Language of document : ECLI:EU:T:2010:179

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

7 mai 2010 (*)

« Référé – Concurrence – Décision de la Commission infligeant une amende – Garantie bancaire – Demande de sursis à exécution – Préjudice financier – Absence de circonstances exceptionnelles – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑410/09 R,

Almamet GmbH Handel mit Spänen und Pulvern aus Metall, établie à Ainring (Allemagne), représentée par Mes S. Hautbourg et C. Renner, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. N. Khan, V. Bottka et N. von Lingen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision de la Commission du 22 juillet 2009 relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F‑1/39.396 – Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium pour l’industrie de l’acier et du gaz),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Almamet GmbH Handel mit Spänen und Pulvern aus Metall, est une société établie en Allemagne qui est active dans les marchés des granulés de carbure de calcium et de magnésium.

2        Le 22 juillet 2009, la Commission a adopté la décision relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F-1/39.396 – Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium pour l’industrie de l’acier et du gaz) (ci-après la « décision attaquée »), dans laquelle elle a infligé une amende de 3 040 000 euros à la requérante pour sa participation à une entente.

3        Par lettre du 24 juillet 2009, la Commission a notifié la décision attaquée à la requérante. Dans cette lettre, elle a également informé la requérante du délai de trois mois à compter de la notification dont elle disposait pour payer l’amende. En outre, elle a précisé que, si la requérante décidait d’introduire un recours contre cette décision devant le Tribunal, elle recouvrerait provisoirement l’amende ou exigerait la constitution d’une garantie financière couvrant le montant de la dette principale ainsi que les intérêts et les majorations qui seraient dus.

4        Le 14 août 2009, la requérante a sollicité une rencontre avec les agents placés sous la responsabilité du comptable de la Commission afin de discuter de la possibilité d’un sursis au paiement de l’amende, sans avoir à constituer une garantie bancaire pour la même somme. Une réunion a eu lieu avec les services de la direction générale (DG) « Budget » de la Commission le 25 août 2009.

5        Par une lettre du 9 septembre 2009, la requérante a envoyé à la Commission des informations visant à démontrer son incapacité à payer l’amende qui lui avait été infligée et sollicitant l’échelonnement du paiement de cette amende. À la suite de demandes émanant des services de la DG « Budget » de la Commission des 11 et 14 septembre 2009, la requérante a adressé plusieurs messages électroniques à la Commission en vue de compléter les informations fournies dans sa lettre du 9 septembre 2009. La demande de la requérante visant à obtenir un sursis au paiement de l’amende a été rejetée le 16 octobre 2009.

6        Le 27 octobre 2009, la requérante a versé une somme de 650 000 euros sur le compte indiqué par la Commission dans la décision attaquée.

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2009, la requérante a formé un recours visant, en substance, à l’annulation de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, à réduire le montant de l’amende que la Commission lui a infligée.

8        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 6 novembre 2009, la requérante a introduit une demande visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée. Elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée, en la dispensant de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat de l’amende ;

–        ordonner toute autre mesure qu’il estimera utile ;

–        condamner la Commission aux dépens.

9        Par lettre du 11 novembre 2009, le président du Tribunal a posé une série de questions aux parties.

10       Le 13 novembre 2009, les parties ont fait parvenir au greffe du Tribunal leurs réponses aux questions posées par le président du Tribunal.

11      Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 4 décembre 2009, la Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

13      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

14      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

15      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Arguments des parties

 Sur le fumus boni juris

16      La requérante reproche à la Commission, d’une part, d’avoir violé ses droits de la défense en utilisant à son égard des documents saisis « en dehors du champ de la décision d’inspection du 10 janvier 2007 » et, d’autre part, de ne pas avoir établi à suffisance de droit l’existence de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée. En outre, elle lui reproche d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation concernant la nature unique et continue de l’infraction.

17      La requérante ajoute que la Commission a enfreint, premièrement, les points 23 à 26 de la « communication sur la coopération » en lui refusant une réduction de l’amende au titre de cette communication, deuxièmement, l’article 81 CE et l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 1, p. 1) ainsi que le point 32 des « lignes directrices pour le calcul des amendes » en fixant le montant final de l’amende à un niveau excédant 10 % de son chiffre d’affaires. Troisièmement, elle prétend que la Commission a violé le principe de proportionnalité en fixant le montant de l’amende infligée à un niveau excessif. Enfin, elle fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les conditions du point 35 des « lignes directrices pour le calcul des amendes » n’étaient pas satisfaites.

18      Selon la requérante, les moyens avancés dans le cadre de son recours en annulation établissent l’existence de doutes sérieux quant à la légalité de la décision attaquée et soulèvent des questions de principe. Ces moyens ne pourraient donc être rejetés comme non fondés sans être examinés de manière plus approfondie dans le cadre de l’examen du recours principal.

19      La Commission conteste l’ensemble des arguments de la requérante et estime que la condition relative au fumus boni juris n’est pas remplie en l’espèce.

 Sur l’urgence

20      La requérante fait valoir, en substance, que, d’une part, il lui est objectivement impossible de constituer une garantie bancaire et, d’autre part, son existence serait compromise en cas d’obligation de fournir une telle garantie.

21      La requérante précise que, compte tenu de sa situation financière, elle n’est pas en mesure de payer la totalité de l’amende, ni de constituer une garantie bancaire couvrant l’ensemble du montant de cette amende. Ensuite, elle fait valoir qu’elle ne dispose d’aucun actif susceptible d’être vendu ou d’être fourni à titre de garantie. Elle fait également observer qu’elle a fait un effort significatif en versant un acompte de 650 000 euros, dont le montant correspond à celui de la provision qu’elle a constituée en 2007 compte tenu de la procédure engagée par la Commission. Elle indique, par ailleurs, que deux banques ont rejeté ses demandes visant à constituer une garantie bancaire couvrant le montant de l’amende qu’il lui restait à payer.

22      La requérante ajoute que, en cas d’impossibilité de s’acquitter de la somme réclamée par la Commission, elle n’aurait pas d’autre choix que de procéder à une déclaration d’insolvabilité avant même le recouvrement forcé de l’amende, dans la mesure où, en vertu du droit allemand, une société en situation d’insolvabilité dispose d’un délai de trois semaines à compter de la date à laquelle celle-ci est devenue insolvable pour effectuer cette déclaration, sous peine pour ses gérants d’engager leur responsabilité personnelle. Sous réserve de certaines exceptions, il serait également interdit aux gérants de cette société d’effectuer tout paiement pour le compte de celle-ci à compter de cette date.

23      Selon la requérante, il existe des circonstances exceptionnelles résultant du risque de préjudice grave et irréparable qu’elle subirait si elle était tenue de constituer une garantie bancaire pour la somme non couverte par l’acompte déjà versé.

24      La Commission estime, en substance, que la requérante a omis de mentionner la situation financière de ses actionnaires, de ses sociétés sœurs et de ses filiales. Or, selon elle, un actionnaire majoritaire de la requérante dispose de suffisamment de ressources pour payer ou financer l’amende infligée à celle-ci et les intérêts commerciaux de cet actionnaire seraient liés à ceux de la requérante.

25      En outre, la Commission conteste certaines affirmations de la requérante quant aux ressources propres de celle-ci. Elle relève que, dans la demande en référé, la requérante déclare que son chiffre de ventes était exceptionnellement élevé en 2008, mais fait observer que le chiffre de ventes de 2007 était équivalent à celui de 2008. Elle émet également de sérieux doutes quant à la valeur que la requérante a attribué à ses propres actifs situés à l’étranger. Elle ajoute que la requérante a manqué de diligence, dans la mesure où cette dernière n’a pas provisionné une somme suffisante en vue de couvrir l’amende de la Commission, mais seulement une somme suffisante pour couvrir les frais encourus dans le cadre de sa « défense contre la Commission ».

26      Par ailleurs, la Commission estime que la requérante n’a pas démontré qu’il lui était objectivement impossible de constituer une garantie bancaire, les documents sur lesquels la requérante s’appuie se rapportant à des facilités de crédit et non à des garanties bancaires, donc à des produits financiers différents.

 Sur la balance des intérêts

27      La requérante estime que la balance des intérêts en présence penche en faveur d’une dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire. D’une part, sa disparition des marchés « du carbure de calcium en poudre et des granulés de magnésium » serait extrêmement préjudiciable à la structure concurrentielle de ces marchés. D’autre part, le recouvrement du montant de l’amende serait plus difficile, voire impossible, dans la mesure où, dans le cadre d’une procédure de faillite, la Commission devrait inscrire sa créance et ne bénéficierait d’aucun privilège.

28      La Commission conteste l’ensemble des arguments de la requérante et estime que la balance des intérêts en présence penche fortement en faveur du rejet de la demande de sursis à exécution de la décision attaquée.

 Appréciation du juge des référés

29      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

30      Selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires (ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 1991, Abertal e.a./Commission, C‑213/91 R, Rec. p. I‑5109, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 95, et du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 82). Cependant, il n’est pas suffisant d’alléguer que l’exécution de l’acte dont le sursis est sollicité est imminente, mais il appartient à cette partie d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 85). Si l’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins, en particulier lorsqu’elle dépend de plusieurs facteurs, être prévisible avec un degré de probabilité suffisant. La partie requérante demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67, et ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, précitée, point 83].

31      Un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut, en règle générale, faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnances du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94]. Toutefois, une mesure provisoire se justifie s’il apparaît que, en l’absence de cette mesure, la requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure au principal (ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, précitée, point 84).

32      Enfin, pour pouvoir apprécier si le préjudice qu’appréhende la partie requérante présente un caractère grave et irréparable et justifie donc de suspendre, à titre exceptionnel, l’exécution de la décision attaquée, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation financière de la requérante et permettent d’apprécier les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 22 janvier 1988, Top Hit Holzvertrieb/Commission, 378/87 R, Rec. p. 161, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 3 juillet 2000, Carotti/Cour des comptes, T‑163/00 R, RecFP p. I‑A‑133 et II‑607, point 8 ; du 18 octobre 2001, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01 R, Rec. p. II‑3107, point 32, et du 13 octobre 2006, Vischim/Commission, T‑420/05 R II, Rec. p. II‑4085, points 83 et 84 ; ordonnances du président de la quatrième chambre élargie du Tribunal du 2 avril 1998, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, T‑86/96 R, Rec. p. II‑641, points 64, 65 et 67, et du président de la deuxième chambre du Tribunal du 16 juillet 1999, Hortiplant/Commission, T‑143/99 R, Rec. p. II‑2451, point 18).

33      En l’espèce, la requérante demande au juge des référés de la dispenser de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat de la partie de l’amende non couverte par l’acompte versé à la Commission.

34      À cet égard, il importe de rappeler qu’une demande de dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat d’une amende infligée par la Commission ne peut être accueillie qu’en présence de circonstances exceptionnelles [ordonnance du président de la Cour du 15 décembre 2000, Cho Yang Shipping/Commission, C‑361/00 P(R), Rec. p. I‑11657, point 88].

35      En effet, la possibilité d’exiger la constitution d’une garantie financière correspond à une ligne de conduite générale et raisonnable de la Commission (ordonnance du président du Tribunal du 5 août 2003, IRO/Commission, T‑79/03 R, Rec. p. II‑3027, point 25).

36      L’existence de telles circonstances exceptionnelles peut, en principe, être considérée comme établie lorsque la partie qui demande à être dispensée de constituer la garantie bancaire requise apporte la preuve qu’il lui est objectivement impossible de constituer cette garantie (voir ordonnance IRO/Commission, précitée, point 26, et la jurisprudence citée), ou que sa constitution mettrait en péril son existence (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 21 décembre 1994, Buchmann/Commission, T‑295/94 R, Rec. p. II‑1265, point 24, et du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T‑191/98 R II, Rec. p. II‑2551, point 43).

37      En l’espèce, il convient d’examiner, en premier lieu, si la requérante a établi, à suffisance de droit, qu’il lui était objectivement impossible de constituer la garantie bancaire requise.

38      En vue d’apporter cette preuve, la requérante affirme que, compte tenu de sa situation financière, elle n’est pas en mesure de payer la totalité de l’amende, ni de constituer la garantie bancaire requise.

39      Au soutien de son affirmation, la requérante a fourni, en annexe à la demande en référé, deux lettres de refus provenant de deux banques différentes.

40      À cet égard, il convient de relever que, d’une part, le contenu de ces deux lettres de refus est succinct et, d’autre part, que les explications, données par la requérante dans la demande en référé sur le déroulement des discussions qu’elle a eues avec deux banques préalablement aux refus de celles-ci sont sibyllines.

41      Or, selon une jurisprudence constante, une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de la demande en référé (ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 34 ; du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52, et du 23 mai 2005, Dimos Ano Liosion e.a./Commission, T‑85/05 R, Rec. p. II‑1721, point 37).

42      Certes, la pertinence de lettres de refus provenant de banques ne saurait être exclue, en tant que telle, pour la seule raison de leur faible nombre (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 28 mars 2007, IBP et International Building Products France/Commission, T‑384/06 R, non publiée au Recueil, point 61). Toutefois, le contenu de ces lettres de refus doit permettre au juge des référés de vérifier le sérieux des demandes de garantie bancaire correspondantes et le contexte dans lequel elles se sont inscrites.

43      En principe, il incombe donc à la partie requérante de fournir, au stade de l’introduction de la demande de référé, des informations non équivoques et suffisamment complètes sur les lettres de refus provenant des banques dont elle se prévaut en vue de démontrer qu’il lui était objectivement impossible de constituer la garantie bancaire requise. Toutefois, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qu’il détient en vertu de l’article 105, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, le juge des référés peut décider de demander à cette partie de produire des documents permettant d’apporter des clarifications en ce qui concerne les lettres de refus provenant de banques qui ont été annexées à la demande de référé.

44      En l’espèce, le juge des référés a demandé à la requérante des informations quant aux dates auxquelles les contacts avaient été pris avec ces banques et, d’autre part, quant à la substance et à la formulation des demandes introduites auprès desdites banques. Dans sa réponse, la requérante s’est déclarée dans l’impossibilité de fournir une quelconque preuve documentaire, au motif que les deux banques contactées l’avaient été de manière orale. En effet, compte tenu des relations financières préexistantes qu’elle entretenait avec ces deux banques, ces dernières auraient été très bien informées de sa situation financière, de sorte qu’aucune demande écrite relative à la constitution d’une garantie bancaire n’aurait été nécessaire.

45      Or, une telle réponse laconique ne permet pas au juge des référés de vérifier concrètement le sérieux et la complétude desdites demandes de garantie bancaire.

46      En tout état de cause, comme le souligne la requérante elle-même, il a été jugé que la pertinence des lettres de refus de constitution de la garantie bancaire doit être évaluée à la lumière de la situation économique objective des parties ayant sollicité des mesures provisoires (ordonnance du président du Tribunal du 13 juillet 2006, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06 R, Rec. p. II‑2491, point 102 ; voir également, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal Cho Yang Shipping/Commission, précitée, point 43).

47      En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que, pour apprécier si une société est en mesure de constituer une garantie bancaire, il convient de tenir compte du groupe de sociétés dont elle fait partie et, en particulier, des ressources dont dispose globalement ce groupe [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, DSR‑Senator Lines/Commission, C‑364/99 P(R), Rec. p. I‑8733, point 49].

48      Cette approche repose sur l’idée que les intérêts objectifs de la société concernée ne présentent pas un intérêt autonome par rapport à ceux des personnes, physiques ou morales, qui la contrôlent et que le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié au niveau du groupe que ces personnes composent. Cette confusion des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de la société concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité (ordonnances DSR‑Senator Lines/Commission, précitée, point 50, et HFB e.a./Commission, précitée, point 62 ; ordonnance du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 40). Cette prise en considération de la situation du groupe auquel la société appartient n’implique aucunement que l’amende ou la responsabilité de l’infraction soit imputée à des tiers (ordonnance du président du Tribunal Romana Tabacchi/Commission, précitée, point 111).

49      Or, en l’espèce, la demande en référé ne comporte aucune indication quant à l’existence d’éventuels actionnaires de la requérante.

50      Les seules informations relatives à son actionnariat qui ont été communiquées par la requérante sont celles qui figurent dans sa lettre du 8 mars 2010 par laquelle celle-ci a informé le président du Tribunal d’un changement au sein de son actionnariat. Dans cette lettre, la requérante a indiqué que Minmet Financing Co. SA (ci-après « Minmet ») était un de ses actionnaires, celui-ci ayant détenu, jusqu’au 21 janvier 2010, 50 % de son capital.

51      Conformément à la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus, l’existence de Minmet comme un actionnaire détenant 50 % de son capital aurait dû être, d’une part, révélée par la requérante dès l’introduction de la demande en référé et, d’autre part, prise en compte dans la démonstration faite par la requérante de son incapacité à constituer une garantie bancaire.

52      Il apparaît, en outre, difficilement compréhensible que cette information, dont le caractère essentiel ne pouvait être ignoré par la requérante au regard de la constance de la jurisprudence sur ce point, ne soit communiquée qu’au moment où elle devient obsolète. En effet, dans sa lettre du 8 mars 2010, la requérante précise que la totalité des parts que détenait Minmet dans son capital ont été rachetées par une personne physique.

53      Cette lettre confirme néanmoins l’existence, dans la demande en référé, d’une insuffisance majeure au regard des éléments nécessaires à l’examen que le président du Tribunal est amené à effectuer en sa qualité de juge des référés.

54      Dans la mesure où la requérante a mentionné, dans sa lettre du 8 mars 2010, l’existence, au sein de son actionnariat, de deux personnes physiques, à savoir MM. B. R. et A. R., détenant respectivement 15 % et 30 % de son capital, il convient de rappeler la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus quant à l’obligation qui incombe au demandeur, dans le cadre d’une procédure en référé, de mettre à disposition, tant du défendeur que du juge des référés, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le requérant se fonde, ces derniers devant ressortir du texte même de sa demande.

55      Il s’ensuit qu’une demande en référé ne saurait être utilement complétée, en vue de remédier à de telles déficiences, par un mémoire postérieur, déposé par la partie requérante, le cas échéant, en réponse aux observations de la partie adverse. L’ouverture d’une telle possibilité de « rattrapage » serait incompatible non seulement avec la célérité requise en matière de référé, mais aussi, et surtout, avec l’esprit de l’article 109 du règlement de procédure en vertu duquel, en cas de rejet d’une demande en référé, la partie requérante ne peut présenter une autre demande que si cette dernière est « fondée sur des faits nouveaux » (ordonnances du président du Tribunal du 23 janvier 2009, Pannon Hőerőmű/Commission, T‑352/08 R, non publiée au Recueil, point 31, et du 24 avril 2009, Nycomed Danmark/EMEA, T‑52/09 R, non publiée au Recueil, point 62). Par « faits nouveaux », il faut notamment entendre des faits que le requérant était dans l’impossibilité d’invoquer lors de l’introduction de sa demande en référé et qui sont pertinents pour apprécier le cas en cause (voir, en ce sens et par analogie, ordonnances du président du Tribunal du 22 décembre 2004, European Dynamics/Commission, T‑303/04 R II, Rec. p. II‑4621, point 60, et du 17 février 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05 R II, RecFP p. I‑A‑2‑11 et II‑A‑2‑47, point 28).

56      En l’espèce, tout indique que les deux personnes physiques détenant respectivement 15 % et 30 % de son capital qui ont été mentionnées dans la lettre de la requérante du 8 mars 2010 ont déjà fait partie de l’actionnariat de cette dernière à la date de l’introduction de la demande en référé. En effet, dans ses observations, la Commission faisait déjà référence à ces personnes. Or, la requérante n’a pas indiqué dans quelle mesure elle aurait été empêchée de mentionner cette information lors de l’introduction de sa demande en référé. Dès lors, leur existence ne peut être considérée comme « fait nouveau ». Ainsi, s’il était de l’intention de la requérante, en fournissant cette information, de pallier l’absence, dans sa demande en référé, d’un élément potentiellement déterminant, cette démarche ne saurait être accueillie.

57      Par ailleurs, si la jurisprudence relative à la prise en compte du groupe a souvent été appliquée au regard de l’actionnaire majoritaire (voir, notamment, ordonnance Pannon Hőerőmű/Commission, précitée, point 47), le raisonnement qui la sous-tend n’exclut pas qu’elle puisse conserver, le cas échéant, toute sa pertinence au regard de l’actionnariat minoritaire. Selon le cas d’espèce, et notamment la structure de l’actionnariat d’une partie qui sollicite des mesures provisoires, les intérêts de certains actionnaires minoritaires peuvent tout autant justifier que leurs ressources financières soient prises en compte dans l’analyse de la situation de cette partie et, tout particulièrement, dans l’appréciation de la possibilité de constituer une garantie bancaire. Dès lors, la production, dans la demande en référé, d’informations à leur sujet, aux fins d’établissement d’une image fidèle et globale de la situation de la partie requérante, doit, en fonction des circonstances du cas d’espèce, être envisagée par cette dernière.

58      En l’espèce, à la date de l’introduction de la demande en référé, la structure de l’actionnariat de la requérante semblait être composée de deux actionnaires principaux, détenant respectivement 50 % et 30 % de son capital. Si la situation de l’actionnaire détenant lesdits 50 % a déjà été traitée précédemment au regard des déficiences affectant sa présentation dans le cadre de cette procédure (voir points 49 à 53 ci-dessus), il convient de remarquer que, dans le cas présent, l’existence d’une personne physique détenant 30 % du capital de la requérante ne paraît pas, à première vue, dénuée de signification au regard de la détermination par le juge des référés de l’existence de circonstances particulières justifiant l’adoption des mesures provisoires requises par la requérante.

59      Or, force est de constater que la requérante n’a pas pris en compte, dans l’analyse de sa capacité à constituer une garantie bancaire, les possibilités de soutien financier qu’aurait pu offrir cet actionnaire. Plus particulièrement, elle n’a fourni aucune explication quant à l’absence d’intérêt de ce dernier à assurer sa pérennité en participant aux efforts en vue de la constitution d’une telle garantie.

60      Enfin, dans sa lettre du 8 mars 2010, la requérante a mentionné le rachat par une personne physique, à savoir M. M. N., de l’ensemble des parts détenues par Minmet. Par cette opération, effective au 21 janvier 2010, cette personne est devenue la troisième personne physique ayant la qualité d’actionnaire de la requérante. Elle a également indiqué que ladite personne avait participé avec ses autres actionnaires à une augmentation de capital de 50 000 euros, faisant passer son capital de 450 000 à 500 000 euros. Elle a, par ailleurs, précisé que ce nouvel actionnaire ne disposait d’aucune autre ressource financière lui permettant de contribuer au paiement de l’amende qui lui a été infligée ou de participer aux efforts en vue de constituer une garantie bancaire pour couvrir le paiement de cette amende.

61      À cet égard, il convient de rappeler que la seule affirmation de la requérante quant aux ressources financières dont elle ou ses actionnaires disposent ne saurait suffire à la production d’une image fidèle et globale de sa situation financière dans le cadre de l’examen que le juge des référés est amené à effectuer. En effet, selon une jurisprudence bien établie, elle aurait dû, à cette fin, fournir des indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés certifiés (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 14 décembre 2007, Portugal/Commission, T‑387/07 R, non publiée au Recueil, points 30 et 31 ; du 18 mars 2008, Aer Lingus Group/Commission, T‑411/07 R, Rec. p. II‑411, points 118 et 122 ; du 25 mai 2009, Biofrescos/Commission, T‑159/09 R, non publiée au Recueil, points 23 à 25, et du 13 juillet 2009, Sniace/Commission, T‑238/09 R, non publiée au Recueil, points 25 et 26).

62      Or, en l’espèce, la requérante n’a fourni, pour seul document relatif à ce nouvel actionnaire, que le curriculum vitae de ce dernier. Un tel document ne saurait à l’évidence établir quelles sont les ressources financières de cet actionnaire. L’absence d’information pertinente, dans le cadre de la présente procédure, au sujet de ce nouvel actionnaire ne permet donc pas au juge des référés de vérifier si cet actionnaire aurait pu participer aux efforts en vue de constituer une garantie bancaire pour couvrir le paiement de l’amende infligée à la requérante.

63      Il s’ensuit que la requérante n’a pas prouvé à suffisance de droit qu’il lui était objectivement impossible de constituer une garantie bancaire.

64      Il convient donc d’examiner, en second lieu, si la requérante a établi à suffisance de droit que la constitution d’une garantie bancaire mettrait en péril son existence.

65      En vue d’apporter cette preuve, la requérante affirme que, en cas d’impossibilité de s’acquitter de la somme réclamée par la Commission, elle n’aura pas d’autre choix que de procéder à une déclaration d’insolvabilité avant même le recouvrement forcé de l’amende, dans la mesure où, en vertu du droit allemand, une société en situation d’insolvabilité dispose d’un délai de trois semaines à compter de la date à laquelle celle-ci est devenue insolvable pour effectuer cette déclaration sous peine pour ses dirigeants d’engager leur responsabilité personnelle. Sous réserve de certaines exceptions, ces derniers ne pourraient effectuer des paiements pour le compte de celle-ci à compter de cette date. La requérante précise, en outre, que l’une des banques auprès desquelles elle dispose de lignes de crédits lui a rappelé l’obligation de conserver 20 % de capitaux propres, sous peine de permettre à cette banque d’exercer le droit exceptionnel de résilier le contrat de crédit.

66      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’examen de la viabilité financière du requérant, l’appréciation de sa situation matérielle peut être effectuée en prenant notamment en considération les caractéristiques du groupe auquel il se rattache par son actionnariat (voir ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C‑12/95 P, Rec. p. I‑467, point 12, et du président du Tribunal du 7 décembre 2001, Lior/Commission, T‑192/01 R, Rec. p. II‑3657, point 54, et la jurisprudence citée).

67      Or, comme il a été relevé précédemment, l’absence totale d’information, dans la demande en référé, quant à l’actionnariat de la requérante met le juge des référés dans l’impossibilité d’effectuer un examen concret de la situation financière de la requérante et, par conséquent, de sa viabilité.

68      En ce qui concerne la lettre de la requérante du 8 mars 2010 relative à un changement de son actionnariat, et plus précisément, à la substitution de Minmet par une personne physique, il convient de rappeler que la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus s’applique non seulement aux personnes morales, mais également aux personnes physiques, qui détiennent une part substantielle de la société. En effet, le fait que l’actionnaire principal de la société soit une personne physique qui ne constitue pas elle-même une société apparaît dénué de pertinence (ordonnance HFB e.a./Commission, précitée, point 64 ; voir, également, ordonnance Le Canne/Commission, précitée, point 42).

69      À cet égard, la requérante se contente d’affirmer que le nouvel actionnaire, qui détient désormais 50 % de son capital, ne dispose d’aucune ressource financière supplémentaire lui permettant soit de contribuer au paiement du montant restant de l’amende infligée, soit de participer aux efforts en vue de constituer une garantie bancaire pour couvrir le paiement de cette amende. Cette affirmation n’est, en effet, accompagnée d’aucun autre élément de preuve que le curriculum vitae de cette personne.

70      Or, dans le cadre d’une procédure en référé, il appartient à la partie requérante de fournir les éléments de preuve permettant au juge d’établir une image fidèle et globale de sa situation. Force est donc de constater que la requérante est restée en défaut de mettre à disposition du juge des référés de tels éléments.

71      Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi que les circonstances de l’espèce sont au nombre de celles pouvant être qualifiées d’exceptionnelles, de sorte que le préjudice d’ordre financier allégué ne peut être regardé, au vu des éléments du dossier, comme grave et irréparable.

72      Par conséquent, la condition relative à l’urgence n’est pas remplie en l’espèce.

73      Il résulte de tout ce qui précède que la présente demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin de vérifier si les autres conditions d’octroi des mesures provisoires sollicitées, notamment celle de l’existence d’un fumus boni juris, sont remplies.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 7 mai 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.