Language of document : ECLI:EU:C:2012:251

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 26 avril 2012 (1)

Affaire C‑138/11

Compass-Datenbank GmbH

contre

Republik Österreich

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Concurrence — Abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE — Notion d’‘entreprise’ — Réutilisation de données du secteur public — Interdiction absolue de réutiliser les données du registre public du commerce et des sociétés — Refus par un État membre d’autoriser le transfert en masse de données en vue de leur ré-exploitation commerciale — Identification du marché en amont — Facilités essentielles — Refus de fourniture — Directive 68/151/CEE — Directive 96/9/CE — Directive 2003/98/CE»





I –    Introduction

1.        Dans cette affaire, l’Oberster Gerichtshof (cour suprême, Autriche) souhaite être éclairé sur le point de savoir si l’État autrichien agit en tant qu’«entreprise» au sens de l’article 102 TFUE en interdisant à la fois la réutilisation des données contenues dans son registre public des entreprises (ci‑après le «registre du commerce et des sociétés») et la commercialisation de telles données pour créer un service d’informations commerciales de plus grande envergure. Si tel est le cas, la Cour est alors invitée à préciser si la doctrine dite «des facilités essentielles» est applicable. Cette doctrine vise des situations dans lesquelles le contrôle de ressources par une entreprise sur le marché en amont crée une position dominante sur le marché en aval.

2.        Ces questions ont été soulevées dans un contexte dans lequel interviennent les principes du droit de l’Union régissant la protection juridique des bases de données, la tenue des registres publics du commerce et des sociétés par les États membres, ainsi que la réutilisation des informations du secteur public. En effet, la République d’Autriche invoque pour sa part une directive qui lui impose une obligation de tenir un registre relatif aux informations concernant les sociétés, une seconde directive relative à la protection juridique des bases de données et une troisième directive relative à la réutilisation des informations publiques. La société Compass-Datenbank GmbH (ci-après «Compass-Datenbank»), qui est à l’origine de cette procédure, se prévaut, quant à elle, de la directive sur la réutilisation des informations publiques pour étayer sa thèse relative à l’abus de position dominante et invoque, plus spécifiquement, la doctrine des «facilités essentielles».

II – Le droit de l’Union

La directive 68/151/CEE (2)

3.        L’article 3 de la première directive 68/151 prévoit que:

«1. Dans chaque État membre, un dossier est ouvert auprès, soit d’un registre central, soit d’un registre du commerce ou registre des sociétés, pour chacune des sociétés qui y sont inscrites.

2. Tous les actes et toutes les indications qui sont soumis à publicité en vertu de l’article 2 sont versés au dossier ou transcrits au registre; […]

3. Une copie intégrale ou partielle de tout acte ou de toute indication visés à l’article 2 doit pouvoir être obtenue sur demande. À partir du 1er janvier 2007 au plus tard, les demandes peuvent être introduites auprès du registre sur support papier ou par voie électronique au choix du demandeur.

À partir d’une date à choisir par chaque État membre, mais qui ne peut être postérieure au 1er janvier 2007, les copies visées au premier alinéa doivent pouvoir être obtenues du registre sur support papier ou par voie électronique au choix du demandeur. […]

Le coût de l’obtention d’une copie de tout ou partie des actes et indications visés à l’article 2, que ce soit sur support papier ou par voie électronique, ne peut être supérieur au coût administratif.

Les copies transmises sur support papier sont certifiées conformes, à moins que le demandeur ne renonce à cette certification. Les copies électroniques ne sont pas certifiées conformes, sauf demande expresse du demandeur. […]

4. La publicité des actes et indications visés au paragraphe 2 est assurée par la publication, soit intégrale ou par extrait, soit sous forme d’une mention signalant le dépôt du document au dossier ou sa transcription au registre, dans le bulletin national désigné par l’État membre. Le bulletin national désigné à cet effet par l’État membre peut être tenu sous format électronique. […]

5. Les actes et indications ne sont opposables aux tiers par la société qu’une fois effectuée la publicité visée au paragraphe 4, sauf si la société prouve que ces tiers en avaient connaissance.

Toutefois, pour les opérations intervenues avant le seizième jour suivant celui de ladite publicité, ces actes et indications ne sont pas opposables aux tiers qui prouvent qu’ils ont été dans l’impossibilité d’en avoir connaissance. […]»

La directive 96/9/CE (3)

4.        Les considérants 40 et 41 de la directive 96/9 sont ainsi rédigés:

«(40)      considérant que l’objet [du] droit sui generis est d’assurer la protection d’un investissement dans l’obtention, la vérification ou la présentation du contenu d’une base de données pour la durée limitée du droit; que cet investissement peut consister dans la mise en œuvre de moyens financiers et/ou d’emploi du temps, d’efforts et d’énergie;

(41)      considérant que l’objectif du droit sui generis est d’accorder au fabricant d’une base de données la possibilité d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de la base de données; que le fabricant d’une base de données est la personne qui prend l’initiative et assume le risque d’effectuer les investissements; que cela exclut de la définition de fabricant notamment les sous-traitants.»

5.        L’article 7 de la directive 96/9, intitulé «Objet de la protection», prévoit, au chapitre III qui a pour titre «droit sui generis», ce qui suit:

«1. Les États membres prévoient pour le fabricant d’une base de données le droit d’interdire l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de celle-ci, lorsque l’obtention, la vérification ou la présentation de ce contenu attestent un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif.

2. Aux fins du présent chapitre, on entend par:

a)      ‘extraction’: le transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit;

b)      ‘réutilisation’: toute forme de mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de la base par distribution de copies, par location, par transmission en ligne ou sous d’autres formes. La première vente d’une copie d’une base de données dans la Communauté par le titulaire du droit, ou avec son consentement, épuise le droit de contrôler la revente de cette copie dans la Communauté;

[…]

3. Le droit visé au paragraphe 1 peut être transféré, cédé ou donné en licence contractuelle. […]

[…]

5. L’extraction et/ou la réutilisation répétées et systématiques de parties non substantielles du contenu de la base de données qui supposeraient des actes contraires à une exploitation normale de cette base, ou qui causeraient un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du fabricant de la base, ne sont pas autorisées.»

La directive 2003/98/CE (4)

6.        Les considérants 8 et 9 de la directive 2003/98 sont ainsi rédigés:

«(8)      Il importe d’établir un cadre général fixant les conditions de réutilisation des documents du secteur public afin de garantir que ces conditions seront équitables, proportionnées et non discriminatoires. Les organismes du secteur public recueillent, produisent, reproduisent et diffusent des documents en vue d’accomplir leurs missions de service public. L’utilisation de ces documents pour d’autres motifs constitue une réutilisation. Les mesures prises par les États membres peuvent aller au-delà des normes minimales établies par la présente directive, permettant ainsi une réutilisation plus large.

(9)      La présente directive ne contient aucune obligation d’autoriser la réutilisation de documents. La décision d’autoriser ou non la réutilisation est laissée à l’appréciation des États membres ou de l’organisme du secteur public concernés. […] Les organismes du secteur public devraient être encouragés à mettre à disposition en vue de leur réutilisation tous les documents qu’ils détiennent. Les organismes de service public devraient promouvoir et encourager la réutilisation des documents, y compris des textes officiels à caractère législatif et administratif, dans les cas où l’organisme de service public concerné a le droit d’autoriser leur réutilisation.»

7.        Le considérant 22 de la directive 2003/98 énonce que «[l]a […] directive n’affecte pas l’existence ou la titularité de droit de propriété intellectuelle par des organismes du secteur public, de même qu’elle ne restreint en aucune manière l’exercice de ces droits en dehors des limites qu’elle fixe. […] Les organismes du secteur public devraient, toutefois, exercer ces droits de façon à faciliter la réutilisation des documents».

8.        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2003/98, intitulé «Objet et champ d’application», est libellé comme suit:

«La présente directive fixe un ensemble minimal de règles concernant la réutilisation et les moyens pratiques destinés à faciliter la réutilisation de documents existants détenus par des organismes du secteur public des États membres.»

9.        L’article 2, point 4, de la directive 2003/98 définit la réutilisation des documents du secteur public comme étant «l’utilisation par des personnes physiques ou morales de documents détenus par des organismes du secteur public, à des fins commerciales ou non commerciales autres que l’objectif initial de la mission de service public pour lequel les documents ont été produits. L’échange de documents entre des organismes du secteur public aux seules fins de l’exercice de leur mission de service public ne constitue pas une réutilisation».

10.      L’article 3 de la directive 2003/98, intitulé «Principe général», prévoit que:

«Les États membres veillent à ce que, lorsque la réutilisation de documents détenus par des organismes du secteur public est autorisée, ces documents puissent être réutilisés à des fins commerciales ou non commerciales conformément aux conditions définies aux chapitres III et IV. Si possible, les documents sont mis à la disposition du public sous forme électronique.»

III – Le litige dans la procédure au principal, le droit national applicable et les questions posées à titre préjudiciel

A –    Le registre du commerce et des sociétés

11.      Conformément aux articles 1er et 2 de la loi autrichienne sur le registre du commerce et des sociétés (Firmenbuchgesetz, ci-après le «FBG») (5), les entreprises sont tenues de publier certaines informations dans le registre du commerce et des sociétés et ces mêmes dispositions exigent qu’elles soient rendues accessibles au public. L’article 3 prévoit que ces informations incluent la dénomination des entreprises, leur forme juridique, leur siège, l’indication de leur domaine d’activité, leurs succursales, les noms, dates de naissance et pouvoirs de ceux qui les représentent ainsi que les détails relatifs à toute procédure de liquidation ou à l’ouverture de toute procédure d’insolvabilité.

12.      Jusqu’en 1990, le public pouvait accéder à ces informations détenues par l’État autrichien en s’adressant aux tribunaux auprès desquels le registre du commerce et des sociétés était tenu. Il est encore loisible de consulter le registre du commerce et des sociétés par le biais des juridictions locales et cantonales (Bezirksgerichte) ou des notaires (articles 33 et 35 du FBG), moyennant le paiement d’une taxe réglementaire.

13.      Depuis le 1er janvier 1991, le registre du commerce et des sociétés a été informatisé et l’enregistrement de toutes les données commerciales dans ce système fut achevé à la fin de l’année 1994. Depuis 1993, des recherches pouvaient être effectuées par les membres du public au moyen de vidéotex interactifs et, depuis 1999, les recherches dans le registre du commerce et des sociétés peuvent être réalisées en ligne via internet. En vertu de l’article 34 du FBG, tout un chacun est autorisé à consulter ponctuellement les informations du registre du commerce et des sociétés via une transmission de données informatisée, dans la mesure où les possibilités, en termes de technique et de personnel, le permettent.

14.      L’accès du public au registre du commerce et des sociétés par voie électronique s’est trouvé modifié en 1999 lorsque la République d’Autriche a confié initialement à cinq agences intermédiaires («Verrechnungsstellen») la tâche de fournir un accès au registre du commerce et des sociétés via internet (6). Ces agences perçoivent une taxe réglementaire et facturent leurs services. Les frais dus pour les consultations ponctuelles ou globales sont déterminés par le règlement sur la base de données du registre du commerce et des sociétés (Firmenbuchdatenbankverordnung, ci-après la «FBDV») (7). Ils sont perçus par les agences intermédiaires et reversés à l’État. La rémunération distincte correspondant au service fourni par les agences intermédiaires doit recevoir l’approbation du ministère de la Justice.

15.      La base de données du registre du commerce et des sociétés est une base de données protégée. C’est l’État autrichien qui est titulaire du droit sui generis existant sur cette base de données. L’article 4, paragraphe 2, de la FBDV dispose que l’autorisation de consulter le registre du commerce et des sociétés ne confère pas le droit d’en faire la commercialisation («réutilisation interdite»). Ce droit est réservé à l’État autrichien en tant que créateur de la base de données, conformément aux dispositions applicables issues de la loi sur le droit d’auteur qui ont été adoptées en transposition de la directive 96/9 (8).

B –    La base de données de Compass-Datenbank

16.      Pendant plus de 130 ans, la société Compass-Datenbank et ses prédécesseurs juridiques ont eu à leur disposition des compilations d’informations détenues par l’État autrichien concernant les entreprises et sociétés. À partir de 1995, ils se sont mis à exploiter une base de données commerciales et industrielles, accessible via internet et tirée en partie desdites informations.

17.      La base de données de Compass-Datenbank contient un ensemble d’informations venant s’ajouter à celles qui apparaissent dans le registre du commerce et des sociétés. Elle inclut des informations relatives aux participations, leurs numéros de téléphone et de télécopieur, leurs adresses électroniques, les domaines dans lesquels les entreprises énumérées opèrent, ainsi qu’une brève description de leurs activités et les banques dans lesquelles elles détiennent des comptes. Pour pouvoir exploiter son service de renseignements, Compass-Datenbank a besoin quotidiennement des données actualisées enregistrées dans le registre du commerce et des sociétés, qui sont alors complétées par ses propres recherches.

18.      Jusqu’en décembre 2001, Compass-Datenbank recevait ces données du centre fédéral de traitement des données, sans aucune restriction quant à leur réutilisation. Elle était en mesure de recevoir ces informations en sa qualité d’éditeur du Zentralblatt für Eintragungen in das Firmenbuch der Republik Österreich (Journal centralisé pour les inscriptions au registre du commerce et des sociétés de la République d’Autriche). Elle réutilisait ces mêmes données pour alimenter sa propre base de données économiques en matière industrielle et commerciale.

C –    La procédure nationale

19.      En 2001, l’État autrichien a introduit une action devant le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne) visant notamment à faire interdire à Compass-Datenbank d’utiliser les données du registre du commerce et des sociétés, en particulier par la sauvegarde, la reproduction ou la transmission de ces données à des tiers. Par décision du 9 avril 2002, l’Oberster Gerichtshof a partiellement fait droit à une demande présentée à cet effet au titre de mesures provisoires, et a fait injonction à Compass-Datenbank, dans l’attente de la décision au fond, de s’abstenir de réutiliser le registre du commerce et des sociétés pour mettre à jour sa propre base de données en matière économique et, en particulier, de s’abstenir de sauvegarder ou de reproduire d’une quelconque autre façon les données qu’il contient afin de les transmettre ou de les rendre accessibles à des tiers, ou d’en extraire des informations, dès lors que Compass-Datenbank n’obtenait pas lesdites données en contrepartie d’une juste rémunération versée à l’État autrichien. L’ordonnance de renvoi n’indique pas si les juridictions autrichiennes ont ensuite statué définitivement dans cette procédure.

20.      Malgré tout, le représentant de Compass-Datenbank a expliqué à l’audience que la société avait continué à recevoir les données du registre du commerce et des sociétés, mais contre paiement d’une rémunération que la République d’Autriche juge insuffisamment élevée.

21.      Le 21 décembre 2006, Compass-Datenbank engagea, à son tour, une autre procédure par laquelle elle demandait qu’il soit fait injonction à l’État autrichien de mettre à sa disposition, conformément à la loi fédérale sur la réutilisation des informations des organismes du secteur public (Bundesgesetz über die Weiterverwendung von Informationen öffentlicher Stellen, ci-après l’«IWG») (9), certains documents disponibles dans le registre des entreprises, en contrepartie d’une rémunération appropriée. Plus spécifiquement, Compass-Datenbank demandait que cet accès se fasse sous la forme d’extraits du registre du commerce et des sociétés contenant des données actualisées relatives aux sujets de droit qui y sont enregistrés, ayant fait l’objet d’inscriptions ou de radiations le jour précédant la consultation, ainsi que d’extraits du registre du commerce et des sociétés comportant des données historiques.

22.      Au cours de la procédure nationale, il a été jugé que Compass‑Datenbank ne pouvait tirer aucun droit de l’IWG. Toutefois, il a été constaté que la société pourrait se prévaloir de certains arguments fondés sur le droit de la concurrence. Après diverses étapes devant divers tribunaux en Autriche, l’affaire a été portée devant l’Oberster Gerichtshof, lequel a jugé nécessaire de soumettre à la Cour les questions suivantes à titre préjudiciel:

«1)      L’article 102 TFUE doit-il être interprété dans le sens que l’activité d’une autorité publique consistant à sauvegarder, dans une base de données (Firmenbuch — registre du commerce et des sociétés), des données que les entreprises sont tenues de communiquer sur la base d’obligations légales et à permettre de consulter ces données et/ou en fournir des impressions contre une rémunération, tout en interdisant, néanmoins, tout autre usage de ces données, est une activité commerciale?

En cas de réponse négative à la première question:

2)      Est-on en présence d’une activité commerciale lorsque l’autorité publique se prévaut de la protection sui generis qui lui est accordée en tant que créateur d’une base de données, et interdit tout usage allant au-delà de la simple consultation et de l’impression des données?

En cas de réponse affirmative à la [première] question ou à la [deuxième] question:

3)      L’article 102 TFUE doit-il être interprété dans le sens que les principes dégagés par les arrêts de la Cour du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission (C‑241/91 P et C‑242/91 P, Rec. p. I‑743), et du 29 avril 2004, IMS Health [(10)] (C‑418/01, Rec. p. I‑5039) (‘doctrine des facilités essentielles’), s’appliquent également lorsqu’il n’y a pas de ‘marché en amont’, au motif que les données protégées sont rassemblées et enregistrées dans une base de données (Firmenbuch — registre du commerce et des sociétés) dans le cadre de l’exercice d’une prérogative de puissance publique?»

23.      Compass-Datenbank, le gouvernement autrichien, l’Irlande, les gouvernements néerlandais, polonais, portugais et la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Compass-Datenbank, le gouvernement autrichien, l’Irlande et la Commission ont pris part à l’audience du 2 février 2012.

IV – Analyse

A –    Observations liminaires

1.      Le rôle des agences intermédiaires

24.      Les observations des parties montrent qu’il convient de commencer par une analyse du rôle des agences intermédiaires, en particulier dans la mesure où cela peut influer sur la question de savoir si l’État autrichien exerce une activité économique.

25.      Comme nous l’avons vu au point 14 ci-dessus, une nouvelle méthode d’accès au registre du commerce et des sociétés a été introduite en 1999 par le biais des agences intermédiaires. Celles-ci fournissent un accès en ligne, contre paiement, au registre du commerce et des sociétés. Le représentant de la République d’Autriche a expliqué à l’audience qu’à présent toute entreprise remplissant les conditions de service et les qualités de performance requises peut être acceptée comme agence intermédiaire. Il existe à l’heure actuelle dix agences chargées de cette tâche, dont l’une appartient au même groupe de sociétés que Compass-Datenbank (11).

26.      Les agences intermédiaires représentent, via internet, l’interface entre le registre du commerce et des sociétés, d’une part, et le client, d’autre part. Il leur est interdit de réutiliser les données du registre du commerce et des sociétés ou de modifier le contenu ou la présentation des informations transmises. Elles ne peuvent pas non plus en compléter le contenu par de la publicité. Les clients des agences se voient également interdire toute réutilisation des données susceptible de constituer une violation du droit sui generis détenu par la République d’Autriche sur le registre du commerce et des sociétés. Cela signifie que l’interdiction de la réutilisation tombant sous le coup du droit sui generis est absolue et appliquée de manière non discriminatoire par la République d’Autriche.

27.      Il est important de garder à l’esprit que Compass-Datenbank cherche, par le biais des demandes qu’elle a adressées aux juridictions nationales, à obtenir de l’État autrichien un transfert de masse portant sur les données nouvellement enregistrées dans le registre du commerce et des sociétés, contre rémunération raisonnable, accompagné du droit de les réutiliser afin de les inclure dans les données du service d’information qu’elle exploite et de les commercialiser.

28.      Cette demande a pour objet principal de permettre à Compass-Datenbank d’offrir un service élaboré sur le fondement des données déjà accessibles à tous par le biais des agences intermédiaires. Comme elle l’a souligné à l’audience, Compass‑Datenbank entend fournir davantage qu’une simple copie des informations proposées par les agences intermédiaires. Elle souhaite apporter une valeur ajoutée à ces informations en les complétant avec d’autres éléments. De plus, son mode opératoire suppose qu’elle ait accès à des données récentes et à jour pour un prix qui soit inférieur à la taxe réglementaire payable en cas de recours aux agences intermédiaires. Tel est le résultat recherché dans le cadre de la procédure nationale engagée par Compass-Datenbank, qui a proposé un certain prix, correspondant à ce qu’elle estime être la rémunération appropriée à verser à l’État autrichien.

29.      Il importe de garder une idée claire du rôle des agences intermédiaires, pour deux raisons. D’abord, pour déterminer si une autorité publique agit en qualité d’«entreprise» au sens du droit de la concurrence de l’Union, il est nécessaire d’analyser les activités précises de l’autorité concernée. Elle sera qualifiée d’«entreprise» dans la mesure où de telles activités auront une nature «économique» (12). Ce sont donc les activités de l’État autrichien, plutôt que celles des agences intermédiaires, qui sont pertinentes pour déterminer si l’article 102 TFUE est applicable au litige qui doit être résolu en l’espèce.

30.      Ensuite, la distinction est également importante, car il est nécessaire de commencer par définir le marché sur lequel l’entreprise concernée occupe une position dominante avant de déterminer si une entreprise abuse de sa position dominante en refusant de fournir un produit ou service déterminé. Cette analyse vise ainsi l’État autrichien, et non les agences intermédiaires.

31.      À mon avis, il convient d’analyser le système mis en place de la manière suivante. La République d’Autriche accorde une concession de service public aux agences intermédiaires. Je suis parvenu à cette conclusion en raison du fait que les agences intermédiaires ont, sous le contrôle du ministère de la Justice, une certaine liberté pour fixer le prix de l’accès en ligne au registre du commerce et des sociétés (la rémunération qui s’ajoute à la taxe réglementaire) et perçoivent cette rémunération de tiers, et non du pouvoir adjudicateur qui a passé un contrat avec elles (13). Les risques commerciaux liés à l’accès en ligne au registre du commerce et des sociétés sont supportés par les agences intermédiaires, ce qui laisse à penser que la République d’Autriche a octroyé une simple concession à ces agences (14).

32.      S’il est admis que le refus d’un État membre de fournir une licence exclusive par le biais d’une concession de services est subordonné au respect des règles fondamentales du traité UE et du TFUE en général, y compris l’article 56 TFUE et, en particulier, les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité ainsi que l’obligation de transparence qui en découle (15), les obligations des États membres ne vont pas au-delà. Les contrats de concession de service public ne sont pas régis par les directives réglementant le domaine des marchés publics (16).

33.      J’observe, en passant, que la question pourrait se poser de savoir si les taxes réglementaires et/ou la rémunération supplémentaire appliquée par les agences intermédiaires excèdent le «coût administratif», admis, de l’obtention de copies de documents ou autres éléments tels que visés à l’article 3, paragraphe 3, de la première directive 68/151. Cependant, que la République d’Autriche agisse ou non de façon incompatible avec la première directive 68/151 est sans incidence lorsqu’il s’agit de déterminer si cette entité étatique agit en tant qu’entreprise (17) en refusant d’accorder un accès massif aux données en cause dans cette procédure ainsi qu’un droit de réutilisation de celles-ci.

34.      Qui plus est, bien que l’activité des agences intermédiaires doive incontestablement être considérée comme étant de nature économique, cette question est, elle aussi, dénuée de pertinence lorsqu’il s’agit de déterminer si la République d’Autriche a agi de façon abusive en refusant d’accorder à Compass-Datenbank une licence d’accès massif ou d’autoriser la réutilisation des données du registre du commerce et des sociétés. En effet, les agences intermédiaires exercent leur activité sur un marché distinct et indépendant de celui sur lequel Compass‑Datenbank entend opérer. Elles exercent leur activité sur le marché de l’accès en ligne au registre du commerce et des sociétés. En d’autres termes, elles se contentent de fournir une voie d’accès électronique et une interface client décentralisée pour les informations détenues par l’État autrichien.

35.      Compass-Datenbank n’est pas exclue de ce marché, mais y a accès, au contraire, dans des conditions non discriminatoires. Comme je l’ai déjà mentionné, l’une des sociétés appartenant au même groupe qu’elle opère, en effet, en tant qu’agence intermédiaire sur ce marché. Compass-Datenbank ne cherche pas à pouvoir réutiliser les informations obtenues des agences intermédiaires, lesquelles sont de la même façon soumises à une interdiction de réutilisation, mais tente d’obtenir un moyen alternatif d’accéder à ces données. Elle prétend que la République d’Autriche agirait de manière abusive en empêchant l’émergence, ou le maintien, du marché de la commercialisation de ces données.

2.      La pertinence des directives

36.      Les observations écrites des gouvernements autrichien et néerlandais soulèvent une autre question sur laquelle il faut se pencher à titre liminaire. Il s’agit de savoir en quoi (et si) les obligations imposées à la République d’Autriche par les directives 68/151 et 2003/98 ont une incidence sur la question de l’exercice d’une activité économique par celle-ci, qui serait pertinente pour l’applicabilité de l’article 102 TFUE.

37.      Il ne fait aucun doute que, en cas de conflit direct entre une directive et une disposition de droit primaire du traité UE ou du TFUE, y compris l’article 102 TFUE, c’est cette dernière qui prévaut. Toutefois, dans l’UE comme dans tout système de gouvernement fondé sur les principes du constitutionnalisme et de l’État de droit, il incombe au législateur de prendre en considération et de mettre en balance les règles et principes généraux à caractère abstrait consacrés par la Constitution, ou, dans le cas de l’Union européenne, par les traités (18).

38.      Selon la conception exposée, en particulier, par le gouvernement néerlandais dans ses observations écrites, l’existence et le contenu de directives ont la même importance que les dispositions légales nationales, lorsqu’il s’agit de déterminer si un État membre exerce une activité économique relevant de l’article 102 TFUE, par opposition aux activités échappant à cette disposition, lorsqu’elles traduisent l’exercice de prérogatives de puissance publique. Le critère permettant de déterminer si une autorité publique exerce une activité économique implique de prendre en considération la nature et l’objet de son activité, ainsi que les règles auxquelles l’activité est soumise (19). Cela inclut toute directive applicable, comme l’a montré l’arrêt Selex Sistemi Integrati/Commission (20), où une directive était pertinente pour déterminer si l’activité d’Eurocontrol avait une nature économique ou publique.

39.      C’est pourquoi, plutôt que de faire abstraction des directives sur le fondement de la hiérarchie des normes, il faut considérer, à mon avis, qu’elles forment une partie importante de l’examen auquel la Cour a été invitée à procéder. Tant la première directive 68/151 que la directive 2003/98 contiennent, avec la directive 96/9, des dispositions qui sont pertinentes pour déterminer si la République d’Autriche exerce, en interdisant la réutilisation des données du registre du commerce et des sociétés et en refusant d’autoriser un accès massif, une activité économique ou, au contraire, des prérogatives de puissance publique.

B –    Sur les première et deuxième questions

1.      L’objet des questions déférées

40.      Il est demandé à la Cour de déterminer si, dans les circonstances de cette affaire, la République d’Autriche est une «entreprise» pour les besoins de l’article 102 TFUE, et si la doctrine des «facilités essentielles» est pertinente pour la solution du litige, en l’absence supposée de marché en amont.

41.      Cela étant, la tâche de la Cour se limite, à mon avis, à donner à la juridiction nationale des indications pour résoudre la question de savoir si la République d’Autriche exerce des pouvoirs ou des prérogatives de puissance publique à l’exclusion d’activités économiques (21), ou si, au contraire, au moins une des activités en question représente une activité détachable des activités publiques de la République d’Autriche (22). Dans ce dernier cas, il est demandé à la Cour de fournir un éclairage sur les critères juridiques de l’abus de position dominante prenant la forme d’un refus de fournir des biens ou des services (23), et plus particulièrement sur les circonstances dans lesquelles un refus de licence concernant des éléments protégés par un droit sui generis détenu sur une base de données tombe sous le coup de l’article 102 TFUE.

42.      J’examinerai le premier de ces deux points en traitant ensemble les première et deuxième questions préjudicielles. J’étudierai le dernier point, relatif au refus d’accorder une licence, en examinant la troisième question préjudicielle séparément.

43.      Comme l’a souligné le gouvernement polonais, ces questions supposent que la Cour examine trois activités spécifiques au regard de sa jurisprudence relative aux conditions dans lesquelles une autorité publique agit en tant qu’entreprise, devenant de ce fait tenue de respecter les règles de l’Union interdisant l’abus de position dominante, conformément à l’article 102 TFUE. Ces activités sont:

i)      le fait de stocker dans une base de données (le registre du commerce et des sociétés) des informations qui sont fournies par les entreprises en vertu d’obligations légales de publicité;

ii)      le fait de permettre, moyennant paiement, la prise de connaissance et/ou l’impression d’éléments du registre du commerce et des sociétés;

et

iii)  le fait d’interdire la réutilisation des informations contenues dans le registre du commerce et des sociétés.

44.      Avant de me pencher sur ces questions, j’estime important d’observer que la législation autrichienne applicable est le reflet d’une politique restrictive quant aux possibilités pour les tiers de fournir des services d’information en exploitant les données du registre du commerce et des sociétés. D’autres États membres tels que l’Irlande ont adopté des approches plus libérales et admettent, par exemple, l’octroi de licence sur des masses de données ainsi que la réutilisation de telles données à des fins commerciales. Indépendamment du bien-fondé de ces différentes positions, le droit de l’UE ne limitera les choix politiques effectués par un État membre que dans les hypothèses où celui-ci agit en tant qu’entreprise.

2.      Le stockage d’informations dans le registre du commerce et des sociétés

45.      En droit de la concurrence, la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (24). Cela inclut les États membres. Il importe peu que l’État agisse directement par le moyen d’un organe faisant partie de l’administration publique ou par le moyen d’une entité qu’il a investie de droits spéciaux ou exclusifs (25). Il convient, en revanche, d’examiner la nature des activités exercées par l’entreprise publique ou l’entité en question (26).

46.      Les entités publiques ne pourront échapper à la qualification d’entreprise que si elles exercent des prérogatives de puissance publique à l’exclusion de toute activité économique (27). Il est nécessaire d’examiner séparément chaque activité exercée par l’entité du secteur public en question. Si ces activités sont divisibles, l’entité du secteur public ne sera assimilée à une entreprise que dans la mesure de l’activité économique exercée (28). Constitue une activité économique, selon la jurisprudence, toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (29).

47.      Il ne fait aucun doute que le fait de stocker dans une base de données, en l’occurrence le registre du commerce et des sociétés, des informations fournies par les entreprises sur le fondement d’obligations légales de publicité est, par sa nature, son objet et les règles auxquelles cette activité est soumise, liée à l’exercice de prérogatives publiques (30).

48.      Le stockage de données dans le registre du commerce et des sociétés, sur le fondement d’une obligation légale imposée à cet effet, est une activité exercée dans l’intérêt général de la sécurité juridique. Les sujets de droit visés à l’article 2 du FBG sont tenus de fournir les informations mentionnées à l’article 3 du FBG pour se conformer aux exigences prévues aux articles 4, 5, 6 et 7 en matière d’enregistrement. Ils sont également tenus de communiquer immédiatement toute modification des données déjà enregistrées (voir article 10 du FBG). L’État autrichien peut infliger des sanctions administratives pour garantir que les informations requérant une publication soient communiquées dans leur intégralité et dans les délais (article 24 du FBG). Cet élément est important, car l’existence de prérogatives et de pouvoirs de coercition dérogatoires au droit commun est un indicateur reconnu de l’exercice de prérogatives de puissance publique (31).

49.      En outre, cette activité est directement liée aux obligations résultant pour la République d’Autriche de la première directive 68/151, et en particulier de l’article 3 de cette directive. Il fait obligation aux États membres de tenir un registre central, un registre du commerce ou un registre des sociétés. L’article 3 exige, de surcroît, que les États membres garantissent la publicité des informations qui y sont contenues, ainsi qu’un accès raisonnable à celles-ci.

50.      Il convient de noter que, même si des personnes privées ont la capacité physique de créer, de collecter et de commercialiser des informations relatives aux entreprises, elles ne peuvent pas leur conférer le statut légal qui caractérise les données enregistrées au registre officiel des entreprises, à savoir leur caractère opposable aux tiers (32). Cet effet juridique ne peut être institué que par des dispositions légales spécifiques. La finalité explicite des registres publics tels que le registre du commerce et des sociétés est de créer une source d’information ayant une valeur fiable dans les relations juridiques, et ainsi d’assurer la sécurité juridique nécessaire aux échanges sur le marché.

3.      Le fait de permettre la consultation du registre du commerce et des sociétés

51.      Cette activité correspond, elle aussi, incontestablement à une fonction publique. Il est évident que les registres publics tels que le registre du commerce et des sociétés ne peuvent pas répondre à leur mission essentielle, à savoir le renforcement de la sécurité juridique par le biais d’une mise à disposition transparente d’informations juridiquement fiables, si l’accès à ces registres n’est pas ouvert à tous.

52.      Comme l’a souligné le gouvernement néerlandais, le fait que des frais soient facturés n’oblige pas à conclure qu’il s’agit d’une activité économique. Il est courant que des activités manifestement non économiques par leur nature comportent le paiement de frais de service. Les frais facturés par les juridictions et les huissiers de justice en fournissent un exemple frappant. Le fait qu’une activité publique puisse être rentable économiquement pour l’entité publique en cause n’en fait pas une activité économique par nature.

53.      L’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, de la première directive 68/151 prévoit que le coût de l’obtention d’une copie, extraite du registre du commerce et des sociétés, ne doit pas en excéder le «coût administratif». Tant dans ses observations écrites que dans sa plaidoirie à l’audience, la Commission a soutenu que l’État autrichien protégeait ses intérêts économiques en invoquant son droit sui generis à l’égard des données du registre du commerce et des sociétés.

54.      En l’état, il n’existe pas de preuve de ce que la taxe réglementaire, à elle seule ou ajoutée à la rémunération demandée par les agences intermédiaires, excéderait le coût administratif de la fourniture de copies des documents ou éléments enregistrés dans le registre du commerce et des sociétés, au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la première directive 68/151. Si tel était le cas, le barème appliqué par la République d’Autriche pourrait être contesté devant les juridictions nationales ou, à un niveau général, dans le cadre d’une procédure d’infraction en application de l’article 258 TFUE.

55.      Même si le fait de permettre la consultation et l’obtention d’impressions du registre du commerce et des sociétés était considéré comme une activité économique, elle ne serait pas détachable des fonctions de collecte des données. Les activités économiques et publiques peuvent être dissociées si l’activité économique n’est pas étroitement liée à l’activité publique, et si la relation entre les deux activités n’est qu’indirecte (33). Comme l’a observé l’avocat général Maduro, toutes les manifestations de l’exercice de l’autorité publique qui visent à réguler le marché et non à y participer sont exclues du champ d’application du droit de la concurrence (34). Comme il ressort clairement du texte de l’article 3 de la première directive 68/151, la tenue du registre des entreprises et le fait d’assurer un accès raisonnable à ce registre sont inextricablement liés.

56.      De plus, contrairement aux arguments avancés dans les observations écrites de la Commission, le fait que les agences intermédiaires, qui offrent l’interface pour l’accès public en ligne aux données en question, ne jouissent pas de prérogatives de coercition, de même que l’existence d’une certaine forme de concurrence limitée entre ces agences (35) ne change rien au caractère indissociable de l’accès aux données et de leur collecte. En outre, les agences intermédiaires sont soumises à un contrôle de l’État, du fait de la supervision exercée par le ministère de la Justice sur les frais qu’elles sont en droit de percevoir des usagers (36).

4.      Le fait d’interdire la réutilisation des informations

57.      La thèse de Compass-Datenbank présente une nouveauté, en ce qu’elle s’appuie sur une obligation pour la République d’Autriche d’agir afin de se conformer aux obligations qui pèsent sur elle en vertu de l’article 102 TFUE, et non pas sur une obligation de s’abstenir d’agir. Il est utile de rappeler ici quelles sont les limites de l’obligation faite à l’État membre de se comporter de manière proactive afin de se conformer aux obligations résultant pour lui du droit de la concurrence de l’UE. S’il existe une obligation générale de s’abstenir de toute mesure pouvant compromettre les objectifs du traité, y compris la politique de la concurrence (37), les obligations de nature positive des États membres restent quant à elles limitées.

58.      Ces principes ont été récemment réaffirmés dans l’arrêt AG2R Prévoyance (38), dans lequel la Cour a rappelé que l’article 101 TFUE, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, impose aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, de nature législative ou réglementaire, susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises (39). En outre, aux termes de l’article 106, paragraphe 1, TFUE, les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles inscrites aux articles 18 TFUE et 101 TFUE à 109 TFUE inclus, sous réserve de l’article 106, paragraphe 2, TFUE (40).

59.      Aucun de ces principes ne peut être utile à la thèse de Compass‑Datenbank. Les dispositions en cause du droit autrichien ne privent pas d’effet utile les règles de concurrence de l’UE. Rien dans cette jurisprudence ne permet d’obliger un État membre à divulguer des données à des opérateurs économiques ou à faciliter d’une autre manière la création de nouveaux marchés, en l’absence de mesures du marché intérieur destinées à ouvrir à la concurrence des secteurs qui étaient traditionnellement exploités comme des monopoles de l’État (41).

60.      Les faits de cette affaire ne correspondent pas non plus à la situation dans laquelle une entreprise s’est vu accorder des droits spéciaux ou exclusifs. Au contraire, l’interdiction de réutilisation et de commercialisation des données stockées dans le registre du commerce et des sociétés, au-delà des activités des agences intermédiaires consistant à procurer la possibilité d’un accès en ligne à la base de données, vaut pour tous et pas seulement pour Compass-Datenbank. En effet, en l’état actuel du droit de l’Union, «la personne qui a constitué une base de données peut se réserver un droit d’accès exclusif à sa base ou réserver l’accès à celle-ci à des personnes déterminées […] ou encore subordonner cet accès à des conditions particulières, par exemple d’ordre financier» (42). Comme je l’ai déjà indiqué, la directive 2003/98 «ne contient aucune obligation» faite aux États membres «d’autoriser la réutilisation de documents» (43).

61.      Les gouvernements autrichien, néerlandais et portugais invoquent également l’article 7 de la directive 96/9 concernant la protection juridique des bases de données, et le droit sui generis de protéger une telle base de données (44). Cependant, à mon avis, cela est sans grande pertinence pour déterminer si une interdiction de réutilisation de données constitue une activité publique ou économique au sens de l’article 102 TFUE. Il semble clair que les entités publiques peuvent, pour protéger leurs missions d’intérêt public, se prévaloir de droits tirés du droit privé, tels que l’interdiction, invoquée en tant que propriétaire, de pénétrer dans un établissement militaire. En revanche, le droit sui generis entrera en jeu dans le cadre de la troisième question préjudicielle, lorsqu’il s’agira de déterminer si et quand le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle peut être contraint à accorder une licence.

62.      En conclusion, je propose à la Cour de donner une réponse négative à la première et à la deuxième question préjudicielle.

C –    Sur la troisième question préjudicielle

63.      Étant donné que j’ai répondu aux deux premières questions par la négative, il n’est pas indispensable de répondre à la troisième question préjudicielle. Je vais toutefois présenter les observations qui suivent, susceptibles d’être utiles à la Cour pour le cas où elle déciderait que la République d’Autriche a, en réalité, exercé une activité économique en rassemblant les données contenues dans le registre du commerce et des sociétés, ou les rendant accessibles au public, ou les deux.

64.      Par cette question, la Cour est invitée à préciser quels sont les principes énoncés dans les arrêts RTE et ITP/Commission et IMS Health («doctrine des facilités essentielles») et à examiner leur applicabilité dans le cas où un «marché en amont» fait défaut parce que les données sont collectées et stockées dans une base de données (le registre du commerce et des sociétés) dans le cadre d’activités de nature publique. Cette question n’a d’intérêt que s’il est admis que la République d’Autriche a agi en tant qu’entreprise dans les circonstances de l’affaire au principal.

65.      Il est nécessaire de commencer par la détermination du marché en amont (45). En effet, l’absence de position dominante sur un tel marché aura pour conséquence qu’il ne peut pas exister d’abus sur le marché en aval, parfois désigné sous les termes de marché voisin ou de marché dérivé. Dans le cas qui nous est soumis, il existe un marché parallèle de l’accès en ligne aux données brutes du registre du commerce et des sociétés par le biais des agences intermédiaires, mais il n’existe pas de marché en amont de l’accès en masse à des données du registre du commerce et des sociétés légalement susceptibles d’être réutilisées, et dont Compass-Datenbank pourrait tirer un droit de produire un produit enrichi. Au lieu de cela, on trouve en amont deux fonctions: l’une qui comprend la collecte et l’enregistrement des données, et l’autre qui assure l’accès à celles-ci. Les deux affaires qui sont essentielles à la résolution de ce litige, à savoir RTE et ITP/Commission et IMS Health, étaient très différentes.

66.      Dans l’affaire RTE et ITP/Commission, les entreprises jugées coupables d’abus de position dominante du fait de leur refus d’accorder une licence sur leurs grilles de programmation, en empêchant ainsi l’émergence d’un marché de guides télévisuels complets, étaient incontestablement dominantes sur le marché en amont de l’information relative aux programmes télévisés, en raison d’un monopole de fait détenu sur les informations servant à confectionner les grilles des programmes de télévision (46). Cette domination en amont leur conférait un avantage sur un marché potentiel en aval, où existe une concurrence potentielle. Dans l’affaire RTE et ITP/Commission, RTE et ITP entendaient réserver l’exploitation commerciale de la programmation à leurs licenciés agissant sur le marché en amont, en excluant l’émergence d’un marché en aval de guides télévisuels complets.

67.      De même, dans l’affaire IMS Health, l’entreprise qui se voyait demander une licence exerçait une activité économique et occupait une position dominante sur le marché en cause, à savoir la présentation à des sociétés pharmaceutiques de données relatives aux ventes régionales, concernant des produits pharmaceutiques. Les «structures modulaires» protégées par un droit d’auteur, grâce auxquelles l’entreprise présentait les données de vente, étaient devenues la norme de référence dans ce secteur et avaient placé l’entreprise dans une position dominante. La Cour a observé que le refus de l’entreprise dominante d’accorder une licence sur la structure modulaire à un concurrent ne pouvait constituer un abus que dans des circonstances exceptionnelles (47). Trois conditions cumulatives doivent être réunies, dans toutes les affaires impliquant l’exercice d’une licence exclusive: i) le refus doit faire obstacle à l’apparition d’un produit nouveau pour lequel il existe une demande potentielle des consommateurs, ii) le refus doit être dépourvu de justification et iii) le refus doit être de nature à exclure toute concurrence sur un marché secondaire (48).

68.      Pour revenir à notre affaire, on relève un défaut d’informations dans l’ordonnance de renvoi sur le marché en aval en cause. Nous savons que Compass-Datenbank entend commercialiser et compléter les données brutes du registre du commerce et des sociétés tenu par l’État autrichien, sous la forme d’un service d’informations économiques de portée plus vaste. Cependant, nous ne savons rien de la position de Compass-Datenbank sur le marché d’un tel service étendu, sur des aspects capitaux tels que sa part de marché et comment elle se situe par rapport aux parts de marché des autres opérateurs, s’il en existe. Comme la Cour l’a observé, «la délimitation du marché pertinent en termes de produit et d’aire géographique, ainsi que le calcul des parts de marché détenues par les différentes entreprises qui opèrent sur ce marché, constituent le point de départ de toute appréciation d’une situation au regard du droit de la concurrence» (49). Si la Cour est dans l’incapacité de procéder à une telle appréciation, elle jugera la demande de décision préjudicielle irrecevable (50).

69.      Il n’y a pas d’informations dans la demande de décision préjudicielle quant à l’existence de concurrents importants pour Compass-Datenbank, qui proposeraient des services d’informations commerciales concurrents de la base de données de Compass‑Datenbank. S’il n’en existe pas, alors Compass-Datenbank semble détenir une position dominante, manifestement tirée de son rôle historique d’éditeur du Zentralblatt. Compass-Datenbank a également été en mesure de recevoir les données dont elle a besoin postérieurement à l’injonction de l’Oberster Gerichtshof de 2002, dont le fondement juridique n’est pas expliqué dans l’ordonnance de renvoi, pour un prix que la République d’Autriche estime insuffisant. Cependant, dans la présente procédure, Compass-Datenbank cherche essentiellement à obtenir un accès privilégié aux données du registre du commerce et des sociétés, à des conditions économiques et juridiques plus favorables que celles qui sont appliquées aux autres. Il existe donc un certain flou quant aux faits de l’affaire, sur le point de savoir si l’abus invoqué a trait à la politique des prix, au refus de fournir un service, ou au refus de fournir l’accès à une facilité essentielle.

70.      Un autre problème est relatif au point de savoir à quoi correspond la facilité essentielle détenue par l’État autrichien. Les deux candidats évidents sont le droit sui generis détenu sur la base de données du registre du commerce et des sociétés, ou l’accès aux données non encore divulguées du registre du commerce et des sociétés. En toute hypothèse, la facilité qui a été refusée ne peut pas être l’accès aux données brutes en tant que tel, puisqu’il est accordé à tous, via les agences intermédiaires, dans des conditions non discriminatoires (51).

71.      J’ai déjà conclu qu’une interdiction de réutilisation non discriminatoire représente la mise en œuvre d’une politique publique, admise d’ailleurs par le considérant 9 ainsi que l’article 3 de la directive 2003/98. Cependant, on ne peut pas nier que le refus de la République d’Autriche de fournir des données récentes et actualisées ainsi que l’interdiction de réutilisation font obstacle à l’offre d’un service pour lequel il semble exister une demande de la part des consommateurs, susceptible d’être démontrée. Néanmoins, comme l’avocat général Jacobs l’a observé dans l’affaire Bronner, précitée, une demande impliquant l’octroi d’un droit de propriété intellectuelle, «qu’elle soit entendue comme une application de la doctrine des essential facilities ou, de manière plus traditionnelle, comme une réponse au refus de fournir des biens ou services, ne peut se justifier, sur le plan de la politique de la concurrence, que dans les cas où l’entreprise dominante dispose d’une véritable mainmise sur le marché apparenté» (52).

72.      Il n’est pas du tout certain que le refus de conclure un accord et l’interdiction de réutilisation de données excluent, dans cette affaire, toute concurrence sur le marché secondaire. En théorie, si l’interdiction de réutilisation devait faire l’objet d’une exécution forcée en droit, ce qui ne semble pas avoir été le cas jusqu’à présent, cela empêcherait l’existence du marché secondaire et, par voie de conséquence, toute concurrence sur celui-ci, à la condition que la réutilisation des données du registre du commerce et des sociétés ait été indispensable, au sens prescrit par la jurisprudence de la Cour (53), à la fourniture de tout service utile d’informations commerciales relatives aux entreprises. Or, le refus de fournir un service prenant la forme d’un accès massif à des données récentes et à jour n’est pas, à lui seul, susceptible d’exclure la concurrence sur le marché secondaire. Il retarde seulement la présentation de produits actualisés, tels que le service proposé par Compass-Datenbank, et augmente le coût de la fourniture d’un tel service.

V –    Conclusion

73.      Pour les raisons exposées ci-dessus, je propose à la Cour de répondre aux questions déférées par l’Oberster Gerichtshof de la manière suivante:

«L’article 102 TFUE doit être interprété comme signifiant qu’une autorité publique n’agit pas en qualité d’entreprise si elle stocke dans une base de données (registre des entreprises) les informations communiquées par les entreprises sur le fondement d’obligations légales de publicité. Une telle autorité n’agit pas non plus en qualité d’entreprise lorsqu’elle permet la consultation et la réalisation d’impressions d’extraits du registre, mais interdit toute utilisation plus extensive de ces données, que ce soit sur le fondement de son droit sui generis à la protection en tant que créateur de la base de données, ou sur d’autres fondements.»


1 —      Langue originale: l’anglais.


2 —      Première directive du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article 58 deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (JO L 65, p. 8), telle que modifiée par la directive 2003/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2003, modifiant la directive 68/151 en ce qui concerne les obligations de publicité de certaines formes de sociétés (JO L 221, p. 13).


3 —      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données (JO L 77, p. 20).


4 —      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 17 novembre 2003, concernant la réutilisation des informations du secteur public (JO L 345, p. 90).


5 —      BGBl. 10/1991.


6 —      Le représentant de la République d’Autriche a expliqué à l’audience que cette solution a été adoptée uniquement parce qu’il n’existait pas d’infrastructure étatique pour la facturation et les paiements en ligne relatifs aux consultations par internet du registre du commerce et des sociétés.


7 —      BGBl. II, 240/1999.


8 —      Selon les observations écrites de Compass-Datenbank, antérieurement à 1998, l’État autrichien ne jouissait d’aucune protection au titre du droit d’auteur en ce qui concerne les registres publics.


9 —      BGBl. I, 135/2005. Cette question n’est pas exposée en détail dans l’ordonnance de renvoi, pas plus que la disposition en cause que j’ai citée. Cependant, je note que l’article 7 de l’IWG prévoit que la rémunération demandée par les autorités pour la réutilisation d’informations du secteur public ne doit pas excéder les coûts y afférents augmentés d’une marge raisonnable.


10 —      Sans objet dans la version française.


11 —      À l’audience, il a été précisé que cette agence est une société sœur de Compass‑Datenbank.


12 —      Voir arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C‑41/90, Rec. p. I‑1979, point 21); du 19 janvier 1994, SAT Fluggesellschaft/Eurocontrol (C‑364/92, Rec. p. I‑43, point 18), et du 16 mars 2004, AOK-Bundesverband e.a. (C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, Rec. p. I‑2493, point 59).


13 —      Arrêts du 10 septembre 2009, Eurawasser (C‑206/08, Rec. p. I‑8377, points 53 à 57), et du 10 mars 2011, Privater Rettungsdienst und Krankentransport Stadler (C‑274/09, Rec. p. I‑1335, points 24 et 25). Selon le droit dérivé de l’Union, une concession de services est un contrat présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché de services, à l’exception du fait que la contrepartie de la prestation des services consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter le service, soit dans ce droit assorti d’un prix.


14 —      Arrêts précités Eurowasser, points 67 et 68, et Privater Rettungsdienst und Krankentransport Stadler, point 26.


15 —      Arrêt du 3 juin 2010, Sporting Exchange (C‑203/08, Rec. p. I‑4695, point 39).


16 —      Ibidem, point 39.


17 —      En revanche, la question de savoir si la taxe légale exigée par la République d’Autriche pour la consultation du registre du commerce et des sociétés, sur le fondement du droit sui generis qu’elle détient sur la base de données, est si élevée qu’elle confère à l’activité un caractère économique mérite un examen plus approfondi.


18 —      Pour cette raison, les actes législatifs de l’UE ne peuvent pas être écartés, à moins que la Cour n’ait confirmé l’existence d’une incompatibilité avec les traités dans le cadre de procédures comportant l’examen de la validité d’un acte de droit dérivé. Voir arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85, Rec. p. 4199).


19 —      Arrêt précité SAT Fluggesellschaft/Eurocontrol, point 30. C’est moi qui mets en relief ici.


20 —      Arrêt du 12 décembre 2006 (T‑155/04, Rec. p. II‑4797), qui a fait l’objet d’un pourvoi ayant donné lieu à l’arrêt du 26 mars 2009, Selex Sistemi Integrati/Commission (C‑113/07 P, Rec. p. I‑2207).


21 —      Voir arrêts SAT Fluggesellschaft/Eurocontrol, précité, point 30; du 18 mars 1997, Calì & Figli/Servizi Ecologici Porto di Genova (C‑343/95, Rec. p. I‑1547, points 22 et 23), et Selex Sistemi Integrati/Commission, précité, point 70.


22 —      Voir arrêts SAT Fluggesellschaft/Eurocontrol, précité, point 28; du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, Rec. p. II‑3929, point 108); la règle du caractère détachable a été énoncée par la Cour dans l’arrêt du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission (C‑82/01 P, Rec. p. I‑9297, point 81).


23 —      Voir arrêts du 5 octobre 1988, CICRA et Maxicar (53/87, Rec. p. 6039) et Volvo (238/87, Rec. p. 6211); RTE et ITP/Commission, précité; du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, Rec. p. I‑7791); IMS Health, précité, et du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission (T‑201/04, Rec. p. II‑3601).


24 —      Arrêt SAT Fluggesellschaft/Eurocontrol, précité, point 18.


25 —      Voir arrêt Calì & Figli/Servizi Ecologici Porto di Genova, précité, point 17.


26 —      Ibidem, point 18.


27 —      Arrêts précités SAT Fluggesellschaft/Eurocontrol, points 27 à 30; Calì & Figli/Servizi Ecologici Porto di Genova, point 22, et Selex Sistemi Integrati/Commission, point 70.


28 —      Arrêt SAT Fluggesellschaft/Eurocontrol, précité, point 28.


29 —      Arrêts du Tribunal Aéroports de Paris/Commission, point 107; de la Cour Aéroports de Paris/Commission, précité point 79; du 11 juillet 2006, FENIN/Commission (C‑205/03 P, Rec. p. I‑6295, point 25), et du 3 mars 2011, AG2R Prévoyance (C‑437/09, Rec. p. I‑973, point 42). Même si aucun but lucratif n’est poursuivi, il peut exister une participation au marché, jugée pertinente. Voir point 14 des conclusions de l’avocat général Maduro dans l’affaire FENIN/Commission, précitée, et arrêt Selex Sistemi Integrati/Commission, point 115.


30 —      Voir arrêts précités Calì & Figli/Servizi Ecologici Porto di Genova, point 23, et SAT Fluggesellschaft/Eurocontrol, point 30.


31 —      Arrêt SAT Fluggesellschaft/Eurocontrol, précité, point 24.


32 —      Voir article 3, paragraphe 5, de la première directive 68/151.


33 —      Arrêt de la Cour Selex Sistemi Integrati/Commission, précité, points 76 et 77.


34 —      Voir point 15 des conclusions de l’avocat général Maduro dans l’affaire FENIN/Commision.


35 —      Voir arrêt AOK-Bundesverband e.a., précité, point 56.


36 —      Voir arrêt Calì & Figli/Servizi Ecologici Porto di Genova, précité, point 24. Le fait que l’accès à une activité publique puisse dépendre du recours à des «gardes-barrières» dont l’activité est économique par nature est illustré, notamment, par les dispositions exigeant que les justiciables soient représentés par des avocats. Voir, par exemple, article 19, paragraphe 3, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.


37 —      Arrêt du 18 juin 1991, ERT (C‑260/89, Rec. p. I‑2925).


38 —      Points 24 et 25.


39 —      Voir, notamment, arrêts AG2R Prévoyance, précité, point 24; du 21 septembre 1999, Brentjens’ (C‑115/97 à C‑117/97, Rec. p. I‑6025, point 65) et Drijvende Bokken (C‑219/97, Rec. p. I‑6121, point 55).


40 —      Voir arrêt AG2R Prévoyance, point 25.


41 —      Comme cela s’est produit, par exemple, dans le secteur des télécommunications.


42 —      Arrêt du 9 octobre 2008, Directmedia Publishing (C‑304/07, Rec. p. I‑7565, point 52). Voir aussi arrêt du 9 novembre 2004, The British Horseracing Board e.a. (C‑203/02, Rec. p. I‑10415, point 55). Le considérant 47 et l’article 13 de la directive 96/9 indiquent tous les deux clairement que le droit sui generis existe sans préjudice de l’application des règles de l’UE, notamment en matière d’abus de position dominante (voir arrêt Directmedia Publishing, point 56). Cependant, puisque je suis parvenu à la conclusion que la République d’Autriche n’exerçait pas d’activité économique justifiant qu’on la considère comme une «entreprise» au sens du droit de la concurrence de l’Union, la question de l’atteinte aux règles du droit de la concurrence de l’Union ne se pose pas.


43 —      Voir considérant 9 de la directive 2003/98. Voir aussi article 3 de la directive 2003/98, qui précise que le champ d’application de la directive se limite aux cas dans lesquels l’État membre concerné a «autorisé», de son libre choix, la «réutilisation de documents détenus par des organismes du secteur public». Cela semble indiquer que l’interdiction de réutilisation des données correspond à un exercice légitime de la politique étatique, et donc à une fonction de l’État plutôt qu’à une activité économique.


44 —      Sur la portée de l’interdiction de réutilisation sans autorisation au regard de l’article 7 de la directive 96/9, voir arrêt The British Horseracing Board e.a., précité, point 61. Pour des éclaircissements sur la définition de la base de données protégée, voir arrêts The British Horseracing Board e.a et du 9 novembre 2004, Fixtures Marketing (C‑46/02, Rec. p. I‑10365).


45 —      Voir arrêt IMS Health, précité, point 45: «[…] il est déterminant que puissent être identifiés deux stades de production différents, liés en ce que le produit en amont est un élément indispensable pour la fourniture du produit en aval.»


46 —      Arrêt précité, point 47.


47 —      Arrêt précité, point 35.


48 —      Ibidem, point 38. Voir, plus récemment, arrêt Microsoft/Commission, précité, points 331 à 335, dans lesquels le Tribunal fournit un résumé concis de l’état du droit sur le refus d’accorder une licence et l’abus de position dominante.


49 —      Arrêt du 17 février 2005, Viacom Outdoor (C‑134/03, Rec. p. I‑1167, point 27).


50 —      Ibidem, point 29.


51 —      De ce point de vue, l’affaire est analogue à l’affaire Tiercé Ladbroke/Commission (arrêt du 12 juin 1997, T‑504/93, Rec. p. II‑923, point 124), où le Tribunal a observé que personne ne s’était vu accorder une licence sur le marché géographique concerné, de sorte qu’il n’y avait eu aucune discrimination. Ici, il n’y a pas de discrimination parce que le registre des entreprises commerciales est accessible à tous par le biais des agences intermédiaires.


52 —      Voir point 65 des conclusions.


53 —      Arrêts précités Bronner, points 41 à 46, et IMS Health, points 28, 45 et 49.