois, dans le cas de pièces et documents volumineux, des traductions en extrait peuvent être présentées. À tout moment, la Cour peut exiger une traduction plus complète ou intégrale, soit d’office, soit à la demande d’une des parties.»

 Le règlement (CE) n° 659/1999

4        Le treizième considérant du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), est libellé comme suit:

«considérant que, en cas d’aide illégale incompatible avec le marché commun, une concurrence effective doit être rétablie; que, à cette fin, il importe que l’aide, intérêts compris, soit récupérée sans délai; qu’il convient que cette récupération se déroule conformément aux procédures du droit national; que l’application de ces procédures ne doit pas faire obstacle au rétablissement d’une concurrence effective en empêchant l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission; que, afin d’atteindre cet objectif, les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’effet utile de la décision de la Commission.»

5        L’article 14, paragraphe 3, de ce règlement prévoit:

«Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice [de l’Union européenne] prise en application de l’article [278 TFUE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit [de l’Union].»

6        Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, dudit règlement:

«Si l’État membre concerné ne se conforme pas à une décision conditionnelle ou négative, en particulier dans le cas visé à l’article 14, la Commission peut saisir directement la Cour de justice conformément à l’article [108], paragraphe 2, [TFUE].»

 Les antécédents du litige

 La décision 2008/723

7        Il ressort de la décision 2008/723 que l’article 2 de la loi 3220/2004, du 15 janvier 2004, portant sur les mesures de développement et de politique sociale – Objectivité des contrôles fiscaux et autres dispositions (FEK A’ 15/28.1.2004, ci-après la «loi 3220/2004»), entrée en vigueur le 28 janvier 2004, date de sa publication au Journal officiel de la République hellénique, visait à promouvoir le développement économique dans toutes les régions de la Grèce, à augmenter l’emploi, à encourager l’entrepreneuriat et à améliorer la compétitivité de l’économie.

8        À cette fin, cette loi prévoyait l’octroi d’une aide sous la forme d’un fonds de réserve spécial exonéré d’impôts, créé et financé par l’entreprise bénéficiaire jusqu’à 35 % de ses bénéfices cumulés non distribués au cours de l’année 2004. L’aide était accordée à partir du moment où la déclaration de revenus du bénéficiaire était acceptée par l’autorité fiscale nationale, ce qui fut généralement le cas au cours du premier semestre des années 2004 et 2005. La réserve était destinée à réaliser, durant les trois ans suivant la création dudit fonds, des investissements à concurrence d’un montant au moins égal à celui atteint par le fonds de réserve spécial.

9        À la fin de la période de trois ans à compter de la création de ce fonds, le montant total de la réserve utilisé pour les investissements éligibles devait servir à augmenter le capital de l’entreprise et était exonéré de l’impôt sur le revenu. Au cours de la première année de la période de trois ans, les bénéficiaires devaient dépenser au moins un tiers du fonds de réserve pour la réalisation de l’investissement. Étant donné que le taux d’imposition applicable, rapporté à la première année, était de 35 %, l’intensité maximale de l’aide, compte tenu du taux d’intérêt de référence pour la Grèce, était, respectivement, de 37,05 % ou de 36,89 % pour les années 2004 et 2005. Pour la partie du fonds qui n’aurait pas été investie au cours de la période de trois ans, l’entreprise devait déposer une déclaration de revenus complémentaire et était taxée conformément aux dispositions fiscales générales.

10      La législation hellénique avait également précisé les secteurs et l’objet des projets d’investissement pouvant bénéficier du régime.

11      Dans sa décision 2008/723, la Commission, après qu’elle eut constaté, aux points 50 à 79 des motifs de celle-ci, que cette mesure remplissait les conditions pour être considérée comme une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (devenu article 107, paragraphe 1, TFUE) et qu’elle n’avait pas été notifiée à la Commission en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE (devenu article 108, paragraphe 3, TFUE), a examiné, aux points 80 à 156 des motifs de cette décision, la compatibilité de ladite mesure avec l’article 87, paragraphe 3, CE (devenu article 107, paragraphe 3, TFUE) au regard, notamment, des dispositions des règlements (CE) n° 68/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles [107 TFUE et 108 TFUE] aux aides à la formation (JO L 10, p. 20), et (CE) n° 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles [107 TFUE et 108 TFUE] aux aides d’État en faveur des petites et moyennes entreprises (JO L 10, p. 33), lesquels ont été adoptés sur la base de l’article 1er du règlement (CE) n° 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles [107 TFUE et 108 TFUE] à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO L 142, p. 1). Par ailleurs, la Commission a également vérifié l’application des règlements (CE) n° 69/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles [107 TFUE et 108 TFUE] aux aides de minimis (JO L 10, p. 30), et (CE) n° 1860/2004 de la Commission, du 6 octobre 2004, concernant l’application des articles [107 TFUE et 108 TFUE] aux aides de minimis dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche (JO L 325, p. 4), adoptés sur la base de l’article 2 du règlement n° 994/98.

12      Aux points 157, 158 et 160 des motifs de la décision 2008/723, la Commission a exposé ce qui suit, en ce qui concerne l’obligation de récupération:

«(157)      Conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement [...] n° 659/1999, en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire.

(158)      Seules les aides incompatibles peuvent être récupérées. La compatibilité doit être établie au niveau du projet faisant l’objet de l’aide. Il faut en outre établir dans quelle mesure l’aide était compatible, le cas échéant, sur la base de règles communautaires sur les aides d’État ou de régimes d’aides existant au moment de l’octroi de l’aide, conformément aux règles en vigueur au moment de son octroi.

[...]

(160)      Seules les aides accordées au titre des règlements de minimis [...] n° 69/2001 et [...] n° 1860/2004, de certaines dispositions du règlement sur les aides aux [petites et moyennes entreprises] et du règlement sur les aides à la formation, et de certaines dispositions des lignes directrices dans le secteur de l’agriculture pourraient éventuellement être considérées comme remplissant toutes les conditions essentielles au moment où l’aide a été octroyée.»

13      Aux articles 1er à 6 de la décision 2008/723, la Commission a dès lors conclu ce qui suit:

«Article premier

1.      Le régime d’aides d’État mis en œuvre par la Grèce au titre de l’article 2 de la loi [...] 3220/2004 est incompatible avec le marché commun.

2.      Dans le secteur agricole, les aides octroyées pour la transplantation de bâtiments agricoles ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE], dans les cas où la transplantation résulte d’une expropriation qui, conformément à la législation de l’État membre concerné, donne lieu à un droit à indemnisation. Les aides en question sont compatibles avec le marché commun dans les autres cas de transplantation d’installations.

Article 2

Les aides individuelles accordées au titre du régime visé à l’article 1er, paragraphe 1, de la présente décision ne constituent pas une aide si, au moment de leur octroi, elles remplissaient les conditions fixées par un règlement adopté en vertu de l’article 2 du règlement [...] n° 994/98 [...] et qui était applicable au moment de l’octroi de l’aide.

Article 3

Les aides individuelles accordées au titre du régime visé à l’article 1er, paragraphe 1, de la présente décision qui, au moment de leur octroi, remplissaient les conditions fixées par un règlement adopté en vertu de l’article 1er du règlement [...] n° 994/98 ou par tout autre régime d’aides approuvé sont compatibles avec le marché commun jusqu’à concurrence de l’intensité d’aide maximale appliquée pour ce genre d’aides.

Article 4

1.      La Grèce devra récupérer auprès des bénéficiaires les aides incompatibles qui ont été octroyées au titre du régime visé à l’article 1er, paragraphe 1, de la présente décision.

2.      Les montants des aides à récupérer seront majorés d’intérêts courant de la date à laquelle les aides ont été mises à la disposition des bénéficiaires jusqu’à la date de leur récupération effective.

[...]

4.      La Grèce annulera tous les paiements en cours concernant des aides octroyées au titre du régime visé à l’article 1er, paragraphe 1, de la présente décision.

Article 5

1.      La récupération des aides octroyées au titre du régime visé à l’article 1er, paragraphe 1, sera immédiate et effective.

2.      La Grèce s’assurera de l’exécution de la présente décision dans les quatre mois à compter de la date de sa notification.

Article 6

1.      Dans les deux mois à compter de la notification de la présente décision, la Grèce fournira les renseignements suivants:

a)      la liste des bénéficiaires qui ont reçu une aide au titre du régime visé à l’article 1er, paragraphe 1, et le montant total de l’aide reçue par chacun d’entre eux au titre du régime;

b)      le montant total (capital initial et intérêts de récupération) à récupérer auprès de chaque bénéficiaire;

c)      la description détaillée des mesures que la Grèce a déjà prises ou programmées pour se conformer à la présente décision; et

d)      les documents démontrant que les bénéficiaires ont reçu l’ordre de rembourser l’aide.

La Grèce fournira les renseignements en utilisant le modèle joint en annexe.

2.      La Grèce tiendra la Commission informée de l’état d’avancement des mesures prises pour l’exécution de la présente décision jusqu’à l’achèvement de la récupération des aides octroyées au titre du régime visé à l’article 1er, paragraphe 1. Elle présentera également, sur simple demande de la Commission, des informations relatives aux mesures qu’elle a déjà prises ou programmées pour se conformer à la présente décision. Elle fournira enfin des renseignements détaillés sur les montants des aides et des intérêts qui auront été récupérés auprès des bénéficiaires.»

 Les discussions menées avant l’introduction du présent recours

14      Le 19 juillet 2007, la décision 2008/723 a été notifiée à la République hellénique.

15      Le 18 octobre 2007, les autorités helléniques ont communiqué à la Commission un projet de loi relatif à la récupération des aides qui avaient été versées au titre de la loi 3220/2004.

16      Le 3 décembre 2007, la République hellénique a adopté la loi 3614/2007 (FEK A’ 267/3.12.2007) concernant la récupération des aides en cause. Cette loi prévoyait que les entreprises relevant de la loi 3220/2004 devraient déposer, pour le 14 décembre 2007, une déclaration fiscale complémentaire et que les montants à récupérer le seraient sur la base de quatre versements mensuels qui devraient être opérés par les bénéficiaires des aides incompatibles entre le mois de décembre 2007 et celui de mars 2008.

17      Le 14 janvier 2008, la Commission a rappelé aux autorités helléniques leur obligation de fournir les renseignements visés à l’article 6 de la décision 2008/723.

18      Le 25 janvier 2008, les autorités helléniques ont répondu à cette demande en communiquant la loi 3614/2007 à la Commission et en lui transmettant une liste des entreprises qui avaient bénéficié d’aides et qui, à ce titre, avaient présenté une déclaration fiscale complémentaire, ainsi qu’une liste des entreprises qui avaient bénéficié d’aides compatibles ou remboursé les aides.

19      Le 8 mai 2008, la Commission a invité les autorités helléniques à lui fournir des informations supplémentaires, notamment en ce qui concerne le nombre réel et l’identité des bénéficiaires, ainsi que le calcul des montants à récupérer auprès de chaque bénéficiaire, par exercice et intérêts compris.

20      Les autorités helléniques ont répondu à cette demande le 9 juin 2008 en transmettant plusieurs listes. L’une de celles-ci comprenait l’identité des bénéficiaires qui devaient encore restituer l’aide ou pour lesquels un contrôle était en cours, une autre énumérait des bénéficiaires qui étaient censés relever de la règle de minimis, ainsi que des bénéficiaires exemptés de l’obligation pour d’autres raisons. Une autre liste encore renseignait des bénéficiaires cotés à la Bourse d’Athènes.

21      Le 9 octobre 2008, la Commission a réitéré sa demande de transmission des renseignements exigés par la décision 2008/723.

22      Les autorités helléniques ont répondu à ce rappel le 3 décembre 2008 en soumettant des données actualisées sur l’application de la loi 3614/2007, à la suite de contrôles effectués auprès des entreprises qui n’avaient pas soumis de déclaration complémentaire de récupération, tout en indiquant que «la justification de la récupération de tout ou partie du fonds de réserve figure dans les documents (rapports de contrôle, etc.) détenus par les centres des impôts compétents. Notre service n’a aucun accès à ces documents et considère que la transmission des données de ces rapports est impossible dans la pratique parce qu’elles ne sont pas informatisées, et que la transmission éventuelle de ces justificatifs sous forme de ‘hardcopy’ entraînerait des coûts et des délais (plusieurs mois) extrêmement importants».

23      Le 25 mai 2009, la Commission a transmis une nouvelle demande de renseignements sur l’exécution de la décision 2008/723. La Commission demandait, outre la liste des bénéficiaires qui avaient constitué des réserves en 2004 et en 2005 et de ceux qui n’avaient finalement pas réalisé d’investissements ou qui n’avaient pas dépensé la totalité du montant et étaient donc redevables de l’impôt sur la différence, tout d’abord, des renseignements supplémentaires sur l’application exacte de la règle de minimis, ensuite, des précisions sur les bases juridiques qui, conformément à la décision 2008/723, étaient censées justifier la compatibilité des aides et, enfin, des preuves du respect des différents seuils d’intensité autorisés compte tenu d’un éventuel cumul d’aides. Par ailleurs, la Commission contestait le mode de calcul du montant à récupérer qui devait, selon elle, être établi non pas sur la base du montant de la réserve exonérée d’impôts, mais bien sur celle du montant de l’aide.

24      Le 10 août 2009, les autorités helléniques ont répondu à cette nouvelle demande de la Commission que le mode de calcul adopté était correct, qu’elles avaient fourni tous les renseignements nécessaires et qu’elles avaient pris toutes les mesures nécessaires.

25      Par lettre du 5 octobre 2009, la Commission a réitéré son point de vue concernant le mode de calcul du montant à récupérer et sa demande de renseignements.

26      Le 27 novembre 2009, les autorités helléniques ont indiqué qu’elles recueillaient des informations sur les bénéficiaires relevant de la règle de minimis et sur la base juridique justifiant la compatibilité des aides individuelles.

27      Le 12 janvier 2010, une réunion a eu lieu entre les services de la Commission et les autorités helléniques, durant laquelle ces dernières ont répété que la collecte des informations était en cours et que des listes actualisées seraient soumises sous peu. La Commission a transmis une liste des informations à fournir.

28      Le 24 février 2010, la Commission a reçu des autorités helléniques la liste des entreprises qui ne devaient pas ou plus restituer d’aides (liste I), celle des entreprises qui devaient encore restituer des aides (liste II), celle des entreprises qui avaient constitué une réserve exonérée d’impôts (liste III) et, enfin, la liste des entreprises censées avoir bénéficié d’une aide de minimis (liste IV).

29      La Commission a réagi par lettre du 31 mars 2010, en sollicitant des explications sur les listes I et II, dès lors que ces listes n’indiquaient pas le type de contrôle des dépenses reconnues et le critère utilisé à cet effet. La Commission demandait également si la liste III était désormais définitive et rappelait, s’agissant de la liste IV, que le seuil de la règle de minimis était applicable cumulativement sur une période de trois ans compte tenu également d’éventuelles autres aides. La Commission précisait aussi qu’elle ne disposait toujours pas d’informations détaillées sur le respect, au cas par cas, des conditions prévues par chacune des bases juridiques, notamment l’intensité de l’aide.

30      C’est dans ces conditions que la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Sur la recevabilité

31      La République hellénique soutient que, en vertu de l’article 29, paragraphe 2, sous a), du règlement de procédure, le recours de la Commission est irrecevable, dès lors que quatre documents fournis en annexe de la requête, à savoir les réponses des autorités helléniques des 18 octobre 2007, 25 janvier 2008 et 9 juin 2008 ainsi que le procès-verbal de la réunion du 12 janvier 2010, ont été produits par la Commission en langue anglaise, alors que ces documents, s’agissant du moins des réponses des autorités helléniques, ont été rédigés en grec et adressés à la Commission dans cette langue. Or, le respect du règlement de procédure ne pourrait être laissé à l’appréciation de la Commission, et cela d’autant moins lorsqu’il s’agit de garanties procédurales.

32      En conséquence, la République hellénique considère que les parties et la Cour ne peuvent prendre en considération lesdits documents et que, partant, la procédure est nulle, dès lors que ces documents constituent des pièces de procédure essentielles concernant les mesures prises en l’espèce pour se conformer à la décision 2008/723. Par ailleurs, la Commission n’ayant pas demandé l’autorisation d’utiliser les documents en question en langue anglaise, leur production tardive en version originale, soit au stade du mémoire en réplique, ne pallierait pas la nullité procédurale alléguée.

33      À cet égard, il convient de constater que, conformément à l’article 29, paragraphes 2, sous a), et 3, premier et deuxième alinéas, du règlement de procédure, la langue de la présente procédure est la langue grecque, de sorte que les mémoires et leurs annexes doivent être déposés dans cette langue et que les documents rédigés dans une autre langue doivent être accompagnés d’une traduction en langue grecque.

34      Or, force est de constater que la requête est, en l’espèce, rédigée intégralement en langue grecque. En outre, si quatre documents annexés à cette requête ont été produits dans une autre langue, en l’occurrence en langue anglaise, il y a lieu de relever, d’une part, que la Commission a déposé, au stade de son mémoire en réplique, conformément au deuxième alinéa de l’article 29, paragraphe 3, du règlement de procédure, une copie originale de trois de ces documents, à savoir les réponses à ses demandes de renseignements, et, d’autre part, que chacun des documents en cause, lesquels ont été élaborés et produits par les autorités helléniques elles-mêmes, qui n’en contestent ni l’existence ni le contenu, fait l’objet d’une mention et d’un résumé succinct dans la requête (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2010, Commission/Luxembourg, C‑526/08, Rec. p. I‑6151, points 17 à 20).

35      Dans ces conditions, il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la République hellénique.

 Sur le fond

 Argumentation des parties

36      La Commission soutient que, dès lors que l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne prévoit pas de procédure précontentieuse, la date de référence à prendre en considération pour l’examen du présent recours ne peut être que le terme du délai fixé dans la décision 2008/723 ou, le cas échéant, le terme du délai que la Commission a éventuellement fixé par la suite. En l’espèce, dès lors que cette décision a été communiquée le 19 juillet 2007 et qu’aucune prorogation n’a été accordée, le délai de mise en conformité expirait donc, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de ladite décision, quatre mois plus tard, à savoir le 19 novembre 2007.

37      La Commission rappelle que le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre contre un recours en manquement introduit au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE est celui tiré d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision. Or, les autorités helléniques n’auraient pas invoqué une telle impossibilité. Au demeurant, la Commission soutient que ni le grand nombre de bénéficiaires, ni le calcul individualisé des aides et de leur intensité, ni l’examen de la catégorie dont ces aides relèvent, ni même la difficulté alléguée par lesdites autorités d’établir la preuve que les aides incompatibles avec le marché commun ont été effectivement récupérées ne sont des éléments constitutifs d’une impossibilité absolue d’exécuter la décision mise à la charge des autorités helléniques de procéder au recouvrement desdites aides.

38      Il apparaît ainsi, selon la Commission, que, durant les trois années écoulées depuis l’adoption et la notification de la décision 2008/723, les autorités helléniques ne sont parvenues à prouver ni l’exécution correcte de cette décision, ni l’étendue des contrôles effectués dans ce cadre, ni les cas dans lesquels la récupération a été demandée, ni les cas dans lesquels de tels recouvrements ont pu être menés à bien, ni même, en pareille hypothèse, le fondement juridique les ayant justifiés.

39      À cet égard, la Commission fait observer que l’adoption d’une loi générale, en l’occurrence la loi 3614/2007, loin de résoudre le problème, en a généré de nouveaux. En effet, un tel acte ne serait pas conforme au caractère direct de l’application d’une décision déclarant incompatible une aide d’État et imposant sa récupération, dès lors qu’il introduit entre la décision et les mesures de récupération un nouveau cadre de référence au niveau national qui s’écarte des dispositions claires de cette décision. Par ailleurs, l’adoption d’une loi n’assurerait nullement le remboursement effectif des aides, lequel doit intervenir sur la base d’actes individuels après un examen approfondi des aides individuelles octroyées.

40      Or, en l’espèce, la Commission fait observer, premièrement, que, en dépit du libellé de la loi 3614/2007, les autorités helléniques n’ont jamais précisé, clairement et pour chacun des bénéficiaires, le type de projet d’investissement réalisé et le règlement d’exemption ou le régime d’aide approuvé, en vertu duquel les aides pouvaient être considérées comme compatibles moyennant le respect des conditions ainsi que des limites d’intensité d’aide qui y sont fixées. Par ailleurs, cette loi exclurait certaines aides de l’obligation de récupération sur la base de cadres communautaires concernant les aides à la recherche et au développement ou pour la protection de l’environnement, lesquels ne figurent pas parmi les motifs d’exemption mentionnés par la décision 2008/723, cette dernière faisant uniquement référence à des règlements de la Commission.

41      Deuxièmement, la Commission relève que, selon la loi 3614/2007, le seuil de minimis bénéficie aux entreprises exonérées d’impôt à concurrence de 100 000 euros pour chacun des exercices 2004 et 2005, alors que, en vertu du règlement n° 69/2001, le montant total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 100 000 euros sur une période de trois ans. De surcroît, la pratique consistant à exonérer de restitution les réserves de 300 000 euros aboutirait, compte tenu du taux de taxation de 35 %, à exonérer des aides d’un montant de 105 000 euros. Par ailleurs, les autorités helléniques n’auraient pas prouvé avoir pris en compte un éventuel cumul des aides accordées au titre du régime en cause avec d’autres aides.

42      Troisièmement, la Commission estime que le mode de calcul du montant à récupérer n’est pas correct puisque, conformément à la loi 3614/2007, les bénéficiaires doivent soustraire les dépenses d’investissement réalisées de la réserve spéciale exonérée d’impôt constituée, le solde de cette opération étant soumis à l’imposition. Or, selon la Commission, le montant de base pour le calcul de l’impôt devrait être celui de l’aide accordée, duquel il y aurait lieu de déduire les dépenses d’investissement, et non le montant de la réserve exonérée d’impôts. Ce serait en effet la seule façon d’établir si l’intensité admissible des aides a été respectée dans chaque cas.

43      Enfin, quatrièmement, la Commission relève que les autorités helléniques n’ont pas apporté la preuve des remboursements prétendument effectués.

44      Selon la Commission, même si des sommes déjà importantes ont été remboursées, cela ne signifie pas que la décision 2008/723 a été correctement exécutée, étant donné que les critères sur la base desquels certaines aides octroyées, soit ont été légalisées, soit ont donné lieu à une demande de remboursement, ne sont pas clairement établis. Ainsi, la Commission ne pourrait même pas déterminer la mesure dans laquelle sa décision a été exécutée.

45      La Commission rejette, par ailleurs, l’argumentation de la République hellénique tendant à lui faire endosser la responsabilité de l’absence de collecte des informations requises. Les États membres seraient en effet responsables de l’exécution des décisions en matière d’aides d’État. S’ils expriment des doutes quant à l’interprétation d’une règle du droit de l’Union applicable, ils pourraient en faire part à la Commission, ce qui n’aurait toutefois pas pour effet de transférer à celle-ci la responsabilité relative à l’application de cette règle de droit. En tout état de cause, la décision 2008/723 serait absolument claire quant à la portée de l’obligation de récupération et la Commission aurait expliqué à plusieurs reprises, au cours des trois dernières années, quelles étaient les informations qu’elle attendait de la part des autorités helléniques pour pouvoir apprécier la compatibilité des aides avec les règles applicables, aussi bien au regard de l’intensité autorisée que des autres conditions prévues dans les règles et pratiques en vigueur. Or, les autorités helléniques n’auraient pas répondu, comme en témoigneraient leurs envois successifs de listes dénuées de clarté, à l’estime de la Commission.

46      La République hellénique soutient que, si elle n’a pas invoqué l’impossibilité absolue d’exécuter la décision 2008/723, c’est parce qu’elle considère que, en adoptant la loi 3614/2007, elle a pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer à cette décision. Cette loi aurait en effet été mise en œuvre immédiatement et aurait imposé le dépôt de déclarations fiscales complémentaires pour le 14 décembre 2007 ainsi qu’un premier versement, même si le délai fixé par la décision 2008/723 expirait le 19 novembre 2007. Ce retard d’un mois se justifierait par le fait que la République hellénique aurait été contrainte de recourir à une loi nationale pour l’application de la décision de la Commission, compte tenu du caractère horizontal du régime d’aides prévu par la loi 3220/2004. Les autorités helléniques auraient ainsi recouvré plus de 90 millions d’euros en quatre versements au cours des quatre mois ayant suivi la mise en application de la loi 3614/2007. Le recouvrement aurait même atteint, par la suite, plus de 101 millions d’euros.

47      Par ailleurs, la République hellénique souligne que la récupération des aides s’est heurtée d’emblée à des difficultés objectives et particulières eu égard au nombre exceptionnellement important d’entreprises soumises à la loi 3220/2004. Ces difficultés concerneraient, en particulier, le calcul individualisé des montants à récupérer, dès lors que la décision 2008/723 exige de vérifier l’existence parallèle d’autres régimes d’aides approuvés sur la base desquels les entreprises pourraient être exemptées de l’obligation de restitution, notamment en raison de leur caractère de minimis, et que, pour chaque cas d’aide approuvée, il était nécessaire de calculer le montant exact de l’investissement ne devant pas faire l’objet d’une restitution.

48      Dans ce contexte, la République hellénique fait valoir que la Commission a violé son devoir de coopération loyale à trois égards.

49      En premier lieu, alors que les autorités helléniques auraient communiqué sans tarder un projet de loi concernant la récupération des aides, approuvé dans le courant du mois suivant, et auraient répondu avec diligence à toutes les demandes d’informations, la Commission aurait contesté le mode de calcul des montants à récupérer prévu par la loi 3614/2007 pour la première fois dans sa lettre du 25 mai 2009, à savoir 18 mois après l’entrée en vigueur de cette loi. Ce comportement aurait aggravé considérablement les difficultés concernant, notamment, la qualification et le calcul des aides à rembourser. En particulier, ce serait pour la première fois au stade du mémoire en réplique que la Commission aurait fait valoir qu’il était inapproprié d’adopter une loi pour récupérer les aides jugées illégales et incompatibles avec le marché commun. Or, en l’espèce, l’adoption d’une loi aurait été nécessaire dès lors que le régime d’aides en cause avait lui-même été prévu par une loi et revêtait un caractère horizontal.

50      En deuxième lieu, la Commission aurait indirectement reconnu les difficultés réelles et objectives auxquelles les autorités helléniques étaient confrontées pour l’application de la règle de minimis et celle d’autres régimes d’aides approuvés. En effet, dans sa lettre du 5 octobre 2010, la Commission se serait montrée disposée à débattre de méthodes alternatives permettant d’apprécier la compatibilité avec le droit de l’Union de l’exonération de l’obligation de restitution de certaines aides individuelles. S’il appartient en principe aux États membres de proposer à la Commission des modalités alternatives pour surmonter les difficultés qui se présentent, dès lors que, en l’espèce, ces difficultés concernaient les modalités d’application de régimes d’aides approuvés, la Commission aurait été la mieux placée pour proposer des méthodes alternatives conformes au droit de l’Union.

51      Enfin, en troisième lieu, la République hellénique fait observer que la Commission a décidé d’introduire son recours le 14 juillet 2010, sans laisser de délai raisonnable aux autorités helléniques pour répondre à la dernière lettre qu’elle leur avait adressée le 31 mars 2010. Or, par ce courrier, la Commission aurait demandé non pas la simple rectification des listes fournies par les autorités helléniques le 24 février 2010 concernant la récupération des aides, mais leur remaniement intégral au moyen de données qui n’avaient pas été traitées auparavant par ces autorités.

52      En ce qui concerne les divers griefs formulés par la Commission, la République hellénique rappelle, s’agissant des dépenses d’investissement susceptibles d’échapper à l’obligation de restitution, qu’elles correspondent aux investissements réalisés et jugés éligibles sur la base du régime initial prévu par la loi 3220/2004. La prise en compte de l’intensité maximale de l’aide en fonction du type d’aide ainsi que du lieu et du moment où elle a été accordée demanderait un remaniement intégral de ces données, lequel aurait été entamé avant l’introduction du recours de la Commission. Avant de procéder ainsi, la Commission aurait dû, conformément à son devoir de coopération loyale, laisser aux autorités helléniques un délai raisonnable afin que celles-ci lui fassent parvenir ces données lui permettant de juger si et dans quelle mesure, lesdites autorités avaient adopté des mesures de recouvrement inadéquates.

53      S’agissant de l’application de la règle de minimis, la République hellénique observe que ce n’est que tardivement, soit par lettre du 25 mai 2009, que la Commission a critiqué le caractère législatif des mesures de récupération. En outre, il ressortirait des listes envoyées à la Commission le 24 février 2010 que le nombre d’entreprises exemptées en vertu de cette règle est assez limité. Quant à la question du cumul des aides de minimis avec d’autres aides, la loi 3220/2004 interdirait expressément qu’une même dépense d’investissement puisse être soumise à plus d’un régime d’aides. Enfin, à titre subsidiaire, les entreprises concernées seraient en tout état de cause exemptées de l’obligation de restitution en tant que petites et moyennes entreprises par le règlement n° 70/2001.

54      S’agissant de la méthode de calcul des montants à récupérer en cas d’investissements exemptés de l’obligation de restitution, la République hellénique observe que la Commission paraît exiger la reprise d’une procédure de récupération particulièrement lourde, en se prévalant d’une interprétation différente de textes législatifs dont elle avait été, d’emblée, pleinement informée. Par ailleurs, le mode de calcul du montant soumis à l’impôt prévu par la loi 3614/2007 serait correct. En effet, les dépenses exonérées devraient effectivement être déduites du montant de la réserve constituée qui, en substance, ne cesse de refléter la totalité des sommes dépensées pour réaliser les investissements, même si elle est calculée en pourcentage des bénéfices imposables. En revanche, la méthode préconisée par la Commission aboutirait à déduire des dépenses d’un avantage fiscal qualifié d’aide d’État et porterait donc sur des grandeurs dissemblables.

55      Enfin, s’agissant des éléments de preuve, la République hellénique considère que les listes fournies le 24 février 2010 démontrent les progrès substantiels réalisés en la matière.

 Appréciation de la Cour

56      Il y a lieu, à titre liminaire, de rappeler que la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et que cette conséquence ne saurait dépendre de la forme dans laquelle l’aide a été octroyée (voir arrêt du 14 avril 2011, Commission/Pologne, C‑331/09, non encore publié au Recueil, point 54 et jurisprudence citée).

57      En conséquence, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 288 TFUE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision. Il doit parvenir à une récupération effective des sommes dues (arrêts du 5 octobre 2006, Commission/France, C‑232/05, Rec. p. I‑10071, point 42; Commission/Pologne, précité, point 55, ainsi que du 20 octobre 2011, Commission/France, C-549/09, point 27).

58      En cas de décision constatant le caractère illégal et incompatible d’une aide, la récupération de celle-ci, ordonnée par la Commission, a lieu dans les conditions prévues à l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 (arrêt du 20 octobre 2011, Commission/France, précité, point 28).

59      En vertu de ladite disposition, la récupération d’une telle aide doit, ainsi qu’il ressort également du treizième considérant dudit règlement, s’effectuer sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission (arrêt du 20 octobre 2011, Commission/France, précité, point 29).

60      Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, une récupération tardive, postérieure aux délais impartis, ne saurait satisfaire aux exigences du traité (arrêts du 22 décembre 2010, Commission/Italie, C‑304/09, non encore publié au Recueil, point 32, et du 14 juillet 2011, Commission/Italie, C‑303/09, point 30)

61      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que la date de référence pour l’application de l’article 108, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE est celle prévue dans la décision dont l’inexécution est contestée ou, le cas échéant, celle que la Commission a fixée par la suite (voir arrêts du 1er juin 2006, Commission/Italie, C‑207/05, point 31, ainsi que Commission/Pologne, précité, point 50 et jurisprudence citée).

62      En l’occurrence, conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la décision 2008/723, la République hellénique était tenue d’assurer la récupération «immédiate» et «effective» des aides illégales en cause. Cet État membre disposait à cette fin, en vertu du paragraphe 2 de cette disposition, d’un délai de quatre mois à compter de la notification de ladite décision.

63      La décision 2008/723 ayant été notifiée à la République hellénique le 19 juillet 2007 et cet État membre n’ayant pas demandé de prorogation du délai fixé à l’article 5, paragraphe 2, de cette décision, le délai qui lui était imparti pour récupérer les aides illégalement perçues auprès des bénéficiaires expirait dès lors le 19 novembre 2007.

64      Or, dans la présente affaire, il n’est pas contesté que, à cette date, aucune mesure n’avait été adoptée par la République hellénique pour assurer l’exécution de la décision 2008/723 et que, partant, l’intégralité des aides en cause n’avait pas été récupérée à cette date par cet État membre. En effet, si ce dernier soutient que la loi 3614/2007 assure une exécution correcte et effective de la décision 2008/723, force est de constater que ladite loi a été adoptée après l’expiration du délai fixé à l’article 5, paragraphe 2, de cette décision et que, en vertu des dispositions de cette même loi, le remboursement des aides en cause devait s’échelonner sur une période de quatre mois s’achevant au cours du mois de mars 2008.

65      Certes, il y a lieu de relever que les autorités helléniques ont fourni à la Commission un projet de cette loi en date du 18 octobre 2007, soit dans le délai imparti par la décision 2008/723. Toutefois, l’exécution de cette décision exigeant, selon son article 5, paragraphe 1, la récupération effective des aides, une telle mesure non contraignante ne saurait être prise en compte par la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2002, Commission/Allemagne, C‑209/00, Rec. p. I‑11695, points 67 et 68).

66      Par ailleurs, il ressort tant du mémoire en défense que du mémoire en duplique déposés par la République hellénique que la procédure de récupération des aides illégales se poursuivait toujours au mois de février 2010, soit plus de deux ans et demi après la notification de la décision 2008/723, et que cet État membre se limitait, à cette époque, à transmettre à la Commission des données actualisées concernant les montants récupérés auprès des bénéficiaires des aides en cause, tout en sollicitant parallèlement que cette institution lui octroie un délai raisonnable afin de lui faire parvenir les éléments démontrant que la loi 3614/2007 assurait une mise en œuvre correcte de la décision 2008/723 et, partant, tendait à garantir la récupération intégrale desdites aides.

67      Une telle situation est manifestement inconciliable avec l’obligation de cet État membre de parvenir à une exécution immédiate et effective de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2011, Commission/Italie, précité, point 32).

68      S’agissant des moyens invoqués par la République hellénique pour sa défense, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre contre un recours en manquement introduit par la Commission sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, TFUE est celui tiré d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision en cause (voir, notamment, arrêts du 20 septembre 2007, Commission/Espagne, C‑177/06, Rec. p. I‑7689, point 46; du 13 novembre 2008, Commission/France, C‑214/07, Rec. p. I‑8357, point 44, et du 14 juillet 2011, Commission/Italie, précité, point 33).

69      La condition relative à l’existence d’une impossibilité absolue d’exécution n’est pas remplie lorsque l’État membre défendeur se borne à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présente la mise en œuvre de la décision, sans entreprendre une véritable démarche auprès des entreprises en cause afin de récupérer l’aide et sans proposer à la Commission des modalités alternatives de mise en œuvre de la décision qui auraient permis de surmonter ces difficultés (voir arrêt du 5 mai 2011, Commission/Italie, C‑305/09, non encore publié au Recueil, point 33 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 juillet 2011, Commission/Italie, précité, point 34).

70      La Cour a également jugé qu’un État membre qui, lors de l’exécution d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission doit soumettre ces problèmes à l’appréciation de cette dernière en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, l’État membre et la Commission doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions de l’Union des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l’article 4, paragraphe 3, TFUE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et, notamment, de celles relatives aux aides (arrêts précités du 22 décembre 2010, Commission/Italie, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 juillet 2011, Commission/Italie, point 35).

71      À cet égard, il convient de relever que ni dans ses rapports avec la Commission avant l’introduction du présent recours, ni dans le cadre de la procédure devant la Cour la République hellénique n’a invoqué une impossibilité absolue d’exécution de la décision 2008/723, cet État membre estimant tout au contraire, ainsi qu’il ressort du point 64 du présent arrêt, que la loi 3614/2007 assure une exécution correcte et effective de cette décision.

72      En effet, la République hellénique s’est bornée à faire part à la Commission des difficultés juridiques ou pratiques que présentait la mise en œuvre de ladite décision en soulignant les difficultés liées à la nécessité de calculer les montants dus et d’exclure de la récupération en cause les bénéficiaires pour lesquels l’aide devait être considérée comme de minimis ou comme compatible avec le marché commun conformément à un règlement d’exemption ou à un régime d’aide approuvé.

73      Or, le fait qu’un État membre éprouve la nécessité de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée, en vue d’effectuer un examen préalable afin d’identifier les bénéficiaires des avantages visés par la décision 2008/723, n’est pas de nature à justifier la non-exécution de cette décision (voir arrêts précités du 5 mai 2011, Commission/Italie, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 juillet 2011, Commission/Italie, point 38).

74      Il est vrai que, au cours de la procédure de récupération, le législateur hellénique a entrepris une démarche sérieuse en vue de garantir l’efficacité de cette procédure en adoptant la loi 3614/2007. En particulier, il ressort du dossier que cette loi prévoyait l’interruption du régime d’aides en cause ainsi que les modalités de l’identification, de la détermination et de la récupération des aides illégalement perçues.

75      À cet égard, c’est à tort que la Commission suggère que l’adoption d’une loi en vue de la récupération d’aides illégales et incompatibles serait, par nature, inconciliable avec l’application directe d’une décision ordonnant une telle récupération. En effet, conformément à l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 et ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 59 du présent arrêt, la récupération des aides illégales et incompatibles s’effectue selon les procédures définies par le droit national de l’État membre concerné. Il ne saurait dès lors être exclu, par principe, qu’une telle récupération puisse avoir lieu par la voie législative. En revanche, selon cette même disposition, il importe que cette récupération, quelle que soit la procédure de droit national retenue à cet effet, permette l’exécution immédiate et effective de la décision ordonnant celle-ci.

76      Or, à cet égard, il y a lieu de constater, en l’espèce, que l’adoption de la loi 3614/2007 n’a pas permis de remédier au retard accusé dans la récupération des aides visées par la décision 2008/723. En effet, l’entrée en vigueur de ces mesures a été postérieure aux délais impartis par cette décision pour procéder à la récupération et leur intervention s’est avérée inefficace, dès lors que, plusieurs années après la notification de la décision 2008/723, une partie des aides illégales n’avait toujours pas été récupérée par la République hellénique. En outre, il n’est pas contesté que les mesures adoptées par les autorités helléniques en vue de récupérer les aides en cause ne permettent pas de déterminer avec précision, en ce qui concerne chacun des bénéficiaires, le montant de l’aide à récupérer auprès de ceux-ci, compte tenu, notamment, de la règle de minimis, des règlements d’exemption ainsi que des régimes d’aides approuvés applicables et, partant, des seuils d’intensité d’aides admissibles prévus par ceux-ci.

77      La Cour a déjà jugé que les démarches législatives destinées à garantir l’exécution, par les juridictions nationales, d’une décision de la Commission obligeant un État membre à récupérer une aide illégale, qui sont, comme en l’espèce, prises tardivement et qui s’avèrent inefficaces, ne satisfont pas aux exigences découlant de la jurisprudence visée aux points 56 à 60 du présent arrêt (arrêts précités du 22 décembre 2010, Commission/Italie, point 42, et du 5 mai 2011, Commission/Italie, point 40).

78      Dès lors que la République hellénique n’a pas pris, dans le délai imparti, les mesures nécessaires pour récupérer auprès de chacun des bénéficiaires les aides visées par la décision 2008/723, le grief de cet État membre quant au manque allégué de coopération de la part de la Commission apparaît inopérant (voir, en ce sens, arrêt Commission/Allemagne, précité, points 71 et 72).

79      En tout état de cause, ce grief n’est pas fondé, la Commission n’ayant eu de cesse, entre le mois de janvier 2008 et celui de mars 2010, de rappeler aux autorités helléniques les règles à suivre pour assurer une récupération effective des aides en cause. Il y a lieu de souligner, à cet égard, que, dès le 8 mai 2008, soit moins de quatre mois après la communication à la Commission de la loi 3614/2007, cette dernière a demandé des précisions aux autorités helléniques dont l’objet était manifestement de clarifier le calcul des montants à restituer proposé par cet État membre dans la loi 3614/2007.

80      Il résulte de ce qui précède que le présent recours est fondé en ce que la Commission reproche à la République hellénique de ne pas avoir pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer, auprès des bénéficiaires, la totalité des aides octroyées en vertu du régime d’aides en cause qui a été déclaré illégal et incompatible avec le marché commun par la décision 2008/723.

81      Compte tenu de la conclusion énoncée au point précédent, il n’y a pas lieu de statuer sur le chef des conclusions de la Commission visant à faire condamner la République hellénique pour ne pas l’avoir informée des mesures mentionnées audit point, étant donné que cet État membre n’a précisément pas procédé à l’exécution de la décision 2008/723 dans les délais prescrits (voir arrêt du 22 décembre 2010, Commission/Italie, précité, point 57 et jurisprudence citée).

82      En conséquence, il convient de constater que, en omettant d’adopter, dans le délai prescrit, toutes les mesures nécessaires en vue de la récupération, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2008/723, des aides jugées illégales et incompatibles avec le marché commun, à l’exception de celles visées aux articles 1er, paragraphe 2, ainsi que 2 et 3 de cette décision, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 à 6 de ladite décision.

 Sur les dépens

83      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1)      En omettant d’adopter, dans le délai prescrit, toutes les mesures nécessaires en vue de la récupération, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2008/723/CE de la Commission, du 18 juillet 2007, relative à l’aide d’État C 37/05 (ex NN 11/04) accordée par la Grèce – Fonds de réserve exonéré d’impôts, des aides jugées illégales et incompatibles avec le marché commun, à l’exception de celles visées aux articles 1er, paragraphe 2, ainsi que 2 et 3 de cette décision, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 à 6 de ladite décision.

2)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.