Language of document : ECLI:EU:C:2012:498

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

19 juillet 2012 (*)

«Pourvoi – Concurrence – Entente – Sanction – Secteur des raccords en cuivre et en alliage de cuivre – Valeur probante des déclarations faites dans le cadre de la politique de clémence»

Dans l’affaire C‑264/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 25 mai 2011,

Kaimer GmbH & Co. Holding KG, établie à Essen (Allemagne),

Sanha Kaimer GmbH & Co. KG, établie à Essen,

Sanha Italia Srl, établie à Milan (Italie),

représentées par Me J. Brück, Rechtsanwalt,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et R. Sauer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur), G. Arestis, T. von Danwitz et D. Šváby, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, Kaimer GmbH & Co. Holding KG (ci-après «Kaimer»), Sanha Kaimer GmbH & Co. KG (ci-après «Sanha Kaimer») ainsi que Sanha Italia Srl (ci-après «Sanha Italia») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 mars 2011, Kaimer e.a./Commission (T‑379/06, non encore publié au Recueil, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel ce dernier a rejeté leur recours tendant à obtenir, à titre principal, l’annulation partielle de la décision C(2006) 4180 de la Commission, du 20 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F/38.121 – Raccords) (ci-après la «décision litigieuse»), ainsi que, à titre subsidiaire, la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée par cette décision, dont une version résumée a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2007, L 283, p. 63).

 Les antécédents du litige

2        Les antécédents du litige ayant donné lieu au recours devant le Tribunal sont énoncés comme suit aux points 1 à 18 de l’arrêt attaqué:

«1      Par la [décision litigieuse], la Commission des Communautés européennes a constaté que plusieurs entreprises avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) [ci‑après l’‘accord EEE’] en participant, au cours de différentes périodes comprises entre le 31 décembre 1988 et le 1er avril 2004 à une infraction unique, complexe et continue aux règles communautaires de concurrence revêtant la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels et de pratiques concertées sur le marché des raccords en cuivre et en alliage de cuivre, qui couvraient le territoire de l’EEE. L’infraction consistait à fixer les prix, à convenir de listes de prix, de remises et de ristournes et de mécanismes d’application des hausses des prix, à répartir les marchés nationaux et les clients et à échanger d’autres informations commerciales ainsi qu’à participer à des réunions régulières et à entretenir d’autres contacts destinés à faciliter l’infraction.

2      Les requérantes […] sont des producteurs de raccords en cuivre et figurent parmi les destinataires de la décision [litigieuse].

3      Le 9 janvier 2001, Mueller Industries Inc [ci-après ‘Mueller Industries’], un autre producteur de raccords en cuivre, a informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des raccords, et dans d’autres industries connexes sur le marché des tubes en cuivre, et de sa volonté de coopérer au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la ‘communication sur la coopération de 1996’) […]

4      Les 22 et 23 mars 2001, dans le cadre d’une enquête concernant les tubes et les raccords en cuivre, la Commission a effectué, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), des vérifications inopinées dans les locaux de plusieurs entreprises […]

5      À la suite de ces premières vérifications, la Commission a, en avril 2001, scindé son enquête portant sur les tubes en cuivre en trois procédures distinctes, à savoir la procédure relative à l’affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), celle relative à l’affaire COMP/F-1/38.121 (Raccords) et celle relative à l’affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) […]

6      Les 24 et 25 avril 2001, la Commission a effectué d’autres vérifications inopinées dans les locaux de Delta plc, société à la tête d’un groupe de génie international dont le département ‘Ingénierie’ regroupait plusieurs fabricants de raccords. Ces vérifications portaient uniquement sur les raccords […]

7      À partir de février/mars 2002, la Commission a adressé aux parties concernées plusieurs demandes de renseignements en application de l’article 11 du règlement nº 17, puis de l’article 18 du règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) […]

8      En septembre 2003, IMI plc [ci-après ‘IMI’] a présenté une demande visant à bénéficier de la communication sur la coopération de 1996. Cette demande a été suivie par celles du groupe Delta (mars 2004) et de FRA.BO SpA [ci‑après ‘FRA.BO’] (juillet 2004). La dernière demande de clémence a été présentée en mai 2005 par Advanced Fluid Connections plc […]

9      Le 22 septembre 2005, la Commission a, dans le cadre de l’affaire COMP/F‑1/38.121 (Raccords), engagé une procédure d’infraction et a adopté une communication des griefs, laquelle a notamment été notifiée aux requérantes […]

10      Le 20 septembre 2006, la Commission a adopté la décision [litigieuse].

11      À l’article 1er de la décision [litigieuse], la Commission a constaté que les requérantes avaient enfreint les dispositions de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE, entre le 30 juillet 1996 et le 22 mars 2001 en ce qui concerne Sanha Kaimer et Kaimer et entre le 1er janvier 1998 et le 22 mars 2001 en ce qui concerne Sanha Italia.

12      Pour cette infraction, la Commission a, à l’article 2, sous i), de la décision [litigieuse], infligé à Kaimer une amende de 7,97 millions d’euros dont elle a été tenue solidairement responsable avec Sanha Kaimer pour un montant de 7,97 millions d’euros et avec Sanha Italia pour un montant de 7,15 millions d’euros.

13      Aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chaque entreprise, la Commission a fait application, dans la décision [litigieuse], de la méthode définie dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices de 1998»).

14      S’agissant, d’abord, de la fixation du montant de départ de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction, la Commission a qualifié l’infraction de très grave, en raison de sa nature même et de sa portée géographique […]

15      Estimant ensuite qu’il existait une disparité considérable entre les entreprises concernées, la Commission a procédé à un traitement différencié, se fondant à cette fin sur leur importance relative sur le marché en cause déterminée par leurs parts de marché. Sur cette base, elle a réparti les entreprises concernées en six catégories […]

16      Les requérantes ont été classées dans la cinquième catégorie pour laquelle le montant de départ de l’amende a été fixé à 5,5 millions d’euros […]

17      Du fait de la durée de la participation de Sanha Kaimer et de Kaimer à l’infraction (quatre ans et six mois), la Commission a majoré l’amende de 45 %, ce qui a abouti à une amende de 7,9 millions d’euros. En ce qui concerne la durée de la participation à l’infraction de Sanha Italia (trois ans et deux mois), la Commission a majoré l’amende de 30 %, ce qui a abouti à une amende de 7,15 millions d’euros […]

18      La Commission n’a retenu aucune circonstance aggravante ou atténuante à l’encontre ou au bénéfice des requérantes.»

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

3        Au soutien de leur recours devant le Tribunal, les requérantes ont soulevé, en substance, quatre moyens tirés, premièrement, de la violation de formes substantielles, deuxièmement, de la violation de l’article 81 CE, troisièmement, d’une erreur d’appréciation juridique d’un parallélisme de comportement et, quatrièmement, de la détermination erronée du montant de l’amende résultant de la violation du principe de proportionnalité.

4        Le Tribunal a rejeté les premier, troisième et quatrième moyens ainsi que, partiellement, le deuxième moyen.

5        Il a, cependant, partiellement accueilli le deuxième moyen du recours, comportant plusieurs griefs, tirés, d’une part, d’une détermination incorrecte des faits pertinents et, d’autre part, d’une appréciation erronée des preuves, dans la mesure où les requérantes soutenaient que la Commission n’avait pas démontré de manière suffisante leur participation à l’infraction ni même un commencement de participation à celle-ci.

6        À cet égard, le Tribunal s’est prononcé comme suit aux points 47 à 57 de l’arrêt attaqué:

«47      À titre liminaire, le Tribunal rappelle, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, que la Commission doit rapporter des preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a été commise (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20). L’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant l’infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II-4407, point 215).

48      Il est également de jurisprudence constante que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00, Rec. p. II-2501, point 180, et la jurisprudence citée).

49      Par ailleurs, il est usuel que les activités que les accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus de réunions, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêts de la Cour [du 7 janvier 2004,] Aalborg Portland e.a./Commission, [C‑204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123,] points 55 à 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I-729, point 51).

50      À cet égard, il est à noter que les déclarations faites dans le cadre de la politique de clémence jouent un rôle important. Ces déclarations, effectuées au nom d’entreprises ont une valeur probante non négligeable, dès lors qu’elles induisent des risques juridiques et économiques considérables (voir, en ce sens, arrêts [précités] JFE Engineering e.a./Commission, […], points 205 et 211, et Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, […], point 103). Toutefois, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, [précité], point 219, et la jurisprudence citée).

51      S’agissant de la durée de l’infraction, il appartient également à la Commission de la prouver, étant donné que la durée est un élément constitutif de la notion d’infraction au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE. Les principes mentionnés ci-dessus s’appliquent à cet égard (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I-8725, points 94 à 96). En outre, la jurisprudence exige que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 51, et la jurisprudence citée).

52      En l’espèce, eu égard aux griefs invoqués, se pose la question de savoir s’il existait assez de preuves sur lesquelles la Commission a pu fonder ses conclusions tant en ce qui concerne la participation des requérantes à l’entente que la durée de cette participation.

53      Il y a également lieu de noter que les requérantes mettent en doute certains éléments de preuve et la fiabilité des entreprises ayant demandé à bénéficier de la communication sur la coopération de 1996.

54      À cet égard, il ressort du considérant 131 de la décision [litigieuse] que la Commission s’est fondée, d’une part, sur de nombreux documents (tels que des agendas, des notes et des rapports internes ainsi que des notes manuscrites prises lors de réunions), sur des déclarations d’entreprises ayant demandé à bénéficier de la communication sur la coopération de 1996 et sur des témoignages de ces entreprises et, d’autre part, sur des documents trouvés lors des vérifications.

55      Il importe de souligner que la demande de clémence d’IMI constitue l’élément clé des preuves invoquées par la Commission. […]

56      En outre, ainsi qu’il a été relevé au point 54 ci-dessus, la Commission ne s’est pas fondée uniquement sur les demandes de clémence et les témoignages des entreprises les ayant formées. Au contraire, elle s’est fondée pour la plupart sur des documents trouvés au cours des vérifications et ceux fournis par des entreprises. Il s’agit d’éléments de preuve produits au moment où les événements se déroulaient et qui, dès lors, ont une valeur probante non négligeable [étant donné qu’ils sont], en principe, plus fiables que ceux rédigés à un moment plus tardif.

57      Dès lors, compte tenu de l’importance et du nombre d’indices concordants appuyant la pertinence des déclarations d’IMI et de FRA.BO, l’argument des requérantes visant à mettre en doute leur crédibilité ne saurait être accueilli.»

7        En ce qui concerne la date du début de la participation des deux premières requérantes à l’entente, le Tribunal a considéré, en constatant, en examinant et en appréciant les différents éléments de preuve aux points 68 à 77 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait retenu de manière erronée le 30 juillet 1996 pour Sanha Kaimer et Kaimer. Il a jugé, au point 77, que le point de départ de la participation desdites requérantes à l’entente devait être fixé au début du mois d’août 1997.

8        Dans le cadre de cette constatation, de cet examen et de cette appréciation des éléments de preuve, le Tribunal, au point 72 de l’arrêt attaqué, s’est prononcé de la manière suivante:

«[...] la télécopie de M. Kr. à M. P. (tous deux membres du personnel d’IMI) du 7 août 1997 [ci-après la ‘télécopie du 7 août 1997’] et le rapport commercial d’IMI de janvier 1998 font allusion à des événements futurs, qui peuvent seulement s’expliquer par des contacts antérieurs entre concurrents. La télécopie, dont le texte est repris au considérant 283 de la décision [litigieuse], montre l’implication des requérantes dans l’entente. Il ressort de son texte que, quels qu’aient été les problèmes sur le marché autrichien, Kaimer était prête à appliquer sur ce marché la nouvelle liste de prix applicables en Allemagne, six semaines après son application en Allemagne, tout en ayant probablement autorisé une période de transition s’étendant à tout le mois de septembre 1997 pour sa clientèle. De même, le rapport commercial d’IMI de janvier 1998 fait mention du fait que Kaimer et Viegener annonceraient l’augmentation des prix durant la première semaine de février 1998. Ces indices suffisent pour conclure que le début de la participation de Sanha Kaimer et, par conséquent, celle de Kaimer, à l’infraction se situe au moins au début du mois d’août 1997.»

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

9        Par leur pourvoi, les requérantes concluent à ce que la Cour:

–        à titre principal, annule l’arrêt attaqué, dans la mesure où cet arrêt a rejeté leur recours, ainsi que la décision litigieuse en tant qu’elle les concerne;

–        à titre subsidiaire, annule l’arrêt attaqué, dans la mesure où cet arrêt a rejeté leur recours, et réduise l’amende qui leur a été infligée à l’article 2 de ladite décision;

–        à titre plus subsidiaire, renvoie l’affaire devant le Tribunal, et

–        condamne la Commission aux dépens.

10      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

11      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent trois moyens.

12      Les requérantes font tout d’abord grief au Tribunal d’avoir dénaturé une preuve essentielle. Elles soutiennent, ensuite, que ce dernier a apprécié de manière erronée la valeur probante des déclarations que les entreprises avaient faites dans le cadre du programme de clémence et que la motivation de l’arrêt attaqué est insuffisante à cet égard. Enfin, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir violé la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») et la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»).

13      La Commission considère que les moyens invoqués au soutien du pourvoi doivent être rejetés comme irrecevables ou, en tout état de cause, comme non fondés. Elle ajoute que, étant donné que les requérantes ne soulèvent aucun argument à l’appui de leur demande subsidiaire visant à obtenir la réduction de l’amende qui leur a été infligée, cette demande est manifestement irrecevable.

 Sur le premier moyen, tiré d’une dénaturation d’un élément de preuve

 Argumentation des parties

14      Par leur premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal, au point 72 de l’arrêt attaqué, a dénaturé un élément de preuve, à savoir la télécopie du 7 août 1997, lorsqu’il s’est référé à celle-ci pour établir que le point de départ de la participation de Sanha Kaimer et de Kaimer à l’entente se situe au début du mois d’août 1997. En se référant au point 17 de l’arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361), et au point 50 de l’arrêt du 10 février 2011, Activision Blizzard Germany/Commission (C‑260/09 P, non encore publié au Recueil), elles font valoir que les explications fournies par le Tribunal à ce point 72 sont manifestement inexactes et que celles-ci peuvent donc être contrôlées par la Cour.

15      Selon les requérantes, ladite télécopie ne permet pas de conclure que son auteur aurait obtenu les informations à la suite d’agissements incompatibles avec les règles de la concurrence. Elles indiquent que, au mois d’août 1997, toutes les entreprises du secteur étaient au courant de l’augmentation des prix qui devait avoir lieu en Autriche au mois de septembre de la même année et que, eu égard au fait que cet élément était mentionné au point 32 de leur requête introductive d’instance, déposée le 17 janvier 2007, il n’était pas nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des éléments de preuve, la dénaturation de ceux‑ci ressortant de manière manifeste des pièces du dossier (arrêt du 3 septembre 2003, Papierfabrik August Köhler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I-7191, point 53).

16      Les requérantes ajoutent, d’une part, que le point d’interrogation se trouvant dans la télécopie du 7 août 1997 exprime l’incertitude de son auteur quant à leur comportement et démontre que ce dernier ne se livre qu’à une spéculation à cet égard. Elles précisent, d’autre part, que le rapport commercial d’IMI de janvier 1998, cité également au point 72 de l’arrêt attaqué, ne présente pas de rapport avec la télécopie en cause et ne peut dès lors pas être invoqué comme élément complémentaire à l’appui de l’interprétation à laquelle a procédé le Tribunal.

17      La Commission estime que le premier moyen est irrecevable, car, au lieu d’établir une dénaturation d’éléments de preuve, les requérantes tentent d’obtenir que la Cour substitue leur propre appréciation des éléments de preuve à celle effectuée par le Tribunal.

18      En tout état de cause, la Commission relève que le seul élément de preuve dont les requérantes invoquent la dénaturation est la télécopie du 7 août 1997, envoyée par M. Kr. à M. P., tous deux membres du personnel d’IMI, alors que la dénaturation du rapport commercial d’IMI de janvier 1998 n’est pas alléguée. Toutefois, ce rapport a contribué à établir la conviction du Tribunal quant à la participation des requérantes à l’infraction.

19      La Commission rappelle qu’une dénaturation ne saurait être considérée comme établie que si, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée. Elle rappelle également que, lors de l’examen de l’existence d’une telle dénaturation, il convient de tenir compte du fait que, dans les affaires portant sur les ententes, la documentation y afférente est minimale ainsi que fragmentaire et que, partant, un accord anticoncurrentiel doit être inféré d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés conjointement, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence.

20      La Commission considère que le Tribunal a jugé à bon droit que la télécopie du 7 août 1997 prouvait l’implication des requérantes dans l’entente, car il en ressortait, d’une part, que les concurrents, à savoir Kaimer, IMI, FRA.BO, Comap SA (ci-après «Comap») et IBP Ltd, s’étaient concertés sur l’application de la liste allemande des prix sur le marché autrichien six semaines après sa mise en place en Allemagne et que, d’autre part, cette télécopie et ledit rapport commercial se corroborent mutuellement. La Commission précise que, si cette télécopie contient des incertitudes, c’est uniquement en ce qui concerne la date exacte de la mise en œuvre de l’accord sur les prix, et non en ce qui concerne l’existence de cet accord.

21      La Commission ajoute que les requérantes, tout en déclarant que l’information relative à l’augmentation des prix en Autriche en septembre 1997 était «connue du secteur en août de la même année», n’apportent aucun élément de preuve à cet égard. En tout état de cause, le versement d’un nouvel élément de preuve au dossier serait tardif.

 Appréciation de la Cour

22      Selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte des articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C-487/06 P, Rec. p. I-10515, point 96, ainsi que du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C-47/10 P, non encore publié au Recueil, point 57).

23      Toutefois, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. Dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêts précités British Aggregates/Commission, point 97, ainsi que Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., point 58).

24      Une dénaturation des faits doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C-551/03 P, Rec. p. I-3173, point 54, et du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, Rec. p. I‑7989, point 50).

25      En l’espèce, les requérantes font valoir que le Tribunal a dénaturé la télécopie du 7 août 1997, dont le texte figure au considérant 283 de la décision litigieuse, et à laquelle le Tribunal a fait référence au point 72 de l’arrêt attaqué.

26      Les requérantes estiment que le Tribunal s’est livré à une constatation erronée lorsqu’il a retenu le mois d’août 1997 comme constituant le début de la participation de Sanha Kaimer et de Kaimer à l’entente et que l’inexactitude de cette constatation est clairement étayée par le point d’interrogation se trouvant dans ce document, après les noms des entreprises Sanha Kaimer et Comap, par la circonstance que l’augmentation des prix était prévisible à cette époque dans le secteur ainsi que par l’absence de lien entre ladite télécopie et le rapport commercial d’IMI de janvier 1998.

27      Le libellé de la télécopie du 7 août 1997 dont les requérantes allèguent une dénaturation a été repris au considérant 283 de la décision litigieuse:

«L’idée de départ, qui voulait qu’on applique la liste de prix allemande six semaines après l’Allemagne, n’est plus réaliste: FRA.BO (certain), Sanha [Kaimer] et Comap (avec un point d’interrogation) autorisent des périodes de transition s’étendant à tout le mois de septembre 1997.»

28      Il convient de constater qu’il n’y pas de divergence entre les constatations factuelles effectuées par le Tribunal concernant ladite télécopie et les passages de celle-ci qui ont été repris à ce considérant de la décision litigieuse. D’ailleurs, les requérantes n’ont pas soutenu, dans la procédure de première instance, que ces passages n’auraient pas été reproduits d’une manière fidèle au document original dans ce considérant.

29      À cet égard, il y a lieu de relever que, si les termes «avec un point d’interrogation» figurant après les noms des entreprises Sanha Kaimer et Comap peuvent exprimer une certaine incertitude, notamment quant aux conditions précises de la mise en œuvre de l’accord sur les prix, cette incertitude ne concerne que la date d’application de la nouvelle liste allemande de prix et, ainsi, elle ne saurait mettre en doute la constatation relative au début de la participation des requérantes à l’entente, en tant que telle.

30      Il convient également de relever que la circonstance, invoquée par les requérantes, selon laquelle l’information relative à l’augmentation des prix en Autriche au cours du mois de septembre 1997 était connue du secteur en août de la même année, ne saurait démontrer que le Tribunal a dénaturé la télécopie du 7 août 1997. En s’appuyant sur cette circonstance, les requérantes cherchent à remettre en cause l’appréciation des preuves faite par le Tribunal. De même, l’absence alléguée de lien entre cette télécopie et le rapport commercial d’IMI de janvier 1998 n’est pas de nature à établir que le Tribunal aurait dénaturé le contenu de cette télécopie.

31      En outre, ainsi que l’a relevé la Commission, en l’espèce, il convient de tenir compte du fait que, dans les affaires portant sur des ententes, la documentation y afférente est minimale ainsi que fragmentaire et que, partant, un accord anticoncurrentiel doit, dans la plupart des cas, être inféré d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés conjointement, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêts précités Aalborg Portland e.a./Commission, points 55 à 57, ainsi que Lafarge/Commission, point 22).

32      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que les éléments invoqués par les requérantes ne permettent pas de considérer que le Tribunal aurait dénaturé la télécopie du 7 août 1997 et, partant, retenu une date inexacte comme marquant le début de la participation de ces dernières à l’entente.

33      Dès lors, le premier moyen invoqué par les requérantes au soutien de leur pourvoi doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une appréciation erronée d’un élément de preuve et d’une insuffisance de motivation

 Argumentation des parties

34      Les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir fait une appréciation erronée de la valeur probante des déclarations faites dans le cadre de la politique de clémence, car, selon elles, il convient de faire une distinction entre, d’une part, l’importance particulière de la demande de clémence du premier demandeur, qui est susceptible d’obtenir une remise complète de l’amende qui lui a été infligée, et, d’autre part, l’importance plus faible des déclarations des autres demandeurs de clémence, qui essayent de fournir des éléments de preuve représentant une valeur ajoutée significative pour obtenir la réduction la plus forte possible de l’amende et produisent donc des moyens de preuve grâce auxquels la Commission pourra démontrer des aspects de l’entente pour lesquels elle ne possédait pas ou pas suffisamment de preuves. Dès lors, les déclarations de ces derniers, qui ne se sont décidés que tardivement à apporter leur collaboration dans le cadre du programme de clémence, seraient caractérisées par une tendance excessive à charger les autres entreprises.

35      Les requérantes font valoir que le Tribunal aurait dû tenir compte, en l’espèce, des divergences entre, d’une part, la déposition du premier «témoin repenti», à savoir Mueller Industries, qui ne les a pas mentionnées, bien que cette dernière ait décrit les faits en détail dans sa déposition et ait bénéficié d’une remise intégrale de son amende, et, d’autre part, la déposition du second «témoin repenti», à savoir IMI, qui les a accusées d’avoir participé à l’entente. En se référant au point 73 de l’arrêt Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, précité, les requérantes font également valoir que le Tribunal a omis de mettre en balance les discordances et les concordances existant entre ces déclarations et que ces lacunes dans l’appréciation des preuves et l’analyse incomplète de celles-ci sont susceptibles de faire l’objet d’un contrôle par la Cour.

36      Les requérantes soutiennent également que, étant donné que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas examiné le fait que Mueller Industries ne cite pas les requérantes comme ayant participé à l’infraction, cet arrêt est entaché d’un défaut de motivation en raison de la valeur probante primordiale attribuée à la déposition de Mueller Industries.

37      La Commission considère que le deuxième moyen est irrecevable, dès lors que les requérantes visent à obtenir un réexamen et une nouvelle appréciation des faits et des preuves.

38      En tout état de cause, elle fait valoir que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’appréciation des preuves effectuée par le Tribunal ne s’est pas limitée à l’évaluation des demandes de clémence et que le Tribunal, compte tenu des indices concordants corroborant la pertinence des déclarations d’IMI et de FRA.BO, a simplement écarté, ainsi qu’il ressort du point 57 de l’arrêt attaqué, l’argument des requérantes tendant à mettre en doute la crédibilité de ces déclarations. La Commission rappelle que ces indices étaient, aux termes du point 56 dudit arrêt, non seulement les demandes de clémence et les témoignages des entreprises qui avaient demandé l’application du programme de clémence de 1996, mais surtout des éléments de preuve produits au moment où les événements se déroulaient.

39      La Commission relève que c’est à juste titre que le Tribunal a mentionné, au point 55 de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles la demande de clémence d’IMI joue un rôle clé parmi les preuves qu’elle invoque. Elle fait valoir que c’est à titre subsidiaire que le Tribunal mentionne que les déclarations et les explications de M. P. (IMI) ont été corroborées, pour la plupart, par les déclarations d’autres entreprises ayant demandé à bénéficier dudit programme de clémence.

40      Selon la Commission, les requérantes estiment à tort pouvoir exclure la déclaration de Mueller Industries des déclarations concordantes, à savoir celles de cette dernière, d’IMI, de Delta plc et de FRA.BO, et être ainsi en mesure de démontrer une divergence entre ces déclarations. La Commission, tout en admettant que Mueller Industries n’a pas mentionné les requérantes dans l’annexe accompagnant ses écritures du 1er mars 2001, rappelle que celle-ci les a mentionnées en tant que participantes à l’entente au cours de la conférence téléphonique du 25 janvier 2001 avec la Commission et que cette information a été confirmée par la lettre du 9 juillet 2003 de cette société. Ainsi, étant donné que l’hypothèse des requérantes selon laquelle Mueller Industries ne les aurait pas mentionnées en tant que participantes à l’entente est erronée, la Commission considère que l’argument tiré d’une prétendue insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué est inopérant.

41      Enfin, la Commission réfute les allégations concernant la valeur probante supérieure de la première demande de clémence par rapport aux demandes suivantes, en partageant les constatations du Tribunal, effectuées au point 55 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles l’incitation à présenter des éléments de preuve inexacts relatifs aux autres participants à l’entente est réduite par la possibilité de la perte éventuelle des avantages en cas de tentative d’induire la Commission en erreur (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C‑202/02 P, C-205/02 P à C‑208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 397). En outre, la Commission ajoute qu’une méfiance est appropriée à l’égard de tous les auteurs de demandes de clémence et qu’aucun de ces derniers n’a connaissance des informations fournies par les autres au moment de sa coopération.

 Appréciation de la Cour

42      Par leur deuxième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis une erreur en n’ayant pas apprécié de manière correcte la valeur probante de la déclaration du premier demandeur de clémence par rapport à celles des autres demandeurs de clémence, en n’ayant pas mis en balance les discordances et les concordances de ces déclarations et en ayant omis de constater que, dans la déposition de ce premier demandeur de clémence, les requérantes n’étaient pas mentionnées comme ayant participé à l’entente.

43      À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que les requérantes n’allèguent nullement une dénaturation des déclarations émanant des demandeurs de clémence.

44      D’autre part, il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas le point 56 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a clairement rappelé que la Commission ne s’est pas fondée uniquement sur les demandes de clémence et les témoignages des entreprises ayant présenté de telles demandes. Le Tribunal y a également indiqué que, au contraire, la Commission s’est essentiellement fondée sur des documents trouvés au cours des vérifications et ceux fournis par des entreprises. À ce même point 56, le Tribunal a également relevé que ces éléments de preuve ont été produits au moment où les événements se déroulaient et ont, de ce fait, une valeur probante plus fiable que celle d’autres éléments de preuve rédigés postérieurement aux événements en cause.

45      Force est dès lors de constater que le Tribunal a effectué, en ce qui concerne ces déclarations et ces documents, des appréciations de nature factuelle non pas de manière isolée à l’égard de chaque élément, mais en tenant compte d’un ensemble d’éléments de preuve qui se renforcent mutuellement. Le poids relatif attribué par le Tribunal à chacun de ces éléments dans le cadre de cette appréciation globale relève de sa compétence pour apprécier les faits.

46      Or, l’appréciation des faits pertinents et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

47      En effet, conformément aux articles 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C-214/05 P, Rec. p. I-7057, point 26; ordonnances du 30 juin 2010, Royal Appliance International/OHMI, C-448/09 P, point 77, et du 15 décembre 2010, Goncharov/OHMI, C-156/10 P, point 38).

48      Par conséquence, le deuxième moyen invoqué par les requérantes au soutien de leur pourvoi doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de la Charte et de la CEDH

 Argumentation des parties

49      En premier lieu, les requérantes allèguent que la manière dont le droit de l’Union a aménagé la protection juridique contre les décisions par lesquelles la Commission inflige des amendes n’est pas conforme à l’article 47, premier alinéa, de la Charte ni à l’article 6 de la CEDH, qui consacrent le droit à un recours effectif devant un tribunal.

50      Selon les requérantes, bien que, conformément à l’article 31 du règlement n° 1/2003, le Tribunal statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte, le Tribunal s’est limité à un «contrôle de plausibilité» de la décision litigieuse et n’a pas fait usage de la compétence dont il dispose en la matière. Elles relèvent qu’elles ont proposé en vain, au cours de la procédure devant le Tribunal, de fournir des dépositions de témoins et d’autres éléments de preuve concernant des faits essentiels.

51      Les requérantes mettent en cause que, dans les affaires relatives à des ententes, le Tribunal n’effectue qu’un contrôle limité, en se bornant à vérifier que les constatations de fait opérées par la Commission ne contiennent aucune contradiction intrinsèque. En fait, selon les requérantes, les amendes infligées par la Commission ont un caractère pénal au sens de l’article 6 de la CEDH et, dès lors, un tel contrôle limité est insuffisant.

52      En second lieu, les requérantes font valoir que la procédure administrative n’était elle-même pas conforme aux exigences d’une procédure équitable telles qu’énoncées aux articles 47 de la Charte et 6 de la CEDH, car la Commission, qui instruit les faits et engage les poursuites, ne saurait en même temps adopter une décision infligeant des sanctions à caractère pénal. Selon les requérantes, la Commission instruit les faits, rédige elle-même l’acte d’accusation de l’entreprise concernée sous la forme de la communication des griefs et, au terme de la procédure, décide de la sanction qu’il convient de prononcer et du montant de l’amende infligée.

53      La Commission relève que le pourvoi devrait indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.

54      La Commission rappelle que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C-136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 76, ainsi que du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C-125/07 P, C‑133/07 P, C-135/07 P et C-137/07/ P, Rec. p. I‑8681, point 319) et que, même lorsqu’une demande d’audition de témoins, formulée dans la requête, indique avec précision les faits sur lesquels il y a lieu d’entendre les témoins et les motifs de nature à justifier leur audition, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 70).

55      Selon la Commission, le troisième moyen du pourvoi, à supposer qu’il soit dirigé contre la base juridique de la décision litigieuse, à savoir le règlement nº 1/2003, est présenté tardivement et, partant, irrecevable.

56      La Commission fait valoir que l’argument relatif à l’aménagement de la procédure administrative de la Commission est également irrecevable, dès lors que les requérantes n’ont nullement remis en question cet aménagement devant le Tribunal (arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C-24/05 P, Rec. p. I-5677, point 45, et ordonnance du 5 mars 2009, K & L Ruppert Stiftung/OHMI, C-90/08 P, points 26 et 27).

57      Elle ajoute, au sujet de la concentration de ses pouvoirs d’enquête, de poursuite et de décision dans le cadre des procédures d’infraction aux règles de concurrence, qu’une procédure dans le cadre de laquelle la Commission adopte une décision constatant une infraction et infligeant des amendes qui peut ultérieurement être soumise au contrôle du juge de l’Union satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

58      En faisant référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la Commission relève que celle-ci, d’une part, décrit la «pleine juridiction» en ce sens qu’elle inclut le pouvoir d’annuler à tous égards, sur des questions de fait et de droit, la décision de l’organe inférieur et, d’autre part, précise qu’un organe juridictionnel chargé d’un contrôle doit en particulier avoir compétence pour examiner toutes les questions de fait et de droit portant sur le litige dont il est saisi (Cour eur. D. H., arrêt Valico Srl c. Italie du 21 mars 2006, Recueil des arrêts et décisions 2006-III, p. 20 ainsi que 21 et jurisprudence citée).

59      Or, le Tribunal pourrait être appelé par les parties à procéder à un examen exhaustif tant de la constatation matérielle des faits que de leur appréciation juridique par la Commission et, s’agissant des amendes, il disposerait d’une compétence de pleine juridiction en vertu des articles 261 TFUE et 31 du règlement n° 1/2003. La Commission en conclut que le régime des voies de recours en vigueur dans l’Union européenne est conforme aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

 Appréciation de la Cour

60      Par leur troisième moyen, les requérantes font valoir que, étant donné que le Tribunal a, d’une part, effectué sur la décision litigieuse un contrôle insuffisamment complet et, d’autre part, écarté plusieurs offres de preuve qu’elles avaient présentées, cette juridiction n’a pas permis qu’elles bénéficient d’un recours effectif et a, ainsi, violé les articles 47 de la Charte et 6 de la CEDH.

61      À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de cette dernière qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de la décision du Tribunal dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts du 23 avril 2009, AEPI/Commission, C-425/07 P, Rec. p. I-3205, point 25, et du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C‑401/09 P, non encore publié au Recueil, point 55).

62      Or, en l’occurrence, les considérations concrètes relatives au caractère prétendument incomplet du contrôle effectué par le Tribunal et les faits essentiels, à l’égard desquels une omission de l’instruction est alléguée, n’ont pas été précisés par les requérantes.

63      Dans ces conditions, cette branche du troisième moyen est irrecevable.

64      Les requérantes mettent également en cause le système de contrôle administratif et juridictionnel de l’Union dans le domaine de la concurrence en tant que tel.

65      À cet égard, il ressort de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour que les moyens du pourvoi doivent être fondés sur des arguments tirés de la procédure devant le Tribunal. En outre, selon l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. La compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est limitée à l’appréciation de la solution juridique qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc modifier l’objet dudit litige en soulevant pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle aurait pu soulever devant le Tribunal mais qu’elle n’a pas soulevé, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C-280/08 P, Rec. p. I‑9555, point 34; du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, non encore publié au Recueil, point 35, et du 3 mai 2012, Comap/Commission, C-290/11 P, point 42).

66      Or, il suffit de constater que les arguments se rapportant au système de contrôle mis en œuvre par l’Union dans le domaine de la concurrence n’ont pas été soulevés devant le Tribunal et tendent à modifier l’objet du litige porté devant celui-ci.

67      Dès lors, la seconde branche du troisième moyen, en tant qu’elle est fondée sur lesdits arguments, est irrecevable. Partant, ce troisième moyen ne saurait prospérer.

68      Aucun des trois moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur pourvoi n’étant susceptible d’être accueilli, il y a lieu de rejeter celui-ci.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 69, paragraphe 2, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à leur condamnation, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Kaimer GmbH & Co. Holding KG, Sanha Kaimer GmbH & Co. KG et Sanha Italia Srl sont condamnées aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.