Language of document : ECLI:EU:C:2008:468

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 4 septembre 2008 (1)

Affaire C‑222/07

Unión de Televisiones Comerciales Asociadas (UTECA)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo espagnol]

«Directive 89/552/CEE ‘télévision sans frontières’ – Œuvres européennes – Obligation pour les opérateurs de télévision d’assurer le financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens – Quota linguistique – Harmonisation minimale – Libertés fondamentales du traité CE – Concurrence – Aides d’État – Notion d’aide d’État (article 87, paragraphe 1, CE)»





I –    Introduction

1.        Une loi nationale peut-elle imposer à des opérateurs de télévision de consacrer un pourcentage déterminé de leurs recettes au financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens, dont la version originale doit de surcroît être dans l’une des langues officielles de l’État membre en cause? C’est la question centrale de la demande de décision préjudicielle dont le Tribunal Supremo (Espagne) (2) espagnol a saisi la Cour de justice en l’espèce.

2.        Dans la procédure au principal, l’Unión de Televisiones Comerciales Asociadas (UTECA), une association de télévisions commerciales établies en Espagne, conteste l’obligation imposée par le droit espagnol aux opérateurs de télévision de consacrer 5 % de leurs recettes annuelles au financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens, 60 % de ce financement étant réservés à des œuvres dont la langue originale est l’une des langues officielles en Espagne (3).

3.        La Cour de justice est invitée à dire si une telle réglementation nationale est compatible avec les dispositions de la directive «télévision sans frontières», avec les libertés fondamentales du traité CE et avec le droit européen sur les aides.

4.        Il va sans dire que, outre son impact économique, on ne saurait sous-estimer l’importance de la réponse à cette question pour la politique culturelle d’un bon nombre d’États membres et de la Communauté dans son ensemble. L’intérêt suscité par cette affaire est illustré d’emblée par la participation active de toute une série de gouvernements nationaux à la procédure devant la Cour.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit communautaire

5.        Outre diverses dispositions du traité, le cadre juridique de la présente affaire est constitué par la directive 89/552/CEE (4) – également dénommée directive «télévision sans frontières» – dans sa version modifiée par la directive 97/36/CE (5)(6).

6.        Les dispositions générales du chapitre II de la directive 89/552 incluent l’article 3, paragraphe 1, qui dispose:

«Les États membres ont la faculté, en ce qui concerne les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la présente directive.»

7.        Le chapitre III de la directive 89/552, qui est intitulé «Promotion de la distribution et de la production de programmes télévisés», comprend notamment les articles 4, 5 et 6.

8.        L’article 4, paragraphe 1, de la directive 89/552 dispose:

«Les États membres veillent, chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent à des œuvres européennes, au sens de l’article 6, une proportion majoritaire de leur temps de diffusion […] Cette proportion, compte tenu des responsabilités de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle à l’égard de son public en matière d’information, d’éducation, de culture et de divertissement, devra être obtenue progressivement sur la base de critères appropriés.»

9.        L’article 5 de la directive 89/552 dispose:

«Les États membres veillent, chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent au moins 10 % de leurs temps d’antenne […] ou alternativement, au choix de l’État membre, 10 % au moins de leur budget de programmation, à des œuvres européennes émanant de producteurs indépendants d’organismes de radiodiffusion télévisuelle. Cette proportion, compte tenu des responsabilités des organismes de radiodiffusion télévisuelle à l’égard de leur public en matière d’information, d’éducation, de culture et de divertissement, devra être obtenue progressivement sur la base de critères appropriés; elle doit être atteinte en réservant une proportion adéquate à des œuvres récentes, c’est-à-dire des œuvres diffusées dans un laps de temps de cinq ans après leur production.»

10.      L’article 6 de la directive 89/552 contient la définition suivante:

«1. Aux fins du présent chapitre, on entend par ‘œuvres européennes’ les œuvres suivantes:

a) les œuvres originaires d’États membres;

[…]

2. Les œuvres visées au paragraphe 1 points a) et b) sont des œuvres qui sont réalisées essentiellement avec le concours d’auteurs et de travailleurs résidant dans un ou plusieurs États visés au même paragraphe points a) et b) et qui répondent à l’une des trois conditions suivantes:

a)       elles sont réalisées par un ou des producteurs établis dans un ou plusieurs de ces États;

b)       la production de ces œuvres est supervisée et effectivement contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis dans un ou plusieurs de ces États;

c)       la contribution des coproducteurs de ces États est majoritaire dans le coût total de la coproduction, et celle-ci n’est pas contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis en dehors de ces États […]»

11.      Par ailleurs, les treizième, dix-neuvième, vingt-deuxième, vingt-troisième et vingt-sixième considérants de la directive 89/552 énoncent ce qui suit:

«(13) considérant que la présente directive prévoit les dispositions minimales nécessaires pour assurer la libre diffusion des émissions; que, de ce fait, elle n’affecte pas les compétences que possèdent les États membres et leurs autorités en ce qui concerne l’organisation – y compris les systèmes de concession, d’autorisation administrative ou de taxation – et le financement des émissions, ainsi que le contenu des programmes; que l’indépendance de l’évolution culturelle d’un État membre à l’autre et la diversité culturelle de la Communauté restent ainsi préservées;(

(19)  considérant que des exigences minimales applicables à tous les programmes télévisés, publics ou privés de la Communauté en ce qui concerne les productions audiovisuelles européennes sont un moyen permettant de promouvoir la production, la production indépendante et la distribution dans les industries susmentionnées et complètent d’autres instruments qui ont été ou seront proposés dans le même sens;

[…]

(22) considérant qu’il importe de rechercher les instruments et procédures appropriés et conformes au droit communautaire qui favorisent la réalisation de ces objectifs en vue de l’adoption des mesures qui s’imposent pour encourager l’activité et le développement de la production et de la distribution audiovisuelles européennes, notamment dans les pays à faible capacité de production ou à aire linguistique restreinte;

(23) considérant que des dispositifs nationaux de soutien au développement de la production européenne pourront être appliqués dans la mesure où ils sont conformes au droit communautaire;

[…]

(26)  considérant que, dans le souci de promouvoir activement telle ou telle langue, les États membres doivent conserver la faculté de fixer des règles plus strictes ou plus détaillées en fonction de critères linguistiques, pour autant que ces règles respectent le droit communautaire et, notamment, ne soient pas applicables à la retransmission de programmes originaires d’autres États membres».

12.      À titre complémentaire, il y a également lieu de se référer aux considérants 44 et 45 de la directive 97/36, qui énoncent ce qui suit:

«(44)  considérant que l’approche adoptée dans la directive 89/552/CEE et la présente directive vise à réaliser l’harmonisation fondamentale nécessaire et suffisante pour assurer la libre circulation des émissions de télévision à l’intérieur de la Communauté; que les États membres ont la faculté d’appliquer aux organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines coordonnés par la présente directive, y compris, notamment, des règles visant à réaliser des objectifs en matière linguistique et garantir la protection de l’intérêt public pour ce qui concerne le rôle de la télévision comme support d’information, d’éducation, de culture et de divertissement ainsi que des règles répondant à la nécessité de préserver le pluralisme dans l’industrie de l’information et les médias et d’assurer la protection de la concurrence en vue d’éviter les abus de position dominante et/ou l’établissement ou le renforcement de positions dominantes par le biais de concentrations, ententes, acquisitions ou initiatives similaires; que ces règles doivent être compatibles avec le droit communautaire;

(45)  considérant que l’objectif d’une aide à la production audiovisuelle européenne peut être atteint dans les États membres dans le cadre de l’organisation de leurs services de radiodiffusion, entre autres en attribuant une mission d’intérêt général à certains organismes de radiodiffusion, notamment l’obligation d’investir largement dans des productions européennes».

B –    Le droit international

13.      La convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (7) a été adoptée le 20 octobre 2005 à Paris, dans le cadre de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Outre la Communauté européenne, les parties à cette convention incluent la plupart de ses États membre (8). La convention Unesco est entrée en vigueur le 18 mars 2007.

14.      Le préambule de la convention Unesco confirme notamment que la diversité culturelle «est une caractéristique inhérente à l’humanité» (9), «qu’elle constitue «un patrimoine commun de l’humanité et qu’elle devrait être célébrée et préservée au profit de tous» (10). Il souligne «l’importance de la diversité culturelle pour la pleine réalisation des droits de l’homme et des libertés fondamentales proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres instruments universellement reconnus» (11). Il relève par ailleurs que «la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle» (12).

15.      Aux termes de son article 1er, la convention Unesco a notamment pour objectif:

«a)      de protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles;

h)      de réaffirmer le droit souverain des États de conserver, d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et mesures qu’ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire; […]»

16.      Parmi les principes directeurs de la convention Unesco, l’article 2, paragraphe 2, de cette convention décrit le principe de souveraineté comme suit:

«Les États ont, conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, le droit souverain d’adopter des mesures et des politiques pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur leur territoire.»

17.      À l’article 5, paragraphe 1, de cette convention, les parties réaffirment:

«[…] conformément à la Charte des Nations Unies, aux principes du droit international et aux instruments universellement reconnus en matière de droits de l’homme, leur droit souverain de formuler et mettre en œuvre leurs politiques culturelles et d’adopter des mesures pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles [...]»

18.      L’article 6 de cette convention prévoit:

«1. Dans le cadre de ses politiques et mesures culturelles telles que décrites à l’article 4.6, et compte tenu des circonstances et des besoins qui lui sont propres, chaque Partie peut adopter des mesures destinées à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur son territoire.

2. Ces mesures peuvent inclure:

(a) les mesures réglementaires qui visent à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles;

(b) les mesures qui, d’une manière appropriée, offrent des opportunités aux activités, biens et services culturels nationaux, de trouver leur place parmi l’ensemble des activités, biens et services culturels disponibles sur son territoire, pour ce qui est de leur création, production, diffusion, distribution et jouissance, y compris les mesures relatives à la langue utilisée pour lesdits activités, biens et services […]»

19.      L’article 20 de la convention Unesco réglemente les relations de cette convention avec d’autres instruments comme suit:

«1. Les Parties reconnaissent qu’elles doivent remplir de bonne foi leurs obligations en vertu de la présente Convention et de tous les autres traités auxquels elles sont parties. Ainsi, sans subordonner cette Convention aux autres traités,

a) elles encouragent le soutien mutuel entre cette Convention et les autres traités auxquels elles sont parties; et

b) lorsqu’elles interprètent et appliquent les autres traités auxquels elles sont parties ou lorsqu’elles souscrivent à d’autres obligations internationales, les Parties prennent en compte les dispositions pertinentes de la présente Convention.

2. Rien dans la présente Convention ne peut être interprété comme modifiant les droits et obligations des Parties au titre d’autres traités auxquels elles sont parties.»

C –    La réglementation nationale

20.      Les dispositions espagnoles sur la télévision et le cinéma incluent la loi 25/1994 du 12 juillet 1994 (13), qui a transposé la directive 89/552 en droit espagnol. L’article 5 de cette loi, intitulé «Œuvres européennes», a été modifié à plusieurs reprises. La version pertinente en l’espèce est celle modifiée par la loi 22/1999 du 7 juin 1999 (14), et par la deuxième disposition additionnelle de la loi 15/2001, du 9 juillet 2001 (15).

21.      Dans cette version, l’article 5, paragraphe 1, de la loi 25/1994 se lit comme suit:

«Les opérateurs de télévision réservent 51 % de leur temps d’antenne annuel à la diffusion d’œuvres audiovisuelles européennes.

Les opérateurs de télévision ayant la responsabilité éditoriale de chaînes de télévision dont la programmation comporte des longs métrages cinématographiques de production actuelle, c’est-à-dire dont l’ancienneté est inférieure à sept ans depuis leur date de production, affectent au moins, chaque année, 5 % du montant total des recettes perçues durant l’exercice antérieur, d’après leur compte d’exploitation, au financement anticipé de la production de longs et courts métrages cinématographiques et de films de télévision européens, y compris ceux relevant des hypothèses visées à l’article 5, paragraphe 1, de la loi visant à favoriser et à promouvoir la cinématographie et le secteur audiovisuel. 60 % de ce financement est affecté à des productions dont la langue originale est l’une des langues officielles en Espagne.

À ces fins, on entend par films de télévision les œuvres audiovisuelles dont les caractéristiques sont similaires à celles des longs métrages cinématographiques, c’est-à-dire les œuvres unitaires durant plus de soixante minutes avec un dénouement final, dont la particularité est que leur exploitation commerciale n’inclut pas leur projection dans des salles de cinéma; et par recettes d’exploitation, on entend celles provenant de la programmation et de l’exploitation de la chaîne ou des chaînes de télévision donnant naissance à l’obligation en cause, telles qu’elles se reflètent dans leurs comptes d’exploitation ayant fait l’objet d’un audit.

Le gouvernement, après consultation de tous les secteurs intéressés, pourra établir par voie réglementaire les durées exigibles pour considérer une œuvre audiovisuelle comme un film de télévision.»

22.      Le décret royal 1652/2004, du 9 juillet 2004, a approuvé le «règlement régissant l’investissement obligatoire pour le financement anticipé de longs et courts métrages cinématographiques et de films de télévision, européens et espagnols»(16). Il contient des dispositions de mise en œuvre de l’article 5, paragraphe 1, de la loi 25/1994 en ce qui concerne le financement de productions cinématographiques européennes; il réglemente en particulier le calcul de du chiffre d’affaires des opérateurs de télévision ainsi que le calcul de la quote-part affectée à l’acquisition de productions cinématographiques européennes. Conformément à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, pour satisfaire l’obligation de financement anticipé, il peut être tenu compte de toutes les dépenses encourues par l’opérateur de télévision au titre de sa propre production, de commandes de production, de coproductions et d’achats de droits de diffusion d’œuvres audiovisuelles.

23.      En ce qui concerne la procédure, la décision de renvoi contient les informations complémentaires suivantes: en Espagne, les personnes morales de droit privé dont les intérêts sont affectés par un règlement de portée générale ont qualité pour attaquer ce règlement en justice et pour en faire constater la nullité. Lorsque de telles dispositions de portée générale émanent du Conseil des ministres espagnol, leur examen relève, en premier et en dernier ressort, de la chambre du contentieux administratif du Tribunal Supremo, qui assure le contrôle de la légalité des actes du gouvernement.

III – Les faits et la procédure au principal

24.      Le 16 septembre 2004, l’UTECA a saisi le Tribunal Supremo d’un recours en déclaration de nullité du décret royal 1652/ 2004.

25.      Le recours vise à faire écarter l’application à la fois du décret royal attaqué et des normes juridiques sur lesquelles il se fonde, au motif que, selon l’UTECA, le décret enfreindrait diverses dispositions de la Constitution espagnole et serait contraire au droit communautaire.

26.      Les prétentions de l’UTECA sont contestées par l’administration générale de l’État espagnol(17), par la Federación de Asociaciones de Productores Audiovisuales Españoles (ci-après la «FAPAE»), qui est une association de producteurs espagnols dans le secteur audiovisuel, et par l’Entidad de Gestión de Derechos de los Productores Audiovisuales (ci-après l’«EGEDA»), un organisme de gestion des droits de propriété intellectuelle des producteurs d’œuvres audiovisuelles.

IV – La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

27.      Par décision du 18 avril 2007, parvenue à la Cour le 3 mai 2007, le Tribunal Supremo a sursis à statuer et a saisi la Cour des trois questions préjudicielles suivantes:

a)      L’article 3 de la directive 89/552/CEE, telle que modifiée par la directive 97/36/CE, permet-il aux États membres d’imposer aux opérateurs de télévision l’obligation d’affecter un pourcentage de leurs recettes d’exploitation au financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens?

b)      Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la question précédente, une réglementation nationale qui, outre qu’elle prévoit l’obligation susmentionnée de financement anticipé, réserve 60 % dudit financement obligatoire à des œuvres dont la langue originale est l’espagnol, est-elle conforme à ladite directive et à l’article 12 CE lu en combinaison avec les autres dispositions particulières auxquelles celui-ci fait référence?

c)      L’obligation imposée par une réglementation nationale aux opérateurs de télévision consistant à ce que ceux-ci affectent un pourcentage de leurs recettes d’exploitation au financement anticipé de films cinématographiques, dont 60 % doivent être affectés spécifiquement à des œuvres dont la langue originale est l’espagnol et qui sont majoritairement produites par l’industrie cinématographique espagnole, constitue-t-elle une aide de l’État au bénéfice de cette industrie au sens de l’article 87 CE?»

28.      Au cours de la procédure devant la Cour, des observations orales et écrites ont été présentées par l’UTECA, la FAPAE, l’EGEDA, par les gouvernements de la République hellénique, du Royaume d’Espagne et de la République française, par la Commission des Communautés européennes, ainsi que par l’Autorité de surveillance AELE. Des observations écrites ont par ailleurs été déposées par les gouvernements belge, italien, autrichien et polonais.

V –    Appréciation

A –    Sur la première question: compatibilité d’une obligation de financement anticipé d’œuvres européennes avec la directive «télévision sans frontières»

29.      La première question du Tribunal Supremo porte sur l’interprétation de l’article 3 de la directive 89/552. En substance, elle vise à savoir si un État membre peut – au-delà des quotas prévus aux articles 4 et 5 de cette directive – imposer à des opérateurs de télévision de consacrer annuellement un pourcentage déterminé de leurs recettes au financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens. En d’autres termes, il s’agit de la marge de manœuvre que la directive «télévision sans frontières» laisse aux États membres en matière de financement anticipé d’œuvres européennes.

1.      Observation liminaire

30.      Conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/552, les États membres ont la faculté, en ce qui concerne les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leurs compétences, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par ladite directive.

31.      Cette disposition illustre le fait que la directive «télévision sans frontières» ne poursuit pas une harmonisation complète des dispositions applicables aux opérateurs de télévision, mais établit simplement des normes minimales pour les émissions de télévision qu’ils diffusent (18).

32.      Cela ne veut cependant nullement dire que les États membres ne peuvent adopter des dispositions plus strictes ou plus détaillées pour les opérateurs de télévision que dans le seul champ d’application de la directive «télévision sans frontières». Certes, la mention des «domaines couverts par» ladite directive figurant à l’article 3, paragraphe 1, peut prêter à le croire. Cependant, cette formulation vise simplement à préciser que, même dans les domaines couverts par cette directive, les États membres peuvent aller au-delà des minima prévus par le législateur communautaire. Au demeurant, il va de soi que des réglementations nationales ayant un impact sur l’activité d’opérateurs de télévision peuvent également être adoptées dans des domaines totalement étrangers à la directive «télévision sans frontières» (19).

33.      Pour répondre à la première question préjudicielle, il est donc sans pertinence qu’une réglementation sur le financement anticipé de certains films européens, comme la réglementation espagnole en cause, porte sur un domaine couvert par la directive «télévision sans frontières» ou qu’elle échappe complètement au champ d’application de cette dernière. Dans les deux cas, les États membres ont le droit d’aller au-delà des minima imposés par ladite directive.

34.      Toutefois, les «règles plus détaillées ou plus strictes» adoptées par les États membres ne doivent pas entrer en contradiction avec les termes et les objectifs de la directive 89/552 et elles ne doivent pas enfreindre d’autres dispositions de droit communautaire (20). Les considérations qui suivent sont consacrées à ces limites qui encadrent la marge de manœuvre laissée aux États membres.

2.       Il n’y a pas d’interdiction générale de réglementer le financement anticipé au plan national

35.      La directive «télévision sans frontières» n’impose aux États membres aucune exigence concrète en ce qui concerne le financement ou le financement anticipé d’œuvres européennes (21).

36.      Mais elle ne leur interdit pas non plus d’intégrer des réglementations à ce sujet dans leur droit national. Le silence de ladite directive ne signifie en effet pas que l’adoption de telles réglementations serait interdite aux États membres. Bien au contraire, comme l’indique son préambule, la directive «télévision sans frontières» n’affecte pas les compétences des États membres en matière de financement des émissions et de contenu des programmes (22).

37.      Partant, et contrairement à ce que pensent l’UTECA et le gouvernement polonais, la marge de manœuvre laissée aux États membres par l’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/552 ne se limite pas à la fixation de quotas de diffusion d’œuvres européennes à la télévision et à leur réglementation plus ou moins stricte ou détaillée en droit national. Pour la promotion de la diffusion et de la production d’œuvres européennes, ils ne sont en effet pas obligés de s’en tenir aux instruments prévus par les articles 4 et 5 de ladite directive.

38.      Au contraire, les «règles plus détaillées ou plus strictes» que les États membres peuvent adopter au titre de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/552 englobent un très large spectre de mesures nationales possibles. Le législateur communautaire lui-même l’a confirmé lors de la modification de la directive «télévision sans frontières» en 1997 et, au considérant 44 de la directive modificative 97/36, il a évoqué les domaines de réglementation les plus divers, sans pour autant les épuiser, comme en témoigne l’emploi du terme «notamment»(23). Le considérant 45 de la directive 97/36 parle même expressément d’une obligation «d’investir […] dans des productions européennes».

39.      Partant, on ne peut déduire de la directive «télévision sans frontières» aucune interdiction générale des réglementations sur le financement anticipé comme la réglementation espagnole (24).

3.      Rien n’interdit d’inclure des opérateurs de télévision privés dans une réglementation nationale sur le financement anticipé

40.      Selon l’UTECA, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/552 ne permet pas aux États membres d’introduire des dispositions plus strictes que pour certains opérateurs de télévision, investis d’une mission d’intérêt général. Cette disposition doit, selon elle, être lue en combinaison avec le protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres (25).

41.      Je ne partage pas ce point de vue. Sur un plan général, la distinction entre opérateurs de télévision privés et publics ou investis d’une mission d’intérêt général est étrangère à la directive «télévision sans frontières». Plus spécifiquement, le libellé de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/552, dont il s’agit ici, ne contient rien qui puisse fonder une telle distinction.

42.      Certes, à l’occasion de la modification apportée à la directive 89/552 en 1997, le législateur communautaire a précisé que certains opérateurs de télévision peuvent être investis d’une mission d’intérêt général, qui peut entraîner une obligation d’investir dans des productions européennes (26).

43.      On ne saurait pourtant en déduire que seuls des opérateurs investis d’une telle mission d’intérêt général pourraient légalement être obligés de contribuer au financement anticipé d’œuvres européennes. Au contraire, les États membres peuvent également décider d’imposer ce financement anticipé à tous les opérateurs de télévision ressortissant à leur champ de compétence, afin de contribuer ainsi à une mise en œuvre aussi efficace que possible du régime des quotas pour la diffusion d’œuvres européennes (voir articles 4 et 5 de la directive 89/552) (27).

44.      En somme, il n’y a rien dans la directive «télévision sans frontières» qui interdise de soumettre des opérateurs de télévision privés à une réglementation nationale telle que la réglementation espagnole sur le financement anticipé.

4.      Les objectifs de la directive «télévision sans frontières» ne s’opposent pas à une réglementation nationale sur le financement anticipé

45.      Quant aux objectifs de la directive «télévision sans frontières», il suffit d’examiner le préambule pour constater que le législateur communautaire s’est particulièrement attaché à promouvoir la production de programmes télévisuels européens et d’œuvres audiovisuelles européennes (28). Cela résulte également du chapitre III, dont l’intitulé montre que ladite directive vise à promouvoir non pas seulement la distribution de programmes télévisés, mais également leur production.

46.      Une réglementation nationale imposant aux opérateurs de télévision de contribuer au financement anticipé de certains films cinématographiques et télévisuels européens encourage la production de programmes télévisuels européens et d’œuvres audiovisuelles européennes et est dès lors en harmonie avec les objectifs de la directive «télévision sans frontières» (29). Elle est d’ailleurs également justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général au sens de la jurisprudence de la Cour sur les libertés fondamentales (30).

47.      Au demeurant, la concrétisation des minima prévus aux articles 4 et 5 de la directive «télévision sans frontières» pour la diffusion d’œuvres européennes à la télévision serait illusoire si, faute de financement adéquat, il était impossible de produire un nombre suffisant d’œuvres européennes. Les États membres qui adoptent des mesures internes pour améliorer le financement de productions européennes contribuent aussi indirectement à cette concrétisation.

48.      Partant, l’objectif spécifique de ladite directive de promouvoir la production d’œuvres européennes en plus de leur diffusion à la télévision ne s’oppose pas à une réglementation nationale imposant aux opérateurs de télévision de participer au financement anticipé de certains films européens (31).

49.      Une telle réglementation de préfinancement ne contredit pas non plus l’objectif premier de la directive, qui est d’assurer la libre diffusion des émissions de télévision en Europe (32).

50.      Sur un plan tout à fait général, l’application de règles nationales plus strictes n’affecte pas nécessairement la réalisation de l’objectif consistant à assurer la libre diffusion d’émissions télévisées (33).

51.      En l’espèce, les entraves à la réalisation de cet objectif sont d’autant moins à craindre que les opérateurs de télévision étrangers dont les émissions doivent être diffusées en Espagne ne sont de toute manière pas soumis au régime de financement anticipé applicable dans ce pays.

52.      Quant aux opérateurs établis en Espagne, s’ils sont tenus de participer au financement anticipé d’œuvres européennes, cela n’a pas d’impact direct sur leur programmation. Au contraire, le financement anticipé imposé par le droit espagnol vise à une mise en œuvre plus efficace du régime de quotas pour la diffusion d’œuvres européennes prévu aux articles 4 et 5 de la directive 89/552 et qui s’applique à tous les opérateurs de télévision établis dans la Communauté.

53.      Tout au plus l’obligation de financement anticipé pourrait-elle être considérée comme une intervention indirecte dans la programmation de l’opérateur de télévision en raison de ses effets sur le budget de ce dernier. Mais, comme l’obligation de financement anticipé n’affecte, avec 5 % des recettes, qu’une fraction relativement faible du budget global d’un opérateur de télévision, ses effets semblent trop insignifiants et aléatoires (34) pour sérieusement affecter sa liberté de programmation et par conséquent pour entraver la libre diffusion des émissions télévisuelles de son choix, conformément à la directive.

54.      En somme, les objectifs de la directive «télévision sans frontières» ne s’opposent pas à une réglementation nationale comme la réglementation espagnole, qui impose aux opérateurs de télévision de participer au financement anticipé de certains films européens.

5.      Autres observations

55.      Par souci d’exhaustivité, je vais finalement encore aborder deux problèmes spécifiques soulevés par le Tribunal Supremo dans le cadre de la première question préjudicielle et qui ont éveillé en lui des doutes quant à la compatibilité avec la directive «télévision sans frontières» d’une réglementation sur le financement anticipé comme la réglementation espagnole.

a)      Certaines catégories d’œuvres européennes peuvent-elles être exclues du champ d’application d’une réglementation nationale de financement anticipé?

56.      Tout d’abord, dans sa décision de renvoi, le Tribunal Supremo a particulièrement souligné que l’obligation de financement anticipé imposée aux opérateurs de télévision espagnols s’étend non pas à toutes les œuvres européennes au sens de l’article 6 de la directive «télévision sans frontières», mais uniquement à certaines d’entre elles, à savoir les films cinématographiques et les films de télévision d’une durée supérieure à 60 minutes et qui ne sont pas composés de plusieurs épisodes.

57.      Comme je l’ai observé (35), la directive «télévision sans frontières» n’impose pas aux États membres de réglementer le financement, anticipé ou autre, d’œuvres européennes dans leur droit national. En conséquence, elle ne dit pas non plus quelles œuvres européennes peuvent ou doivent le cas échéant faire l’objet d’un tel régime national de financement anticipé. Les États membres restent donc en principe libres de fixer les modalités détaillées de leurs régimes de financement anticipé et de préciser les œuvres qui doivent en bénéficier.

58.      D’éventuelles restrictions de droit communautaire ne peuvent résulter en l’occurrence que du principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire (36) et qui s’impose aux États membres dans le champ d’application de ce droit (37). Dans la mesure où, ainsi que nous l’avons vu, le régime espagnol de financement anticipé vise à promouvoir la production d’œuvres européennes, il touche bien au champ d’application de la directive «télévision sans frontières» (38).

59.      Le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (39).

60.      Certes, la réglementation espagnole sur le financement anticipé fait une différence de traitement entre les films cinématographiques et de télévision d’une durée supérieure à 60 minutes et d’autres œuvres, dont les séries télévisuelles. Quant à savoir s’il s’agit de situations comparables ou différentes et si la réglementation sur le financement anticipé est objectivement justifiée, cela dépend d’un grand nombre de facteurs, pour l’appréciation desquels il faut d’ailleurs laisser une marge d’appréciation au législateur national (40).

61.      Ainsi la directive «télévision sans frontières» souligne-t-elle notamment la nécessité de soutenir les producteurs indépendants (41). Il peut également être opportun d’accorder un financement anticipé aux œuvres dont les coûts de production sont comparativement élevés et dont la réalisation comporte des difficultés particulières. Les deux approches peuvent aboutir à la conclusion que les films cinématographiques et télévisuels de plus de 60 minutes ne sont pas comparables aux autres œuvres, en particulier aux séries télévisuelles, ou qu’il est en tout cas objectivement justifié de leur appliquer un traitement particulier.

62.      Aucune appréciation définitive ne peut toutefois être portée sur la base du faible nombre d’informations fournies à la Cour. Au demeurant, l’appréciation des faits de l’espèce et l’application du droit communautaire à ces faits ressortissent de toute façon à la compétence exclusive de la juridiction de renvoi (42).

b)      Les opérateurs de télévision ne disposant que d’une offre minime de films cinématographiques de production actuelle peuvent-ils être contraints au financement anticipé d’œuvres européennes?

63.      Dans la décision de renvoi, le Tribunal Supremo a également observé que l’obligation de financement anticipé s’impose à tout opérateur incluant des films cinématographiques de production actuelle (43) dans son programme, même si son offre cinématographique occupe une place minime ou négligeable dans sa programmation.

64.      Comme je l’ai souligné (44), les États membres sont en principe libres de fixer les modalités de leur régime national de financement anticipé. Dans ce contexte, ils ont également le droit de dire quels opérateurs doivent être soumis à l’obligation de financement anticipé.

65.      Toute restriction de droit communautaire ne peut à cet égard résulter que du principe d’égalité de traitement (45) et du principe de proportionnalité (46).

66.      En ce qui concerne le principe d’égalité de traitement, la réglementation espagnole litigieuse impose, selon toute apparence, le financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens à tous les opérateurs de télévision dans une même mesure. Il incombera à la juridiction de renvoi de dire si la situation des opérateurs de télévision ne disposant que d’une offre minimale de films cinématographiques est vraiment comparable à celles d’autres opérateurs. Dans la négative, elle devra examiner si l’égalité de traitement au regard de la réglementation sur le financement anticipé peut néanmoins être objectivement justifiée. À cet égard aussi, il faudra concéder au législateur national une certaine liberté d’appréciation (47).

67.      Quant au principe de proportionnalité, il exige que les actes adoptés ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (48). À la lumière de ces considérations, la juridiction de renvoi devra en particulier dire si l’obligation de financement anticipé d’œuvres européennes constitue une charge excessive pour des opérateurs de télévision ne disposant que d’une offre minimale de films cinématographiques, même si elle ne grève, avec 5 % des recettes, qu’une fraction relativement faible du budget total de l’opérateur.

68.      Les informations fournies à la Cour ne permettent de se prononcer de façon définitive sur aucune de ces questions. Mais, comme je l’ai déjà relevé (49), l’appréciation des faits du litige et l’application du droit communautaire à ces faits sont de toute façon du ressort exclusif de la juridiction de renvoi.

6.      Conclusion intermédiaire

69.      Je constate en résumé ce qui suit:

La directive 89/552 en général et son article 3 en particulier ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui impose aux opérateurs de télévision d’affecter chaque année un pourcentage de leurs recettes au financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens, pourvu que cette réglementation nationale soit compatible avec les autres normes de droit communautaire.

B –    Sur la deuxième question: les libertés fondamentales et l’obligation de financement anticipé d’œuvres européennes produites dans certaines langues

70.      L’examen de la deuxième question sera nécessaire s’il est répondu à la première question dans le sens que je propose. Cette deuxième question vise en substance à déterminer si un État membre peut, par voie légale, imposer aux opérateurs de télévision de consacrer 60 % du financement anticipé obligatoire à des films cinématographiques et de télévision européens dont la langue originale est reconnue comme langue officielle dans cet État membre (50).

1.      Observation liminaire

71.      D’après son libellé, la deuxième question préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 89/552 et du principe communautaire d’interdiction de non-discrimination.

72.      Concernant la directive 89/552, j’ai déjà observé dans le cadre de la réponse à la première question (51) qu’elle n’impose aucune exigence particulière en matière de réglementation nationale sur le financement ou le financement anticipé de films cinématographiques, à condition que la réglementation reste compatible avec les autres normes du droit communautaire, et en particulier avec les libertés fondamentales du traité CE (52). Ce n’est donc que sous ce rapport que j’examinerai ci-après la deuxième question préjudicielle.

73.      En tant que la deuxième question se réfère au principe général de non-discrimination énoncé à l’article 12 CE, il faut rappeler que ce dernier n’a vocation à s’appliquer de façon autonome que dans des situations régies par le droit communautaire pour lesquelles le traité ne prévoit pas de règle spécifique de non-discrimination (53). Or, comme nous allons le voir, la présente affaire touche à plusieurs libertés fondamentales du traité, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner l’article 12 CE dans le cadre des présents développements.

2.      Les libertés fondamentales pertinentes et la restriction de ces libertés

74.      La réglementation espagnole en cause impose aux opérateurs de télévision de consacrer un pourcentage déterminé de leurs recettes au financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens dont la langue originale est une des langues officielles reconnues en Espagne.

75.      Certes, théoriquement, de tels films peuvent être produits dans tous les États membres. En pratique cependant, la juridiction de renvoi constate qu’il s’agit essentiellement de films produits en Espagne (54). En effet, pour tourner un film dans l’une des langues officielles en Espagne, les acteurs, le metteur en scène, les cadreurs, les assistants et les figurants éventuels doivent avoir une connaissance suffisante de cette langue. Normalement, leur connaissance de la langue devra – en tout cas pour les acteurs – correspondre à celle d’un locuteur natif (55). Dans la Communauté, ces conditions seront remplies surtout en Espagne ou par des Espagnols.

76.      Dans ces conditions, on est naturellement tenté d’examiner – conformément aux considérations développées par le Tribunal Supremo et par certaines des parties à la procédure – les effets de la réglementation espagnole en particulier sous l’angle de la discrimination indirecte en raison de la nationalité. Cependant, une telle approche conduirait à ne plus se fixer que sur un effet particulièrement manifeste de la réglementation espagnole, à savoir le fait que les opérateurs de télévision sont dans une certaine mesure incités à investir dans des projets nationaux tout en étant simultanément dissuadés d’investir dans des projets étrangers. La notion de discrimination indirecte devrait toutefois être interprétée de façon très large pour tenir compte de tous les autres effets de la réglementation espagnole, en particulier sur la libre circulation des personnes qui produisent des films ou participent à des tournages en Europe.

77.      C’est pourquoi les effets de la réglementation espagnole devraient être examinés globalement du point de vue de la restriction des libertés fondamentales, et en particulier de la libre prestation de services (articles 49 CE et 50 CE), de la liberté d’établissement (article 43 CE), de la libre circulation des capitaux (article 56, paragraphe 1, CE) et de la libre circulation des travailleurs (article 39 CE). Nous savons que toutes ces libertés fondamentales englobent à la fois une interdiction de discrimination et une interdiction des restrictions (56). La ligne de démarcation entre discrimination indirecte et restriction est fluctuante. Il arrive même que la discrimination indirecte soit considérée comme un simple cas particulier de restriction de la liberté fondamentale (57). À l’appui de cette thèse, on pourrait faire valoir que, dans leur libellé, trois des quatre libertés fondamentales mentionnent la notion de restriction, mais non celle de discrimination (articles 43 CE, 49 CE et 56, paragraphe 1, CE). De plus, la jurisprudence applique, pour l’essentiel, les mêmes critères à la justification des restrictions et à celle des discriminations indirectes (58).

a)      La libre prestation des services (articles 49 CE et 50 CE)

78.      La libre prestation des services (articles 49 CE et 50 CE) intervient tout d’abord lorsque les opérateurs espagnols souhaitent acheter des droits de diffusion à des producteurs d’autres États membres (59). Dans la mesure où la réglementation sur le financement anticipé impose aux opérateurs espagnols de financer des films tournés dans l’une des langues officielles en Espagne, elle rend moins attrayante pour ces opérateurs l’acquisition de droits de diffusion de films produits dans d’autres langues originales, car cette acquisition ne sera pas prise en compte dans le cadre de l’obligation de financement anticipé. Les conséquences de cette situation frapperont avant tout les films de producteurs étrangers. Simultanément, il sera moins intéressant pour les producteurs étrangers de commercialiser les droits de diffusion de leurs films en Espagne, puisque la langue originale de ces films ne sera normalement pas l’une des langues officielles de ce pays.

79.      Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a observé à juste titre, la libre prestation des services est encore touchée à un autre point de vue: lorsque les acteurs, les metteurs en scène et les autres personnes intervenant dans un tournage n’ont pas le statut de travailleurs salariés, ils sont des prestataires de services du producteur au sens de l’article 49 CE. Or, la réglementation espagnole sur le financement anticipé incite les producteurs espagnols à tourner leurs films principalement dans l’une des langues officielles de leur pays. En conséquence, il est moins intéressant pour eux de recruter des acteurs, des metteurs en scène et d’autres personnes étrangères, qui auront normalement une moins bonne connaissance des langues officielles espagnoles que le personnel local. De même, ces personnes auront d’autant plus de difficultés à offrir leurs services à des producteurs espagnols en vue de la participation à un tournage.

80.      De ces points de vue, une réglementation sur le financement anticipé comme la réglementation espagnole constitue donc une restriction à la libre prestation des services.

b)      La liberté d’établissement (article 43 CE)

81.       Une réglementation sur le financement anticipé comme la réglementation espagnole peut affecter la liberté d’établissement à deux titres (article 43 CE).

82.      D’une part, elle peut rendre moins attrayant pour des opérateurs de télévision espagnols d’acheter des sociétés de production d’autres États membres ou – par exemple, dans le cadre de coproductions – d’acquérir des participations de contrôle dans ces sociétés (60). En effet, si ces producteurs étrangers ne tournent pas de films dans l’une des langues officielles en Espagne, leur activité ne pourra être prise en compte au titre de la mise en œuvre des obligations imposées par la réglementation espagnole sur le financement anticipé (61).

83.      D’autre part, les producteurs et metteurs en scène étrangers seront moins tentés de s’établir en Espagne ou d’y créer des succursales ou des filiales, puisque les films tournés dans d’autres langues que les langues officielles en Espagne ne pourront bénéficier de la réglementation locale sur le financement anticipé.

84.      Sur ces deux points, une réglementation sur le financement anticipé comme la réglementation espagnole constitue donc une restriction à la liberté d’établissement.

c)      La libre circulation des capitaux (article 56, paragraphe 1, CE)

85.      La libre circulation des capitaux est en cause lorsque des opérateurs de télévision mettent simplement des capitaux à la disposition de sociétés étrangères – par exemple en vue d’une coproduction – ou achètent des parts sans aller jusqu’à une participation de contrôle (62) (article 56, paragraphe 1, CE).

86.      Une réglementation sur le financement anticipé comme la réglementation espagnole est susceptible de dissuader les sociétés espagnoles de télévision d’effectuer les investissements précités dans des entreprises étrangères. En effet, si ces producteurs étrangers ne tournent pas de films dans une langue originale reconnue comme langue officielle en Espagne, leur activité ne peut être prise en compte au titre du respect des obligations imposées aux opérateurs de télévision par la réglementation espagnole sur le financement anticipé. Il y a là une restriction de la libre circulation des capitaux (63).

d)      La libre circulation des travailleurs (article 39 CE)

87.      Lorsque les acteurs, les metteurs en scène et les autres personnes intervenant dans le tournage d’un film ont le statut d’employés du producteur et travaillent pour ce dernier dans le cadre d’un lien de dépendance et contre rémunération, ils sont des travailleurs au sens de l’article 39 CE et il y a lieu de leur appliquer, mutatis mutandis, ce que j’ai dit (64) au sujet de la libre prestation de services. La réglementation espagnole sur le financement anticipé incite les producteurs espagnols à tourner des films principalement dans les langues reconnues comme officielles en Espagne. En conséquence, il est moins intéressant pour eux de recruter des salariés étrangers, parce que ces derniers maîtrisent normalement moins bien les langues officielles espagnoles que le personnel local. En corollaire, il deviendra plus difficile pour des étrangers de se porter candidats à des emplois offerts par les producteurs espagnols. Le résultat sera de limiter la liberté de circulation des travailleurs étrangers.

3.      Justification

88.      D’après la jurisprudence (65), une restriction à une liberté fondamentale garantie par le traité ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général, pour autant, en pareil cas, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

89.      Autrement dit, la restriction à la liberté fondamentale doit poursuivre un objectif légitime et respecter le principe de proportionnalité (66).

a)      L’objectif légitime

90.      La réglementation espagnole sur le financement anticipé vise à promouvoir la production de films européens dont la langue originale est une des langues reconnues comme officielles en Espagne.

91.      Le fait qu’il s’agit là d’un objectif légitime découle notamment de la directive «télévision sans frontières». En effet, d’après le préambule de cette directive, les États membres doivent conserver la faculté de fixer des règles plus strictes ou plus détaillées «en fonction de critères linguistiques», «dans le souci de promouvoir activement telle ou telle langue» (67). À l’occasion de la modification de ladite directive en 1997, le législateur communautaire a souligné une nouvelle fois que les États membres ont la faculté d’appliquer des règles plus détaillées ou plus strictes notamment en vue de «réaliser des objectifs en matière linguistique» (68).

92.      Cette ouverture de la directive «télévision sans frontières» vis-à-vis de la promotion de certaines langues est étroitement liée à la volonté de veiller à l’indépendance de l’évolution culturelle de chaque État membre – y compris et précisément des États à faible capacité de production ou à aire linguistique restreinte – afin de préserver ainsi la diversité culturelle dans la Communauté (69).

93.      Le traité de Maastricht (70) a fortement rehaussé l’importance de cette aspiration en la faisant figurer dans le droit primaire. C’est ainsi que la Communauté contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun (article 151, paragraphe 1, CE). Elle appuie l’action des États membres notamment dans le domaine de l’amélioration de la connaissance et de la diffusion de la culture et de l’histoire des peuples européens ainsi que dans le domaine de la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l’audiovisuel (article 151, paragraphe 2, CE). Le respect et la promotion de la diversité des cultures sont des dimensions que la Communauté doit intégrer dans toutes ses activités (article 151, paragraphe 4, CE), y compris dans sa législation sur les prestations de services audiovisuels, puisqu’elles sont en dernière analyse une expression du respect de l’Union européenne pour l’identité nationale de ses États membres (article 6, paragraphe 3, UE).

94.      Si la préservation et la promotion de la diversité dans le domaine culturel sont si importantes pour l’Union européenne, c’est également parce que cette diversité est la marque caractéristique de l’Europe et de la culture européenne. C’est pourquoi «l’unité dans la diversité» fait partie des fondements de l’Union européenne (71) et l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (72) dispose que l’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique.

95.      L’importance de la diversité culturelle a également été mise en exergue au plan international par la convention Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (73). Cette convention souligne en particulier que la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle (74).

96.      Dans le même sens, la Commission considère le respect de la diversité linguistique comme une valeur fondamentale de l’Union européenne (75) et, récemment encore, le Conseil de l’Union européenne a appelé à préserver la diversité linguistique en Europe (76).

97.      La dimension culturelle de la langue ne s’arrête nullement au domaine littéraire. Elle joue également un rôle déterminant, justement dans le domaine audiovisuel, pour préserver et développer les cultures ainsi que pour en diffuser la connaissance de façon adéquate. Si les œuvres audiovisuelles, par exemple les films cinématographiques ou de télévision, n’étaient plus produites – notamment pour des raisons de rentabilité – que dans une langue ou dans un petit nombre de langues particulièrement répandues, la diversité culturelle s’en ressentirait inévitablement. En effet, le doublage d’un film dans d’autres langues peut sans doute en faciliter la compréhension par un public plus large, mais il ne modifie en rien le contexte culturel et les valeurs sur lesquels ce film s’appuie et qu’il propage.

98.      Ainsi la convention Unesco notamment souligne-t-elle le droit souverain des États d’agir pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles, y compris en matière de prestation de services culturels (77). Cette convention permet expressément aux États contractants d’adopter des dispositions au sujet de la langue employée pour ces services (78).

99.      La Communauté et les États membres parties à la convention Unesco se sont engagés à tenir compte de cette convention dans le cadre de l’interprétation et de l’application d’autres traités, y compris du traité CE (79).

100. La possibilité de tenir compte de cette convention dans le cadre du traité est illustrée par une jurisprudence de longue date, dans laquelle la Cour a reconnu comme raisons impérieuses d’intérêt général «certains objectifs liés à la promotion, au niveau national, de la culture» (80), dont la conservation du patrimoine historique et artistique (81), la valorisation des richesses historiques et la meilleure diffusion possible des connaissances relatives au patrimoine artistique et culturel d’un pays (82).

101. Pour la présente affaire, il faut encore souligner que la Cour a considéré la promotion des œuvres cinématographiques (83), l’établissement et la préservation du pluralisme dans le secteur audiovisuel (84) ainsi que le maintien d’une certaine qualité des programmes (85) comme autant de justifications pour restreindre des libertés fondamentales. Elle a également reconnu le droit des États membres de promouvoir leurs langues nationales et officielles (86).

102. Dans ces conditions, je suis d’avis que le législateur espagnol poursuit un objectif légitime lorsque, dans le cadre de ses mesures de soutien à la production d’œuvres européennes, il donne priorité à la promotion de films cinématographiques et de télévision dont la langue originale est l’une des langues reconnues comme officielles en Espagne.

b)      Proportionnalité

103. Il reste à examiner si la réglementation espagnole sur le financement anticipé emploie des moyens proportionnés pour poursuivre son objectif légitime. D’après la jurisprudence, l’obligation imposée aux opérateurs de télévision doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (87).

104. L’obligation imposée aux opérateurs de télévision de consacrer chaque année un pourcentage de leurs recettes au financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens tournés dans l’une des langues officielles en Espagne est sans aucun doute propre à préserver ces langues et, avec elles, la culture de l’Espagne et de ses régions ainsi qu’à en promouvoir l’épanouissement et la propagation par le cinéma et la télévision (88).

105. De telles mesures de préservation et de promotion de la langue et de la culture d’un État membre ou d’une région de l’Union européenne contribuent de surcroît toujours à la promotion de la culture européenne dans son ensemble.

106. La question de savoir si, dans ses modalités concrètes, la réglementation espagnole est nécessaire pour atteindre le but poursuivi ou si elle va au-delà de ce qui est nécessaire requiert en revanche une analyse un peu plus approfondie.

107. Selon la Commission, la réglementation espagnole sur le financement anticipé serait trop générale et trop vague. Il lui manquerait des critères objectifs et vérifiables permettant de ne l’appliquer qu’à des films cinématographiques et de télévision susceptibles d’être qualifiés de «produits culturels».

108. Certes, la Cour a déjà refusé une fois, dans son arrêt Distribuidores Cinematográficos, de justifier une réglementation espagnole de promotion de films, notamment au motif qu’elle favorisait «la distribution de films nationaux, quel que soit leur contenu ou leur qualité» (89). Dans le même sens, l’avocat général Van Gerven avait regretté l’absence de tout «contrôle de qualité» dans la réglementation espagnole en cause (90).

109. Selon moi toutefois, l’arrêt Distribuidores Cinematográficos ne devrait pas être transposé à la présente espèce.

110. La présente affaire ne me semble pas tout à fait comparable à l’affaire Distribuidores Cinematográficos, dans laquelle la référence de la réglementation à des «films espagnols» visait uniquement l’État membre où le film était produit. En revanche, en l’espèce, il y a un critère de rattachement linguistique. Le caractère culturel de ce critère linguistique ne peut être nié a priori, compte tenu de l’importance, déjà évoquée ci-dessus, de la langue pour la préservation et l’épanouissement des cultures ainsi que pour une diffusion appropriée des connaissances sur les cultures (91). À la différence de ce qui était le cas dans l’affaire Distribuidores Cinematográficos, la réglementation sur le financement anticipé litigieuse en l’espèce ne peut donc être ravalée a priori au rang de mesure protectionniste, adoptée pour des raisons exclusivement économiques.

111. Indépendamment de la similitude ou de l’absence de similitude entre la présente affaire et l’affaire Distribuidores Cinematográficos, il faut également considérer les conséquences négatives, dans le domaine de la culture et des médias, d’un contrôle de contenu et de qualité allant au-delà du critère de la langue.

112. Dans une société ouverte et pluraliste, la notion de culture est très ample. Les expressions de la culture sont en conséquence très nombreuses, y compris dans le domaine audiovisuel. Sauf quelques cas extrêmes, dépourvus de pertinence en l’espèce (92), il me semble pratiquement impossible d’établir des critères objectifs, et surtout équitables, pour définir la culture et encore moins pour définir ce qu’il faut entendre par «produits culturels» susceptibles de bénéficier d’un soutien. Toute tentative en ce sens risque inévitablement de s’embourber dans des schémas de pensée stéréotypés et de négliger la dynamique des courants culturels les plus récents ainsi que l’activité culturelle des minorités sociales.

113. Même si l’on voulait prendre le risque d’énoncer des critères objectifs pour dire si un film cinématographique ou de télévision peut être qualifié de «produit culturel» (93) ou de «film de qualité» (94), la mise en œuvre pratique de ces critères serait sans doute très lourde et très bureaucratique. Pour garantir un minimum de sécurité juridique, il pourrait se révéler nécessaire que l’État désigne un collège d’experts ou une institution et leur confie le soin de dire quels projets de films peuvent entrer en ligne de compte pour le financement anticipé par les opérateurs de télévision. Cela pourrait donner aux producteurs et artistes concernés l’impression que leurs projets sont soumis à une censure étatique préalable.

114. Rien de tout cela n’exclut cependant que, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation (95), un État membre veuille tenter d’appliquer des critères de contenu ou de qualité dans le domaine de l’aide au cinéma. Cependant, selon moi, le droit communautaire, et en particulier les libertés fondamentales, n’imposent aux États membres aucune obligation d’appliquer des critères de contenu ou de qualité à la promotion de la culture.

115. Dans le même sens, la Commission reste libre, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui est le sien (96) pour autoriser des aides étatiques visant à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine [article 87, paragraphe 3, sous d), CE], d’adopter une attitude restrictive et de n’autoriser que les mesures ayant pour objet un «produit culturel» défini de façon précise (97). Cependant, une telle pratique de la Commission en matière d’autorisation d’aides d’État ne préjuge nullement de l’interprétation des autres dispositions du traité, et en particulier des libertés fondamentales. Rien n’empêche les États membres de renoncer, en dehors du domaine des aides étatiques, aux critères de contenu ou de qualité et de promouvoir la culture de la façon la plus extensive possible.

116. Partant, du point de vue du droit communautaire, il n’est pas nécessaire pour justifier une réglementation sur le financement anticipé comme la réglementation espagnole que son champ d’application soit limité, sur la base de critères objectifs et vérifiables, à des films cinématographiques et de télévision que leur nature de «produits culturels» ou de «films de qualité» rend particulièrement dignes de soutien.

117. Enfin, j’observerai encore que des charges financières comme celles qui sont imposées aux opérateurs de télévision par la réglementation litigieuse ne sont pas, d’après les informations dont nous disposons, totalement disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi. Les 3 % des recettes annuelles que les opérateurs espagnols doivent consacrer au financement anticipé de films tournés dans une des langues officielles en Espagne représentent un pourcentage comparativement modéré (98). En outre, la réglementation espagnole n’impose pas aux opérateurs de n’accorder le bénéfice du financement anticipé qu’à des films tournés dans les langues officielles en Espagne. Au contraire, en fixant un rapport de 60:40, elle leur laisse une marge de manœuvre non négligeable pour investir dans des projets européens de films tournés dans d’autres langues. D’après les indications fournies à l’audience par certaines parties à la procédure, les opérateurs de télévision ont de surcroît la possibilité d’investir dans des coproductions dont le produit final existe en plusieurs versions linguistiques, toutes également considérées comme des versions originales (99).

118. Dans ce contexte, je conclus qu’une réglementation comme la réglementation espagnole est propre à atteindre son but de politique linguistique et culturelle sans aller au-delà de ce qui est nécessaire à sa réalisation et sans imposer de charge disproportionnée aux opérateurs de télévision.

4.      Conclusion intermédiaire

119. Je constate en résumé ce qui suit:

Les libertés fondamentales du traité ne font pas obstacle à ce qu’un État membre impose, par voie légale, à des opérateurs de télévision de consacrer 60 % du financement anticipé annuel obligatoire à des films cinématographiques et de télévision européens dont la langue originale est reconnue comme langue officielle dans cet État membre.

C –    Sur la troisième question: notion d’aide étatique

120. La troisième question vise à faire préciser la notion d’aide accordée par les États ou au moyen de ressources d’État, au sens de l’article 87 CE. La juridiction de renvoi veut savoir en substance s’il y a aide lorsqu’un État membre impose, par voie légale, à des opérateurs de télévision de consacrer annuellement un pourcentage déterminé de leurs recettes au financement anticipé de films cinématographiques ou de télévision européens tournés dans une langue originale reconnue comme langue officielle dans cet État membre. Pour cette question, le Tribunal Supremo se fonde sur le postulat que la plupart des films bénéficiant d’un financement anticipé au titre de la loi 25/1994 (100) sont produits par l’industrie cinématographique espagnole (101).

121. À l’exception de l’UTECA, les parties à la procédure considèrent toutes qu’il n’y a pas en l’occurrence d’aide au sens de l’article 87 CE. Je me rallie à ce point de vue.

122. Pour qualifier une mesure d’aide au sens du traité, il faut que les quatre critères cumulatifs visés à l’article 87, paragraphe 1, CE soient tous remplis (102). Il s’agit du financement de la mesure par l’État ou au moyen de ressources d’État (premier critère), de l’existence d’un avantage pour une entreprise (deuxième critère), de la sélectivité de la mesure (troisième critère) ainsi que son incidence sur les échanges entre États membres et de la distorsion de concurrence qui en résulte (quatrième critère) (103).

123. Il faut en l’occurrence accorder une attention toute particulière au premier critère, celui du financement par l’État ou au moyen de ressources d’État.

124. Certes, il résulte d’une jurisprudence constante que, pour retenir l’existence d’une aide, il n’y a en principe pas lieu de distinguer entre les cas où elle est accordée directement par l’État et ceux où elle est accordée par des organismes publics ou privés que l’État institue ou désigne pour sa mise en œuvre; sinon, il suffirait de créer des institutions autonomes chargées de la distribution des aides pour contourner les articles 87 CE et 88 CE (104).

125. Toutefois, pour qu’un avantage puisse être qualifié d’aide, il doit, d’une part, être accordé directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputable à l’État (105).

126. Contrairement à la thèse de l’UTECA, la jurisprudence récente, en particulier celle des arrêts GEMO, Pearle, Forum 187 et Laboratoires Boiron, n’y a absolument rien changé. Ainsi, dans l’arrêt Pearle e.a., la Cour a nié l’existence d’une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE précisément parce qu’il n’y avait pas de financement au moyen de ressources d’État (106). Dans l’affaire GEMO, certaines prestations étaient financées par une taxe perçue et gérée par des organismes étatiques, de sorte que le financement au moyen de ressources d’État était hors de doute et n’appelait aucun examen particulier (107). La situation était similaire dans les affaires Forum 187 et Laboratoires Boiron, qui avaient pour objet des avantages prenant la forme d’exonérations d’impositions étatiques (108); dans ces affaires, l’État n’avait pas versé d’argent, mais avait très concrètement renoncé à certaines recettes.

127. En l’espèce, la nouvelle version de l’article 5, paragraphe 1, de la loi 25/1994, qui impose le financement anticipé aux opérateurs de télévision espagnols, constitue sans aucun doute une mesure étatique prise par le Royaume d’Espagne. Les avantages que les producteurs de films peuvent en tirer peuvent donc parfaitement être imputés à l’État espagnol (109).

128. Cependant, cette réglementation n’entraîne aucun transfert, direct ou indirect, de ressources étatiques aux producteurs de films. Certes, un tel transfert n’implique pas nécessairement le versement d’une somme d’argent provenant du patrimoine de l’État (110). Il faut cependant à tout le moins que, avant leur versement aux producteurs, les sommes consacrées au financement anticipé aient été à la disposition des autorités étatiques (111) ou aient entraîné une autre forme de charge financière pour l’État (112). Tel n’est pas le cas en l’espèce.

129. Premièrement, le financement anticipé de films au titre de la réglementation litigieuse est assuré exclusivement au moyen des ressources financières des opérateurs de télévision, peu importe que ces films soient produits par lesdits opérateurs ou par des producteurs tiers. Il ne semble pas que l’État espagnol puisse exercer un contrôle sur ces ressources financières ou qu’il ait une influence sur leur utilisation réelle; on ne saurait donc présumer que ces ressources seraient à sa disposition.

130. Deuxièmement, le système de financement anticipé n’entraîne pas non plus de charge financière pour l’État espagnol. En particulier, une telle charge ne découle certainement pas du seul fait que l’obligation légale de financement anticipé de films européens peut, en réduisant les bénéfices des entreprises de télévision, diminuer les recettes fiscales de l’État espagnol (113). Le lien de causalité entre le financement anticipé de films et d’éventuelles baisses de recettes fiscales est en effet trop incertain et trop indirect pour que l’on puisse affirmer que les producteurs de films bénéficieraient d’un avantage financé par l’État. De ce point de vue, la présente affaire se distingue radicalement de celles dans lesquelles l’avantage accordé par l’État consiste en des allégements ou des exonérations d’impôts, de sorte que les baisses de recettes fiscales sont suffisamment prévisibles et correspondent à l’avantage accordé (114).

131. Avec le système de financement anticipé, l’État espagnol impose simplement par voie légale à certaines entreprises, les opérateurs de télévision, d’affecter une partie de leurs ressources financières à un but déterminé, à savoir le financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens tournés dans certaines langues. Si l’intervention étatique que cela comporte dans l’autonomie de la volonté des opérateurs de télévision peut apporter des avantages économiques à certains producteurs de films, ces avantages sont du moins financés non au moyen de ressources d’État, mais uniquement par les opérateurs de télévision en question (115).

132. Cela n’est pas contredit par le fait que les opérateurs de télévision espagnols soumis au régime de financement anticipé incluent non seulement des entreprises privées, mais également des organismes de radiodiffusion de droit public (116). Certes, les ressources gérées par des entreprises publiques ou par des institutions de droit public peuvent dans certains cas être considérées comme des ressources d’État (117). Cependant, loin d’être toujours et automatiquement le cas (118), cela vaut uniquement lorsqu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes (119).

133. Dans la plupart des cas, les entreprises de radiodiffusion de droit public bénéficient vis-à-vis de l’État d’une autonomie particulière qui les protège contre toute intervention étatique dans leur programmation, mais également au regard de leurs dépenses. Si – chose qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier – les opérateurs de télévision de droit public bénéficient en Espagne d’une telle autonomie vis-à-vis de l’État espagnol, leurs ressources financières ne devront en aucun cas être considérées comme des ressources étatiques au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (120).

134. Cependant, même si la juridiction de renvoi devait conclure que, en Espagne, les organismes de radiodiffusion de droit public pourraient bien subir l’influence de l’État en ce qui concerne leurs dépenses, il resterait que les dépenses en cause en l’espèce, relatives au financement anticipé de films, ne sont pas dues à une influence spécifique exercée par l’État sur les organismes de radiodiffusion de droit public, ce qui justifierait de conclure à la présence d’une aide cachée. Elles résultent au contraire d’une réglementation générale, dont le champ d’application ne se limite nullement à des organismes de radiodiffusion de droit public, mais englobe également un nombre non négligeable d’opérateurs de télévision privés.

135. Dans sa nouvelle version, l’article 5, paragraphe 1, de la loi 25/1994 ne fait aucune distinction entre opérateurs de télévision privés et opérateurs de droit public. Cette disposition est ainsi comparable à d’autres réglementations étatiques générales poursuivant un objectif d’intérêt public – par exemple la protection de la santé, la protection de l’environnement ou la sécurité routière – et qui s’appliquent à la fois aux entités de droit public et aux entités de droit privé.

136. Ainsi une disposition légale imposant aux motocyclistes le port d’un casque ne constitue-t-elle pas encore en soi un régime d’aide au bénéfice des entreprises fabriquant et commercialisant ces casques, même si l’État en achète une partie pour équiper ses policiers. Même si un État membre imposait le port des casques d’un fabricant national, le problème ne ressortirait pas pour autant au droit des aides, mais devrait être tranché dans le cadre des libertés fondamentales du marché intérieur, et en particulier à la lumière des dispositions sur la libre circulation des marchandises.

137. Il en va de même pour une réglementation comme l’obligation des opérateurs de télévision espagnols d’affecter, dans l’intérêt public, une partie de leurs ressources au financement anticipé de films européens. Une réglementation n’est pas convertie en régime d’aide financé par l’État au sens des articles 87 CE et 88 CE du seul fait qu’elle impose à ses assujettis certaines dépenses dont profitent ensuite des tiers. Les effets de droit communautaire d’une telle réglementation doivent au contraire être analysés dans le cadre des libertés fondamentales du marché intérieur (121).

138. En somme, une réglementation sur le financement anticipé telle que la réglementation espagnole n’est pas un régime d’aides accordées par un État ou au moyen de ressources d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

VI – Conclusion

139. Partant des considérations développées ci-dessus, je propose à la Cour de répondre aux questions posées par le Tribunal Supremo dans le sens suivant:

1)      La directive 89/552/CEE en général et son article 3 en particulier ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui impose aux opérateurs de télévision d’affecter chaque année un pourcentage de leurs recettes au financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens, pourvu que cette réglementation nationale soit compatible avec les autres normes du droit communautaire.

2)      Les libertés fondamentales du traité CE ne font pas obstacle à ce qu’un État membre impose, par voie légale, à des opérateurs de télévision de consacrer 60 % du financement anticipé annuel visé au point 1 à des films cinématographiques et de télévision européens dont la langue originale est reconnue comme langue officielle dans cet État membre.

3)      Une réglementation comme celle qui est décrite aux points 1 et 2 ne constitue pas non plus un régime d’aides accordées par l’État ou au moyen de ressources d’État au sens de l’article 87 CE.


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Cour suprême.


3 – Cette obligation s’applique aux opérateurs de télévision qui incluent dans leur programmation des longs métrages cinématographiques de «production actuelle», c’est-à-dire de moins de sept ans.


4 – Directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23 – ci-après, la directive 89/552).


5 – Directive du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, modifiant la directive 89/552/CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 202, p. 60 – ci-après, la directive 97/36 ou la directive modificative 97/36).


6 – En 2007, la directive 89/552 a été modifiée une nouvelle fois sur des points essentiels par la directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 modifiant la directive 89/552/CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 332 p. 27). Cependant, comme leur délai de transposition n’expire qu’au 19 décembre 2009 (voir article 3 de la directive 2007/65), ces modifications sont dépourvues de pertinence en l’espèce.


7 – Ci-après la «convention Unesco». Le texte de cette convention forme l’annexe 1a) de la décision 2006/515/CE du Conseil, du 18 mai 2006, relative à la conclusion de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (JO L 201, p. 15).


8 – Bulgarie, Danemark, Allemagne, Estonie, Irlande, Grèce, Espagne, France, Italie, Chypre, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Hongrie, Malte, Autriche, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie, Slovaquie, Finlande, Suède et Royaume-Uni (pour la liste des États parties, voir le site Internet de l’Unesco à l’adresse http://portal.Unesco. org/la/convention.asp?KO=31038&language=E&order=alpha#1, consulté en dernier lieu le 8 juillet 2008).


9 – Premier considérant du préambule de la convention Unesco.


10 – Deuxième considérant du préambule de la convention Unesco.


11 – Cinquième considérant du préambule de la convention Unesco.


12 – Quatorzième considérant du préambule de la convention Unesco.


13 – Ley 25/1994, de 12 de julio, por la que se incorpora al Ordenamiento Jurídico Español la Directiva 89/552/CEE, sobre la coordinación de Disposiciones Legales, Reglamentarias y Administrativas de los Estados Miembros relativas al ejercicio de actividades de Radiodifusión Televisiva (BOE n° 166, du 13 juillet 1994, p. 22342).


14 – Ley 22/1999, de 7 de junio, de Modificación de la Ley 25/1994 por la que se incorpora al Ordenamiento Jurídico Español la Directiva 89/552/CEE, sobre la coordinación de disposiciones legales, reglamentarias y administrativas de los Estados miembros, relativas al ejercicio de actividades de radiodifusión televisiva (BOE n° 136, du 8 juin 1999, p. 21765).


15 – Ley 15/2001, de 9 de julio, de fomento y promoción de la cinematografía y el sector audiovisual (BOE n° 164, du 10 juillet 2001, p. 24904).


16 – Real Decreto 1652/2004, de 9 de julio, por el que se aprueba el Reglamento que regula la inversión obligatoria para la financiación anticipada de largometrajes y cortometrajes cinematográficos y películas para televisión, europeos y españoles (BOE n° 174, du 20 juillet 2004, p. 26264).


17 – Administración General del Estado.


18 – Voir le treizième considérant de la directive 89/552 ainsi que les arrêts du 9 février 1995, Leclerc-Siplec (C‑412/93, Rec. 1995, p. I-179, points 29 et 44), et du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop (C-34/95 à C-36/95, Rec. p. I-3843, point 3).


19 – Comme l’illustre le treizième considérant de la directive 89/552, il n’est notamment pas touché aux compétences des États membres et de leurs autorités en matière d’organisation et de financement des émissions ainsi que de contenu des programmes. Dans le même sens, le considérant 44 de la directive 97/36 précise que les États membres ont par exemple la faculté d’appliquer leur droit de la concurrence aux organismes de radiodiffusion télévisuelle.


20 – Voir à ce propos la dernière phrase du considérant 44 de la directive 97/36. Les arrêts suivants allaient déjà dans le même sens: De Agostini et TV-Shop (précité à la note 18, en particulier points 50 et 51), et du 28 octobre 1999, ARD (C-6/98, Rec. p. I-7599, en particulier points 49 et 50); dans ces arrêts, la Cour mesure les règles nationales plus strictes au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/552 à l’aune des dispositions sur la libre prestation de services. Voir également arrêt du 17 juillet 2008, Corporación Dermoestética (C-500/06, non encore publié au Recueil, point 31).


21 – Même la référence figurant à l’article 5 de la directive 89/552 aux moyens budgétaires des opérateurs de télévision concerne non le financement de la production d’œuvres européennes, mais simplement leur diffusion à la télévision.


22 – Treizième considérant de la directive 89/552.


23 – Dans un sens analogue, et pour les rapports entre l’article 3, paragraphe 1, et l’article 19 de la directive 89/552, voir arrêt Leclerc-Siplec (précité à la note 18, points 40, 41 et 47).


24 – Dans le même sens, et pour l’avenir, voir le nouvel article 3 bis, paragraphe 1, de la directive «télévision sans frontières», à lire en combinaison avec le considérant 48 de la directive 2007/65.


25 – Le protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres a été annexé au traité CE par le traité d’Amsterdam, signé le 2 octobre 1997. Il a été publié au JO 1997, C 340, p. 109.


26 – Considérant 45 de la directive 97/36.


27 – C’est d’ailleurs confirmé pour les situations à venir par le nouvel article 3 bis, paragraphe 1, de la directive «télévision sans frontières», pris en combinaison avec le considérant 48 de la directive 2007/65; dans le contexte des services de médias audiovisuels à la demande, ces textes érigent expressément des contributions financières des prestataires de services en moyen de promotion de la production d’œuvres européennes.


28 – Dix-neuvième et vingt-deuxième considérants de la directive 89/552.


29 – Voir le vingt-troisième considérant de la directive 89/552, qui autorise expressément le recours à des dispositifs nationaux de soutien et de développement de la production européenne dans la mesure où ils sont conformes au droit communautaire.


30 – Arrêt du 11 juillet 1985, Cinéthèque e.a. (60/84 et 61/84, Rec. p. 2605, point 23).


31 – Dans le même sens, voir le considérant 45 de la directive 97/36 ainsi que, pour l’avenir, le nouvel article 3 bis, paragraphe 1, de la directive «télévision sans frontières», en combinaison avec le considérant 48 de la directive 2007/65.


32 – Le fait que l’objectif premier de la directive «télévision sans frontières» est de garantir la libre diffusion des émissions de télévision résulte notamment des arrêts Leclerc-Siplec (précité à la note 18, point 28), De Agostini et TV-Shop (précité à la note 18, point 3) et ARD (précité à la note 20, point 28).


33 – Arrêt Leclerc-Siplec (précité à la note 18, point 44).


34 – Dans le même sens, mais dans un autre contexte, voir arrêts du 17 février 2005, Viacom Outdoor (C-134/03, Rec. p. I-1167, point 38), et du 26 mai 2005, Burmanjer e.a. (C-20/03, Rec. p. I-4133, point 31, dernière phrase).


35 – Voir point 35 des présentes conclusions.


36 – Arrêts du 20 octobre 2005, Commission/Portugal (C-334/03, Rec. p. I-8911, point 24), ainsi que du 12 septembre 2006, Eman et Sevinger (C-300/04, Rec. p. I-8055, point 57).


37 – Arrêts du 11 juillet 2006, Chacón Navas (C-13/05, Rec. p. I-6467, point 56), et du 7 septembre 2006, Cordero Alonso (C-81/05, Rec. p. I-7569, points 35 et 41).


38 – Voir les dix-neuvième et vingt-deuxième considérants de la directive 89/552 ainsi que l’intitulé de son chapitre III, «Promotion de la distribution et de la production de programmes télévisés».


39 – Arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C-344/04, Rec. p. I-403, point 95), Eman et Sevinger (précité à la note 36, point 57), ainsi que du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil (C‑227/04 P, Rec. p. I-6767, point 63).


40 – Dans un sens analogue, voir, notamment, arrêts du 13 avril 2000, Karlsson e.a. (C‑292/97, Rec. p. I-2737, points 35 et 49); du 11 septembre 2003, Steinicke (C‑77/02, Rec. p. I-9027, point 61), et du 22 novembre 2005, Mangold (C-144/04, Rec. p. I-9981, point 63), dans lesquels la Cour de justice a – lors de son examen des interdictions de discrimination – reconnu aux États membres une certaine marge d’appréciation, voire de pouvoir discrétionnaire, dans la poursuite de certains objectifs de politique agricole et de politique sociale. Dans le même sens, la Cour reconnaît que, en matière de libertés fondamentales, les États membres disposent d’une marge d’appréciation dans les domaines non harmonisés; voir, notamment, au sujet de la protection de la santé, arrêt du 13 juillet 2004, Bacardi France (C-429/02, Rec. p. I-6613, point 33), et, en matière de politique culturelle, arrêt du 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium e.a. (C‑250/06, Rec. p. I‑11135, point 44).


41 – Article 5 de la directive 89/552; voir également les dix-neuvième et vingt-quatrième considérants de la directive 89/552 ainsi que le considérant 31 de la directive 97/36.


42 – Arrêts du 23 février 2006, CLT-UFA (C-253/03, Rec. p. I-1831, points 35 et 36), et du 10 juillet 2008, Feryn (C-54/07, non encore publié au Recueil, point 19).


43 – Selon la réglementation espagnole, il faut entendre par là les films produits il y a moins de sept ans (article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la loi 25/1994, dans sa version modifiée).


44 – Voir point 57 des présentes conclusions.


45 – Voir points 58 à 61 des présentes conclusions.


46 – Concernant l’obligation des États membres de respecter le principe de proportionnalité dans l’exercice de leurs compétences, voir arrêts Karlsson e.a. (précité à la note 40, points 45 et 58); du 10 mars 2005, Tempelman et van Schaijk (C-96/03 et C-97/03, Rec. p. I-1895, point 46), et du 27 septembre 2007, Twoh International (C-184/05, Rec. p. I-7897, point 25).


47 – Voir jurisprudence citée à la note 40.


48 – Voir, notamment, arrêts du 12 juillet 2001, Jippes e.a. (C-189/01, Rec. p. I-5689, point 81), ainsi que Tempelman et van Schaijk (précité à la note 46, point 47).


49 – Voir point 62 des présentes conclusions.


50 Certes, la deuxième question se réfère aux seules «œuvres dont la langue originale est l’espagnol» (‘obras en lengua original española’). Une simple lecture de l’article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la loi 25/994, dans sa version modifiée par la loi 15/2001, montre pourtant que la réglementation espagnole litigieuse ne se limite pas à une langue unique, mais se réfère aux «productions dont la langue originale est une des langues officielles en Espagne» (‘producciones cuya lengua original sea cualquiera de las oficiales en España’). Comme le gouvernement espagnol l’a souligné au cours de l’audience, cette formule englobe les langues officielles régionales, comme le catalan, le galicien et le basque.


51 Voir, en particulier, points 35 à 54 des présentes conclusions.


52 Voir la dernière phrase du considérant 44 de la directive 97/36 ainsi que la jurisprudence citée à la note 20 des présentes conclusions.


53 – Arrêts du 26 novembre 2002, Oteiza Olazabal (C‑100/01, Rec. p. I‑10981, point 25); du 11 décembre 2003, AMOK (C‑289/02, Rec. p. I‑15059, point 25); du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (C-222/04, Rec. p. I-289, point 99), et du 11 janvier 2007, Lyyski (C‑40/05, Rec. p. I-99, point 33).


54 Au cours de la procédure devant la Cour, ce fait a été contesté par la FAPAE ainsi que, à certains égards, par l’EGEDA, qui se sont notamment appuyées sur diverses coproductions transfrontalières. Il faut observer que, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, il appartient non pas à la Cour, mais à la juridiction nationale d’établir les faits qui ont donné lieu au litige et d’en tirer les conséquences pour la décision qu’elle est appelée à rendre; voir arrêts du 29 avril 1982, Pabst & Richarz (17/81, Rec. p. 1331, point 12); du 11 décembre 2007, Eind (C-291/05, Rec. p. I‑10719, point 18), et du 1er juillet 2008, MOTOE (C-49/07, non encore publié au Recueil, point 30).


55 Il peut en aller autrement si l’un des personnages de l’histoire contée par le film parle avec un accent étranger.


56 Jurisprudence constante. Sur la libre circulation des travailleurs, voir arrêts du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, Rec. p. I-4921, points 92, 103 et 104); du 27 janvier 2000, Graf (C‑190/98, Rec. p. I-493, points 21 à 23), et du 15 septembre 2005, Commission/Danemark (C‑464/02, Rec. p. I-7929, point 45); sur la liberté d’établissement, voir arrêts du 30 novembre 1995, Gebhard (C-55/94, Rec. p. I‑4165, point 37), et du 5 octobre 2004, CaixaBank France (C‑442/02, Rec. p. I‑8961, point 11); sur la libre prestation des services, voir arrêts du 25 juillet 1991, Säger (C-76/90, Rec. p. I-4221, point 12), et du 18 juillet 2007, Commission/Allemagne (C-490/04, Rec. p. I-6095, point 63); sur la libre circulation des capitaux, voir arrêts dits «Golden Shares» du 4 juin 2002, Commission/Portugal (C-367/98, Rec. p. I-4731, point 44), et Commission/France (C-483/99, Rec. p. I-4781, point 40); du 6 décembre 2007, Federconsumatori e.a. (C-463/04 et C-464/04, Rec. p. I‑10419, point 19), ainsi que mes conclusions du 14 juillet 2005 dans l’affaire Bouanich (arrêt du 19 juin 2006, C-265/04, Rec. 2006, p. I-923, point 31).


57 Voir, notamment, arrêts du 13 décembre 2005, SEVIC Systems (C-411/03, Rec. p. I-10805, point 23); du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France (C-170/05, Rec. p. I-11949, points 29 et 30), et du 18 juillet 2007, Oy AA (C-231/05, Rec.p. I-6373, point 39), qui assimilent la «différence de traitement» à une restriction d’une liberté fondamentale. Dans un sens analogue, l’arrêt du 11 septembre 2007, Commission/Allemagne (C-318/05, Rec. p. I‑6957, point 117), parle d’une différence de traitement qui est de nature à «rendre plus difficile», autrement dit à restreindre, l’exercice de certains droits par les intéressés.


58 Concernant la justification des discriminations indirectes, voir, notamment, arrêts Karlsson e.a. (précité à la note 40, points 44 et 45), et du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C-446/04, Rec. p. I-11753, point 46).


59 Arrêt du 4 mai 1993, Distribuidores Cinematográficos (C-17/92, Rec. p. I-2239, point 10). Ainsi que l’avocat général Van Gerven l’a souligné au point 9 de ses conclusions du 18 février 1993 dans cette affaire, l’élément essentiel de l’exploitation d’un film réside dans la mise à disposition, par le producteur, des droits de distribution sur un marché déterminé et dans la cession, à titre temporaire, des droits de représentation publique sur ce marché. Le transfert (transfrontalier) d’un support matériel du film n’est qu’une conséquence logique de cela, de sorte qu’on ne peut pas parler de circulation des marchandises au sens du traité.


60 Il est de jurisprudence constante qu’une participation au capital d’une société ne relève du champ d’application de la liberté d’établissement que si elle confère à l’associé «une participation lui conférant une influence certaine sur les décisions de la société et lui permettant d’en déterminer les activités»; voir arrêts du 13 avril 2000, Baars (C-251/98, Rec. p. I-2787, point 22); du 5 novembre 2002, Überseering (C-208/00, Rec. p. I-9919, point 77); Oy AA (précité à la note 57, point 20), et du 6 décembre 2007, Columbus Container Services (C‑298/05, Rec. p. I‑10451, point 30).


61 Il a été fait allusion à l’audience à l’existence de coproductions aboutissant à des œuvres ayant plusieurs langues originales. Si cette affirmation était vérifiée – et cette vérification incombe à la juridiction de renvoi – cela serait de nature à tempérer l’effet restrictif que la réglementation espagnole sur le financement anticipé peut avoir sur la liberté d’établissement.


62 Lorsqu’une participation sociale permet à un associé d’acquérir le contrôle de la société, c’est non plus le champ d’application de la libre circulation des capitaux qui est touché, mais celui de la liberté d’établissement. Voir jurisprudence citée à la note 60.


63 Comme je l’ai observé précédemment, il a été fait allusion à l’audience à l’existence de coproductions aboutissant à des œuvres ayant plusieurs langues originales. Si cette affirmation était vérifiée – et cette vérification incombe à la juridiction de renvoi – cela serait de nature à tempérer l’effet restrictif que la réglementation espagnole sur le financement anticipé peut avoir sur la libre circulation des capitaux.


64 Point 79 des présentes conclusions.


65 Arrêts Bosman (précité à la note 56, point 104; Commission/Portugal (précité à la note 56, point 49); du 5 décembre 2006, Cipolla e.a. (C-92/04 et C-202/04, Rec. p. I-11421, point 61); du 11 décembre 2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union, dit «Viking Line» (C-438/05, Rec. p. I‑10779, point 75), et du 18 décembre 2007, Laval un Partneri (C-341/05, Rec. p. I‑11767, point 101).


66 En ce sens, voir, notamment, arrêts Bacardi France (précité à la note 40, point 33), et du 6 mars 2007, Placanica (C-338/04, C-359/04 et C-360/04, Rec. p. I-1891, point 48).


67 Vingt-sixième considérant de la directive 89/552.


68 Considérant 44 de la directive 97/36.


69 Treizième et vingt-deuxième considérants de la directive 89/552.


70 Traité sur l’Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992 et entré en vigueur le 1er novembre 1993 (JO 1992, C 191, p. 1).


71 Section 1.1 de la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Un nouveau cadre stratégique pour le multilinguisme, du 22 novembre 2005 [COM (2005) 596 final].


72 La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a été solennellement proclamée une première fois le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1) et une deuxième fois le 12 décembre 2007 à Strasbourg (JO 2007, C 303, p. 1). Même si elle ne produit pas d’effets contraignants comparables au droit primaire, elle fournit tout de même, en tant que source de référence juridique, des indications sur les droits fondamentaux garantis par l’ordre juridique communautaire; voir arrêt du 27 juin 2006, Parlement/Conseil, dit «Regroupement familial» (C‑540/03, Rec. p. I-5769, point 38), et point 108 de mes conclusions du 8 septembre 2005 dans cette affaire; voir également arrêt du 13 mars 2007, Unibet (C-432/05, Rec. p. I‑2271, point 37).


73 Voir en particulier le premier, le deuxième et le cinquième considérant ainsi que l’article 1er, sous a), et l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention Unesco.


74 Quatorzième considérant de la convention Unesco.


75 Communication de la Commission du 22 novembre 2005 (précitée à la note 71, section I.1).


76 Conclusions du Conseil, du 22 mai 2008 sur le multilinguisme (JO C 140, p. 14), point 2 des «affirmations».


77 Article 1er, sous h), article 2, point 2, article 5, et article 6, paragraphes 1 et 2, sous a), de la convention Unesco.


78 Article 6, paragraphe 2, sous b), de la convention Unesco.


79 Article 20 de la convention Unesco, en particulier au paragraphe 1, sous b).


80 Arrêt du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer (C-386/04, Rec. p. I-8203, point 45); dans le même sens, voir arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a. (précité à la note 40, point 42). Dans un sens différent, voir arrêt Distribuidores Cinematográficos (précité à la note 59, point 20), où la Cour avait refusé de voir dans la «politique culturelle» une justification au sens de l’article 56, paragraphe 1, du traité CEE (devenu article 46, paragraphe 1, CE), et ce sans faire la moindre allusion à son éventuelle reconnaissance en tant que raison impérieuse d’intérêt général.


81 Arrêt du 26 février 1991, Commission/Italie (C-180/89, Rec. p. I-709, point 20).


82 Arrêt du 26 février 1991, Commission/France (C-154/89, Rec. p. I-659, point 17).


83 Arrêt Cinéthèque e.a. (précité à la note 30, point 23).


84 Arrêts du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda (C-288/89, Rec. p. I-4007, point 23); Commission/Pays-Bas (C-353/89, Rec. p. I-4069, point 30); du 3 février 1993, Veronica Omroep Organisatie (C-148/91, Rec. p. I-487, points 9 et 10), du 5 octobre 1994, TV10 (C-23/93, Rec. p. I-4795, points 18 et 19), et United Pan-Europe Communications Belgium e.a. (précité à la note 40, points 41 et 42).


85 Arrêts Collectieve Antennevoorziening Gouda (précité à la note 85, point 27); Commission/Pays-Bas (précité à la note 85, point 45), et ARD (précité à la note 20, point 50).


86 Arrêt du 28 novembre 1989, Groener (C-379/87, Rec. p. 3967, point 19); dans le même sens, voir arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a. (précité à la note 40, point 43).


87 Voir point 88 des présentes conclusions.


88 Voir également arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a. (précité à la note 40, point 43).


89 Arrêt Distribuidores Cinematográficos (précité à la note 59, point 20).


90 Conclusions de l’avocat général Van Gerven dans l’affaire Distribuidores Cinematográficos (précitée à la note 59, point 28).


91 Voir points 97 et 98 des présentes conclusions.


92 Ces cas incluent selon moi la commission de délits sous prétexte d’art.


93 Pour reprendre les termes proposés par la Commission.


94 L’expression est employée par l’avocat général Van Gerven dans ses conclusions dans l’affaire Distribuidores Cinematográficos (précitée à la note 59, point 28).


95 Voir une nouvelle fois arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a. (précité à la note 40, point 44), où il est question d’un large pouvoir d’appréciation des autorités nationales.


96 Arrêts du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi (74/76, Rec. p. 557, point 11) et Steinike & Weinlig (78/76, Rec. 1977, p. 595, point 8); voir, également, arrêts du 12 décembre 2002, France/Commission (C‑456/00, Rec. p. I‑11949, point 41), et du 23 février 2006, Atzeni e.a. (C‑346/03 et C-529/03 , Rec. p. I-1875, point 84).


97 Voir la section 2.3 (b) n° 1 de la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions concernant certains aspects juridiques liés aux œuvres cinématographiques et autres œuvres audiovisuelles (JO 2002, C 43, p. 6), dénommée «Communication cinéma». La durée d’application des critères de compatibilité établis par ce texte pour les aides d’État a déjà été prorogée à deux reprises, une première fois par la section 2, point 9, de la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur le suivi de la communication de la Commission sur certains aspects juridiques liés aux œuvres cinématographiques et autres œuvres audiovisuelles du 26 septembre 2001 (JO 2004, C 123, p. 1), et une deuxième fois par la communication de la Commission concernant la prolongation de la validité de la communication sur le suivi de la communication de la Commission concernant certains aspects juridiques liés aux œuvres cinématographiques et autres œuvres audiovisuelles du 26 septembre 2001 (JO 2007, C 134, p. 5). Ces critères restent donc applicables au plus tard jusqu’au 31 décembre 2009.


98 L’article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la loi 25/1994, dans sa version modifiée, impose d’affecter au moins 5 % des recettes annuelles d’un opérateur de télévision au financement anticipé de films cinématographiques et de télévision européens, 60 % de cette somme étant réservés au financement d’œuvres dont la langue originale est une des langues officielles en Espagne.


99 Il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier l’exactitude de ces indications.


100 Article 5, paragraphe 1, de la loi 25/1994, dans sa version modifiée par la loi 15/2001.


101 Comme je l’ai déjà mentionné, au cours de la procédure devant la Cour, la validité de ce postulat a été contestée par la FAPAE ainsi que, à certains égards, par l’EGEDA. Il faut cependant rappeler à ce sujet que, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, il appartient non pas à la Cour, mais à la juridiction nationale, d’établir les faits qui ont donné lieu au litige et d’en tirer les conséquences pour la décision qu’elle est appelée à rendre; voir jurisprudence citée à la note 54.


102 Arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg , dit «Altmark Trans», C-280/00, Rec. p. I-7747, point 74); du 23 mars 2006, Enirisorse (C-237/04, Rec. p. I‑2843, point 38); du 30 mars 2006, Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti (C-451/03, Rec. p. I-2941, point 55), et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C-182/03 et C‑217/03, Rec. p. I-5479, point 84); dans le même sens, voir arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse» (C-142/87, Rec. p. I-959, point 25).


103 Arrêt du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium (C-393/04 et C-41/05, Rec. p. I-5293, point 28); dans le même sens, sous réserve de certaines nuances dans la formulation, voir arrêts Altmark Trans (précité à la note 102, point 75; du 3 mars 2005, Heiser (C-172/03, Rec. p. I‑1627, point 27), et Enirisorse (précité à la note 102, point 39).


104 Arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, dit «Stardust Marine», C-482/99, Rec. p. I-4397, point 23), et du 20 novembre 2003, GEMO (C-126/01, Rec. p. I‑13769, point 23); voir également arrêts Steinike & Weinlig (précité à la note 96, point 21), et du 2 février 1988, van der Kooy/Commission (67/85, 68/85 et 70/85, Rec. 1988, 219, point 35).


105 Arrêts Stardust Marine (précité à la note 104, point 24); GEMO (précité à la note 104, point 24); du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C-345/02, Rec. p. I-7139, point 35), ainsi que Belgique et Forum 187/Commission (précité à la note 102, point 127).


106 Arrêt Pearle e.a. (précité à la note 105, points 35 à 39).


107 Arrêt GEMO (précité à la note 104, points 7 et 27).


108 Arrêts Belgique et Forum 187/Commission (précité à la note 102, point 87), et du 7 septembre 2006, Laboratoires Boiron (C-526/04, Rec. p. I-7529, points 33 à 35); dans le même sens, voir arrêt du 15 mars 1994, Banco Exterior de España (C‑387/92, Rec. p. I-877, point 14).


109 Dans le même sens, voir arrêt GEMO (précité à la note 104, point 26).


110 Arrêt Stardust Marine (précité à la note 104, points 36 et 37).


111 Arrêts Stardust Marine (précité à la note 104, point 37), et Pearle e.a. (précité à la note 105, points 36 et 41 in fine).


112 Arrêts du 17 mars 1993, Sloman Neptun (C-72/91 et C-73/91, Rec. p. I-887, point 21); du 1er décembre 1998, Ecotrade (C-200/97, Rec. p. I-7907, point 35); du 17 juin 1999, Piaggio (C‑295/97, Rec. p. I-3735, point 35), et Pearle e.a. (précité à la note 105, point 36).


113 Arrêts Sloman Neptun (précité à la note 112, point 21); Ecotrade (précité à la note 112, point 36), et du 13 mars 2001, PreussenElektra (C-379/98, Rec. p. I-2099, point 62).


114 Il en a été ainsi par exemple dans le cas d’«assujettissement asymétrique» à une taxe invoqué par l’UTECA (arrêt Laboratoires Boiron, précité à la note 108, point 34) ainsi que dans l’arrêt Belgique et Forum 187/Commission (précité à la note 102, point 87).


115 Dans le même sens, voir arrêts du 24 janvier 1978, van Tiggele (82/77, Rec. p. 25, points 24 et 25); PreussenElektra (précité à la note 113, points 60 et 61) et Pearle e.a. (précité à la note 104, point 36).


116 De manière similaire, dans l’arrêt PreussenElektra, la Cour a jugé sans pertinence le fait que les producteurs d’électricité touchés par la réglementation allemande incluent à la fois des entreprises privées et des entreprises publiques (arrêt précité à la note 113, point 55).


117 Arrêt Steinike & Weinlig (précité à la note 96, points 1 et 22), ainsi que arrêts van der Kooy/Commission (points 35 à 38), Stardust Marine (points 34, 37 et 38) et GEMO (points 7 et 27), tous précités à la note 104.


118 Voir en ce sens arrêt Pearle e.a. (précité à la note 104, points 36 et 41).


119 Arrêt Stardust Marine (précité à la note 104, points 34 et 37).


120 Dans l’affaire van der Kooy/Commission aussi (arrêt précité à la note 104, points 37 et 38), l’autonomie de Gasunie a été un critère essentiel dans l’examen du point de savoir si l’on avait à faire à une aide étatique ou accordée au moyen de ressources d’État.


121 Voir mes considérations sur la deuxième question préjudicielle (points 74 à 119).