Language of document : ECLI:EU:T:2012:673

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 décembre 2012 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché du carbure de calcium et du magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier dans l’EEE, à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume‑Uni – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Fixation des prix et répartition du marché – Amendes – Obligation de motivation – Proportionnalité – Égalité de traitement – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Capacité contributive »

Dans l’affaire T‑352/09,

Novácke chemické závody a.s., établie à Nováky (Slovaquie), représentée initialement par MA. Černejová, puis par Mes M. Bol’oš et L. Bányaiová, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, N. von Lingen et A. Tokár, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 5791 final de la Commission, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier), en ce qu’elle vise la requérante, ainsi que, à titre subsidiaire, une demande d’annulation ou de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante par ladite décision,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par sa décision C (2009) 5791 final, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier) (ci‑après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a constaté que les principaux fournisseurs de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant, du 7 avril 2004 au 16 janvier 2007, à une infraction unique et continue. Celle-ci se traduisait par un partage de marchés, une fixation de quotas, une répartition des clients, une fixation des prix et un échange d’informations commerciales sensibles concernant les prix, les clients et les volumes de vente dans l’EEE, à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume‑Uni.

2        La procédure a été ouverte à la suite d’une demande d’immunité, au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3), déposée par Akzo Nobel NV.

3        La requérante, Novácke chemické závody a.s., produit, notamment, du carbure de calcium. À l’article 1er, sous e), de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait participé à l’infraction pendant toute sa durée et, à l’article 2, premier alinéa, sous e), de la même décision, elle lui a infligé une amende de 19,6 millions d’euros, conjointement et solidairement avec 1. garantovaná a.s., sa société mère à l’époque de l’infraction.

 Procédure et conclusions des parties

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 septembre 2009, la requérante a introduit le présent recours.

5        Par un acte séparé, déposé au greffe le même jour et enregistré sous la référence T‑352/09 R, la requérante a également présenté une demande en référé, au sens des articles 242 CE et 243 CE et des articles 104 et suivants du règlement de procédure du Tribunal. Par ordonnance du président du Tribunal du 29 octobre 2009, Novácke chemické závody/Commission (T‑352/09 R, non publiée au Recueil), cette demande en référé a été rejetée.

6        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2009, la requérante a informé le Tribunal qu’elle avait été déclarée en faillite. Par une autre lettre, déposée au greffe du Tribunal le 6 novembre 2009, elle a informé le Tribunal de la désignation d’un nouveau représentant par l’administrateur de la faillite. Elle a ajouté que, conformément aux dispositions du droit slovaque applicables en cas de faillite d’une partie à une instance devant une juridiction, la procédure dans la présente affaire devait être suspendue. Considérant que cette lettre contenait, en substance, une demande de suspension de la procédure dans la présente affaire, le Tribunal a demandé les observations de la Commission sur cette demande. Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 7 décembre 2009, celle-ci s’est opposée à la suspension de la procédure envisagée.

7        Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 21 janvier 2010, la procédure dans la présente affaire a été suspendue, en application de l’article 77, sous d), du règlement de procédure, jusqu’au 31 octobre 2010, afin de permettre à l’administrateur de la faillite de la requérante de décider s’il souhaitait poursuivre, au nom de la requérante, la procédure dans la présente affaire ou se désister du recours.

8        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 16 mars 2010, la Commission a demandé la reprise de la procédure dans la présente affaire. Par ordonnance du 11 mai 2010, la requérante n’ayant pas déposé d’observations sur ladite demande dans le délai imparti, le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé de reprendre la procédure dans la présente affaire.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 novembre 2009, la République slovaque a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 24 juin 2010, rectifiée par ordonnance du 26 juillet 2010, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République slovaque a déposé son mémoire en intervention le 14 septembre 2010.

10      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur initialement désigné a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la même chambre.

11       Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a invité, premièrement, la requérante et la Commission à produire certains documents, deuxièmement, la requérante à répondre à une question et, troisièmement, toutes les parties à répondre à une autre question. Les parties ont déféré à ces demandes, sauf en ce qui concerne un document, dont la production avait été demandée à la Commission.

12      Par ordonnance du 27 mars 2012, le Tribunal a ordonné à la Commission, dans le cadre d’une mesure d’instruction prévue à l’article 65 du règlement de procédure, la production du document que celle-ci n’avait pas présenté dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure mentionnées au point précédent. La Commission a déféré à cette mesure d’instruction dans le délai imparti.

13      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 25 avril 2012.

14      Lors de l’audience, la République slovaque a demandé à pouvoir déposer un nouveau document. Les autres parties ne s’y étant pas opposées, le Tribunal a autorisé le dépôt du document en cause et a imparti aux autres parties un délai pour présenter leurs observations écrites afférentes audit document. La procédure orale a été close le 15 mai 2012, à la suite du dépôt des observations des autres parties sur le document déposé par la République slovaque.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle la concerne et, par conséquent, annuler l’amende qui lui a été infligée ;

–        à titre subsidiaire, annuler ou réduire de manière significative le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La République slovaque soutient la demande de la requérante tendant à l’annulation ou à la réduction substantielle du montant de l’amende qui lui a été infligée.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens tirés, premièrement, d’une violation des principes généraux de proportionnalité et d’égalité de traitement dans la détermination du montant de l’amende, deuxièmement, d’une violation des formes substantielles, d’une erreur de fait ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission a refusé de tenir compte de son absence de capacité contributive au sens du paragraphe 35 de ses lignes directrices pour la fixation des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci‑après les « lignes directrices ») et, troisièmement, d’une violation de l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des principes généraux de proportionnalité et d’égalité de traitement dans la détermination du montant de l’amende

 Lignes directrices

19      Ainsi qu’il ressort du considérant 285 de la décision attaquée, le montant des amendes infligées à la requérante et aux autres participants à l’entente litigieuse a été fixé en application des lignes directrices publiées par la Commission.

20      Ainsi qu’il ressort des paragraphes 9 à 11 des lignes directrices, la fixation du montant de l’amende est effectuée suivant une méthodologie comportant deux étapes.

21      En premier lieu, la Commission détermine un montant de base pour chaque entreprise ou association d’entreprises. La Commission utilise à cet égard la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’entreprise concernée, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné (paragraphe 13). Le montant de base de l’amende est lié à une proportion de la valeur des ventes déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction (paragraphe 19). Les périodes de plus de six mois mais de moins d’un an sont comptées comme une année complète (paragraphe 24). La proportion de la valeur des ventes prises en compte peut, en règle générale, aller jusqu’à 30 % (paragraphe 21).

22      Le paragraphe 22 des lignes directrices énonce que, « [a]fin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction ».

23      Le paragraphe 25 des lignes directrices prévoit, en outre, que, « indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes […], afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production ».

24      En second lieu, la Commission peut ajuster le montant de base de l’amende, fixé lors de la première étape, à la hausse ou à la baisse. Ainsi, le paragraphe 28 des lignes directrices prévoit l’augmentation dudit montant lorsque la Commission constate l’existence de circonstances aggravantes, telles que celles mentionnées au même paragraphe. La récidive, à savoir le fait qu’une « entreprise poursuit ou répète une infraction identique ou similaire après que la Commission ou une autorité nationale de concurrence a constaté que cette entreprise a enfreint les dispositions de l’article 81 [CE] ou de l’article 82 [CE] », figure au nombre des circonstances aggravantes mentionnées à ce paragraphe et justifie une augmentation jusqu’à 100 % du montant de base de l’amende (voir paragraphe 28, premier tiret, des lignes directrices). Avoir joué le rôle de meneur ou d’incitateur de l’infraction constitue également une circonstance aggravante, aux termes du troisième tiret du paragraphe 28 des lignes directrices.

25      En outre, une augmentation spécifique du montant de l’amende en vue du caractère dissuasif est prévue, notamment, au paragraphe 30 des lignes directrices, aux termes duquel « [la] Commission portera une attention particulière au besoin d’assurer que les amendes présentent un effet suffisamment dissuasif ; à cette fin, elle peut augmenter l’amende à imposer aux entreprises dont le chiffre d’affaires, au-delà des biens et services auxquelles l’infraction se réfère, est particulièrement important ».

26      Par ailleurs, le paragraphe 29 des lignes directrices énonce que le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes, telles que celles mentionnées au même paragraphe. Selon le deuxième tiret de ce paragraphe, la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que l’infraction a été commise par négligence. En outre, selon le quatrième tiret du même paragraphe, la Commission constate des circonstances atténuantes « lorsque l’entreprise concernée coopère effectivement avec [elle], en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence et au‑delà de ses obligations juridiques de coopérer ».

27      À ce titre, ainsi que cela ressort du considérant 339 de la décision attaquée, la coopération des entreprises avec la Commission était régie, depuis le 14 février 2002, par la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la clémence de 2002 ») qui a été remplacée, à partir du 8 décembre 2006, par une nouvelle communication de la Commission (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la clémence de 2006 »). Akzo Nobel ayant contacté la Commission au titre d’une demande de clémence dès le 20 novembre 2006, soit avant l’entrée en vigueur de la communication sur la clémence de 2006, c’est donc la communication sur la clémence de 2002 qui a trouvé à s’appliquer en l’espèce ainsi que, par exception, en vertu du point 37 de la communication sur la clémence de 2006, les points 31 à 35 de cette dernière communication.

28      Enfin, le paragraphe 35 des lignes directrices prévoit la prise en considération de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier, en vue d’une réduction éventuelle du montant de l’amende.

 Décision attaquée

29      La valeur des ventes de chaque participant à l’entente, durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction, utilisée par la Commission aux fins de la fixation du montant de l’amende est indiquée dans un tableau figurant au considérant 288 de la décision attaquée. Il en ressort que la valeur des ventes de carbure de calcium en poudre réalisées par la requérante, en 2006, se situait entre 5 et 10 millions d’euros. La valeur des ventes de carbure de calcium en granulés réalisées par elle se situait entre 20 et 25 millions d’euros.

30      Il ressort du considérant 294 de la décision attaquée que la Commission a considéré que l’infraction litigieuse comptait, par sa nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves.

31      En outre, au considérant 299 de la décision attaquée, la Commission a considéré que l’entente en cause concernait des clients à l’intérieur de l’EEE, à l’exception de l’Espagne, du Portugal, du Royaume‑Uni et de l’Irlande.

32      Au considérant 301 de la décision attaquée, la Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération pour tous les participants à l’entente à 17 %, au regard des « circonstances particulières de l’affaire » et en tenant compte des « critères examinés aux considérants 294 et 299 ».

33      En tenant compte des considérations relatives à la durée de l’infraction, exposées aux considérants 302 et 303 de la décision attaquée, la Commission a indiqué, dans un tableau figurant au considérant 304 de la même décision, le multiplicateur déterminé en fonction des années de participation à l’infraction retenues pour chaque entreprise visée par cette décision. Dans le cas de la requérante, la Commission a fixé un multiplicateur de 2,5 pour le carbure de calcium en poudre et de 3 pour le carbure de calcium en granulés.

34      En outre, au considérant 306 de la décision attaquée, la Commission a fixé le pourcentage de la valeur des ventes qui correspond à la somme additionnelle à inclure à l’amende conformément au paragraphe 25 des lignes directrices, en l’occurrence 17 %, « [é]tant donné les circonstances particulières de la présente affaire et compte tenu des critères examinés ci-dessus relatifs à la nature de l’infraction et [sa] portée géographique ».

35      Le considérant 308 de la décision attaquée contient un tableau indiquant le montant de base de l’amende calculé pour chaque participant. Dans le cas de la requérante, ce montant s’élève à 19,6 millions d’euros.

36      Aux considérants 309 à 312 de la décision attaquée, la Commission a examiné s’il y avait lieu d’ajuster le montant de base de l’amende à la hausse en raison de circonstances aggravantes. Elle a retenu l’existence de telles circonstances à l’égard de deux autres participants à l’entente, Akzo Nobel et Degussa AG, cette dernière étant devenue, au stade de l’adoption de la décision attaquée, Evonik Degussa GmbH, au motif qu’elles étaient récidivistes. Aucune circonstance aggravante n’a été évoquée ou retenue à l’égard de la requérante.

37      Aux considérants 313 à 333 de la décision attaquée, la Commission a examiné s’il y avait lieu de constater l’existence de circonstances atténuantes à l’égard d’un ou de plusieurs participants à l’entente. En particulier, elle a successivement examiné les arguments tirés d’une participation limitée à l’entente, avancés par tous les participants (considérants 313 à 316), les arguments avancés par certains participants et tirés de l’absence de mise en œuvre des accords concernés par l’entente et de l’absence de bénéfice réalisé par eux du fait de leur participation à l’entente (considérants 317 à 320), les arguments de certains participants, dont la requérante, tirés de leur coopération effective avec la Commission en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence de 2006 (considérants 321 à 327 de la décision attaquée) et les arguments avancés par plusieurs participants et tirés de la situation économique difficile des fournisseurs de carbure de calcium et de magnésium avant et lors de la période de l’entente (considérants 328 à 331). Dans tous les cas, la Commission a conclu qu’il n’y avait pas lieu de retenir l’existence de circonstances atténuantes (considérants 314, 320, 327 et 331 de la décision attaquée).

38      Aux considérants 335 à 360 de la décision attaquée, la Commission a examiné s’il y avait lieu d’appliquer la communication sur la clémence de 2002 à l’égard d’un ou de plusieurs participants à l’entente. Il ressort du considérant 358 de la décision attaquée que la requérante avait présenté une demande en ce sens le 6 février 2008 (ci-après la « demande de clémence »). La Commission a considéré, au même considérant, que la demande avait été présentée plus d’un an après les inspections et alors que la requérante avait reçu des demandes de renseignements, au titre de l’article 18 du règlement no 1/2003. La demande n’aurait pas fourni une valeur ajoutée significative dès lors que la requérante n’aurait signalé que des faits relatifs au carbure de calcium en poudre, à l’égard duquel la Commission aurait déjà été à l’époque en possession d’éléments de preuve suffisants. La Commission a ainsi considéré que les informations fournies par la requérante ne pouvaient plus, par leur nature ou par leur niveau de précision, renforcer sa capacité de prouver les faits. Pour ces motifs, elle a conclu que la requérante ne pouvait pas bénéficier d’une réduction du montant de l’amende.

39      En revanche, la Commission a accordé une immunité d’amendes à Akzo Nobel (considérants 335 et 336 de la décision attaquée), une réduction du montant de l’amende de 35 % à Donau Chemie AG (considérant 346 de la décision attaquée) ainsi qu’une réduction du montant de l’amende de 20 % à Evonik Degussa (considérant 356 de la décision attaquée). Elle a rejeté la demande d’immunité ou de réduction du montant de l’amende présentée par Almamet GmbH (considérant 349) et elle a, en outre, considéré que SKW Stahl‑Metallurgie GmbH, SKW Stahl‑Metallurgie AG et Arques Industries AG ne pouvaient pas profiter de la réduction du montant de l’amende accordée à Evonik Degussa, cette dernière ayant présenté sa demande de clémence uniquement en son propre nom (considérant 357 de la décision attaquée).

40      Les montants des amendes à imposer figurent au considérant 361 de la décision attaquée. Le montant indiqué pour la requérante est de 19,6 millions d’euros.

41      Enfin, aux considérants 362 à 378 de la décision attaquée, la Commission a examiné les demandes de plusieurs participants à l’entente de bénéficier des dispositions du paragraphe 35 des lignes directrices. La Commission a rejeté la demande en ce sens de la requérante (considérant 377 de la décision attaquée) ainsi que celles présentées par d’autres participants à l’entente, mais elle a accordé une réduction du montant de l’amende de 20 % à Almamet (considérant 372 de la décision attaquée).

 Sur les griefs invoqués par la requérante

42      La requérante fait valoir que la fixation du montant de l’amende qui lui a été imposée par la Commission est entachée d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. Elle avance, à cet égard, cinq griefs relatifs, premièrement, au caractère dissuasif de l’amende, deuxièmement, aux circonstances aggravantes, troisièmement, aux circonstances atténuantes, quatrièmement, à la réduction du montant de l’amende octroyée à Almamet et, cinquièmement, à l’amende en tant qu’elle est calculée en proportion des chiffres d’affaires globaux des destinataires de la décision attaquée. Ces griefs seront examinés successivement, après l’exposé de certaines considérations liminaires. Lors de l’audience, la requérante a évoqué un grief relatif à la valeur des ventes à prendre en considération pour le calcul du montant de base de l’amende. Selon elle, ce grief figurait déjà dans la requête. Pour sa part, la Commission a fait valoir qu’il s’agissait d’un nouveau grief, non fondé sur des éléments révélés en cours d’instance et, partant, irrecevable. Ce grief sera examiné en dernier lieu.

–       Considérations liminaires

43      Il y a lieu de rappeler que la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (voir arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 216, et la jurisprudence citée).

44      Toutefois, comme le fait valoir la requérante, à chaque fois que la Commission décide d’imposer des amendes en vertu du droit de la concurrence, elle est tenue de respecter les principes généraux de droit, parmi lesquels figurent les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, tels qu’interprétés par les juridictions de l’Union (arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission, T‑138/07, Rec. p. II‑4819, point 105).

45      Aux termes de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, la Commission prend en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. Il résulte de la jurisprudence que, dans ce contexte, la Commission doit notamment veiller au caractère dissuasif de son action (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 106, et arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 272).

46      La nécessité d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende, lorsqu’elle ne motive pas l’élévation du niveau général des amendes dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique de concurrence, exige que le montant de l’amende soit modulé afin de tenir compte de l’impact recherché sur l’entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l’amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l’entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d’une part, de la nécessité d’assurer l’effectivité de l’amende et, d’autre part, du respect du principe de proportionnalité (arrêts du Tribunal Degussa/Commission, point 45 supra, point 283, et du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑881, point 379).

47      S’agissant des lignes directrices, il résulte d’une jurisprudence constante que, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 211 ; arrêts du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 44, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 146).

48      Il s’ensuit, comme le reconnaît d’ailleurs la requérante, que, lors de la fixation de l’amende à infliger à une entreprise conformément à l’article 23 du règlement no 1/2003, la prise en considération des lignes directrices ne constitue pas, en elle-même, une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement mais, au contraire, peut s’imposer, notamment pour respecter le second de ces principes. Toutefois, inversement, le seul respect de la méthodologie pour la fixation du montant des amendes consacrée dans les lignes directrices ne dispense pas la Commission de l’obligation de s’assurer que l’amende infligée dans un cas particulier est conforme aux principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. Au surplus, au paragraphe 37 des lignes directrices, la Commission s’est elle-même réservée le droit de s’écarter de la méthodologie ou des limites fixées dans lesdites lignes, lorsque les particularités d’une affaire ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif de l’amende le justifient.

49      Par ailleurs, il y a lieu de souligner que, s’agissant des recours dirigés contre les décisions de la Commission infligeant des amendes à des entreprises pour violation des règles de concurrence, le Tribunal est compétent à un double titre (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C‑297/98 P, Rec. p. I‑10101, point 53).

50      D’une part, il est chargé de contrôler la légalité desdites décisions et, dans ce cadre, il doit contrôler le respect de l’obligation de motivation (arrêt SCA Holding/Commission, point 49 supra, point 54) et il est, en outre, appelé à effectuer, sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués, un contrôle approfondi tant de droit que de fait (arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, Rec. p. I‑13125, point 129).

51      D’autre part, ce contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE (arrêt KME Germany e.a./Commission, point 50 supra, point 130). Au-delà du simple contrôle de légalité, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler totalement ou partiellement l’acte attaqué, la compétence de pleine juridiction dont il dispose habilite le juge à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, en tenant compte de toutes les circonstances de fait (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 692, et du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 86). Il peut ainsi substituer sa propre appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée (arrêt KME Germany e.a./Commission, point 50 supra, point 130).

52      C’est à la lumière de ces considérations générales qu’il convient d’examiner les griefs invoqués par la requérante dans le cadre du présent moyen.

–       Sur le premier grief, relatif au caractère dissuasif de l’amende

53      La requérante fait valoir que la Commission n’a pas adéquatement tenu compte, dans la décision attaquée, du fait que l’amende imposée à une entreprise ayant participé à une entente doit présenter un caractère dissuasif spécifique pour l’entreprise concernée. La requérante souligne qu’une approche individualisée est nécessaire à cet égard, dès lors qu’une amende d’un certain montant peut produire un effet dissuasif à l’égard d’une entreprise, mais non à l’égard d’une autre. Il en résulte, selon la requérante, que la somme prévue au paragraphe 25 des lignes directrices ne doit pas être fixée au même niveau pour tous les participants à l’entente. La nécessité de l’utilisation de multiplicateurs de dissuasion différents pour chaque participant aurait été confirmée par le Tribunal, dans son arrêt Degussa/Commission, point 45 supra.

54      En outre, la requérante relève que la Commission n’a pas fait usage, dans la présente affaire, de sa faculté, prévue au paragraphe 30 des lignes directrices, d’augmenter le montant de l’amende pour assurer un effet suffisamment dissuasif. Selon la requérante, une telle augmentation aurait pu être envisagée à l’égard des participants à l’entente dont les chiffres d’affaires globaux étaient les plus importants, à savoir Akzo Nobel, Ecka Granulate GmbH & Co. KG (ci‑après « Ecka ») et Evonik Degussa. Enfin, les récidivistes, Akzo Nobel et Evonik Degusa, auraient dû être sanctionnées par des amendes plus élevées que celle imposée à la requérante, qui n’aurait joué qu’un rôle mineur dans l’infraction. La seule prise en considération de la récidive, en tant que circonstance aggravante prévue au paragraphe 28 des lignes directrices, ne serait pas suffisante.

55      À titre liminaire, s’agissant du caractère opérant de l’argument résumé au point précédent, il convient de relever que, certes, la compétence de pleine juridiction attribuée au juge de l’Union inclut expressément le pouvoir de majorer, le cas échéant, le montant de l’amende infligée. Ainsi, dans l’hypothèse d’une inégalité de traitement entre plusieurs participants à une infraction tenant au fait que la gravité du comportement infractionnel des uns a été sous-évaluée par rapport à la gravité du comportement infractionnel des autres, la solution la plus appropriée pour rétablir un juste équilibre serait de majorer le montant de l’amende infligée aux premiers (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 576).

56      Toutefois, une telle majoration ne saurait intervenir que dans l’hypothèse où les participants à l’infraction dont l’amende doit être majorée ont contesté cette amende devant le Tribunal et qu’ils ont été mis en mesure de présenter leurs observations relatives à une telle majoration (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 55 supra, points 577 et 578). Si ces conditions ne sont pas remplies, le moyen le plus apte à remédier à l’inégalité de traitement relevée consiste en une réduction du montant de l’amende infligée aux autres participants de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 55 supra, point 579). Partant, l’argument résumé au point 54 ci‑dessus ne saurait être d’emblée écarté comme étant inopérant.

57      Ensuite, il y a lieu de relever que la Commission est consciente de la nécessité d’assurer non seulement le caractère dissuasif, sur le plan général, de son action en matière d’infractions au droit de la concurrence mais, en particulier, l’effet dissuasif spécifique de l’amende qu’elle impose à une entreprise ayant commis une telle infraction. Cela est confirmé par le paragraphe 4 des lignes directrices qui énonce notamment qu’« [i]l y a lieu de fixer les amendes à un niveau suffisamment dissuasif […] en vue de sanctionner les entreprises en cause (effet dissuasif spécifique) ».

58      Cela dit, il convient de rappeler que le montant visé au paragraphe 25 des lignes directrices fait partie du montant de base de l’amende qui, ainsi qu’il ressort du paragraphe 19 des mêmes lignes (voir point 21 ci‑dessus), doit refléter la gravité de l’infraction et non la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune des entreprises concernées. Selon la jurisprudence, cette dernière question doit être examinée dans le cadre de l’éventuelle application de circonstances aggravantes ou atténuantes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 100). Par conséquent et ainsi que le relève à juste titre la Commission, il lui est loisible de fixer le pourcentage de la valeur des ventes visé au paragraphe 25 des lignes directrices, comme d’ailleurs celui visé au paragraphe 21 des mêmes lignes, au même niveau pour tous les participants à l’entente. La fixation d’un même pourcentage pour tous les participants à l’entente n’implique pas, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, la fixation, au titre du paragraphe 25 des lignes directrices, d’une même somme pour tous les participants à l’entente. Dès lors que cette somme consiste en un pourcentage de la valeur des ventes réalisées en relation avec l’infraction par chaque participant à l’entente, elle sera différente pour chacun d’entre eux, en fonction des différences dans la valeur des ventes qu’ils ont réalisées.

59      L’arrêt Degussa/Commission, point 45 supra, invoqué par la requérante, ne saurait conduire à une conclusion différente. Certes, au point 335 de cet arrêt, le Tribunal a conclu que la Commission ne pouvait, sans violer le principe d’égalité de traitement, majorer le montant de l’amende déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, par application du même taux aux deux participants de l’entente ayant réalisé des chiffres d’affaires substantiellement différents.

60      Toutefois, ainsi qu’il résulte des points 20, 21, 326 et 327 du même arrêt, le montant de l’amende imposé aux différents participants à l’entente dont il était question dans cette affaire avait été déterminé selon une méthodologie différente de celle consacrée dans les lignes directrices et appliquée par la Commission en l’espèce. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Degussa/Commission, point 45 supra, la Commission avait réparti les participants à l’entente en différents groupes en fonction de leur chiffre d’affaires et avait fixé, à l’égard de tous les membres de chaque groupe, le même montant de base de l’amende. La requérante dans cette affaire avait été placée dans le même groupe qu’une autre entreprise ayant réalisé un chiffre d’affaires plus élevé et, partant, le même montant de base avait été déterminé pour ces deux entreprises. Ensuite, afin d’assurer un effet dissuasif suffisant, la Commission a majoré ce montant du même taux, en l’occurrence 100 %, pour chacune de ces deux entreprises. C’est ce dernier aspect qui a été critiqué par le Tribunal (arrêt Degussa/Commission, point 45 supra, points 328 à 335).

61      Or, en l’espèce, d’une part, ainsi qu’il a déjà été relevé, le montant de base de l’amende est différent pour les différents participants à l’entente, en fonction de la différence dans le chiffre d’affaires qu’ils ont réalisé. D’autre part, comme le fait valoir à juste titre la Commission, elle n’a pas procédé à une augmentation spécifique du montant de base en vue d’assurer un caractère dissuasif suffisant à l’amende. Il s’ensuit que les circonstances de la présente affaire ne sont en rien comparables à celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Degussa/Commission, point 45 supra.

62      La requérante critique également le fait que la Commission n’a pas procédé, en vertu du paragraphe 30 des lignes directrices, à une augmentation du montant de l’amende imposée aux participants à l’entente ayant réalisé les chiffres d’affaires globaux les plus importants. À cet égard, il y a lieu de relever que, s’il résulte effectivement dudit paragraphe des lignes directrices qu’une augmentation de l’amende à imposer à une entreprise dont le chiffre d’affaires, au-delà des biens et services auxquelles l’infraction se réfère, est particulièrement important, peut s’avérer nécessaire pour assurer à cette amende un effet suffisamment dissuasif, il n’en résulte pas, inversement, qu’une amende qui ne représente pas un pourcentage significatif du chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée ne déploiera pas un effet suffisamment dissuasif à l’égard de cette entreprise.

63      En effet, une amende fixée suivant la méthodologie définie dans les lignes directrices représente, en principe, un pourcentage considérable de la valeur des ventes que l’entreprise sanctionnée a réalisées dans le secteur concerné par l’infraction. Ainsi, du fait de l’amende, l’entreprise en question verra ses bénéfices dans ce secteur diminuer de manière significative, voire enregistrera des pertes. Quand bien même le chiffre d’affaires réalisé par ladite entreprise dans ce secteur ne représenterait qu’une petite fraction de son chiffre d’affaires global, il ne saurait a priori être exclu que la diminution des bénéfices réalisés dans ce secteur, voire leur transformation en pertes, ait un effet dissuasif, dans la mesure où, en principe, une entreprise commerciale s’engage dans un secteur déterminé pour réaliser des bénéfices.

64      C’est ainsi que le paragraphe 30 des lignes directrices prévoit la faculté et non l’obligation pour la Commission d’augmenter l’amende imposée à une entreprise dont le chiffre d’affaires, au-delà des biens et des services concernés par l’infraction, est particulièrement important. Or, outre une référence vague au chiffre d’affaires global prétendument important de certains participants à l’entente, référence qui ne fait que refléter l’argumentation avancée dans le cadre du cinquième grief examiné ci‑après, la requérante n’a invoqué aucun élément concret, susceptible de démontrer que la Commission aurait dû faire usage de cette faculté en l’espèce. Par conséquent, aucune violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ne saurait lui être reprochée pour ce motif.

65      S’agissant, enfin, de la prise en considération de la récidive, il y a lieu de relever que, comme la requérante le reconnaît elle-même, la récidive est prise en considération au stade de l’ajustement du montant de base de l’amende au titre de circonstances aggravantes, conformément au paragraphe 28, premier tiret, des lignes directrices et elle peut conduire à une augmentation significative de ce montant pouvant aller jusqu’à son doublement. En revanche, la détermination du montant de base, dans laquelle s’inscrit la fixation du pourcentage prévu au paragraphe 25 des lignes directrices, est effectuée, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 58 ci‑dessus), en tenant compte de la gravité de l’infraction. L’absence de prise en considération, à ce stade, d’une circonstance aggravante dont il sera tenu compte à un stade ultérieur n’est pas constitutive d’une quelconque erreur de droit (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 11 septembre 2008, Coats Holdings et Coats/Commission, C‑468/07 P, non publiée au Recueil, point 28).

66      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier grief n’est pas fondé et doit être rejeté.

–       Sur le deuxième grief, relatif aux circonstances aggravantes

67      La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné, dans la décision attaquée, la question de savoir quels membres de l’entente jouaient le rôle de meneur de l’infraction et précise qu’elle était elle-même un membre passif. La requérante reconnaît qu’il n’est pas possible dans tous les cas d’ententes d’identifier un ou plusieurs meneurs. Toutefois, dans une entente complexe comme celle en l’espèce, il serait difficilement concevable que l’entente ait pu fonctionner sans qu’une ou plusieurs entreprises en lancent l’idée et effectuent la préparation nécessaire. La requérante considère que la Commission n’a pas fait suffisamment d’efforts pour identifier ces entreprises. Elle mentionne à cet égard, comme exemples de ce qui aurait dû être examiné par la Commission, la question de savoir qui a organisé les premières réunions et y a invité les membres passifs de l’entente ou celle de savoir dans les locaux de quelle entreprise ces réunions ont eu lieu. Il s’ensuit, selon la requérante, que la Commission a violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, dans la mesure où les membres passifs de l’entente ont été traités de la même manière que les meneurs et instigateurs.

68      Pour sa part, la Commission fait valoir le caractère inopérant de ce grief. Elle considère que, quand bien même il devrait être constaté qu’une ou plusieurs autres entreprises ont été les meneurs de l’infraction, une telle constatation serait sans incidence sur l’amende infligée à la requérante et ne pourrait, au mieux, qu’entraîner une majoration des amendes infligées à ces autres entreprises.

69      Pour les motifs exposés aux points 55 et 56 ci‑dessus, le présent grief ne saurait d’emblée être écarté comme étant inopérant. Par ailleurs, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les conditions d’une majoration du montant de l’amende énoncées au point 56 ci-dessus sont, en l’espèce, remplies, il convient, en tout état de cause, de le rejeter comme étant non fondé.

70      À cet égard, il convient de préciser, à titre liminaire, que l’affirmation de la requérante selon laquelle elle aurait adopté un comportement passif dans l’entente n’est pas pertinente dans le cadre du présent grief, mais doit être examinée dans le contexte de l’analyse du troisième grief, relatif aux circonstances atténuantes, et ce d’autant plus que, par son argumentation avancée au soutien de ce grief, la requérante réitère et amplifie cette affirmation.

71      Ensuite, il convient de relever que les questions mentionnées par la requérante dans son argumentation ont été examinées, pour l’essentiel, dans la décision attaquée. Ainsi qu’il ressort du considérant 177 de cette décision, l’infraction litigieuse concernait trois produits, à savoir le carbure de calcium en poudre, le magnésium en granulés et le carbure de calcium en granulés et deux marchés, celui des deux premiers produits, substituables entre eux et destinés à l’industrie sidérurgique et celui du troisième, destiné à l’industrie gazière. La Commission se réfère à des accords distincts relatifs à chacun de ces produits (voir, respectivement, considérants 54 à 91, 113 à 135 et 92 à 112 de la décision attaquée), mais conclut, au considérant 177 de sa décision, que ces trois accords s’inscrivaient dans le cadre d’une infraction unique et continue.

72      S’agissant, en particulier, du carbure de calcium en poudre, la Commission a relevé au considérant 56 de la décision attaquée que « [l]es deux premières réunions ont été organisées dans les locaux d’Almamet ». À l’appui de cette constatation, elle a d’ailleurs renvoyé, par la note en bas de page no 106, notamment, à la demande de clémence. Le déroulement de la première réunion est décrit avec davantage de détails aux considérants 64 à 66 de la décision attaquée. Il peut être déduit de cette description que c’était Almamet qui avait invité les autres participants à la réunion, dès lors que non seulement celle‑ci a eu lieu dans ses locaux, mais aussi que c’était son représentant qui avait ouvert la discussion (voir considérant 65 de la décision attaquée).

73      La deuxième réunion relative au même produit a également eu lieu, d’après la décision attaquée (voir considérant 67), dans les locaux d’Almamet. Toutefois, ainsi qu’il ressort du considérant 69 de la décision attaquée, lors de cette deuxième réunion, les participants, dont la requérante, ont décidé d’organiser régulièrement des réunions analogues et d’assumer à tour de rôle la responsabilité de leur organisation. La décision attaquée se réfère par la suite, aux considérants 70 à 89, à neuf autres réunions organisées par différents participants à l’entente, dont deux, en l’occurrence celles des 7 avril 2005 et 25 avril 2006, ont été tenues en Slovaquie et organisées par la requérante (voir, respectivement, considérants 74 et 83 de la décision attaquée).

74      S’agissant du carbure de calcium en granulés, la Commission a relevé, au considérant 98 de la décision attaquée, que la première réunion a eu lieu le 7 avril 2004, dans un hôtel en Slovénie et qu’elle a été organisée par TDR‑Metalurgija d.d. La requérante et Donau Chemie étaient les seules deux autres entreprises à avoir participé à cette réunion. Au considérant 99 de la décision attaquée, la Commission se réfère à deux autres réunions à Bratislava (Slovaquie) entre les trois mêmes producteurs de ce produit. Elle ajoute, toutefois, que les questions relatives au carbure de calcium en granulés étaient également abordées soit dans le cadre des réunions relatives au carbure de calcium en poudre, soit lors des réunions spéciales s’inscrivant dans la prolongation des premières (voir considérants 101 et 108 de la décision attaquée).

75      Enfin, seules Almamet, Donau Chemie et Ecka étaient concernées par l’accord relatif au magnésium. Les autres destinataires de la décision attaquée, y compris la requérante, ne produisaient pas de magnésium. Il ressort du considérant 125 de la décision attaquée que la première réunion entre les trois entreprises concernées par le magnésium a eu lieu vers la fin de 2004 ou au début de 2005, mais que la date exacte n’a pas pu être établie. La décision attaquée se réfère à cinq autres réunions relatives à ce produit. À l’exception de celle du 2 mai 2006, organisée par Ecka qui en a également assumé les frais (voir considérant 129 de la décision attaquée), il n’est pas précisé quelle entreprise a organisé les réunions. Toutefois, le considérant 115 de la décision attaquée relève que les trois entreprises qui participaient à ces réunions assumaient à tour de rôle la responsabilité de leur organisation ainsi que les frais correspondants.

76      Ces considérations plaident toutes contre la thèse soutenue par la requérante, selon laquelle, en substance, l’infraction litigieuse, de par sa nature, nécessitait l’existence d’un ou de plusieurs meneurs. Il ressort, en effet, des considérations de la décision attaquée mentionnées aux points 71 à 73 ci‑dessus que tous les participants à l’entente se trouvaient sur un pied d’égalité. Le fait qu’Almamet a organisé la première réunion relative au carbure de calcium en poudre et que TDR‑Metalurgija a agi de la même manière s’agissant du carbure de calcium en granulés ne semble pas revêtir une signification particulière. Aucun indice dans la décision attaquée ne donne à penser que le rôle de ces deux entreprises dans l’entente était plus important que celui des autres.

77      Il ressort, au contraire, du considérant 54 de la décision attaquée que, selon la Commission, l’accord relatif au carbure de calcium en poudre a trouvé son origine dans la tendance négative que le prix de ce produit manifestait depuis le début du XXIe siècle, combinée à une augmentation du coût de production et à une baisse de la demande.

78      D’après le considérant 104 de la décision attaquée, un sentiment comparable était répandu sur le marché du carbure de calcium en granulés. Ce considérant cite un « employé d’Akzo Nobel » qui aurait prétendu que, pour tous les fournisseurs du produit en question, « des augmentations de prix semblaient nécessaires ». S’agissant du magnésium, également destiné à l’industrie sidérurgique et substituable au carbure de calcium en poudre, la Commission reconnaît, au considérant 113 de la décision attaquée, que la demande de ce produit progressait, mais ajoute, sans être contredite par la requérante, que « les fournisseurs étaient également conscients de l’accroissement de la puissance de leurs clients sur le marché » et étaient, en outre, sous une pression de plus en plus forte à la suite de l’arrivée sur le marché de nouveaux concurrents chinois.

79      Dans un tel contexte, il importe peu de savoir qui a pris l’initiative d’organiser une première réunion, dans la mesure où, ce faisant, cette initiative ne traduisait que les sentiments communs de plusieurs producteurs du produit concerné. Au demeurant, la requérante n’a ni explicité son affirmation, selon laquelle une infraction telle que celle en cause en l’espèce serait difficilement concevable sans un ou plusieurs meneurs, ni invoqué d’éléments concrets à son appui. De plus, les seules questions concrètes évoquées par la requérante dans son argumentation, indépendamment de leur pertinence pour la constatation d’éventuelles circonstances aggravantes, ont en tout cas été abordées pour l’essentiel dans la décision attaquée, comme il a déjà été relevé au point 71 ci‑dessus.

80      Il s’ensuit que l’affirmation de la requérante, selon laquelle la Commission aurait omis d’examiner l’existence d’éventuelles circonstances aggravantes à l’égard de certains autres participants à l’entente et aurait, par cette omission, violé le principe d’égalité de traitement, ne saurait être acceptée. Par conséquent, le deuxième grief n’est pas fondé et doit être écarté.

–       Sur le troisième grief, relatif aux circonstances atténuantes

81      La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir reconnu l’existence de circonstances atténuantes justifiant une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée, conformément au paragraphe 29 des lignes directrices. Elle évoque, dans ce contexte, premièrement, le caractère prétendument négligent de sa participation à l’entente, deuxièmement le caractère passif et limité de cette participation et, troisièmement, sa prétendue coopération avec la Commission, non prise en compte par cette dernière, en dehors du champ d’application de la « communication sur la clémence de 2002/2006 » et au‑delà de ses obligations juridiques de coopérer.

82      En premier lieu, la requérante fait valoir que, à l’époque des faits litigieux, les membres de sa direction étaient des personnes ayant été éduquées et ayant fait carrière dans les conditions de l’économie strictement régulée du régime communiste antérieur à 1989. Ainsi, au moins au début de l’entente, les dirigeants de la requérante n’auraient même pas été conscients du caractère illicite de leur comportement anticoncurrentiel. Ils auraient considéré les réunions de l’entente comme des réunions d’affaires habituelles et auraient fait l’objet de critiques par les autres participants en raison de leur absence de discrétion. La requérante ajoute qu’elle n’avait jamais auparavant fait l’objet d’une enquête ou d’une sanction de la part d’une quelconque autorité de concurrence et elle considère que le caractère négligent de sa participation à l’entente aurait dû être pris en considération, en tant que circonstance atténuante.

83      La Commission répond que l’infraction alléguée a été commise plus de quatorze ans après la fin du régime communiste tchécoslovaque et que la République slovaque avait adopté une législation interdisant des accords analogues avant même son adhésion à l’Union européenne. La requérante rétorque, dans sa réplique, que cette argumentation ne tient pas suffisamment compte des conséquences, pour ses dirigeants à l’époque de l’infraction, du fait qu’ils avaient passé une partie substantielle et formatrice de leur carrière sous un système différent de celui de l’économie de marché.

84      Sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans les détails de ce débat entre les parties, il y a lieu de rappeler que l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, autorise la Commission à infliger des amendes aux entreprises ayant commis une infraction aux dispositions de l’article 81 CE aussi bien dans le cas où cette infraction a été commise de propos délibéré que dans le cas où elle a été commise par négligence.

85      Selon une jurisprudence constante, pour qu’une infraction aux règles de la concurrence puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré et non par négligence, il n’est pas nécessaire que l’entreprise concernée ait eu conscience d’enfreindre les règles de concurrence ; il suffit qu’elle n’ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet d’enfreindre la concurrence dans le marché commun (voir arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, Rec. p. 2117, point 41, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 205, et la jurisprudence citée).

86      En l’espèce, la requérante ne conteste pas avoir participé à l’infraction, mais, au contraire, dans son argumentation relative au présent grief, elle « admet et ne conteste pas [sa responsabilité pour le] comportement anticoncurrentiel de sa direction précédente ». Or, étant donné les faits ayant constitué l’infraction litigieuse, tels qu’ils sont résumés au point 1 ci‑dessus, il est manifeste que les membres de la direction de la requérante qui ont participé pour son compte aux différentes réunions organisées dans le cadre de l’entente et, par la suite, ont mis en œuvre les décisions prises lors de ces réunions, ne pouvaient pas ignorer que leur comportement avait pour objet d’enfreindre la concurrence dans le marché commun. Tel est, en effet, la conséquence directe et immédiate d’un partage de marchés, d’une fixation de quotas, d’une répartition des clients et d’une fixation des prix entre plusieurs participants sur les mêmes marchés, ces comportements relevant tous de l’objet de l’infraction sanctionnée par la décision attaquée.

87      En revanche, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 85 ci-dessus, il est, dans ce contexte, indifférent que les membres de la direction de la requérante aient ignoré, en raison de leurs expériences passées sous l’ancien régime communiste tchécoslovaque ou pour quelque autre raison que ce soit, qu’un tel comportement enfreignait les règles de concurrence nationales ou celles prévues par le droit de l’Union.

88      Comme le relève à juste titre la Commission, la conclusion selon laquelle les membres de la direction de la requérante étaient conscients de l’objet anticoncurrentiel de leur conduite est corroborée par les affirmations de la requérante contenues dans la demande de clémence. La requérante y a expliqué que les membres de sa direction ayant participé aux réunions de l’entente n’avaient pas mentionné les informations y afférentes dans les « rapports de voyage à l’étranger » qu’ils avaient rédigés et dont un certain nombre avait été obtenu par la Commission lors d’une inspection dans les locaux de la requérante. Pour éviter de laisser une trace écrite, lesdits membres auraient présenté ces informations oralement au directeur général et au président du conseil de direction de la requérante. Ce comportement des membres de la direction de la requérante concernés ne peut qu’indiquer qu’ils étaient conscients du caractère anticoncurrentiel, voire illicite de leur participation aux réunions en question, sinon il serait difficile de comprendre la raison pour laquelle ils voulaient éviter toute trace écrite.

89      Il s’ensuit qu’aucune erreur ne saurait être reprochée à la Commission, du fait qu’elle n’a pas accordé à la requérante une réduction du montant de l’amende au motif que cette dernière aurait commis l’infraction par négligence.

90      En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte, au titre de circonstances atténuantes, du caractère passif de sa participation à l’infraction. Elle fait valoir, à cet égard, que les membres de sa direction qui l’avaient représentée lors des différentes réunions de l’entente ne parlaient couramment aucune langue étrangère et devaient avoir recours aux services d’un interprète. Par ailleurs, les autres membres de l’entente auraient fait remarquer que le représentant de la requérante lors des différentes réunions adoptait un comportement passif et ne communiquait pas avec les autres participants. La Commission aurait elle-même reconnu, dans la communication des griefs, que la requérante était le membre le moins actif de l’entente, dès lors qu’elle ne dressait jamais de tableaux, ni ne rassemblait de données émanant de membres de l’entente absents d’une réunion déterminée, ni ne communiquait de telles données aux autres membres. La requérante ajoute que l’entente présentait beaucoup plus d’importance pour Almamet, le distributeur de ses produits, et, de ce fait, elle aurait pu en tirer profit sans même y participer. Ce serait d’ailleurs Almamet qui aurait invité la requérante à participer à l’entente. Avant cette invitation, la requérante n’aurait eu aucun contact régulier avec les autres membres de l’entente.

91      Au regard de cette argumentation, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, d’examiner la gravité relative de la participation de chacune d’entre elles, ce qui implique, en particulier, d’établir leurs rôles respectifs dans l’infraction pendant la durée de leur participation à celle-ci. Cette conclusion constitue la conséquence logique du principe d’individualité des peines et des sanctions en vertu duquel une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés, principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de concurrence du droit de l’Union (voir arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, points 277 et 278, et la jurisprudence citée).

92      Conformément à ces principes, les lignes directrices prévoient, au paragraphe 29, une modulation du montant de base de l’amende en fonction de certaines circonstances atténuantes, qui sont propres à chaque entreprise concernée. Ce paragraphe établit, en particulier, une liste non exhaustive des circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en compte. Il y a toutefois lieu de constater que le « rôle exclusivement passif ou suiviste » d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction ne figure pas sur cette liste non exhaustive, alors qu’il était expressément prévu comme circonstance atténuante au paragraphe 3, premier tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3), remplacées par les lignes directrices.

93      À cet égard, il y a lieu de relever que si, comme il a été relevé au point 47 ci‑dessus, la Commission ne saurait se départir des règles qu’elle s’est elle-même imposées, elle est en revanche libre de modifier ces règles ou de les remplacer. Dans un cas qui relève du champ d’application des nouvelles règles, comme c’est le cas de l’infraction litigieuse qui relève, ratione temporis, du champ d’application des lignes directrices ainsi qu’il ressort du paragraphe 38 de celles‑ci, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’une circonstance atténuante non prévue par ces nouvelles règles, au seul motif qu’elle était prévue dans les anciennes. En effet, le fait que la Commission ait considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que certains éléments constituaient des circonstances atténuantes aux fins de la détermination du montant de l’amende n’implique pas qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr‑Melnhof/Commission, T‑347/94, Rec. p. II‑1751, point 368, et du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 337).

94      Il n’en reste pas moins que, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 92 ci‑dessus, l’énumération des circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en compte par la Commission au paragraphe 29 des lignes directrices n’est pas exhaustive. Par conséquent, le fait que les lignes directrices n’énumèrent pas, parmi les circonstances atténuantes, le rôle passif d’une entreprise ayant participé à une infraction, ne fait pas obstacle à la prise en considération, à ce titre, de cette circonstance, si elle est susceptible de démontrer que la gravité relative de la participation de ladite entreprise à l’infraction est moins importante.

95      Or, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si cette dernière condition est remplie en l’espèce, force est de constater, en tout état de cause, qu’il ne résulte aucunement des éléments et arguments invoqués par la requérante que son rôle dans l’infraction litigieuse était passif ou suiviste.

96      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme l’a jugé le Tribunal dans son arrêt du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission (T‑220/00, Rec. p. II‑2473, points 167 et 168), invoqué par la requérante elle-même à l’appui de son argumentation, un tel rôle passif implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels. Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente, de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction.

97      Or, en l’espèce, premièrement, comme le fait remarquer à juste titre la Commission, la requérante a participé à dix des onze réunions relatives au carbure de calcium en poudre (voir considérants 64 à 88 de la décision attaquée) et a même organisé deux d’entre elles. Elle a également participé à toutes les réunions relatives au carbure de calcium en granulés mentionnées dans la décision attaquée (voir considérants 98 et 99 de la décision attaquée).

98      Deuxièmement, il ressort de la décision attaquée que la contribution de la requérante aux réunions auxquelles elle était présente était comparable à celle des autres participants. En effet, les considérants susmentionnés de la décision attaquée relèvent que les participants aux différentes réunions communiquaient des informations sur leurs volumes de ventes et que, par la suite, le tableau de partage du marché était mis à jour. En outre, les prix à appliquer étaient discutés et des augmentations de prix étaient occasionnellement décidées (voir, par exemple, considérants 67 et 68 de la décision attaquée). Rien dans ces indications ne permet de conclure que le comportement de la requérante était passif ou, plus généralement, différent de celui adopté par les autres participants. Au contraire, il résulte du considérant 73 de la décision attaquée que, dans son rapport interne sur la réunion du 24 janvier 2005, la requérante avait relevé qu’elle avait réussi à compenser une augmentation du prix du coke en augmentant les prix du carbure de calcium. Par ailleurs, selon le considérant 110 de la décision attaquée, la requérante aurait marqué son accord pour accorder des compensations à Donau Chemie pour ses pertes de volume en Autriche, en lui donnant des volumes additionnels en Allemagne. Il s’agit là d’indications consistantes avec une participation de la requérante aux réunions au moins aussi active que celle des autres membres de l’entente.

99      Troisièmement, l’affirmation de la requérante selon laquelle elle n’aurait jamais communiqué, lors d’une réunion, les données fournies par un autre membre de l’entente absent de cette réunion paraît, certes, exacte à la lecture de la décision attaquée, mais ne permet pas de conclure que sa participation à l’entente était passive. En effet, il ressort de la décision attaquée que la plupart des membres de l’entente étaient présents lors des réunions. Le fait que, occasionnellement, un membre ne pouvait pas participer à une réunion déterminée et transmettait les données le concernant à un autre membre qui, ensuite, les présentait lors de la réunion en question (voir, à titre d’exemple, le considérant 83 de la décision attaquée, selon lequel Akzo Nobel ne pouvait pas participer à la réunion du 25 avril 2006, mais avait communiqué, au préalable, les chiffres le concernant à Donau Chemie) ne paraît pas avoir revêtu une importance particulière et ne constitue pas, en soi, une indication d’une participation plus active du membre de l’accord ayant fourni un tel service à un autre membre absent.

100    Quatrièmement, l’affirmation de la requérante selon laquelle les autres membres de l’entente auraient fait allusion au comportement passif de son représentant lors des réunions n’est étayée d’aucune preuve.

101    S’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle il aurait été reconnu, dans la communication des griefs, qu’elle était le membre le moins actif de l’entente, le Tribunal lui a demandé, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, de produire l’extrait de ladite communication auquel elle se référait. En réponse à cette demande, la requérante a indiqué, en substance, que la référence, dans la communication des griefs, au fait qu’Almamet avait pris l’initiative pour l’organisation des réunions de l’entente, au fait que les réunions ultérieures étaient présidées par le représentant de SKW Stahl‑Metallurgie et au fait que le représentant de Donau Chemie était souvent chargé de mettre à jour et de distribuer les tableaux échangés entre les participants, alors que la requérante elle‑même n’était souvent pas spécifiquement évoquée lors de la description des différentes réunions, constituait une indication de son rôle passif dans l’entente.

102    Force est de constater que la requérante n’invoque aucune reconnaissance expresse, figurant dans la communication des griefs, de son rôle prétendument passif dans l’entente. En effet, la requérante admet implicitement que l’affirmation dont il est question au point précédent ne se retrouve, en tant que telle, nulle part dans la communication de griefs, mais constitue sa propre interprétation de celle-ci. Or, cette interprétation ne saurait être acceptée. Ainsi qu’il a été relevé au point 99 ci‑dessus, le seul fait que certains participants à l’entente auraient assumé certaines tâches administratives lors des différentes réunions de l’entente ne suffit pas pour conclure que le rôle des autres était passif. Cela est d’autant plus le cas que la requérante n’a pas contesté avoir elle-même organisé deux réunions du volet de l’entente relatif au carbure de calcium en poudre (voir point 73 ci‑dessus).

103    Cinquièmement, la question du niveau de connaissance des langues étrangères des deux membres de la direction de la requérante qui l’ont représentée lors des réunions de l’entente est dépourvue de pertinence. En effet, quelles qu’aient été ces connaissances, ce qui importe est que, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 98 ci‑dessus, la requérante a participé auxdites réunions d’une manière aussi active que les autres membres de l’entente, c’est-à-dire qu’elle a communiqué les données relatives à ses ventes, a eu connaissance des données analogues des autres membres de l’entente et a pris des engagements concernant le partage des marchés pertinents, la fixation de quotas, la répartition des clients ainsi que la fixation des prix. Le fait, à le supposer avéré, que, en raison d’un manque de connaissances linguistiques, l’interaction sociale entre les représentants de la requérante et ceux des autres membres de l’entente ait été restreinte est, à cet égard, indifférent.

104    Sixièmement, le fait que la requérante aurait profité de l’entente sans y participer, en raison de la participation d’Almamet, à le supposer établi, ne constitue ni une justification pour sa participation à l’entente ni une circonstance atténuante.

105    En tout état de cause, cette affirmation de la requérante méconnaît ses propres déclarations contenues dans la demande de clémence, comme le remarque à juste titre la Commission. Il ressort en effet de cette demande que la requérante se proposait d’augmenter le prix de vente de ses produits à Almamet. Cette dernière aurait répondu, en substance, qu’une telle augmentation l’obligerait à augmenter les prix auxquels elle vendait aux clients finaux et que ces derniers s’opposeraient à une telle augmentation. Almamet aurait alors relevé que la seule solution aurait consisté en l’organisation d’une réunion des producteurs et des fournisseurs concernés, en vue d’une augmentation des prix. La requérante aurait répondu que, indépendamment de la manière dont Almamet aurait décidé de s’attaquer au problème, celle-ci devait accepter une augmentation des prix d’achat chez elle. Ces affirmations de la requérante indiquent qu’Almamet a pris l’initiative d’organiser la première réunion relative au carbure de calcium en poudre à la suite de la pression exercée par la requérante et que cette dernière, qui était au courant de cette initiative, non seulement ne l’a pas découragée et ne s’en est pas dissociée, mais, au contraire, a maintenu la pression en insistant sur une augmentation des prix. Ces affirmations ne confirment pas la thèse selon laquelle la participation de la requérante était passive, mais l’infirment au contraire considérablement.

106    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que c’est à juste titre que la Commission n’a pas pris en considération, en tant que circonstance atténuante, le caractère prétendument passif de la participation de la requérante à l’infraction.

107    En troisième lieu, la requérante considère que sa coopération effective avec la Commission aurait dû être prise en considération par cette dernière en tant que circonstance atténuante. Elle fait valoir à cet égard qu’elle a accepté sa part de responsabilité pour l’infraction, tout en exprimant son désaccord avec le caractère excessif de l’évaluation de la gravité relative de sa participation à celle-ci et de l’amende qui lui a été infligée. Elle considère que ses aveux relatifs à la participation des membres de sa direction aux réunions de l’entente et le fait d’avoir confirmé l’existence même d’une entente horizontale tendant à la fixation des prix ne constituent pas une simple absence de contestation des faits établis par la Commission, ainsi que le laisse entendre le considérant 327 de la décision attaquée. Elle ajoute qu’elle n’a pas tenté de contester chacune des conclusions de la Commission relatives à l’infraction litigieuse, mais qu’elle avait plutôt l’intention d’assister la Commission dans son enquête. Elle fait remarquer, à cet égard, que plusieurs considérants de la décision attaquée renvoient à ses déclarations en tant qu’éléments de preuve. En particulier, la requérante mentionne, à titre d’exemple, les notes en bas de page nos 100, 104, 106, 111, 118, 146 à 150, 158, 161, 174, 180, 182 à 185, 188, 190, 194 et 617 de la décision attaquée.

108    Dans sa réplique, la requérante relève que son argumentation est également confirmée par le mémoire en défense de la Commission qui contient, selon elle, de nombreux renvois à la demande de clémence. Elle soutient, par ailleurs, que, en sanctionnant une entreprise pour sa coopération au lieu de la récompenser, la Commission renverse l’objectif des dispositifs de coopération tels qu’ils résultent de la « communication sur la clémence de 2002/2006 » et viole les principes de bonne administration de la justice et de l’interdiction de l’auto‑incrimination. Elle considère que, dans ces conditions, les arguments de la Commission étayés par des références à la demande de clémence et les preuves y afférentes doivent être écartés comme étant dépourvus de pertinence.

109    S’agissant de l’argumentation de la requérante résumée au point précédent, il convient de relever que, certes, comme le soutient à juste titre la Commission, l’utilisation par cette dernière, dans ses écrits devant le Tribunal, de la demande de clémence de la requérante ne saurait ni affecter la validité de la décision attaquée, dès lors qu’elle lui est postérieure, ni constituer un indice utile de la valeur ajoutée de cette déclaration par rapport aux autres éléments de preuve dont disposait la Commission. Il n’en demeure pas moins que l’argumentation de la requérante pose la question de la licéité de l’utilisation de la demande de clémence lors de la procédure devant le Tribunal. Il y a lieu, dès lors, d’examiner tout d’abord cette question, compte tenu des nombreuses références à la demande de clémence figurant dans l’argumentation de la Commission.

110    À cet égard, il doit être constaté que la coopération au titre de la communication sur la clémence de 2002 revêt un caractère purement volontaire de la part de l’entreprise concernée. Celle-ci n’est en effet en aucune manière contrainte de fournir des éléments de preuve concernant l’entente présumée. Le degré de coopération que l’entreprise souhaite offrir au cours de la procédure administrative relève donc exclusivement de son libre choix et n’est, en aucun cas, imposé par ladite communication (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C‑65/02 P et C‑73/02 P, Rec. p. I‑6773, point 52, et conclusions de l’avocat général M. Léger sous cet arrêt, Rec. p. I‑6777, point 140).

111    Par ailleurs, le point 31 de la communication sur la clémence de 2006, qui trouve à s’appliquer en l’espèce (voir point 27 ci-dessus), relève, notamment, que « [t]oute déclaration faite à la Commission dans le cadre de la présente communication fait partie du dossier de la Commission et peut donc être invoquée à titre de preuve ». Il s’ensuit que, depuis la publication de la communication sur la clémence de 2006, une entreprise qui, comme la requérante en l’espèce, décide de soumettre une déclaration en vue de l’obtention d’une réduction du montant de l’amende, est consciente du fait que, alors qu’une réduction ne lui sera accordée que si, de l’avis de la Commission, les conditions d’une réduction prévues dans la communication sont remplies, la déclaration fera en tout état de cause partie du dossier et pourra être invoquée à titre de preuve, y compris contre son auteur.

112    Ayant, donc, librement et en toute connaissance de cause, choisi de soumettre une telle déclaration, l’entreprise concernée ne saurait utilement se prévaloir de la jurisprudence relative à l’interdiction de l’auto-incrimination. Il ressort notamment de cette jurisprudence que la Commission ne saurait imposer à une entreprise l’obligation d’apporter des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l’existence de l’infraction dont il appartient à la Commission d’établir la preuve (arrêts de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, points 34 et 35 ; du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 61 et 65, et ThyssenKrupp/Commission, point 110 supra, point 49). Or, en l’espèce, dès lors que la requérante a soumis la demande de clémence de sa propre volonté et sans y être obligée, elle ne saurait utilement faire valoir son droit de ne pas être contrainte par la Commission d’avouer sa participation à une infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 35).

113    Par conséquent, la requérante ne saurait faire grief à la Commission de s’être appuyée sur la demande de clémence dans ses écrits devant le Tribunal.

114    S’agissant, ensuite, de la question de savoir si ladite demande est constitutive d’une coopération effective susceptible d’être prise en considération en tant que circonstance atténuante, aux termes du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices, il y a lieu de relever que l’application de cette disposition des lignes directrices ne saurait avoir pour conséquence de priver la communication sur la clémence de 2002 de son effet utile. En effet, il y a lieu de constater que la communication sur la clémence de 2002 définit un cadre permettant de récompenser, pour leur coopération à l’enquête de la Commission, les entreprises qui sont ou ont été parties à des ententes secrètes affectant l’Union. Il ressort donc du libellé et de l’économie de ladite communication que les entreprises ne peuvent, en principe, obtenir une réduction du montant de l’amende au titre de leur coopération que lorsqu’elles satisfont aux conditions strictes prévues par elle (arrêts du Tribunal du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, Rec. p. II‑2287, point 169 ; du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission, T‑39/06, Rec. p. II‑6831, point 329, et du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission, T‑208/06, Rec. p. II‑7953, point 271).

115    Dès lors, afin de préserver l’effet utile de la communication sur la clémence de 2002, ce n’est que dans des situations exceptionnelles qu’une réduction du montant de l’amende à une entreprise sur la base du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices doit être octroyée. Tel est le cas notamment lorsque la coopération d’une entreprise, tout en allant au-delà de son obligation légale de coopérer, sans toutefois lui donner droit à une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la clémence de 2002, est d’une utilité objective pour la Commission. Une telle utilité doit être constatée lorsque la Commission se repose dans sa décision finale sur des éléments de preuve qu’une entreprise lui a fournis dans le cadre de sa coopération et en l’absence desquels la Commission n’aurait pas été en mesure de sanctionner totalement ou partiellement l’infraction en cause (arrêts Arkema France/Commission, point 114 supra, point 170 ; Transcatab/Commission, point 114 supra, point 330, et Quinn Barlo e.a./Commission, point 114 supra, point 270).

116    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 358 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les informations contenues dans la demande de clémence ne fournissaient pas une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en sa possession et elle a, dès lors, décidé de ne pas octroyer une réduction du montant de l’amende à la requérante (voir, également, point 38 ci‑dessus).

117    Il appartient à la requérante d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (voir, en ce sens, arrêt KME Germany e.a./Commission, point 50 supra, point 132). Or, ainsi qu’il ressort du résumé de l’argumentation de la requérante figurant au point 107 ci‑dessus, le seul argument concret invoqué par elle pour infirmer l’appréciation de la décision attaquée, telle qu’elle est résumée au point précédent, tient au fait que cette décision renvoie, à plusieurs endroits, à ses déclarations contenues, notamment, dans la demande de clémence.

118    Il convient de relever que, lors de la procédure administrative, la requérante et sa société mère avaient invoqué un argument analogue, tiré de l’utilisation, par la Commission, des informations fournies par la requérante. Cet argument a été rejeté par la Commission, au considérant 359 de la décision attaquée. La Commission a expliqué que le critère pertinent n’était pas l’usage qu’elle faisait de l’information fournie par un participant à l’entente, mais plutôt la valeur ajoutée significative éventuelle de cette information. Le fait de fournir davantage d’informations sur ce qui est déjà connu ne constituerait pas un ajout d’une valeur significative. La Commission a également indiqué, au même considérant, que la requérante n’avait pas mentionné, dans les informations qu’elle a fournies, le fait que le comportement anticoncurrentiel s’étendait au carbure de calcium en granulés, alors que son implication, y compris pour cette partie de l’infraction, était clairement documentée.

119    La considération selon laquelle des informations fournies par un participant à l’infraction ne présentent pas une utilité objective lorsqu’elles portent sur des faits connus de la Commission et pour lesquels cette dernière dispose déjà de preuves suffisantes est conforme à la jurisprudence mentionnée au point 115 ci‑dessus et doit être approuvée.

120    Se pose alors la question de savoir si tel était effectivement le cas en ce qui concerne les informations fournies par la requérante, notamment dans la demande de clémence. Or, la requérante se limite, à cet égard, à invoquer les renvois à ses déclarations, tels qu’ils figurent dans la décision attaquée, sans expliquer quels étaient les éléments d’information ou de preuve concrets qu’elle a fournis à la Commission et dont cette dernière ne disposait pas antérieurement.

121    Par ailleurs, il convient de relever que, parmi les nombreuses notes en bas de page de la décision attaquée, évoquées par la requérante dans son argumentation, seules trois renvoient uniquement aux déclarations de la requérante. Les autres notes en bas de page évoquées mentionnent également soit des documents obtenus par la Commission lors des inspections, soit des déclarations d’Akzo Nobel et d’Evonik Degussa qui, ainsi qu’il a été mentionné au point 39 ci‑dessus, ont bénéficié, respectivement, d’une immunité et d’une réduction du montant de l’amende, précisément au titre de leur coopération. Ces autres notes en bas de page confirment donc la thèse de la Commission selon laquelle les informations fournies par la requérante portaient sur des faits déjà connus et suffisamment étayés par des éléments de preuve.

122    Les trois notes en bas de page qui ne mentionnent que les déclarations de la requérante sont celles portant les numéros 111, 118 et 617. La note en bas de page no 111 se réfère à la demande de clémence pour appuyer l’affirmation, figurant au considérant 56, dernière phrase, de la décision attaquée, selon laquelle, au cours de chaque réunion de l’entente, les participants s’accordaient, en règle générale, sur la date et le lieu de la prochaine réunion. À supposer même que cette information n’ait été portée à la connaissance de la Commission que par la requérante, il ne s’agit manifestement pas d’un élément significatif d’une utilité objective, mais plutôt d’un élément tout à fait secondaire.

123    La note en bas de page no 118 se réfère à une déclaration de la requérante, en date du 18 février 2008, pour appuyer les informations, figurant au considérant 57, cinquième tiret, de la décision attaquée, ayant trait aux fonctions exercées par les personnes ayant représenté la requérante lors des réunions relatives au carbure de calcium en poudre. Dès lors que ces indications concernaient spécifiquement la requérante, il est compréhensible qu’il ne soit fait référence, à leur égard, qu’à un document fourni par celle-ci. En tout état de cause, les fonctions exercées par les personnes ayant représenté la requérante lors des réunions en question n’étaient que d’une utilité marginale pour la Commission, et ce d’autant plus que la requérante n’avait pas contesté et ne conteste pas avoir participé auxdites réunions ou, plus généralement, à ce volet de l’infraction.

124    Enfin, la note en bas de page no 617 complète l’affirmation, figurant au considérant 294 de la décision attaquée, selon laquelle l’infraction litigieuse comptait parmi les restrictions de concurrence les plus graves, par une référence à une affirmation analogue contenue dans la réponse de la requérante à la communication des griefs. Ainsi, dans ce cas, la référence aux écrits de la requérante durant la procédure administrative ne concerne même pas un élément de fait ou de preuve, mais une simple appréciation de la gravité de l’infraction. À l’évidence, il ne saurait être question, dans ce cas non plus, d’un élément d’une utilité objective.

125    Il s’ensuit que l’affirmation de la requérante, selon laquelle les différentes références à ses déclarations dans la décision attaquée témoignent de leur utilité pour l’enquête de la Commission, ne saurait être retenue.

126    Il convient également de relever que la requérante n’a pas contesté l’affirmation, figurant au considérant 359 de la décision attaquée, selon laquelle elle avait évité de mentionner, dans la demande de clémence, le fait que le comportement anticoncurrentiel litigieux concernait également le carbure de calcium en granulés. En effet, les considérants 92 à 112 de la décision attaquée, qui concernent les réunions relatives au carbure de calcium en granulés, ne contiennent que trois renvois à la demande de clémence (notes en bas de page nos 241, 249 et 276) dont aucun ne paraît avoir été d’une utilité objective pour l’enquête de la Commission relative à cet aspect de l’infraction. En particulier, le renvoi à la note en bas de page no 249 concerne une information insignifiante, en l’occurrence le fait que la réunion du 7 avril 2004 a été précédée d’un dîner la veille, alors que ceux figurant aux notes en bas de page nos 241 et 276 font référence au fait que, par deux occasions, certains participants à l’entente, dont la requérante, ont refusé une proposition de Donau Chemie de discuter du prix du carbure de calcium en granulés (voir, respectivement, considérants 95 et 108 de la décision attaquée).

127    Il s’ensuit que la requérante, alors même qu’elle ne contestait pas sa participation au volet de l’infraction qui concernait le carbure de calcium en granulés, s’est gardée de révéler, dans la demande de clémence, des éléments de fait et de preuve qui auraient pu présenter une utilité pour l’enquête de la Commission relative à cet aspect de l’infraction. Il s’agit d’un élément additionnel qui plaide également contre la reconnaissance du caractère objectivement utile de la prétendue coopération de la requérante.

128    Il résulte des considérations qui précèdent que l’argument de la requérante, selon laquelle sa prétendue coopération effective avec la Commission aurait dû être prise en considération au titre d’une circonstance atténuante, ne saurait être admis.

129    Aucun des arguments invoqués par la requérante pour démontrer que des circonstances atténuantes auraient dû être retenues à son égard n’ayant été accueilli, il convient de conclure que le troisième grief de la requérante n’est pas fondé et doit être rejeté.

–       Sur le quatrième grief, relatif à la réduction du montant de l’amende octroyée à Almamet

130    Dans sa requête, la requérante a relevé que, dans la décision attaquée, la Commission a accordé une réduction du montant de l’amende à Almamet (voir point 41 ci‑dessus) en raison de sa prétendue incapacité contributive, sans le moindre motif raisonnable, alors qu’une demande analogue de la requérante a été rejetée, ce qu’elle conteste d’ailleurs par son deuxième moyen. La réduction accordée à Almamet constituerait une violation grave du principe de proportionnalité et d’égalité de traitement, et ce d’autant plus qu’Almamet serait l’un des incitateurs de l’infraction.

131    La Commission a précisé, devant le Tribunal, que la réduction du montant de l’amende accordée à Almamet était fondée sur le paragraphe 37 des lignes directrices et non sur le paragraphe 35. La requérante a répondu que cette précision rendait d’autant plus convaincant son grief tiré de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. Il résulterait des explications figurant aux considérants 369 à 371 de la décision attaquée que le risque de faillite d’Almamet serait faible et que même une telle éventualité n’entraînerait pas la perte totale de la valeur des actifs de cette entreprise. La requérante considère avoir démontré que sa situation financière était pire que celle d’Almamet. Par ailleurs, les caractéristiques d’Almamet, énumérées au considérant 372 de la décision attaquée pour motiver la réduction du montant de l’amende qui lui a été accordée, seraient comparables à celles de la requérante, si bien que, sauf à violer de manière manifeste le principe d’égalité de traitement, la Commission serait tenue d’accorder à celle-ci une réduction du montant de l’amende analogue.

132    Il convient de constater, d’emblée, qu’il ressort de la lecture des considérants 369 à 371 de la décision attaquée que la Commission est parvenue à la conclusion que la demande d’Almamet, fondée sur le paragraphe 35 des lignes directrices, ne pouvait être accueillie.

133    Toutefois, au considérant 372 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, « sans préjudice de l’analyse précédente », il convenait de tenir compte du fait qu’Almamet était un négociant indépendant de très petite taille qui n’appartenait à aucun grand groupe de sociétés. Almamet serait active dans le négoce de matériaux de valeur élevée avec une marge de profit plutôt réduite et elle aurait un « portefeuille de produits relativement focalisé ». La Commission a ajouté que « [l]e fait que l’amende imposée aurait un impact relativement élevé sur la situation financière de ce type de société » était également pris en considération. La Commission a conclu que, au regard de ces « caractéristiques spéciales » d’Almamet, elle considérait qu’une réduction du montant de l’amende de 20 % était appropriée, dès lors qu’Almamet serait, en tout état de cause, suffisamment dissuadée par une amende de ce niveau. La Commission a renvoyé, en note en bas de page no 685, au paragraphe 37 des lignes directrices. Elle a également fait remarquer, à la dernière phrase du considérant 372 de la décision attaquée, que, compte tenu de l’adaptation de l’amende à infliger à Almamet, la « conclusion [énoncée] au considérant (371) [selon laquelle] l’amende imposée [était] peu [susceptible] de mettre en danger irrémédiablement la viabilité économique d’Almamet reste également valide ».

134    Il en résulte que la requérante ne saurait invoquer une quelconque inégalité de traitement par rapport à Almamet, s’agissant de l’examen de leurs demandes de réduction du montant de l’amende fondées sur le paragraphe 35 des lignes directrices, dès lors que ces demandes ont toutes les deux été rejetées. Ainsi que l’a précisé la Commission dans son mémoire en défense, en accordant une réduction de 20 % à Almamet, elle a fait usage de la faculté qu’elle s’est réservée au paragraphe 37 desdites lignes de se départir, en tout ou en partie, de la méthodologie pour la fixation d’amendes exposée dans ces lignes, afin de tenir compte des particularités d’une affaire donnée. Le renvoi, en note en bas de base no 685, audit paragraphe 37, confirme cette conclusion, laquelle est également confirmée par le considérant 361 de la décision attaquée, où le montant de l’amende à imposer à Almamet est indiqué comme étant 3,8 millions d’euros « avant réduction [conformément au paragraphe] 37 » des lignes directrices.

135    Or, il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 47 ci‑dessus que la Commission ne saurait s’écarter de ses propres lignes directrices que dans l’hypothèse où la différenciation de traitement entre plusieurs participants à une infraction qui en résulterait serait compatible avec le principe d’égalité de traitement. Selon une jurisprudence constante, ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Novartis Pharmaceuticals, C‑106/01, Rec. p. I‑4403, point 69, et la jurisprudence citée).

136    Dans ces conditions, le présent grief de la requérante ne peut qu’être compris en ce sens qu’elle fait valoir que la Commission aurait dû s’écarter des lignes directrices également dans son cas, pour lui accorder la même réduction d’amende que celle accordée à Almamet. Un tel grief ne saurait prospérer que dans l’hypothèse où l’inégalité de traitement apparente entre Almamet, qui a vu son amende réduite de 20 %, et la requérante, qui n’a pas bénéficié d’une telle réduction, ne serait pas compatible avec le principe d’égalité de traitement. Il résulte de la jurisprudence citée au point précédent que, pour que tel soit le cas, ces deux sociétés devaient se trouver dans une situation comparable.

137    Ainsi qu’il a été relevé ci‑dessus (point 133), la décision attaquée a énuméré certaines « caractéristiques spéciales » d’Almamet pour justifier la réduction du montant de l’amende qui lui a été accordée. Il convient de relever que, en effet, une entreprise qui présente ces caractéristiques se trouve, du point de vue d’une éventuelle réduction d’amende en dehors des cas spécifiquement prévus dans les lignes directrices, dans une situation différente de celle d’une entreprise qui ne présente pas lesdites caractéristiques.

138    Premièrement, il y a lieu de rappeler que l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 prévoit, notamment, que pour chaque entreprise participant à une infraction aux dispositions de l’article 81 CE, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent. Selon la jurisprudence, le plafond relatif au chiffre d’affaires vise à éviter que les amendes infligées par la Commission soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise concernée (arrêts de la Cour Musique Diffusion française e.a./Commission, point 45 supra, point 119, et du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 24).

139    Or, ce plafond n’est pas suffisant pour éviter le caractère éventuellement disproportionné de l’amende infligée dans le cas d’un négociant actif dans le commerce de matériaux d’une valeur élevée avec une marge de profit réduite, tel qu’Almamet. En effet, en raison de la valeur élevée des matériaux concernés, une telle entreprise peut présenter un chiffre d’affaires élevé de façon disproportionnée par rapport à ses profits et à ses actifs, lesquels seuls seront consacrés au paiement de l’amende.

140    Deuxièmement, dès lors que, selon la méthodologie des lignes directrices, l’amende est fixée en prenant comme point de départ une proportion de la valeur des ventes réalisées par l’entreprise en question sur le marché concerné par l’infraction (voir point 21 ci‑dessus), le risque d’une amende disproportionnée, car représentant une partie très significative du chiffre d’affaires global de ladite entreprise, est d’autant plus élevé dans le cas d’une entreprise qui, comme Almamet, dispose d’un « portefeuille de produits relativement focalisé ».

141    Troisièmement, le fait qu’Almamet était une entreprise de très petite taille qui n’appartenait à aucun grand groupe est également pertinent, dès lors qu’elle devrait seule faire face à l’amende, aucune autre société n’étant solidairement responsable avec elle pour le paiement de cette amende ou, plus généralement, n’étant en mesure de lui fournir son appui à cette fin.

142    La requérante n’a pas contesté le fait qu’Almamet présentait effectivement les caractéristiques spéciales énumérées au considérant 372 de la décision attaquée pour justifier la réduction du montant de l’amende qui lui a été accordée. Afin de répondre au présent grief de la requérante, il convient, par conséquent, d’examiner seulement si cette dernière présentait également ces mêmes caractéristiques.

143    La requérante soutient que tel est le cas, mais elle avance, à cet égard, une argumentation vague et générale, sans procéder à une comparaison détaillée entre sa situation et celle d’Almamet, du point de vue des caractéristiques de cette dernière évoquées au considérant 372 de la décision attaquée. En outre, comme le fait remarquer à juste titre la Commission, la requérante admet elle-même que son portefeuille de produits n’est pas aussi concentré que celui d’Almamet. Au demeurant, si elle affirme vendre ses produits en dégageant une très faible marge, elle n’a ni détaillé cette affirmation ni étayé celle‑ci par un quelconque élément de preuve. De plus, il convient de constater que la requérante est un producteur et non un négociant, comme Almamet, et que, contrairement à cette dernière, elle appartenait, à l’époque de l’infraction, à un groupe de sociétés et elle s’est vu infliger l’amende conjointement et solidairement avec sa société mère.

144    Par ailleurs, la Commission a également fait remarquer, à juste titre, que le chiffre d’affaires global de la requérante lors du dernier exercice complet avant la décision attaquée s’élevait à 205 millions d’euros (considérant 24 de la décision attaquée), alors que celui d’Almamet était compris entre 45 et 50 millions d’euros (considérant 15 de la décision attaquée). En d’autres termes, il existait une différence de taille considérable entre ces deux entreprises. Il résulte également des mêmes considérants de la décision attaquée que, dans le cas d’Almamet, environ 50 % de son chiffre d’affaires global était réalisé avec les produits concernés par l’infraction, alors que, pour la requérante, cette proportion était de 10 %, c’est-à-dire nettement moins élevée.

145    Contrairement à ce qu’a fait valoir la requérante dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, le chiffre d’affaires global considérablement moins élevé d’Almamet n’a pas constitué le critère déterminant sur lequel la Commission s’est fondée pour accorder une réduction du montant de l’amende à Almamet. Ainsi qu’il a été relevé au point 133 ci‑dessus, cette décision est justifiée par référence à certaines caractéristiques spécifiques d’Almamet, lesquelles ne s’appliquent pas à la requérante. La différence des chiffres d’affaires globaux et, partant, de taille entre ces deux entreprises constitue un élément additionnel, invoqué par la Commission devant le Tribunal, pour démontrer que les deux entreprises ne se trouvaient pas dans la même situation. Il convient, en outre, d’ajouter que, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, il ne ressort pas de la décision attaquée que les difficultés financières auxquelles se voyait confrontée Almamet aient joué un rôle déterminant, s’agissant de la décision de la Commission de lui accorder une réduction du montant de l’amende en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices.

146    La Commission a également invoqué dans ses écrits les rapports annuels de la requérante, au titre des exercices 2007 et 2008 et, sur demande du Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, elle les a produits. Il ressort desdits rapports que, en 2007, le carbure de calcium et les gaz techniques ont représenté 30,63 % des ventes de la requérante et que les mêmes produits avaient contribué pour 28,95 % à ses exportations. Ces informations corroborent la conclusion selon laquelle le portefeuille de produits de la requérante était significativement moins concentré que celui d’Almamet.

147    Enfin, s’agissant de l’affirmation de la requérante, selon laquelle Almamet était un des incitateurs de l’infraction litigieuse, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 76 à 79 ci‑dessus, la Commission n’a pas retenu une telle circonstance aggravante à l’encontre d’Almamet ou d’un autre participant à l’infraction et rien dans l’argumentation de la requérante ne permet de constater que cette conclusion est erronée.

148    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient d’écarter comme non fondé le quatrième grief de la requérante.

–       Sur le cinquième grief, relatif à l’amende en tant qu’elle est calculée en proportion des chiffres d’affaires globaux des destinataires de la décision attaquée

149    À l’appui du cinquième grief avancé dans le cadre du premier moyen, la requérante rappelle dans sa requête, en premier lieu, la jurisprudence selon laquelle la fixation d’une amende appropriée pour une infraction aux règles de la concurrence ne peut être le résultat d’un simple calcul basé sur le chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée, en se référant à l’arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 45 supra (point 121) et, en second lieu, la jurisprudence selon laquelle la Commission n’est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction en cause, d’assurer, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation parmi celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou leur chiffre d’affaires pertinent, en se référant à l’arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 47 supra (point 312). Elle se réfère également aux paragraphes 6 et 27 des lignes directrices dont il ressort, selon elle, que la fixation du montant de l’amende ne saurait résulter d’une méthode de calcul automatique et arithmétique, mais doit être effectuée dans le cadre d’une appréciation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes et donc, en définitive, dans le respect du principe de proportionnalité.

150    La requérante considère que, en l’espèce, les amendes imposées aux participants à l’infraction litigieuse reflètent le chiffre d’affaires pertinent et non d’autres facteurs plus importants, ce qui mène au résultat « inéquitable et absurde » qu’elle s’est vu infliger de loin l’amende la plus élevée, tant en valeur absolue qu’en proportion du chiffre d’affaires global. La requérante se réfère, à l’appui de ces affirmations, à un tableau de comparaison des montants des amendes imposées aux différents participants de l’infraction. Elle fait valoir que, bien que la Commission se soit apparemment conformée aux lignes directrices en termes de calcul arithmétique de l’amende qu’elle lui a infligée et que le montant élevé de cette amende par rapport à celles infligées aux autres participants à l’infraction reflète le fait que les produits concernés constituent le cœur de ses ventes, une violation manifeste du principe de proportionnalité ne saurait être contestée.

151    La requérante invoque, à cet égard, le fait que, comme il résulte du tableau qu’elle présente, même une « société géante comme Akzo Nobel » aurait été sanctionnée, si sa demande de clémence n’avait pas été accueillie, par une amende inférieure en termes absolus à la sienne et ne représentant que 0,113 % de son chiffre d’affaires mondial, et ce malgré le fait qu’elle était l’un des membres les plus actifs de l’entente et qu’elle était un récidiviste. La requérante ajoute que des membres de l’entente ayant des chiffres d’affaires globaux bien plus élevés que le sien ont été sanctionnés par des amendes qui n’ont qu’un impact symbolique sur leurs budgets, alors que l’amende qui lui a été infligée, si elle était payée, la contraindrait à mettre fin à ses activités.

152    La requérante souligne également, dans ce contexte, que la fixation à 17 % de la valeur des ventes à prendre en considération dans le cadre de l’application des paragraphes 21 et 25 des lignes directrices peut apparaître comme une approche clémente de la part de la Commission, mais ne l’est pas en ce qui la concerne, dès lors qu’un pourcentage plus élevé aurait conduit au dépassement, dans son cas, du seuil de 10 % de son chiffre d’affaires global. Au contraire, cette apparente clémence ne ferait que souligner le caractère disproportionné de l’amende qui lui a été infligée, par rapport à celle infligée à d’autres participants.

153    Elle ajoute que « la structure et le montant des amendes imposées » par la Commission dans la décision attaquée donnent l’impression erronée qu’elle était l’entreprise dont la participation à l’infraction était la plus grave, qu’elle avait le chiffre d’affaires le plus important et qu’elle avait même été le chef de file de l’entente et son membre le plus actif. Elle s’interroge sur le point de savoir quelle aurait été l’amende qui lui aurait été infligée si toutes ces hypothèses correspondaient à la réalité, étant donné que le montant de l’amende qui lui a été infligée est déjà très proche du seuil de 10 % de son chiffre d’affaires global.

154    Au regard de cette argumentation de la requérante, il y a lieu de relever que celle‑ci fournissait deux des trois produits concernés par l’infraction, à savoir le carbure de calcium en poudre et le carbure de calcium en granulés. Ainsi qu’il ressort du tableau figurant au considérant 288 de la décision attaquée, la valeur des ventes desdits produits par la requérante durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction s’élevait, pour le premier de ces deux produits, à une somme comprise entre 5 et 10 millions d’euros et, pour le second, à une somme comprise entre 20 et 25 millions d’euros. S’agissant du premier produit, la valeur des ventes de la requérante était comparable à celle de trois autres participants à l’entente, en l’occurrence Donau Chemie, Evonik Degussa et Holding Slovenske elektrarne d.o.o., et n’était dépassée que par la valeur de ventes de deux autres participants. En ce qui concerne le second produit, la valeur des ventes de la requérante était de loin supérieure à celle des ventes des autres participants à l’infraction. Seulement trois autres participants à l’infraction fournissaient ce produit et la valeur de leurs ventes se situait entre 3 et 5 millions d’euros, dans le cas d’Akzo Nobel, et entre 5 et 10 millions d’euros, dans les cas de Donau Chemie et de Holding Slovenske elektrarne. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du tableau figurant au considérant 304 de la décision attaquée, la requérante s’est vu appliquer, pour ces deux produits, des multiplicateurs déterminés en fonction d’années de participation à l’infraction qui étaient les plus élevés parmi ceux appliqués aux participants à l’infraction, à savoir 2,5 pour le carbure de calcium en poudre et 3 pour le carbure de calcium en granulats (voir point 33 ci‑dessus).

155    Compte tenu de ces éléments, aucunement contestés par la requérante, il n’est pas surprenant qu’elle se soit vu infliger l’amende la plus élevée en valeur absolue parmi celles imposées par la décision attaquée. Il convient également de relever que la deuxième amende la plus élevée, soit 13,3 millions d’euros, a été infligée conjointement et solidairement à SKW Stahl‑Metallurgie GmbH, SKW Stahl‑Metallurgie AG et Arques Industries, à savoir au groupe d’entreprises dont la valeur des ventes pour le carbure de calcium était la plus élevée parmi tous les participants à l’infraction. Toutefois, ledit groupe ne fournissait pas de carbure de calcium en granulés, mais du magnésium en granulés, pour une valeur de ventes située entre 5 et 10 millions d’euros. Le multiplicateur qui lui a été appliqué pour ce dernier produit avait été fixé à 1,5, soit significativement moins que le multiplicateur appliqué à la requérante pour ses ventes de carbure de calcium en granulés. Ces écarts expliquent la différence entre le montant de l’amende imposée à cette entreprise et celui de l’amende imposée à la requérante.

156    Quant à Akzo Nobel, si elle n’avait pas obtenu une immunité d’amende en raison de sa coopération avec la Commission, elle se serait vu infliger une amende de 8,7 millions d’euros, ainsi qu’il ressort du considérant 308 de la décision attaquée. Le montant plus faible de cette amende par rapport à celle infligée à la requérante s’explique par le fait que, alors que la valeur des ventes de carbure de calcium en poudre par Akzo Nobel, à savoir entre 10 et 15 millions d’euros, était certes supérieure à celle des ventes du même produit par la requérante, la valeur des ventes de carbure de calcium en granulés par Akzo Nobel était, en revanche, significativement inférieure à celle des ventes de ce produit par la requérante (voir point 154 ci‑dessus). De plus, la durée de la participation d’Akzo Nobel à l’infraction était inférieure à celle de la requérante et Akzo Nobel ne s’est vu appliquer qu’un multiplicateur de 2 pour chacun des deux produits qu’elle fournissait.

157    Ces considérations infirment la thèse de la requérante selon laquelle le montant de l’amende qui lui a été infligée était disproportionné. Elles démontrent que le caractère élevé du montant de l’amende que celle-ci s’est vu infliger n’est pas l’effet du hasard, mais s’explique par le fait qu’elle était de loin le fournisseur le plus important d’un des trois produits concernés par l’infraction, ainsi qu’un fournisseur important d’un autre de ces produits et que, par ailleurs, la durée de sa participation à l’infraction était la plus importante parmi tous les participants. En d’autres termes, le caractère élevé de l’amende que la requérante s’est vu infliger s’explique par la gravité relative de sa participation à l’infraction, y compris en ce qui concerne la durée, comparativement aux autres participants. Il convient de constater, à cet égard, que, hormis la société mère de la requérante, 1. garantovaná, seule une autre société, en l’occurrence Donau Chemie, s’est vu appliquer les mêmes multiplicateurs qu’elle. Toutefois, alors que la valeur des ventes de carbure de calcium en poudre par cette société était comparable à celle de la requérante, la valeur des ventes de carbure de calcium en granulés par cette société était nettement moins élevée, à savoir entre 5 et 10 millions d’euros. De plus, Donau Chemie s’est vu accorder une réduction d’amende de 35 % au titre de sa coopération avec la Commission (voir considérant 346 de la décision attaquée), ce qui a eu pour conséquence qu’elle s’est vu infliger une amende de 5 millions d’euros, au lieu de 7,7 millions d’euros (voir considérant 308 de la décision attaquée).

158    Il résulte de ces considérations que l’argument de la requérante selon lequel le montant de l’amende qui lui a été infligée était disproportionné ne repose, en définitive, que sur une comparaison entre les montants des amendes infligées aux différents participants à l’infraction, traduites en pourcentages de leurs chiffres d’affaires globaux respectifs. Or, rien dans la jurisprudence ne permet de conclure qu’il est loisible de procéder à une telle comparaison, ainsi que l’a fait la requérante, pour déterminer le caractère proportionné ou non du montant de l’amende infligée.

159    D’une part, la jurisprudence invoquée par la requérante elle-même et rappelée au point 149 ci‑dessus s’oppose clairement à une telle comparaison.

160    D’autre part, il résulte également d’une jurisprudence constante que l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 n’exige pas que, au cas où des amendes seraient imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l’amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne serait pas supérieur, en pourcentage du chiffre d’affaires, à celui des amendes infligées aux entreprises plus grandes. En effet, il ressort de cette disposition que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour les entreprises de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l’amende, la gravité et la durée de l’infraction. Dans la mesure où la Commission impose, aux entreprises impliquées dans une même infraction, des amendes justifiées, pour chacune d’elles, par rapport à la gravité et à la durée de l’infraction, il ne saurait lui être reproché que, pour certaines d’entre elles, le montant de l’amende soit supérieur, par rapport au chiffre d’affaires, à celui d’autres entreprises (arrêts du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, Rec. p. II‑4567, point 174, et du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, Rec. p. II‑1443, point 280).

161    S’agissant de l’argument de la requérante tiré du fait que le montant de l’amende qui lui a été infligée était très proche du plafond maximal de 10 % du chiffre d’affaires global (voir points 152 et 153 ci‑dessus), il y a lieu de relever qu’il méconnaît la nature de ce plafond. En effet, la somme correspondant à 10 % du chiffre d’affaires global d’un participant à une infraction aux règles de la concurrence ne constitue pas, contrairement à ce que semble croire la requérante, une amende maximale, à n’imposer que dans le cas des infractions les plus graves. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit, plutôt, d’un seuil d’écrêtement qui a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base des critères de la gravité et de la durée de l’infraction est réduit jusqu’au niveau maximal autorisé. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 47 supra, point 283).

162    La Cour a ainsi jugé que cette limite n’interdisait pas à la Commission de se référer, pour le calcul de l’amende, à un montant intermédiaire dépassant ladite limite. Elle ne s’oppose pas non plus à ce que des opérations de calcul intermédiaires, prenant en compte la gravité et la durée de l’infraction, soient effectuées sur un montant qui lui est supérieur. S’il s’avère que, au terme du calcul, le montant final de l’amende doit être réduit à concurrence de celui-ci dépassant ladite limite supérieure, le fait que certains facteurs tels que la gravité et la durée de l’infraction ne se répercutent pas de façon effective sur le montant de l’amende infligée n’est qu’une simple conséquence de l’application de cette limite supérieure audit montant final (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 47 supra, points 278 et 279).

163    Il s’ensuit que le seul fait que l’amende infligée à la requérante est très proche du seuil de 10 % de son chiffre d’affaires global, alors que ce pourcentage est plus faible pour d’autres participants à l’entente, ne peut constituer une violation du principe d’égalité de traitement ou de proportionnalité. En effet, cette conséquence est inhérente à l’interprétation du plafond de 10 % comme simple seuil d’écrêtement qui est appliqué après une éventuelle réduction du montant de l’amende en raison de circonstances atténuantes ou du principe de proportionnalité (arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08, Rec. p. II‑3729, point 74).

164    Pour le même motif, le seul fait que, en raison de la mise en œuvre de ce seuil, même dans l’hypothèse d’une infraction encore plus grave, la requérante ne se serait vu infliger une amende significativement plus élevée, ne démontre pas que le montant de l’amende qui lui a été infligée par la décision attaquée est disproportionné. En tout état de cause, il y a lieu de relever, de manière plus générale, que l’appréciation du caractère proportionné ou non du montant de l’amende infligée à une entreprise pour une infraction aux règles de la concurrence ne saurait être effectuée sur la base d’une comparaison entre l’amende effectivement infligée et celle qui aurait dû être infligée pour une infraction hypothétique encore plus grave, les entreprises étant censées respecter les règles de la concurrence et ne pas enfreindre celles-ci. Il convient de constater, en outre, que pour étayer la thèse selon laquelle la gravité de l’infraction qu’elle a commise n’était pas aussi importante qu’elle aurait pu l’être, la requérante réitère des allégations qui, ainsi qu’il ressort des points 86 à 89 et 97 à 106 ci‑dessus, doivent être rejetées comme étant non fondées.

165    Il s’ensuit que le cinquième grief ne saurait prospérer.

–       Sur le sixième grief, évoqué lors de l’audience et portant sur la valeur des ventes à prendre en considération pour le calcul du montant de base de l’amende

166    Lors de l’audience, la requérante a notamment fait valoir qu’elle avait subi un traitement discriminatoire tenant au fait que, lors du calcul de la valeur des ventes d’Almamet à prendre en considération pour la fixation du montant de base de l’amende à lui imposer, la Commission avait déduit la valeur du carbure de calcium acheté par cette société chez la requérante et, par la suite, revendu à ses propres clients. Selon la requérante, une déduction analogue aurait dû être appliquée à la valeur de ses propres ventes, ce qui aurait conduit à une réduction significative du montant de l’amende qui lui a été infligée.

167    La Commission a, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 42 ci‑dessus), fait valoir que ce grief était irrecevable, dès lors qu’il avait été invoqué pour la première fois lors de l’audience, sans être fondé sur des éléments révélés pendant la procédure. Invitée à présenter ses observations sur ce point, la requérante a indiqué que le grief résumé au point précédent avait déjà été évoqué au point 17 de sa requête. Il a été pris acte de toutes ces déclarations au procès‑verbal de l’audience.

168    Il convient de rappeler qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui‑ci, doit être déclaré recevable (arrêts du Tribunal du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement, T‑37/89, Rec. p. II‑463, point 38, et du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T‑345/05, Rec. p. II‑2849, point 85). Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (arrêts du Tribunal du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 156, et Mote/Parlement, précité, point 85).

169    En l’espèce, il n’apparaît pas et la requérante n’allègue pas que le sixième grief est fondé sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. En effet, ce grief est tiré de la manière selon laquelle la Commission a calculé le montant de base de l’amende qu’elle a infligée à Almamet. Or, les éléments de ce calcul sont clairement décrits au considérant 288, deuxième tiret, de la décision attaquée et étaient, dès lors, connus de la requérante au moment de la présentation de sa requête.

170    Dans ces conditions, afin de se prononcer sur la recevabilité du sixième grief, il convient de vérifier si, comme le fait valoir la requérante, ce grief a déjà été énoncé dans la requête.

171    Or, tel n’est pas le cas. Le point 17 de la requête, évoqué par la requérante dans ce contexte, n’est pas pertinent. Ce point débute par une déclaration selon laquelle « [l]e calcul de la valeur des ventes, la détermination du montant de base de l’amende lié à une proportion de la valeur des ventes et la multiplication par le nombre des années effectués par la Commission ne sont pas, en principe, contestés ici ». Ledit point se poursuit en présentant l’allégation de la requérante résumée au point 152 ci‑dessus. Cette allégation ne présente aucun lien avec le sixième grief, tel qu’il a été évoqué lors de l’audience.

172    Par ailleurs, seul le quatrième grief examiné et rejeté, aux points 130 à 148 ci‑dessus, est tiré d’une discrimination au détriment de la requérante par rapport au traitement réservé à Almamet. Toutefois, ce grief concerne une question entièrement différente de celle du calcul du montant de base de l’amende. En effet, le quatrième grief vise la réduction du montant de l’amende accordée à Almamet en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices dont le sixième grief ne saurait être considéré comme une simple ampliation. De plus, l’affirmation de la requérante, telle qu’elle figure dans sa requête et qu’elle est reproduite au point précédent, ne semble pouvoir être comprise qu’en ce sens que la requérante n’envisageait pas d’invoquer, dans sa requête, un grief relatif au montant de base de l’amende et à sa détermination en fonction de la valeur des ventes réalisées en relation avec l’infraction.

173    Il en résulte que le sixième grief doit être déclaré irrecevable. Tous les griefs invoqués dans le cadre du premier moyen ayant été écartés, il convient, par voie de conséquence, de rejeter ce moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des formes substantielles, d’une erreur de fait ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission a refusé de tenir compte de l’absence de capacité contributive de la requérante

 Lignes directrices

174    Le paragraphe 35 des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes est ainsi libellé :

« Dans des circonstances exceptionnelles, la Commission peut, sur demande, tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier. Aucune réduction d’amende ne sera accordée à ce titre par la Commission sur la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire. Une réduction ne pourrait être accordée que sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende, dans les conditions fixées par les présentes lignes directrices, mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur. »

 Décision attaquée

175    La requérante a présenté à la Commission une demande tendant à la prise en considération, lors de la fixation du montant de l’amende, de son absence de capacité contributive, laquelle a été rejetée pour les motifs énoncés au considérant 377 de la décision attaquée. Ce considérant est ainsi libellé :

« Après avoir examiné les données communiquées par NCHZ [(Novácke chemické závody)] […], la Commission conclut qu’elles ne démontrent pas que l’amende infligée par la présente décision mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de NCHZ et priverait ses actifs de toute valeur. Par conséquent, la demande de NCHZ concernant l’incapacité contributive est rejetée. »

 Appréciation du Tribunal

176    Pour contester ce rejet, la requérante expose, à titre liminaire, certaines considérations générales relatives à l’objectif et à l’interprétation du paragraphe 35 des lignes directrices. Ensuite, elle expose sa situation économique avant l’imposition de l’amende et affirme qu’elle s’est trouvée depuis un certain temps « au bord de la faillite ». L’année 2004 aurait été, à cet égard, particulièrement critique dès lors que plusieurs créanciers l’aurait considérée comme étant en situation de cessation de payement. Malgré la persistance de cette situation critique, un nouvel actionnaire, qui aurait rejoint la société en 2008, et une nouvelle direction auraient pris des mesures pour stabiliser la production et améliorer l’efficacité de la direction. Cette dernière serait parvenue à convenir de certaines conditions avec les partenaires commerciaux de la requérante pour lui permettre de survivre à la période délicate qu’elle traversait, de se régénérer et de progresser sur le marché. La requérante souligne que ses problèmes financiers ne sont pas liés à sa compétitivité sur le marché du carbure de calcium, sur lequel elle est un concurrent respecté, mais tiennent à la charge laissée par la direction précédente en termes de pollution de l’environnement et de mauvaises décisions stratégiques d’investissement.

177    La requérante poursuit en exposant qu’elle avait décrit sa situation financière difficile dans sa réponse à la communication des griefs du 3 octobre 2008 à laquelle elle avait joint un rapport d’expertise. Ce rapport aurait conclu, sur la base d’une analyse, notamment, de ses comptes financiers, qu’elle se trouvait dans une mauvaise situation économique et financière et qu’elle ne pouvait survivre en tant qu’entreprise active que si trois conditions étaient remplies tenant, respectivement, à l’augmentation de son capital social d’au moins 400 millions de couronnes slovaques (SKK), à l’issue favorable d’un procès l’opposant à une entité étatique slovaque et à la renonciation de la Commission à l’imposition d’une amende pour l’infraction litigieuse. Si ces conditions n’étaient pas remplies, la mauvaise situation de la requérante se serait considérablement aggravée, selon l’expert, et une faillite aurait pu suivre relativement vite.

178    La requérante analyse, par la suite, les dispositions pertinentes de la législation slovaque en matière de faillite. Elle décrit, en outre, l’aggravation de sa situation financière après l’adoption de la décision attaquée, en raison de la « nervosité » de ses créanciers et du retrait de facilités de crédit par des banques et d’autres institutions financières. Il ressortirait de cette analyse qu’elle serait obligée d’introduire une demande d’ouverture d’une procédure de faillite une fois que l’amende sera comptabilisée dans ses livres et qu’elle deviendra exigible.

179    Une telle demande a effectivement été présentée postérieurement à l’introduction du recours (voir point 6 ci‑dessus) et les parties s’opposent sur la question de savoir si l’imposition de l’amende a été la cause de la faillite de la requérante. La Commission conteste cette thèse, en faisant observer, notamment, que la demande de déclaration de faillite a été présentée avant même que l’amende ne devienne exigible. Elle reproche également à la requérante de ne pas avoir demandé à bénéficier d’un paiement de l’amende par tranches ou tenté d’obtenir une garantie bancaire. La requérante répond à ces allégations dans sa réplique, faisant valoir que, à la suite de la « nervosité » et de la perte de confiance de ses créanciers et fournisseurs après l’imposition de l’amende, les membres de sa direction étaient obligés, selon la législation slovaque applicable, d’introduire une demande de déclaration de faillite. Elle relève, en outre, qu’une demande de paiement par tranches n’aurait probablement pas abouti et, même dans le cas contraire, une telle facilité ne serait pas suffisante pour empêcher sa faillite. Elle ajoute qu’elle était dans l’impossibilité d’obtenir une garantie bancaire.

180    La requérante fait également valoir que les effets de sa faillite seront préjudiciables dans les contextes social et régional, dont il convient de tenir compte selon le paragraphe 35 des lignes directrices. Elle relève, à cet égard, qu’elle est un des principaux employeurs en Slovaquie et qu’elle est d’une importance stratégique pour la vie économique de la région slovaque de la Haute‑Nitra, où se trouvent ses installations de production. Leur fermeture éventuelle aurait pour conséquence non seulement le licenciement de ses 2 000 employés, mais également la fermeture ou la réduction substantielle de l’activité de plusieurs autres entreprises de la même région, notamment de ses fournisseurs.

181    Ces affirmations de la requérante sont appuyées par la République slovaque, qui a consacré l’ensemble de son mémoire en intervention à la démonstration des effets négatifs pour la situation sociale dans le district de Prievidza, qui fait partie de la région de la Haute‑Nitra et où se trouvent les installations de la requérante, d’une éventuelle cessation de l’activité de la requérante. Cette éventualité entraînerait une augmentation du chômage résultant tant, directement, du licenciement des salariés de la requérante que, indirectement, d’une « réaction en chaîne » qui mettrait en péril les emplois chez les fournisseurs de la requérante. La République slovaque souligne que nombre de ces chômeurs n’auraient pas de réelles perspectives de trouver un nouvel emploi. Lors de l’audience, la République slovaque a déposé de nouveaux documents permettant d’actualiser les informations présentées dans son mémoire en intervention.

182    La requérante se dit convaincue d’avoir démontré, par les arguments résumés ci‑dessus, que les conditions d’application du paragraphe 35 des lignes directrices étaient réunies dans son cas. Elle reproche dès lors à la Commission une violation « des formes substantielles », en ce que celle-ci n’a expliqué ni au cours de la procédure ni dans la décision attaquée pourquoi les éléments fournis à l’appui de sa demande d’application du paragraphe 35 des lignes directrices ne démontraient pas que l’amende mettait irrémédiablement en danger sa viabilité économique et conduisait à priver ses actifs de toute valeur. Elle considère que la brève déclaration contenue au considérant 377 de la décision attaquée ne saurait être considérée comme étant, à cet égard, suffisante.

183    La requérante estime également que la Commission n’a pas examiné de manière adéquate les éléments de preuve qu’elle avait fournis à l’appui de sa demande d’application du paragraphe 35 des lignes directrices et que, en tout état de cause, l’appréciation desdits éléments par la Commission est entachée d’une erreur manifeste, en ce que celle-ci n’a pas considéré que sa faillite était imminente et n’a pas fait application de ce paragraphe des lignes directrices. La requérante invite, en outre, le Tribunal, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, à examiner lui‑même les éléments de preuve en question, le cas échéant en ordonnant une expertise, afin d’évaluer dans quelle mesure l’amende imposée à la requérante déclenchera une déclaration de faillite et la fermeture de l’entreprise, ladite mesure pouvant, si nécessaire, être complétée par l’audition d’un expert en droit slovaque, en particulier de la loi sur la faillite.

184    Il y a lieu de relever également que, ainsi que l’ont relevé la République slovaque et la requérante, cette dernière a pu bénéficier de la zákon o niektorých opatreniach týkajúcich sa strategických spoločností a o zmene a doplnení niektorých zákonov (loi sur certaines mesures visant les entreprises stratégiques), no°493/2009 Z.z., du 5 novembre 2009. Cette loi prévoirait que l’administrateur de la faillite d’une entreprise considérée comme « stratégique » serait légalement tenu de la maintenir en activité et l’État slovaque pourrait exercer un droit de préemption sur les actifs d’une telle entreprise. La requérante aurait été désignée comme entreprise stratégique, au sens de cette loi, par décision de l’autorité slovaque compétente du 2 décembre 2009. Selon la République slovaque, c’est ainsi que la requérante a pu continuer ses activités après sa déclaration en faillite et que le licenciement collectif de ses effectifs a pu être évité. Toutefois, il apparaît que ces développements sont subséquents à la décision attaquée et n’étaient nullement prévisibles au moment de son adoption et qu’ils rendent sans objet la mesure d’expertise sollicitée par la requérante dans la mesure où la déclaration de faillite est d’ores et déjà intervenue. Ils ne sauraient, dès lors, être pris en considération aux fins de l’examen du présent moyen.

185    Avant d’analyser les griefs avancés par la requérante à l’appui de son deuxième moyen, il convient d’analyser la finalité et l’interprétation du paragraphe 35 des lignes directrices.

186    Il a itérativement été jugé que la Commission n’était pas, en principe, obligée de tenir compte, lors de la détermination du montant de l’amende, de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 47 supra, point 327 ; arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 351, et Tokai Carbon e.a./Commission, point 43 supra, point 370).

187    Par ailleurs, il ressort d’une jurisprudence constante que le fait qu’une mesure prise par une autorité de l’Union provoque la faillite ou la liquidation d’une entreprise donnée n’est pas interdit, en tant que tel, par le droit de l’Union. En effet, la liquidation d’une entreprise sous sa forme juridique en cause, si elle peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires, actionnaires ou détenteurs de parts, ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur (arrêts du Tribunal Tokai Carbon e.a./Commission, point 43 supra, point 372 ; du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T‑64/02, Rec. p. II‑5137, point 163, et du 28 avril 2010, BST/Commission, T‑452/05, Rec. p. II‑1373, point 96).

188    Il ne saurait être admis que, en adoptant le paragraphe 35 des lignes directrices, la Commission se soit imposée une quelconque obligation qui irait à l’encontre de cette jurisprudence. En témoigne le fait que ledit paragraphe ne fait pas référence à la faillite d’une entreprise, mais vise une situation, survenue « dans un contexte social et économique particulier », dans laquelle l’imposition d’une amende « mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur ».

189    Il s’ensuit que le seul fait que l’imposition d’une amende pour infractions aux règles de concurrence risque de provoquer la faillite de l’entreprise concernée n’est pas suffisant, s’agissant de l’application du paragraphe 35 des lignes directrices. En effet, il résulte de la jurisprudence citée au point 187 ci‑dessus que, si une faillite porte atteinte aux intérêts financiers des propriétaires ou des actionnaires concernés, elle n’implique pas nécessairement la disparition de l’entreprise en cause. Celle-ci peut continuer à subsister en tant que telle soit en cas de recapitalisation de la société déclarée en faillite, en tant que personne morale assurant l’exploitation de ladite entreprise, soit en cas de reprise globale des éléments de son actif et, donc, de l’entreprise en tant qu’entité exerçant une activité économique, par une autre entité. Une telle reprise globale peut intervenir soit par un rachat volontaire, soit par une vente forcée des actifs de la société en faillite avec continuité d’exploitation.

190    Par conséquent, il convient de comprendre le paragraphe 35 des lignes directrices, notamment au regard de la référence à la privation des actifs de l’entreprise concernée de toute valeur, comme envisageant la situation où la reprise de l’entreprise, ou tout du moins de ses actifs, envisagée au point précédent paraît improbable, voire impossible. Dans une telle hypothèse, les éléments composant l’actif de l’entreprise en faillite seront offerts à la vente un par un et il est probable que beaucoup d’entre eux ne trouveront aucun acheteur ou, au mieux, ne seront vendus qu’à un prix fortement réduit, de sorte qu’il paraît légitime de parler, ainsi que le fait le paragraphe 35 des lignes directrices, d’une perte totale de leur valeur.

191    Les explications fournies par la Commission elle-même lors de l’audience appuient cette conclusion. En effet, la Commission a indiqué qu’elle n’appliquait pas à la lettre la condition, prévue au paragraphe 35 des lignes directrices, selon laquelle il devait y avoir un risque que les actifs de l’entreprise concernée aient été privés de toute valeur, mais qu’elle essayait de déterminer si lesdits actifs auraient continué à être utilisés dans la fabrication de produits. Il a été pris acte de ces déclarations dans le procès-verbal de l’audience. Il en ressort que l’interprétation du paragraphe 35 des lignes directrices, adoptée par la Commission, est en substance la même que celle exposée au point précédent.

192    Il convient, en outre, de rappeler que l’application dudit paragraphe des lignes directrices exige également, selon son libellé, un « contexte social et économique particulier ». Selon la jurisprudence, un tel contexte est constitué par les conséquences que le paiement de l’amende pourrait avoir, notamment sur le plan d’une augmentation du chômage ou d’une détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l’entreprise concernée (arrêt de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 106).

193    Si les conditions envisagées aux trois points précédents sont remplies, il peut effectivement être soutenu que l’imposition d’une amende, qui risquerait de provoquer la disparition de l’entreprise concernée, est contraire au principe de proportionnalité que la Commission doit respecter à chaque fois qu’elle décide d’imposer des amendes en vertu du droit de la concurrence (voir point 44 ci‑dessus).

194    C’est en tenant compte de ces considérations d’ordre général qu’il convient de procéder à l’examen de l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de son deuxième moyen.

195    À cet égard, il convient de constater d’emblée que la requérante soulève, par cette argumentation, tant un grief de forme, tenant à la violation de l’obligation de motivation (voir point 182 ci‑dessus), que des griefs de fond, à savoir une erreur de fait et une erreur manifeste d’appréciation de la Commission (voir point 183 ci‑dessus). La requérante invite, en outre, le Tribunal à exercer sa compétence de pleine juridiction en matière d’amende afin d’annuler ou de réduire le montant de l’amende qui lui a été imposée.

196    Force est de constater que la demande de la requérante tendant à l’application, dans son cas, du paragraphe 35 des lignes directrices ainsi que son argumentation avancée devant le Tribunal pour contester le rejet de cette demande sont fondées sur une perception erronée des conditions d’application dudit paragraphe.

197    Certes, lors de la présentation de sa demande de prise en considération de sa prétendue absence de capacité contributive, la requérante était consciente de la nécessité de démontrer l’existence d’un « contexte social et économique particulier », au sens de la jurisprudence citée ci‑dessus (voir point 192), et elle a consacré à cette question une partie de sa lettre du 27 mars 2009 contenant cette demande. La requérante y expose, en substance, les mêmes arguments que ceux avancés devant le Tribunal par elle et par la République slovaque (voir points 180 et 181 ci‑dessus). Cette argumentation, au demeurant nullement contestée par la Commission, démontre à suffisance de droit, l’existence d’un contexte particulier tel qu’exigé par le paragraphe 35 des lignes directrices, si bien que cette condition d’application dudit paragraphe doit être considérée comme étant remplie.

198    En revanche, lors de la présentation de sa demande de prise en considération de sa prétendue absence de capacité contributive, la requérante semble être partie de la prémisse erronée selon laquelle il suffisait à cet égard de démontrer que l’imposition d’une amende provoquerait sa faillite. Ainsi, le rapport d’expertise produit par la requérante en annexe à sa réponse à la communication des griefs et évoqué au point 177 ci‑dessus est consacré à la « continuation de l’existence économique de la société NCHZ ».

199    Il convient de remarquer, à ce titre, que la requérante dénature quelque peu les termes de ce rapport lorsqu’elle affirme qu’il conclurait que trois conditions devraient être remplies afin qu’elle puisse « survivre en tant qu’entreprise active ». Il ressort clairement des termes du rapport que ces conditions concernent la continuation de l’existence économique de la requérante en tant que société commerciale. Le rapport poursuit en indiquant que, si ces conditions ne sont pas remplies, « nous pouvons nous attendre à un approfondissement significatif de la dépression de la société avec une évolution vers le stade d’une faillite relativement précoce ». Le rapport n’aborde pas, toutefois, les conséquences d’une faillite éventuelle sur la poursuite de l’entreprise de la requérante et il ne se prononce pas, en particulier, sur la probabilité d’un transfert, volontaire ou non, de l’ensemble de ses actifs à une autre société avec poursuite de l’exploitation.

200    La requérante n’a pas non plus abordé cette question dans sa lettre du 27 mars 2009 évoquée au point 197 ci‑dessus et dans laquelle, outre la référence au contexte social et économique particulier de l’affaire, elle a uniquement fourni de nouvelles données afin de démontrer sa « situation financière critique ». Cette question n’est pas non plus abordée dans la requête. Ce n’est qu’au stade de la réplique que la requérante a avancé une argumentation spécifique pour répondre à l’affirmation de la Commission selon laquelle les éléments de preuve fournis n’établissaient pas, notamment, que ses actifs perdraient toute leur valeur.

201    Or, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir points 189 et 190 ci‑dessus), aux fins de l’application du paragraphe 35 des lignes directrices, il ne suffit pas de démontrer que l’entreprise concernée sera déclarée en faillite en cas d’imposition d’une amende. Selon les termes mêmes de ce paragraphe, il doit exister des « preuves objectives que l’imposition d’une amende […] mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur », ce qui n’est pas automatiquement le cas dans l’hypothèse d’une faillite de la société exploitant l’entreprise en question. La requérante ne saurait dès lors prétendre à l’application de ce paragraphe des lignes directrices, que dans l’hypothèse où elle fournirait des preuves objectives de cette éventualité, ce qui constitue une condition essentielle de l’application dudit paragraphe.

202    Il convient de tenir compte de cette perception erronée par la requérante des conditions d’application du paragraphe 35 des lignes directrices, lors de l’appréciation des griefs qu’elle avance dans le cadre du présent moyen.

203    À cet égard, s’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation par la Commission, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du Tribunal du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht/Commission, T‑48/02, Rec. p. II‑5259, point 45, et la jurisprudence citée).

204    S’agissant, en particulier, de la portée de l’obligation de motivation concernant le calcul du montant d’une amende infligée pour violation des règles de concurrence, il est également de jurisprudence constante que les exigences de la formalité substantielle que constitue cette obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, ainsi que les éléments d’appréciation dont elle a tenu compte à ces fins, en application des règles indicatives contenues dans ses propres lignes directrices (voir arrêt Brouwerij Haacht/Commission, point 203 supra, point 46, et la jurisprudence citée).

205    Tenant compte de cette jurisprudence, il convient de constater que la motivation fournie par la Commission dans la décision attaquée pour rejeter la demande de la requérante fondée sur le paragraphe 35 des lignes directrices est assez succincte, se limitant à la simple affirmation que les informations présentées par cette dernière ne démontrent pas que l’amende imposée mettrait irrémédiablement en danger sa viabilité économique et priverait ses actifs de toute valeur.

206    Si, comme le considère de manière erronée la requérante, la probabilité qu’elle soit déclarée en faillite à la suite de l’imposition d’une amende était suffisante pour démontrer que la condition d’application du paragraphe 35 des lignes directrices, tenant à la mise en danger de sa viabilité économique et à la privation de ses actifs de toute valeur, était remplie, il pourrait, certes, être conclu que le considérant 377 de la décision attaquée, relatif au rejet de la demande de la requérante tendant à l’application dudit paragraphe des lignes directrices, est entaché d’une insuffisance de motivation.

207    En effet, il ressort de la jurisprudence que le contexte entourant la prise de décision, qui est, notamment, caractérisé par l’échange entre l’auteur de celle-ci et la partie concernée, peut, dans certaines circonstances, alourdir les exigences de motivation [arrêts du Tribunal du 6 avril 2000, Kuijer/Conseil, T‑188/98, Rec. p. II‑1959, points 44 et 45, et du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, point 89]. La requérante ayant présenté des informations détaillées, y compris un rapport d’expertise, démontrant que, selon elle, en cas d’imposition d’une amende, sa déclaration de faillite serait très probable, voire inéluctable, si la Commission entendait parvenir à une conclusion différente, elle devait fournir au moins un bref résumé des éléments et appréciations qui étayaient sa conclusion.

208    Cela est d’autant plus le cas que, dans son mémoire en défense, la Commission affirme qu’elle a soigneusement examiné la situation financière de la requérante, notamment en ayant procédé à une analyse basée sur le modèle « Z‑score d’Altman » et qu’elle a calculé, sur la base des données fournies par la requérante, l’indicateur de probabilité de faillite prévu par ce modèle. La valeur de cet indicateur se situerait, pour la requérante, au‑dessus de la valeur limite indiquant une probabilité élevée de faillite. Il en est résulté un débat entre les parties au sujet de l’exactitude du calcul de cet indicateur, également calculé dans le rapport d’expertise présenté par la requérante, mais de manière erronée selon la Commission, et plus généralement au sujet de l’appréciation, par cette dernière, du rapport d’expertise présenté par la requérante lors de la procédure administrative. Dans ce contexte, la requérante a également présenté un nouveau rapport d’expertise sur sa situation financière.

209    Toutefois, l’hypothèse énoncée par la requérante au point 206 ci‑dessus n’est pas exacte. Ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 201 ci‑dessus), aux fins de l’application du paragraphe 35 des lignes directrices, la requérante ne saurait se limiter à affirmer que l’imposition d’une amende provoquerait sa déclaration de faillite, mais elle devrait également expliquer et prouver de quelle manière cette éventualité mettrait en danger sa viabilité économique en tant qu’entreprise et priverait ses actifs de toute valeur.

210    Or, cette dernière question n’a pas expressément été abordée dans la demande de la requérante tendant à l’application dudit paragraphe des lignes directrices (voir points 198 à 200 ci‑dessus). Il n’existait, dès lors, sur cette question, aucun échange entre la requérante et la Commission, si bien que la jurisprudence mentionnée au point 207 ci‑dessus ne trouve pas à s’appliquer. Dans ces conditions, la Commission pouvait, sans violer l’obligation de motivation, se limiter à la constatation, figurant au considérant 377 de la décision attaquée, selon laquelle la condition essentielle d’application du paragraphe 35 des lignes directrices, tenant à la mise en danger de la viabilité de l’entreprise concernée et à la privation de toute valeur de ses actifs, n’était pas remplie. Partant le grief de la requérante tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

211    En tout état de cause, il résulte de la jurisprudence citée aux points 49 à 51 ci‑dessus que, en l’espèce, le Tribunal est appelé non seulement à contrôler la légalité de la décision attaquée, tant en ce qui concerne la forme que le fond, mais également, à exercer sa compétence de pleine juridiction, ce qui implique la substitution de sa propre appréciation à celle de la Commission.

212    L’exercice, par le juge de l’Union, de sa compétence de pleine juridiction, peut justifier la production et la prise en considération d’éléments complémentaires d’information dont la mention dans la décision n’est pas comme telle requise en vertu de l’obligation de motivation (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C‑248/98 P, Rec. p. I‑9641, point 40 ; arrêts SCA Holding/Commission, point 49 supra, point 55, et arrêt Cheil Jedang/Commission, point 96 supra, point 215). En tenant compte, le cas échéant, également de tels éléments complémentaires non mentionnés dans la décision de la Commission, le juge de l’Union peut notamment conclure, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, que le montant de l’amende imposée est approprié (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, points 71 et 72), et ce même si la décision de la Commission est entachée d’une insuffisance de motivation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 190).

213    En l’espèce, la requérante conteste, quant au fond, l’appréciation de la Commission ayant conduit cette dernière à rejeter la demande de prise en considération de son absence de capacité contributive. Elle ne se limite pas à faire valoir, à cet égard, une erreur de fait ou une erreur manifeste d’appréciation, mais elle demande également au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction. Pour sa part, la Commission demande dans son mémoire en défense au Tribunal, dans l’hypothèse où il considérerait que la motivation de la décision attaquée est insuffisante, de maintenir en l’état le montant de l’amende en exerçant sa compétence de pleine juridiction.

214    Dans ces conditions, à supposer même que la décision attaquée soit entachée d’une insuffisance de motivation en ce qu’elle a rejeté la demande susvisée de la requérante, il y a lieu, avant de l’annuler le cas échéant pour ce motif, de procéder à l’examen de l’argumentation de la requérante contestant au fond le rejet de cette demande, en vue de déterminer non seulement si ce rejet est entaché des erreurs de fond alléguées par la requérante, mais également s’il convient, dans le cadre de l’exercice de la compétence de pleine juridiction dont dispose en la matière le Tribunal, de supprimer l’amende ou de réduire son montant, comme le demande la requérante, ou de la maintenir en l’état, comme le demande la Commission.

215    À cet égard, il convient de relever, premièrement, que tant le rapport d’expertise annexé par la requérante à sa réponse à la communication des griefs que la lettre du 27 mars 2009 non seulement n’abordent pas expressément la question de la viabilité de l’entreprise de la requérante et de l’éventuelle perte de toute valeur de ses actifs en raison de l’imposition de l’amende (voir points 199 et 200 ci‑dessus), mais ne contiennent aucun élément plaidant en faveur d’une telle éventualité.

216    Deuxièmement, les arguments avancés par la requérante dans sa requête ne plaident pas non plus en faveur d’une telle éventualité, mais donnent à penser au contraire que, même dans l’hypothèse d’une faillite, la continuation de l’entreprise à la suite d’une recapitalisation de la requérante ou de la reprise de l’ensemble de ses éléments d’actif par une autre entité avec continuité d’exploitation était probable. En effet, malgré le fait que la requérante se trouvait, selon ses propres affirmations, « depuis un certain temps au bord de la faillite », en 2008, un nouvel actionnaire avait rejoint la société, ce qui démontre qu’il existait des investisseurs intéressés par une prise de participation dans la requérante. Cela peut s’expliquer par le fait que, comme l’affirme la requérante elle-même, elle était un concurrent respecté sur le marché du carbure de calcium et les problèmes financiers auxquels elle se trouvait confrontée n’étaient pas liés à sa compétitivité sur ce marché.

217    Troisièmement, les termes d’une déclaration du conseil d’administration de la requérante, du 17 septembre 2009, adressée aux « partenaires commerciaux » de celle-ci et produite par la Commission en annexe à son mémoire en défense, confirment cette impression. Il y est indiqué que la demande tendant à faire déclarer la requérante en faillite avait comme objectif de protéger ses actifs en vue de maintenir la production. Le conseil d’administration déclare que la requérante est en mesure de maintenir sa position sur le marché, ce qui serait un « signe de vitalité et de force interne », et évoque une « procédure de revitalisation de la société » qui ne mettrait aucunement en cause sa « capacité opérationnelle et contributive ».

218    Quatrièmement, l’argumentation avancée par la requérante dans sa réplique pour démontrer que sa liquidation était inévitable et que ses actifs perdraient toute valeur n’emporte pas non plus la conviction. Dans ce contexte, la requérante répond d’abord à un argument, avancé par la Commission dans sa défense, selon lequel elle avait déjà constitué une provision d’environ 11 millions d’euros pour faire face à l’amende. Or, cet argument est dépourvu de pertinence dès lors qu’il ne concerne pas la continuation éventuelle de l’entreprise après sa déclaration de faillite, mais la question de savoir si cette faillite était une conséquence inéluctable de l’imposition de l’amende.

219    La requérante traite également deux autres questions dans cette partie de son argumentation. D’une part, elle répond aux affirmations de la Commission concernant l’éventuelle acquisition de ses actifs par une autre entreprise. D’autre part, elle répond à l’argument de la Commission selon lequel elle n’avait pas demandé l’ouverture d’une procédure de redressement.

220    S’agissant de la première des deux questions mentionnées au point précédent, la requérante affirme qu’il est « difficile d’apporter la preuve qu’un événement ne se produira jamais » mais que, en tout état de cause, elle n’a pas connaissance d’une quelconque entreprise « intéressée par le rachat de ses actifs (y compris le passif) ». Or, cette réponse est fondée sur une prémisse erronée. En effet, la vente de l’ensemble des actifs d’une société en faillite en vue de la continuation de l’exploitation, telle qu’elle est envisagée au point 189 ci‑dessus, n’implique pas, contrairement à ce que considère la requérante, la transmission à l’acquéreur également du passif de cette société. Les dettes incluses dans le passif seront satisfaites par le produit de la vente. Il est probable que cette satisfaction ne sera que partielle, sinon la société n’aurait pas été déclarée en faillite. Il n’en demeure pas moins que, en règle générale, la vente globale de l’ensemble des actifs d’une société en faillite en vue de la continuation de l’exploitation peut aboutir à un meilleur résultat que la vente individuelle de chaque élément d’actif, dès lors qu’une vente globale de l’ensemble de l’actif d’une entreprise en faillite permet la réalisation d’éléments incorporels tels que sa réputation sur le marché et, au demeurant, permet à l’acheteur intéressé de développer une activité dans le secteur concerné, d’éviter l’effort, les coûts et les complications que nécessite la création d’une entreprise entièrement nouvelle.

221    Dans ces conditions, l’on s’attendrait raisonnablement à ce que la requérante explique pourquoi le rachat de son entreprise par une autre entité était exclu dans les circonstances de l’espèce, d’autant plus qu’elle avait elle-même affirmé qu’elle était une concurrente respectée sur le marché. Or, la requérante se limite à faire remarquer que la poursuite de ses activités dépend de l’avis d’un « comité des créanciers » et que si ces derniers considéraient « qu’il [était] plus rentable de vendre les actifs de la société plutôt que de la maintenir en activité […] les installations de production [seraient] fermées […] et le redémarrage de l’activité constituerait une charge exceptionnellement écrasante, tant sur le plan financier que technique », si bien qu’il « serait raisonnable de s’attendre à ce qu’une partie au moins des actifs et des installations de production ne suscitent aucun intérêt et perdent, de ce fait, la totalité de leur valeur actuelle ».

222    La requérante produit également, à cet égard, un rapport d’expertise, qui conclut qu’il pourrait être mis fin à ses activités de production dans un délai de 10 à 18 semaines sans risque pour la sécurité de ses employés, mais que les substances qui resteront dans ses installations auront un « impact majeur » sur l’environnement et que le démontage desdites installations devrait être entrepris par des experts, sa durée ainsi que son coût étant difficiles à estimer.

223    Force est de constater que l’argumentation de la requérante, résumée aux deux points précédents, est lacunaire, voire contradictoire. Les arguments qu’elle avance ainsi que le rapport d’expertise qu’elle a produit donnent à penser que la vente de l’ensemble de ses actifs, en vue de la continuation de l’exploitation, serait la solution préférable, y compris pour ses créanciers. Or, la requérante n’explique pas sur la base de quels motifs le comité des créanciers pourrait conclure, nonobstant ces éléments, qu’il serait plus rentable de vendre ses actifs et de mettre fin à sa production.

224    S’agissant de la procédure de redressement, il y a lieu de relever que la Commission a repris, dans son mémoire en défense, un argument déjà évoqué dans le cadre de la procédure de référé. Il ressort, toutefois, de l’ordonnance Novácke chemické závody/Commission, point 5 supra (points 25 et 49), que la procédure de redressement devait être entamée avant la déclaration de faillite. Il s’ensuit que cet argument concerne la question de savoir comment une déclaration de faillite pourrait être évitée et non les conséquences d’une telle déclaration. Ainsi, il est, lui aussi, dépourvu de pertinence (voir, également, point 218 ci‑dessus). En tout état de cause, la requérante se borne à faire valoir, en réponse à cet argument, que certains de ses créanciers ne pouvaient donner leur accord à un plan de redressement que s’il était conforme aux règles en matière d’aides d’État, sans expliquer pourquoi l’hypothèse d’une telle conformité serait exclue. Du reste, elle répète les affirmations, vagues et non étayées, selon lesquelles le rachat de ses actions ou de son entreprise par une tierce partie « ne présentait pas d’intérêt substantiel ».

225    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la requérante n’est pas parvenue à démonter que le refus de la Commission de tenir compte, dans la décision attaquée, de son absence de capacité contributive au sens du paragraphe 35 des lignes directrices, était entaché d’erreur.

226    La réponse de la requérante à la question du Tribunal adressée aux parties dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure et les invitant à compléter leur argumentation relative au présent moyen, notamment en ce qui concerne les perspectives de la vente de l’ensemble des actifs de la requérante avec continuité d’exploitation, renforce cette conclusion.

227    En effet, la requérante a confirmé que, le 16 janvier 2012, dans le cadre de la procédure de faillite, l’ensemble de ses actifs avait été vendu libre de toute obligation, sauf celles ayant été contractées après sa déclaration de faillite, pour un prix de 2,2 millions d’euros, qualifié, par elle, de « négligeable ». Selon la requérante, le fait que ce prix ne représente qu’une fraction de l’amende qui lui a été imposée confirme la perte totale de la valeur de ses actifs.

228    Or, indépendamment de la question de savoir si l’ensemble des actifs de la requérante aurait pu être vendu à un prix supérieur à celui effectivement réalisé, il y a lieu de constater, au regard de ce dernier prix, qu’il ne saurait, en tout état de cause, être question d’une perte totale de la valeur desdits actifs. En effet, loin de démontrer que la vente de l’ensemble de ses actifs avec poursuite de l’exploitation de l’entreprise était improbable, voire impossible, la requérante a, au contraire, confirmé qu’une telle vente avait effectivement eu lieu.

229    Il convient, partant, de conclure que c’est à juste titre que la Commission a considéré que les conditions préalables pour une éventuelle application du paragraphe 35 des lignes directrices n’étaient pas remplies dans le cas de la requérante et de considérer, en tout état de cause, dans l’exercice de la compétence de pleine juridiction dont dispose le Tribunal, que l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre du présent moyen ne justifie pas la suppression ou la réduction du montant de l’amende qui lui a été imposée, mais que, au contraire, elle justifie le maintien de celle-ci en l’état. Par voie de conséquence, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE

230    Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que, en lui infligeant une amende excessive, la décision attaquée est susceptible de provoquer une distorsion ou une élimination de la concurrence sur le marché du carbure de calcium et ainsi de violer l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE. Se fondant sur l’arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, Rec. p. 215, points 23 et 24), la requérante soutient qu’il découle de cette disposition que la mise en œuvre des dispositions du droit de la concurrence, en ce qu’elle aboutirait à une distorsion ou à une élimination de la concurrence, quand bien même elle ne serait pas directement sanctionnée par le droit de l’Union, est interdite. Elle considère que cette disposition lie non seulement les entreprises, mais également les institutions de l’Union et que, par conséquent, si une telle institution adopte une mesure qui fausse ou élimine la concurrence, elle viole ladite disposition, quand bien même elle ne violerait aucune autre règle du droit de l’Union.

231    La requérante répète, dans le cadre du présent moyen, l’affirmation déjà avancée dans le cadre du deuxième moyen selon laquelle l’amende qui lui a été infligée aura comme conséquence sa déclaration de faillite et son départ du marché en cause. Elle relève, en outre, par référence à des données concrètes extraites de la décision attaquée et en se fondant sur l’index Herfindahl‑Hirschman utilisé par les autorités de concurrence, y compris la Commission, pour évaluer le niveau de concentration sur un marché particulier, que les marchés du carbure de calcium en poudre et en granulés, en cause en l’espèce, étaient déjà hautement concentrés. Elle fait dès lors valoir que, puisqu’elle est un des concurrents les plus importants sur ces marchés, son élimination aura pour conséquence une plus forte probabilité de coordination entre les autres concurrents, malgré les sanctions qui leur ont été imposées. Ses parts de marché seraient probablement réparties entre les autres participants à l’entente, ce qui conduirait à une augmentation de la concentration et, en définitive, à l’élimination de la concurrence sur lesdits marchés.

232    La requérante se réfère, en particulier, à l’éventualité que ses parts des marchés en cause soient reprises par Akzo Nobel et soutient que l’indice Herfindahl‑Hirschman présenterait, dans cette hypothèse, une augmentation très significative. Cette hypothèse souligne, selon elle, le « résultat absurde et inéquitable » auquel pourrait conduire l’application « mécanique et incompétente des règles du droit de la concurrence ». Akzo Nobel, un « géant économique » qui détiendrait des parts de marché significatives sur les marchés en cause, qui aurait déjà été sanctionnée pour sa participation à d’autres ententes et qui aurait été un membre actif de l’entente litigieuse, tirerait, en définitive, un profit de la décision attaquée, dès lors que non seulement elle aurait obtenu une immunité d’amendes mais qu’elle acquerrait également les clients de la requérante. Selon la requérante, un tel résultat est manifestement contraire non seulement aux objectifs du droit de la concurrence, mais également aux principes élémentaires d’équité.

233    Cette argumentation ne saurait prospérer.

234    En premier lieu, l’argument tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE doit être rejeté.

235    Certes, ainsi que l’a jugé la Cour dans son arrêt Europemballage et Continental Can/Commission, point 230 supra (points 23 et 24), invoqué par la requérante, cette disposition consacre un objectif qui trouve son application dans plusieurs dispositions du traité CE, dont il commande l’interprétation. En prévoyant l’établissement d’un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché commun, l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE exige, à plus forte raison, que la concurrence ne soit pas éliminée. Cette exigence est si essentielle que, sans elle, de nombreuses dispositions du traité CE seraient sans objet. Ainsi, les restrictions de la concurrence que ce traité admet dans certaines conditions, pour des raisons tirées de la nécessité de concilier les divers objectifs à poursuivre, trouvent dans cette exigence une limite au-delà de laquelle le fléchissement du jeu de la concurrence risquerait de porter atteinte aux finalités du marché commun.

236    Toutefois, ces considérations, en elles-mêmes correctes, sont dépourvues de pertinence s’agissant de l’imposition d’une sanction à une entreprise ayant enfreint les règles de la concurrence par sa participation à un accord entre entreprises ou à une pratique concertée ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. En effet, dans son argumentation, la requérante fait totalement abstraction du fait que, à la suite de l’entente sanctionnée par la décision attaquée, le jeu de la concurrence sur les marchés en cause en l’espèce avait été faussé, voire éliminé. La décision attaquée vise, précisément, à redresser cette situation, y compris par l’imposition de sanctions appropriées.

237    Il convient de relever que l’imposition de sanctions par la Commission, lorsqu’elle constate une infraction aux règles de concurrence, constitue un moyen visant, précisément, à atteindre l’objectif énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE et, à l’évidence, ne saurait être considérée comme étant une violation de cette disposition. Il n’en demeure pas moins que, dans le respect du principe de proportionnalité qui doit guider l’action de la Commission en la matière (voir points 44 et 46 ci‑dessus), les sanctions excessives non nécessaires à la réalisation de l’objectif poursuivi doivent être évitées. Ce n’est donc que du point de vue d’une éventuelle violation du principe de proportionnalité qu’il convient d’examiner l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre du présent moyen.

238    En second lieu, en vue de son examen sous cet angle, il y a lieu de relever que la jurisprudence constante, citée au point 186 ci-dessus, selon laquelle la Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise intéressée ne signifie pas qu’elle soit empêchée de le faire (arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 58 supra, point 314). La nécessité de respecter le principe de proportionnalité peut, en effet, s’opposer à l’imposition d’une amende qui irait au-delà de ce qui constitue une sanction appropriée au titre de l’infraction constatée et risquerait de remettre en question l’existence même de l’entreprise concernée. Cela est d’autant plus le cas que la disparition d’une entreprise du marché en cause aura nécessairement un effet nocif pour la concurrence.

239    Cela dit, rien dans l’argumentation de la requérante ne permet de conclure que l’amende qui lui a été imposée relève du cas de figure envisagé au point précédent et que la détermination de son montant se révèle, par conséquent, contraire au principe de proportionnalité.

240    D’une part, l’argumentation de la requérante repose sur la prémisse que l’imposition de cette amende conduira à son départ des marchés en cause, prémisse qui s’avère erronée pour les motifs exposés dans le cadre de l’examen du deuxième moyen (voir points 215 à 228 ci‑dessus).

241    D’autre part, même en admettant l’hypothèse d’un départ de la requérante des marchés en cause, rien dans son argumentation ne permet de conclure que, dans une telle éventualité, la concurrence sur ces marchés serait éliminée ou significativement réduite.

242    Il y a lieu de relever, à cet égard, qu’il ressort du considérant 44 de la décision attaquée, aucunement contesté par la requérante, que le carbure de calcium est explosif et, pour cette raison, relativement difficile à transporter. Par conséquent, l’établissement d’une position dominante ou d’un monopole sur ce marché présente une difficulté additionnelle, dans la mesure où un producteur devrait disposer de plusieurs sites de production dispersés sur le territoire pertinent, afin de pouvoir dominer le marché.

243    En outre, au soutien de sa thèse selon laquelle son départ des marchés en cause provoquerait sur ces derniers une restriction, voire une élimination de la concurrence, la requérante évoque l’éventualité d’une reprise de ses clients par Akzo Nobel. Toutefois, elle n’explique aucunement pourquoi la reprise de sa clientèle par Akzo Nobel et non par un autre acteur des mêmes marchés serait probable.

244    Par ailleurs, il ressort du tableau figurant au considérant 46 de la décision attaquée qu’Akzo Nobel détenait entre 20 et 25 % du marché du carbure de calcium en poudre et entre 5 et 10 % du marché du carbure de calcium en granulés. Par conséquent, dans l’hypothèse d’une reprise de la clientèle de la requérante, Akzo Nobel n’acquerrait en aucun cas un monopole sur ces deux marchés. De plus, il convient de relever que, selon la note en bas de page no 80, à laquelle renvoie le considérant 44 de la décision attaquée, Akzo Nobel n’était pas le fournisseur principal « sur le marché continental », auquel participait la requérante. En effet, une grande partie de la part de marché d’Akzo Noblel semble résulter du fait que, selon la même note, elle était le seul producteur établi « dans la région nordique ». Ces éléments, non contestés par la requérante, plaident tant contre l’hypothèse d’une reprise de la clientèle de la requérante, en cas de son retrait desdits marchés, par Akzo Nobel, que contre l’éventualité de l’acquisition, par cette dernière, d’une position dominante sur ces marchés si elle arrivait à reprendre la clientèle de la requérante.

245    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le troisième moyen n’est pas fondé et doit être rejeté. Au surplus, le Tribunal, dans l’exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction quant au montant de l’amende infligée à la requérante, considère, en tout état de cause, que ce montant est approprié aux circonstances de l’espèce tenant à la gravité et à la durée de l’infraction constatée par la Commission ainsi qu’aux ressources économiques de la requérante. Partant, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

246    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, aux termes du paragraphe 4, premier alinéa, du même article, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

247    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission. Quant à la République slovaque, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Novácke chemické závody a.s. supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République slovaque supportera ses propres dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2012.

Signature

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une violation des principes généraux de proportionnalité et d’égalité de traitement dans la détermination du montant de l’amende

Lignes directrices

Décision attaquée

Sur les griefs invoqués par la requérante

– Considérations liminaires

– Sur le premier grief, relatif au caractère dissuasif de l’amende

– Sur le deuxième grief, relatif aux circonstances aggravantes

– Sur le troisième grief, relatif aux circonstances atténuantes

– Sur le quatrième grief, relatif à la réduction du montant de l’amende octroyée à Almamet

– Sur le cinquième grief, relatif à l’amende en tant qu’elle est calculée en proportion des chiffres d’affaires globaux des destinataires de la décision attaquée

– Sur le sixième grief, évoqué lors de l’audience et portant sur la valeur des ventes à prendre en considération pour le calcul du montant de base de l’amende

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des formes substantielles, d’une erreur de fait ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission a refusé de tenir compte de l’absence de capacité contributive de la requérante

Lignes directrices

Décision attaquée

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.