Language of document : ECLI:EU:C:2016:28

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 20 janvier 2016 (1)

Affaire C‑561/14

Caner Genc

contre

Integrationsministeriet

[demande de décision préjudicielle
formée par l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark)]

«Accord d’association CEE-Turquie – Décision nº 1/80 – Libre circulation des travailleurs – Regroupement familial – Réglementation nationale prévoyant de nouvelles conditions plus restrictives en matière de regroupement familial pour des membres non économiquement actifs de la famille de ressortissants turcs économiquement actifs demeurant et détenant un droit de séjour dans l’État membre en question – Clause de ‘standstill’ – Champ d’application – Nouvelle restriction – Justification – Raison impérieuse d’intérêt général – Proportionnalité»





1.        Par la présente demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter l’article 13 de la décision nº 1/80, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association (ci-après la «décision nº 1/80»), adoptée par le conseil d’association institué par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé, le 12 septembre 1963, à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (2) (ci-après l’«accord d’association CEE-Turquie»). Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Genc, ressortissant turc, aux autorités danoises au sujet du rejet, par ces dernières, de sa demande de permis de séjour au titre de regroupement familial.

I –    Introduction

2.        Le requérant au principal, M. Genc, est un ressortissant turc né en 1991. Son père, également de nationalité turque, est installé au Danemark depuis l’année 1997 et y bénéficie d’un titre de séjour pour une durée indéterminée depuis l’année 2001. Après le divorce de ses parents en 1997 et bien que son père en ait reçu la garde légale, M. Genc a continué de vivre en Turquie, chez ses grands-parents, et voyait sa mère régulièrement. Ses deux frères aînés bénéficient d’un titre de séjour au Danemark depuis le mois de mai 2003.

3.        M. Genc a introduit, le 5 janvier 2005, une demande de titre de séjour au Danemark pour rejoindre son père, alors travailleur salarié dans ce pays.

4.        Au mois d’août 2006, l’Udlændingeservice, désormais l’Udlændingestyrelsen (office danois des migrations) a rejeté sa demande. M. Genc a alors introduit une réclamation auprès du ministère de l’Intégration qui a confirmé la décision de refus le 18 décembre 2006. Ce ministère a notamment fait valoir que M. Genc n’est jamais venu au Danemark, qu’il a passé toute sa vie en Turquie où il a été scolarisé, qu’il ne parle que turc et qu’il n’a vu son père que de manière très sporadique ces deux dernières années pour conclure qu’il ne présente aucun élément de rattachement à la société danoise ni n’a ou ne peut avoir un ancrage suffisant au Danemark pour permettre une intégration réussie. Ledit ministère a également relevé que le père de M. Genc ne pouvait pas non plus être considéré comme particulièrement bien intégré ou comme ayant lui-même un ancrage suffisant dans la société danoise et que, en tout état de cause, il pouvait se rendre en Turquie pour rendre visite à son fils.

5.        Le 17 septembre 2007, le ministère de l’Intégration a refusé de réexaminer sa décision de refus. Le 9 décembre 2011, la juridiction de première instance, saisie d’une demande d’annulation par M. Genc, a rejeté le recours. M. Genc a alors interjeté appel devant la juridiction de renvoi.

6.        Tant l’analyse de l’office danois des migrations que celle du ministère de l’Intégration reposent sur le fondement de l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers (udlændingeloven, ci-après la «loi sur les étrangers»). Aux termes de cette disposition, introduite en 2004 (3), «[l]e titre de séjour […] ne peut être délivré, dans le cas où le demandeur et l’un de ses parents résident dans le pays d’origine ou dans un autre pays, que si le demandeur a ou peut avoir un ancrage suffisant au Danemark pour permettre une intégration réussie. Cela ne s’applique pas, toutefois, si la demande est présentée dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la personne résidant sur le territoire danois a rempli les conditions [pour la délivrance d’un titre de séjour], ou si, des motifs très spécifiques, notamment l’unité familiale, plaident en sens contraire» (4).

7.        L’appréciation discrétionnaire à laquelle les autorités compétentes procèdent afin de déterminer si un demandeur a ou peut avoir un ancrage suffisant au Danemark – c’est-à-dire évaluer les chances de réussir son intégration dans la société danoise – doit tenir compte, selon les dires de la juridiction de renvoi, d’un certain nombre de paramètres, dont la durée et le caractère des séjours antérieurs au Danemark de l’enfant, le pays dans lequel l’enfant a passé la majeure partie de son existence, le pays dans lequel il a été scolarisé, la langue qu’il parle et le degré d’imprégnation, durant son enfance, des valeurs et des normes danoises. Il est également tenu compte, au cours de cette appréciation, du niveau d’intégration dans la société danoise et des liens tissés avec cette dernière du parent que l’enfant demande à rejoindre. La juridiction de renvoi fait également part d’un certain nombre de cas dans lesquels la preuve d’un ancrage suffisant au Danemark n’est pas exigée, par exemple quand l’enfant ou l’un des parents est malade ou handicapé ou encore lorsque le refus d’autoriser le regroupement serait contraire aux engagements internationaux du Danemark ou à l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de la convention de New York sur les droits de l’enfant, signée le 20 novembre 1989 et ratifiée par tous les États membres.

8.        La juridiction de renvoi relève que cette exigence relative à un ancrage suffisant au Danemark a été introduite, dans l’ordre juridique danois, en 2004. Or, il ressort de l’article 13 de la décision nº 1/80 que «[l]es États membres de la Communauté et la Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi des travailleurs et des membres de leur famille qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l’emploi».

9.        Elle s’interroge donc sur le fait de savoir si cette clause de «standstill» est applicable également aux conditions dans lesquelles les travailleurs salariés turcs, appartenant au marché régulier de l’emploi, peuvent prétendre à être rejoints, sur le territoire de l’État membre concerné, par les membres de leur famille économiquement non actifs. Ladite juridiction considère que la jurisprudence de la Cour sur ce point n’est pas très claire. Dans l’hypothèse où l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers constituerait une nouvelle restriction, au sens de l’article 13 de la décision nº 1/80, la juridiction de renvoi souhaite obtenir de la Cour des clarifications quant à la nature du test à mener pour déterminer si ladite restriction est susceptible d’être justifiée.

10.      C’est dans ces conditions que, confrontée à une difficulté liée à l’interprétation du droit de l’Union, l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est) a décidé de surseoir à statuer et, par décision parvenue au greffe de la Cour le 5 décembre 2014, de saisir cette dernière des questions préjudicielles suivantes:

«1)      La règle de ‘standstill’ contenue à l’article 13 de la décision nº 1/80 […] et/ou la règle de ‘standstill’ figurant à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel [signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) nº 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (ci-après le ‘protocole additionnel’) (5)] […] doivent-elles être interprétées en ce sens que de nouvelles conditions restrictives d’accès au regroupement familial des membres de la famille qui ne sont pas économiquement actifs, notamment les enfants mineurs, de citoyens turcs qui sont économiquement actifs et qui résident et disposent d’un titre de séjour dans un État membre relèvent de l’obligation de ‘standstill’ eu égard à:

a)      l’interprétation par la Cour de justice des règles de ‘standstill’ dans les arrêts Derin [(C‑325/05, EU:C:2007:442)], Ziebell [(C‑371/08, EU:C:2011:809), Dülger [(C‑451/11, EU:C:2012:504)] et Demirkan [(C‑221/11, EU:C:2013:583)],

b)      l’objectif et le contenu de l’accord [d’association CEE-Turquie] d’Ankara tels qu’ils ont été interprétés dans les arrêts Ziebell [(C‑371/08, EU:C:2011:809)] et Demirkan [(C‑221/11, EU:C:2013:583)], aussi compte tenu de:

–        la circonstance que l’accord et les protocoles et les décisions y afférents ne comportent pas de dispositions sur le regroupement familial,

et

–        de la circonstance que le regroupement familial […] a toujours été réglementé dans des actes de droit dérivé, actuellement la directive séjour (directive 2004/38/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77)])?

2)      Dans la réponse à la première question, il est demandé à la Cour d’indiquer si un éventuel droit dérivé au regroupement familial des membres de la famille de citoyens turcs économiquement actifs qui disposent d’un titre de séjour et résident dans un État membre vaut pour les membres de la famille des travailleurs turcs au sens de l’article 13 de la décision nº 1/80 ou s’il s’applique uniquement aux membres de la famille de travailleurs non-salariés turcs, au sens de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel?

3)      En cas de réponse affirmative à la première question et à la deuxième question, il est demandé à la Cour d’indiquer si la règle de ‘standstill’ contenue à l’article 13 […] de la décision nº 1/80 doit être interprétée en ce sens que de nouvelles restrictions ‘justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général, […] propre[s] à garantir la réalisation de l’objectif légitime poursuivi et [qui ne vont] pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre’ (au-delà de ce qu’indique l’article 14 de la décision nº 1/80) sont licites?

4)      En cas de réponse affirmative à la troisième question, il est notamment demandé à la Cour d’indiquer:

a)      selon quelles orientations il convient de procéder au test de restriction et à l’évaluation de la proportionnalité. Il est demandé à la Cour d’indiquer s’il convient de suivre les mêmes principes que ceux dégagés par la Cour dans sa jurisprudence sur le regroupement familial dans le cadre de la libre circulation des citoyens de l’Union qui repose sur la directive séjour (directive 2004/38) et les dispositions du traité, ou bien s’il y a lieu de procéder à une appréciation différente;

b)      s’il convient de procéder à une appréciation différente de celle qui résulte de la jurisprudence de la Cour sur le regroupement familial dans le cadre de la libre circulation des citoyens de l’[Union], il est demandé à la Cour d’indiquer s’il y a lieu de se référer à l’appréciation de la proportionnalité réalisée dans le cadre de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[, signée à Rome le 4 novembre 1950,] sur le droit au respect de la vie familiale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme – et si tel n’est pas le cas quels sont les principes qui s’appliquent,

c)      nonobstant la méthode d’évaluation à appliquer, une règle telle que celle de [l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers] – selon laquelle le regroupement familial entre une personne qui est citoyenne d’un pays tiers et qui dispose d’un titre de séjour et réside au Danemark et son enfant mineur est soumis, dans des cas où l’enfant et son autre parent résident dans le pays d’origine ou dans un autre pays, à la condition que l’enfant présente ou puisse présenter un ancrage au Danemark suffisant pour permettre une intégration réussie dans le pays – peut-elle être considérée comme ‘justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, […] propre à garantir la réalisation de l’objectif légitime poursuivi et [qui ne va] pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre’?»

11.      Le présent renvoi préjudiciel a bénéficié des observations écrites du gouvernement danois et de la Commission européenne. Lors de l’audience qui s’est tenue devant la Cour le 20 octobre 2015, le requérant au principal, les gouvernements danois et autrichien ainsi que la Commission ont développé leurs observations orales.

II – Analyse juridique

A –    Sur les première et deuxième questions

12.      Par ses première et deuxième questions qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le champ d’application de l’article 13 de la décision nº 1/80 et sur l’étendue de l’obligation de «standstill» qu’il contient. En particulier, elle demande si une nouvelle restriction quant à l’accès au regroupement familial des membres économiquement non actifs d’un travailleur turc est susceptible de relever de ladite obligation et si le droit dérivé au regroupement familial qui aurait été reconnu dans l’arrêt Dogan (6) aux membres de la famille d’un travailleur turc exerçant la liberté d’établissement doit également être consacré dans le contexte de la libre circulation des travailleurs turcs.

13.      Dans le cadre de ses observations écrites, le gouvernement danois, semblant relayer les préoccupations du juge de renvoi, a explicitement invité la Cour à revirer sa jurisprudence Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066). En analysant un certain nombre d’arrêts de la Cour en interprétation des clauses de «standstill» – que ce soit l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel ou l’article 13 de la décision nº 1/80 – ce gouvernement a tenté de démontrer que la position prise par la Cour dans cet arrêt est isolée et n’apparaît pas cohérente avec ses jugements antérieurs. Le droit au regroupement familial aurait toujours été considéré comme hors du champ d’application de l’obligation de «standstill», jusqu’à l’arrêt Dogan (7). Le gouvernement danois soutient que la Cour doit abandonner une telle jurisprudence pour revenir à l’essence purement économique de l’accord d’association et des différents actes adoptés sur son fondement, telle qu’elle aurait été reconnue dans l’arrêt Demirkan (8).

14.      Avant d’expliquer pourquoi, à mon sens, les doutes de la juridiction de renvoi et l’inquiétude du gouvernement danois reposent sur une lecture erronée de la jurisprudence de la Cour, laquelle n’a, à mon sens, pas consacré de droit dérivé au regroupement familial, je souhaite revenir sur l’obligation de «standstill» telle qu’interprétée et définie par la Cour.

1.      Considérations générales sur l’obligation de «standstill» de l’article 13 de la décision nº 1/80 dans la jurisprudence de la Cour

15.      Il est constant que le père de M. Genc exerçait une activité salariée au moment où le requérant au principal a introduit sa demande de titre de séjour. La situation du père de M. Genc se rapporte ainsi à la libre circulation des travailleurs et relève exclusivement de l’article 13 de la décision nº 1/80 (9).

16.      La Cour a jugé, à propos dudit article, qu’il est doté d’effet direct (10) et qu’il doit être lu à la lumière du contexte dans lequel s’insère l’ensemble des dispositions de cette décision (11).

17.      À propos du contexte, il est de jurisprudence constante que l’objet de l’accord d’association CEE-Turquie est la promotion du renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes au moyen, notamment, de la libre circulation des travailleurs (12) qui doit être réalisée graduellement (13). En ce qui concerne la décision nº 1/80 en particulier, la Cour a jugé qu’elle vise à «favoriser l’intégration graduelle dans l’État membre d’accueil des ressortissants turcs remplissant les conditions prévues à l’une des dispositions de cette décision et qui, partant, bénéficient des droits que celle-ci leur confère» (14) et que, «sous réserve de la situation particulière des membres de la famille autorisés à rejoindre un travailleur turc déjà légalement présent sur le territoire d’un État membre, ladite décision a pour objet essentiel l’intégration progressive des travailleurs turcs à ce dernier au moyen de l’exercice d’un emploi régulier en principe ininterrompu» (15).

18.      La Cour s’est également penchée sur les rapports entre la clause de «standstill» de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel et celle de l’article 13 de la décision nº 1/80. En dépit d’un libellé sensiblement différent (16), elle a jugé que ces deux clauses poursuivent le même objectif, à savoir la mise en place progressive de la libre circulation des travailleurs, de la liberté d’établissement ou de la libre prestation de services par l’interdiction de l’introduction de nouveaux obstacles afin de ne pas rendre plus difficile la réalisation progressive desdites libertés (17). Partant, ces deux dispositions ont la même signification (18), la même nature (19) et doivent être interprétées de manière convergente (20). Il n’y a ainsi pas de raison de reconnaître une portée moins large à la clause de «standstill» relative à la libre circulation des travailleurs par rapport à son équivalent relatif à la liberté d’établissement ou à la libre prestation de services (21). Les considérations exprimées par la Cour en relation avec la clause de «standstill» de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel valant également lorsqu’il s’agit d’interpréter l’article 13 de la décision nº 1/80, «la portée de l’obligation de ‘standstill’ contenue à cet article 13 s’étend de manière analogue à tout nouvel obstacle à l’exercice de la libre circulation des travailleurs consistant en une aggravation des conditions existant à une date donnée» (22).

19.      Une fois que la Cour a consacré l’effet direct de l’article 13 de la décision nº 1/80 et précisé que sa portée devait être la même que celle de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, il restait à déterminer sa signification. Pour la Cour, la clause de «standstill» «opère non pas comme une règle de fond en rendant inapplicable le droit matériel pertinent auquel elle se substituerait mais comme une règle de nature quasi procédurale qui prescrit ratione temporis quelles sont les dispositions de la réglementation d’un État membre au regard desquelles il y a lieu d’apprécier la situation d’un ressortissant turc souhaitant faire usage» de la libre circulation des travailleurs dans un État membre (23). Elle comporte une obligation souscrite par les parties contractantes qui se résout juridiquement en une simple abstention (24).

20.      La Cour a également rappelé de manière itérative que la clause de «standstill» n’est pas, en tant que telle, créatrice de droits (25) ni de nature à faire naître dans le chef d’un ressortissant turc un droit à exercer une activité salariée ou un droit de séjour qui en constitue le corollaire (26), le droit d’entrée sur le territoire d’un État membre ne pouvant être inféré de la réglementation de l’Union, mais restant, au contraire, régi par le droit national (27). La Cour a ainsi reconnu que «la décision nº 1/80 n’affecte en rien la compétence des États membres de refuser à un ressortissant turc le droit d’entrer sur leur territoire et d’y occuper un premier emploi salarié» (28). Elle régit, en revanche, la situation des travailleurs turcs déjà régulièrement intégrés au marché du travail des États membres (29). Pour autant, la Cour a néanmoins admis que la clause de «standstill» peut concerner les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants turcs sur le territoire des États membres qu’en tant qu’elle constitue le corollaire de l’exercice d’une activité économique (30).

21.      Concrètement, l’article 13 de la décision nº 1/80 prohibe de manière générale l’introduction de toute nouvelle mesure interne qui aurait pour objet ou pour effet de soumettre l’exercice par un ressortissant turc de la libre circulation des travailleurs sur le territoire national à des conditions plus restrictives que celles applicables à la date de l’entrée en vigueur de la décision nº 1/80 à l’égard de l’État membre concerné (31). Cette même disposition s’oppose également à l’introduction dans la réglementation des États membres, à compter de la date d’entrée en vigueur dans l’État membre concerné de la décision nº 1/80, de toutes nouvelles restrictions à l’exercice de la libre circulation des travailleurs, y compris celles portant sur les conditions de fond et/ou de procédure en matière de première admission sur le territoire de cet État membre des ressortissants turcs se proposant d’y faire usage de cette liberté (32).

22.      À ce stade de l’analyse, je constate que la Cour n’a pas exclu que puissent relever du champ d’application de l’obligation de «standstill», par ricochet, les conditions d’entrée et de séjour des membres, qui ne bénéficient pas de droits au titre de la décision nº 1/80, de la famille des ressortissants turcs économiquement actifs, pourvu qu’un lien soit établi entre l’exercice de l’activité économique de ces derniers et ladite entrée ou ledit séjour. Or, c’est précisément ce lien qui a été confirmé dans l’arrêt Dogan (33).

2.      Dimension sociale de la décision nº 1/80, «dimension économique» du regroupement familial et obligation de «standstill»

23.      La thématique du regroupement familial n’est, en effet, pas ignorée de la jurisprudence de la Cour rendue sur les clauses de «standstill» dans le contexte de l’association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (ci-après l’«association CEE‑Turquie»). Compte tenu du lien consubstantiel qui existe entre l’exercice d’une activité économique et les droits dont sont titulaires les ressortissants turcs qui l’exercent sur le territoire d’un État membre, la Cour a jugé que «le regroupement familial ne constitue pas un droit pour les membres de la famille du travailleur migrant turc, mais dépend au contraire d’une décision des autorités nationales prises en application du seul droit de l’État membre concerné, sous réserve de l’exigence du respect des droits fondamentaux» (34). Pour autant, la décision nº 1/80 a clairement enrichi l’association CEE‑Turquie d’une dimension sociale (35). L’article 13 de la décision nº 1/80 fait d’ailleurs partie des «dispositions sociales» de ladite décision qui, selon la Cour, témoigne du fait que la libre circulation des travailleurs, qui devait se réaliser graduellement, a franchi une «étape supplémentaire» (36). En interprétant les dispositions «sociales» de la décision nº 1/80, la Cour a reconnu que le regroupement familial dont bénéficient les travailleurs turcs qui appartiennent au marché de l’emploi des États membres contribue tant à améliorer la qualité de leur séjour qu’à leur intégration dans ces États et, de ce fait, favorise la cohésion économique et sociale de la société concernée (37). Toutefois, ce regroupement familial n’est pas inconditionnel et l’affirmation de la Cour doit être replacée dans le contexte de son arrêt Dülger (38). Or, dans cette affaire, la Cour se prononçait sur l’article 7, paragraphe 1, de la décision nº 1/80 qui énumère les droits des membres de la famille d’un travailleur turc appartenant au marché régulier de l’emploi qui ont été autorisés à le rejoindre. Si, dans un autre contexte, la Cour a jugé que la décision nº 1/80 ne fait pas dépendre de l’exercice d’une activité salariée leur accès au territoire d’un État membre au titre du regroupement familial avec un travailleur turc déjà légalement présent dans cet État (39), elle a précisé, en ce qui concerne en particulier l’article 13 de ladite décision, que ce dernier se réfère «aux travailleurs et aux membres de leur famille qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l’emploi» (40).

24.      Or, je rappelle à ce stade de l’analyse que le requérant au principal ne se trouve pas encore sur le territoire danois, mais demande à y rejoindre son père. Sa situation n’est pas couverte par l’article 7, paragraphe 1, de la décision nº 1/80 et lui-même ne peut donc se prévaloir de l’article 13 de ladite décision.

25.      L’arrêt Dogan (41), que le gouvernement danois appelle à revirer parce qu’il constituerait une rupture par rapport à la jurisprudence antérieure de la Cour, s’inscrit dans la lignée de cette dernière. Cet arrêt n’a pas reconnu un droit au regroupement familial autonome pour les membres de la famille des travailleurs turcs, pas plus qu’il n’a reconnu à l’épouse dudit travailleur, qui n’était pas encore entrée sur le territoire de l’État membre où il exerce sa liberté économique, le droit de se prévaloir de l’article 13 de la décision nº 1/80. Dans cet arrêt, la Cour a reconnu, comme je l’y avais d’ailleurs invitée, que cet article n’était invocable que par le ressortissant turc économiquement actif, installé sur le territoire d’un État membre et alors seul bénéficiaire des droits consacrés par les textes régissant l’accord d’association CEE-Turquie (42). En outre, il n’est pas particulièrement novateur que la Cour ait admis, toujours dans son arrêt Dogan (43), que la clause de «standstill» pouvait être invoquée à l’encontre d’une législation nationale régissant les conditions d’entrée sur le territoire de l’État membre concerné à des fins de regroupement familial du conjoint d’un citoyen turc établi dans cet État membre. En effet, la Cour avait déjà admis une telle invocabilité dans l’arrêt Toprak et Oguz (44).

26.      Quant au retour souhaité par le gouvernement danois à la jurisprudence Demirkan (45), force est de constater que ce précédent n’est pas pertinent pour notre affaire. Il s’agissait alors d’une belle-fille, de nationalité turque, qui souhaitait rejoindre son beau-père, citoyen et résident allemand, en Allemagne et de la question de savoir si l’on pouvait considérer qu’elle pouvait se prévaloir de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel en tant qu’elle aurait été, une fois arrivée sur le territoire allemand, non pas prestataire, mais bénéficiaire de services. Dans cette affaire et contrairement au présent renvoi préjudiciel, nous n’étions pas en présence d’un travailleur turc déjà établi sur le territoire d’un État membre et y exerçant déjà une liberté économique.

27.      En dépit du caractère «social» des dispositions de la décision nº 1/80, la Cour n’est donc pas allée, dans sa jurisprudence, jusqu’à déconnecter totalement l’exercice d’une liberté économique du droit au regroupement familial. Ainsi, comme j’ai déjà eu l’occasion de le constater, ce n’est que dans la mesure où la réglementation en matière de regroupement familial affecte la situation des travailleurs turcs qu’il y a lieu de la faire entrer dans le champ d’application de l’article 13 de la décision nº 1/80 (46).

28.      Or, à la lumière de ce qu’a jugé la Cour dans l’arrêt Dogan (47), la décision d’un ressortissant turc de s’installer dans un État membre de l’Union européenne pour y exercer une activité salariée de manière stable peut être influencée négativement lorsque la législation de cet État membre rend difficile ou impossible le regroupement familial, de telle sorte que ledit ressortissant peut se voir obligé de choisir entre son activité dans l’État membre concerné et sa vie de famille en Turquie.

29.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure qu’une législation telle que celle en cause au principal, dont il est constant qu’elle rend le regroupement du travailleur salarié turc, régulièrement installé sur le territoire d’un État membre, avec ses enfants mineurs plus difficile en durcissant les conditions de leur première admission sur le territoire de l’État membre concerné par rapport à celles applicables au moment de l’entrée en vigueur de la décision nº 1/80 (48), constitue une nouvelle restriction à l’exercice de la libre circulation des travailleurs turcs, au sens de l’article 13 de ladite décision.

B –    Sur les troisième et quatrième questions

30.      Par ses troisième et quatrième questions que j’examinerai également ensemble, la juridiction de renvoi se demande si une nouvelle restriction, au sens de l’article 13 de la décision nº 1/80, est susceptible d’être justifiée et, si tel est le cas, elle s’interroge sur les conditions dans lesquelles le caractère proportionné doit être apprécié. Bien que cette tâche soit, en principe, dévolue aux juges nationaux, la juridiction de renvoi invite expressément la Cour à prendre position sur le test de proportionnalité relativement à l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers. Toutefois, avant de prendre position sur ce point, il faut d’abord déterminer si nous sommes bien en présence d’une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier la nouvelle restriction.

1.      Sur la promotion d’une intégration réussie comme raison impérieuse d’intérêt général

31.      La Cour a déjà jugé qu’une restriction qui a «pour objet ou pour effet de soumettre l’exercice par un ressortissant turc de la libre circulation des travailleurs sur le territoire national à des conditions plus restrictives que celles applicables à la date d’entrée en vigueur de la décision nº 1/80 est prohibée sauf à ce qu’elle relève des limitations visées à l’article 14 de cette décision ou à ce qu’elle soit justifiée par une raison d’impérieuse d’intérêt général, soit propre à garantir la réalisation de l’objectif légitime poursuivi et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre» (49). En vertu de la convergence d’interprétation qui prévaut entre les clauses de «standstill», la Cour a confirmé cette approche dans l’arrêt Dogan (50) relativement aux nouvelles restrictions, au sens de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel. Ainsi la Cour a-t-elle expressément admis qu’une nouvelle restriction puisse être justifiée non seulement par les motifs visés à l’article 14 de la décision nº 1/80, à savoir l’ordre public, la sécurité et la santé publiques, mais également par des raisons impérieuses d’intérêt général qui sont des motifs de justification d’entraves bien connus dans la jurisprudence de la Cour relative aux libertés fondamentales. Si, dans l’arrêt Demir (51), la Cour a reconnu que l’objectif de prévenir l’entrée et le séjour irréguliers constitue une raison impérieuse d’intérêt général, elle a laissé la question ouverte relativement à la prévention des mariages forcés et à la promotion de l’intégration dans l’arrêt Dogan (52).

32.      Or, dans notre affaire, le gouvernement danois soutient que l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers doit être considéré comme justifié par une raison impérieuse d’intérêt général, à savoir garantir une intégration réussie.

33.      La Cour ne se montre pas particulièrement exigeante quand il s’agit de consacrer une raison impérieuse d’intérêt général (53). Je note que, dans l’arrêt Demir (54), la Cour s’est contentée d’un constat, qui n’a pas été précédé d’une démonstration. De plus, comme je l’ai relevé plus haut, elle n’a même pas pris position sur ce point dans l’arrêt Dogan (55).

34.      J’aurais tendance à considérer que si la Cour agit de la sorte, c’est aussi pour reconnaître la marge de manœuvre dont les États jouissent en la matière. En raison de ces considérations, j’aurais également tendance à accepter que, en soi, la promotion d’une intégration réussie puisse constituer une raison impérieuse d’intérêt général, et cela d’autant plus que le nœud gordien de la présente affaire réside davantage dans le caractère adéquat, nécessaire et proportionné de la nouvelle restriction que dans le motif de justification de cette dernière.

35.      À toutes fins utiles, je me bornerai donc à relever que les préoccupations relatives à l’intégration ne sont pas étrangères au droit de l’Union (56) et qu’elles n’apparaissent pas, en tant que telles, contraires à l’objectif poursuivi par l’association CEE-Turquie. La raison impérieuse d’intérêt général invoquée par le gouvernement danois me semble donc, à première vue, admissible.

2.      L’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers est-il propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne va-t-il pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre?

a)      Détermination de l’étendue du test de proportionnalité

36.      À titre liminaire, il convient de répondre à la juridiction de renvoi qui se demande si le test de proportionnalité à mener, afin de déterminer dans quelle mesure une nouvelle restriction au sens de l’article 13 de la décision nº 1/80 est admissible, doit être semblable à celui qui peut être effectué dans le cadre du contrôle du respect de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

37.      Sur ce point, il m’apparaît logique de confirmer que le test à appliquer est bien celui qui prévaut en cas d’atteinte à une des libertés économiques consacrées par le traité. Cela découle clairement du libellé même dudit test tel qu’il a été formulé par la Cour dans ses arrêts Demir (57) et Dogan (58). Cela s’explique aussi par le fait que la Cour a manifestement et volontairement choisi de situer son raisonnement, notamment dans l’arrêt Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066), non pas sur le terrain des droits fondamentaux, mais, au contraire, sur celui des libertés économiques telles qu’elles bénéficient aux ressortissants turcs dans les conditions fixées par les dispositions régissant l’association CEE-Turquie et pour lesquelles le regroupement familial n’apparaît que comme un «corollaire» ou un «prolongement» (59).

38.      Je le répète (60), considérer que l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers constitue une nouvelle restriction au sens de l’article 13 de la décision nº 1/80 ne veut pas dire qu’il est porté frontalement atteinte au droit au regroupement familial du père du requérant au principal. En revanche, cela signifie que la possibilité qui lui est offerte d’exercer sur le territoire d’un État membre de l’Union une activité salariée et de maintenir cette activité peut se trouver affectée par le fait que son fils mineur, dont il a la garde légale, ne pourra pas ou pourra plus difficilement, le rejoindre. Tout comme l’analyse relative à l’existence d’une nouvelle restriction a été menée en passant toujours par le prisme de la liberté de circulation du travailleur turc qu’est le père du requérant au principal, la possible justification de ladite restriction devra être examinée dans les mêmes conditions que sont examinées les entraves à cette liberté de circulation.

39.      Transposer, dans le cadre de l’interprétation de l’article 13 de la décision nº 1/80, le test que la Cour applique en présence d’entrave ne me semble pas aller trop loin dans l’assimilation entre les droits reconnus aux travailleurs turcs et ceux reconnus aux citoyens de l’Union, étant entendu, en tout état de cause, que les parties à l’accord d’association ont convenu de s’inspirer des dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs (61) et que la Cour a jugé que les principes admis dans le cadre desdites dispositions doivent être transposés, dans la mesure du possible, aux ressortissants turcs bénéficiant des droits reconnus par la décision nº 1/80 (62).

40.      Cela étant précisé, venons-en maintenant à l’examen de l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers.

b)      Application au cas d’espèce

41.      Selon les dires de la juridiction de renvoi et les observations du gouvernement danois, l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers exige de l’enfant mineur qui introduit une demande de titre de séjour pour rejoindre l’un de ses parents déjà installés sur le territoire danois qu’il ait ou puisse avoir un ancrage suffisant au Danemark pour permettre une intégration réussie. Cette exigence, imposée aux enfants âgés de plus de 6 ans (63), n’est requise qu’en ce qui concerne les demandes introduites au moins deux années après que le parent résident au Danemark a reçu son titre de séjour définitif et dans le cas où l’enfant réside dans son pays d’origine avec l’autre de ses parents. Selon les termes du législateur danois, l’objectif d’une telle exigence est d’empêcher que les parents choisissent de laisser l’enfant dans le pays d’origine, de manière à ce qu’il y reçoive une éducation conforme à la culture dudit pays et ne soit pas imprégné des normes et des valeurs danoises.

42.      Il ressort tant des remarques explicatives du projet de loi sur les étrangers que des notes relatives à la pratique, partiellement reproduites dans le dossier, que, afin de déterminer si le demandeur a un ancrage suffisant au Danemark, l’appréciation qui doit être menée par les autorités danoises compétentes est une appréciation discrétionnaire, prenant en compte une pluralité de critères afin d’établir une sorte de diagnostic et/ou de pronostic sur les chances d’intégration du demandeur.

43.      À cet effet, il devra être tenu compte de l’ensemble des informations disponibles sur la durée et sur le caractère des séjours de l’enfant au Danemark et dans son pays d’origine, sur l’endroit où il a passé la plus grande partie de son enfance, sur le lieu de sa scolarisation (64) et sur les langues qu’il maîtrise. Les autorités danoises doivent également déterminer si le degré d’imprégnation des valeurs et des normes danoises est suffisant pour qu’existe ou puisse exister un ancrage suffisant avec la société danoise. Il est également tenu compte du degré d’intégration et de l’étroitesse du lien avec ladite société du parent déjà présent au Danemark et de la nature réelle de ses relations avec le demandeur (65).

44.      Les autorités danoises sont privées de leur pouvoir d’appréciation dans une série de cas exceptionnels pour lesquels la démonstration d’un ancrage suffisant au Danemark pour permettre une intégration réussie dans ce pays n’est pas nécessaire. Le titre de séjour est, en principe, accordé à l’enfant, bien que la demande soit présentée plus de deux ans après que le parent déjà présent dans cet État membre a reçu son titre de séjour, dans les cas suivants, à savoir si ledit enfant, le parent résident dans l’État d’origine ou le parent résident au Danemark est malade ou gravement handicapé, si le parent résident au Danemark ignorait jusque‑là le lieu exact de résidence de l’enfant, si le parent résident au Danemark satisfait désormais les conditions de créance alimentaire ou de domicile, si le parent résident au Danemark ne peut, en tout état de cause, pas séjourner dans l’État d’origine et de résidence de son enfant ou si le refus du regroupement apparaît contraire aux engagements internationaux du Danemark ou à l’intérêt supérieur de l’enfant, au sens de la convention de New York sur les droits de l’enfant, signée le 20 novembre 1989 et ratifiée par tous les États membres.

45.      En revanche, la demande devra être refusée si les autorités constatent que le parent résident au Danemark s’est sciemment abstenu de faire venir l’enfant pour qu’il reçoive une éducation conforme à la culture du pays d’origine. Il sera alors tenu compte de l’âge du demandeur, étant entendu que la possibilité de solliciter le regroupement familial est ouverte jusqu’aux 15 ans dudit demandeur.

46.      Ainsi exposée, la ratio legis de l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers apparaît mesurée puisque les autorités danoises, tout en procédant à une interprétation discrétionnaire de chaque cas, doivent tenir compte d’une pluralité de critères. En outre, dans certains cas, il n’est pas exigé que soit démontrée la réalité ou la possibilité d’un ancrage suffisant avec la société danoise.

47.      Le gouvernement danois soutient que cette absence de caractère automatique dans l’exigence d’un ancrage suffisant suffit à considérer la législation en cause comme proportionnée, conformément à ce qu’aurait jugé la Cour dans l’arrêt Dogan (66). S’il est vrai que la Cour a, dans cet arrêt, jugé qu’une disposition qui prévoit que le défaut de preuve de connaissances linguistiques suffisantes entraîne automatiquement le rejet de la demande, sans tenir compte des circonstances particulières de chaque cas, va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (67), l’on ne saurait en déduire qu’une mesure qui prévoit un tel examen desdites circonstances réussit, à cette seule condition, le test de proportionnalité (68).

48.      Puisqu’il faut pousser plus loin le raisonnement sur le caractère proportionné de l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers, il est important d’en analyser la systémique. Or, il est clair qu’il découle tant du texte que de la pratique nationale que cet article repose sur une présomption fondamentale, et, à mon sens, difficilement réfragable, d’incompatibilité des cultures. L’enfant né et élevé dans un État tiers, quasiment par nature, ne serait plus intégrable. Je note également qu’il est exigé des demandeurs qu’ils démontrent un certain degré d’imprégnation des normes et des valeurs danoises, lesquelles ne sont nulle part définies. Or, à supposer que la loi sur les étrangers s’applique aux ressortissants américains, par exemple, les autorités danoises jugeraient-elles avec la même sévérité une demande «tardive» de regroupement? Reprocheraient-elles, avec la même fermeté, que l’enfant ait été sciemment maintenu le plus longtemps possible dans sa culture d’origine, réduisant ainsi à néant toutes ses chances d’intégration?

49.      J’avoue ainsi ne pas être convaincu de la correspondance qui est établie entre un séjour prolongé dans un État tiers et une intégration impossible. Il ne faut pas perdre de vue que la situation économique de ces familles explique souvent l’absence de séjours plus fréquents en Europe et qu’il s’agit là non pas seulement d’un hypothétique choix préférentiel culturel, mais aussi, et peut-être surtout, d’une réelle contrainte économique.

50.      Je ne suis pas davantage convaincu par la distinction qui est faite, dans les régimes de demande de séjour, entre les demandes introduites dans les deux ans qui suivent l’octroi au parent résident au Danemark d’un titre de séjour – automatiquement acceptées – et celles introduites au‑delà de ce délai de deux ans. L’écoulement de ce délai me semble sans rapport avec les perspectives d’intégration future, d’autant plus que l’on parle ici d’enfants mineurs. Il me semble qu’il y a là un certain manque de cohérence entre la mesure nationale et l’objectif prétendument poursuivi.

51.      En effet, imaginons que M. Genc ait obtenu son titre de séjour à durée indéterminée alors que son fils avait 7 ans et demi. Imaginons que ce fils n’ait jamais séjourné au Danemark, ait passé toute son enfance en Turquie et ne parle que le turc, comme cela semble être le cas dans l’affaire au principal. Imaginons que cet enfant ait introduit sa demande à l’âge de 10 ans. Ces six mois supplémentaires (69) passés en Turquie sont-ils de nature à changer à ce point les chances d’intégration de l’enfant dans la société danoise qu’il lui faille, désormais, attester présenter un ancrage suffisant, alors que, jusqu’à ses 9 ans et demi, son titre de séjour lui aurait été vraisemblablement octroyé sans que l’on puisse pourtant dire qu’il ait eu un lien plus étroit avec le Danemark?

52.      Si l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers entend plutôt lutter contre les situations de regroupement tardif, alors la fixation d’un critère d’âge m’apparaitrait plus appropriée, bien que non suffisante.

53.      Enfin, si, comme je l’ai dit plus haut, les autorités danoises sont appelées à établir un «diagnostic» sur l’état d’imprégnation de l’enfant, je note que ce diagnostic ne s’accompagne d’aucune mesure «thérapeutique», si l’on doit filer la métaphore médicale. Plutôt que d’opposer un refus reposant sur une prédiction pessimiste de non-intégration, peut-être pourrait-on imaginer l’octroi d’un titre de séjour à durée déterminée dont le renouvellement serait conditionné au suivi, par l’enfant, de cours de langue ou d’éducation civique danoises.

54.      Certes, l’appréciation des autorités danoises, au moment de décider d’octroyer un titre de séjour sur le fondement de l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers, est guidée par une multitude de critères. Cependant, ces derniers sont à la fois trop nombreux et insuffisamment précis pour être prévisibles et prévenir une pratique administrative de refus systématique. Je réitère que je trouve, par exemple, tout à fait problématique que les normes et les valeurs danoises ne soient pas explicitées. Lesdits critères qui vont fonder l’appréciation des autorités danoises sont listés dans les remarques explicatives, mais, pour la plupart d’entre eux, il est indiqué qu’ils ne sont pas, envisagés isolément, déterminants (70) de telle sorte que l’on peut se demander s’ils ne sont pas cumulatifs, auquel cas le degré d’exigence serait très élevé. En outre, et comme je l’ai relevé, la manipulation de ces critères n’est pas forcément pleinement cohérente avec l’objectif poursuivi, puisqu’il n’est pas vraiment démontré en quoi la non satisfaction de ces critères constitue un obstacle sérieux et incontournable à l’intégration réussie de l’enfant mineur.

55.      Pour l’ensemble de ces raisons, j’invite la Cour à juger que la nouvelle restriction que constitue l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif d’une intégration réussie. Partant, il y a lieu de constater que l’article 13 de la décision nº 1/80 s’oppose à une disposition, introduite après l’entrée en vigueur de ladite décision, imposant aux enfants mineurs qui demandent à rejoindre leur parent turc qui exerce une activité salariée au Danemark, alors qu’il s’est écoulé un délai de deux ans après que ledit parent a reçu son titre de séjour, de démontrer qu’ils ont ou peuvent avoir un ancrage suffisant dans cet État membre.

III – Conclusion

56.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est):

1)      Une législation telle que celle en cause au principal, dont il est constant qu’elle rend le regroupement du travailleur salarié turc, régulièrement installé sur le territoire d’un État membre, avec ses enfants mineurs plus difficile en durcissant les conditions de leur première admission sur le territoire de l’État membre concerné par rapport à celles applicables au moment de l’entrée en vigueur de la décision nº 1/80, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association, adoptée par le conseil d’association institué par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé, le 12 septembre 1963, à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963, constitue une nouvelle restriction à l’exercice de la libre circulation des travailleurs turcs, au sens de l’article 13 de ladite décision.

2)      L’article 13 de la décision nº 1/80 s’oppose à une disposition, introduite après l’entrée en vigueur de ladite décision, imposant aux enfants mineurs, qui demandent à rejoindre leur parent turc qui exerce une activité salariée au Danemark, alors qu’il s’est écoulé un délai de deux ans après que ledit parent a reçu son titre de séjour, de démontrer qu’ils ont ou peuvent avoir un ancrage suffisant dans cet État membre.



1 –      Langue originale: le français.


2 – JO 1964, 217, p. 3685.


3 – Par la loi nº 427 relative à la modification de la loi sur les étrangers et de la loi sur l’intégration (lov nr. 427 om ændring af udlændingeloven og integrationsloven), du 9 juin 2004.


4 – C’est ainsi que l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers était libellé au moment des faits suite à la modification introduite par la loi nº 324 relative à la modification de la loi sur les étrangers, de la loi sur la conclusion et la dissolution du mariage et de la loi sur le rapatriement (lov nr. 324 af 18. maj 2005 om ændring af udlændingeloven, lov om ægteskabs indgåelse og opløsning og repatrieringsloven) du 18 mai 2005. Cette disposition a également été modifiée en 2012, puis déplacée à l’article 9, paragraphe 16, de ladite loi. Je continuerai à faire référence, dans les présentes conclusions, à l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers, puisqu’il incarne l’état du droit danois applicable au moment où l’administration a statué, pour la première fois, sur la demande de M. Genc. En outre, il est à noter que, depuis cette modification législative intervenue en 2012, ledit article n’est plus applicable aux demandes de titre de séjour présentées par, ou pour, des enfants de moins de six ans.


5 –      JO L 293, p. 1.


6 – C‑138/13, EU:C:2014:2066.


7 – C‑138/13, EU:C:2014:2066.


8 – C‑221/11, EU:C:2013:583.


9 – À propos du domaine d’application respectif de l’article 13 de la décision nº 1/80 et de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, la Cour a itérativement jugé que, bien que «ces deux dispositions revêtent une signification identique, un domaine bien déterminé n’en a pas moins été assigné à chacune d’entre elles, de sorte qu’elles ne sont pas susceptibles de trouver application conjointement» [arrêt Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 81 et jurisprudence citée)].


10 – Arrêt Savas (C‑37/98, EU:C:2000:224, point 49 et jurisprudence citée).


11 – Arrêt Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 91).


12 – Arrêt Ziebell (C‑371/08, EU:C:2011:809, point 63).


13 – Voir article 12 de l’accord d’association. Voir, également, arrêts Savas (C‑37/98, EU:C:2000:224, point 63); Ziebell (C‑371/08, EU:C:2011:809, point 65), et Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:583, point 50).


14 – Arrêt Derin (C‑325/05, EU:C:2007:442, point 53 et jurisprudence citée).


15 – Arrêt Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 90).


16 – Arrêt Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:570, point 69).


17 – Voir arrêts Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 72); Commission/Pays‑Bas (C‑92/07, EU:C:2010:228, point 48); Toprak et Oguz (C‑300/09 et C‑301/09, EU:C:2010:756, point 52), ainsi que Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 94).


18 – Arrêts Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 70) ainsi que Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 81).


19 – Arrêts Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 71) ainsi que Commission/Pays-Bas (C‑92/07, EU:C:2010:228, point 48).


20 – Arrêts Toprak et Oguz (C‑300/09 et C‑301/09, EU:C:2010:756, point 54) ainsi que Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 94).


21 – Arrêt Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 73).


22 – Arrêt Toprak et Oguz (C‑300/09 et C‑301/09, EU:C:2010:756, point 54).


23 – Voir, par analogie, arrêts Tum et Dari (C‑16/05, EU:C:2007:530, point 55) ainsi que Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 89).


24 – Arrêts Savas (C‑37/98, EU:C:2000:224, point 47); Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 58); Tum et Dari (C‑16/05, EU:C:2007:530, point 46), ainsi que Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 87).


25 – Arrêt Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:583, point 58).


26 – Voir, par analogie, arrêts Savas (C‑37/98, EU:C:2000:224, point 64) ainsi que Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 62).


27 – Voir, par analogie, arrêt Tum et Dari (C‑16/05, EU:C:2007:530, point 54).


28 – Arrêt Unal (C‑187/10, EU:C:2011:623, point 41 et jurisprudence citée).


29 – Voir arrêt Savas (C‑37/98, EU:C:2000:224, point 58 et jurisprudence citée).


30 – Voir, par analogie, arrêt Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:583, point 55).


31 – Voir arrêt Demir (C‑225/12, EU:C:2013:725, point 33 et jurisprudence citée). Pour une conclusion similaire tirée par la Cour en rapport avec la clause de «standstill» de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, voir arrêts Savas (C‑37/98, EU:C:2000:224, point 69); Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 66); Soysal et Savatli (C‑228/06, EU:C:2009:101, point 47), ainsi que Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:583, point 39). Enfin, pour être tout à fait complet, j’ajoute que l’existence d’une nouvelle restriction s’apprécie soit par rapport à la date de l’entrée en vigueur de la décision nº 1/80 dans l’État membre concerné, soit par rapport à la législation plus favorable adoptée postérieurement à ladite entrée en vigueur, voir arrêts Toprak et Oguz (C‑300/09 et C‑301/09, EU:C:2010:756, points 49 et 56) ainsi que Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 94).


32 – Voir arrêt Demir (C‑225/12, EU:C:2013:725, point 34 et jurisprudence citée).


33 – C‑138/13, EU:C:2014:2066.


34 – Arrêt Derin (C‑325/05, EU:C:2007:442, point 64).


35 – Voir, notamment, arrêt Pehlivan (C‑484/07, EU:C:2011:395, point 45).


36 – Arrêts Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 77) ainsi que Dülger (C‑451/11, EU:C:2012:504, point 48).


37 – Voir arrêts Dülger (C‑451/11, EU:C:2012:504, point 42) et Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066, point 34)


38 – C‑451/11, EU:C:2012:504.


39 – Voir arrêt Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 82).


40 – Arrêt Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 84).


41 – C‑138/13, EU:C:2014:2066.


42 – Voir point 32 de l’arrêt Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066) et points 20 et suivants de mes conclusions dans cette affaire (C‑138/13, EU:C:2014:287).


43 – C‑138/13, EU:C:2014:2066.


44 – C‑300/09 et C‑301/09, EU:C:2010:756.


45 – C‑221/11, EU:C:2013:583.


46 – Voir point 23 et jurisprudence citée de mes conclusions dans l’affaire Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:287).


47 – Voir, par analogie, arrêt Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066, point 35).


48 – Voir point 2.6 de la demande de décision préjudicielle. S’il conteste que l’article 13 de la décision nº 1/80 puisse être appliqué à ce type de législation, le gouvernement danois reconnaît, en revanche, que l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers, introduit en 2004, constitue un durcissement de sa législation antérieure et, partant, une nouvelle restriction.


49 – Arrêt Demir (C‑225/12, EU:C:2013:725, point 40).


50 – Voir point 41 de mes conclusions dans l’affaire Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:287) et point 37 de l’arrêt Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066).


51 – Arrêt Demir (C‑225/12, EU:C:2013:725, point 41).


52 – Voir point 38 de l’arrêt Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066).


53 – Un certain manque de rigueur a pu lui être reproché à cet égard, voir Hatzopoulos, V., «Exigences essentielles, impératives ou impérieuses: une théorie, des théories ou pas de théorie du tout?», Revue trimestrielle de droit européen, 1998, p. 191; Martin, D., «Discriminations, entraves et raisons impérieuses dans le traité CE: trois concepts en quête d’identité», Cahiers de droit européen, 1998, p. 261 et p. 561; Barnard, C., «Derogations, justifications and the four freedoms: is state interest really protected?», dans The outer limits of European Union law, Hart Publishing, 2009, p. 273.


54 – C‑225/12, EU:C:2013:725.


55 – C‑138/13, EU:C:2014:2066. Pour une liste non exhaustive de raisons impérieuses d’intérêt général, voir, notamment, considérant 40 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO L 376, p. 36).


56 – Voir, notamment, article 79, paragraphe 4, TFUE. La promotion d’une intégration réussie pourrait également être rapprochée de l’objectif de cohésion économique et sociale mentionné non seulement aux articles 4, paragraphe 2, sous c), TFUE et 174, premier alinéa, TFUE, mais également aux considérants 4 et 15 de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO L 251, p. 12). Je relève également que l’avocat général Kokott a, dans un autre contexte, admis qu’une législation qui vise l’intégration des personnes bénéficiant du regroupement familial poursuit des objectifs légitimes [voir points 33 et 34 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire K et A (C‑153/14, EU:C:2015:186)].


57 – C‑225/12, EU:C:2013:725.


58 – C‑138/13, EU:C:2014:2066.


59 – Gazin, F., «Regroupement familial dans le cadre de l’accord d’association UE‑Turquie», Europe, octobre 2014, commentaire 394.


60 – Voir point 27 des présentes conclusions.


61 – Voir article 12 de l’accord d’association.


62 – Voir, par exemple, arrêts Nazli (C‑340/97, EU:C:2000:77, point 55 et jurisprudence citée) ainsi que Ziebell (C‑371/08, EU:C:2011:809, points 58, 66 et 68).


63 – À la suite de la modification législative intervenue en 2012.


64 – Il ressort, toutefois, d’une note décrivant la pratique relative à l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers, partiellement reproduite dans la demande de décision préjudicielle, qu’un séjour ou une scolarisation au Danemark inférieurs à un an ne seront pas pris en considération.


65 – Le fait que le parent déjà présent au Danemark ait la garde légale de l’enfant n’est toutefois pas déterminant. Il semblerait également que, dans la pratique, il ne soit pas donné d’importance au fait de savoir si les enfants qui ont déjà rejoint leur parent présent sur le territoire danois ont réussi, ou non, leur intégration.


66 – C‑138/13, EU:C:2014:2066.


67 – Voir arrêt Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066, point 38).


68 – Il est également intéressant de noter que le représentant de M. Genc a, lors de l’audience, affirmé qu’aucune dispense de démontrer un ancrage suffisant avec la société danoise n’aurait été octroyée et que, dans la pratique, toutes les demandes fondées sur l’article 9, paragraphe 13, de la loi sur les étrangers auraient été rejetées.


69 – Par rapport à la date jusqu’à laquelle il pouvait introduire une demande sans que soit exigée la preuve d’un ancrage suffisant.


70 – C’est, en tout cas, ce qui ressort de la note décrivant la pratique de 2007.