Language of document : ECLI:EU:F:2015:64

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

22 juin 2015 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Congé annuel – Report limité à douze jours – Compensation – Bulletin de pension – Absence de contestation dans les délais – Absence de faits nouveaux et substantiels – Article 81 du règlement de procédure – Recours manifestement irrecevable »

Dans l’affaire F‑139/14,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Annetje Elisabeth van Oudenaarden, ancienne fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Grevenmacher (Luxembourg), représentée par Me F. Moyse, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes M. Ecker et N. Chemaï, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch, président, H. Kreppel (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 17 décembre 2014, Mme van Oudenaarden demande l’annulation de la décision par laquelle le Parlement européen a refusé de faire droit à ses demandes de report de jours de congé annuel non pris au titre de l’année 2012, au‑delà de douze jours, et de paiement de la compensation financière correspondante.

 Cadre juridique

2        L’article 57 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci‑après le « statut »), dispose :

« Le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de 24 jours ouvrables au minimum et de 30 jours ouvrables au maximum, conformément à une réglementation à établir d’un commun accord entre les institutions de l’Union après avis du comité du statut.

En dehors de ce congé, il peut se voir accorder, à titre exceptionnel, sur sa demande, un congé spécial. Les modalités d’octroi de ces congés sont fixées à l’annexe V [du statut]. »

3        L’article 4, premier et deuxième alinéas, de l’annexe V du statut, intitulée « Modalités d’octroi des congés », prévoit:

« Si un fonctionnaire, pour des raisons non imputables aux nécessités du service, n’a pas épuisé son congé annuel avant la fin de l’année civile en cours, le report de congé sur l’année suivante ne peut excéder [douze] jours.

Si un fonctionnaire n’a pas épuisé son congé annuel au moment de la cessation de ses fonctions, il lui sera versé, à titre de compensation, par jour de congé dont il n’a pas bénéficié, une somme égale au trentième de sa rémunération mensuelle au moment de la cessation de ses fonctions. »

 Faits à l’origine du litige

4        La requérante est entrée en fonctions au Parlement le 1er août 1982 comme agent temporaire et y a été nommée fonctionnaire le 1er avril 1983. À compter du 3 mai 2010, elle a occupé, en tant que fonctionnaire de grade AST 8, échelon 3, un poste de gestionnaire administratif au sein de l’unité « Frais de voyage et de séjour des députés » de la direction des droits financiers et sociaux des députés, relevant de la direction générale des finances du Parlement.

5        Du 10 janvier 2012 au 31 janvier 2013, la requérante a été en congé de maladie.

6        Le 9 décembre 2012, la requérante a adressé un courrier recommandé à son chef d’unité, dans lequel elle sollicitait le report, sur l’année 2013, de l’ensemble des jours de congé annuel qu’elle n’avait pas pu prendre au cours de l’année 2012 en raison de son congé de maladie.

7        La requérante n’a reçu aucune réponse à ce courrier.

8        Du 1er février 2013 au 28 février 2014, la requérante a perçu une pension d’invalidité. Elle a ensuite été admise au bénéfice de la pension d’ancienneté à compter du 1er mars 2014.

9        Dans le courant du mois de mai 2013, la requérante a reçu son bulletin de pension relatif au mois d’avril 2013 (ci‑après le « bulletin de pension d’avril 2013 »). Ce bulletin comportait, outre un décompte afférent à la pension d’invalidité, une rubrique distincte intitulée « Compen[sation des c]ongés +‑ » (« Verrek. Verlof +‑ ») qui faisait apparaître un montant de 3 861,71 euros en sa faveur.

10      Par arrêt du 19 septembre 2013, Réexamen Commission/Strack (C‑579/12 RX‑II, EU:C:2013:570, ci‑après l’« arrêt Strack sur réexamen »), rendu dans le cadre de la procédure de réexamen de l’arrêt du 8 novembre 2012, Commission/Strack (T‑268/11 P, EU:T:2012:588, ci‑après l’« arrêt Strack du Tribunal de l’Union européenne »), lui‑même rendu sur pourvoi contre l’arrêt du 15 mars 2011, Strack/Commission (F‑120/07, EU:F:2011:22), la Cour de justice de l’Union européenne a notamment jugé que l’article 4 de l’annexe V du statut ne peut être interprété en ce sens qu’il exclut tout report de congé annuel payé n’ayant pu être pris pour cause de congé de maladie de longue durée au‑delà des douze jours pour lesquels il est prévu un report automatique.

11      Le 5 décembre 2013, la requérante a envoyé un courrier recommandé au directeur de la direction « Gestion des services de soutien et sociaux » de la direction générale du personnel, lui demandant le report des jours de congé non pris au titre de l’année 2012, à savoir une quarantaine de jours, ainsi que le paiement de la compensation financière pour ces jours de congé et les jours de congé non pris en 2013 et le décompte y afférent.

12      Le 18 décembre 2013, la requérante a adressé une lettre recommandée au directeur de la direction « Gestion de la vie administrative » de la direction générale du personnel, en qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN ») du Parlement, dans laquelle elle réitérait les demandes formulées dans son courrier du 5 décembre précédent.

13      Par courrier du 10 février 2014 (ci‑après la « décision du 10 février 2014 »), le directeur de la direction « Gestion de la vie administrative » de la direction générale du personnel a informé la requérante qu’il ne pouvait faire droit à sa demande de report de jours de congé annuel non pris au‑delà de la limite de douze jours et de compensation correspondante, laquelle demande avait été examinée au regard de la jurisprudence telle que dégagée dans l’arrêt Strack du Tribunal de l’Union européenne, et de l’impossibilité d’appliquer la solution retenue dans l’arrêt Strack sur réexamen, car sa situation était devenue définitive avant le prononcé de ce dernier arrêt. Le courrier comprenait, en outre, deux extraits de la base de données de gestion des congés « Streamline », datés respectivement du 31 décembre 2012 et du 31 janvier 2013, faisant apparaître la réduction du nombre des jours de congé reportés.

14      Le 12 mai 2014, la requérante a introduit une réclamation contre la décision du 10 février 2014.

15      Par décision du 15 septembre 2014, le secrétaire général du Parlement a rejeté la réclamation (ci‑après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 10 février 2014 ainsi que la décision de rejet de la réclamation et, pour autant que de besoin, le bulletin de pension d’avril 2013 ;

–        condamner le Parlement à l’indemniser du préjudice subi, évalué à la somme de 26 677,56 euros ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

17      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant manifestement irrecevable ;

–        condamner la requérante à supporter les dépens, y compris ceux du Parlement.

 En droit

 Sur la décision du Tribunal de statuer par voie d’ordonnance motivée

18      En vertu de l’article 81 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

19      En particulier, en vertu d’une jurisprudence constante, le rejet du recours par voie d’ordonnance motivée adoptée sur le fondement de l’article 81 du règlement de procédure non seulement contribue à l’économie du procès, mais épargne également aux parties les frais que la tenue d’une audience comporterait, lorsque, à la lecture du dossier d’une affaire, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces dudit dossier, est entièrement convaincu de l’irrecevabilité manifeste de la requête ou de son caractère manifestement dépourvu de tout fondement en droit et considère de surcroît que la tenue d’une audience ne serait pas de nature à offrir d’éléments nouveaux susceptibles d’infléchir sa conviction (ordonnance du 10 juillet 2014, Mészáros/Commission, F‑22/13, EU:F:2014:189, point 39, et la jurisprudence citée).

20      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier, notamment par la demande du Parlement, présentée par acte séparé, de statuer sur l’irrecevabilité du recours sans engager le débat au fond, et décide, en application de l’article 81 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité du recours en annulation

 Arguments des parties

21      Le Parlement excipe de l’irrecevabilité du recours en raison de l’absence d’introduction d’une réclamation contre l’acte faisant grief dans les délais statutaires requis. Selon le Parlement, le bulletin de pension d’avril 2013, dont la requérante aurait pris connaissance au mois de mai 2013, constitue le véritable acte faisant grief contre lequel la requérante aurait dû introduire une réclamation, dans la mesure où ce bulletin reflétait clairement la décision administrative relative à la compensation des jours de congé non pris de la requérante et en particulier sa portée limitée. En l’absence d’une telle réclamation, ce bulletin serait devenu définitif au plus tard le 31 août 2013.

22      Le Parlement ajoute que le prononcé de l’arrêt Strack sur réexamen ne constitue pas un fait nouveau et substantiel permettant de justifier que la situation de la requérante fasse l’objet d’un nouvel examen, étant donné que la requérante n’était pas partie à cette instance.

23      La requérante rétorque que le bulletin de pension d’avril 2013 ne présente aucun caractère définitif et ne lui fait pas grief. Elle souligne que ce bulletin ne comporte aucune indication relative à « la période visée pour les congés reportés », au nombre de jours de congé effectivement reportés et aux modalités de calcul du montant versé à titre de compensation. De surcroît, le bulletin de pension d’avril 2013 ne pourrait être considéré comme un acte faisant grief étant donné que, lors de son établissement, le refus du report de plus de douze jours de congé était conforme à la jurisprudence dégagée dans l’arrêt Strack du Tribunal de l’Union européenne.

 Appréciation du Tribunal

24      À titre liminaire, il convient de rappeler que les délais de réclamation et de recours, lesquels sont d’ordre public et ne sont ni à la disposition des parties ni à celle du juge, ont pour finalité de sauvegarder, au sein des institutions de l’Union, la sécurité juridique indispensable à leur bon fonctionnement, en évitant la remise en cause indéfinie des actes de l’Union entraînant des effets de droit, ainsi que d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (arrêt du 5 mars 2008, Combescot/Commission, T‑414/06 P, EU:T:2008:58, point 43, et la jurisprudence citée). Ainsi, la faculté d’introduire une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut ne saurait permettre au fonctionnaire d’écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut pour l’introduction de la réclamation et du recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d’une telle demande ultérieure, une décision antérieure qui n’avait pas été contestée dans les délais (ordonnance du 20 mars 2014, Michel/Commission, F‑44/13, EU:F:2014:40, point 46, et la jurisprudence citée).

25      Il est également de jurisprudence bien établie que l’existence de faits nouveaux et substantiels peut, toutefois, justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision antérieure devenue définitive (arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 47 ; ordonnances du 12 septembre 2011, Cervelli/Commission, F‑98/10, EU:F:2011:131, point 19, et du 22 novembre 2012, Barthel e.a./Cour de justice, F‑84/11, EU:F:2012:160, point 25).

26      En l’espèce, le Tribunal constate que la décision du 10 février 2014, dont l’annulation est l’objet principal du présent recours, fait suite à une demande introduite par la requérante au mois de décembre 2013, soit plus de sept mois après la réception du bulletin de pension d’avril 2013.

27      Le Tribunal relève également que la lettre recommandée envoyée par la requérante à son chef d’unité le 9 décembre 2012, par laquelle elle sollicitait le report de l’ensemble de ses jours de congé annuel non pris au titre de l’année 2012, ne constitue pas une demande adressée à l’AIPN au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, étant donné que le chef d’unité de la requérante ne pouvait pas avoir la qualité d’AIPN (voir, en ce sens, ordonnance du 30 septembre 2014, Ojamaa/Parlement, F‑37/14, EU:F:2014:230, point 21). Par conséquent, le défaut de réponse audit courrier dans un délai de quatre mois ne saurait être assimilé à une décision implicite de rejet de la demande faisant courir les délais de réclamation statutaires.

28      Il suffit donc de vérifier si, comme le soutient le Parlement, le bulletin de pension d’avril 2013 constitue un acte faisant grief à la requérante, contre lequel il lui incombait d’introduire une réclamation dans le délai de trois mois prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut. Si tel est le cas, il appartiendra ensuite au Tribunal d’examiner si, nonobstant l’expiration du délai précité, des faits nouveaux et substantiels pouvaient justifier l’introduction d’une demande de réexamen de la situation de la requérante.

–       Sur le caractère d’acte faisant grief du bulletin de pension d’avril 2013

29      Il convient de relever qu’un bulletin de pension, de par sa nature et son objet, n’a pas les caractéristiques d’un acte faisant grief dès lors qu’il ne fait que traduire en termes pécuniaires la portée de décisions juridiques antérieures, relatives à la situation du fonctionnaire. Ainsi, s’il est vrai que les bulletins de pension sont communément considérés comme des actes faisant grief (voir, par analogie, s’agissant de fiches de rémunération, arrêt du 27 octobre 1994, Benzler/Commission, T‑536/93, EU:T:1994:264, point 15) dans la mesure où ils font apparaître que les droits pécuniaires d’un fonctionnaire ont été négativement affectés, en réalité, le véritable acte faisant grief est la décision prise par l’AIPN de réduire ou de supprimer un paiement dont le fonctionnaire bénéficiait jusqu’alors et qui était indiqué sur ses fiches de rémunération (arrêt du 23 avril 2008, Pickering/Commission, F‑103/05, EU:F:2008:45, point 72).

30      Il n’en demeure pas moins que le bulletin de pension conserve pleinement son importance pour la détermination des droits procéduraux du fonctionnaire, tels que ces droits sont prévus par le statut. En particulier, la transmission au fonctionnaire de son bulletin de pension remplit une double fonction, une fonction d’information en ce qui concerne la décision prise par l’AIPN et une fonction relative aux délais, de sorte que, sous réserve que le bulletin fasse apparaître clairement l’existence et la portée de la décision prise par l’AIPN, sa communication fait courir le délai de contestation (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2006, Grünheid/Commission, F‑101/05, EU:F:2006:58, point 42).

31      À cet égard, le Tribunal constate que le bulletin de pension d’avril 2013 comporte, dans une colonne distincte relative au mois de janvier 2013, une rubrique intitulée « Compen[sation des c]ongés […] » (« Verrek. Verlof […] ») faisant apparaître clairement le versement d’un montant de 3 861,71 euros en faveur de la requérante. Ainsi, ce bulletin de pension reflète la décision antérieure de l’AIPN de compenser les jours de congé annuel non pris par la requérante à hauteur du montant indiqué et la communication dudit bulletin, en l’occurrence courant mai 2013, a, conformément à la jurisprudence citée au point précédent, fait courir le délai statutaire de trois mois durant lequel la requérante pouvait introduire une réclamation, ce qu’elle a omis de faire.

32      La requérante invoque toutefois un manque de clarté du bulletin de pension d’avril 2013 en raison de l’absence d’indication concernant le nombre exact de jours de congé, la période concernée et les modalités de calcul du montant versé.

33      À cet égard, il est de jurisprudence constante que tout fonctionnaire normalement diligent est censé connaître le statut et, plus particulièrement, les règles régissant son traitement. En outre, la diligence normale qui peut être attendue d’un fonctionnaire s’apprécie au regard de sa formation, de son grade et de son expérience professionnelle (ordonnance du 20 mars 2014, Michel/Commission, F‑44/13, EU:F:2014:40, point 53, et la jurisprudence citée).

34      Or, le Tribunal observe que la requérante, dans son courrier recommandé du 9 décembre 2012, a expressément demandé à son chef d’unité de lui envoyer une confirmation du report des jours de congé sollicité, de sorte qu’elle attendait manifestement une réponse à cet égard. En l’absence d’une telle réponse, la requérante aurait pu au moins s’interroger sur les suites données à son courrier voire demander, à défaut d’y avoir accès depuis son domicile, un extrait de la base de données « Streamline » reflétant le nombre de jours de congé reportés.

35      En outre, le calcul du nombre de jours de congé reportés ayant donné lieu à compensation ne saurait être considéré comme présentant une difficulté particulière pour la requérante, dès lors qu’il s’agit de diviser le montant perçu par celui correspondant à sa rémunération journalière (soit un trentième de sa rémunération mensuelle). En tout état de cause, le montant versé était nettement inférieur à la rémunération mensuelle de la requérante, de sorte qu’il ne pouvait manifestement pas correspondre à une quarantaine de jours de congé annuel non pris.

36      Ainsi, la requérante, fonctionnaire de grade AST 8 bénéficiant d’une longue expérience professionnelle au sein du Parlement, même si elle n’était pas amenée à appliquer les règles statutaires dans le cadre de ses fonctions, aurait pu, dès la réception de son bulletin de pension d’avril 2013, se rendre compte que tous ses jours de congé annuel non pris en 2012 n’avaient pas été reportés. En tout état de cause, elle aurait pu au moins interroger, en tant que fonctionnaire diligent, son administration sur le point de savoir si le montant versé à titre de « [c]ompen[sation des c]ongés […] » prenait bien en compte le report de l’ensemble de ses jours de congé non pris au titre de l’année 2012 (voir, en ce sens, ordonnance du 20 mars 2014, Michel/Commission, F‑44/13, EU:F:2014:40, point 58).

37      La requérante relève encore que, même si elle avait disposé d’informations suffisantes pour comprendre l’existence et la portée des indications figurant dans son bulletin de pension d’avril 2013, cela ne pouvait exonérer le Parlement de son obligation de lui notifier une décision motivée conformément aux articles 25 et 26 du statut. À cet égard, le Tribunal constate que, si le statut impose la communication par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé de toute décision individuelle, il n’en reste pas moins que la communication est un acte postérieur à la décision qui préexiste à celui‑ci. La communication d’une décision n’est ainsi pas déterminante pour apprécier le caractère d’acte faisant grief de cette décision (voir ordonnance du 13 septembre 2013, Conticchio/Commission, T‑358/12 P, EU:T:2013:525, point 22). En outre, le défaut de motivation d’une décision, puisque l’administration peut y remédier jusqu’au stade de sa décision statuant sur la réclamation, n’a pas d’incidence sur la computation du délai pour introduire une réclamation contre cette décision, fût‑elle non motivée, dès lors qu’elle est dûment notifiée ou autrement portée utilement à la connaissance de l’intéressé (voir ordonnance du 22 avril 2015, ED/ENISA, F‑105/14, EU:F:2015:33, point 42).

38      Le Tribunal a certes déjà jugé que la réception, par un fonctionnaire, d’un bulletin de rémunération n’avait pas pour conséquence d’autoriser une institution à ne pas se conformer, au titre des articles 25 et 26 du statut, à son obligation de notifier audit fonctionnaire une décision fixant les conditions essentielles de son recrutement, décision sur laquelle repose l’évolution de toute sa carrière (voir arrêt du 28 juin 2006, Grünheid/Commission, F‑101/05, EU:F:2006:58, point 50). Toutefois, une décision à caractère pécuniaire, telle que celle reflétée dans le bulletin de pension d’avril 2013, ne saurait être assimilée à une décision portant sur un élément essentiel de la relation d’emploi de la requérante, de nature à justifier le non‑respect des délais de réclamation et de recours, lesquels, comme il a été dit, sont d’ordre public.

39      Il découle de ce qui précède que, en l’espèce, le bulletin de pension d’avril 2013 faisait apparaître clairement l’existence et la portée de la décision de refus du Parlement de reporter sur l’année 2013 l’ensemble des jours de congé annuel non pris par la requérante en 2012 et que, en l’absence de réclamation introduite par la requérante dans le délai de trois mois prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut, soit, en l’espèce, en tout cas au plus tard le 31 août 2013, cette décision, reflétée dans le bulletin de pension d’avril 2013, est devenue définitive.

40      Toutefois, il appartient encore au Tribunal de vérifier si le prononcé de l’arrêt Strack sur réexamen, le 19 septembre 2013, constitue un fait nouveau et substantiel permettant à la requérante d’introduire, après l’expiration du délai de réclamation, une demande visant au report de ses jours de congé annuel non pris au titre de l’année 2012.

–       Sur l’existence d’un fait nouveau et substantiel permettant le réexamen de la situation de la requérante

41      Il ressort d’une jurisprudence constante que les effets juridiques d’un arrêt rendu dans le cadre du contentieux de l’annulation ne touchent, outre les parties, que les personnes directement concernées par l’acte annulé lui‑même et qu’un tel arrêt n’est susceptible de constituer un fait nouveau qu’à l’égard de ces personnes (voir, notamment, arrêt du 8 mars 1988, Brown/Cour de justice, 125/87, EU:C:1988:136, point 13 ; ordonnances du 24 mars 1998, Meyer e.a./Cour de justice, T‑181/97, EU:T:1998:64, point 36, et du 12 septembre 2011, Cervelli/Commission, F‑98/10, EU:F:2011:131, point 23).

42      S’agissant de l’arrêt Strack sur réexamen, le Tribunal relève que cet arrêt été rendu dans le cadre du contentieux de l’annulation d’une décision de la Commission européenne limitant à douze jours le report sur l’année suivante des jours de congé annuel non pris en 2004 par M. Strack. Or, la requérante n’est ni partie dans cette affaire, ni directement concernée par la décision de la Commission faisant l’objet dudit contentieux.

43      Par conséquent, l’arrêt Strack sur réexamen ne saurait être considéré comme un fait nouveau et substantiel permettant un nouvel examen de la situation de la requérante au‑delà des délais statutaires pour introduire une réclamation contre la décision de refus du Parlement de reporter sur l’année 2013 l’ensemble des jours de congé annuel non pris par la requérante en 2012 et reflétée dans le bulletin de pension d’avril 2013.

44      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, faute pour la requérante d’avoir introduit, dans le délai prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre le refus du Parlement de reporter sur l’année 2013 l’ensemble de ses jours de congé annuel non pris en 2012, tel que reflété dans le bulletin de pension d’avril 2013, la requérante n’a pas satisfait aux exigences impératives de la procédure précontentieuse. Par conséquent, le présent recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire, en l’espèce, d’analyser la recevabilité de chacun des chefs de conclusions de la requête, pris individuellement.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

46      Il résulte des motifs énoncés dans la présente ordonnance que la requérante a succombé en son recours. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, expressément demandé que la requérante soit condamnée aux dépens. Toutefois, le Tribunal relève que le Parlement n’a jamais répondu à la lettre du 9 décembre 2012 adressée par la requérante à son chef d’unité, lettre qui, au demeurant, a été envoyée par courrier recommandé. De surcroît, le Parlement n’ignorait pas que la requérante était en congé de maladie à ce moment. Au vu de ces circonstances, le Tribunal estime qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure et décide que la requérante doit supporter ses propres dépens mais ne doit pas être condamnée à supporter les dépens exposés par le Parlement, lequel doit en conséquence supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      Mme van Oudenaarden et le Parlement européen supportent chacun leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 22 juin 2015.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.